La tête dans les étoiles, le ciel comme terrain d’aventure : Gustave Tramblay (1855-1918), un mérifonois d’adoption

La tête dans les étoiles, le ciel comme terrain d’aventure :
Gustave Tramblay (1855-1918), un mérifonois d’adoption

* Docteur en histoire des sciences, Qualifié Maître de Conférences, section 34 (Astronomie-Astrophysique),
Directeur du Centre Culturel d’Astronomie de Montpellier. Contact : contact@faidit.fr
** Professeur Agrégé, Docteur en sociologie,
Président de l’association Le MAS des Terres Rouges. Contact : chguiraud@orange.fr

Nous avons choisi le titre de cet article en hommage à « la vision poétique » du ciel de Gustave TRAMBLAY, telle qu’elle se présente dans ses écrits avec la rigueur d’un scientifique.
Remerciements à Michel MAURIES, secrétaire général de l’association, pour sa bienveillante relecture de l’article et sa collaboration sur le terrain. Remerciements à Guy LAURANS pour ses conseils.

La rédaction de cet article est liée à notre découverte, dans les archives d’une famille de Mérifons 1, d’un grand nombre de plaques photographiques, du XIXème et du début du XXème siècle, laissé en héritage par un ancêtre doté d’une curiosité insatiable. Ce dernier, détenteur d’une formation littéraire et juridique, ainsi que d’un goût prononcé pour l’observation du ciel et du monde, a utilisé une démarche technique et scientifique de la photographie qui ouvre, aujourd’hui, un regard neuf sur son époque.

Cet homme, Gustave Tramblay, est un photographe amateur des années 1880-1918 qui a développé la connaissance de l’astronomie au travers de nombreux clichés, dont un grand nombre restent inédits. Nous utilisons le terme « d’amateur » pour désigner une pratique qu’il développe en dehors de son activité professionnelle. Notre attention se porte sur sa technique, l’originalité de sa démarche et le choix des sujets ou objets divers photographiés. Cette approche permet de saisir le regard qu’il porte sur son milieu de vie et d’en identifier une manière de penser et de voir le monde. Ses observations et ses questionnements scientifiques permettent d’ouvrir une fenêtre sur l’astronomie moderne et divers domaines sociétaux.

Son activité professionnelle, se situe, dans un premier temps, dans le domaine juridique et comptable puisqu’il exerce une fonction au sein d’un service déconcentré de l’administration des finances puis, dans un second temps, industriel, comme copropriétaire d’une usine de fabrication de lits en fer à Montpellier. Cependant, la qualité de son activité photographique et d’astronomie en fait un éminent praticien et un scientifique à l’égal de professionnels de ce champ social. Mais il est vrai que cette activité marginale conduit à le désigner, par ses contemporains, comme un simple « observateur-amateur », car il n’a pas, tout simplement, ni le statut ni l’expérience d’un astronome de métier. Il en est de même pour son statut de photographe. Toutefois cette dénomination laissera la place à celle d’observateur en raison de son utilité dans le processus d’élaboration des savoirs et de sa large contribution dans la plupart des domaines de l’étude du ciel. Il alterne en effet le suivi des éclipses ou des comètes, le dessin des taches du Soleil ou des cratères de la Lune, la surveillance des étoiles variables ou des essaims d’étoiles filantes, le calcul et la représentation graphique des conjonctions planétaires ou encore des transits de planètes devant le disque du Soleil, sans oublier l’aspect instrumental du bricolage d’une lunette à l’expérimentation encore rare de la photographie

Mais qu’est-ce exactement un observateur-amateur à la fin du XIXème siècle ? Comment le devient-on ? Enfin, comment, à partir de cette position, Gustave Tramblay a-t-il élargi son regard à de nouveaux objets d’étude ?

Répondre à la première question, c’est considérer qu’un observateur-amateur est avant tout, pour l’astronome de profession, un auxiliaire qui le décharge de tâches « éloignées de sa science 2 ». Comment le devient-on ? L’adhésion à une « société » de passionnés d’astronomie semble une voie incontournable pour être reconnu, à la condition de faire preuve d’un dévouement à l’intérêt collectif et d’une compétence affirmée. C’est le cheminement de Gustave Tramblay.

Une trajectoire sociale familiale déterminante

Gustave Tramblay est né le 27 janvier 1855 à Paris. Son père, Adolphe, né en 1814 3 et décédé en 1871 à Paris, et sa mère Herminie Martin, née en 1821 à Lodève et décédée en 1859 à Maisons-Laffite 4, résident dans l’ancien second arrondissement 5 de la capitale. Son père se déclare négociant en vins6.

Tramblay est bachelier es lettres en 1873 (faculté des lettres de Poitiers) et bachelier en droit en 1876 (faculté de droit de Paris). Il poursuit ses études de droit jusqu’à la licence 7, est nommé, à Paris, receveur-contrôleur au ministère des finances, puis est affecté à l’Escarène 8 en 1877. Il obtient, le 24 janvier 1881 9, un poste de receveur de l’enregistrement, des domaines et du timbre à Gignac, dans le département de l’Hérault. Cette profession semble être de tradition familiale car son grand-père maternel, Pierre Martin, a occupé la même fonction à Lodève 10. En outre, son oncle maternel, Charles 11, est un directeur de cette même administration à Châteauroux (Indre), puis à Paris. Son autre oncle maternel, Jean-Gabriel Martin est conservateur des hypothèques à Paris après avoir exercé plusieurs années à Agde. Cet ensemble d’éléments situe un environnement social et géographique qui peut expliquer sa nomination et sa rencontre avec la famille de sa future femme 12.

Portrait de Gustave TRAMBLAY à 25 ans.
Fig. 1 - Portrait de Gustave TRAMBLAY à 25 ans.

Le 25 avril 1881, il épouse, à Clermont-l’Hérault, Augustine Rey née en 1860. Elle est la fille d’Auguste Rey 13, ancien notaire et propriétaire à Clermont-l’Hérault. Sa mère, Pascale Suquet 14 appartient à une famille de commerçants en épicerie de détail de Villeneuve-lès-Maguelone, et de négociants en vins du clermontais.

De Clermont-l’Hérault/Gignac, le couple se déplace à Orange (Vaucluse) et fonde une famille de trois enfants. Gustave Tramblay y a obtenu une place de receveur de l’enregistrement plus favorable que la précédente. Une quinzaine d’années plus tard, probablement vers la fin de l’année 1898, la famille s’établit à Montpellier. En effet, au mois de juillet de cette même année, Gustave Tramblay publie une observation céleste « réalisée à partir d’Orange » et, peu de temps après, s’installe dans la métropole héraultaise. C’est à partir de cette date qu’il abandonne la charge de receveur de l’enregistrement et qu’il embrasse le métier d’industriel, en étroite collaboration avec sa belle-famille Rey.

Portrait de Mme Augustine TRAMBLAY née REY à 20 ans.
Fig. 2 - Portrait de Mme Augustine TRAMBLAY
née REY à 20 ans.

Le couple et ses enfants résident désormais à Montpellier, Boulevard Renouvier 15, où l’association des familles Rey et Tramblay a fondé à partir de 1898 une manufacture de lits en fer destinés aux hôpitaux. C’est donc une nouvelle carrière qui s’ouvre à Gustave Tramblay puisqu’il devient un industriel reconnu. Mais sa passion de l’astronomie demeure et s’investit dans la création de la Société Astronomique Flammarion de Montpellier. Les membres les plus avertis de l’association utilisent le pavillon du jardin des plantes à Montpellier comme observatoire permanent (construit en 1879 16 et le siège social de la société occupe une partie de la célèbre tour de la Babote.

Vue générale de Clermont-l'Hérault et du château en 1894
Fig. 3 - Vue générale de Clermont-l'Hérault et du château en 1894
(Collection famille Bérard).
Vue depuis le bureau de l'enregistrement à Gignac en 1882 : l'Esplanade
Fig. 4 - Vue depuis le bureau de l'enregistrement à Gignac en 1882 : l'Esplanade (Collection famille Bérard). Les cartes postales du début des années 1900 ont une perspective inverse

Républicain convaincu, il participe à l’œuvre des universités populaires et côtoie l’élite intellectuelle montpelliéraine. Il est un membre très actif de l’association des Amis de l’Université dès 1904. Cette attitude est relevée par la presse qui souligne, à sa disparition, ce souci « de rendre accessible à tous le charme profond de la science astronomique ». En collaboration avec son beau-frère Auguste Rey, il participe à la mise en place d’un programme social en faveur du personnel de l’usine. C’est, en premier lieu, l’instauration d’une participation des employés aux bénéfices de l’entreprise, puis, en 1908, l’adoption de la journée de 8 heures. Seule la guerre interrompt le projet de construire des « maisons ouvrières ». En compensation, il participe à la création de jardins potagers qui sont mis à la disposition de chaque ménage ouvrier. Une coopérative de consommation est également organisée, au sein de l’entreprise, pour lutter contre la vie chère. Toutefois ce programme social, reflet des idéaux républicains des deux associés, est brusquement interrompu par l’incendie des 18 et 19 juillet 1916 qui détruit entièrement l’usine. Gustave Tramblay nous laisse un témoignage visuel de cette aventure humaine par trois clichés qui en situent une trop brève chronologie :

Lorsque Gustave Tramblay décède à Montpellier de la « grippe espagnole », en 1918, son épouse veille à pérenniser sa mémoire auprès de la Société Astronomique de France en communicant ses dernières observations du ciel 17 et participe à diverses manifestations portant sur la photographie céleste 18. Elle s’éteindra, en 1951, à Montpellier.

L'atelier de fabrication de l'armature des lits - vers 1915
Fig. 5 - L'atelier de fabrication de l'armature des lits - vers 1915 - (collection famille Bérard)
L'atelier de fabrication des sommiers en fer par des ouvrières - 1915
Fig. 6 - L'atelier de fabrication des sommiers en fer par des ouvrières - 1915 - (collection famille Bérard)
État des ateliers au lendemain de l’incendie du mois de juillet 1916
Fig. 7 - État des ateliers au lendemain de l’incendie du mois de juillet 1916 (collection famille Bérard)

L'émergence de l'observateur scientifique

Après cette présentation des grandes étapes d’une vie, il est nécessaire d’analyser la trajectoire sociale de cet homme afin de mieux comprendre ses choix photographiques et ses moyens d’action. Ses premières photos datent de 1880 et concernent, outre l’astronomie, le département de l’Hérault. Il ne semble pas y avoir eu, à notre connaissance, de clichés répertoriés avant cette date 19. En effet, ce n’est qu’en 1894 que Gustave Tramblay retourne à l’Escarène et à Nice pour en tracer le souvenir sur quelques plaques de verre. Cela indique bien qu’il ne possédait pas d’appareil photographique au cours de son séjour sur le poste de receveur de l’enregistrement entre 1877 et 1880.

Malgré cela, comment expliquer cet attachement à la photographie ? Est-ce seulement lié au désir de mieux explorer le ciel, comme ses nombreuses notes manuscrites le prouvent pour en conserver une trace plus fiable ? Cette hypothèse est concrétisée par la liste des observations célestes 20 qui ont précédemment marqué sa vie. En effet, c’est au cours de sa période universitaire à Paris, en 1873 (4), 1874 (5), 1875 (2) et en 1876 (4), que toute une série d’observations scientifiques révèle ce désir de maîtriser et de conserver ce qui a été intellectuellement enregistré, comme le tableau de la page suivante en témoigne.

Ce document conforte la réalisation par Gustave Tramblay, vers 1872 21, d’un album « du ciel » avec de nombreuses planches astronomiques (nébuleuses, planètes, etc.). Une courte légende manuscrite accompagne chaque vue. En effet, il y explorait du regard les cartes du ciel et avait calculé le positionnement de Jupiter… le 1er mars 1872.

Manuscrit des premières observations du ciel de Gustave Tramblay - L'année 1877 ne comporte aucune note
Tableau 1 - Manuscrit des premières observations du ciel de Gustave Tramblay - L'année 1877 ne comporte aucune note, ce qui peut s'expliquer par sa prise de fonction à l'Escarène et la poursuite de ses études de droit - L'année 1872 constitue le point de départ de ses premiers calculs astronomiques
(Manuscrits GT- Collection Jean- Michel Faidit)
Orion-Sirius - Un des premiers dessins célestes de Gustave Tramblay, alors adolescent
Fig. 8 - Orion-Sirius - Un des premiers dessins célestes de Gustave Tramblay, alors adolescent. On reconnaît la constellation d’Orion, avec les trois Rois, Rigel, Bételgeuse ainsi que les étoiles des constellations alentours, notamment Sinus, l'étoile la plus brillante du ciel. (Collection Jean-Michel Faidit)

Pour l’anecdote, Gustave Tramblay a une passion pour la mesure de toute chose. Il fait des relevés exhaustifs du poids des membres de la famille, de la distance des cheminements pédestres qui le conduisent en montagne ou dans les vallées et de leur valeur en temps… et totalise le tout, sans préciser toutefois le mode de déplacement ! Il ose même l’approche naturaliste en notant la mélodie du coucou qu’il observe dans la vallée du Salagou : « Le 19 mai 1907, observé le chant d’un coucou à Canet-Mérifons, à environ 250 m de distance du ruisseau de Canet, sur la rive droite, au-dessus du confluent avec le ruisseau de Montrouge. L’oiseau était sur une haie formée de chênes et de frênes, à 100 m de moi. Ciel nuageux, mistral modéré. Première reprise du chant : 46 fois cou-cou de suite. La 2e 17 fois, la 3e 32 fois (en 45 secondes à 15 h 32), la 4e 22 fois (en 30 secondes à 15 h 36), la 5e 28 fois (en 40 secondes à 15 h 38). Autre (coucou), à 300 mn au moins, sur la rive gauche du ruisseau : même reprise 75 fois de suite, interruption de 15 secondes environ, puis (reprise) 7 fois22 ».

La description est rigoureuse tout en révélant une sensibilité émotionnelle.

Gustave Tramblay excelle dans l’observation des événements météorologiques et noircit des dizaines de pages d’annotations dans une sorte de « fourre-tout » informationnel Quelles sont les racines de cet intérêt pour la conservation de ce qui apparait, dans toute observation, comme éphémère, signe de la fuite du temps ?

Carte du ciel - Il s'agit d'une carte découpée dans un ouvrage imprimé, que Gustave Tramblay avait collé sur un support
Fig. 9 - Carte du ciel - Il s'agit d'une carte découpée dans un ouvrage imprimé, que Gustave Tramblay avait collé sur un support cartonné renforcé, afin de l'emmener pour observer la nuit sur tous terrains. (Collection Jean-Michel Faidit)

Une enfance déchirée et un contact précoce avec la photographie

Il nous semble important de souligner que l’entrée dans la vie de Gustave Tramblay est dramatique puisqu’il perd sa mère à l’âge de quatre ans, et son père à 16 ans. Son frère aîné, Pierre Adolphe, né en 1853, disparaît l’année suivante Orphelins de mère, son jeune frère Maurice 23 et lui-même sont accueillis quelques années plus tard au Petit Séminaire de La-Chapelle-Saint-Mesmin 24 près d’Orléans où leur père semble s’être installé après le décès de leur mère 25. Puis, ils poursuivent leurs études secondaires au lycée privé 26 de Châteauroux, dans le diocèse d’Orléans, sous la bienveillante protection de leur oncle, directeur de l’enregistrement de cette ville. Cette implantation en province ne semble pas empêcher leur retour périodique dans la capitale, comme en témoignent les portraits réalisés par des photographes d’art parisiens. Par exemple, Pierre Petit 27 réalise des clichés d’Adolphe Tramblay 28, puis de ses enfants Gustave et Maurice. La photographie, malgré sa modernité et son coût, est entrée dans la culture familiale dès les années 1850. En effet, un portrait d’Herminie Tramblay est réalisé, en 1857 29, par Henri Honoré dans son studio situé au n° 11 du boulevard des Capucine 30 à Paris. En 1881, Gustave et Augustine, font réaliser, individuellement, leur portrait par le photographe d’art Otto Van Bosch31. Le 19 novembre 1883, le photographe A. Bosse, rue de Texel à Paris, réalise la photo du premier enfant du couple dans les bras de sa mère, quelques mois seulement après la naissance. Ces faits témoignent des nombreux voyages de la famille Tramblay dans la capitale et de sa fréquentation des milieux de la photographie d’art 32. Gustave pouvait ainsi être directement au contact de l’évolution des techniques photographiques.

Le ciel et la terre, constructeurs d'imaginaire et de savoir

La trajectoire de vie de Gustave Tramblay témoigne d’un engagement particulièrement fort dans ses différentes activités sociales et scientifiques. Est-ce un des effets de son passage au Petit Séminaire au sein duquel il consacrait 11 heures de travail obligatoire par jour 33 ? Cette habitude contractée dans sa jeunesse l’a certainement aidé à surmonter la difficulté des observations faites dans le froid et la solitude des longues nuits passées derrière sa lunette astronomique. Ce comportement est révélé par l’histoire du petit séminaire d’Orléans où l’on souligne l’importance donnée au mérite social et au travail :

« À la Chapelle, le travail est une bataille il ne s’agit pas seulement de savoir, il s’agit de vaincre et de briller. Chaque samedi, à la salle des exercices et dans l’appareil le plus solennel, sont proclamées les places et les notes de la semaine. La récompense la plus enviée, c’est de mériter un éloge (…) le ressort de cette éducation, après la piété, c’est le sentiment de l’honneur34 ».

Comme nous l’avons souligné plus avant dans cet article, à 16 ans, il concrétise ses interrogations sur le monde en élaborant un album consacré à ses observations du paysage, de personnages divers et à l’astronomie 35. Il dessine des animaux, des papillons et des humains ou bien « colle » des vues du ciel découpées dans des revues spécialisées et les organise en « catégories ». La source en est, peut-être, la revue Cosmos dirigée par un homonyme, A. Tramblay, et dont on identifie parmi les auteurs, Camille Flammarion 36.

On pourrait expliquer ce goût de la photographie par son expérience familiale, tout en relevant que ses premières photographies connues ne sont datées que de 1880 37. Cette attitude se double aussi d’une véritable passion pour l’observation scientifique. Ainsi, le fait de noter que son père est collectionneur de papillons 38, et en construit une classification sous forme de tableaux, constitue l’argument d’une éducation préscientifique. La démonstration peut être recherchée dans les travaux de Jean-Pierre Changeux 39 qui placent « la collection (…) aux sources du savoir scientifique ». Enfin, il dispose d’une « longue vue en cuivre », véritable instrument d’aide à l’observation de son environnement, le ciel y compris.

Ce qui précède est à mettre en parallèle de l’histoire de vie de son illustre modèle, Camille Flammarion 40, lequel souligne, dans l’extrait suivant, le rôle médiateur de sa mère dans sa première confrontation aux phénomènes célestes :

« Mes goûts astronomiques datent de toujours, et ni mon père, ni ma mère, ni aucun de mes ancêtres n’ont jamais manifesté aucune tendance vers l’étude des sciences ou de la philosophie (…). (Mais) parmi mes anciens souvenirs d’enfance, je dois citer deux spectacles astronomiques, aussi rares qu’imposants, dont j’eus l’avantage d’être témoin aux débuts même de ma vie : deux Éclipses de Soleil (…). Celle du 9 octobre 1847 (…). Devant notre maison ma mère avait placé un seau d’eau et c’est là qu’elle nous fit observer l’éclipse, comme dans un miroir (…). On voit l’écran noir de la Lune s’avancer lentement, graduellement, inexorablement, devant le disque lumineux, la belle lumière du jour diminuer peu à peu… (…) le spectacle d’une éclipse presque totale du Soleil impressionne même les enfants (…). La seconde éclipse arriva le 28juillet 1851 (…). Nous l’observâmes (…) également dans un seau d’eau et, de plus, à l’aide de verres noircis à la fumée d’une chandelle. L’émotion que j’avais ressentie lors du premier phénomène se renouvela, plus intense encore, et je n’eus cesse ni arrêt d’en avoir l’explication les jours suivants par l’instituteur (…). Il est probable que dans tout le pays, elle (ma mère) est la seule qui ait donné cette leçon de cosmographie ».

Gustave Tramblay s’est-il trouvé confronté à un phénomène céleste tout aussi prégnant ou un événement de vie affectivement déterminant ? Dans son album, un des collages représente la planète Mars dont il note simplement : « Mars, Juin 1873 ». En feuilletant l’ouvrage, le regard s’arrête sur le dessin d’une femme jeune et élégante qui occupe toute une page. Il est daté de 1871 et signé « GT ». Il semble représenter l’image de la mère qu’il a peu connue, mais dont la représentation demeure, tant l’image photographique, citée plus haut, a pu en conserver le souvenir 41. Ces deux dates signent la période de réalisation de ce « registre-témoin ». La seconde date citée est celle de la mort de son père et semble marquer la rupture nécessaire à son autonomie sociale en se tournant vers d’autres objets de vie. C’est ce qu’offre, semble-t-il, la première date qui s’ouvre à la recherche d’un monde lointain, mystérieux et symboliquement situé au-delà de la mort, dans une mise à distance d’une réalité douloureuse. En effet, « il semble devenu acquis, depuis la chambre claire, que la photographie participe au refus du travail de deuil. En créant l’illusion de rendre l’objet perdu véritablement présent, elle permettrait de maintenir l’illusion d’une relation comme s’il était encore là ». Cette interprétation permet de souligner « le rapport complexe que toute photographie entretient avec la mort 42 ».

Sur un plan plus concret, ce choix est peut être aussi puisé dans une littérature propice à l’exaltation de l’imaginaire. Voir, ci-après, une feuille de collage de dessins d’astronomie que nous avons citée plus haut dans cet article.

Au cours de cette période les articles scientifiques d’astronomie rapportent les multiples observations de la planète Mars. Cet engouement s’explique par l’exposition favorable à l’observation de l’axe de cet astre par rapport au Soleil. On retient que l’image collée par Gustave, marque la position « en lentille » de la calotte de neige sur le pôle austral. C’est ce que décrivent aussi les publications scientifiques. On peut en déduire que Gustave Tramblay s’intéressait à l’actualité de ces travaux scientifiques et qu’il en suivait régulièrement la diffusion. Son tempérament un peu rêveur, voire poétique, y a probablement acquis la possibilité d’une expression, voire d’une ressource. Un regard sur les rayons de sa bibliothèque dans la maison familiale de Mérifons conforte ce point de vue, car nous y découvrons « l’annuaire météorologique et agricole du laboratoire de Montsouris pour l’an 1875 ». Le contenu de l’ouvrage est directement lié aux modifications réalisées dans les missions de cet observatoire au mois d’octobre de cette même année afin « d’imprimer aux études astronomiques et météorologiques (…) l’impulsion qu’exige l’état présent de l’astronomie43 ». Ainsi, le contexte scientifique de l’époque permet-il d’aiguiser l’intérêt de Gustave Tramblay pour ce champ de recherche.

Page de l'album de dessin de GT (1871-1873)
Fig. 10 - Page de l'album de dessin de GT (1871-1873)

Ce regard scientifique est à explorer, car cette période est celle des grandes découvertes qui vont transformer les modes de vie et les manières de penser du début du XXème siècle. Camille Flammarion, en vulgarisateur scientifique, fait une liste impressionnante de ce qui émerge avant 1850, et qui se concrétise par une formidable avancée scientifique et technologique :

« Le chemin de fer, la télégraphie électrique, la photographie, l’analyse spectrale, la lumière électrique, la traction électrique, la photogravure, la microbiologie, la médecine microbienne, le téléphone, le phonographe, le cinématographe, les rayons X, la radiographie, le radium, le radioactivité, le télégraphe sans fil, la direction des ballons, l’aviation, les aéroplanes, le phonocinématographe44 ».

La photographie est à placer dans le tissu relationnel de ces différentes inventions et son usage ne peut se détacher du regard nouveau que l’on porte désormais sur le monde. Les mobilités changent, qu’elles soient concrètes ou virtuelles. Par exemple, le chemin de fer ouvre de nouveaux espaces à la contemplation ou à l’investigation. Le paysage constitue un des nouveaux attraits possibles dans ses aspects premiers où le pittoresque et l’émotion l’emportent sur l’analyse scientifique. D’autant que l’évolution de la performance des émulsions photographiques fait progressivement diminuer les temps de pose et ouvre à l’appréhension de nouveaux objets photographiables.

Si, entre 1857 et 1880, la collection des photos familiales de Gustave Tramblay est essentiellement constituée de portraits d’adultes isolés, psychologisés45 et réalisés par des photographes d’art de Paris (Petit, Van Bosch, Maujean et Léopold Dubois, etc.), de Châteauroux (P. de Verdot), Avignon (S. Garnier), Nîmes ou Montpellier (Ferdinand Cairol), elle se transforme pour devenir plus sociale dans les années 1880-1900 (GT est alors acteur-photographe) et élargit le champ de ce qui est digne d’intérêt, donc à photographier, dans la découverte d’un paysage46 rural ou urbain. Cependant, nous soulignons que sa première photo des ouvrières dans un atelier de sa manufacture, ouverte en 1898, date seulement de 1915. C’est le signe de la lente évolution du regard engendré par la mutation des idées et des comportements sociaux. Sur ce dernier point, Gustave Tramblay se présente comme un républicain convaincu 47 qui oriente son regard vers de nouveaux objets sociaux, comme par exemple ses clichés de la manifestation des vignerons à Montpellier en 1907.

Le Planol à Clermont l'Hérault en octobre 1880
Fig. 11 - Le Planol à Clermont l'Hérault en octobre 1880 (collection famille Bérard)

Amateur des nouvelles technologies qui se développent à cette époque, Gustave Tramblay se passionne pour la photographie et l’évolution des techniques utilisées. Il sera un des pionniers de leur usage dans l’astronomie. Il réalise également de nombreux clichés de paysages du « cœur d’Hérault » (Vallée du Sala-ou, Mérifons, Saint-Guilhem-le- Désert, Cirque de Mourèze, etc.), des photographies de membres de sa famille, d’amis, et de la communauté mérifonoise. Ses nombreuses plaques de verre ont été, pour la plupart 49, sauvegardées par son petit-fils Pierre Bérard, puis par sa descendance. Parmi les thèmes de celles-ci, nous retenons, en premier lieu, les résultats de ses observations astronomiques, liées à son cheminement d’observateur « amateur ».

Manifestation des vignerons en 1907. Décryptage d'une manifestation par la photo
Fig. 12 - Manifestation des vignerons en 1907. Décryptage d'une manifestation par la photo. (Cliché GT, collection JM Faidit)

La photographie au service de l'astronomie

La photographie de la « Grande comète » de 1882, dénommée C/1882 R1, constitue un des premiers témoignages de ses observations du ciel. Le cliché est réalisé le 20 novembre 1882 à Gignac et publié, grâce à sa qualité technique et scientifique, dans le bulletin « l’Astronomie » dirigé par Camille Flammarion 50. Il est curieux de constater que la presse du même jour donne, de son point de vue, une interprétation erronée de ce phénomène céleste : « Une splendide aurore boréale a été visible à Nice, hier soir vers six heures, du côté nord ouest, elle a disparu vers l’Est51 » ou bien, quelques jours plus tard : « L’observatoire de Montsouris signale que les fréquentes perturbations magnétiques de ces derniers jours ont redoublé d’intensité52 », sans signaler la présence de cette comète que les scientifiques ont déjà identifiée depuis plusieurs mois. Il est vrai que les moyens de diffusion de l’information ne sont pas ceux d’aujourd’hui, surtout pour l’actualité scientifique ! Gustave Tramblay poursuivra cette observation, à partir de son domicile Gignacois, les 3, 6 et 7 janvier 1883.

La grande comète de 1882 (Cliché GT, collection JM Faidit)
Fig. 13 - La grande comète de 1882 (Cliché GT, collection JM Faidit) - note de GT : « 4 octobre 1882, 9 h 30 - Observé Gde Comète par un ciel très pur. À 3 h du matin, la queue commence à paraître à l'horizon...

Avec le recul du temps, Camille Flammarion a repris les « brèves » journalistiques consacrées à l’astronomie, voire la météorologie, et en a critiqué la teneur en soulignant leur manque de fiabilité. Ainsi, à propos d’un phénomène lumineux observé en 1892, il remarque « qu’il ne s’agissait point ici d’aurores boréales, comme le supposaient la plupart des journaux même les plus sérieux… (mais qu’) Il s’agissait d’une illumination crépusculaire d’un genre spécial ». C’est l’occasion de mettre en lumière l’expertise en astronomie de Gustave Tramblay puisque le responsable du bulletin écrit : « À Orange, M. Tramblay a fait d’importantes observations… 53 » qui sont citées dans leurs aspects les plus pertinents à propos d’illuminations crépusculaires dont on retient les variations chromatiques du phénomène et sa mesure dans le temps.

Ainsi, ses très nombreuses observations seront périodiquement publiées dans ce bulletin scientifique, entre 1882 et 1894 54. Nous relevons qu’il observe le 27 novembre 1883, à Orange, des étoiles filantes qu’il décrit ainsi : « La pluie commença à tomber pendant le crépuscule, dès 4 h 30, c’est à dire dès le moment où l’obscurcissement de l’atmosphère permit la visibilité, et qu’à 6 h, à la nuit presque close, on pouvait compter 20 météores par seconde, de la 1ère à la 5ème grandeur inclusivement… ». Le commentaire est précis et respecte la norme scientifique. Il publie également des observations sur Jupiter-Saturne (1892) et commente les techniques utilisées pour photographier les astres avec des instruments de « moyenne puissance ». Il réalise un schéma 55 du déplacement de la Lune à travers l’ombre de la Terre pendant l’éclipse du 28 janvier 1888 et apporte une série de recommandations pour l’observation de cet événement. Il propose d’inclure l’observation photographique dans les protocoles d’appréhension de l’espace céleste.

« La comparaison des observations (en vision directe) avec les photographies précisera les avantages et les défauts de ce mode d’investigation impersonnelle des cieux ».

Ce schéma témoigne d’une évolution de la manière de regarder de Gustave Tramblay au cours de ces années d’observation. Le photographe a progressivement laissé la première place à l’astronome. Il utilise désormais la photographie comme un outil d’interprétation au service du scientifique. Devenu expert en photographie céleste, il conseille les astronomes amateurs sur la manière de procéder. L’exemple des clichés lunaires illustre cette capacité à transmettre ses connaissances :

« Les observateurs devront surtout s’attacher à noter les inégalités de la ligne d’ombre et de pénombre, la différence de symétrie présentée par ces deux courbes, les différences de teinte et d’illumination, la durée apparente de la totalité. Les accidents si nombreux du sol lunaire peuvent presque toujours servir de points de repère certains ».

Gustave Tramblay - bulletin de la Société Astronomique de France - 1888
Planche 1 - Gustave Tramblay - bulletin de la Société Astronomique de France - 1888

La prise en compte de la photographie comme instrument de construction de savoirs astronomiques le conduit à multiplier ses observations. C’est ainsi qu’au cours de l’éclipse partielle de Lune du 12 juillet 1889, Gustave Tramblay réalise, depuis Orange, 105 photographies « représentant admirablement la marche de l’ombre sur le disque lunaire56 ». Désormais reconnu par ses pairs, il publie des articles plus denses et plus techniques. Il témoigne de sa capacité à maîtriser des calculs parfois fort complexes et n’hésite plus à publier des prévisions de trajectoires pour divers astres ou objets célestes. Il est vrai que ses articles techniques sur la photographie ont un écho très favorable dans le milieu scientifique et auprès des observateurs.

En effet, en 1887, dans un article intitulé Photographie lunaire dans les instruments de moyenne puissance, Gustave Tramblay avait expliqué aux « observateurs amateurs » comment obtenir de bonnes photographies célestes. À partir du constat que le diamètre de la Lune est bien petit lorsqu’on projette l’image sur une glace dépolie et que cela nécessite l’utilisation « (d’) objectifs d’un long foyer pour obtenir une image de quelques centimètres seulement » avec l’inconvénient d’une perte d’intensité de la lumière. Il pallie cette difficulté en recommandant l’usage du procédé « gélatinobromure d’argent57 ». Toutefois, il reconnaît que la technique n’est pas encore au point et qu’il est nécessaire de procéder par tâtonnements. En effet, « les objectifs des lunettes ne sont pas achromatisés pour les rayons chimiques ; les détails très nets pour l’œil sur la glace dépolie, ne le sont plus pour la gélatine ». Cette démarche de « bricoleur » dans un processus expérimental n’est pas étrangère aux chercheurs scientifiques, mais il est assez original de décrire ce qu’il en est.

Lunette « astronomique » de Gustave TRAMBLAY
Fig. 14 - Lunette « astronomique » de Gustave TRAMBLAY
(Famille Bérard, Mérifons, 2011. Cliché Christian Guiraud).

Il présente cette expérience de la manière suivante : « J’ai été amené à diriger vers la Lune un appareil photographique ordinaire ; le pied seul doit être changé, car il est bon de n’opérer que lorsque la hauteur de l’astre est suffisante pour que sa lumière soit parfaitement dégagée des bruines de l’horizon. Le moyen le plus simple est de donner à l’appareil l’inclinaison convenable et consiste à l’attacher solidement sur une table rectangulaire qu’on peut dresser à volonté sur un appui ». Après avoir complété ces conseils, il insiste sur la nécessité de bien préparer les plaques de verre par « une couche de gélatine bien homogène et d’une grande sensibilité ». Il précise, en outre, qu’une pose très courte favorise la netteté du cliché. Cet article se termine sur la recommandation d’un développement des photos qui doit être « très soigné ». Cela démontre bien que la photographie d’objets célestes demande à son auteur de profondes connaissances sur le matériel utilisé et une expérience dans la prise de vue ou le traitement chimique des plaques, ce qui n’occulte en rien le savoir scientifique de l’astronome ! Le photographe-astronome amateur ou plutôt l’astronome-photographe amateur est un auxiliaire précieux dans la construction du savoir scientifique en cette fin de XIXème siècle. Camille Flammarion 58 l’a bien compris en s’entourant d’une importante équipe d’observateurs parmi lesquels Gustave Tramblay prend, au fil du temps, une importance déterminante, confortée par les remarques élogieuse du maître et la place de plus en plus dense de ses articles dans la revue « L’Astronomie ».

Le cadran solaire horizontal, Mérifons, 2011
Fig. 15 - Le cadran solaire horizontal, Mérifons, 2011. (Cliché Christian Guiraud).

Il recevait, entre 1882 et 1918, l’ensemble des bulletins de la Société Astronomique de France, dans lesquels il puisait de nouvelles connaissances. On relève également qu’en scientifique averti, Gustave Tramblay annotait ces publications d’observations personnelles, ce qui témoigne de son esprit critique et illustre la pertinence de ses questionnements. Au plan pratique et instrumental, ses différents domiciles étaient équipés pour l’observation du ciel et, par nécessité, d’un laboratoire photographique. Il existe encore au domicile du hameau de Canet la table au plateau de marbre qui servait d’atelier au photographe. Cette attention permanente se traduit par une description « avec précision (de) la quasi-totalité des phénomènes qui se présentent dans le ciel d’Orange, de Montpellier, ou de Mas Canet, de Gignac, emplacement d’une propriété familiale où il vient passer ses vacances et pour laquelle il calcule, puis réalise un cadran solaire horizontal59 ».

Observation de tâches solaires en 1905 depuis l'observatoire du jardin des plantes à Montpellier
Fig. 16 - Observation de tâches solaires en 1905 depuis l'observatoire du jardin des plantes à Montpellier. Texte manuscrit de G.T. (Collection famille Bérard)

Un chercheur « amateur », un vulgarisateur scientifique

Les astronomes amateurs, alors désignés observateurs, adressent articles et correspondances, que ce soit des observations d’étoiles filantes et de bolides, d’aurores boréales, de halos ou parhélies 60, d’arcs en ciels de jour ou lunaires. Tous les thèmes sont abordés et reviennent à tour de rôle le suivi de l’activité solaire, les changements d’aspect de Mars, la disparition de l’anneau de Saturne, les satellites de Jupiter, la visibilité de Vénus en plein jour dont Bruguière 61 se fait une spécialité, des travaux de sélénographie 62 comme les descriptions de cirques et cratères par Casimir-Marie Gaudibert, observateur à Vaison-la-Romaine (Vaucluse), que Tramblay a du rencontrer durant ses années de séjour à Orange. Familier des formules de la mécanique céleste, Gustave excelle dans l’observation des astres et le maniement de ses instruments, tout en étant animé d’un mouvement de diffusion de ses connaissances, de ses observations et innovations et bien sûr de ses calculs des grands phénomènes éclipses, conjonctions planétaires…

Sa notoriété nationale dans le monde astronomique se voit justifiée par la quantité et la qualité de ses observations. Que ce soit à l’œil nu, avec des jumelles ou avec ses lunettes de 39 et 75 mm de diamètre, il suit et décrit avec précision, la quasi totalité des phénomènes qui se présentent dans le ciel. Quelle que soit la situation de l’observatoire, il n’hésite pas à passer de nombreuses heures à noter, observer, photographier et échanger avec ses collègues amateurs ou professionnels.

Ses registres d'observations - Ses articles et conférences - Son œuvre associative

La statistique de ses observations, conjuguée à l’analyse thématique d’autres matériaux imprimés comme ses articles et conférences, permet de suivre l’évolution et la rotation de ses pôles d’intérêt (éclipses, comètes, conjonctions et étoiles variables l’occupant à intervalles irréguliers, tandis que ses relevés météos sont quotidiens). Principales sources manuscrites, couvrant les périodes janvier 1872-octobre 1875, janvier 1882-avril 1884 et janvier 1890-1908, les registres de Gustave Tramblay relèvent de trois types :

— cahiers d’observations astronomiques ;

— cahiers d’observations météorologiques ;

— cahiers de prises de vues photographiques.

Ils attestent de son suivi laborieux et de sa méticulosité à enregistrer une mémoire des données recueillies. Ces cahiers « bruts » ont le charme d’être griffonnés. Parfois, on trouve des relevés astronomiques dans ses registres d’observations météo ou de prises de vues photographiques, sans doute ceux qu’il avait alors sous la main, pour ne pas les égarer

Certaines de ses observations, celles jugées importantes, sont publiées dans la revue l’Astronomie, fondée par Flammarion en 1882, et dans le Bulletin de la Société Astronomique de France, fondée par le même Flammarion en 1887, association qui comptera jusqu’à plus de 6 000 membres dans les années 1900. Gustave Tramblay en devient l’un des premiers dès l’année suivante, en 1888, avec le numéro d’adhérent 106.

Son installation à Montpellier en 1898 coïncide avec l’arrivée de Bruguière (Président fondateur de la Société Scientifique Flammarion de Marseille de 1884 à 1898). Sa mission à Elche (Espagne) avec les Universités de Toulouse et de Montpellier pour l’éclipse de Soleil de 1900 lui permet de nouer une amitié durable avec Marcel Moye. La nouvelle menace d’aliénation de l’Observatoire de la Babote pour remplacer la Tour par un café-concert mobilise les astronomes professionnels et amateurs cette même année 1900, à commencer par le professeur Lebeuf. Mus par le dynamisme d’un jeune observateur, Lucien Bosc 63, la Société Astronomique Flammarion de Montpellier voit le jour à l’été 1902. C’est la première association d’astronomie loi 1901 en France, et l’une parmi la vingtaine de Sociétés Flammarion que nous avons recensé à travers le monde. Gustave figure parmi les officiers de la Société, en tant que vice-président, de 1903 à sa mort en 1918. Littéralement « vice-président à vie », on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec la place de Flammarion dans l’organigramme de la Société nationale : Président durant les deux premières années, puis Secrétaire Général jusqu’à sa mort en 1925, rôle qui lui permet de « tirer les ficelles » sans être exposé par l’usure du pouvoir.

À ce titre, Tramblay assure régulièrement la présidence de ses séances mensuelles. Sur les 120 tenues entre 1902 et 1914, soit une dizaine par an, on sait qu’il en préside au moins 16. Il est aussi l’auteur de huit parmi les 171 articles publiés durant les vingt années d’existence de ce bulletin astronomique languedocien. On le voit également animer au moins cinq conférences dans le cadre de ses séances mensuelles. On sait par ailleurs qu’il présente une conférence publique à Villeveyrac en 1906. Leurs listes, publiée en annexe, montre la diversité des thèmes de curiosité qui l’animent dans son rapport au ciel. Sa passion fait aussi des émules parmi ses jeunes membres. Jean-Marie Auradon devient un grand photographe d’art, connaissant la célébrité en créant des nus féminins dans des poses de statues antiques.

Cette activité collective ne l’empêche point de publier de nombreux travaux personnels. Ces derniers couvrent une période de près de quarante ans. Nous nous limiterons à dresser une liste – provisoire – à partir de ses observations publiées dans la revue l’Astronomie et le Bulletin de la SAF, couvrant la période (1882-1918) et concernant au moins 54 phénomènes célestes qu’il convient de rappeler 64 :

— 11 éclipses de Lune, dont 5 totales (T) : 28 janv. 1888 (T) ; 12 juil. 1889 ; 15 nov. 1891 (T) ; 11 mai 1892 ; 11 mars 1895 (T) ; 3 juil. 1898 ; 16 déc. 1899 ; 11-12 avril 1903 ; 16-17 nov. 1910 (T) ; 12 mars 1914 ; 4-5 juillet 1917 (T) ;

— 8 comètes, grande comète de 1882 ; 1884 (comète Pons) 1892 (comète Brooks) ; 1903 (comète Borrelly) ; 1905 (comète Encke) ; 1907 (comète Daniel) ; 1911 (comète Brooks) ; 1914 (comète Delavan) ;

— 7 conjonctions planétaires, dont la conjonction serrée Jupiter-Vénus en 1892 ;

— 6 éclipses de Soleil, dont 3 totales (T) : 16 avril 1893 ; 28 mai 1900 (T) ; 30 août 1905 (T) ; 17 avril 1912(T) ; 21 août 1914 ; 3 février 1916 ;

— 4 maxima d’étoiles variables, dont Mira Ceti : (décembre 1906 ; janvier 1916) ;

— 3 occultations, Jupiter par la Lune les 7 août 1889 et 20 février 1893 : étoile ƞ Gémeaux par Vénus le 27 juillet 1910) ;

— 3 bolides, 14 juillet 1897 ; 4 juillet 1898 ; 5 juillet 1901) ;

— 2 novae, 1901 : Nova de Persée ; 1918 ; Nova de l’Aigle) ;

— 1 averse d’étoiles filantes, 27 novembre 1885) ;

— 1 intensité exceptionnelle de la lumière zodiacale (1904) ;

— 1 phénomène exceptionnel de lueurs crépusculaires (1883) ;

— 1 observation de Mercure visible à l’oeil nu (1906 ?)

— 1 passage de Mercure sur le disque du soleil (14 novembre 1907) ;

— 1 relation de Vénus visible en plein jour (1897) ;

— 1 observation de tache solaire remarquable (février 1905) ;

— 1 observation météorologique, 7 mars 1917 : dépression atmosphérique) ;

— 2 communications sismologiques, séisme de Nice 1887 séisme en Provence 1909).

Preuve de l’estime qu’il avait acquise, il y a cent ans, sa relation de l’éclipse totale du 17 avril 1912 figure parmi les quatre relations d’observations insérées dès le mois de mai dans la revue l’Astronomie (avec celles de Flammarion à l’Observatoire de Juvisy, celles effectuées en ballon par Aymard de la Baume Pluvinel, spécialiste des éclipses de Soleil à la SAF et celles effectuées à Paris par Gabrielle Renaudot, qui deviendra quelques années plus tard la seconde épouse de Flammarion…), alors que cette revue publie des dizaines d’observations dans les numéros des mois suivants.

L’inventaire détaillé chronologique de ses observations reste à conduire et il n’est, bien sûr, pas question de passer ici au crible toute l’œuvre de Gustave Tramblay. Il y aurait matière à faire un livre… Nous allons par contre focaliser sur deux spécificités de Gustave Tramblay qui, avec le recul du temps, lui confèrent une place à part dans la France des observateurs de la Belle-Époque :

— Pionnier de la photographie céleste ;

— Concepteur de croquis séquentiels de conjonctions rapprochées.

Gustave Tramblay, pionnier de la photographie céleste

Nous avons vu précédemment comment son cheminement personnel l’a amené vers la photographie et vers l’astronomie, lui permettant ainsi de faire œuvre de pionnier dans la convergence de ces deux domaines : la photographie céleste.

On sait qu’après l’invention de la photographie par Nicéphore Niepce en 1827, ce n’est qu’à travers son association avec Daguerre deux ans plus tard, et surtout la mise au point par ce dernier de son procédé de développement et de fixation que le daguerréotype procure à la photographie un rapide développement dans le public. Il survient toutefois une révolution à l’époque où Tramblay arrive à l’âge adulte la révolution des plaques au gélatino-bromure d’argent. Employée dès 1839 par Fox Talbot pour encoller ses papiers salés, si la gélatine prend une place importante dans la photographie, c’est seulement aux alentours de 1880 qu’elle devient le médium indispensable pour la préparation de surfaces sensibles. Richard Leach Maddox réalise en 1871 la première émulsion au gélatino-bromure d’argent. Ce procédé est universellement adopté après 1878, lorsque Benett découvre qu’en chauffant quelques heures l’émulsion photosensible, sa sensibilité est augmentée de façon extraordinaire. On ne peut manquer de faire le rapprochement avec l’arrivée des CCD 65 un siècle plus tard, révolutionnant la photographie des astronomes amateurs qui n’étaient pas tous enclins à prendre des risques pour hyper-sensibiliser leurs films à l’hydrogène

Au seuil des années 1880, Gustave Tramblay a donc la chance de se trouver à la croisée de deux calendriers : celui de la popularisation de la photographie et celui de la popularisation de l’astronomie avec la revue fondée par Flammarion.

Il est intéressant de rapprocher et de comparer les deux articles qu’il a publié sur la photographie céleste : un premier en 1886 dans la revue l’Astronomie, consacré comme on l’a vu uniquement à la photographie lunaire, et un second, beaucoup plus large, consacré à la photographie céleste, publié en 1909 dans le Bulletin de la Société Astronomique Flammarion de Montpellier. Bien qu’insérés dans des publications différentes, ils présentent des typographies comparables. Le premier occupe en surface l’équivalent de deux pages, tandis que le second, plus développé, s’étend sur cinq pages et demi.

En 1886, il est encore débutant, ayant commencé ses clichés de la Lune et de la Grande comète en 1882. En 1909, un quart de siècle s’est écoulé, et c’est plus un bilan, voire un testament de son expérience qu’il nous lègue.

La lecture des articles publiés par cette revue l’Astronomie nous apprend qu’en ces années 1880, ils ne sont qu’une poignée d’amateurs à photographier le ciel en France. Une sorte de « Club des cinq » composé de Léon Fenet à Beauvais, Édouard Blot à Clermont (Oise), Benjamin Lihou à Marseille, R. Baër, libraire à Caen et Tramblay, qui évoque les contributions de ses quatre collègues dans son article de 1886, suivi d’une note de la Rédaction – probablement de Flammarion- confirmant le rôle joué par ces cinq acteurs.

En incluant les astronomes professionnels, Tramblay figure en fait parmi une douzaine d’auteurs abordant les diverses applications de la photographie en astronomie. La réalisation des Tables générales du Corpus des treize années d’existence de cette revue (1882-1894) nous permet de mieux situer sa place dans ce concert. Le ciel profond inspire plusieurs articles. Ainsi, la photographie de la nébuleuse de la Lyre est traitée par Mouchez de l’Observatoire d’Alger, le père Denza et Rayet, directeur de l’Observatoire de Bordeaux. La nébuleuse d’Orion est traitée par Huggins et la détection des astéroïdes, encore appelés petites planètes, par Cornu. Les frères Paul et Prosper Henry publient sur la photographie planétaire. Deux articles concernent la comète de 1882, émanant de Tramblay et de Gili (observatoire de Bonne-Espérance). Janssen développe la photographie du Soleil, tant à l’Observatoire de Meudon qu’à celui du Mont-Blanc, où il établit en 1893 une station avoisinant l’observatoire météo de Joseph Vallot édifié en 1890. La photo des spectres du Soleil est l’objet d’études de Détaille pour les petits instruments, tandis que la photographie des couleurs du spectre solaire est traitée par Lippman, inventeur de la photographie en couleurs. Quant à la photographie lunaire, elle fait l’objet d’articles de Loewy et Puiseux, réalisant l’Atlas lunaire de l’Observatoire de Paris, tout comme de Weinek à Prague et Tramblay depuis Orange, qui axe le propos de son premier article sur la photographie lunaire à travers les instruments de moyenne puissance.

D’emblée, en ouverture, il rend hommage aux astronomes qui se sont illustrés dans la photographie du ciel, et affirme la démocratisation nouvelle qui s’offre : « Sans avoir la prétention d’obtenir des résultats dignes de rivaliser avec ceux de Ruthefurd, de Warren de la Rue, des frères Henry, etc., les amateurs peuvent cependant se procurer le grand plaisir de faire eux-mêmes de bonnes photographies célestes66 ».

Avec un instrument, à priori nécessaire pour la Lune, celle-ci présente un diamètre d’ 1/100e de la longueur focale de l’objectif, soit par exemple 2 cm pour une lunette de deux mètres. Le grossissement des grandes longueurs focales diminue l’intensité lumineuse, et donc requiert un temps de pose plus long. La rotation de la Terre (sans parler du mouvement propre de la Lune) donne évidement un résultat flou. Il faut compenser avec une monture équatoriale et un mouvement d’horlogerie (régulateur isochrone), équipement qui n’est pas à la portée du premier venu. On peut songer en premier à une lunette bricolée avec une chambre noire spéciale, mais les manipulations sont hasardeuses, et si l’on fait appel à un oculaire pour agrandir l’image, les objectifs ne sont pas achromatisés pour les rayons chimiques, ce qui rend encore le résultat décevant.

La révolution des plaques au gélatinobromure du début des années 1880 (les fameuses plaques rapides Lumière bleues) permet de contourner ce problème majeur des temps de pose. Il suffit à l’expérimentateur d’employer un appareil photo ordinaire du type de son Aplanétique d’Hermagis de 81 mm de diamètre et de 0,55 m de foyer. Le trépied est remplacé par une table inclinée où l’appareil est solidement ancré de manière à pouvoir viser des astres situés à plus de 30° de hauteur, évidemment par une atmosphère transparente.

Photographies de Tramblay publiées dans la revue l'Astronomie
Tableau 1 :Photographies de Tramblay publiées dans la revue l'Astronomie

Sans instrument astronomique, hormis son appareil aplanétique, il calcule qu’en prenant pour la Lune un diamètre angulaire maximum de 2000’’, le passage au méridien de notre satellite (3 475 kms de diamètre) dure 133 s, soit un peu plus de deux minutes. Une pose de 1/100e s, permise par les nouvelles plaque et convenable pour la Pleine Lune, entraîne sur les clichés une variation de 3 microns, négligeable sur des images lunaires de 6 mm de diamètre, où l’on voit nettement les mers et les océans. En tenant compte du déplacement de la Lune de son diamètre en un peu plus de 2 mn, il conseille d’ailleurs de faire cinq ou six prises de vues en chapelet sur une même plaque, à des intervalles d’au moins 3 mn, en variant les poses et les diaphragmes, approche utile pour les séries des éclipses de Lune. Tant par la précocité de ses essais que leur aspect spectaculaire intrinsèque, il n’est pas étonnant que ses photos de ce type d’éclipses soient le plus souvent publiées dans la revue de Flammarion. On en recense 82 en 7 planches en chapelets pour les éclipses de 1898, 1899 et 1903, alors qu’il n’y a qu’une planche avec 9 photos pour l’éclipse partielle de Soleil de 1893 et une photographie de l’observatoire de Montpellier pour illustrer la mission en Espagne pour l’éclipse totale de 1905 (Cf. Tableau 1). D’autres clichés non publiés sont toutefois mentionnés, et il est émouvant de trouver leur tirage collé dans la propre revue reliée de Gustave Tramblay, comme un chapelet avec 7 clichés de Jupiter près de la Lune, lors de son occultation du 7 août 1889. Mais pourquoi donc une telle importance accordée aux éclipses de Lune ? On comprend mieux en lisant son article sur « La lumière de Lune éclipsée » (Revue l’Astronomie, 1892, 68-69). Il est rédigé suite à des photographies de l’Observatoire de Bordeaux (séance de l’Académie des Sciences du 23 novembre 1891), qui le confortent dans son hypothèse que la Lune émet des rayons chimiques quand elle est plongée dans le cône d’ombre de la Terre. Une idée et donc ses recherches qui trouvaient leur source trois ans plus tôt, avec l’éclipse du 28 janvier 1888 et la comparaison des variations imprimées sur les clichés par rapport aux observations directement enregistrées à l’œil nu.

De l’infrarouge à l’ultraviolet, la découverte de rayonnements invisibles avec les plaques photographiques relève des préoccupations de l’époque. C’est d’ailleurs par l’impression de plaques non exposées à la lumière, mais placées près d’un matériau objet de ses recherches, que Becquerel est conduit à découvrir la radioactivité ces années là.

Le mouvement d’horlogerie n’étant plus indispensable, il relate son expérimentation pour accéder à de nouveaux horizons : « C’est ainsi que j’ai été amené à diriger vers la Lune un appareil photographique ordinaire », texte réemployé en 1909 en apportant une précision sur l’année de sa démarche : « C’est ainsi que, dès l’année 1883, nous avons été amené à penser que les amateurs doivent donner la préférence, pour leurs essais de photographie astronomique, aux appareils ordinaires, aujourd’hui si répandus ».

Dans cet article de 1909, il reprend sa problématique et énonce explicitement son questionnement : « Est-il possible, sans mouvement d’horlogerie, d’obtenir quelques résultats en photographie céleste ? La splendeur du Soleil, le grand éclat de la Lune et de quelques étoiles nous permettaient de l’espérer. Il était bien tentant, pour un simple amateur, d’en faire l’expérience 67 ». Car c’est bien d’expérimentation dont il s’agit, et qu’il élargit dans ce second article à la photographie solaire, planétaire et stellaire.

Clichés en chapelet de la Lune
Fig. 17 - Clichés en chapelet de la Lune (Clichés GT - Collection JM Faidit)

Les problèmes rencontrés dans la photographie de la Lune constituent pour l’observateur un excellent apprentissage qui permet de mieux aborder la photographie du Soleil ou des éclipses. Ses cahiers manuscrits et ces deux articles révèlent sa quête constante d’obtenir le meilleur temps de pose et le meilleur temps de développement. On comprend pourquoi selon lui la Lune constitue la première marche pour le débutant, aisément accessible au 1/100e s. Avec le même appareil aplanétique, le Soleil, qui présente un diamètre angulaire voisin de la Lune, mais considérablement plus lumineux, requiert des poses très brèves, de l’ordre du 1/5 000e s, tandis que les champs d’étoiles des constellations demandent au moins 1 seconde de pose… Ses expériences en photographie solaire le conduisent à contourner le premier problème en conjuguant trois moyens un diaphragme très petit, un filtre-écran jaune et un retour aux plaques lentes. Les tests de netteté des plus grandes taches solaires lui ont ouvert la voie à la réussite de ses clichés du passage de Mercure devant le disque du Soleil en 1907. Quand au problème du second cas, la photographie du ciel nocturne et l’allongement ovalisé des étoiles posées durant une seconde, il le contourne en choisissant de préférence des constellations circumpolaires comme la Grande Ourse, où l’effet du à la rotation diurne est moindre…

Gustave Tramblay, concepteur de graphiques séquentiels de conjonctions serrées

Il est un autre aspect méconnu des contributions de Gustave Tramblay. C’est sa représentation graphique séquentielle de ses calculs de conjonctions qu’il introduit à deux reprises dans la revue dès 1884 à quelques mois d’intervalle pour le passage de Mars au dessous d’Uranus, conjugué sur le même croquis avec le mouvement de cette planète au-dessus de l’étoile β Vierge du 18 Juillet au 1er août (triple occurrence), puis pour le passage simultané de Jupiter et de Vénus près de Régulus le 6 octobre 1884, permettant de visualiser les variations de leurs positions simultanées en raccordant les points qui représentent ces planètes aux instants identiques.

Ce mode de représentation s’applique évidemment dans le cas de conjonctions serrées, à la différence que cette fois, il s’agit de déplacements de cercles raccordés, figurant les disques des planètes concernées, l’une « doublant » l’autre. Mais des phénomènes aussi rapprochés sont rares et donc l’occasion de tels graphiques également. Tramblay les introduit pour la conjonction Vénus-Jupiter du 6 février 1892 ou le passage de Vénus devant la couronne solaire les 3 et 4 décembre 1890. Dans les deux cas, Flammarion publie ses graphiques dans sa revue et ils sont reconnaissables entre mille (Cf. Tableau 2).

Graphiques séquentiels de Tramblay publiés dans la revue l'Astronomie
Tableau 2 :Graphiques séquentiels de Tramblay publiés dans la revue l'Astronomie

On songe à des séquences animées, un peu à l’image du « révolver photographique » inventé par Janssen pour photographier « à coup sûr » les contacts du passage de Vénus devant le Soleil en 1874, reconnu comme une étape qui conduira à la cinématographie des frères Lumière. Ces transits de Vénus se produisent actuellement suivant une séquence qui se répète tous les 243 ans, avec des paires de transits espacés de 8 ans, séparées par 121,5 puis 105,5 ans. Après la paire de transits contemporaine de Gustave Tramblay, en décembre 1874 et décembre 1882, nous sommes contemporains en ces années qui sont les nôtres au début du XXIe siècle des transits du 8 juin 2004 et du 6 juin 2012, les prochains transits ayant lieu en 2117 et 2125. Cette période de huit ans entraîne un retour de Vénus très près à l’extérieur du Soleil, lors des décennies qui suivent ou précédent les transits. Si 1874 coïncide avec les débuts des observations astronomiques de Gustave Tramblay, ce passage n’est pas observable en France, survenant durant la nuit. Et en 1882, si le commencement du phénomène est visible depuis l’Europe, il se produit juste après ses premiers essais photographiques alors qu’il ne maîtrise pas encore la photographie solaire et que le jour J, les nuages rendent le passage de Vénus invisible On comprend mieux son intérêt huit ans plus tard, en 1890, et on retrouve sa démarche de vulgarisation dans son texte qui l’accompagne, où il évoque le passage de Vénus devant le Soleil en 2004, comme en clin d’œil aux observateurs de notre génération… : « Les 3 et 4 décembre 1890, huit ans après le dernier passage (le prochain devant avoir lieu en juin 2004), Vénus passera à moins de 22° du bord solaire austral ; elle se projettera donc sur la couronne. Comme je pense que le phénomène sera observable avec les moyens optiques dont l’astronomie dispose actuellement, sans parler de l’analyse spectrale, j’ai dressé une petite Carte du passage. J’ai l’honneur de vous l’adresser. ».

Les quatre graphiques séquentiels de Tramblay.
Fig. 18-19-20 & 21 - Les quatre graphiques séquentiels de Tramblay.

Le fait que Vénus s’éloigne du bord du Soleil explique que de tels graphiques n’aient pas été réemployés les décennies suivantes lors de ses retours cycliques tous les huit ans. Tout comme la rareté des conjonctions planétaires serrées explique aussi la rareté de son graphique de la conjonction Vénus-Jupiter. En 1892, son intérêt pour cette conjonction serrée, alors calculée à 42° d’arc (en fait 40° d’arc) semble inspiré par la conjonction moins serrée Jupiter-Uranus du 5 juin 1872, à 63° d’arc, étudiée par Flammarion dans une revue antérieure, Études et lectures sur l’Astronomie, que Tramblay cite dans la note publiée dans la revue l’Astronomie. En faisant le rapprochement avec la chronologie du commencement de ses propres observations, que nous avons cerné vers le printemps 1872, il est frappant de noter encore son intérêt pour un précédent phénomène rare qui lui aurait échappé et sa curiosité d’autant plus aiguisée pour celui-ci que les conjonctions serrées Vénus-Jupiter, les deux planètes les plus brillantes, sont très rares. Les précédentes des 21 juillet 1859 et 16 octobre 1827 étaient espacées de 32°, alors que les suivantes, le 26 janvier 1949 et le 17 mai 2000, étaient respectivement espacées de 73° et 42°.Dans les cas extrêmes, il y a occultation de Jupiter par Vénus. Par les effets de la mécanique céleste, nous traversons une période creuse de deux siècles et ces occultations planète-planète sont rarissimes. Le 22 novembre 2065, à 12 h 45 UTC, Vénus occultera Jupiter, ce sera la première occultation d’une planète par une autre (vue de la Terre) depuis le 3 janvier 1818, qui était aussi une occultation de Jupiter par Vénus.

À partir des colonnes de calculs habituellement fournis par les éphémérides, les graphiques de Tramblay montrent clairement l’instant du plus grand rapprochement dans la marche respectives des planètes, qu’il détermine le 5 février 1892 à 22 h 22 (temps astronomique), s’entraînant avec sept photographies prises le 4, entre 6 h et 6 h 12 mn. Curieusement, à cette époque, ni Flammarion dans son Astronomie populaire, ni d’autres vulgarisateurs comme l’Abbé Moreux dans leurs ouvrages abondamment pourvus en schémas en tout genre, ne reproduisent de tels graphiques, ce qui rend ceux de Gustave Tramblay d’autant plus précieux par leur haute « précision pédagogique », permise par la rare proximité des planètes dans un champ rapproché, différant des deux seules précisions habituellement mises en œuvre pour les conjonctions : la « précision calculatoire » (colonnes de chiffres) et la « précision observationnelle » (relevés des instants et des positions) 68.

Ce qui précède permet de reconnaître à Gustave Tramblay un rôle novateur déterminant « dans la pratique d’une observation du ciel à partir d’appareils familiaux ». C’est ce dont se réjouit une note de la rédaction de la revue l’Astronomie, que l’on croit pouvoir attribuer à Flammarion, qui relève cette ouverture « à tous » de l’étude du ciel.

Dans ses conférences, Tramblay insiste sur la nécessité de connaître la manière dont les savoirs se construisent. Il fait ainsi œuvre d’épistémologue. Dans une séance du 7 janvier 1903, il présente les différentes manières de penser les mouvements des astres au cours de l’histoire :

« … les connaissances astronomiques se sont développées progressivement ; leur évolution s’est toujours faite parallèlement à celle de l’esprit humain. L’histoire des différents systèmes imaginés par l’homme pour expliquer les mouvements des astres est une partie très importante de l’histoire de l’humanité. (…) grâce à l’invention vers 1608 des lunettes, des progrès de toute natureont été réalisés : découverte de planètes, calcul des orbites cométaires, calcul des orbites d’étoiles doubles ou multiples, photographie, analyse spectrale permettant de connaitre la composition chimique des corps célestes. Le champ à explorer est indéfini… ».

Ses différentes interventions entrent dans le champ des questionnements scientifiques de son époque et des idées dans l’air du temps. La revue en est le parfait indicateur de référence. Les interrogations portent sur la variation des latitudes en géodésie, l’influence des marées sur la rotation terrestre ou les liens entre les éruptions solaires et les perturbations magnétiques terrestres. Si la réforme du calendrier fait l’objet d’un concours doté d’un prix, les cadrans solaires ne sont pas oubliés. Mais une des grandes affaires du moment est l’unification de l’heure légale, en France sur le méridien de Paris en 1891, avec le choix d’un premier méridien universel. Parfois, après le transit de Vénus et la détermination de la parallaxe du Soleil, les débats portent sur des questions anecdotiques, comme le passage de corpuscules devant le Soleil, finalement identifiés comme des oiseaux. Une place importante est accordée aux chutes et découvertes de météorites. L’art et la littérature sont aussi présents avec unediscussion de supposées vues héliocentriques chez Dante, le signalement d’un bolide peint par Raphaël ou une statue astronomique antique conservée au Musée d’Arles. La curiosité et l’imagination sont inscrites à l’ordre du jour, que ce soit au sujet de la vie dans l’Univers ou de l’aspect de la Terre vue depuis d’autres planètes.

En 1907, Lucien Rudaux soulignait que « plus encore que toute autre science, l’astronomie devait trouver dans la photographie une aide inespérée et infiniment précieuse (…) c’est (…) maintenant un astronome impersonnel et qui tend de plus en plus à se substituer à nous mêmes !69 ». La revue de Camille Flammarion avait anticipé ce constat en usant d’une iconographie particulièrement soignée et abondante. En témoigne le fait que durant ses treize années d’existence, l’Astronomie réunit 2 161 gravures et photographies dans un volume global de 6 267 pages, soit une toutes les trois pages en moyenne. Au plan technique, la place accordée à la photographie va crescendo, avec ses applications dans les divers domaines de l’astronomie, dont on retiendra le lancement de la Carte du ciel en 1887. Il en est de même pour la spectroscopie et l’astrophysique naissante.

Une mise en scène « humaine » de la géologie des lieux et des paysages

Gustave Tramblay a l’esprit scientifique. Sa curiosité le conduit à relever les aspects méconnus de la vallée du Salagou et ce qui, d’une certaine manière, lui donne l’émotion portée par sa culture. Bien sûr, la technique de l’époque ne permet pas de relever le contraste de la couleur rouge des ruffes et le noir du basalte, mais les effets de lumière mettent en valeur les différences observées. Le ravinement des pentes offre un jeu de reflets qui jonglent entre la ruffe dure et celle qui, transformée par le soleil et l’eau, s’étale en coulées de boue au creux des effondrements.

Le Castellas de Malavieille en 1894
Fig. 22 - Le Castellas de Malavieille en 1894 (Collection famille Bérard) - Photo prise le 20 septembre à 11 h (cf. cahier de notes de GT - Collection JM FAIDIT).
Entre 9 h 45 et 11 h 30 GT prend 4 photos des lieux. Il reviendra faire des photos du château l'après-midi du 22 septembre 1894. GT expérimente les effets de la variation de la lumière du jour.
Le cirque de Mourèze en 1894
Fig. 23 - Le cirque de Mourèze en 1894 (collection famille Bérard) - Les personnages donnent l'échelle des dolomites.

Les couches de sédiments parsèment de notes claires les massifs photographiés et le noir basalte occupe les couches supérieures de la stratigraphie observée. Le sol asséché des lagunes « tropicales » se craquelle et se détache en de multiples écailles bousculées par l’inclinaison des couches géologiques. L’œil du photographe interroge et en retient la lumière des temps passés. Le témoignage n’est pas celui du géologue qui donne sens aux sens aux stratifications, mais il retient ce qui l’interroge, l’image inscrite sur la plaque de verre permettant de différer l’attribution d’un sens à ce qui est observé. La photographie n’explique pas mais garde la mémoire de « l’instant à interroger » tout en créant la distance nécessaire pour éviter la confusion. Ces clichés correspondent peut-être à l’intérêt qu’il a manifesté pour les tremblements de terre et les éruptions volcaniques 70. En effet, le territoire de Mérifons est particulièrement propice à l’étude des manifestations volcaniques et à celle des bouleversements tectoniques. Quelles lectures scientifiques ont-elles pu lui donner le cadre scientifique d’une interprétation possible ? Quel imaginaire accompagne ces photos ? Quelle part de lui-même Gustave Tramblay nous offre-t-il ? Ces photos sont-elles seulement scientifiques (cf. construction de la réalité de l’objet) ou bien peut-on y lire une forme d’art tant les jeux de lumière sont prégnants ? Nos investigations dans ce domaine ne permettent pas de répondre d’une manière précise à ces questions, mais l’intérêt du scientifique semble présent même si le savoir de l’époque n’autorise pas encore toutes les interprétations possibles.

Les photographies réalisées en dehors du contexte de la recherche astronomique sont également imprégnées d’un grand perfectionnisme technique 71. La qualité des paysages représentés est remarquable et la mise en scène des personnages nous renseigne sur le regard social « aiguisé » du photographe. Comment les analyser, si l’on retient que les photographies, comme tous les objets culturels, tirent leur sens du contexte social qui les a engendrés 72. Prenons l’exemple, cité plus haut, du cliché représentant le photographe avec son appareil face au sujet choisi (un groupe de jeunes femmes « endimanchées », et un enfant, dans un champ). Nous « lisons », dans cette scène, le soin pris pour orienter l’objectif par rapport à la lumière du soleil, dont l’ombre portée indique une fin de journée. Les personnages, en blanc, sont placés dans une lumière tamisée qui évite un trop fort contraste sur les corps. Le photographe place son appareil sur un trépied à la bonne distance pourréaliser un cadrage rigoureux. Il se tient immobile, droit et bien équilibré sur les jambes. Sur la gauche de la photo et en arrière du photographe, on remarque la boîte dans laquelle les plaques de verre sont rangées à l’abri de la lumière du Soleil et de l’humidité. Enfin, la connaissance des personnages permet de dater la photo. En effet, la femme du photographe est assise à côté de sa mère (en noir pour raison de veuvage). Il s’agit d’Augustine Tramblay et de sa mère, Marie Antoinette Pascale Rey. La plus grande des jeunes femmes, debout à gauche du cliché, est Yvonne Bérard (19 ans), fille de Gustave. Il s’agit d’un véritable tableau !

Photographie de Gustave Tramblay photographiant sa famille, à Villetelle (Brenas) au mois de septembre 1905
Fig. 24 - Photographie de Gustave Tramblay photographiant sa famille, à Villetelle (Brenas) au mois de septembre 1905 (Collection famille Bérard).

Il n’est pas possible de nommer, en l’état de notre recherche, les autres personnages. Toutefois, le lieu de la photo est connu, il se situe à proximité de la ferme de Villetelle, commune de Brenas. Peut-on aller plus loin dans l’analyse ? À l’évidence, les personnages sont positionnés par le photographe. La toilette des femmes indique la bienséance du port du chapeau et des robes blanches qui signent le rang social. Tous les personnages regardent l’objectif, ce qui témoigne du souci de reconnaissance des visages, premier indicateur de l’identité. N’est-il pas significatif que les premières productions photographiques aient été essentiellement des portraits… à caractère ostentatoire ? Dans ce cliché, le photographe, auteur de la photo, semble vouloir montrer ce qui est « photographiable », en ce début de XXème siècle, pour répondre (inconsciemment) aux normes sociales de la photographie (mise en scène, apparence distinguée des sujets photographiés, code de la lumière du cliché, importance du cadre naturel – arbres, herbe, montagnes, etc.) qui reflète un art de vivre bourgeois. Cette norme est celle du citadin qui effectue un retour à la nature tel qu’il était perçu dans les mœurs des années 1900. La photo reflète le désir d’air pur…, facteur de régénération face au danger de l’air vicié des villes. C’est une thématique récurrente de la fin du XIXème siècle et du début du XXème.

Le hameau de Canet en 1903 - en bas à droite de la photo - et la vallée du Salagou
Fig. 25 - Le hameau de Canet en 1903 - en bas à droite de la photo - et la vallée du Salagou (collection famille Bérard)
Castellas de Malavieille et vallée du Salagou vers 1905
Fig. 26 - Castellas de Malavieille et vallée du Salagou vers 1905
(collection famille Bérard)

Une « lecture » des photographies de différents paysages permet de relever la fréquente présence de personnages qui donnent une échelle à la mesure des lieux. Le village de Mérifons apparaît dans l’étalement de ses hameaux au pied du château de Malavieille ou dans les contreforts du massif de la Boutine d’où émerge le bâti de la Lieude ou celui de Malavieille, ou bien encore celui de la ferme de Mérifons. Mas Canet fait l’objet d’un traitement particulier avec différentes vues de l’enchevêtrement des toits ou du tracé sinueux de chemins qui semblent chercher l’ombre et la douceur de la pente… En effet, la caractéristique de ces paysages est faite de la quasi-absence d’une végétation dense, sauf le long du cours du Salagou et des quelques ruisseaux qui l’alimentent. Partout ailleurs, ce sont des « bartas » ou buissons qui « brûlent » sous le soleil ardent. Les cultures sont accrochées au flanc de la montagne et occupent des « faïsses » aux longs murs de pierres sèches. Des jardins s’étendent autour du hameau. Le haut pays est aride et la plaine l’est presque autant. Des champs d’oliviers, peu étendus, côtoient l’habitat et offrent la « couleur » ensoleillée des paysages méditerranéens à fort contraste, entre une terre sèche blanche ou rouge et les verts épars et fragiles de la végétation. Les photos en noir et blanc ou en « sépia » accentuent ce caractère lié à la dureté de l’image et de la vie d’antan… mais c’est le « regard » d’aujourd’hui ! En fait, le photographe d’antan ne cherche-t-il pas surtout à relever ce qu’il y a de pittoresque dans ce qu’il observe, voire d’étrange pour le citadin, comme en témoignent les photographies de personnages placés dans le décor du cirque de Mourèze ou du château de Malavieille ? C’est ce que semble démontrer la catégorie suivante de photos.

Une immersion dans différents milieux de vie

La présentation de deux clichés complémentaires illustre toute l’attention que ce « poète du ciel » portait aussi à son environnement humain. Le premier porte témoignage de son intérêt pour l’innovation technique et ses usages sociaux. Il s’agit d’une des premières courses automobiles, citée plus haut dans ce texte, pour laquelle le photographe teste la rapidité d’impression de ses plaques de gélatine au bromure d’argent (nous sommes en 1896 dans les environs d’Orange, dans le Vaucluse).

La construction du cliché, malgré la difficulté technique de la « pose » est remarquable. En effet, elle semble symboliser, par son opposition entre un cycliste à l’arrêt et des automobilistes arcqueboutés sur leur « bolide », le changement d’époque qui se déroule sous ses yeux. Cette perception est-elle seulement un effet de culture de la part des auteurs de ce texte ? Est-ce seulement une expérimentation technique ?, ou bien un réel intérêt de l’auteur de la photo pour l’originalité des objets de ses prises de vue ? La curiosité de l’auteur répond à notre questionnement et marque une nouvelle fois son regard d’observateur attentif dans un environnement qui change. Il n’hésitera pas à adresser une copie de ce cliché du 27 septembre à Armand Peugeot qui lui répond dès le 30 septembre 1896 : « En arrivant hier de Marseille, j’ai eu l’agréable surprise de votre aimable lettre et la photographie qui l’accompagnait (…) attention à laquelle je suis très sensible (…) Cette photographie sera l’un des plus agréables souvenirs de la course (…) les deux véhicules 44 et 46 que j’ai en marche continuent à fonctionner fort bien et j’ai bon espoir d’arriver dans un rang honorable… ». Cette correspondance témoigne de l’esprit d’ouverture de Gustave Tramblay et de son constant souci de faire partager le fruit de ses observations en communiquant largement sur sa vision du monde.

Course automobile en 1896 - Peugeot n° 46
Fig. 27 - Course automobile en 1896 - Peugeot n° 46
(Collection famille Bérard)

L’autre cliché, réalisé en 1906, témoigne, à l’opposé, de la pérennité d’une pratique traditionnelle : la pêche. Il s’agit d’un moment de convivialité villageoise dans un mélange tout à la fois ostentatoire et confraternel. Le poète-photographe s’ouvre à l’écoute des hommes de son pays et à leur enracinement. En les regroupant au pied d’un pont sur la Lergue 73, entre Clermont-l’Hérault et Ceyras, dans la douce lumière matinale d’une fin d’été, il témoigne d’un rassemblement dont on peut supposer qu’il est républicain. En effet, la manchette du journal « le Petit Méridional » est ostensiblement mise en avant par un membre du groupe. L’affiche apposée sur le tronc de l’arbre, au second plan, se lit facilement puisqu’on y relève le titre : « Coupe amourette ». Ce concours de pêche est un indicateur pertinent des manières de paraître en public selon les groupes sociaux d’appartenance. Pour certains, la cravate est de rigueur, ainsi que le couvre-chef accompagné d’un corps redressé et d’une attitude corrigée, pour d’autres c’est la décontraction et le port d’un vêtement plus adapté à la pratique de cette activité de loisir. Fait remarquable, une femme tient en main une canne à pêche et les deux autres ont un numéro de concurrente dans la main ! Est-ce la trace d’une forme d’émancipation féminine dans un milieu d’hommes ? Cela sous le regard paternel du garde-champêtre situé à droite du cliché ? La partie de pêche, figée dans le temps par le photographe, devient peu à peu un outil d’analyse pour l’anthropologue, le sociologue ou l’historien. Gustave Tramblay avait anticipé, par sa seule immersion psychique dans divers milieux, cet usage scientifique du cliché photographique marqueur, tout à la fois, de temps et du temps.

Concours de pêche « Coupe Amourette » sur les bords de la Lergue ( ?) en 1906
Fig. 28 - Concours de pêche « Coupe Amourette » sur les bords de la Lergue ( ?) en 1906 (Collection famille Bérard)

Les étoiles sont toutes temporaires... il en est de même des hommes... 75

Le bulletin de la Société astronomique de France du mois d’octobre 1918 signale à ses membres la disparition de Gustave Tramblay. Camille Flammarion rend hommage à cet homme remarquable : « Les anciens disparaissent graduellement. Nos bulletins précédents ont publié les excellentes observations de notre si dévoué collègue Tramblay de Montpellier. Je viens de recevoir le feuillet de ses dernières, envoyées par Mme Tramblay. Il était membre de la Société Astronomique de France depuis 1888. Ce fut la dernière observation de notre cher et affectueux collègue. Tombé malade76, il se coucha pour ne plus se relever (…) La douce sérénité du clair de lune a enveloppé son âme, comme ses derniers regards sur le ciel. Il s’est éteint le 5 septembre à l’âge de 63 ans. La Société Astronomique Flammarion de Montpellier qu’il avait fondée en 1902 avec son ami Bruguière regrettera en lui un loyal apôtre de la vérité scientifique (…) Les étoiles sont toutes temporaires de plus ou moins longue durée. Il en est de même des hommes. Mais l’esprit demeure. ».

C’est le scientifique qui reste dans la mémoire de ses pairs…, il n’est plus question de la photographie, car son usage est naturalisé, c’est-à-dire qu’il va de soi. Gustave Tramblay était à la fois calculateur, observateur, expérimentateur et vulgarisateur. Il s’était approprié une véritable culture de chercheur universitaire.

Quelle image conserver de ce chercheur dont la capacité « d’empathie » avec son environnement est exceptionnelle ? Une illustration nous semble particulièrement concrète avec cette observation d’un tremblement de terre. Gustave Tramblay y présente une remarquable capacité « réflexive » de construction, dans l’instant, des indicateurs qui donnent sens aux interprétations scientifiques. Cet événement sismique a eu lieu en 1909 et ses effets ont été ressentis jusqu’à Montpellier :

« Le 11.juin, à 9 h 17m du soir, j’étais assis dans un fauteuil, au rez-de-chaussée. Je me suis senti balancé de l’Est à l’Ouest, comme si tout ce qui m’entourait subissait un mouvement de va-et-vient ; le fauteuil n’a pas été déplacé; les oscillations ont duré 7 à 8 secondes. Un de mes enfants, âgé de 12 ans, était debout auprès de moi et n’a rien ressenti (souligné par nous). Des anneaux suspendus au-dessous du bec Auer ont oscillé pendant plus d’une minute, dans un plan Est-Sud-Est, Ouest-Nord-Ouest. La même constatation a été faite sur la suspension de ma salle à manger. La pendule ne s’est pas arrêtée : son balancier oscille dans un plan S-E, N-O. A 9 h 18 mn, ciel couvert, Vent Sud-Ouest modéré. Température à l’air libre, 15° 1 ; Baromètre à mercure : 756 mm 9. Altitude de la cuvette, 44 m 5. Température minima, 10°, 9 ; maxima 22°. Très nuageux. Le vent de N-O (mistral) a soufflé à partir de 9 h 45 mn. »

Un tel homme laisse une « empreinte sociale » que la presse a su résumer en soulignant « la perte d’un philanthrope dévoué, d’un savant modeste autant qu’éclairé et un ami sincère des idées démocratiques ».

Enfin, pour conclure, en quoi Gustave Tramblay est-il un Mérifonois d’adoption ? La famille « REY-TRAMBLAY » s’est installée au hameau de Canet (Mérifons) au cours de l’année 1851, par l’acquisition d’un bâtiment agricole appartenant à la famille Duguiès. Par la suite, les générations successives ont contribué au développement économique et social du village, tout en valorisant, par leur regard anticipateur, le patrimoine bâti et la terre de ce pays. Aujourd’hui, nous en exploitons, dans les archives transmises par cette famille, la richesse symbolique pour la préserver de l’oubli.

Bibliographie générale

Ciel et Terre, revue populaire d’astronomie, de météorologie et de physique du globe, Bruxelles, 1er mars 1891-16 février 1892.

BARTHES, 1980 : BARTHES (Roland), La chambre claire, note sur la photographie, Paris, éditions de l’Etoile, Gallimard, Le seuil, 1980.

BOISTEL, 2005 : BOISTEL (Guy), Observatoires et patrimoine astronomique français, Cahiers d’histoire et de philosophie des sciences, n° 54, 2005.

CATALAN, 1864 : CATALAN (Eugène), Notions d’astronomie, Paris, Dubuisson et Cie, 1864.

FAIDIT, 2001 : FAIDIT (Jean-Michel), Le pavillon du jardin des plantes de Montpellier, CCA, Mtp, 2001.

FAIDIT, 1991 : FAIDIT (Jean-Michel), L’Astronomie, Tables générales, première époque : 1882-1894, Société Astronomique de France (non publié) Jean-Michel FAIDIT et Jean-Gabriel FOUCHE, la société astronomique Flammarion de Montpellier – fondée en 1902 – et la tour de la Babote, Société Astronomique Flammarion, Centre culturel de l’astronomie, (2007). Jean-Michel FAIDIT, Gustave Tramblay (1855-1918), Pionnier de la photographie céleste d’amateur. Centre culturel de l’astronomie, Montpellier, 1991.

FAIDIT, ROCHER 2005 : FAIDIT (Jean-Michel) et ROCHER (Patrick), Montpellier et les éclipses de soleil. Centre culturel de l’astronomie, 2005.

Le MAS des Terres Rouges, Mérifons : une terre en héritage, un patrimoine en partage, Communauté de Communes du Clermontais, en préparation (Avril 2012).

NADAR 1998 : Quand j’étais photographe, Actes du Sud, 1998.

REEVES, 1999 : REEVES (Hubert), L’espace prend la forme de mon regard, Paris, seuil, 1999. p. 44, Une belle interrogation de ce célèbre astrophysicien à propos de la mesure : « Les nombres ont-ils un mode d’existence en dehors de la tête de celui qui les pense ? ».

Articles publiés par Gustave TRAMBLAY

Revue L'Astronomie

(1882-1894 : fusionnée avec le Bulletin de la Société Astronomique de France en 1895)

TRAMBLAY, Gustave (Observateur à Gignac, puis à Orange, puis à Montpellier) :

— Photographie lunaire dans les instruments de moyenne puissance, 1886, 382-384, 425.

— L’éclipse totale de Lune du 28 janvier 1888, 1888, 31-32.

— Conjonction de Vénus et de Jupiter le 6 février, 1892, 65-67.

— La lumière de la Lune éclipsée, 1892, 68-69.

— L’éclipse totale de Soleil du 30 août 1905. Observations à Alcala de Chisvert (Espagne), 1905, 499-500.

— L’éclipse de Soleil du 17 avril. Observations faites à Sartrouville, 1912, 246-247.

Notules :

— L’étoile 2 de l’Hydre, probablement variable, 1882, 150.

— Rapprochement de Vénus et de Jupiter, le 25 juillet 1883, 1883, 462.

— Passage de Vénus sur la couronne solaire, 1890, 349. (B 1890, 83).

— L’éclipse totale de Lune du 15 novembre, 189 1,468.

— L’occultation de Jupiter du 20 février, 1893, 152. (B 1893-II, 128).

— Bolide lent ou bradyte, 1897, 334.

— L’éclipse de Lune du 3 juillet 1898, 1898, 351.

— L’éclipse partielle de Lune du 16 décembre 1899, 1900, 76.

— Observations de l’éclipse de Soleil du 28 mai 1900 à Elche, 1900, 352.

— Le bolide du 5 juillet 1901, 1901, 375.

— L’éclipse de Lune du 11-12 avril 1903, 1903, 229.

— Observations de la comète d’Encke, 1905, 63.

— La grande tache solaire de février 1905, 1905, 110.

— Le dernier maximum de Mira Ceti, 1907, 100.

— Le tremblement de terre de la Provence, 1909, 308.

— L’éclipse totale de Lune du 4-5 juillet 1917, 294.

Bulletin de la Société Astronomique de France

(fondée en 1887 ; < 1894)

— L’éclipse totale de Lune du 28 janvier 1888, 1887, 60.

— L’éclipse totale de Lune du 28 janvier 1888 observée à Orange, 1888, 53. (A 1888, 31).

— Passage de Vénus sur la couronne solaire, 1890, 83. (A 1890, 349).

Bulletin de la Société Astronomique Flammarion de Montpellier

(fondée en 1902)

— Des différents systèmes imaginés pour expliquer les mouvements des astres, 1903, 1, 13.

— Comètes, bolides et étoiles filantes, 1904, 1, 1.

— Observations astronomiques – Autres observations de la comète Borrelly, 1904, 1, 10.

— La prochaine éclipse totale de Soleil du 30 août 1905, 1904, 3, 33.

— Les oppositions de la planète Mars, 1907, 1, 2.

— La comète Daniel. 1907, 3, 56.

— Photographie céleste d’amateur, 1909, 3, 33.

— L’éclipse de Soleil du 17 avril 1912. Observations, 1912, 2, 38.

Conférences à la Société Flammarion de Montpellier

1903 :
7 janvier •
Différents systèmes imaginés pour expliquer le mouvement des astres (1903, 1, 13).
19 novembre • Comètes, Bolides et étoiles filantes (1904, 1, 1).

1904 :
5 mars •
Le Soleil, source de vie

1906 :
Conférence à Villeveyrac.

1907 :
22 fév. •
Promenades à travers les étoiles.

1910 :
22 oct. •
Phénomènes astronomiques et éclipses en vues.

Tableau 3

Observations de Tramblay publiées dans la revue l'Astronomie

— (B) Bulletin de la Société astronomique de France (< 1894)

— (SAFM) Bulletin de la Société Astronomique Flammarion de Montpellier

— (SP) Revue Les Sciences Populaires

1882 :
• Grande comète de 1882 (1882, 326)

(1883, 68, 179, 180,181) :
• Etoile 2 de l’Hydre (1883, 150)

1883 :
• Rapprochement de Vénus et de Jupiter, le 25 juillet 1883 (relation avec deux dessins) (1883, 462)
• Lueurs crépusculaires en novembre/décembre, suite à l’éruption du Krakatoa (1884, 20, 66)

1884 :
• Comète Pons (1884, 31, 259, 260)

1885 :
• Averse historique d’étoiles filantes du 27 novembre 1885 (1886, 29)

1886 :
• Jupiter photographié près de la Lune, le 9 juin 1886 (1886, 345)

1887 :
• Envoi d’une communication sur le tremblement de terre de Nice (1887, 123)

1888 :
• Éclipse de Lune du 28 janvier 1888, observée à Orange (1888, 103-106)

1889 :
• Éclipse partielle de Lune du 12 juillet 1889 (mention de 105 photos) (1889, 312)
• Occultation de Jupiter du 7 août 1889 (mention de 7 photos) (1889, 325)

1891 :
• Éclipse de Lune du 15 novembre 1891 (1891, 468)

1892 :
• Éclipse de Lune du 11 mai 1 892 (mention de nombreuses photos) (1892, 233, 306)
• Comète Brooks en octobre 1892 (1893, 30)

1893 :
• Occultation de Jupiter le 20 février 1893 (1893, 115, 147)
• Éclipse de Soleil du 16 avril 1893 (1893, 193, 226)

1895 :
• Éclipse de totale de Lune du 11 mars 1895 (1895, 125)
  (SP, 1895, 104)

1897 :
• Observation de Vénus en plein jour (1897, 162 ; 1913, 132)
• Bolide lent ou Bradyte (1897, 334)
• Observation d’un autre météore (1897, 472)

1898 :
• Éclipse de Lune du 3 juillet (mention de 36 photos) (1898, 351)

1899 :
• Éclipse partielle de Lune du 16 décembre 1899 (mention de 66 photos) (1900, 76-77)

1900 :
• Éclipse totale de Soleil du 28 mai 1900 à Elche (Espagne) (1900, 352)

1901 :
• Observations de la Nova de Persée (1901, 158, 275)
• Bolide du 5 juillet 1901 (1901,375)

1902 :
• Conjonction Vénus-Saturne (mention de 11 photos) (1902, 15)

1903 :
• Éclipse de Lune du 11-12 avril 1903 (49 photos, 11 publiées) (1903, 229, 336, 340)
  (SAFM, 1904, 6)
• Comète Borrelly (SAFM, 1904, 7)

1904 :
• Lumière zodiacale (1904, 245)
• Comète Encke (observée du 11 au 18 décembre) (1905, 63)
  (SAFM, 1905, 16)

1905 :
• Grande tache solaire de février 1905 (1905, 110)
• Éclipse totale de Soleil du 30 août 1905, à Alcala de Chisvert, (Espagne) (1905, 499, 500 ; 1906, 128-130)
  (Brochure SAFM, « À la poursuite d’une ombre », 1905, avec ses travaux) (SAFM, 1905,40)

1906 :
• Observations de Mercure en mars 1906 (1907. 169)
• Maximum de Mira Ceti (5 obs. du 6 au 12 décembre 1906) (1907, 100 ; 1908, 129)

1907 :
• Comète Daniel (SAFM, 1907, 56)
• Passage de Mercure sur le disque du Soleil, le 14 novembre 1907 (mention photos) (1907, 542)
  (SAFM, 1907, 65)

1909 :
• Relation du tremblement de terre de Provence (1909, 308)

1910 :
• Éclipse totale de Lune du 16-17 novembre 1910 (1911, 63)

1911 :
• Comète Brooks (1911, 484)
  (SAFM, 1911,44)

1912 :
• Éclipse totale de Soleil du 17 avril 1912 à Sartrouville (1912, 241, 242, 246-247)
  (SAFM, 1912, 38)

1914 :
• Éclipse de Lune du 12 mars 1914 (1914, 235)
• Éclipse de Soleil du 21 août 1914 (1914, 437)
  (SAFM, 1914, 39)

1916 :
• Maximum de Mira Ceti les 6-7 janvier 1916 (1916, 130)
• Éclipse de Soleil du 3 février 1916 (1916, 142)
  (SAFM, 1916, 1, 11)

1917 :
• Observations de Mira Ceti (1917, 247, 441)
• Grande dépression atmosphérique du 7 mars 1917 (1917, 253)
• Éclipse de totale Lune du 4-5 juillet 1917 (1917, 294)

1918 :
• Observations de la Nova de l’Aigle (14 obs., 9-30 juin, 20 en juillet, 12 en août) (1918, 230, 231, 284, 358)

Petit lexique céleste

Aplanétique : Optique d’un instrument (tel son appareil photographique) donnant une image d’un objet perpendiculairement à l’axe optique.

Comète : Boule de " neige sale " présentant une queue de gaz et de poussières en approchant du Soleil.

Conjonction : Rapprochement apparent de deux astres dans le ciel.

Éclipse : On distingue les éclipses de Soleil (la Lune le masque) des éclipses de Lune (la Lune passe dans l’ombre de la Terre).

Météores : Pluie d’étoiles filantes, poussières d’origine cométaire se consumant dans l’atmosphère. Désignés selon la constellation d’où ils émergent (ex Persée, Perséides). Un grand météore ponctuel est désigné Bolide.

Planète : Corps du système solaire gravitant autour du Soleil. Depuis la réforme de 2006, le système solaire ne compte plus que huit planètes, de Mercure à Neptune.

Notes

 1.  Famille BERARD.

 2.  Association Française pour l’Avancement des Sciences. Congrès 1876, p. 380.

 3.  Les archives de Paris le font naître dans cette ville, alors que son acte de décès situe cette naissance à La-Chapelle-Saint-Mesmin, près d’Orléans.

 4.  Village simplement nommé, à cette époque, Maisons.

 5.  Le 9ème arrondissement actuel.

 6.  Nos différentes sources font état de fréquents changements de dénomination, depuis la position d’un employé auprès de son père à celle de commis-négociant. Remerciements à Thierry GIGAUDAUT pour sa contribution à notre recherche.

 7.  Adolphe, Félicien, Gustave TRAMBLAY, du passif de la communauté et des actions qui en résultent, Paris, F. Pichon, 1879, 78 p.

 8.  Bourg des Alpes-Maritimes. Son oncle Charles est à l’origine de cette lointaine nomination.

 9.  Gustave TRAMBLAY réalise sa première photographie connue, le planol à Clermont-l’Hérault, en octobre 1880. Il a donc effectué une reconnaissance de la région avant d’y être officiellement nommé. Il figure dans l’Annuaire de l’Hérault comme titulaire de la fonction de receveur de l’enregistrement à Gignac (ADH, PAR 1600, 1882).

10. Il y a exercé les fonctions de receveur de l’enregistrement et des domaines, ainsi que celle de conservateur des hypothèques du 20 mars 1811 au 10 juin 1844. Il terminera sa carrière à Mantes (Seine et Oise).

11. Il est également son tuteur légal.

12. Il la rencontre au cours d’un déplacement qu’il effectue au hameau de Canet à Mérifons. (La narration de cette rencontre figure dans la correspondance privée de Gustave TRAMBLAY et de sa femme – cf. collection BERARD).

13. Né en 1800 à Clermont-l’Hérault et décédé au hameau de Canet (Mérifons) en 1891.

14. Née en 1829 à Villeneuve-lès-Maguelone et décédée au hameau de Canet (Mérifons) en 1917.

15. Recensement de la population montpelliéraine en 1901 (ADH, 6 M 551).

16. Jean-Michel FAIDIT, Le pavillon d’astronomie du jardin des plantes de Montpellier. Centre culturel de l’astronomie, 2001.

17. Observation d’une nova dans la constellation de l’AIGLE au cours de l’été 1918 (dite Etoile de la paix ou Novae aquilae).

18. L’Astronomie, société astronomique de France, vol. 47, 1933, pp. 196 et 606.

19. Cliché de la place du planol à Clermont l’Hérault ; ci-après.

20. Collection Jean-Michel FAIDIT.

21. L’intérêt de Gustave TRAMBLAY pour le ciel se situe vers l’âge de 18 ans – au printemps 1873 – d’après les annotations de la position des planètes mars et Jupiter de février à Juin 1873 qui1 reporte sur une carte éditée pour 1867.

22. Cahier de notes de Gustave TRAMBLAY, p. 21 (Collection JM FAIDIT).

23. Né à Paris le 10 février 1857, il décède à la Chapelle-Saint-Mesmin le 25 février 1870, soit un an avant la mort de son père

24. Dont la direction a été assurée, peu d’années avant son arrivée, par le célèbre Évêque d’Orléans, Félix DUPANLOUP.

25. L’acte de décès d’Antoine Adolphe, en 1871, indique qu’il habite principalement à la Chapelle-Saint-Mesmin. La scolarité de Gustave dans cet établissement se déroule entre 1870 et 1873 selon l’attestation du proviseur A. Portes du 28 octobre 1873.

26. Il y obtient en 1872 un second prix de version latine (il est en classe de seconde).

27. Portrait en 1858 du père de Gustave (réalisé dans l’atelier du photographe situé au 31, place Cadet à Paris), puis d’autres portraits de Gustave et Maurice en 1869.

28. Amateur de courses hippiques, Adolphe se fait également photographier en famille (1857) au bois de Boulogne par le célèbre spécialiste « John » DELTON.

29. C’est-à-dire au tout début de la photo-carte de visite de ce photographe parisien.

30. Qui accueille, au n°35, l’atelier du célèbre NADAR.

31. Ce photographe a exercé sa profession à Paris, 35 boulevard des Capucines, entre 1875 et 1906. La composition du verso des photos de cet artiste est antérieure à 1882, date à laquelle il obtient une première médaille d’or à l’exposition de Paris.

32. La littérature scientifique explique que la photo d’art accompagne la réussite sociale de la nouvelle bourgeoisie dans la seconde moitié du XXe siècle, au même titre que l’aristocratie s’est précédemment mise en scène à partir de tableaux signés par de grands noms de l’art pictural.

33. Bulletin Le correspondant, Mélanges, une innovation au séminaire de la Chapelle-Saint-Mesmin, 1859, p. 146.

34. Le petit séminaire de la-Chapelle-Saint-Mesmin -le site -l’histoire -l’œuvre, Orléans, H. HERLUISON, s.d (1879 ?), pp. 24 et 26. Les principes pédagogiques sont l’œuvre de Monseigneur DUPANLOUP, évêque d’Orléans. Il est à noter la place donnée aux corps dans cet établissement religieux : « le jeu d’ailleurs est en honneur (…) c’est le plaisir de voir (…) ces parties animées de barres, de balles, de boucliers, d’échasses, de billes ou de boules, selon les différentes saisons de l’année ».

35. Ses premiers calculs astronomiques, selon ses notes personnelles, datent de 1872.

36. Camille FLAMMARION, Mémoires biographiques et philosophiques d’un astronome, Paris, Ernest Flammarion, 1912, p. 266

37. À cette époque les appareils photographiques deviennent moins volumineux et moins onéreux.

38. Il collectionne également des monnaies anciennes. (cf. inventaire de succession après décès).

39. Jean-Pierre CHANGEUX, du vrai, du beau, du bien, une nouvelle approche neuronale, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 173.

40. Camille FLAMMARION op. cit. pp. 20-21.

41. Il est également important de rappeler qu’Herminie REY, élève au pensionnat de la congrégation de Nevers à Lodève, a reçu en récompense, en 1836, un livre intitulé « Uranographie de la jeunesse ou leçon de sphère et d’Astronomie ». Cet ouvrage a été publié à Lyon, chez Perisse frères, en 1832, sous la signature de M. A. PERRAULT-MAYNAND. Gustave et Maurice TRAMBLAY y ont apposé leurs signatures… d’enfants

42. Serge TISSERON, Le mystère de la chambre claire, photographie et inconscient, Paris, Flammarion. Champsarts, 2010, extraits p. 67.

43. Louis FIGUIER, L’année scientifique et industrielle, Paris, L. Hachette et Cie, 1875, p. 61.

44. Camille FLAMMARION, op. cit. p. 69.

45. Dans le sens d’une mise en scène visant à valoriser l’apparence corporelle / à la présentation de soi.

46. Sens large.

47. Une autre photographie représentant l’atelier des hommes semble dater de la même période.

48. [ Appel manquant ] cf. lettre de sa femme à sa fille (archives privées famille Bérard) dans laquelle il s’insurge contre l’élection de LEROY-BEAULIEU.

49. Certaines d’entre-elles ont été offertes à des chercheurs proches de la famille.

50. Astronome français et vulgarisateur scientifique (1842-1925).

51. Journal l’Éclair, 20 novembre 1882.

52. Journal l’Éclair, 23 novembre 1882.

53. Du 29 novembre au 2décembre 1892.

54. La publication de cette revue cesse en 1894. Elle sera remplacée par le bulletin de la Société Astronomique de France (du même nom), dans laquelle Gustave TRAMBLAY poursuivra ses publications. Les Tables Générales de cette revue réalisées en 2006 par Jean-Michel FAIDIT, en donnent l’inventaire suivant : « Photographie lunaire dans les instruments de moyenne puissance, 1886, 382, 425. L’éclipse totale de Lune du 28 janvier 1888, 1888, 31… Conjonction de Vénus et de Jupiter le 6 février 1892, 65… La lumière de la Lune éclipsée, 1892, 68, 103 ».

55. Extrait de la revue l’Astronomie, 1888, p.32.

56. L’Astronomie, 1899. p. 312.

57. Josef Maria EDER, Théorie et pratique du procédé au gélatinobromure d’argent. Gauthier-Villar, 1883.

58. Remarque élogieuse de Camille Flammarion.

59. Ce cadran solaire est fixé sur le mur qui délimite la terrasse de la maison (cliché Christian GUIRAUD, août 2011 – cf. observation de Jean-Michel FAIDIT).

60. Phénomène lumineux (tache colorée) dû à la réflexion des rayons solaires sur un nuage de cristaux de glace (cf. Petit Larousse Grand Format, 1992).

61. Co-fondateur de la Société d’Astronomie Flammarion de Montpellier.

62. Description de la Lune.

63. Disparu prématurément à l’âge de 23 ans en 1903.

64. Anecdote personnelle de Jean-Michel FAIDIT pour évoquer la mémoire de Gustave TRAMBLAY et de son petit-fils Pierre BERARD. « Celui-ci m’avait offert en 1987 la collection complète des bulletins de son grand-père, pionnier de la photographie céleste et membre de la première heure de la SAF. Or, il manquait la revue l’Astronomie, fondée en 1882. Je décidais donc d’envoyer un courrier circulaire à tous les bouquinistes du sud de la France. Un libraire de Marseille m’informa qu’il avait précisément les années recherchées, 13 volumes reliés de 1882 à 1894. Je me transportais aussitôt dans la cité phocéenne pour les examiner, Quelle ne fut mon émotion de découvrir, par les annotations au crayon et divers clichés collés en lieu et place de leur reproduction sous forme de gravures dans les articles qu’il écrivait dans la revue, qu’il s’agissait des recueils de Gustave Tramblay ! Inutile de dire que je m’empressais de réunir à nouveau la collection originale ! »

65. Charge Coupled Devices. Ces récepteurs permettent la conversion d’images en signaux électriques.

66. Gustave TRAMBLAY, Photographie lunaire dans les instruments de moyenne puissance, l’Astronomie, 1886, pp. 382-384, 425.

67. Gustave TRAMBLAY Photographie céleste d’amateur, Bulletin de la Société Astronomique Flammarion de Montpellier, 1909, 3, l, pp. 33-38)

68. Gustave TRAMBLAY, Passage de Vénus sur la couronne solaire, l’Astronomie, 1890, 349-350. Gustave TRAMBLAY, Conjonction de Vénus et de Jupiter le 6 février, l’Astronomie, 1892, pp. 65-67. Camille FLAMMARION, Études et lectures sur l’Astronomie, t. V, pp. 297-306. Camille FLAMMARION, Astronomie populaire, p. 573 de l’édition de 1880. Edwin GOFFIN, Conjonctions planétaires serrées, l’Astronomie, 1978, pp. 305-308. (Sur Internet https://ui.adsabs.harvard.edu/)

69. Lucien RUDAUX, Le Portrait des Astres, in Annuaire général et international de la photographie, Paris, Plon, 1907, p. 331.

70. G. TRAMBLAY observe les effets du tremblement de terre du 23 février 1886 à Orange et les transmet à C. Flammarion. L’épicentre de ce tremblement est en profondeur, sous la méditerranée (face à Diono-Marina, en Ligurie).

71. En 1896, il réalise une photographie d’une automobile « en course » entre Orange et Courthézon. Il note au dos de la photo : « Près du kilomètre 199 (de Lyon à Antibes), passage de l’automobile n° 46, le 27 septembre 1896 à 2 h 26 m (heure de Paris), Ciel clair N.W. assez fort, G. Tramblay à Orange ». Voir ce cliché dans l’article.

72. Ce cliché, par comparaison avec ceux qui ont été annotés par le photographe, a été réalisé à la ferme de Villetelle (Commune de Brenas) le 24 septembre 1905.

73. Affluent de l’Hérault. L’étude de l’architecture du pont nous conduit à faire l’hypothèse de ce lieu !

74. [ Appel manquant ] Pour cela il faut se sentir d’abord pris dans le monde comme le souligne avec pertinence Serge Tisseron.

75. Épitaphe de Camille FLAMMARION à l’attention de Gustave TRAMBLAY, octobre 1918.

76. Annotation, en marge de l’article, par la famille BERARD : « grippe espagnole après refroidissement provoqué par ses observations de la Nova de l’Aigle en 1918 ».