Découverte de l’Afrique Noire par Paul Vigné d’Octon
Découverte de l’Afrique Noire par Paul Vigné d’Octon
* Docteur d’État en Histoire
P. 65 à 76
Médecin militaire, Paul Vigné d’Octon fut envoyé par sa hiérarchie au Sénégal en décembre 1884. Il relate son arrivée et sa découverte de l’Afrique Noire dans des notes manuscrites regroupées aux archives départementales de l’Hérault sous la cote 1 E 1237. Ses propos à l’égard des Africains peuvent surprendre de la part de celui qui se révèlera comme un anticolonialiste.
Paul Vigné of Octon – his impressions of Senegal
As an army doctor, Paul Vigné of Octon was posted to Senegal in December 1884. He made handwritten notes about his arrival and discovery of sub-Saharan Africa that have been assembled in the Hérault departmental archives under the address 1E 1237. His remarks with regard to the Africans can be unsettling.
Los sentiments de Pau Vignéd’Octon sus Senegal
Medecin militar, Pau Vigné d’Octon es enviat per saier aquia a Senegal en decembre 1884. Conta son arribada e sa descobèrta de Africa Negradins de nòtas manuscritas reculhidas als Archius Departamentals jos la marca 1 E 1237. Son vejaire a prepaus dels Africans pòt susprene.
Descubrimiento del África negra por Paul Vigné de Octon
Un médico militar, Pablo Vigné de Octon fue enviado por su jerarquía a Senegal en diciembre de 1884. Relata su llegada y su descubrimiento del África negra en notas escritas a mano agrupadas en los archivos departamentales del Herault con el símbolo 1 E 1237. Sus comentarios sobre los africanos pueden ser sorprendentes por parte de quien resulta ser anticolonialista.
[ Texte intégral ]
Paul Vigné d’Octon naquit à Montpellier le 7 septembre 1859 dans une famille de boulangers amie du socialiste Jules Guesde. Après des études secondaires dans cette ville, nanti du baccalauréat, il fit des études de médecine à la Faculté, puis fréquenta l’École navale de Toulon. Il devint médecin militaire après avoir soutenu en novembre 1884 sa thèse de doctorat sur un sujet traitant des maladies nerveuses.
Après un premier séjour aux Antilles, il reçut l’ordre de s’embarquer pour le Sénégal le 1er décembre 1884. Rentré en France en 1888, il entra en politique et devint député du département de l’Hérault de 1893 à 1906, conseiller général et maire du petit village d’Octon (1896-1905) situé dans l’arrière-pays à 40 kms de Montpellier.
Écrivain de talent, auteur de nombreux romans, polémiste redoutable doté d’une prose virulente, ce républicain passionné très sensible à la détresse humaine devint un adversaire farouche de l’expansion coloniale, n’hésitant pas à pourfendre le « Parti colonial » dans deux célèbres pamphlets, la Gloire du Sabre (1900) et la Sueur du burnous (1911). Après la guerre de 1914-18, il accorda son soutien au jeune étudiant nationaliste vietnamien, Ngo Aïn Quoc devenu plus tard Ho chi Minh.
Il consacra les dernières années de sa vie à défendre l’idée du Naturisme dont il fut un fervent adepte dans sa maison d’Octon transformée en maison de repos. Il disparut à Octon en 1943. Il est inhumé dans le cimetière de son village.
On trouve dans les archives départementales de l’Hérault une centaine de feuillets de Vigné d’Octon regroupés par chapitres et consacrés à la découverte du Sénégal. Ils sont écrits à la plume, très lisibles. Leur lecture en est aisée tant le style est alerte et captivant 1.
Ce jeune médecin de vingt-cinq ans était de fort mauvaise humeur quand il s’embarqua le 1er décembre 1884 sur le navire de guerre L’Européen, transporteur de troupes, de canons et de chevaux. L’autorité militaire venait de refuser de prolonger le congé qu’il souhaitait pour poursuivre ses études auprès du Dr Charcot à l’hôpital de la Salpetrière. En outre le temps était épouvantable dans la ville de Brest lugubre dans la brume et la pluie. Ayant festoyé la veille à Paris jusqu’à une heure avancée de la nuit, il souffrait d’une forte migraine. Le voyage dura une dizaine de jours et la mer démontée le maintint reclus dans sa cabine pour tenter d’apaiser les nausées qui lui soulevaient l’estomac. Le temps plus clément à l’escale de Santa Cruz de Ténériffe dans l’archipel portugais de Madère lui rendit un peu de sérénité d’autant que la sortie au bal des Casinos avec les officiers du navire fut bien arrosée.
Son texte décrit son arrivée à Dakar et son parcours en train jusqu’ à Saint Louis du Sénégal capitale de la colonie. Pour ma part, j’ai effectué ce trajet par la route très souvent lors de mon long séjour au Sénégal en qualité d’enseignant. Ce fut l’une des périodes les plus exaltantes de ma vie.
Tendu, Vigné d’Octon regrettait d’avoir été contraint de quitter son Languedoc natal. La véritable raison de cette morosité était l’échec de sa demande en mariage de Madeleine, jeune fille d’un notaire d’Octon. Celui-ci n’avait pas voulu de mésalliance avec ce militaire un peu exalté, anticlérical par surcroît. Il préféra de la voir mariée avec un jeune avocat de Lodève. Dès qu’il apprit son veuvage, il rentra en France en 1888, se maria avec sa promise et démissionna de l’armée.
Quand le navire pénétra dans la rade de Dakar, Paul Vigné d’Octon était submergé par la tristesse au moment où son regard se posa sur la côte plate et grise de la presqu’île du Cap Vert.
« Six heures du soir, l’Européen pénètre dans les eaux de Dakar. Un calme majestueux plane sur la rade, le ciel d’un bleu intense s’y reflète avec ses légers cirrus floconneux qu’une brise insensible emporte au large […]. Ce premier paysage africain est profondément triste : de son austère monotonie s’exhale une impression poignante 2 ».
Le spectacle des mendiants entassés dans des dizaines de pirogues pour quémander des pièces l’irritait : « Nous n’avons pas encore mis les pieds à terre que nous sommes en proie à l’écœurante mendicité d’une nombreuse engeance noire dont les pirogues longues et étroites assaillent les flancs du navire avant même qu’il ait jeté l’ancre […]. Je ne m’attarderai pas ici à décrire les prouesses de nautiques de tous ces négrillons, leurs plongeons fantastiques à la recherche d’une pièce d’argent […]. Il faut dire qu’étant un navire de guerre, il inspire une respectueuse frayeur à tous ces moricauds et nous sommes moins harcelés que les passagers du paquebot des Messageries maritimes qui est entré en rade en même temps que nous. Dès que la libre pratique a été accordée, le bord est envahi par de grands diables noirs à faces simiesques. Ils offrent aux passagers des armes du pays, des calebasses grossièrement sculptées et autres objets de bien mince valeur pour lesquels ils demandent des prix fabuleux 3 ».
La visite en compagnie du médecin qui l’héberge au chef de la communauté des Lébous le dérida un peu.
« La personne de S.M Dial Diop que l’on continue d’appeler un peu ironiquement le roi de Dakar ne manque pas d’un certain caractère ; la physionomie respire la douceur, et c’est avec une affectueuse familiarité qu’il tend au visiteur sa main noire. Et si directement alors on lui glisse une petite pièce blanche, un sourire de béatitude entrouvre ses lèvres lippues et un intense craquement de mâchoires annonce qu’il vous remercie profondément ».
Les Lébous sont des pêcheurs de la presqu’île du Cap Vert. En 1790, ils avaient obtenu leur indépendance de la part du roi du Cayor et créé une sorte de petite république gouvernée par une lignée de religieux musulmans, les Serignes Ndakarou.
L’îlot basaltique de Gorée occupé successivement par les Portugais, les Hollandais et les Français avait servi longtemps de point de regroupement et de départ pour des dizaines de milliers d’esclaves en partance vers les Amériques.
Installés dans l’îlot de Gorée situé dans la rade de Dakar, les troupes françaises avaient pris possession de la côte en 1857. Un petit fort y avait été construit. Les travaux du port de Dakar commencèrent en 1860.
En quittant le port pour monter sur le plateau de la petite ville de Dakar, Paul déboucha sur le marché local installé sur une place carrée envahie par le sable comme la plupart des rues avoisinantes et encadrée par des constructions européennes. En attendant son affectation, il allait se promener dans les dunes proches de la cité pour tromper sa mélancolie et profita de son séjour pour visiter l’îlot de Gorée.
« … Depuis bientôt trois mois je foule le sable aveuglant des dunes interminables qui entourent d’un côté la ville embryonnaire de Dakar. Depuis trois mois, je fais en songeant à la France, de mélancoliques promenades dans des rues désertes où l’on ne rencontre que noirs malpropres et chiens galeux. Je n’ai d’autre ressource quand je suis fatigué que de me reposer à l’ombre d’un baobab grotesquement classique 4 ».
Il le reconnaitra un peu plus tard, cette première impression n’était pas gaie. « Cependant, je ne tardai pas à me laisser séduire par l’étrangeté même de ce milieu sénégambien et c’est avec un intérêt passionné que j’ai suivi depuis ce moment les phases rapides de l’éclosion d’une ville dont l’avenir est assuré, croyons-nous par la plus belle rade de la Côte occidentale d’Afrique 5 ».
Il visita avec son hôte le futur hôpital de la ville dont la construction n’était pas achevée. « C’était au bout de la presque île à près d’un kilomètre du village où nous étions, un monument étrange, inachevé étalant sous le brulant soleil d’Afrique ses pavillons massifs et ses lourdes arcades blanchies à la chaux affectant un faux air de style mauresque qui témoignait hautement de la naïve ignorance de constructeurs. De loin et au soleil couchant, cela m’apparaissait noyé dans les brumes du crépuscule comme une forteresse turque tant son aspect était farouche et presque oriental. De près et en plein jour, on se serait cru indifféremment devant une mosquée, une ferme-modèle, ou un bazar arabe 6 ».
L’église de Dakar lui apparut comme un vaste hall surmonté d’une façon de minaret. « Sous la croix fort petite qui orne le fronton, on pourrait tout aussi bien la prendre pour une mosquée. Ceux qui ont été chargés de sa construction ne devaient pas avoir une foi bien grande dans l’avenir du catholicisme à Dakar […]. Les Pères du Saint Esprit qui sont chargés des missions de la Sénégambie et ont une maison importante avouent eux-mêmes leur impuissance contre l’envahissement du mahométisme. Le nombre de leurs prosélytes est bien restreint et leur église est la plupart du temps déserte 7 ».
Le train qui le transporta à St Louis capitale du Sénégal lui offrit sur 264 kilomètres le paysage du Cayor « d’une teinte grise de poussière dont la seule vue donne soif. Grise la masse profonde des broussailles qui s’étend à l’infini avec par endroits les longues taches noires des lougans (terres cultivées) […]. Six heures sonnent : le sifflet de la machine retentit plus strident comme un appel désespéré à tous les noirs voyageurs qui ne comprennent pas, ne sont jamais pressés, continuent leur salam. Le Chef de gare et ses aides se donnent un mal incroyable pour faire monter tout ce monde dans les compartiments 8 ».
« Le soleil est déjà très haut sur l’horizon quand nous entrons dans la forêt de Pout. Avant mon arrivée au Sénégal, je me figurais et beaucoup de personnes se figurent encore que le Cayor est un désert, une façon de Sahara minuscule qui ne possèderait pas d’oasis […]. Comme on est heureusement détrompé à quelques kilomètres de Rufisque à partir de Sébikotane. Partout ici en effet, la forêt est épaisse, présentant par endroit des taillis inextricables. Le palmier domine… 9 ».
Les baobabs de la région de Thiès le déçurent avec leurs troncs énormes et leurs petites branches dépourvues de feuilles en saison sèche. « Si dans un livre, ou ailleurs écrit-il à un ami, on te parle de l’ombre bienfaisante de la frondaison touffue des gigantesques baobabs, de la grande majesté de ces rois de la forêt, ferme je te prie ce bouquin fantaisiste. L’auteur est sûrement un farceur qui joue de ta crédulité. Le majestueux baobab n’est qu’un arbre bouffi, rugueux, poussiéreux […]. Ses branches toujours nues avec leurs fruits bizarres penchés vers la terre ont l’air de pluies de larmes qui ne veulent pas tomber… 10 ».
Tivaouane était un centre commercial presque aussi important que Thiès sur l’initiative des commerçants de Rufisque. Il était devenu une véritable bourgade européenne, un point commercial où chaque année se traitaient des affaires considérables en arachides. En gare de la cité, Vigné observa une foule importante venue accueillir Samba Laobé Fall le damel du Cayor, le roi, (Celui qui brise).
« Presque aussitôt j’aperçois débordant du sentier broussailleux qui va de la gare au village une masse grotesque informe dans l’aveuglante lumière. Elle s’avance vers le train avec le dandinement lourd d’un dromadaire. Elle est précédée d’un cavalier juché sur un zébu. Ce singulier cavalier appartient à la suite du damel. C’est un tiédo, c’est-à-dire un guerrier. Les tiédos dont nos dernières colonnes ont amoindri l’influence, grands buveurs de sangara 11, fainéants et pillards, assez peu courageux devant des troupes disciplinées, vendant leurs services aux plus offrants sont de véritables condottieres de la brousse et ont été pendant longtemps la plus cruelle plaie du Cayor. Le damel du Cayor, est en visite chez un des traitants considérables de Tivaouane dont nous apercevons la case surmontée d’un drapeau tricolore 12 ». « Les populations de cette partie du Cayor dont les aptitudes et les gouts agricoles sont depuis longtemps connus, ayant enfin trouvé la sécurité, n’ayant plus à craindre les rapines régulières des tiédos se sont massées autour des puits creusés 13 ».
Le Cayor était un des royaumes wolofs les plus puissants du Sénégal. Son armée était redoutable et les heurts avaient été violents entre les tiédos fétichistes et les musulmans. La royauté se transmettait par succession matrilinéaire, d’où la grande influence des femmes dans la vie politique. Un Conseil de représentants de chaque couche sociale composé de sept notables était habilité à choisir le damel parmi les candidats issus de la famille royale. Une fois désigné le roi nommait les chefs des provinces. La société était hiérarchisée entre nobles, paysans et esclaves. Les paysans cultivaient la terre, payaient l’impôt en nature pour éviter les représailles de la part des tiédos. Le Cayor pratiquait le commerce de la gomme arabique avec les autres pays africains, les Maures et les Européens 14.
En 1856, les Français demandèrent au damel la permission d’installer une ligne télégraphique entre Saint-Louis et Dakar. Après avoir refusé, il se ravisa et mourut en 1859, avant la signature de l’accord. Le nouveau damel refusa de l’entériner. Faidherbe alors gouverneur du Sénégal décida de s’en débarrasser. Le 5 mars 1861, avec 1200 hommes, il incendia sa capitale Nguiguis et le contraignit à s’enfuir. Il en imposa un autre, plus conciliant Madiodio, avec l’accord du Conseil des notables. Celui-ci autorisa la construction de la ligne télégraphique au grand mécontentement d’un membre de sa famille, Lat Dior. Le jeune homme entra en rébellion.
En 1863, Faidherbe rétablit son protégé et confia à son adjoint Émile Pinet-Laprade le soin de redresser la situation. La confrontation entre les tiédos de Lat Dior et les spahis de Pinet-Laprade eut lieu le 16 janvier 1864. Vaincu par la force des armes et la supériorité numérique, Lat Dior battit en retraite vers le Sud. Madiodio incompétent fut alors déposé et le Cayor fut divisé en cantons et rattaché à la colonie du Sénégal. À la suite de la défaite française face aux armées allemandes en 1870-1871, les Français affaiblis par la guerre, finirent par reconnaître le pouvoir de Lat Dior.
Lat Dior vécut alors avec les Français dans un état de paix armée. L’État français organisa en 1880 un concours ouvert aux entreprises françaises pour proposer des projets d’une voie ferrée de 265 km entre Dakar et Saint Louis. La Société de construction des Batignolles obtint la concession pour 99 ans confirmée par la loi du 29 juin 1882. L’exploitation de la future ligne fut accordée en 1883 à une société anonyme, la Compagnie du Chemin de fer de Dakar à Saint Louis.
Lat Dior hésitait entre des avis divergents. Le camp des tiédos autour de son neveu et héritier Samba Laobé Fall était hostile à la voie ferrée. Un autre, constitué par des marabouts musulmans et des cultivateurs arachidiers y était plutôt favorable.
Le souverain prit conscience que les exigences des autorités de Saint Louis n’auraient plus de limites. La présence d’un trafic commercial par chemin de fer à travers son territoire risquait incontestablement de poser tôt ou tard le problème de sa souveraineté. L’interprète officiel du gouverneur Bouel Mogdad, l’assurait qu’il n’en serait rien. Il avait tout intérêt à signer une convention pour développer économiquement le Cayor avec l’expansion de l’arachide.
Si Lat Dior devait compter avec la position de son neveu Samba Laobé Fall, il lui était difficile de négliger celle des notables, membres du « Parti français ». Un conflit faillit éclater. Après avoir hésité, influencé par les marabouts musulmans, le damel se laissa convaincre et donna son accord le 10 septembre 1879. Les articles du traité rappelaient explicitement que les Français l’avaient reconnu en 1871 comme souverain du Cayor et qu’ils s’étaient engagés à le soutenir contre toute agression extérieure. En outre si des sujets étaient amenés à contester son autorité, ils ne pourraient pas se réfugier dans les parties concédées pour la construction du chemin de fer.
En mai 1881, Lat Dior dénonça le traité de 1879. « Nous avons appris que l’émir de Ndar a l’intention de commencer les travaux du chemin de fer dans le Cayor. Je m’y refuse absolument et n’y consentirai jamais […]. S’il est vrai que le gouverneur veut commencer les travaux du chemin de fer dans le Cayor. Je quitterai le Cayor, le rendrai désert. Tout le monde le quittera avec moi et on n’y cultivera point. Les travaux commencèrent malgré tout au mois de juin 1882. Les tiédos entreprirent quelques pillages.
Le 23 novembre 1882, une colonne militaire entra au Cayor 15. Ne parvenant pas à entrer en contact avec le souverain parti en direction du Sud, le gouverneur imposa le 16 janvier 1883 la nomination d’un nouveau damel en la personne d’un cousin de Lat Dior, puis il le remplaça le 29 août 1883 par Samba Laobé Fall, plus jeune, énergique et surtout très ambitieux.
Des paysans dépossédés de leurs champs manifestèrent leur mécontentement en attaquant les ouvriers chargés de poser la voie. Le 19 février 1885, le train dérailla, provoquant la mort d’un enfant et trois blessés graves. Le 8 mars 1885, lors du passage du train n° 2 au PK 1824, des jets de projectiles divers furent lancés sur le convoi par « des Noirs déjà assez grands ». Des incidents mirent aux prises les hommes du nouveau damel avec des employés. Des actes de sabotage comme la pose de branches d’arbre sur la voie ou des briquettes de charbon envenimèrent la situation.
Description du Cayor par Vigné d’Octon : « Le pays que je vais essayer de raconter a été depuis longtemps parcouru en tous sens par de nombreux officiers qui en ont dressé des cartes d’une remarquable exactitude. Nos colonne y ont marqué souvent les étapes glorieuses, des cadavres de nos soldats, et l’on pourrait en ce moment, sans chercher bien longtemps y découvrir le sillon sanglant de la dernière. Enfin grâce à ces héroïques efforts, on peut aujourd’hui traverser le Cayor sans courir aucun risque pour sa vie en jouissant même d’un certain confort sur un railway qui comme régularité du service, bienveillance des employés n’a rien à envier à n’importe quelle ligne régulière de France […]. Si vous tenez au pittoresque terrible, vous pourriez vous rappeler qu’il n’y a pas longtemps encore, des troupeaux de grands bœufs à bosse, aux cornes démesurément longues, surexcités par l’épouvante chargeaient avec un entrain terrible la locomotive, freinant, grondant et sifflant en vain et parvenaient à le faire dérailler. De temps à autre aussi de la brousse voisine partaient soudain quelques coups de fusil et lorsqu’il arrivait au début, une balle s’égarait sur la poitrine du mécanicien, le train demeurait de longues heures en détresse 16 ».
De nouvelles négociations s’ouvrirent entre les administrateurs et Samba Laobé Fall. En contrepartie de l’extension des terrains réservés à la compagnie autour des gares, le damel obtint la gratuité du parcours sur toute la ligne pour sa personne et sa suite de 20 personnes. La ligne ferroviaire fut inaugurée en juillet 1885. Les Français contraignirent leur protégé à accepter la présence à ses côtés d’un Résident français pour lui éviter de prendre des initiatives irréfléchies. Humilié, Samba Laobé Fall se rendit à Tivaouane pour mettre à contribution les commerçants français de la ville. Suite à leur plainte, un escadron de spahis commandé par le capitaine Spitzer partit pour une mission de conciliation. Il trouva le damel sur son cheval entouré de ses guerriers.
Vigné d’Octon relate le fait.
« Depuis déjà quelques temps au mépris des traités et des conventions librement consentis par lui, le damel soumettait à d’incessantes vexations les commerçants français établis dans ses États. A la suite des plaintes, le gouverneur envoya une compagnie de spahis à N’Dandé proche de Tivaouane pour intervenir en cas de besoin. Quand un nouveau litige au sujet des droits de la Compagnie de Chemin de fer éclata, le gouverneur envoya auprès du damel installé provisoirement à Tivaouane, son aide de camp, le capitaine Spitzer. Le damel reçut froidement les avances du capitaine l’invitant au palabre au nom du gouverneur et refusa d’aller vers lui. M Spitzer accompagné du lieutenant Charvet et de ses hommes résolut de faire le premier pas. Samba Laobé Fall entouré de ses cavaliers résolut d’en faire autant.
Une fois en présence, un spahi interprète fut détaché pour renouveler au damel l’invitation du capitaine. Le malheureux n’avait pas fait trois pas qu’il tombait frappé d’un coup de feu parti de l’escorte royale .Le moment était critique, les cavaliers du roi étaient bien plus nombreux que nos spahis. « Décidément il faut charger dit simplement M Spitzer au lieutenant 17 ».
Les spahis se lancèrent à l’assaut. Le lieutenant Charvet qui s’opposait au damel et qui tentait de faire feu lui passa son sabre à travers la poitrine le 6 octobre 1886.
Satisfait du sort infligé à son neveu félon, Lat Dior crut un moment qu’on allait lui permettre de retrouver son trône. Condamné désormais à un exil définitif, il décida de résister. Il se dirigea d’abord vers le Nord pour faire croire qu’il allait se retirer, puis rebroussa chemin pour s’établir avec ses combattants dans sa région natale près du puits de Dékheulé. La bataille lui fut fatale.
Il perdit la vie le 27 octobre 1886. Il est considéré par les Sénégalais comme un de leurs plus éminents résistants. Vigné d’Octon s’exclame :
« De cette impitoyable brousse, de combien d’héroïsmes inconnus n’a-t-elle pas été le témoin ? Elle est toujours altérée du sang de nos soldats, cette terre brûlante du Cayor ! Mekhé, Coki, Dialakhar, Nguilk, Louga, Mpal, Ngolgol, autant de souvenirs tantôt glorieux, tantôt lugubres, toujours sanglants d’une conquête encore inachevée ! 18 ».
Poursuivant son voyage en direction de Saint Louis, Vigné d’Octon relate la juiverie (sic) de certains traitants noirs encouragés par des Européens. Ils spolient les paysans venus leur vendre leurs graines d’arachides et de mils. « Par des moyens détournés et surtout en les gorgeant d’alcool, les traitants savent bien les engager à se débarrasser de leurs réserves. Lorsque le moment de semer est arrivé, les malheureux imprudents s’en viennent retrouver le traitant qui leur revend au poids de l’or la quantité de graines nécessaires à l’ensemencement de leurs lougans. S’ils ne peuvent payer, le traitant se réserve une part léonine sur la récolte à venir. Beaucoup de ces pauvres indigènes découragés par cette odieuse spoliation ne sèment plus. »
Enfin voici St Louis dont les blanches terrasses pâlissent au soleil couchant : « Une mosquée paraît dont un frêle palmier abrite l’enceinte découverte. Elle est quelconque, semblable à celles que l’on rencontre à chaque pas dans l’aride plaine sénégambienne 19 […]. Le train roule maintenant sur le pont de Leybar, long de 120 mètres. Des deux côtés la nappe du marigot s’étend limpide, immobile, ensanglantée par les dernières lueurs du soleil dont le globe rouge s’éteint lentement derrière les palmiers de Sor […]. Il est 6 h 30 quand nous descendons de voiture. Nous nous acheminons à pied vers la ville. Après la platitude morne de Leybar, Sor, triste oasis où des bouquets de palmier abritent des maisons européennes perdues au milieu des cases ouoloves….
Sor ! Il y a quelque chose de sinistre en cette gutturale syllabe En vain certaines maisons élégamment construites affectent des allures de chalets suisses entourés de jardins où poussent avec des légumes étiolés quelques pâles fleurs de France […]. Une vague tristesse vous saisit involontairement, vous éprouvez l’angoissante sensation de l’exil…
Me voilà à présent sur le pont Faidherbe […]. Construit sur pilotis avec soutènement de bateaux, il mesure 650 mètres […]. Des parties mobiles permettent le passage aux navires de fort tonnage… Et ainsi devant Saint Louis, cette ville de la mer qui se meurt, on a la vision de la ville du désert de Tombouctou encore remplie de mystère et peut être aussi de mystifications […]. Sur notre gauche, un peu en aval du pont, le nouveau bâtiment du Conseil Général apparait avec un faux air de temple grec se mirant dans les eaux d’un fleuve mythologique !
« Voici l’hôtel du gouvernement. Il aurait réellement grand air avec ses terrasses et ses galeries sans ce ridicule belvédère qui le coiffe comme un champignon. Devant s’étend une grande place entourée de casernes aussi monumentales que malsaines et sur laquelle se dresse martiale au milieu des palmiers la statue du héros de Bapaume et de Médine (Faidherbe). Un pont en bois de 200 mètres fait suite à cette place et relie Saint Louis à la langue de Barbarie 20 ».
« Dans cette ville batarde qui a les allures des cités d’Orient sans leur originale munificence qui rappelle les grandes agglomérations du désert, on se sent pris d’étonnement quand l’embrasement du soleil levant transforme en palais féérique ses masures croulantes, en portiques de marbre et en majestueuses colonnades les piliers vermoulus de ses misérables varangues […]. Saint Louis la sablonneuse semble surgir dans le flamboiement de ses sables comme une de ces villes que des civilisations disparues ont abandonné dans les dunes de l’inexploré Sahara. Oh ! L’impression pénible, écrasante de ce milieu du jour ! En vain quelques temps on se débat sous cet angoissant hypnotisme de Midi, on ne tarde pas à s’endormir du sommeil lourd, profond sans rêves de la sieste. 21 »
Il décrit les Africains :
« Voyez ces groupes de Maures sales, loqueteux, couverts de crasse, leurs longs cheveux embroussaillés et grouillants de vermine. Ils passent rapides, pressés, les yeux fixés en terre, leur noire gandourah ramenée comme ayant hâte de traverser un endroit dangereux, impur. Quelques-uns se bouchent le nez avec leurs mains maigres et rouges, d’autres ouvrent leur bouche et leurs narines avec le lambeau d’étoffe sombre qui leur sort du turban. Tous sous leur masque impassible ont une haine profonde pour tout ce qu’ils voient autour d’eux, pour nos maisons de pierre, pour nos rues, nos promenades, et nos vapeurs qui sillonnent le fleuve 22 ».
Les Peulhs, ces hommes rouges aux longs cheveux luisants et ondulés, aux traits réguliers aux extrémités fines qui d’une allure inquiète sont en ce moment dans Saint Louis poussent devant eux des troupeaux énormes de bœufs à bosse, les zébus.
Observez-les attentivement. Ils regardent à droite à gauche craintifs et ahuris. Ils hésitent longtemps et ce n’est qu’après un long palabre entre eux qu’ils se décident à entrer dans tel magasin ou dans tel bazar, ayant la méfiance instinctive du Blanc. Ils sont venus du Fouta 23 parce qu’ils savent qu’à Ndar, ils pourront vendre leurs bœufs à des prix considérables et acheter du tabac, de la poudre, des tissus et mille autre choses que l’on ne trouve pas au Fouta. Mais dès qu’ils auront conclu leurs marchés, ils regagneront bien vite leurs villages de ce même pas timoré, accompagnés de leurs femmes belles sous leur masque sombre 24 ».
De même pour ces grands sarakolés de stature superbe allant et venant, bruyants affairés, à travers les rues et les places. D’ici quelques jours, piqués par la tarentule des voyages, ces Dioulas 25 infatigables – au Nord, au Sud, à l’Est, disséminant aux quatre coins du Soudan occidental, nos objets de troque, nos tissus et aujourd’hui les fusils de la poudre et des balles, pour les fatales guerres saintes…
Que reste-t-il donc dans la ville ? Quels sont les vrais habitants ? Quelques centaines de pêcheurs ouolofs, toujours penchés sur les brisants, vivant de la mer et des fleuves dans leurs huttes pointues de Guet N’dar et N’dar Toute. Ce sont les descendants des anciens possesseurs du pays. D’autres Noirs européanisés qu’on appelait autrefois des Gourmettes et qui font peine à voir dans l’imitation maladroite de nos usages et de nos mœurs et dont la descendance tous les jours s’éteignant frappée d’une stérilité… Restent un certain nombre de commerçants européens auxquels de brillantes affaires fait un moment oublier les joies de la patrie, des officiers navrés d’un exil de deux ans passés à regretter la France et des fonctionnaires plus mélancoliques encore […]. Et les toilettes de leurs femmes dont quelques-unes portent encore des traces d’un long séjour dans les malles exhalant une pénétrante odeur de camphre et de verveine, leurs tournures et le froufrou depuis longtemps imperçu de leurs traines vous reposent un moment des oripeaux bigarres des négresses de leur obscène et sempiternel pagne étriqué collant aux fesses.[…].
Des vieillards pouilleux quittent leurs poses accroupies. Ils s’en vont à l’appel du mufti à la mosquée dont les murs blancs nous apparaissent légèrement tentés de rose par le soleil couchant. Et en voyant l’air farouche, les mystérieuses allures qu’ils prennent en entrant dans le petit monument insignifiant d’aspect, aux portiques bas, au minaret sans grâce et sans style, on ne peut s’empêcher de songer que c’est là l’arrêt de mort de notre influence. Ce n’est pas que je crois à l’efficacité plus grande dans le but poursuivi de l’Église qui s’élève plus monumentale au centre de la ville. Non ! Le fanatisme quelle que soit son origine est funeste aux populations primitives comme aux vieilles sociétés 26 ».
Vigné finit par prendre son poste à l’hôpital maritime de Saint Louis encombré de vieux soldats anémiés, de quelques blessés lors des récentes colonnes et de jeunes recrues déjà fortement impaludées. « Commence alors la triste et morne vie de garnison 27. Le moins qu’on puisse dire, son premier contact avec l’Afrique est loin d’être enthousiaste.
C’est à partir de la côte sénégalaise que les Français précédés par les Portugais au XVe siècle avaient installé quelques comptoirs au XVIIe siècle. Saint Louis fondée en 1659, dans l’île de N’Dar au milieu de l’estuaire du fleuve Sénégal, constituait une base de départ pour le commerce des peaux et de la gomme arabique. Quelques traitants français y vivaient avec des femmes wolofs. Ils engendrèrent une population de mulâtres.
Les Français construisirent à Saint Louis des maisons à étage avec magasins au rez-de-chaussée et des habitations familiales au premier. À cette époque des femmes africaines ou métisses, les célèbres signares (senhoras en portugais) instruites pour la plupart par les religieuses missionnaires étaient introduites dans le monde des affaires et y assumaient un rôle important.
Sous la Deuxième République (1848-1851), les gouvernements envisagèrent un nouveau programme d’action au Sénégal. Il s’agissait de mettre fin aux incursions des populations locales et maures qui entravaient le commerce.
Quand Faidherbe arriva à Saint Louis en 1861 28, le pays apparaissait avec les paysages qu’on lui connaît aujourd’hui, une steppe très sèche de novembre à juin sur la quasi-totalité des espaces avec une limite sahélienne au nord, le long du fleuve Sénégal et une région pré-forestière en Casamance au sud et dans le sud-est. Les populations étaient musulmanes en majorité.
Le groupe Wolof le plus important cohabitait avec les Toucouleurs du Fleuve, les Sérères du Sine, du Saloum, les Mandingues du centre et du sud. Au sud du fleuve Gambie, les Mandingues djihadistes de Casamance tentaient d’islamiser les Diolas animistes de Basse Casamance.
L’unité sénégalaise au nord du fleuve gambien réalisée par les Wolofs dans l’empire djolof disparut au XVIe siècle à la suite de querelles intestines. Le pays se divisa en plusieurs royaumes. L’islam propagé par des marabouts mandingues, toucouleurs et maures venus s’installer au Djolof coexista longtemps avec la tradition tiédo, religion fétichiste des Wolofs avant de la supplanter.
Au cours de l’une de ses gardes de nuit à l’hôpital de St Louis, Vigné fit la connaissance d’un jeune soldat originaire de la vallée du Salagou proche d’Octon qui souffrait d’une grave crise de paludisme. Etienne Fulcrand Crebassat dit Tiennet était un peu simplet. Ses camarades du 2e régiment d’infanterie de marine le tourmentaient et le major le prit sous sa protection en participant à ses côtés aux colonnes qui poursuivaient les partisans de Lat Dior.
Il en conçut un roman qui se termine ainsi 29. « Un soir, la colonne s’arrêta pour bivouaquer. Le pays n’était pas sûr et la troupe prit ses dispositions pour éviter une attaque nocturne. Pendant la nuit Tiennet sortit de la tente et s’adossa à un palmier pour jouer sur sa flûte, « Il est né le divin Enfant ». Encerclé par des Sénégalais il eut le temps de donner l’alerte avant de s’écrouler, la poitrine percée de coups de lances. Le camp réveillé repoussa l’attaque et les soldats partirent à la poursuite des assiégeants. Pendant ce temps, les poumons perforés, le jeune homme mortellement blessé rendit le dernier soupir dans les bras du docteur, regrettant de ne plus revoir Marion sa promise qui l’attendait au pays cévenol. A l’aube la troupe revint avec soixante prisonniers dont un des principaux ministres de Lat Dior.
En sa qualité de médecin, Paul suivit plusieurs colonnes au Soudan occidental (Mali actuel) et dans les Rivières du Sud. Par une chaleur torride il subit les longues marches épuisantes, la torture de la soif, les crises de dysenterie, les accès de paludisme qui se conjuguaient avec les escarmouches contre un adversaire qui défendait âprement son territoire. Doté d’une résistance physique peu commune, il avait déjà défié la fièvre jaune en Guadeloupe, maladie presque toujours mortelle qui lui laissa comme séquelle la surdité qui s’aggrava avec les années. Sensible à la souffrance des autres, sa compassion était immense pour les jeunes soldats qui mouraient en terre étrangère pour une cause dont ils comprenaient rarement les motifs. En 1886, désabusé, Paul demanda un congé sans solde de trois ans que l’administration lui accorda sans difficulté pour travailler en qualité de médecin au service de la Compagnie de chemin de fer Dakar-St Louis avec un salaire triple.
« …O ! Les rêves de gloire que je faisais naguère après ma sortie de l’école dans ma chambre meublée de Toulon. O ! Les songes dorés comme des épaulettes, qu’êtes-vous devenus ? Les yeux sur la carte d’Afrique, d’un matin à la nuit, j’étais séduit alors par ces mots de Soudan, de Niger, des Rivières du Sud, par tout ce prestige et cette puissance attirants qu’exercent sur l’esprit d’un jeune homme virilement élevé les aventures militaires dans les lointains mystérieux… 30 ».
Ce qu’il avait vu sur le terrain était loin de correspondre à ses vues. Dès lors, il devint hostile à la hiérarchie militaire, scandalisé par les méthodes brutales d’officiers comme Borgnis-Desbordes et Archinard qui loin de Paris se comportaient comme des proconsuls. Cependant comme beaucoup de ses contemporains, il partageait les préjugés raciaux de son époque et s’il défendait avec passion les Africains contre les exactions dont ils étaient victimes, il ne leur accordait pas beaucoup de considération.
Il voyait chez les auxiliaires des troupes françaises un monde de convoitises s’éveillant dans « leur cerveau fruste derrière leur front bas et fuyant ; des désirs inconnus, tumultueux, élargissent leurs jaunes prunelles et mettent une bave abondante à leurs lèvres lippues. Avoir toujours été l’esclave d’un autre et condamné aux plus durs travaux, n’avoir jamais eu ni enfants, ni femmes, ni de quoi se vêtir, ni de quoi manger, et voir tout d’un coup luire l’espérance de devenir l’égal du vétéran, dont les richesses visibles et palpables s’étalent devant eux, n’est-ce pas suffisant pour produire en ces créatures grossières, primitives, la transformation voulue ? Au bout de quelques jours l’instinct belliqueux de leur race aidant, elle sera complète et on n’aura plus à craindre ni escapades, ni défections » 31.
Les premières impressions de Vigné d’Octon peuvent surprendre. Sa prose pessimiste décrit une nature hostile. Il n’a aucune empathie pour les populations. Rien à voir ici avec l’écriture des pamphlets de la Gloire du Sabre et la Sueur du burnous. On aurait pu croire qu’avec le temps, sa vision des Africains aurait disparu. Pourtant, elle réapparut in extenso dans un article intitulé : « Une ville coloniale, Saint Louis du Sénégal » dans le Supplément du journal parisien la Lanterne du samedi 22 novembre 1913 32.
Anticolonialiste, Vigné d’Octon le fut. On relira avec intérêt les points de vue contradictoires de deux historiens de l’Afrique Noire, H. Brunchswig et J. Suret-Canale ainsi que celui de J. Sagnes 33.
BIBLIOGRAPHIE
* Cahiers d’Études africaines, Année 1974, pp. 265-298.
* Suret-Canale Jean, A propos de Vigné d’Octon : peut-on parler d’anticolonialisme avant 1914 ? Cahiers d’Études africaines Année 1978 69-70 pp. 233-239.
* Brunschwig Henri, Vigné d’Octon et l’anticolonialisme sous la Troisième République (18711914). Cahiers d’Études africaines Année 1974 54 pp. 265-298.
* Suret-Canale Jean, A propos de Vigné d’Octon : peut-on parler d’anticolonialisme avant 1914 ? Cahiers d’Études africaines Année 1978 69-70 pp. 233-239.
* Sagnes Jean, Notice biographique sur Paul Vigné d’Octon dans le Dictionnaire du mouvement ouvrier français, 1871-1914, de Jean Maitron. Éditions Ouvrières, tome 15, 1977.
* Notice sur Paul Vigné d’Octon pour le Grand Dictionnaire encyclopédique Larousse. 1985, tome 10 du GDEL.
* « Montpellier dans la seconde moitié du XIXe siècle » d’après les souvenirs de Paul Vigné d’Octon »in Hommage à Jean Combes, Société archéologique de Montpellier, 1991.
* « Paul Vigné d’Octon, un anticolonialiste sous la Troisième République » in Ils voulaient changer le monde, Éditions du Mont, 2016. pp. 127-154.
* A propos de Vigné d’Octon, Études Héraultaises, N° 50, 2018.
* Rupp Marie Joëlle, Vigné d’Octon, Un utopiste contre les crimes de la République, Ibis Press, 2009.
* Roche Christian, Paul Vigné d’Octon, 1859-1943, Les combats d’un esprit libre de l’anticolonialisme au naturisme, L’Harmattan, 2009.
* Roche Christian, Les Résistances africaines aux conquêtes djihadistes et françaises du XIXe siècle, des rives du Sénégal, aux pays tchadiens, L’Harmattan, 2019.
NOTES
1. AD de l’Hérault, 1 E 1237.
2. AD de l’Hérault 1E 1237, Lettres du Sénégal.
3. Id.
4. Ibid.
5. Lettres du Sénégal, Chapitre III.
6. Id., Chapitre IV.
7. Id.
8. 1E1237. Impressions du Cayor.
9. Id.
10. 1 E 1237, Lettres du Sénégal.
11. Vin de palme.
12. Chapitre XV.
13. Chapitre XIV, p.
14. Diouf Mamadou, Le Kajoor au XIXe siècle : pouvoir ceddo et conquête coloniale, Karthala, Paris, 1990, 327 p.
15. La Campagne du Cayor en 1883 / Capitaine Dupré, avec une introduction par Alfred Martineau / Paris : Société de l’histoire des colonies françaises, 1934.
16. 1E 1237, Lettres du Sénégal.
17. Chapitre XV.
18. Chapitre XV.
19. 1 E 1237 id.
20. Allusion à la victoire de Faidherbe sur le conquérant djihadiste El Hadj Omar à Médine sur le Haut Sénégal en 1857.
21. Chapitre XXI.
22. Id.
23. Fouta : nom donné à la vallée moyenne du fleuve Sénégal.
24. Chapitre XXI.
25. Dioulas : commerçants itinérants en Afrique de l’Ouest.
26. Id.
27. 1 E 1200 Souvenirs de quarante ans de vie publique.
28. Coursier Alain, Faidherbe, Éditions Tallandier, 1989.
29. Tiennet l’innocent, Lemerre, Paris, 1893, rééd. 1928, Paris.
30. 1 E 1171. Extrait du Journal d’un marin.
31. La Gloire du Sabre, p. 70.
32. AD Hérault, 1 E 1309.
33. Brunschwig Henri, Vigné d’Octon et l’anticolonialisme sous la Troisième République (1871-1914).