Comptes-rendus 2016 : « Sommaire des revues échangées »

[Guy LAURANS]... Histoire de Montpellier

(sous la direction de Christian Amalvi et Rémy Pech), Toulouse, éditions Privat, 2015, 927 pp.

Histoire de Montpellier (sous la direction de Christian Amalvi et Rémy Pech),

Histoire de Montpellier (sous la direction de Christian Amalvi et Rémy Pech),

La collection Univers de la France et des pays francophones qui nous avait offert tant de belles monographies régionales et urbaines, se continue chez Privat sous la bannière Histoire des villes et des régions. C’est l’occasion de mettre à jour des ouvrages devenus classiques, tels ceux consacrés à Toulouse, Agen, ou Montpellier. L’Histoire de Montpellier, qui datait de 1984, vient ainsi d’être « refondue » sous la houlette de Christian Amalvi et de Rémy Pech. Ces deux universitaires bien connus entre Montpellier et Toulouse, et qui ont déjà publié ensemble, chez le même éditeur, des Mémoires plurielles de la Haute-Garonne, ont réuni autour d’eux pas moins de 26 auteurs, pour la plupart historiens et souvent membres du laboratoire CRISES de l’Université Paul Valéry. Gérard Cholvy ne s’était entouré, à l’époque, que d’une douzaine de collaborateurs : il est vrai que son Histoire tenait en 438 pages, tandis que la nouvelle mouture s’étend sur plus du double (927 exactement).

L’Histoire de Gérard Cholvy avait connu plusieurs rééditions, dont une en 2001 « revue et augmentée » (bien que d’un format et d’une pagination très légèrement inférieurs). Mais entre une « révision augmentée » et une « refonte », il y a un monde. De l’Histoire de 1984, seuls subsistent quatre auteurs : Arlette Jouanna, Jean-Claude Gégot, Michel Lacave et Jean-Paul Volle, trois historiens et un géographe. On peut dire que trente ans ont passé, et qu’une nouvelle génération de chercheurs a pris la relève. Rien que de plus normal. Mais il ne s’agit pas seulement de renouveler les auteurs : la refonte transforme en profondeur l’économie d’ensemble de cette nouvelle Histoire de Montpellier. Si les trois premiers « survivants » conservent approximativement la part qui leur était faite en 1984, J-P. Volle voit le volume de sa collaboration fortement augmenté, à la mesure du traitement accordé au développement urbain de la période contemporaine. Avant de pousser plus avant l’analyse, il convient de noter les circonstances de cette publication. Un préambule de Philippe Saurel, « Les métamorphoses d’une ville millénaire » (page 17), apporte quelques précisions. Après avoir salué l’œuvre dirigée par Gérard Cholvy (« Comme de nombreux passionnés d’histoire, j’ai parcouru à de nombreuses reprises les pages de cet ouvrage, qui a été régulièrement mis à jour et demeure un véritable plaisir de lecture »), le maire de Montpellier tire aussitôt de cette satisfaction une conséquence inattendue : « Aussi, dès ma prise de fonction en qualité de maire, j’ai souhaité réunir à nouveau un collège d’historiens et d’éminents spécialistes de l’histoire locale afin de procéder à une nouvelle édition totalement refondue d’Histoire de Montpellier. » L’idée du maître d’ouvrage était de placer en évidence les bouleversements de la ville durant ces trente dernières années marquées par l’action de Georges Frêche entre 1977 et 2010. Le lecteur qui ouvre ce livre est ainsi, dès l’abord, conduit à s’interroger : pourquoi une refonte totale d’un livre qui donne pleine satisfaction, plutôt que le simple ajout d’un chapitre additionnel traitant la période immédiatement contemporaine ? Question initiale qui, au fil de la lecture, se double d’une autre : pourquoi une telle précipitation à mener cette entreprise, longue et redoutable, entre les élections municipales d’avril 2014 et la sortie en librairie en janvier 2016 ?

Ceci posé, comment rendre compte de ces 900 pages ? Chaque lecteur, en fonction de ses centres d’intérêt et de ses compétences propres, jugera de la qualité des apports nouveaux sur telle période ou tel thème, et pourra comparer avec l’édition ancienne. Mais il n’est pas impossible d’effectuer une première approche significative en abordant ce monument de biais, par les annexes et la table des matières, qui permettront de saisir la structure et l’économie d’ensemble du livre.

***

Les chronologies proposées en fin de volume sont intéressantes à comparer, à trente ans d’intervalle. Les « grandes dates de l’histoire de Montpellier » (1984) concentrées en 6 pages, se déploient en 2016 sur 25 pages, réparties entre « dates de l’histoire politique, religieuse, sociale, économique » (14 pages) et chronologies spécifiques, l’une sur « l’histoire de l’Université de Montpellier – XIIe siècle-automne 2010 [en fait le 1er janvier 2015] – fil rouge du passé de la cité » (5 pages) et une autre sur « la culture à Montpellier de l’époque moderne à 2010 » (6 pages).

La chronologie générale est, à d’infimes détails près, identique dans les deux Histoires jusqu’en 1977. Seuls deux thèmes viennent renforcer la nouvelle version : celui de la présence juive dans la ville, tout au long du Moyen-Âge, et jusqu’à l’Occupation. Michaël Iancu ajoute ici des repères neufs et importants à l’histoire locale. Le second concerne le culte de Saint Roch, du Moyen-Âge jusqu’au XVIIe siècle, introduit par Françoise Durand. Ils sont les deux seuls auteurs à avoir alimenté de façon significative la chronologie antérieure à la date fatidique de 1977. Pour tout le reste, la reproduction à l’identique à trente ans de distance pourrait laisser penser que la recherche historienne n’a en rien renouvelé son regard ni ses questionnements, ni fait bouger les lignes ou modifié la hiérarchie des événements ou des « objets » historiques. Ce serait certainement injuste et malveillant, et mieux vaut se rabattre sur l’hypothèse d’une négligence due au manque de temps et à la précipitation ayant présidé à l’élaboration du volume. Cette même urgence a probablement empêché l’élaboration d’un véritable tableau synoptique, qui aurait permis de scander de façon beaucoup plus éclairante l’évolution urbaine dans ses multiples dimensions. Au lieu de quoi, les trois chronologies distinctes contribuent à fragmenter l’appréhension de la ville, que l’on souhaiterait plus synthétique. Si les annales universitaires n’appellent pas de remarque particulière par elles-mêmes, mais occasionnent des redites par rapport aux items de la chronologie générale qui ne se prive pas d’évoquer la vie des facultés, la frustration est plus douloureuse pour le recueil des grandes dates culturelles qu’il faut bien juger totalement déséquilibré. Dans les années 1970, on a souvent entendu parler de « désert culturel » pour stigmatiser la vie artistique montpelliéraine avant Georges Frêche, mais on n’imaginait pas alors que ce désert s’étendait sur des siècles. C’est pourtant ce qui ressort de « la culture à Montpellier depuis l’époque moderne » qui n’hésite pas à (mal)traiter en une page près de trois siècles d’histoire : 1616-1888 ! Et encore sur les 16 items retenus, plus de la moitié (9) sont des dates de naissance de futures personnalités artistiques ou intellectuelles, qui ne sauraient constituer par elles-mêmes des « événements culturels ». Plutôt que 1616 (naissance de Sébastien Bourdon), il eût été plus pertinent de pointer la date de 1657 (La Chute de Simon le magicien, pour la cathédrale Saint-Pierre) ; et Frédéric Bazille pouvait être illustré autrement que par ses seules dates de naissance et de mort. De même sont ignorées la création de l’académie de musique en 1752 et la construction de la première salle de spectacle quatre ans plus tard. Quant à la décision de faire débuter ces repères culturels au début du XVIIe siècle, il semble qu’il faille en trouver la raison dans l’article de Thierry Verdier sur « l’art et l’architecture sous l’Ancien Régime » qui s’ouvre sur la tabula rasa que le siège de la ville par Louis XIII en 1622 aurait provoquée. Mais enfin, à supposer que ne subsistent plus aucun vestige architectural ni œuvre d’art antérieurs, l’histoire culturelle ne se réduit pas à l’architecture et à la peinture, et bien des traces de la vie intellectuelle pourraient être repérées depuis le Moyen-Âge.

Ces trois chronologies se voient appliquer un traitement identique : la densité des dates et des événements retenus à partir de 1977 est sans commune mesure avec tout ce qui précède ; ce sont deux régimes bien distincts qui sont appliqués à l’histoire de la ville, autour de cette charnière fondamentale que constitue l’élection de Georges Frêche à la tête de la municipalité. Dès lors, les « grandes dates » s’amoncellent et chaque année qui passe se gonfle de plusieurs événements mémorables. Avant même de plonger dans l’analyse et l’évaluation méthodique des bouleversements qui ont secoué la ville durant ces décennies, ces annexes imposent l’idée d’un changement d’ère historique. La chronologie générale consacre plus de quatre pages à la période 1977-2012 (sur un total de 14, soit pratiquement un tiers des items retenus pour plus d’un millénaire d’histoire). Le ratio devient extravagant pour l’histoire culturelle – quatre pages sur six – qui conforte la vision d’une oasis luxuriante émergeant dans un désert multiséculaire. Évidemment, l’inflation soudaine et considérable de « grandes dates » ne peut éviter un certain ridicule. Il faut beaucoup de foi et de myopie pour transformer en événements historiques la descente du club de la Paillade en seconde division (1982), l’ouverture de l’Espace Montpellier jeunesse (1990), la transformation de la SMTU en TAM (2000) ou l’inauguration de la station d’épuration de Lattes (2006). Et que penser des événements culturels tels que l’élection comme « homme de l’année » (?) de Roland Ramade à la tête de son groupe musical Régg’Lyss (1994), du transfert administratif d’équipements sportifs ou culturels de la Ville à l’Agglomération (2003), du projet de musée d’art sacré dans les locaux de l’archevêché (2008) – et de l’oubli de l’installation à Montpellier des Solistes de Moscou dirigés par Youri Bashmet ?

***

La Bibliographie, regroupée en fin de volume, est divisée par auteurs, et non par grands chapitres, ce qui laisse supposer que chaque contributeur est responsable du choix proposé au lecteur. Telle qu’elle est ainsi établie, il est difficile de comprendre sa logique. S’agit-il de l’ensemble des références effectivement utilisées par chaque auteur, dans le but de mettre à disposition des chercheurs des outils de travail actualisés ? Ou plutôt d’un choix restreint et facilement disponible visant un large public ? Selon les cas, le lecteur se trouve confronté à des situations hétéroclites. Mais trop souvent, on peut être surpris par l’absence de références attendues. Prenons quelques exemples.

Le seul chapitre repris intégralement de l’édition de 1984 est celui que Jean-Claude Gégot consacre à la Révolution française (1789-1799). Si le texte est en principe inchangé, la bibliographie initiale qui s’appuyait essentiellement sur le vieil ouvrage de Duval-Jouve (1881) et des mémoires de maîtrise d’étudiants, connait quelques aménagements, avec l’introduction d’un volume de la Fédération historique du Languedoc-Roussillon (colloque de 1987), et d’un recueil de documents publiés par la Ville de Montpellier en 1989. Mais nulle mention de l’ouvrage de Robert Laurent et Geneviève Gavignaud, ni d’aucune des études publiées à l’occasion du bicentenaire, telles que les recherches de Nathalie Alzas sur les sans-culottes et l’effort de guerre. Plus étonnant encore, la mention d’un roman récent, certes bien documenté, tout en oubliant la thèse de son auteur sur le rôle des juges de paix dans les villes de l’Hérault.

L’indigence bibliographique se manifeste dans d’autres chapitres, qui auraient pu se montrer novateurs. C’est le cas de la contribution de Mohand Khellil, professeur de sociologie à l’UPV, qui traite des « migrants et l’Islam à Montpellier » : ici, la bibliographie se borne à quelque livres généraux sur l’Islam (dont une édition du Coran !), et à un « Que-Sais-Je ? » de l’auteur sur la sociologie de l’intégration. Il existe pourtant divers rapports et études sur l’immigration locale, que l’auteur semble bien avoir méconnu si on se réfère au degré de généralité de son article.

Autre cas encore plus surprenant : l’article de Philippe Lacombrade sur Midi Libre ne cite aucune source. Mais les lecteurs des Études héraultaises se reporteront au récit détaillé de la naissance du journal sous la plume de Pierre Mazier.

Le choix des illustrations, nombreuses et souvent en couleurs, paraîtra bien curieux à nombre de lecteurs. Le responsable (s’il y en a un) semble parfois abandonner le souci informatif au profit de l’esthétisme photographique (par exemple pages 464, 532, 708, 764). Négligence que de doubler les statues de Lapeyronie et de Barthez (pages 235, 245 et242) ? Que fait la photographie de la place de la Comédie et de ses trams au milieu d’un chapitre sur la droite montpelliéraine au début du XIXe siècle ? Il est bon de montrer les façades d’immeubles bourgeois de la fin-XIXe (pages 354, 359, 503), mais assez désespérant de ne pas avoir une seule vue des cours intérieures d’hôtels du XVIIIe siècle, devenues si difficilement accessibles aujourd’hui. Et n’était-il pas possible d’obtenir de l’équipe universitaire travaillant à l’édition électronique du Petit Thalamus des documents d’une autre qualité que les deux pages (pages 125 et 128) que l’on croirait sorties d’une photocopieuse hors d’âge ? Et enfin, fallait-il courir jusqu’à Castries pour assister au coup de truelle d’un Georges Frêche bâtisseur aux côtés d’une Hélène Mandroux méconnaissable ? (page 484)

L’impression générale est celle d’un choix effectué à la va-vite, sans méthode, souvent sans lien réel avec les textes. La précipitation se marque également dans la quasi absence de cartes et de plans nécessaires pour illustrer l’évolution du tissu urbain. Le lecteur doit se contenter d’un plan schématique de l’écusson médiéval (page 79), d’une représentation du siège de 1622 (page 209) et d’une misérable photo aérienne des quartiers Est de la ville (page 854). La numérisation des plans anciens et du cadastre est restée inutilisée, ici aussi probablement faute de temps et de réflexion.

***

Le Sommaire de 2016 et la Table des matières de 1984 structurent l’histoire de la ville de façon assez différenciée, ce qu’il convient d’analyser en détail. Il paraît légitime d’aborder cette question en scindant chaque volume en deux grandes parties, traitant respectivement du passé révolu (jusqu’à l’aube du XIXe siècle) et de la période contemporaine (XIXe et XXe siècles, jusqu’à aujourd’hui). L’Histoire de Cholvy accordait, de façon équilibrée, 250 pages au passé et 150 au présent. Amalvi et Pech renversent totalement la proportion. Ils cantonnent la première grande période à moins de 300 pages : l’écart est faible, et dû pour une part au « rallongement » de l’histoire de la ville par l’introduction d’un chapitre initial étoffé sur « Montpellier avant Montpellier ». Ce qui ne faisait que deux petites pages en 1984 prend le temps, avec Michel Christol, de s’interroger longuement sur les raisons de la naissance tardive de la ville. Question qui reste sans réponse assurée, mais il était essentiel de scruter les caractéristiques du territoire humain durant les deux millénaires qui précèdent l’apparition de la ville médiévale. L’histoire s’ouvre donc en arpentant l’espace entre le port de Lattes et le castellas de Murviel, le site de Maguelone et le Sextantio de Castelnau-le-Lez. Mais à l’autre bout de l’échelle temporelle, les 520 pages dévolues à l’histoire contemporaine profitent essentiellement au récit des dernières décennies et à ce qui se présente comme une accélération de l’histoire : il ne s’agit pas seulement d’intégrer les trente années qui séparent les deux éditions, mais de mettre en évidence leur exceptionnalité.

Revenons au passé. Les longs siècles qui séparent les origines de la ville de la fin de la Révolution étaient traités par Cholvy en 7 chapitres, chacun d’eux confié à un auteur, dans une perspective classiquement chronologique (à l’exception de celui, thématique, par André Gouron, portant sur l’Université médiévale). Ces chapitres se caractérisaient par leur équilibre (le plus long, confié exceptionnellement à deux auteurs, Anne Blanchard et Henri Michel, ne dépasse pas les 70 pages pour traiter des XVIIe et XVIIIe siècles). Chaque auteur brassait l’ensemble des aspects de la cité, activités économiques, organisation politique, structure sociale, conflits religieux. En 2016, il n’y a plus que 5 chapitres (dont le nouveau consacré à l’avant-Montpellier), mais chacun d’eux est morcelé : l’émiettement de l’histoire et la spécialisation croissante des historiens rendent plus difficiles l’appréhension synthétique de chaque période. Le parcours dans l’histoire de la ville est complexifié par le parti pris éditorial de mener de front les grandes étapes chronologiques habituelles aux historiens et des coupes thématiques longitudinales de durée variable, qui concernent en particulier la vie religieuse et les productions culturelles et artistiques. Quelques grands blocs de texte structurent cependant cette longue période, en particulier l’article d’Arlette Jouanna sur le XVIe siècle, repris de l’édition Cholvy, bien qu’amputé de sa partie conclusive sur les troubles religieux, qui sont analysés dans un autre chapitre. Mais la grande nouveauté est la disparition du XVIIIe siècle, auparavant traité par Henri Michel. Celui-ci n’a manifestement pas été remplacé, et l’Ancien Régime s’achève en 1715. Le siècle des Lumières n’apparait plus que sous la forme disloquée de fragments épars : ici la faculté de médecine, là les Protestants, ailleurs l’architecture.

Le traitement de la partie contemporaine prend davantage ses distances par rapport au canevas de 1984. L’armature d’alors était assurée par un fil conducteur unique : « Montpellier capitale viticole ? » déroulé sur trois trames : l’activité économique et l’espace urbain, la vie politique, l’univers intellectuel et les mentalités. L’architecture classique à trois étages (économie, politique, idéologie), pour conventionnelle qu’elle fût à l’époque, avait du moins l’avantage de permettre des tableaux d’ensemble aussi cohérents que possible.

Aujourd’hui, la parcellisation des contributions traitant de sujets parfois étroitement circonscrits : Planchon et le phylloxera, Jaurès, La Gazette, les cimetières, le sport depuis 1977, la « statumania »…, tout autant que les absences inexpliquées et les trous dans la trame chronologique, font parfois davantage penser à des actes d’un colloque qu’à un récit suivi (assez curieusement d’ailleurs, les auteurs collaborant à l’entreprise sont présentés comme des intervenants, page 7). Voyons plus en détail l’organisation de cette partie contemporaine.

La question fédératrice de 1984 (la viticulture) est renvoyée en seconde ligne, au profit de l’histoire politique qui occupe désormais le devant de la scène. Le « retour du politique » signifie-t-il l’épuisement du modèle économiste dominant, même lorsque celui-ci n’est pas assumé en tant que tel (ce qui était bien le cas de l’édition Cholvy peu suspecte de marxisme larvé, et qui paraissait plutôt obéir à la doxa labroussienne de l’époque) ? Toujours est-il que le chapitre sur les structures socio-économiques, hérité de Michel Lacave accompagné aujourd’hui de Rémy Pech, est étroitement enserré par de copieuses contributions détaillant la vie politique tout au long des XIXe et XXe siècles (enfin, pas tout à fait, puisque, de même que le XVIIIe siècle s’achevait dès 1715, le XIXe lui, ne commence qu’en 1815. L’Empire est superbement ignoré). Se révèle peut-être plus gênant le traitement de la question politique, coupée en quatre, ce qui fait beaucoup de morceaux. Une coupe chronologique : le XIXe siècle, prolongé jusqu’en 1939, est traité indépendamment de la période récente (depuis 1945). A quoi s’ajoute une coupe longitudinale, distinguant la droite et la gauche. Deux camps, sur deux périodes successives. Le choix de traiter en parallèle les deux grandes traditions politiques nées de la Révolution peut se justifier, justement parce qu’il s’agit de traditions, c’est-à-dire de cultures, de sensibilités assises sur des institutions, des appareils qui ont leur consistance propre : Jean-François Sirinelli l’a suffisamment montré dans son Histoire des droites en France (absente de la bibliographie d’Yves Billard). Reste que la vie politique n’est pas affaire de parallèles mais d’intrications conflictuelles avec leurs permanences et leurs soubresauts, et que l’intelligence historique perd à ne pas prendre à bras le corps le conflit politique. C’est particulièrement visible lorsque la solution de continuité chronologique laisse béante la faille de 1939-1945. En confiant à Jean-François Muracciole un chapitre sur « le temps des guerres » de 1914 à 1962, l’occasion est manquée d’analyser comment le conflit droite-gauche sur le long terme montpelliérain trouve son paroxysme dans la guerre civile idéologique et politique de l’Occupation. Peut-être le sujet a-t-il été jugé encore trop sensible et les maîtres d’œuvre ont-ils craint les polémiques ? Il est dommage que n’ait pas été suivie la voie ouverte par Philippe Secondy qui mettait l’accent sur la « persistance du Midi blanc » tout au long des XIXe et XXe siècles, et pointait ainsi une continuité hautement significative de la singularité montpelliéraine à l’époque contemporaine. Dans le même ordre d’idées, l’étude de la presse locale aurait certainement gagné à s’arrêter sur l’histoire conjointe du Petit Méridional et de L’Éclair dont le rôle dans les batailles politiques de la IIIe République paraît plus déterminant que l’unanimisme du Midi Libre tout entier tendu vers l’imposition d’un monopole économique régional.

A côté de ce grand bloc politico-socio-économique, l’ère contemporaine est balayée par des chapitres thématiques d’ampleur très variable. « L’évolution des mentalités et des croyances » recouvre, de façon très classique, un panorama des croyances religieuses monothéistes – et des incroyances militantes – et fort peu des mentalités si on entend par là l’ensemble des structures mentales, des affects, des attitudes dominantes dans un milieu anthropologique donné. Le portrait de l’homo religiosus montpelliérain est suivi par une série disparate d’études d’amplitude temporelle et de taille très variables, qui tentent de couvrir des domaines relevant peu ou prou de la notion vague de culture, sous l’intitulé patriotique d’« Éclat intellectuel, culturel, artistique et sportif de la cité ». Certaines contributions arpentent la totalité de la période contemporaine, de 1800 à 2010 : c’est le cas de celles d’Amalvi pour l’Université, ou de Luce Barlangue pour la peinture. Louis Secondy interrompt son tableau de l’enseignement secondaire aux années 1960, au moment où Thierry Verdier commence le sien sur l’architecture.

***

Les déceptions qu’accumule cette nouvelle Histoire de Montpellier demandent à être analysées. Je vois pour ma part trois sujets de réflexion, qui tiennent à la façon dont le livre entend prendre place dans l’histoire culturelle, l’histoire urbaine, et l’histoire locale.

Dans leur Introduction (pages 21-22), Amalvi et Pech affichent leur choix de méthode : « …nous nous inspirons ici, pour tous les temps forts de la vie urbaine, de l’histoire culturelle, élaborée au mitant des années 1980 : rendre compte de toutes les productions de la vie sociale en général et artistiques en particulier sans porter de jugements de valeur subjectifs et anachroniques ; dresser un inventaire aussi complet que possible des supports qui ont permis à ces créations d’être diffusées dans toutes les couches sociales, notamment le livre dans tous ses états et les images de toutes natures ; tenter enfin de comprendre la réception sociale de cette culture en sondant les reins e les cœurs des Montpelliérains. » Prise de position qu’il convient de compléter par ce programme affiché quelques lignes plus haut : « Pour mettre en perspective la longue durée de la ville, nous avons adopté un principe qui nous sert de fil rouge : repérer […] les témoignages du génie de ses artistes et penseurs, inscrits dans les grands courants esthétiques, philosophiques ou littéraires de leur temps, tels Sébastien Bourdon, Auguste Comte, Frédéric Bazille, Léo Malet, Germaine Richier, Frédéric-Jacques Temple, Vincent Bioulès, entre autres. »

Ce que ce manifeste sous-tend de théorie historique implicite est assez problématique, et je vais y revenir. Mais à le prendre à la lettre, il faut bien douter de son application. Il y a peut-être une once de naïveté dans l’assurance de s’abstenir de « jugements de valeur », mais surtout quelque incohérence à célébrer dans la foulée le « génie » de Léo Malet : le père de Nestor Burma n’en demandait certainement pas tant, et n’imaginait pas illustrer les « grands courants littéraires de son temps ». De même, on voit mal en quoi les Malet, F-J. Temple ou V. Bioulès contribuent à mettre en perspective la longue durée de la ville.

Reste cette référence revendiquée à l’histoire culturelle des années 80. « Histoire sociale des représentations » nous proposait Pascal Ory, qui ouvrait ainsi son application à toutes sortes de territoires : l’économie, la politique, la guerre, le corps, etc. L’étiquette peut se coller sur d’innombrables flacons, depuis une « anthropologie historique » à la Burguière jusqu’à une « histoire sociale des œuvres d’art ». Mais dans tous les cas, cette histoire culturelle ne peut faire l’économie d’un recours aux apports des sciences sociales. Et c’est cette assise sur les problématiques élaborées par l’anthropologie, la psychanalyse ou, bien sûr, la sociologie, qui semble manquer cruellement à cette Histoire de Montpellier. Il faudrait prendre le temps de scruter attentivement chaque chapitre, et ceci se fera à l’usage, mais la lecture de ceux consacrés spécifiquement à la « culture » met en évidence le déficit d’analyse. Caractéristique est le grand chapitre sur la peinture durant les deux siècles d’histoire contemporaine, qui ne s’écarte pas d’une conception de l’histoire de l’art concentrée sur les biographies d’artistes, le catalogue des œuvres, et les questions de datation ou d’attribution. Du coup, le titre « Peindre à Montpellier » se révèle particulièrement trompeur. Outre le fait que quelques uns des noms mis en vedette ne peignent pas à Montpellier (Fabre, Cabanel, Viallat…), l’auteure reste muette sur ce qu’implique « peindre à Montpellier », c’est à dire sur les conditions et les modalités d’exercice de cet art dans la ville. Il eût fallu pour cela adopter le programme sociologique consistant à étudier le « champ artistique » (version théorique avec Bourdieu) ou le « monde de l’art » (version empirique chez Howard Bec-ker), c’est-à-dire l’ensemble des relations de coopération et/ou de conflit et de rivalité qui se nouent dans un espace donné (géographique et social) entre toutes les catégories d’acteurs qui y participent : créateurs, public, fournisseurs, galeristes, critiques, intermédiaires et médiateurs, institutions et réseaux divers… Les historiens de la culture ne manquent pas, de Roger Chartier à Christophe Charle, qui ont admis avec Paul Veyne que, si la sociologie n’existe peut-être pas (les sciences sociales sont de part en part historiques), du moins les sociologues contribuent puissamment à « allonger le questionnaire de l’historien ». Il n’en est rien ici, et il est bien regrettable qu’il n’ait pas été tenté d’esquisser des analyses du champ culturel montpelliérain. La tâche n’est pourtant pas insurmontable, comme le prouve la musicologue Sabine Teulon Lardic, auteur d’une étude sur les milieux musicaux de la Belle Époque, et dont le lecteur déplorera l’absence : c’était l’occasion de ne pas oublier la musique dans « l’éclat artistique de la cité ».

Mais comme cet éclat est également sportif, je me permets de consacrer quelques lignes au « sport à Montpellier de 1977 à 2010 : un tremplin médiatique » qui me semble emblématique des difficultés de l’entreprise éditoriale à assumer son programme d’histoire culturelle. Amalvi et Volle concentrent leur analyse sur la gestion frêchiste du sport de haut niveau, outil de communication pour façonner l’image médiatique de Montpellier l’Entreprenante. Ce faisant, ils décrivent la brusque irruption d’une politique volontariste dans un milieu peu préparé aux exploits sportifs, sans se donner les moyens de resituer les réussites et les échecs de l’intervention municipale dans la longue durée de l’histoire sportive locale. Il ne suffit pas de se féliciter de l’éclat tout neuf de la cité sportive : il eût été plus intéressant de se pencher sur la persistance depuis la IIIe République du désintérêt des élites autochtones, décideurs politiques ou investisseurs privés, et de la maigreur du public local, des constantes de l’histoire montpelliéraine qui la distinguent de celles des villes voisines. Les aides au sport ne se montrent sportivement « performantes » que dans les disciplines proches de l’amateurisme ou à coût financier modéré, tant en matière d’équipements que de masse salariale, et peu médiatisées (sport féminin, water-polo, volley-ball, et même hand-ball), tandis que les grands sports populaires et coûteux plafonnent très vite malgré des coups d’éclat passagers, et doivent s’en remettre à des investisseurs venus de l’extérieur (le Lyonnais Nicollin hier, Mohed Altrad aujourd’hui). L’histoire du sport peut devenir alors un élément pertinent dans la description de la « culture » locale et des représentations durables des activités corporelles et des loisirs compétitifs, en permettant l’analyse des limites du volontarisme politique en butte aux trends de longue durée.

***

Tout aussi problématique est la conception que les maîtres d’œuvre se font de l’objet ville qu’ils entendent décrire. Dans la même page introductive, Amalvi et Pech se donnent deux perspectives : insérer Montpellier dans des réseaux d’influences extérieures, nationales et peut-être au-delà, qui agissent sur la vie urbaine – autrement dit, élargir la compréhension de la cité en la rattachant à tout un monde qui la dépasse et dont elle n’est pas autonome ; et en même temps, scruter la trame locale et régionale, en faire ressortir les singularités et ses capacités à générer un « art de vivre méditerranéen ». Sur le premier point, comment ne pas être d’accord, s’il s’agit d’évoquer le commerce des épices dont Montpellier fut longtemps un point d’entrée en France, ou les guerres de religion dont la ville eut à souffrir si violemment ? Mais cela n’éclaire guère la question de la « ville » en tant que telle, prise comme objet d’histoire. Les maîtres d’œuvre affirment se poser la question : « Qu’est-ce qu’être Montpelliérain ? », mais ont bien des difficultés à proposer une réponse plausible : la seule œuvre reproduite d’un peintre vivant est due à Claude Viallat, qui n’est pas un peintre Montpelliérain (qu’en penserait une Histoire de Nîmes ?).

On peut admettre d’ailleurs que la collection d’Histoire des villes de Privat s’est élaborée à une époque, dans les années 70, où l’histoire urbaine balbutiait encore, dans l’ombre des préoccupations technocratiques d’aménagement et de développement. Mais trente ans plus tard, tout se passe comme si la question urbaine n’avait pas fait de place à l’histoire, et comme si cette dernière continuait imperturbablement de voir dans la ville une simple réalité empirique allant de soi, un pur contenant destiné à accueillir des contenus successifs. Le résultat est que l’histoire de la ville semble, pour l’essentiel, se limiter à décrire toute une variété de phénomènes ou d’événements qui se déroulent dans la ville, à l’intérieur d’un cadre géographique commode posé avec la force de l’évidence. Mais plus encore, il semble difficile de trouver quelque réponse à une question non posée : « Qu’est-ce que la ville de Montpellier dont on fait l’histoire ? ». Les réflexions des historiens menées ces dernières décennies sur la ville comme objet d’histoire n’affleurent guère. A la suite de Jean-Claude Perrot, puis de Bernard Lepetit, les propositions n’ont pas manqué pour donner consistance à l’objet « ville ». Certes, la discipline « histoire urbaine » est peut-être balbutiante, faite d’incertitudes et d’hésitations, mais ne pouvait-on pas au moins se poser la question ? Sauf dans quelques pages de Lacave, il n’est guère d’approche de l’histoire des usages et des appropriations de l’espace urbain, des conflits entre groupes sociaux et des mobilités générés autour de cet espace. Aborder l’étude de l’espace urbain par les pratiques des acteurs sociaux semblerait s’imposer pour la période la plus actuelle, lorsque se forme en quelques décennies une véritable agglomération. Oubliée la leçon de Braudel pour qui « jamais une ville ne se présente sans l’accompagnement d’autres villes, points d’appui, relais ou rivales ». Voir la ville comme sous-système dans un système de villes permettrait de décrire la constitution progressive de l’agglomération actuelle. Mais obnubilés par la politique municipale, les auteurs enferment Montpellier dans l’espace de sa définition communale : est-il raisonnable d’aborder la démographie, le système social, les activités de la ville sans la prise en compte du système urbain qu’elle forme avec ses communes périphériques ? Le lecteur aura pourtant du mal à trouver la moindre analyse (quelques lignes page 524) qui permettrait de penser la ville : Montpellier, commune de 250 000 habitants, ou agglomération de 400 000 ?

***

Le dernier point de réflexion que suscite la lecture de cette Histoire concerne la situation actuelle des études locales et régionales. Dans leur page introductive, les maîtres d’œuvre font le constat de l’intensification des courants migratoires et des brassages géographiques qui dissolvent « le Montpelliérain chimiquement pur » incarné par les barons de Caravètes, et se félicitent que cette variété touche aussi le groupe des auteurs réunis à l’occasion, originaires « de tout l’hexagone mais aussi de la francophonie ». Si je les comprends bien, Amalvi et Pech suggèrent que cette diversité d’origine des contributeurs les sensibilise à la situation cosmopolite de la métropole régionale, et fait « d’un handicap un atout » en leur permettant d’aborder de façon neuve et appropriée la question de l’identité montpelliéraine. Devant ce paragraphe introductif, le lecteur perçoit bien l’esquisse d’un parallèle entre les deux versions successives de l’Histoire de Montpellier : en 1984, c’est un petit groupe d’historiens bien implantés qui fait le récit d’une ville provinciale centrée sur elle-même ; en 2016, l’ouverture à tous les vents d’une capitale dynamique exige l’appel à des historiens en phase avec ces turbulences. Dans les deux cas affleure l’idée d’une symbiose entre le rythme de la ville, l’état du monde et la situation des auteurs universitaires. Tout irait pour le mieux, si ne venait se glisser le grain de sable d’un « handicap devenu atout », le soupçon d’une nécessité faite vertu, la question sous-jacente de la situation faite aux études régionales et locales en régime universitaire actuel. Il paraît assez évident que la force de l’Histoire de 1984, en dépit de sa construction assez conventionnelle qui tenait au faible développement de l’histoire urbaine dans la France de l’époque, résidait dans la connaissance fine de la société locale dont étaient porteurs tous les auteurs. Résultat de recherches personnelles de longue durée menées au fil de carrières universitaires ancrées dans les institutions locales, appuyées sur la direction programmée systématiquement de travaux d’étudiants eux-mêmes d’origine languedocienne, la constitution d’un stock d’érudition collective ne pouvait que faciliter une vision totalisante de la région et de ses villes. Ce n’est pas par hasard que les contributions d’Arlette Jouanna et de Michel Lacave, reprises de cette édition, toutes nourries de recherches de longue durée, donnent leur armature et leur colonne vertébrale aux XVIe et XIXe siècles dans la nouvelle édition. A contrario, les nouvelles conditions de fonctionnement du système universitaire, résultant des critiques multipliées dès les années 1970 de la « préférence locale » et de l’endogamie régnant dans les universités de province – non sans bonnes raisons – ont généré une mobilité du corps professoral qui a manifestement mis à mal les études locales. La disparition de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon qui dans ses colloques annuels participait au travail d’accumulation des connaissances régionales en mettant en contact universitaires et « érudits locaux » est l’un des multiples indices de cette cassure. Il en est de même pour le Centre d’histoire contemporaine né en 1972 pour fédérer les recherches isolées et combler « le retard considérable de l’histoire contemporaine du Languedoc par rapport aux autres périodes » comme le remarquait André Martel : mais, ajoutait-il, « une organisation méthodique de la recherche permettrait d’organiser des colloques périodiques dont le thème serait annoncé assez longtemps à l’avance pour donner lieu à des travaux approfondis. » Les collaborateurs de la nouvelle Histoire ne sont évidemment en rien inférieurs à leurs prédécesseurs, mais ils n’émargent à l’histoire régionale que par l’approche plus ou moins étroite d’un sujet de thèse ou quelque recherche ponctuelle. Faute de familiarité véritable avec la ville et la région de Montpellier, leur compétence se limite à un périmètre restreint, qui retentit sur le morcellement du récit historique. Ajoutons la raréfaction des recherches régionales entreprises par les étudiants en cours de formation, l’éloignement des milieux d’érudits amateurs, le manque de temps nécessaire au recueil des sources existantes et des bibliographies à consulter, et nous avons pour résultat « un récit délibérément inachevé, en pointillé, en miettes, qui reste à réécrire en permanence, à ravauder sans cesse » (Introduction, page 22).

Le « délibérément » est mal venu, et les contraintes éditoriales, techniques, financières, humaines laissent peu de perspectives de ravaudage périodique. Restent les conditions politiques qui semblent bien avoir présidé à cette entreprise, et qui laissent songeur sur la nature des rapports qu’entretient la communauté scientifique universitaire avec les pouvoirs locaux. Les maîtres d’œuvre semblent bien vouloir proposer une histoire de célébration de Montpellier, sur le modèle de Lavisse instituteur de la République, ce qui ne nous rajeunit pas. Histoire culturelle et histoire urbaine conflueraient pour présenter une image idéale de la ville, toute entière définie par son « ouverture à l’autre », comme l’assure avec insistance Christian Amal-vi dans un entretien publié par La Gazette (n° 1442 du 4 février 2016). Les 900 pages d’analyses ne suffisent pas à conforter une telle conclusion : « On peut aussi évoquer, dit Amalvi, l’accueil des Italiens antifascistes, des républicains espagnols… ». On pourrait, mais on ne le fait pas : la retirada espagnole à Montpellier fait un titre de chapitre, mais tient en exactement une ligne.

Alors, pourquoi, en définitive, cette aptitude à l’accueil ? « C’est sans doute une des facettes de l’empathie méridionale pour l’autre ». Misère de l’histoire…

[Guy Laurans, guy.laurans@wanadoo.fr]

[Éric FABRE]... Philippe MARTEL, Études de langue et d’histoire occitanes ;

Textes réunis par Marie-Jeanne Verny et Yan Lespoux. Limoges, Lambert-Lucas.

Philippe MARTEL, Études de langue et d’histoire occitanes

Philippe MARTEL, Études de langue et d’histoire occitanes

Marie-Jeanne Verny et Yan Lespoux ont eu l’heureuse idée, pour qui s’intéresse à l’histoire de l’Occitanie et à celle de l’occitanisme, de débuter le rassemblement des textes majeurs de Philippe Martel, historien de formation, et professeur à l’Université Paul-Valéry de Montpellier. Ces travaux sont incontournables, mais dispersés et nombreux. Ainsi, au-delà du présent volume, d’autres sont promis que l’on attend déjà avec envie. Philippe Martel a conçu le plan de cette première compilation et s’en explique dans l’introduction, en revenant sur ses premiers pas en « histoire occitane », l’expression « histoire de l’espace occitan » ayant toutefois sa préférence.

Son œuvre balaie largement le champ de la connaissance, entre histoire culturelle et histoire sociolinguistique, depuis son premier article de 1973 sur la société occitane au XIIe siècle (thème issu de son mémoire de maîtrise), jusqu’aux travaux les plus récents analysant les mouvements occitanistes contemporains (sans compter sa participation à la publication à venir du Petit Thalamus montpelliérain). Ces temps ne sont pas cloisonnés, puisqu’une partie des travaux observe comment ont évoluées les représentations que les hommes des XIXe et XXe siècles se sont construites du Moyen Âge occitan perçu comme l’apogée d’une civilisation.

Totalement idéalisé et fantasmé, le temps d’avant la Croisade contre les Albigeois est celui où règne la Courtoisie entre hommes et femmes qui se gouvernent sagement dans des municipalités démocratiques. Cet âge d’or est détruit par la Croisade, c’est la fin par les armes françaises d’une civilisation brillante. Cette historiographie méritait d’être analysée et approfondie, ce que Philippe Martel a fait dans le cadre de sa thèse de troisième cycle soutenue en 1980. L’auteur nous offre ici deux articles issus de ce questionnement sur l’acte fondateur de la mythologie occitane qu’est la Croisade, et la façon dont les discours français et occitan se répondent ; ils forment la première partie du livre. Entre Moyen Âge et perception contemporaine de ce temps, les écrits de Philippe Martel se répondent eux aussi. Deux articles sont ainsi donnés dans ce recueil sur la dualité entre les langues occitane et française dans les textes médiévaux ; associés à un autre (livré en occitan) sur la naissance d’une mythologie portant sur la société occitane du XIIe siècle, ils forment la deuxième partie du recueil. Suivent ensuite cinq parties nettement centrées sur l’époque contemporaine, la toute dernière contribution interrogeant même ce que pourraient être « Les langues de France au futur ». La troisième partie offre deux textes sur les écrits occitans du XIXe siècle dans le domaine politique. Bien sûr, on attendait que soient repris dans ce recueil des textes sur le félibrige et le mouvement mistralien. C’est l’objet des quatre articles formant la quatrième partie. La suite rassemble cinq travaux portant sur le XXe siècle, mais interrogeant essentiellement le fait d’être occitan vers la fin de ce siècle où compter les occitanophones n’est ni aisé ni neutre (« Compter les occitanophones… histoire d’enquêtes »). Bien sûr, arrivent également dans le champ de l’analyse les questions liées aux controverses graphiques, avec deux articles (dont un en occitan). Enfin, on retrouve tout l’humour de Philippe Martel dans le titre de la septième et dernière partie (« Un peu de tout pour ne pas conclure ») rassemblant quatre articles, deux sur la poésie et, plus généralement, la littérature, et deux revenant pour finir sur la question linguistique elle-même.

Ainsi, de l’analyse de la société occitane médiévale au discours inventé durant le XIXe siècle sur cette société, on a une partie du trajet intellectuel de Philippe Martel. Ensuite, ce XIXe siècle est celui du discours politique en occitan, mais aussi et surtout celui de l’émergence d’une poésie qui participe du renforcement de ce regard rétrospectif sur ce Moyen Âge érigé en âge d’or d’une civilisation que l’on pense détruite par les troupes de la Croisade. On le voit, les discours se croisent, s’entretiennent et se nourrissent réciproquement, entre littérature et politique comme le montrent plusieurs des articles rassemblés. Mais le mouvement mistralien ouvre aussi le champ, cahin-caha au gré des avancées et des crises internes, au développement d’un occitanisme qui se prolonge jusqu’à nos jours, et en cela les travaux de Philippe Martel offerts dans ce recueil sont éclairants. Finalement, il n’est guère besoin d’être historien pour comprendre tout l’intérêt des textes regroupés par Marie-Jeanne Verny et Yan Lespoux : ils éclairent notre monde occitan pour que chacun, militant de la cause occitaniste ou pas, puisse mieux comprendre un ensemble de discours sur l’histoire occitane, dynamique courant sur le temps long des deux derniers siècles, mais aussi sur le temps bien plus long de presque un millénaire d’histoire de l’espace occitan.

[Éric FABRE, Maître de Conférences, Aix-Marseille Université]

[Babriel DUPUY]... Salagou-Mourèze-Villeneuvette-Cabrières, Matorral, Saint-Privat, 2015.,

Textes réunis par Marie-Jeanne Verny et Yan Lespoux. Limoges, Lambert-Lucas.

Salagou-Mourèze-Villeneuvette-Cabrières, Matorral, Saint-Privat, 2015, 228 pages.

Salagou, Mourèze, Villeneuvette, Cabrières, Matorral, Saint-Privat, 2015, 228 pages.

C’est d’abord un livre d’images, de belles images. Le format (30×30) se prête à la présentation de magnifiques photos prises à partir de drones. Le drone permet des vues de paysages que seul fournissait auparavant, mais à grands frais, l’hélicoptère. Les ruffes du Salagou ou les dolomies de Mourèze prennent un relief étonnant. Pour les zones construites, le drone autorise des vues à mi-hauteur de bâtiments que l’on ne voyait jamais sous cet angle. C’est le cas pour Villeneuvette et pour Celles. Le livre présente aussi des dessins remarquables, peintures fabuleuses mais réalistes. Ainsi sont reconstitués des milieux préhistoriques saisissants de vérité. Des maquettes géologiques ou géomorphologiques en perspective avec coupes « parlent » au lecteur même non-spécialiste. L’éditeur a su utiliser aussi une collection de superbes photographies historiques en noir et blanc dues à un photographe de la fin du XIXe siècle, Gustave Tramblay.

C’est aussi un livre attachant qui s’intéresse à des lieux peu connus, à l’écart, disparus, submergés par un lac, le Salagou, résultant d’un barrage projeté dans les années 1950, achevé en 1969, et/ou préservés depuis peu. On comprend que des équipes de cinéastes aient souhaité planter là les décors de nombreux films.

C’est un livre qui se présente comme « pluridisciplinaire, embrassant les ensembles ». Un nombre impressionnant de spécialistes ont été mobilisés pour rédiger des notices ou commenter les images. Adoptons l’ordre alphabétique pour énumérer cette longue théorie : animateur sportif ou culturel, archéologue, architecte, archiviste, botaniste, chasseur, chevalier de l’olive Lucques, dessinateur, écologue, géologue, géomorphologue, graphiste, hydrobiologiste, ornithologue, paléontologue, parapentiste, pêcheur, pédologue, photographe, sédimentologue, vulcanologue, avec une variété de statuts étonnante : chercheurs et universitaires en exercice ou retraités, enseignants, responsables administratifs ou politiques, amateurs, bénévoles.

Il y avait peu de chance qu’un tel rassemblement conduise à une véritable approche interdisciplinaire. Pluridisciplinarité n’est pas synonyme d’interdisciplinarité. Le livre irrite parfois par cette juxtaposition de multiples points de vue, les uns scientifiques, d’autres pas. Le patchwork est un peu lassant. Difficile aussi pour le lecteur de s’y retrouver face à des manques ou des divergences. Par exemple, pour le lac du Salagou, il est dit que les vignerons de la région ont refusé l’irrigation qui devait contrer la crise de la viticulture. Le barrage, construit à grands frais économiques, patrimoniaux, écologiques, s’est donc avéré inutile. Mais aucun des nombreux auteurs du livre ne précise le pourquoi du refus. Autre exemple : pour Mourèze, un archéologue évoque, preuves à l’appui, la présence de Gaulois dans le cirque dolomitique. Mais trois pages plus loin, un guide du patrimoine du Clermontais semble tout ignorer de cet épisode historique.

Pourtant c’est un livre militant, idéaliste, ce qui incite à pardonner quelques défauts. Dans leur grande diversité, les auteurs ont en commun d’aimer les lieux, les paysages, leurs histoires (« Amour d’ici » annonce le sous-titre). Ils œuvrent, s’activent, militent pour conserver ce patrimoine.

Il n’empêche que le livre manque de cohérence. Le titre en témoigne : Salagou, Mourèze, Villeneuvette et Cabrières sont certes quatre facettes d’une même région, mais se distinguent fortement à de multiples égards. Les rassembler dans un même ouvrage est problématique. L’amour commun du pays et le militantisme affirmé ou rampant ne suffisent pas à intégrer la multitude des approches présentées dans l’ouvrage.

C’est un peu dommage. Face à ce beau livre, ou a le sentiment d’être passé à côté d’un grand livre. Les conditions dans lesquelles l’œuvre a été produite sont peut-être à l’origine du regret que l’on éprouve. Ces conditions sont évoquées de manière allusive à la fin de l’ouvrage. La critique est vigoureuse à l’égard des autorités. Il semble que, finalement, le projet a été porté par un seul financeur et une poignée de convaincus qui n’avaient probablement pas les moyens d’assurer la tâche éditoriale pour un tel ouvrage. C’est regrettable mais compréhensible. On souhaite seulement, comme elle est promise à la fin du livre, une deuxième édition, sans doute débarrassée de quelques propos militants et peut-être plus unifiée au plan éditorial.

[Gabriel Dupuy, professeur émérite U. Paris I Panthéon-Sorbonne]
[La seconde édition a apporté des rectifications souhaitables dans les dernières pages du livre. NDLR]

[Philippe LACOMBRADE]... Louis Gabard, Henri Pitot –
Un académicien et constructeur languedocien au cœur du Siècle des Lumières
.

Éditions Decoopman 2015.

Louis Gabard, Henri Pitot - Un académicien et constructeur languedocien au coeur du Siècle des Lumières

Louis Gabard, Henri Pitot, Un académicien et constructeur languedocien au cœur du Siècle des Lumières, Éditions Decoopman 2015

Alors que Montpellier vient de célébrer, le 7 décembre 2015, les 250 ans de l’inauguration de l’aqueduc de Saint-Clément, l’ouvrage de Louis Gabard vient à point nommé pour rappeler le parcours de son principal initiateur, le mathématicien et ingénieur Henri Pitot. Tombé progressivement dans l’oubli, ce dernier est pourtant un scientifique et un constructeur reconnus, tant à Paris que dans le Bas-Languedoc, dans la France des « Lumières » au mitan du règne de Louis XV. De facture classique dans sa présentation, l’ouvrage évoque les trois facettes de la vie d’Henri Pitot : celle de l’autodidacte devenu académicien à partir de 1724 ; celle de l’ingénieur devenu directeur des travaux publics des États du Languedoc et du Canal Royal ; celle du notable dans le Bas-Languedoc des deux premiers tiers du XVIIIe siècle.

L’histoire d’Henri Pitot est d’abord celle d’une ascension sociale, ascension qui doit autant à son appétence pour les sciences qu’à une série de rencontres heureuses. Cinquième d’une famille de dix enfants – le père est militaire, la mère est issue d’une famille bourgeoise de Beaucaire – Henri naît à Aramon dans le Gard le 31 mai 1695. Élève médiocre, il ne manifeste aucun goût pour la culture classique dispensée au collège des Doctrinaires de Beaucaire et entre en 1712 comme cadet dans le Royal-Artillerie de Grenoble. C’est dans la cité natale d’Henri Beyle que l’autodidacte se met à la lecture et se passionne pour l’astronomie et l’architecture.

Une première rencontre décisive a pour cadre Uzès, après qu’il ait quitté l’armée. Séjournant chez des parents, il rencontre l’abbé Cabot, chanoine d’Uzès et habile mathématicien. Après une série de tests, l’ecclésiastique, impressionné par les compétences du jeune homme, convainc le père d’envoyer son fils compléter sa formation à Paris. Vraisemblablement recommandé par la marquise d’Aramon, Henri devient en septembre 1718 l’élève de Réaumur. C’est au contact de son illustre professeur qu’il prend connaissance des travaux de Newton, de Leibnitz et de Bernoulli. Une autre rencontre va donner une nouvelle impulsion à sa carrière. Mis en relation avec le tout-puissant Abbé Bignon, qui règne en maître dans le monde des sciences et des lettres, il sait s’en faire apprécier et bénéficie de son soutien pour intégrer, en tant qu’adjoint, l’Académie Royale des Sciences et des Lettres, le 14 juin 1724. Associé en 1727, il devient définitivement pensionnaire de l’Académie à partir de 1733. Il y rédige 25 mémoires, se distinguant particulièrement par ses travaux sur l’hydraulique, travaux qui vont déboucher en 1732 sur la mise au point d’un instrument servant à mesurer la vitesse de l’eau, le célèbre tube de Pitot. Possédant alors une renommée qui dépasse la seule capitale et le monde académique, il intègre ainsi la Royal Society of London, puis les académies de Montpellier et de Lyon, et entretient une correspondance avec Voltaire qu’il aide à publier ses travaux sur Newton.

La carrière de Pitot prend un tour nouveau dans les années 1740. Appelé par l’archevêque de Narbonne, qui préside alors les États du Languedoc, à faire une expertise sur l’assèchement des marais, il est recruté en 1741 comme directeur des travaux de la Sénéchaussée de Nîmes-Beaucaire et du Canal Royal – l’autre nom du canal du Midi. Les États jouent alors un rôle majeur dans l’aménagement du territoire régional et Louis Gabard nous fait partager, dans la deuxième partie de son livre, le quotidien et les préoccupations de l’ingénieur Pitot. Ce dernier multiplie les visites sur le terrain, les expertises et les mémoires, s’imposant alors comme un des rouages, à l’échelle régionale, de la monarchie administrative des Lumières telle qu’elle a été décrite par Pierre-Yves Beaurepaire (La France des Lumières, Belin, 2011). Au-delà de la surveillance et de l’entretien du Canal Royal, les champs dévolus à son activité sont multiples : construction de bâtiments et aménagements urbains, entretien et développement d’un réseau routier dont tout le monde s’accorde à reconnaître la qualité, lutte contre l’insalubrité et les problèmes sanitaires causés par les marais, prévention des inondations, et en particulier des « Gardonnades » ou « Vidourlades », protection contre les crues du Rhône… Si certains ouvrages ne résistent pas aux intempéries ou à l’usure du temps – les ponts sur l’Ardèche et sur l’Eyrieu achevés en 1767 sont emportés par les crues en 1846 et 1890 – d’autres traversent les siècles : route d’Auvergne par le Vivarais entre Alès et Pradelles ; pont routier jouxtant le pont du Gard ; aqueduc de Carcassonne. La principale réalisation de Pitot, celle qui l’a rendu célèbre, demeure l’aqueduc de Montpellier. Louis Gabard consacre de longs développements à la construction de l’ouvrage, insistant sur la minutie avec laquelle Pitot prépare l’opération – mesure du débit des sources, nivellement et choix du tracé – mais aussi sur les conflits qu’occasionnent la délimitation du tracé et le retard pris par les travaux – prévus pour 6 ans et provisionnés à hauteur de 260-300 000 livres, ils prennent 10 ans et coûtent un million de livres. Malgré ces difficultés, inhérentes à la nature de l’activité d’un homme qui doit en permanence composer avec les exigences de ses commanditaires et avec la diversité des intérêts locaux, l’inauguration, le 7 décembre 1765, est un succès et l’ouvrage célébré de manière unanime par les contemporains.

Dans la troisième partie, l’auteur dresse le portrait d’un homme qui gravit progressivement les échelons de la notabilité. Après son mariage en 1735 avec une jeune fille de la petite mais ancienne noblesse originaire de Basse-Navarre, Marie-Léonine de Saballoua d’Harambure de Saint Martin, Henri Pitot est anobli au mérite en 1745 et devient Chevalier du très élitiste Ordre de Saint-Michel en 1754. Au moment de son décès, le 27 décembre 1771 à Aramon, l’ancien commis des États du Languedoc se trouve à la tête d’une fortune conséquente, qui s’élève à la coquette somme de 80 000 livres. Si son caractère a donné lieu à des jugements contradictoires – « un timide qui par réaction, se comportait de manière hautaine et autoritaire » selon l’auteur – Henri Pitot reste un professionnel reconnu pour sa probité et sa compétence. Membre des confréries de pénitents blancs de Montpellier et d’Aramon, il demeure surtout, comme le remarque Emmanuel Leroy-Ladurie dans la préface de l’ouvrage, un des dignes représentants de ces « Lumières » catholiques qui, aux côtés de leurs homologues anticléricaux, ont, de la France à l’Italie, illuminé le siècle de Voltaire.

On l’aura compris, Louis Gabard apporte, à travers son livre, un éclairage décisif sur la trajectoire d’Henri Pitot. On pourra certes regretter la longueur de certains développements, le caractère parfois trop descriptif de l’ouvrage, mais aussi le choix d’un plan unanimement thématique qui, par exemple, amène l’auteur à consacrer un développement à la famille de Pitot dans le dernier chapitre du livre. Mais ces quelques imperfections ne sauraient remettre en cause la qualité d’ensemble de l’ouvrage. Doté de remarquables illustrations et d’annexes très éclairantes, le livre tire sa force de l’exploitation de sources de premier plan mais aussi de la capacité de l’auteur de mettre avec succès au service de son entreprise les ressources combinées de sa formation d’ingénieur du génie civil, qui lui permet de décrypter avec aisance le travail de Pitot, et d’une connaissance approfondie voire souvent érudite, de l’objet, de la période et du territoire étudié.

[Philippe Lacombrade]

[Guy LAURANS]... Sabine Teulon Lardic, Inventer le concert public à Montpellier :
la société des concerts symphoniques (1890-1903)

Lyon, éditions Symétrie, 2014

Sabine Teulon Lardic, Inventer le concert public à Montpellier : la société des concerts symphoniques (1890-1903)

Sabine Teulon Lardic, Inventer le concert public à Montpellier : la société des concerts symphoniques (1890-1903)

L’histoire musicale n’est pas si développée dans notre région que l’on puisse laisser passer un travail de grande ampleur consacré à un épisode bien oublié de la vie culturelle montpelliéraine à la Belle Époque. Il serait d’autant plus impardonnable de négliger de se pencher sur ce beau livre qu’il propose une tentative largement réussie d’histoire culturelle, au moment même où l’Histoire de la ville qui vient d’être publiée se montre particulièrement médiocre dans cette discipline difficile.

Sabine Teulon Lardic est à la fois musicienne et musicologue, et exerce sa double compétence entre Nîmes et Montpellier. Ses recherches sur la vie musicale régionale au XIXe siècle l’ont conduite à s’intéresser à l’aventure des Concerts symphoniques de Montpellier, créés sur le modèle des grandes associations parisiennes de l’époque, concerts Lamoureux, Colonne ou Pasdeloup, et qui se produisent dans la salle des concerts adossée à la grande salle de l’Opéra municipal. L’entreprise ne durera, ici, que quelques années, mais elle fut suffisante pour raviver la vie musicale locale et diffuser le grand répertoire, ancien et contemporain, à l’adresse des mélomanes – des dilletanti, comme on les appelait alors. L’absence d’archives propres à l’association n’empêche pas l’A. de rassembler toutes les sources disponibles dans les Archives tant municipales que départementales, à fin de dresser un tableau aussi complet que possible de cette institution. De fait, ce travail dépasse largement le cadre d’une simple monographie. Certes, l’A. se cale sur des travaux préexistants consacrés à d’autres villes de province, particulièrement Angers et Lille, pour détailler les chapitres attendus : naissance et fonctionnement de l’association, recrutement des musiciens, programmation des concerts. Mais elle n’hésite pas à pousser ses investigations dans de multiples directions à fin d’enrichir le tableau de la vie musicale au tournant du siècle.

Commençons par les données factuelles les plus simples. L’A. analyse avec précision la composition et le fonctionnement de l’orchestre. Il s’agit en fait des instrumentistes qui œuvrent tout au long de la saison musicale dans la fosse du Grand Théâtre, soit une cinquantaine de musiciens. Les solistes et premiers pupitres sont aussi, souvent, professeurs au Conservatoire. L’instigateur des Concerts symphoniques, et qui en fut le premier chef durant deux saisons est Armand Granier, originaire de l’Aude, qui cumule les directions de l’orchestre lyrique et du Conservatoire municipal. En fin de carrière, son expérience ne peut totalement pallier le handicap majeur de l’orchestre : le manque de temps de répétitions, en nombre insuffisant, pour assurer l’exécution de programmes symphoniques très différents du répertoire d’opéras. Jusqu’en 1903, six chefs se succèdent à la tête des Concerts, puisqu’ils sont d’abord engagés, à la saison, pour le service du Grand Théâtre. Sabine Teulon Lardic insiste sur leur recrutement qui privilégie une filière flamande, mais aussi sur leur expérience nationale et internationale qui favorise la découverte de répertoires éclectiques et la confrontation de traditions nationales diverses.

Sabine Teulon Lardic participe à un groupe de recherche visant à constituer le Répertoire des programmes de concert en France depuis le XVIIIe siècle. On voit pour Montpellier à quoi peut servir une telle base de données : l’A. a compilé l’ensemble des programmes des quelques 80 concerts joués en une douzaine d’années. C’est le moyen d’apprécier l’horizon musical d’une ville moyenne de province à l’extrême fin du XIXe siècle, entre constitution du « grand répertoire classique » et musique contemporaine, à savoir la production des compositeurs vivants. Dans le premier groupe figurent surtout Mendelssohn et Beethoven, dont la plupart des symphonies sont jouées durant la période – à l’exception évidente de la IXe qui excède les moyens mis en œuvre, mais aussi Wagner et Berlioz ; Mozart est en retrait, et plus encore Haydn, Haendel ou Bach ; au-delà, de fugitives apparitions de Lully, Marin Marais ou Rameau. Le répertoire contemporain fait un triomphe à Saint-Saëns et Massenet. Et de jeunes compositeurs de moins de 40 ans apparaissent aussi : ils ont nom Dukas (L’apprenti sorcier), Ropartz, Lekeu, Mascagni ou Henri Rabaud. Le célèbre compositeur local Paladilhe (grand prix de Rome à 16 ans, et membre de l’Institut en 1892), n’apparaît qu’une fois, pour des extraits symphoniques de ses Saintes Maries de la mer. La curiosité est plus vive pour des répertoires exotiques : la Russie, de Tchaïkovski au groupe des Cinq, et la Scandinavie, de Grieg à Svendsen. Des comparaisons systématiques avec les programmes des associations parisiennes permettront d’évaluer d’éventuels décalages entre la capitale et la lointaine province dans la diffusion et la réception du répertoire symphonique.

C’est surtout la question des goûts musicaux dans le public des concerts qui est posée à travers l’analyse du répertoire. Goûts de qui précisément ? Du chef d’orchestre ? De l’auditoire ? Des critiques qui font les réputations dans la presse locale ? Dès 1892, il semble bien qu’une commission d’amateurs participe avec le chef d’orchestre au choix des œuvres. L’A. fait, avec raison, plusieurs constats et lance des hypothèses explicatives. Remarquant, par exemple, la faible proportion de musiques chorales (par rapport à ce qui est proposé ailleurs), et s’étonnant qu’il ne soit pas fait appel, à défaut des chœurs du Grand Théâtre, aux chorales d’amateurs de la ville qui ne grèveraient pas le budget de l’association, elle suggère que de telles œuvres souvent à connotation religieuse, ont peut-être été prudemment écartées, dans une ville déchirée par les conflits politico-religieux. Le cas voisin de Paladilhe vient à l’appui de cette thèse, puisque ses Saintes-Maries de la mer sont le résultat d’une commande de Mgr de Cabrières et ont été jouées à ND des Tables. Mais cette hypothèse « idéologique » interfère avec le discrédit général dont souffrent les compositeurs régionaux, comme Déodat de Séverac ou le Carcassonnais Paul Lacombe pourtant joué à Paris. On voit ainsi toute la complexité des choix et des goûts musicaux au carrefour de multiples considérations d’ordres divers.

Autre question, à propos de la courte durée de vie de ces Concerts symphoniques, qui serait due à l’essoufflement du public peu en phase avec une programmation trop « moderne ». Sabine Teulon Lardic s’étend sur le cas de la Symphonie cévenole, de d’Indy, créée à Paris en 1887. Exécutée à deux reprises à Montpellier en 1900 (soit après 13 ans, et non 3 comme l’écrit l’A. par inadvertance), elle essuie deux fours et est jugée ennuyeuse au possible par la critique locale. Mêmes critiques acerbes à l’encontre d’Ernest Chausson, dont l’audition du Poème de l’amour et de la mer et de la Symphonie aurait laissé de marbre les auditeurs (et le critique). Plusieurs hypothèses se présentent dans l’explication de ces rejets. L’A. suggère des conflits esthético-politiques autour de compositeurs membres éminents de la Société nationale de musique mais en conflit avec Saint-Saëns, qui est un pilier des programmes montpelliérains.

La partie la plus intéressante du travail de Sabine Teulon Lardic, aussi bien par les résultats obtenus que par la foule de questions qu’elle soulève, concerne ce que l’on peut appeler « le monde musical » montpelliérain. Il s’agit de la description des multiples intervenants qui, chacun à sa place, contribuent à faire exister la pratique de la musique : cela va des musiciens d’orchestre (dont l’auteur dresse la géographie à partir de leur domicile en ville) aux commerçants qui vendent ou louent des instruments de musique et des partitions, du public assistant aux concerts aux critiques musicaux dans la presse locale, des amateurs pratiquant un instrument pour leurs loisirs aux orphéons et aux entrepreneurs de spectacles de variétés ou de bals, etc. C’est dans cet espace local construit autour de l’intérêt pour la musique, que se dessinent tout à la fois des coopérations ou des complémentarités entre ces catégories d’acteurs qui ne peuvent véritablement exister que par les relations qu’elles entretiennent entre elles, et un système sous-jacent de hiérarchie des goûts musicaux qui institue des clivages tout à la fois esthétiques et sociaux entre milieux différenciés. Sans avoir utilisé Howard Becker (Les mondes de l’art, Flammarion 1988), ni Bourdieu (La Distinction, L’amour de l’art…), l’A. saisit très bien la nécessité de sortir de la monographie classique d’une institution aux contours bien définis, pour la situer dans un univers plus vaste qui seul peut lui donner ses pleines significations.

Que ce projet ambitieux excède les limites d’un livre centré sur la vie éphémère d’un orchestre, personne ne peut en faire grief à l’auteure. Il faut bien au contraire la féliciter pour la profusion de questions qu’elle laisse en suspens, des pistes qu’elle esquisse à longueur de pages, et qui toutes convergent vers l’espoir que cette première pierre servira de fondation à des recherches systématiques de plus grande ampleur encore.

En l’absence des archives de la société, les documents d’origines diverses rassemblés par Sabine Teulon Lardic ne peuvent répondre à toutes les questions, et la curiosité des lecteurs bute sur des « blancs » frustrants. Je voudrais simplement livrer quelques réflexions nées de ma lecture.

En particulier, l’un des points essentiels de l’histoire de ces « Concerts symphoniques » est le passage d’un groupe de musiciens professionnels décidant en 1889 d’ajouter à leurs activités courantes au Grand Théâtre et au Conservatoire des séances périodiques de musique symphonique, à une association déclarée en préfecture en 1892 et dirigée par des notables de la ville, mélomanes distingués et parfois instrumentistes amateurs. Tant le montage juridique de l’association que les modalités pratiques de la « gouvernance » de l’institution ainsi modifiée restent opaques, faute de sources directes. L’A. comme ses lecteurs en sont réduits aux conjectures. Il est en tout cas significatif que, lorsque les membres de l’orchestre du Grand Théâtre renouvellent l’aventure d’un ensemble symphonique en 1909 (cf. dans ce numéro d’Études héraultaises l’article de Sabine Teulon Lardic sur la Mutuelle des musiciens), ils se gardent bien de rallier leurs anciens administrateurs et préfèrent s’organiser entre eux.

On peut imaginer plusieurs hypothèses concernant l’évolution de la structure institutionnelle des Concerts, et leur fragilité conduisant à une disparition rapide. L’une consisterait à douter de la réalité du mécénat qui semble être à l’origine de l’arrivée des notables de 1892. Les apports financiers se révèlent modestes, et les musiciens se rémunèrent essentiellement sur les recettes des concerts. Dans ce cas, ce serait une pièce supplémentaire à verser au dossier de la faiblesse des investissements culturels de la bourgeoisie montpelliéraine (on pourrait faire le même constat pour les investissements sportifs), que ce soit au sein de la Municipalité ou dans les initiatives privées. L’introduction des notables dans le fonctionnement de l’institution musicale, loin d’apporter à celle-ci une certaine assise économique, aurait surtout pour rôle de conforter les élites dans l’assurance de leur supériorité : l’A. utilise, peut-être imprudemment, les notions de « légitimité culturelle » ou de musique « légitime » héritées de Bourdieu, pour prêter aux notables des stratégies de distinction, sans d’ailleurs vraiment évaluer les difficultés de mise en œuvre de ces notions hautement problématiques (le concert symphonique est-il plus ou moins légitime que l’opéra ?).

Une autre hypothèse mettrait en avant des conflits entre membres fondateurs, c’est-à-dire entre fractions (ou factions) politiquement et idéologiquement divisées. C’est ainsi que coexistent protestants et catholiques, républicains radicaux et monarchistes, propriétaires terriens et hommes d’affaires, etc., sans pour autant que ce patchwork local puisse se réduire à quelques grandes catégories macro-historiques. Lorsque Sabine Teulon Lardic, dans son Introduction, avance que les Concerts symphoniques, à l’instar des autres associations musicales de l’époque, en utilisant le modèle de liberté d’association proposé par l’État « apparaissent en symbiose avec les valeurs de la IIIe République. En effet, démocratisation, vulgarisation et (…) décentralisation sont au cœur de l’action publique républicaine » (page 10), elle s’appuie certes sur les recherches très documentées de Jann Pasler (La République, la musique et le citoyen. 1871-1914, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2015), mais n’évite pas toujours les relations de causalité hasardeuses entre idéologies politiques générales et pratiques culturelles particulières. Il est ainsi trop rapide d’indexer l’association musicale des Concerts sur l’idéologie républicaine : au même moment, les catholiques monarchistes de Montpellier s’organisent en utilisant au mieux toutes les ressources législatives des gouvernements radicaux. Quant aux objectifs de démocratisation culturelle, il reste difficile d’en tester la réalité, entre manque d’informations sur le public des concerts, et absence avérée d’engagement municipal. Pourtant, il faut savoir gré à l’A. de tenter courageusement de dresser une galerie de portraits de ces notables mélomanes qui sont le noyau du public, et de les situer dans l’espace social montpelliérain, mais un tel portrait de groupe exige de descendre jusque dans les détails des biographies individuelles, ou à tout le moins familiales, pour pouvoir espérer reconstituer le tableau des tensions, clivages, rivalités ou alliances qui se jouent à plusieurs niveaux simultanément. La question reste de savoir si cette fragmentation des élites locales est facteur de conflits et d’instabilité au sein de l’institution, ou si le goût commun pour la musique suffit à réduire les fractures (on pense à ce que Frédérique Patureau dit des abonnés de l’Opéra de Paris se retrouvant au foyer de la danse « terrain neutre des privilégiés », dans Le Palais Garnier dans la société parisienne, Mardaga, 1991, page 363).

Autre hypothèse encore, celle de désaccords esthétiques au sein du monde musical montpelliérain, sur le type de musique souhaité au programme des concerts. D’éventuelles divergences ont pu se manifester entre les musiciens de l’orchestre (et leurs chefs successifs) et les « membres fondateurs » qui ont voix au chapitre, sans même parler du public qui peut manifester son désaccord par sa désertion des soirs de concerts. Sabine Teulon Lardic suggère une telle situation lorsqu’Etienne Gervais prend les rênes de l’association, et milite en faveur de la « musique contemporaine », ce qui aurait lassé le public, et hâté la fin des Concerts symphoniques. On peut regretter que l’A. n’utilise pas ses compétences de musicologue pour essayer de démêler dans le répertoire joué par la société des Concerts les éventuels linéaments d’une politique esthétique suivie par l’orchestre. Tout au plus peut-on remarquer, si on suit la thèse de Jann Pasler déjà citée selon qui l’idéologie républicaine serait en phase avec une esthétique éclectique, que les programmes présentés pendant une douzaine d’années correspondent plutôt bien à cet impératif de diversité musicale. Si des conflits doivent se manifester, ce serait alors avec les tenants d’une ligne musicale plus dogmatique, ce que pourrait bien confirmer l’évolution de la scène musicale locale après la fin des Concerts symphoniques en 1903. Il n’a pas fallu très longtemps en effet pour que se manifeste, avec l’installation de Charles Bordes à Montpellier pour raisons médicales, une reprise des concerts et manifestations de grande ampleur. Le fondateur de la Schola Cantorum de Paris a très vite implanté en ville une annexe de la Schola, avec chœurs et orchestre, se spécialisant dans la défense et illustration de la tradition musicale française ancienne, tant liturgique que populaire, qui se prolonge chez des contemporains tels que d’Indy, Séverac ou le Carcassonnais Lacombe. L’entreprise reçoit l’appui de l’évêque Mgr de Cabrières, et du même Etienne Gervais que nous retrouvons actif dans la nouvelle organisation. La tenue à Montpellier des Assises nationales de la Schola, consacrées au chant populaire (du plain chant à la chanson) au printemps 1906, tout en se trouvant en butte à de multiples obstacles politiques, réunit plusieurs dizaines de noms, dont certains se trouvaient déjà parmi les membres fondateurs des Concerts symphoniques. A l’évidence, l’existence de la Schola à Montpellier n’a été possible que par le soutien des milieux catholiques et monarchistes, et tout particulièrement de L’Éclair et de son jeune chroniqueur Raoul Davray. Les articles détaillés parus autour de 1906 dans La Tribune de Saint-Gervais, l’organe de la Schola Cantorum, éclairent les luttes de légitimité du champ musical montpelliérain – c’est-à-dire les conflits autour de la question de savoir quelle musique mérite d’être défendue – sur un fond de profonds clivages idéologico-politiques.

Il serait trop long de détailler toutes les questions que les analyses de Sabine Teulon Lardic font naître chez le lecteur. On trouve des matériaux pour prolonger l’étude des rapports entre les différents types de musique proposées au public, de l’opéra au café-concert et à l’orphéon, mais aussi une approche économique des conditions de diffusion de la musique, ou encore l’esquisse d’une sociologie de la réception cherchant à distinguer les différents types d’écoute, ou même à évaluer les capacités d’attention du public. Thèmes extrêmement variés, qui font toute la richesse de ce beau livre, qui vaut autant pour la masse des informations recueillies que pour la profusion des questionnements qu’il suscite. C’est le type même de livre dont on souhaite qu’il ait une suite. Le lecteur se prend à rêver d’un programme coordonné de recherches universitaires qui, sur cette base solide, se donnerait pour tâche l’analyse de l’espace culturel montpelliérain sous la IIIe République, cette période foisonnante de sociétés musicales, de revues littéraires, d’expériences artistiques, de révolutions corporelles… Sabine Teulon Lardic nous montre en quoi une histoire culturelle ambitieuse permet de retrouver la leçon de Bourdieu et de faire de l’analyse des goûts (et des dégoûts) le carrefour où se croisent l’espace social des groupes en lutte ou en concurrence idéologique et politique, les institutions de production et de diffusion des objets culturels, les sociabilités de réception de ces objets qui se forment par affinités de goût, et les trajectoires de vie individuelles qui façonnent les dispositions personnelles et les capacités à s’approprier ces mêmes objets. Bref, une histoire totale, dont l’auteur nous laisse espérer la possibilité.

[Guy Laurans – guy.laurans@wanadoo.fr]

[Danielle BERTRAND-FABRE]... Sommaire des revues échangées

Lien des Chercheurs cévenols. Années 2015 et 2016

LCC 180, janvier-mars 2015,

—Castagno, Jan, « Le document en langue d’oc. La trombe ! Une crue du Galeizon », p. 29.

—Dumas, Marie-Lucy et coll., « Villefort d’après le compoix de 1602 », p. 4-8.

—Dumas, Marie-Lucy, « L’enclos de la ville de Villefort : une construction au tournant du XIIe siècle ? », p. 9-13.

—Liotard, Gabriel, « La loge ‘le Réveil des Cévennes’ à Alès (1919-1949) », p. 14-18.

—Pieters, Jean-Gabriel, « De quelques inondations survenues à Alès », p. 21-28.

—Poujol, Olivier, « Arthur Ranc (1831-1908). Sa famille, ses combats, ses relations avec Marcellin Pellet » (I), p. 19-21.

LCC 181, avril-juin 2015,

—Coll., « L’impact de la guerre dans nos familles : une génération perdue », p. 16-20.

—Peladan, Robert, « Pierre Peladan, galérien pour la foi », p. 12-14.

—Pieters, Jean-Gabriel, « Heurs et malheurs du jardin du connétable de Montmorency à Alès », p. 4-11.

—Poujol, Olivier, « Arthur Ranc (1831-1908). Sa famille, ses combats, ses relations avec Marcellin Pellet » (II), p. 21-25.

LCC 182, juin-septembre 2015,

—An., Les loges maçonniques dans le Gard septentrional (frise chronologique), p. 32. [XVIIIe-XXIe siècles].

—Cadoret, Florian, « Les notables catholiques et protestants en Piémont cévenol (l’exemple de Durfort) : possession de la terre, métiers et répartition sociale (XVIIIe siècle) », p. 19-25.

—Malclès, Robert, « Un Villefortais oublié : Jacques Bonnet, curé, député de la Sénéchaussée de Nîmes aux États Généraux de 1789 », p. 7-17.

—Rolland, Pierre, « Un ‘épisode cévenol’, à Saint-Ambroix en 1772 », p. 4-6.

—Wienin, Michel, « Le document en langue d’oc. Un poème de François Pouzol sur la Grande Guerre », p. 26-27.

LCC 183, octobre-décembre 2015,

—Bastide, Robert, « Avèze, la chapellenie Sainte-Catherine, 1471-1789 », p. 21-28.

—Coll., « Les 40 ans de LCC. Hommage à Jean Pellet et Jean-François Breton », p. 3-5.

—Couderc, Freddy, « Lettre d’un prieur d’une paroisse de la Cévenne ardéchoise en 1735 », p.15-18.

—Dumas, Marie-Lucy, « Villefort, ville protestante (1562-1663) », p. 6-14.

—Wienin, Michel, « Le document en langue d’oc. Poème sans titre, monologue », p. 19-20.

LCC 184, janvier-mars 2016,

—Coll., « La seigneurie d’Arènes au XVIIIe siècle », p. 4-12.

—Dumas, Marie-Lucy, « L’enquête géographique au milieu du XVIIIe siècle : l’exemple du nord du diocèse d’Uzès », p. 24-29. [Enquête des bénédictins].

—Poujol, Olivier, « Le fraidronite (Christol, Cordier et Dumas) », p. 13-21.

—Wienin, Michel, « Le document en langue d’oc. Un texte en occitan très patoisé : tract électoral en langue d’oc à l’occasion des élections de 1877 », p. 21-23. [As. electurs d’Alès et de la campagno].

Revue d’Histoire moderne et contemporaine de Nîmes et du Gard

RHMC, n° 29, 2014.

—Aramel, Philippe, « Les faubourgs de Nîmes du XVIIe au XXe siècle. Intérêt patrimonial et enjeu urbain », p. 58-78.

—Bertrand-Fabre, Danielle, « Bibliographie 2013 », p. 183-192.

—Cabane, Fabrice, « Louis Mouric, chansonnier gardois de la Belle Époque », p. 7-18.

—Chamboredon, Robert, « Gaston Doumergue (1863-1937). D’Aigues-Vives à l’Élysée », p. 91-108.

—Chamboredon, Robert, « Un document exceptionnel : le registre des expéditions vers l’Amérique (1748-1767) », p. 109-118.

—Christol, Michel et Pugnière, François, « Les artisans du savoir : une lettre de Boileau de Castelnau à Jean-François Séguier », p. 119-131.

—Freyssinet, Marianne, « Anne de Rulman (1582-1632) et le dessin d’antiques : de la représentation à la réinterprétation de l’Antiquité », p. 79-90.

—Galant, Jean-Christophe, « Histoire d’une ascension : quand les Mathieu deviennent Mathei de Valfons, marquis de La Calmette (XVIIe-XIXe siècles) », p. 132-142.

—Goossens, Irian, « Entre protestantisme et catholicisme : le parcours politico-religieux d’Antoine de Crussol (1528-1573), 1er duc d’Uzès, pendant les guerres de Religion », p. 33-45.

—Huard, Raymond, « À l’arrière du front : le Gard mobilisé, 1914-1919 », p. 19-32.

—Pélaquier, Elie et Durand, Stéphane, « Les états de Languedoc et les diocèses et Nîmes, Uzès et Alès (milieu XVIIe siècle-fin XVIIIe siècle », p. 46-57.

RHMC, n°30, 2015.

—Bernard, Thomas, « L’homme face au mal : le journal de santé de Fornier d’Albe (1826-1834) », p. 79-97.

—Bertrand-Fabre, Danielle, « Bibliographie 2014 », p. 163-172.

—Chamboredon, Robert, « In memoriam, Robert Debant (1928-2015) », p. 121-122.

—Creissen, Claire-Lise, « Alès au XIXe siècle, la ville en métamorphose », p. 7-19.

—Delanoé, Nelcya, « D’un poème d’Aragon aux deux rafles de Villeneuve-lès-Avignon, 1942-1943 », p. 21-31.

—Herrmann, Anny, « La ‘bouvino’ au début du XXe siècle, d’après les œuvres de Paul Vézian, félibre gallargois (1869-1952). De la violence à la noblesse », p. 32-48.

—Huard, Raymond, « In memoriam. Maurice Agulhon (1926-2014) », p. 117-119.

—Martel, Philippe, « Le Félibrige et la renaissance d’Oc au XIXe siècle », p. 99-115.

—Raynaud, Claude, « Le Lunellois : une société rurale du XVIe au XVIIIe siècle », p. 65-78.

—Ritter, Philippe et Mathon, Georges, « Le bombardement de Nîmes du samedi 27 mai 1944. 1944-2014 : 70 ans, de la propagande à l’histoire… du mythe à la réalité », p. 49-63.

Annales du Midi, tome 127, 2015

Annales du Midi, 289, janvier-mars 2015.

—Chareyre, Philippe, « Travail et repos dominical dans une ville calviniste, Nîmes, XVIe et XVIIe siècles », p. 47-64.

—Juillet, Clair, « Occuper une usine de haute technologie : Sud-Aviation Toulouse en mai-juin 1968 », p. 83-104.

—Laumonier, Lucie, « Manières de parenté. Les formes de l’adoption dans la région de Montpellier au XVe siècle », p. 7-24.

—Nakayama, Shun, « Alexandre Du Mège et l’enrichissement des collections archéologiques du Musée de Toulouse dans les premières décennies du XIXe siècle », p. 65-82.

—Vitores Casado, Imanol et Bochara, Michel, « Une attaque castillane contre le Labourd en 1419 : portée militaire et enjeux stratégiques d’une algarade frontalière », p. 25-46.

—Brunet, Marc, Chronique des thèses, p. 105-110.

Annales du Midi, 290, avril-juin 2015.

—Peyrard, Christine, « Introduction », n° spécial, Biographies révolutionnaires, p. 165-168.

—Alzas, Nathalie, « Un pasteur ‘rouge’ de la Révolution française, Jacques Molines », p. 183-201.

—Belmonte, Cyril, « Leblanc de Servanes (1739-1822) de la vallée des Baux à la Convention nationale », p. 203-215.

—Doria, Alessandra, « Biographies révolutionnaires et migrations : les français à Nice en 1794 d’après les cartes de sûreté », p. 217-233.

—Lapacherie, Jean-Gérard, « Bourcier, prêtre queyrassin réfractaire », p. 235-251.

—Peyrard, Christine, « Ange-Alexandre Bondon ou un ingénieur-architecte en révolution », p. 169-181.

Annales du Midi, 291, juillet-septembre 2015

—Berthe, Maurice, « Des ‘bastides’ avant l’ère des bastides classiques », p. 293-324.

—Dominici Verdier, Camille, « ‘Les enfants de la ville’ : le consulat montpelliérain et ses nourrices à l’aube du XVIe siècle », p. 349-366.

—Plat, Emmanuel, « Les dockers du port de Bayonne à travers les mouvements sociaux de la Belle Époque », p. 389-406.

—Roques, Rémy, « Le gouvernement d’Alphonse de Poitiers en Auvergne », p. 325-348.

—Walshaw, Jill Maciak, « L’adaptation du jacobinisme au monde rural : la politisation populaire dans les villages de la Haute-Garonne, 1790-1795 », p. 367-388.

—Alvira Cabrer, Martin, Chronique des thèses, p. 421-433.

Annales du Midi, 292, octobre-décembre 2015.
N° spécial, Élites en représentation, représentation des élites.
Les élites méridionales de la Renaissance au XXe siècle.

—Agostino, Marc, « Les archevêques de Bordeaux : le seigneur et le pasteur. Les représentations aux XIXe et XXe siècles », p. 489-497.

—Coste, Laurent, « Les magistrats urbains dans la France méridionale sous l’Ancien Régime : diversité des messages et des représentations », p. 477-487.

—Lagrange, Marion, « Les représentations des universitaires bordelais et la temporalité de la figure du savant (1880-1960 », p. 499-516.

—Le Mao, Caroline et Figeac, Michel « Les représentations de la magistrature sous l’Ancien Régime », p. 455-476.

SESA : Bulletin de la Société d’Études scientifiques de l’Aude,
tome CXIV, 2014. Section « Histoire »

—Bascou, Pierre, « Moulins et meuniers des Hautes Corbières du XVIe au XVIIIe siècle », p. 113-124.

—Blanco, Jacques et Raucoules, Alfred, « Le club de rugby à XIII le plus humble de la ville de Carcassonne », p. 149-158.

—Bousquet, Bénédicte, « La bibliothèque de l’abbaye de Lagrasse (1663-1792) », p. 95-102.

—Capéra, Jean-Claude et Vizcaïno, Daniel, « Le château de Ferrals, approche environnementale, géologique et paléontologique », p. 11-16.

—Cau, Michel, « Le domaine de Paret-Longue à Pennautier et la famille Castel (1818-1992) », p. 125-134.

—Escudier, Jean-Louis, « L’exploitation viticole : un espace à conquérir pour les femmes, 1880-1980 », p. 135-148.

—Ferriol, Marie-Chantal, Gardel, Marie-Élise et Sarrand-Guilhem, Claude, « Le château de Couffoulens : première approche », p. 71-82.

—Foltran, Julien, « Création et transformations urbaines médiévales du bourg de Lagrasse », p. 61-70.

—François, Michèle, « Roger Hyvert (1901-1988), recenseur des monuments historiques de 1945 à 1965 », p. 159-169.

—Gazel, David, « L’interprétation de la Divisio Wambae et les limites des diocèses de la Narbonnaise wisigothe », p. 17-31.

—Grassin Delyle, Julie, « Nouveaux regards sur les décors sculptés de Notre-Dame de Marceille à Limoux, XVIIe-XVIIIe siècles. Le cas du lambris sculpté de la Vierge Noire », p. 103-111.

—Langlois, Gauthier, « À propos d’une représentation du vicomte Trencavel sur une peinture murale de la conquête de Valence ; l’exil du dernier vicomte de Béziers, Albi et Carcassonne dans les états de la couronne d’Aragon », p. 49-60.

—Robion, Claude-Marie et Peytavie, Charles, « Nouvelles données sur l’histoire de l’abbaye de Saint-Hilaire », p. 83-94.

—Roquefort, Guillaume, « Le génie civil du XIIe au XIVe siècle en pays d’Aude à travers la construction des ponts », p. 33-48.

Annales Historiques Compiégnoises, Études picardes modernes et contemporaines, 2015

AHC, n°137-138, printemps 2015. N° spécial, Le château de Compiègne (1788-1852)

—Bernet, Jacques, « Le château de Compiègne, la révolution de 1848 et la IIe république. », p. 31-42.

—Dancoisne, Éric, « Histoire de drapeaux à Béthisy-Saint-Pierre (1830-1936) », p. 51-55.

—Haigron, Cécile, « La villa Marcot à Compiègne (1908) », p. 43-50.

—Michon, Clément, « Le château de Compiègne sous la Révolution française (1788-1799) », p. 5-20.

—Quentin, Roger et Bernet, Jacques, « D’un Empire à l’autre. Lazare Pierre Julien (1776-1853), concierge-régisseur du château de Compiègne sous la monarchie de Juillet », p. 21-30.

AHC, n°139-140, automne 2015. N° spécial, Pierrefonds (XVIIe-XXe siècles)

—Dancoisne, Éric, « Les maires de Pierrefonds au XIXe siècle, 1915-1914 [étude prosopographique] », p. 15-28.

—Hébert, Rémi, « François Ferrand (1877-1953) : un demi-siècle de passion pour Pierrefonds », p. 49-54.

—Hébert, Rémi, « Le thermalisme à Pierrefonds », p. 41-48.

—Kokanosky, Laurent, « Petite histoire de la reconstruction du château de Pierrefonds d’après le journal inédit de Lucjan Wyganowski », p. 29-40.

—Pilot, Marc, « La famille Boitel de Dienval et la Follie à Pierrefonds, XVIIe-XXe siècles », p. 5-14.

[Danielle Bertrand-Fabre]