Description
Des loisirs collectifs aux loisirs privés, Les Baraquiers du Littoral
Dans le Languedoc et le Roussillon le tourisme est devenu un phénomène massif ; le littoral, en particulier, s’est totalement transformé sous l’effet des actions entreprises par l’état à travers la Mission Interministérielle d’Aménagement du Littoral, relayée par les collectivités locales au moyen des sociétés d’économie mixte qui, de Saint-Cyprien à la Grande-Motte, aménagent les stations nouvelles. Il était inévitable qu’une entreprise d’une telle ampleur bouleverse bien des choses, entre autres la manière dont les Languedociens et les Catalans avaient su, malgré les moustiques, organiser leurs loisirs sur le littoral. Une des formes les plus typiques de cette organisation des loisirs était ce qu’on appelle les « baraques », en planches ou en matériaux légers, et les paillottes en sanils où citadins et villageois allaient passer l’été au bord de la mer. Ces baraques n’étaient pas tout à fait conformes à ce que l’aménagement public souhaitait pour le littoral. Par exemple, dans un texte datant de 1972, sous le titre « Suppression des ensembles de baraques », l’auteur écrit : « La présence de nombreuses « habitations » édifiées depuis de nombreuses années sans infrastructure de base, au mépris des textes législatifs et réglementaires… pose un problème de rénovation qui a retenu l’attention des Pouvoirs Publics. Il s’agit parfois de villas ou de pavillons préfabriqués, mais surtout de baraques de toutes sortes en bois ou tôle, d’abris divers, etc. … toujours hétéroclites et insalubres formant même sur quelques points de la Côte de véritables bidonvilles composés chacun de centaines d’unités… il est hors de doute que ces installations vétustes mettent en danger la santé publique. Cet état de fait contrarie le développement touristique du littoral entravant ainsi l’effort considérable fait par l’État pour la mise en valeur de la Côte et la sauvegarde de ses richesses sites pittoresques, monuments historiques », etc. … « C’est dans cet esprit que la Mission pour l’Aménagement du littoral a pris la décision d’engager, en liaison avec les Pouvoirs Publics et Municipaux, une action en vue de résorber ces constructions inesthétiques. »
Il s’agissait là – indépendamment du projet de résorption, en grande partie réalisé d’ailleurs – d’une description partielle du phénomène « baraquier ». Mais, vus par les habitants, ces « ensembles de baraques », se présentent sous un aspect tout à fait différent. C’est cet aspect que nous voulons décrire. Auparavant il est nécessaire de le replacer dans son cadre d’origine.
CADRE NATUREL ET HISTORIQUE DU PHÉNOMÈNE BARAQUIER :
Jusqu’à l’aménagement touristique récent, le littoral du Languedoc et du Roussillon était en grande partie un littoral inhabité. Si on le compare à d’autres côtes, il n’a pas été, pendant longtemps sauf sur quelques points, un élément structurant de la région. Tant le Languedoc que le Roussillon, ne sont pas des régions maritimes ; leur population n’était pas tournée vers la mer. Une mer peu poissonneuse, une côte offrant peu d’abris naturels pour la navigation, battue par les vents, souvent marécageuse et donc longtemps insalubre, peu propice en définitive aux établissements humains, tout cela faisait du littoral une zone peu habitée. C’est sans doute cette situation, encore existante il y a quelques années dans plusieurs secteurs, qui rendait bon nombre des habitants sceptiques à l’égard des projets d’aménagement.
Sur cette côte libre et vide il existait cependant, toujours en dehors des quelques secteurs déjà urbanisés, des établissements temporaires. Ils étaient principalement le fait de pêcheurs, ainsi que l’écrit Doumenge : « Sur le littoral tout un peuple misérable et semi-nomade vivait de la pêche à la traîne en mer, ramenant surtout du maquereau à la belle saison. Au début de l’hiver ils allaient pratiquer une petite pêche en étang ou dans les embouchures pour capturer l’anguille ou le muge au moyen de lignes et quelquefois avec seulement un harpon-fourchette » … « A cette population qui ne quittait pratiquement jamais le milieu côtier venaient s’ajouter des pêcheurs des localités voisines de l’intérieur joignant, à la culture de la vigne, une petite activité de pêche, en mer à la belle saison, en étang en hiver » … « Une telle organisation réclamait des déplacements fréquents tout au long du littoral et des étangs, et l’expression la plus typique de cette vie semi-nomade, s’apparentant par bien des points à la cueillette primitive, résidait dans l’habitat » … « Un type d’habitation s’était peu à peu parfaitement adapté au milieu physique et aux exigences de l’économie humaine dans ces contrées dépourvues de ressources minérales cohérentes susceptibles de fournir les éléments d’une construction brute. C’est le monde végétal qui avait été naturellement mis à contribution. Les roseaux, dits « sanils », qui poussent en abondance au bord des étangs et des autres petits éléments de l’hydrographie locale s’offraient comme matière première facile à recueillir et de renouvellement indéfini pour la construction et la répartition de demeures légères ». […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1982 |
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Nombre de pages | 8 |
Auteur(s) | Jean-Claude BARTHEZ |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |