Catégorie : Étiquette :

Description

D’Anseduna à Ensérune

* Professeur d’Études romanes, Department of Romance Studies,
K161 Klarman Hall, Cornell University, Ithaca, NY 14853-3201, USA.

Anseduna, le nom latin de l’oppidum préromain d’Ensérune dans l’Hérault apparaît pour la première fois en 899 dans un privilège par lequel le roi Charles III le Simple confirme au monastère de Saint-Chinian, également dans l’Hérault, la possession d’un grand nombre de propriétés dont l’une se trouve « in Narbonensi civitate… in alio loco ubi vocant Anseduna et Sigelona, cum ecclesia sancti Vincentii et sanctae Agnetis et sanctae Mariae » (« dans la ‘cité’ de Narbonne… dans un autre lieu qu’ils appellent Anseduna et Sigelona, avec l’église de Saint-Vincent et de Sainte-Agnès et de Sainte-Marie »). Puis, en 958, Aymeri, archevêque de Narbonne, donne au chapitre de l’église Saint-Paul de Narbonne son alleu appelé Amseduna avec l’église « quae illic est fundata in Sancti Vincentii honore » (« qui est fondée à cet endroit en l’honneur de saint Vincent »). Dans ces deux chartes, il s’agit de l’église fondée en 455 par le prêtre Otho et dédiée aux saints martyrs Vincent, Agnès et Eulalie. L’église s’élevait à Régimont (commune de Poilhes) au pied de la colline d’Ensérune, mais le nom de l’oppidum à cette époque n’est pas indiqué par l’inscription dédicatoire. Longtemps conservée à la ferme de Régimont après la démolition de l’église, l’inscription se trouve actuellement au Musée du Biterrois à Béziers. Frédéric-Paul Thiers pense que le nom Mariae dans le premier document est une erreur de transcription attribuable au caractère extrêmement fruste du mot Eulaliae gravé sur la plaque de marbre. À la suite de Charles Rostaing, Frank R. Hamlin est d’avis que le nom propre Anseduna est probablement « un dérivé, avec préfixe an-, du terme gaulois ou pré gaulois *seduna formé sur la base *set ‘hauteur’ ». Amsesuna (variante orthographique : Amsezuna) est attestée au début du XIIIe siècle et Amsuzena, avec métathèse des voyelles e et u, en 1298 et 1346, mais on relève la forme Anseruna en 1216, 1271 et 1296. Le d intervocalique se conserve parfois. On trouve Ansudene en 1344 et Ausedima (lire : -duna) en 1347-1375. La première attestation de la forme Ensérune date de 1585. Anseduna a dû passer à Ansezuna avant de devenir Anseruna par rhotacisme. Puisque d intervocalique tombe en ancien français et peut tomber en ancien occitan, le toponyme Anseüne dans les chansons de geste du cycle de Guillaume d’Orange provient vraisemblablement d’un nom propre occitan Anseüna attesté en Languedoc sous la forme Amseüna dans les Gesta Karoli Magni ad Carcassonam et Narbonam, rédigés au début du XIIIe siècle. Paul Meyer et Joseph Bédier ont identifié Anseüne avec Ensérune sans expliquer l’origine phonétique de la forme Anseüne.

Fondé dans la première moitié du VIe siècle avant J.-C., l’oppidum d’Ensérune fut abandonné dans la première moitié du Ier siècle de notre ère, mais les ruines ont donné lieu à une légende selon laquelle Garin d’Anseüne, l’un des six frères du Guillaume épique, y aurait possédé une place forte. Il est à noter qu’au Moyen Âge, à partir du IXe siècle, l’oppidum faisait partie de la vicomté et de l’archevêché de Narbonne et que dans le cycle de Guillaume, les sept frères sont tous fils du comte Aymeri de Narbonne. Garin s’appelle Garin d’Aussenne dans le Roman de Guillaume d’Orange, rédigé au milieu du XVe siècle, mais l’auteur anonyme de cette mise en prose de treize chansons du cycle semble avoir mal lu les lettres n et u du toponyme. Toutefois, les éditeurs du Roman disent que le texte est conservé par deux manuscrits seulement et que le scribe du manuscrit A, dont le manuscrit B n’est qu’une copie, trace les deux jambages de n et de u de telle manière qu’il est souvent difficile de distinguer entre les deux lettres. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2017

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Alice Mary COLBY-HALL

Disponibilité

Intégralement consultable en ligne, Produit téléchargeable au format pdf