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Description

Correspondance inédite d’un savant missionnaire montpelliérain,
aumônier des communards déportés en Nouvelle-Calédonie (1873-1880)

Il s’agit de présenter dans cet article, à travers une série de lettres personnelles, le regard subjectif que porte un Père mariste, Xavier Montrouzier, sur les déportés, les transportés, les colons, les soldats et les indigènes, l’évolution et le climat politique et social de Nouméa, l’Eglise et la franc-maçonnerie locales, entre 1873 et 1880. Pour bien comprendre la situation, plantons le décor.

Déportation et bagne

La déportation en Nouvelle-Calédonie revêt plusieurs formes selon qu’il s’agit de condamnés politiques, les uns, communards français, les autres, révoltés algériens, ou qu’il s’agit de forçats envoyés dans cette île, la plus éloignée de la métropole, pour doubler en quelque sorte le bagne de Cayenne qui cause bien des difficultés dues en partie « au climat trop humide, aux maladies et animaux dangereux ». Le bagne calédonien fut créé en 1863. Les premiers « transportés », prisonniers de droit commun, arrivés le 9 mai 1864 furent installés à l’Île Nou. Ce premier convoi était formé d’artisans spécialisés et d’ouvriers, destinés à ériger les bâtiments du pénitencier. Durant 33 ans, 75 convois amenèrent quelque 21 000 transportés. Ils ont largement contribué à la construction des locaux d’internement et de certains bâtiments importants, tels que le vieux Temple, la Cathédrale St Joseph, le bâtiment des douanes, la caserne Gally-Passebosc, le Centre Hospitalier Territorial, mais aussi au remblayage des baies de Nouméa.

Les conseils de guerre qui jugèrent les communards condamnèrent plus de 4 000 d’entre eux à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Après un temps passé sur des pontons portuaires ou dans des forts du littoral atlantique, ils furent embarqués sur des navires pour un voyage de cinq à six mois. Le premier convoi partit sur la Danaé le 3 mai 1872. Il arriva le 29 septembre à Nouméa. Les « déportés » furent répartis en trois catégories : 3 000 d’entre eux, déportés simples, furent envoyés sur l’île des Pins. 900 autres, dont le journaliste Henri de Rochefort et Louise Michel, « la vierge rouge » ou la « pétroleuse » furent détenus dans l’enceinte fortifiée de la presqu’île Ducos. La baie de Numbo fut réservée aux hommes ; les femmes y demeurèrent à leur arrivée avant d’être déplacées à la « baie des dames ». Enfin, 324 communards considérés comme des incendiaires ou des criminels ont été astreints aux travaux forcés.

Le gouvernement décide de leur donner un aumônier. Le premier d’entre eux fut un célèbre mariste, né à Montpellier en 1820, dont la famille s’était réinstallée après la Révolution dans son village d’origine, Saint-Félix de Lodez qui demeura 52 ans en Océanie. Connu pour ses travaux de naturaliste – un de ses herbiers se trouve à l’Institut de Botanique de notre ville – et pour son activité dans les îles les Salomon, la Papouasie Nouvelle-Guinée et surtout en Nouvelle-Calédonie, où il vécut 44 ans. Choisi pour cette mission auprès des condamnés, comment vécu-t-il la chose et quelle fut son action durant ces quelques mois de présence à la presqu’île Ducos, au milieu de communards très remontés contre l’Eglise ? Sa correspondance nous donne de nombreux détails sur ces points, ainsi que sur ce qui regarde les transportés, et les patients hospitalisés à l’hôpital de Nouméa. Pour comprendre la nature de son témoignage, il faut savoir qu’il s’agit de lettres envoyées à sa famille, en particulier à son frère Gabriel, prêtre diocésain, son confident, donc d’une correspondance où il peut étaler ses sentiments, sans réserve. D’où sa sincérité. D’autre part, il faut savoir que les Montrouzier appartiennent à un milieu très catholique, qui a mal supporté la Révolution et qui se situe dans le camp le plus conservateur sur le plan politique et religieux : ils sont très ultramontains et antilibéraux. Le Père Xavier est donc peu enclin à accorder le préjugé favorable aux communards qui sont marqués par un anticléricalisme violent et militant. La Commune a été pour lui un énorme traumatisme. Il a craint pour la vie de son frère Henri, qui est jésuite. D’où ce jugement sans appel : « Je mets le bagne bien au-dessus de la déportation. Ce que je ne comprends pas, c’est l’aveuglement de tant de gens qui s’intéressent à ce ramas d’assassins, d’incendiaires, de pillards, qui se couvrent du nom presque honorable de communards. Il faut que nous soyons tombés bien bas pour justifier sous le nom d’opinions politiques, les crimes de la commune. » (1874) […]

Informations complémentaires

Année de publication

2010

Nombre de pages

10

Auteur(s)

Louis SECONDY

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf