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Description

Coup d’État du 2 décembre 1851… à Montpellier (Témoignage d’Eugène Guiter)

Alors que nous procédions, il y a quelques mois, à l’inventaire des cartons d’archives de la famille Guiter, en quête d’éventuels papiers se rapportant à notre étude du moment, notre attention se porta sur une enveloppe de petit format, très épaisse, sur laquelle on pouvait lire : « Document pour servir à l’histoire du coup d’État de 1851 ». A l’intérieur, 36 feuillets, (format 135 mm x 210 mm), rédigés d’une fine écriture, ne comportant nulle date de rédaction, et recelant le témoignage d’un « acteur et témoin dans la résistance provoquée par le coup d’État » du 2 décembre 1851 dans l’Hérault et plus particulièrement à Montpellier.

Avec ce document Eugène Guiter nous donnait à lire et à vivre la relation de son arrestation et celle de ses amis démocrates, les Digeon, les Lisbonne, les Gervais, les Baume, etc., le 3 décembre 1851 dans la salle du Manège à Montpellier ; à lire et à vivre la situation qui leur fut faite plusieurs mois durant dans les geôles de la ville et les tourments qu’ils endurèrent, incertains qu’ils étaient de leur sort.

Si l’arrestation de la bourgeoisie dirigeante de la démocratie montpelliéraine nous était connue grâce au professeur Louis-J. Thomas qui, en 1933, dans l’un de ses articles en a fait, via les archives publiques, un récit détaillé, seules des archives privées, au-delà du motif évident du rassemblement, pouvaient nous renseigner sur ce qui se dit et se fit le 3 décembre. Alors que s’appuyant sur des sources administratives, Louis-J. Thomas, par la force des choses, abandonna la reconstitution des événements si l’on peut dire devant la porte de la prison centrale de Montpellier, les archives de la famille Guiter nous donnent à suivre des hommes dans leur vie quotidienne de détenus politiques.

Le domaine des archives publiques s’arrêtant là où commence celui des archives privées, il nous est apparu que cet inédit venant en complément de la contribution de M. Thomas, outre sa valeur intrinsèque, apportait sa modeste pierre à la connaissance d’un événement majeur dans l’histoire héraultaise du XIXe siècle. D’autant que le narrateur et les protagonistes de cette douloureuse expérience furent des hommes de premier plan au sein du mouvement républicain et de la vie politique dans le département des décennies durant.

Par-delà les années, Eugène Guiter, dans le style ampoulé de l’époque nous a légué un texte quelque peu teinté d’égotisme, mais un texte de passion et d’émotion qui nous apprend de l’intérieur la réalité des choses et les sensations des hommes. Avant de livrer l’intégralité de ce témoignage, nous nous devons de présenter son auteur, de retracer dans ses grandes lignes l’existence d’un homme, d’un bourgeois avancé, qui dévoua l’essentiel de sa vie à la cause républicaine dans ces temps pas si lointains ou la chose était assimilée à un délit de première importance.

I. Eugène Guiter, républicain

Eugène Guiter est né à Perpignan le 5 décembre 1822. Il est l’aîné (il n’eut qu’une sœur, Sophie) d’une honorable famille de la bourgeoisie roussillonnaise, viscéralement attachée aux idées démocratiques et à l’instauration de la République.

Petit neveu du conventionnel Joseph Guiter, il est le fils du notaire perpignanais Théodore Guiter ; une figure de proue – sinon la première – dans l’Histoire du mouvement républicain des Pyrénées-Orientales sous la monarchie de Juillet et Seconde République.

Jeune homme, Eugène Guiter part faire son droit à Paris, comme naguère son père. Sur les bancs de la faculté il se lie d’une profonde et durable amitié avec un étudiant qui, bien des années après, jouera un rôle politique dans l’histoire du pays : Émile Ollivier. (cf. en annexe quelques unes des lettres que Guiter lui adressa en 1852 du fond de sa prison).

Guiter se frotte à la vie politique roussillonnaise en 1845. Dans les derniers mois de cette année là il participe activement aux côtés de son père, de son oncle le médecin Paul Massot, de l’avocat Hippolyte Picas, mais aussi de quelques carlistes, dont l’imprimeur-libraire Jean-Baptiste Aizine, aux préparatifs de lancement d’un journal carlo-républicain : L’indépendant des Pyrénées-Orientales.

Organe de la bourgeoisie républicaine catalane, ce journal parait le 1er janvier 1846 avec la mission de soutenir la réélection de François Arago aux élections législatives d’août 1846 dans l’arrondissement de Perpignan. L’Indépendant dépassera très vite les limites dans lesquelles on l’avait cantonné pour devenir le fer de lance du mouvement démocratique roussillonnais dans la période 1846-1848 et le premier instrument efficace d’une radicalisation des masses catalanes.

Publiciste occasionnel du journal où il seconde à Pierre Lefranc, le rédacteur en chef, la Révolution de février propulse Eugène Guiter à des postes de responsabilités. C’est ainsi que le 26 février 1848 le jeune avocat est nommé membre de la Commission départementale provisoire des Pyrénées-Orientales, instance créée en remplacement du préfet démissionnaire. Le 8 juin, par l’entremise de François Arago, membre du Gouvernement provisoire de la toute jeune République et ministre de la Marine et de la Guerre, Guiter prend ses fonctions de préfet de l’Ardèche. Un poste qu’il occupera jusqu’au 10 janvier 1849, date à laquelle le ministère Barrot le renvoie pour n’avoir pas voulu dissoudre le Club républicain d’Aubenas.

Opposant à la politique personnelle de Louis-Napoléon Bonaparte, début 1851 il est sollicité par les démocrates de l’Hérault à la recherche d’un journaliste étranger au département capable d’assurer la continuité de leur journal. C’est ainsi qu’en mars 1851 la rédaction du Suffrage universel est confiée à Aristide Ollivier, le frère d’Émile Ollivier. Le 21 juin Ollivier trouve la mort dans un duel. Début août Guiter le remplace à la tête du journal républicain montpelliérain où il conduit une ardente campagne contre le régime bonapartiste. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1987

Nombre de pages

10

Auteur(s)

Gérard BONET

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf