Au temps des trasseurs. Recherches sur les anciennes carrières de pierres de Saint-Jean-de-Védas
Au temps des trasseurs.
Recherches sur les anciennes carrières de pierres
de Saint-Jean-de-Védas
Archéologue INRAP
P. 31 à 46
Lorsqu’on arrive à Montpellier depuis l’ouest par l’autoroute A9, on passe obligatoirement par la gare de péage de Saint-Jean-de-Védas. Juste à la sortie, en direction du sud, s’étend une zone industrielle appelée ZI de la Lauze, du nom d’un très ancien domaine, aujourd’hui presque totalement disparu. En direction du nord, il y a l’accès à Saint-Jean-de-Védas par l’avenue de Libria. Sur la droite de cette avenue, on peut accéder au parking du tramway de la station « Saint-Jean-Le-Sec ». Juste derrière, invisible depuis le parking, se trouve un jardin public encaissé, qui n’est autre qu’une ancienne carrière désaffectée. Il a été aménagé en espace de loisirs et de promenade par la municipalité de Saint-Jean-de-Védas. (Fig. 1 et 2)
Lors du projet d’aménagement de la Zac à l’ouest de cette carrière, et du tramway au sud, des fouilles archéologiques ont révélé la présence d’autres vestiges d’exploitation qui pourraient remonter au Moyen Âge (voir note **). La question qui s’est posée alors, et à laquelle nous avons essayé d’apporter des éléments de réponse, pourrait se formuler ainsi : depuis quand extrait-on la pierre à Saint-Jean-de-Védas, et peut-on reconstituer des fragments de cette histoire oubliée ?
Pour démarrer l’enquête, j’ai suivi la piste chronologique ouverte par isabelle Rémy dans le rapport final d’opération du diagnostic effectué en 2004 sur le site appelé Roquefraïsse, juste en face de l’ancienne carrière, de l’autre coté de l’avenue de Libria 1.
Antiquité
Isabelle Rémy a noté la présence de calcaire de Saint Jean-de-Védas dans des constructions dès le Ve siècle avant J.C. il s’agit de pierres des remparts de l’antique cité de Lattara, située en bord d’étang, sur l’actuelle commune de Lattes. C’est Jean-Louis Reille qui a mené l’étude sur les blocs utilisés pour construire le second rempart de Lattara 2. Les types identifiés sont au nombre de 6, dont des calcaires coquilliers provenant de la zone d’affleurement de Saint-Jean-de-Védas. Sur l’ensemble des échantillons, ils ne représentent que 10 % du lot, mais à l’intérieur de ce dernier, la base du rempart sud, daté de la fin du Ve siècle avant J.C., a révélé une forte domination des calcaires coquilliers du miocène avec 63 % de représentation. C’est-à-dire que, suivant les phases de construction, on s’approvisionnait de façon opportuniste, selon les possibilités offertes par les circonstances. C’est ce que pense Jean-Louis Reille.
300 ans plus tard, au IIe siècle avant J.C., la part des calcaires de Saint-Jean-de-Védas atteint 20 % de l’ensemble. Ce qui double la proportion globale et témoigne peut-être d’un développement local du travail d’extraction des pierres. Mais, au début de notre ère, les calcaires miocènes de Saint-Jean-de-Védas font place aux roches carbonatées du massif de la Gardiole qui sont alors très largement majoritaires et dont le faciès très homogène laisse supposer la provenance depuis une carrière unique. Il semble donc que plusieurs siècles avant J.C., les qualités de la pierre de Saint-Jean-de Védas aient été assez connues pour motiver des échanges avec le comptoir de Lattara. Toutefois cela n’implique pas forcément la présence de carrières pérennes, mais d’approvisionnements ponctuels dont les modalités nous restent encore inconnues. Ainsi, l’art d’extraire les pierres s’est-il, peut-être, transmis localement, de génération en génération, depuis ces époques reculées.
J’ai aussi relevé, dans la dernière publication de Michel Py sur Lattara, une sculpture appelée « Le guerrier de Lattes » 3, qui représente le torse d’un homme en armes, probablement un archer d’après Michel Py, et dont la typologie indique une œuvre de la fin du VIe ou du début du Ve siècle avant J.C. L’agrandissement pleine page couleur du pectoral (cardiophylax) 4 laisse envisager la possibilité qu’il ait été
sculpté dans un calcaire coquillier de la zone de Saint-Jean-de-Védas. Cette sculpture monolithe mesure entre 39,5 et 49 cm de largeur, pour une hauteur conservée de 79 cm et une épaisseur minimale de 25 cm. Le grain et la couleur sont similaires à ceux d’un échantillon témoin issu de la carrière de Roquefraïsse. Il serait intéressant d’observer la composition lithologique de ce bloc sculpté afin d’en déterminer la provenance, et peut-être de valider la zone de Saint-Jean-de-Védas.
Moyen Âge
La première mention connue des carrières se trouve dans le cartulaire de Maguelone, au mois de mars 1194 5 (annexe I). Dans ce texte, l’évêque Guillaume Raymond confirme à Guillaume Chausaldus (plus probablement Lausaldus) le manse de la Lause qui fut avant lui celui de son père, Pierre Bruno de La Lause. Il lui concède le mas et toutes ses terres, vignes, mazets, aires, prés, pacages, hermes et tout ce qui est cultivé ou en friche et tout ce qui en dépend ou qui lui est rattaché. Ce manse est à cheval sur les paroisses de Saint-Etienne-de-Béjargues et de Saint-Jean-de-Védas. Les ancêtres de Guillaume (L)ausaldus tenaient déjà le manse que les évêques précédents leur avait concédé. En contrepartie, Guillaume Raymond demande l’albergue (hébergement) pour 18 chevaliers et 6 setiers d’orge ou d’avoine chaque année, Plus un porc, un mouton et un agneau, ainsi que 8 setiers de froment et 20 setiers de vin, Plus 20 deniers pour les œuvres et 4 pains et vin ( ?) un agneau « vegairal » (agneau de lait ?) et un bœuf. En plus du manse de la Lause, Guillaume Raymond consent à Guillaume (L)ausaidus 4 carterées de vignes (environ 80 ares) qui faisaient partie du manse de B. de Béjargues contre « seulement » un porc au lieu d’un quart (de la récolte ?) comme il était demandé à son prédécesseur (et quartum et gardiam ?).
Il mentionne ensuite une guerre qui a fait rage dans la province et à cause de laquelle les bénéfices du manse de la Lause n’ont pu être perçus, il remet les dettes, mais se réserve certains droits et usages pour son bénéfice personnel et celui de ses successeurs : chaque année à la fête de la Toussaint, cent sols melgoriens pour tout le bénéfice de la Lause, les pleins droits (juridiques) sur le manse de la Lause pour lui et ses successeurs. Il se réserve aussi le contrôle des carrières (lapidiscinis), moyennant quoi Guillaume (L)ausaldus garde la possibilité, lui et les siens (tibi et tuis), d’extraire et de garder des pierres autant que nécessaire pour construire ses enceintes et ses bâtiments. Guillaume (L)ausaldus fait la promesse écrite de se conformer à toutes les conditions du bail et l’affaire est réglée (annexe I).
Dans ce texte un certain nombre de clauses étaient acquises depuis les prédécesseurs des protagonistes, mais l’évêque insiste particulièrement sur les cent sols melgoriens de la Toussaint, et sur l’usage des carrières. Ce sont probablement deux clauses nouvelles et il est possible qu’avant cette date les carrières aient été utilisées plus librement par les fermiers du manse. On peut remarquer que la clause d’usage s’applique uniquement au manse de la Lause (ad clausuras et edificia dicti mansi). On note aussi, que le terme lapidiscinis est du latin classique alors que la même année dans un texte postérieur de quelques mois, ce sera le terme occitan peireriis qui sera utilisé : a venlo cum terra episcopali et cum peireriis.
Nous avons donc ici dès la première mention des carrières une clause établie de contrôle direct de la production des carrières par l’évêque. Les besoins en matériaux de construction de l’évêché de Maguelone étaient très importants à cette époque et le contrôle des carrières pourrait être devenu un point particulièrement sensible. On sait, par la Vieille Chronique de Maguelone, que durant le XIIe siècle les trois prédécesseurs de Guillaume Raymond ont fait presque entièrement reconstruire l’évêché de Maguelone 6. À l’occasion de ce gros chantier, des conflits d’intérêt ont pu apparaître entre les évêques et les fermiers et l’accord entre Guillaume Raymond et Guillaume Lausaldus viendrait mettre un peu d’ordre dans les règles d’utilisation. Enfin, même si le terme lapidiscinis est au pluriel, c’est quand même d’un seul ensemble dont il s’agit et il ne faut probablement pas envisager plusieurs carrières ouvertes sur la zone concernée, mais un espace limité à l’intérieur duquel on ouvre des fronts de taille en surface là où la pierre est facilement accessible.
Aymat Catafau, chercheur en histoire médiévale à l’université de Perpignan, à qui j’ai communiqué ce texte, en déduit pour sa part « une proximité entre le mas et les carrières, celles-ci se trouvant dans le territoire inculte servant peut-être de pâture aux bêtes du mas, la concession du mas et de toutes ses terres aurait pu sembler inclure les carrières, ce que l’évêque ne veut pas et il tient à préciser son droit seigneurial strictement conservé sur les carrières (pour extraction et vente des pierres) ; en revanche, compte tenu de la proximité et de la facilité d’exploitation, il autorise le preneur à en faire usage pour lui seul 7.
Sept mois plus tard, le manse est passé aux mains de Bernard de la Lause, probablement le fils de Guillaume. Le même évêque lui concède aussi de nouvelles terres, sises sur la paroisse de Saint-Etienne-de-Béjargues 8. Il y a 6 parcelles de terres et 6 parcelles de vigne. Les confronts sont repérés par rapport à quatre directions cardinales matérialisées par des vents : le Cers, le Corina, le Vent et l’Aquilon. Une des parcelles de terres est dite être en contact au Cers avec le chemin de Saint-Jacques et la voie qui va à Lattes. À Corina, avec une voie qui va de Saint-Jean aux peirières (ad peireras). Au Vent, elle touche les terres épiscopales et les peirières. À l’Aquilon, avec une voie qui va de Béjargues aux peirières. En utilisant les vents comme points cardinaux, il n’est pas possible de localiser ces parcelles, par contre en ne tenant compte que des chemins indiqués et en les confrontant aux indications fournies par un plan du XVIIIe siècle 9, l’opération s’avère tout à fait possible (Fig. 3).
Le seul inconvénient est de trouver l’Aquilon à l’Est et le Cers au Nord. Peut être existe-t-il une explication qui nous échappe. Si cette restitution est valable, cela voudrait dire que la zone des peirières au XIIe siècle était déjà similaire à la zone des peirières fixée sur plan au XVIIIe siècle. Dans ce cas, le lieu-dit « Peyrières » situé au nord de la Lauze sur le cadastre « napoléonien » serait, peut-être, le souvenir d’une carrière plus ancienne.
Quelques autres mentions des peirières jalonnent le cartulaire de Maguelone, sans apporter plus de précisions sur la localisation de celles-ci. Hormis en février 1288, à l’occasion d’une cession entre l’évêque et le prévôt de Maguelone, où l’on apprend qu’une rivière coule des carrières de la Lause, qui sont sous la juridiction du château du Terral 10.
En conclusion, il ne semble donc pas qu’il y ait de semis de carrières exploitées à Saint-Jean-de-Védas, au Moyen Âge, mais plutôt un site unique situé dans le secteur des carrières modernes, dans la juridiction du Terral et sous le contrôle absolu de l’évêque de Maguelone (Fig. 4). Toutefois, le lieu-dit Peyrières, près du mas de la Lauze, pourrait indiquer une extension de la zone d’exploitation de surface qui se serait étendue vers le sud jusqu’à l’actuelle gare de péage de l’A9. Quand au lieu dit « Quatrecarrières » situé au nord-ouest de la zone étudiée, il ne fait pas référence a d’autres exploitations de pierres mais au croisement de 4 chemins (carrieras) qui le bordent : chemin de Baderes, chemin des Quatre carrières, chemin de Saint-Jean au gué du mas de Magret, chemin de Saint-Jean à la Lauze.
XIIIe et XIVe siècles
Aux XIIIe et XIVe siècles, l’usage de la pierre de Saint-Jean de-Védas était encore très minoritaire dans les constructions bourgeoises de Montpellier. Par exemple, en mai 1660, l’expertise de l’hôtel de Gayon, qui fut construit au cours du XIIIe siècle, ne révèle qu’un linteau de porte en pierre de Saint-Jean. Cet hôtel fut édifié principalement en pierre de Saint-Geniès-des-Mourgues et en pierre de Pignan. « La platebande de la porte 5 ne peut s’identifier qu’avec l’un de ces grands linteaux en usage localement du XIIe au XIVe siècles » écrivent Bernard Soumia et Jean-Louis Vayssettes 11. Il semble ici que ce soient les qualités mécaniques de la pierre, capable de supporter du poids sans casser, qui aient prime pour ce choix particulier.
Du XVe au XVIIe siècle
A partir de 1466 les choses évoluent, et l’usage des carrières s’ouvre un peu : l’évêque de Maguelone, Maur de Valleville, baille à nouvel achat A Pierre de Mèse, cinq carterées de terres, soit un hectare, au « quartier des carrières » au pouvoir d’en ouvrir une. Je n’ai pas trouvé le contrat original avec confronts, mais cette mention se trouve dans le brouillon d’une réclamation au nom de l’évêque, écrite vers 1748 12 (Annexe II). Cette ébauche se compose de 12 pages et apporte de nombreuses indications sur l’exploitation des carrières au XVIIIe siècle. Nous la reprendrons plus en détails au chapitre suivant. Pour les XVe et XVIe siècles, on apprend qu’une portion du terrain des carrières de l’évêque a été adjugée (baillée à nouvel achat) a Pierre de Mèse avec le droit exclusif d’ouvrir une carrière. Il ne doit pas s’agir du métayer de la Lause, puisque le 26 mars 1466, l’évêque Maur de Valleville inféode à noble Bringuier de Beauzenne le château et les terres de la Lauze 13.
Dans cette lettre, on apprend aussi que cette concession jouxte la carrière de l’évêque, puisque les limites ont été confondues et détruites au XVIIIe siècle par les fermiers, qui exploitaient en même temps les deux concessions. Enfin, en 1500, l’évêque vend au même endroit, au possesseur des cinq carterées, 15 autres carterées de terre destinées exclusivement à la culture. D’après ce brouillon, il est clair que la seule carrière autorisée sur la seigneurie du Terral est celle de Pierre de Mèse, et qu’elle ne doit pas outrepasser les 5 carterées concédées en 1466. Cette clause semble avoir été respectée jusqu’au XVIIe siècle, époque A laquelle, l’évêque se plaint, d’une part que le sieur Fargeon, propriétaire des terres vendues en 1466 et 1500, a agrandi son exploitation au delà des limites fixées dans les actes, et d’autre part de l’ouverture de nouvelles carrières, sur les parcelles de particuliers qui n’en avaient pas l’autorisation (annexe II).
Entre 1450 et 1650, les débouchés montpelliérains de la pierre de Saint-Jean-de-Védas furent les hôtels particuliers, et la production de deux carrières a pu être nécessaire pour faire face à la demande croissante. Il existe des dizaines d’hôtels particuliers rénovés construits ou reconstruits à Montpellier entre le XVe et le XVIIe siècle. Ces édifices prestigieux sont représentatifs d’une forte demande en pierres de construction, cette demande concerne aussi des demeures plus modestes, en ville et dans les villages environnants (Fig. 5). Les principales carrières qui fournissent la pierre sont alors Saint-Genies-des-Mourgues, Pignan et Saint-Jean-de-Védas. D’après Isabelle Remi 14, la pierre de Saint-Jean-de-Védas, de grande résistance, est utilisée pour tous les ouvrages exposés ou en surplomb : crêtes de murs, ouvrages de stéréotomie, marches d’escaliers, sols, foyers de cheminées.
Elle a noté plusieurs occurrences dans les prix-faits du XVIIe siècle publiés par Bernard Sournia et Jean-Louis Vayssettes 15 : pour l’hôtel de Mirman on utilise, par exemple, des dalles en pierre de Saint-Jean-de-Védas pour paver la cuisine. Ces dalles sont appelées bars et elles ont la propriété d’absorber l’humidité (renseignement oral de Patrick Martinez). Dans le prix-fait pour la reconstruction de cet hôtel en 1645, il est indiqué que les encadrements de polies, de fenêtres, le grand escalier a vis, le perron, seront bâtis en pierre de Saint-Jean-de-Védas 16.
Le 13 novembre 1628 et le 14 mai 1629, des prix-faits qui sont établis pour les divers travaux du sous-sol de l’hôtel de Pierre de Fenouillet, évêque de Montpellier 17, spécifient faut utiliser les pierres de taille de Saint-Jean-de-Védas. C’est le seigneur évêque qui doit pour sa part fournir la pierre au maître maçon Laurent Bonassier : « Finallement lesdits entrepreneurs seront tenu faire et parfaire tout ledit bastimant cy dessus expéciffié, sçavoir lesdites murailles par le dehors de pierres de St Jean de Védas et toutes les portes, vis, coings, rustics et plinthes aussy de pierres de Saint-Jean-de-Védas » 18. Ici l’aspect économique est aussi primordial, puisque les carrières appartiennent à l’évêque. Mais les travaux seront finalement abandonnés au niveau de l’arase du premier étage 19.
Il apparaît ainsi que c’est seulement au XVIIe siècle que l’exploitation des calcaires de Saint-Jean-de-Védas prend une véritable ampleur. Nous allons maintenant changer de focale pour nous approcher un peu plus du quotidien des carrières.
Le XVIIe siècle
Le travail de recherche sur la généalogie de la famille Euzet, qu’a fourni Jean-Claude Euzet, m’a permis d’approcher quelques aspects de la vie des trasseurs à cette époque. Le 9 novembre 1626, Pierre Pigoulier et Philippe et Salomon Euzet vendent 87 charrettes de pierres à Jean Ricard, conseiller à la Chambre des Comptes de Montpellier. C’est sans doute pour servir à la construction de son hôtel particulier, actuellement situé au n° 35 de la rue Saint Guilhem à Montpellier. Ici, les frères Euzet sont associés à Pierre Pigoulier dont le nom n’apparaît plus en 1649 lors de la ratification d’un contrat d’exploitation avec l’évêque : le 18 décembre 1649, l’évêque octroie à François Meric et à Philippe et Salomon Euzet, habitants de Saint-Jean-de-Védas, le droit de « faire trasser et faire tirer la pierre » de la carrière qui lui appartient dans les lieux et que l’on appelle « les peirières ». Ils ont pour obligation de faire ratifier leurs associés, Pierre Bosc, Antoine Roussel et Philippe et François Vidal, tous habitants de Saint-Jean-de-Védas. La durée de la concession est de quatre ans pour le prix de 160 livres chaque année, à payer la moitié au début de l’année et l’autre six mois plus tard. Les trasseurs doivent aussi fournir à l’évêque et à Jacques de Valat, gouverneur de Montferrand, toute la pierre de taille qu’il leur sera nécessaire, à raison de 15 sols la charrette 20. (Jacques de Valat est le beau-frère de Pierre de Fenouillet) On voit donc apparaître les noms de sept associés, habitants de Saint-Jean-de-Védas, qui exploitent une concession aux peirières. Ils sont appelés « trasseurs » et peuvent « trasser » et faire tirer la pierre. Il faut savoir qu’à cette époque la population de Saint-Jean-de-Védas n’excède probablement pas les 400 habitants. (En 1793 ils seront 441)
L’emploi de la dénomination « trasseur » recouvre donc deux étapes du travail d’extraction « trasser » la pierre et la « tirer ». « Trasser » correspond certainement au travail préliminaire de préparation du bloc à extraire : noter les contours, tracer le centre, percer les trous sur une ligne continue pour fendre la pierre. Puis le travail de « tirer la pierre » consistait sans doute à enfoncer des coins et à dégager le bloc puis à le débarder, avec des treuils et à le tirer avec des civières en bois où à le rouler sur des rondins jusqu’au lieu d’entreposage au bord d’un chemin de halage où il sera chargé sur un chariot tiré par des chevaux ou des bœufs.
En 1649, il y a déjà au moins 20 ans que les frères Euzet et leurs associés trassent la pierre aux carrières. Sont ils depuis le début de leur activité, fermiers des carrières de l’évêque ? Ont ils aussi été fermiers du propriétaire des 5 cétérées concédées par Maur de Valleville en 1466 ? Ont-ils eu parallèlement leur propre parcelle ? En tout état de cause, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, il semble qu’une véritable niche économique se soit développée, suite à la demande en matériaux de construction de la noblesse montpelliéraine, après la reprise en main menée contre les huguenots par Louis XIII en 1622. La période est alors favorable pour gagner sa vie en « trassant » la pierre.
Sur le plus ancien compoix de Saint-Jean-de-Védas est fait mention d’une parcelle appelée « indivis des trasseurs » et décrite ainsi : « Un herme et peyrière tiré du compoix de Jacques Donnat confronte au droit et couchant la carrière, au marin [l’. ?] de Nadal Berthomieu, au levant le chemin de Saint-Jean à Villeneuve. Il contient 1 cartérade 26 vestres du troisième degré 21 ». (Fig. 6)
La lettre de réclamation déjà citée plus haut 22 apporte une précision sur la date de cet enregistrement il se situe entre 1618, date a laquelle la parcelle est enregistrée comme terre, et 1646 où elle apparaît comme carrière.
En 1646, la carrière de « l’indivis des trasseurs » est officiellement enregistrée, soit trois ans avant l’acte donnant concession de la carrière de l’évêque aux sept associés cités plus haut. Le rédacteur anonyme mentionne aussi une autre terre dans le même secteur, elle fait 6 cétérées, a toujours été reconnue comme terre vigne et olivette, mais on y voit « les vestiges de quelque ancienne carrière ». Ce document ayant été rédigé vers 1748, il y a déjà cent ans que Pierre Bosc, Philippe et Salomon Euzet, Pierre Pigoulier, François Méric, Antoine Roussel, Philippe et François Vidal, ont déployé leur activité de « trasseurs » et cette « ancienne carrière » a dû être active au XVIIe siècle. À cette époque, il y avait certainement, autour de l’activité d’extraction, tout un fourmillement de travailleurs, manœuvriers, transporteurs, forgerons, charrons, bistrotiers, etc.
Au XVIIe siècle donc, en plus de l’exploitation des évêques et des 5 cétérées de Pierre de Mèse, il y a au moins deux autres carrières annexes ouvertes, d’une contenance de 8 cétérées au total (soit environ 1 ha 60a.) : la carrière d’Aubert Donnat et « l’indivis des trasseurs tiré du compoix de Jacques Donnat ». Il existe un plan du XVIIe siècle, malheureusement difficilement lisible, où on voit mentionnée la parcelle de « l’indivis des trasseurs » et à coté de laquelle figure une parcelle appartenant à Aubert Donnat et enregistrée comme « peirière ». (Fig. 7) 23 Dans la généalogie des Euzet, on trouve Aubert Donnat, neveu de l’épouse de Philippe Euzet. Ce dernier en est le tuteur. On retrouve donc derrière « l’indivis des trasseurs », la présence de la famille Euzet.
Sur ce plan cadastral, le confront est le chemin de Saint-Jean aux peirières alors que sur le compoix CC1 est inscrit le chemin de Saint-Jean à Villeneuve. Grace aux indications des voies sur le plan général d’un atlas parcellaire du XVIIIe siècle (note 8 et Fig. 2) et à une photo aérienne de 1945 aimablement fournie par Patrick Martinez, j’ai pu préciser la position de ces deux parcelles (Fig. 8). Elles sont situées à une centaine de mètres à l’ouest de la fouille archéologique de Roquefraïsse. C’est bien du chemin de Saint-Jean aux peirières dont il s’agit. La zone des carrières (délimitée en rouge sur la figure 8) semble s’être étendue, au XVIIe siècle, sur une superficie plus vaste que ce que les vestiges actuels laissent entrevoir, et l’actuelle avenue de Libria (ex chemin de la Lauze) traverse par le milieu la zone d’extension des carrières de cette époque.
XVIIIe siècle
Les fermiers
Le début du XVIIIe siècle doit probablement se dérouler comme la fin du XVIIe, avec une bonne activité économique centrée autour de la pierre de Saint-Jean-de-Védas. L’exploitation se concentre sur deux grosses carrières en activité, celle de l’évêque et celle de Pierre de Mèse, dont le propriétaire d’alors est Jean Fargeon, plus des carrières ouvertes par des particuliers sur des parcelles, normalement concédées pour la culture (annexe II). Il faut réserver une place à part à « l’indivis des trasseurs » qui a peut-être fonctionné avec un collectif de trasseurs sans que l’on connaisse exactement le but de l’association ni son mode de fonctionnement. Peut-être s’agissait-il d’un droit pour les familles du village de faire extraire de la pierre pour leur besoins. Dans ce contexte, la carrière de Roquefraïsse a pu être ouverte à la demande d’un particulier qui voulait profiter de la manne des pierres générée par l’activité ambiante.
Par l’examen des déclarations de bénéfices de l’évêque de Montpellier 24, on connaît le fermier des carrières de l’évêque pour les années 1713 à 1726. Il s’agit de Pierre Serane qui a pris à ferme le domaine du Terral et les bénéfices et carrières de Saint-Jean-de-Védas pour la somme globale de 4 800 livres et 100 setiers d’avoine les quatre premières années, puis 3 300 livres et 100 setiers les deux années suivantes et enfin 4 800 livres et 100 setiers d’avoine pour les cinq dernières années. Manquent dans ce compte les années 1719, 1720, 1721 et 1722. Mais, le 21 septembre 1720, Pierre Serane est présent aux enchères du nouveau bail de cinq ans à partir de la fin de son bail. Il emporte le marché contre le sieur Caylus, pour 4 800 livres. Ce qui veut dire qu’en 1720 il est bien le fermier du Terral et du bénéfice et carrières de Saint-Jean-de-Védas. La veuve de Pierre Serane, Durante Serane, prendra la suite de son mari en 1738 25. Le bail est de cinq ans. Elle remporte l’enchère à la troisième bougie pour une offre à 4 050 livres. Dans le rapport, on voit que l’enchère a été disputée âprement. La veuve doit aussi fournir une caution, et c’est un certain François Bosc, habitant de Saint-Jean-de-Védas, qui arrive en fin de séance, prend connaissance des conditions du bail et se porte caution solidaire avec Durante Serane (annexe III). On se souvient qu’il y avait déjà un Pierre Bosc mentionné comme l’un des associés ayant pris la concession des carrières de l’évêque en 1649. Or nous verrons qu’à partir du XVIIIe siècle ce sera la famille Bosc qui s’occupera de l’exploitation des carrières de Saint-Jean-de-Védas.
Le métier de « trasseur », comme beaucoup de métiers spécialisés, se transmettait de génération en génération, et des lignées de « trasseurs » ont traversé les siècles. D’ailleurs, en 1724 il y a une Marie Bosc dont l’époux, François Vallat, « trasseur de pierres 26 », vient témoigner au procès de l’instituteur du village. On le discerne plus nettement pour la famille Euzet dont on a vu que Pierre et Salomon ont passé un contrat en 1649 avec l’évêque pour « trasser et tirer la pierre des carrières ». En 1712, Barthélémy Euzet, fils de Salomon, est mentionné comme « trasseur de pierres » alors que Jacques, fils de Barthélémy, est envoyé en apprentissage en 1711, pour un an au prix de 50 livres, chez Fulcrand Gauch, « trasseur de pierres » de Vendargues 27.
Plus tard, en 1732, on note que Jacques Euzet et son frère Jean avec lequel il est associé, sont fermiers de la carrière de Pierre de Mèse, possédée par Lambert Fargeon, conseiller à la Cour des Aides de Montpellier et propriétaire du domaine de la Lauze. A cette date, les fermiers de l’évêché sont donc Durante Serane et François Bosc alors que ceux de la carrière de Pierre de Mèse, dépendant du domaine de la Lauze, sont Jacques et Jean Euzet. Le brouillon transcrit en annexe II est en désaccord avec cette conclusion puisqu’il y est écrit « les fermes se sont séparées depuis six ans ». Or il a été rédigé en 1748, pendant le chantier de l’aqueduc Saint-Clément. Ce qui voudrait dire, qu’en 1732 les fermes des deux carrières étaient encore confondues. Il me semble que le rédacteur a fait une erreur sur ce sujet, à moins que les noms différents qui apparaissent sur les contrats ne masquent une même association de « trasseurs ».
La figure 9, elle aussi tirée d’un plan cadastral de la fin du XVIIe siècle, nous livre un véritable « casting » des acteurs du temps des « trasseurs ».
Nous y trouvons Jean Euzet, dont la parcelle empiète en partie sur le site de Roquefraïsse (délimité en clair en haut de l’image), François Bosc, qui fut caution solidaire avec la veuve Serane pour le fermage des carrières du Terral, des membres de la famille Donnat, Jean et Claude ; il y a aussi Barthélémy Euzet, qui fut fermier des carrières de la Lauze, Pierre Fermaud, qui ouvrit une carrière non autorisée sur sa parcelle, un membre de la famille Pigoulier, Jean Fargeon, propriétaire des carrières de la Lauze, Pierre Gauch, qui est peut-être parent avec Fulcrand, le « trasseur » de Vendargues, et, enfin, Louis Caylus qui fut oppose à Pierre Serane pour l’obtention du fermage des carrières du Terral. Nous voyons que ces personnages, intéressés par les carrières, possédaient tous des parcelles situées aux abords immédiats de la grande exploitation. Aucune de ces terres n’est mentionnée comme « peyrière ». Elles sont toutes enregistrées en champ, en vigne, ou en herme. Pourtant, nous avons bien trouvé des vestiges de carrières dans ce secteur (Fig. 10). Il se peut que la carrière ouverte sur le site de Roquefraïsse ait servi à honorer une ou deux commandes de particuliers, à la fin du XVIIe ou au tout début du XVIIIe siècle. La personne qui a exploité cette parcelle pourrait être le sieur de Roquefeuil, dont nous voyons apparaître le nom sur une grande partie de l’emprise de Roquefraïsse. À moins qu’il ne s’agisse d’un membre de la famille Euzet. Cette question ne sera probablement jamais résolue.
Les conflits
Au XVIIIe siècle, l’activité économique générée par l’exploitation des carrières est au niveau optimal, mais des problèmes commencent à apparaître. C’est surtout du côté de l’évêché qu’émanent des plaintes. En effet, alors que l’enjeu économique est au plus haut, l’évêque perd son monopole sur le contrôle des prix et de la production. Comme nous le verrons, c’est autour du chantier de construction de l’aqueduc Saint-Clément, qui aboutit à Montpellier par les célèbres « arceaux », que le conflit se cristallise.
Le 2 février 1724, M. de Bernage, intendant du Languedoc, attire l’attention de l’évêque de Montpellier, Charles Joachim Colbert de Croissy, sur un problème occasionné par l’exploitation des carrières : « Disant qu’il a des carrières dans le terroir de Saint-Jean-de-Védas d’où l’on tire des pierres pour la bâtisse des maisons du public. Que ceux qui en sont chargés font charrier par le chemin ordinaire lequel chemin se trouve profondément détruit depuis les inondations arrivées au commencement du mois d’octobre dernier et ne peut se rétablir qu’en prenant du terrain de deux particuliers habitants qu’on a offert de payer nonobstant laquelle offre les dits particuliers ont refusé de consentir qu’on pris de leurs terres la contenance nécessaire pour le rétablissement dudit chemin 28 ». Par un rapport de l’inspecteur des chemins du diocèse de Montpellier 29, on apprend qu’il s’agit du chemin qui va des carrières au grand chemin royal (route de Toulouse à Montpellier). Les terres concernées sont celles de Pierre Ricome, de Guillaume Bary et aussi celles de l’évêque. Cette réfection pourrait se situer sur le chemin « du Terral aux peirières », qui arrive aux carrières par le nord-est.
En 1743 débute dans la région le grand chantier d’adduction d’eau de Montpellier à partir de la fontaine de Saint-Clément-la-Rivière ; il durera plus de 20 ans. La conduite aura 17,5 km de long dont 14 km en pierres de Saint-Jean-de-Védas. L’architecte, mandaté par Colbert, est Henri Pitot de Launay, et l’entrepreneur est Hilaire Ricard. En ce qui concerne les carrières de Saint-Jean-de-Védas, Ricard se bat sur tous les fronts pour rentrer dans ses frais. Il encourage les frères Euzet à détruire leur olivette pour ouvrir une carrière 30 (annexe IV). D’un autre côté, il entre rapidement en conflit avec les consuls de Montpellier car différents paramètres font monter l’addition et les consuls rechignent à dépasser le budget initialement prévu. Les inondations détruisent une partie de l’ouvrage qu’il faut reconstruire. Le tracé est modifié pour passer au dessus d’un mas plutôt qu’en contrebas 31.
Hilaire Ricard cherche à minimiser ses coûts et prétend qu’il a le droit d’ouvrir des carrières. Mais le défenseur des intérêts de l’évêque ne l’entend pas de cette oreille et rédige un brouillon de 12 pages, puis un mémoire de 3 pages pour contrer les agissements de l’entrepreneur 32 (annexes II et IV). Au passage, il s’en prend à deux transporteurs, les nommés Rouvière et Murat qui ont entrepris de faire passer les voitures qui transportent de la pierre dans les fonds de l’évêché. Il annonce aussi le fait que les divers particuliers ainsi que le sieur Ricard fournissent de la pierre a divers endroits et pour divers bâtiments autres que la fontaine de Saint-Clément, ce qui veut dire que ce n’est pas par manque de pierres pour le bien public qu’ils ouvrent des carrières, mais pour s’enrichir encore plus au détriment de l’évêque, dont les fonds détruits ne produisent plus et ne rapportent plus.
Dans ces réclamations, on voit le parti de l’évêque s’accrocher bec et ongles pour garder le contrôle des carrières. Mais déjà les temps ont changé, et ce ne sont plus les grands seigneurs féodaux qui font la loi. Il est loin le temps où l’évêque Guillaume Raimond laissait avec condescendance Guillaume Lausaldus tirer la pierre uniquement pour sa demeure et ses clôtures. On en trouve la preuve dans le compoix CC2 de la municipalité de Saint-Jean-de-Védas : dans le dénombrement des biens des deux Antoine Euzet on trouve « Une olivette et carrière au quartier de [Randanille…] compesiée en conséquence de l’arrest de la cour des aydes du 19 may 1749 33 ». La parcelle voisine, appartenant à leur sœur Marguerite, est aussi qualifiée de carrière, toujours suite à l’arrêt de la Cour des Aides. Dans les confronts on trouve cité monsieur Fargeon, conseiller à la Cour des Aides, qui est propriétaire des carrières de la Lauze, dont les frères Euzet, père et oncle des deux Antoine, sont les fermiers.
Les deux Antoine Euzet ont donc gagné la bataille juridique avec le soutient probable de Lambert Fargeon, exploitant de carrières et conseiller à la Cour des Aides, qui avait tout intérêt à faire assouplir les lois féodales de l’emphytéose. La Révolution est déjà en préparation. En 1773, les clauses du bail d’arrentement du domaine du Terral au sieur François Heraud ne mentionnent plus du tout les carrières, ni en clause inclusive ni en clause exclusive. Pourtant, pour le reste, tous les termes sont identiques à l’ancien contrat de Pierre Serane mais pour ce dernier bail, l’exploitation des carrières semble s’être totalement désolidarisée de l’exploitation du domaine.
La Révolution
A la Révolution, le domaine du Terral et le domaine de la Lauze sont confisqués comme biens nationaux et mis en adjudication. Dans l’inventaire du Terral il y a une carrière de pierre et dans celui de la Lauze aussi. C’est le député Cambon qui achète le Terral et ses dépendances pour 131 200 livres le 2 janvier 1791 34. Par contre le domaine de la Lauze ne trouve pas preneur et est affermé à André Maillet le 27 juin 1793 35. On apprend par Patrick Martinez qu’il est rendu aux héritiers de la descendante de Jean Farjeon (père de Lambert) sous l’Empire. S’il y avait d’autres carrières ouvertes dans les fonds des particuliers à cette époque, il y a des chances qu’elles soient restées leur propriété s’ils étaient favorables à la Révolution. Patrick Martinez nous apprend d’ailleurs qu’Antoine Euzet fut l’un des 2 commissaires chargés de l’inventaire des biens de la Lauze.
Les XIXe et XXe siècles
Lorsqu’est créé le cadastre « napoléonien » en 1818, la carrière de la Lauze, ancienne carrière de Pierre de Mèse, est identifiée sous le numéro de parcelle D 263 et la carrière du Terral sous le numéro D 264, toutes deux au lieu-dit « La Condamine du Repos ». La parcelle D 267 qui jouxte la D 264 et qui correspond peut-être à la carrière d’un particulier est aussi identifiée comme carrière sur le tableau des propriétés foncières. Le propriétaire de la parcelle D 263 est Jean-Bernard Delmas, propriétaire de la Lauze depuis 1806. Celui des parcelles D 264 et D 267 est Jean Bose Cadet 36. Il se peut que la carrière du Terral ait été laissée à la commune par la famille Cambon et que celle-là l’ait vendue en 1816 à Jean Bose cadet, par l’intermédiaire de la caisse d’amortissement. Ici j’avoue qu’il reste une obscurité dans ma reconstitution. En effet, dans son article consacré aux carrières de Saint-Jean-de-Védas 37, Patrick Martinez écrit qu’au début de l’année 1866, le propriétaire des carrières est le sieur Euzet-Artignan, et qu’il refuse aux Védasiens « le droit (dont ils ont toujours bénéficié) d’extraire gratuitement des pierres pour la construction de leurs maisons, parce qu’il exploite pour lui même ces carrières et défriche pour son propre compte les terrains vacants qui lui appartiennent ». Patrick Martinez ajoute, en citant le texte d’une délibération municipale de février 1866, que « Depuis un temps immémorial les habitants de Saint-Jean-de-Védas ont eu, sans interruption, la liberté d’extraire pour leur usage personnel des carrières de la Roque et du Fraïsse des pierres propres aux constructions ».
Patrick Martinez semble dire que ce droit s’applique à la grande carrière, anciennement du Terral et de la Lauze, mais nous avons vu que c’est la famille Bose et non la famille Euzet qui possède et exploite cette carrière. Il doit donc s’agir d’une carrière dont la mention m’a échappé lors de mon analyse des matrices cadastrales. Pourtant, la somme des surfaces des trois parcelles où est implantée la carrière de la famille Bose correspond à la surface totale des carrières répertoriées sur la commune de Saint-Jean-de-Védas qui est de 5 ha 44 a 80 dans le tableau récapitulatif des matrices des propriétés foncières de 1823. Il se peut aussi qu’un usage très ponctuel de certains terrains privés pour extraire de la pierre n’ait pas été enregistré pour l’imposition en tant que carrière. D’ailleurs la suite de la citation de Patrick Martinez semble plutôt aller dans ce sens : le maire estime que même si les Védasiens n’ont plus le droit d’extraire de la pierre, il reste le droit de passage et de ramassage du bois sur ces terrains mais le propriétaire fait ou laisse ouvrir ça et là des carrières où il ne peut plus venir ni bois ni broussaille. Il semble donc s’agir ici de quelque chose d’assez limité, sans grande ampleur et qui a pu passer à travers les mailles des enregistrements cadastraux. Il s’agit peut être des terres où était implantées au XVIIe siècle les carrières d’Aubert Donnat et de « l’indivis des trasseurs » à l’ouest de Roquefraïsse et/ou des carrières autorisées par jugement de la Cour des Aides au 18e siècle, appartenant aussi à la famille Euzet et implantées au nord-est de la grande carrière.
Quand aux parcelles C 863 et C 864, qui correspondent à la fouille de Roquefraïsse, elles ne sont plus en état de carrières en 1818 mais identifiées respectivement comme pâture et comme vigne. La première appartient au baron Huc, député, conseiller général de l’Hérault, gros propriétaire foncier de Saint-Jean-de-Védas 38. La seconde appartient plus modestement à Antoine Aldié dit Calade.
J’ai reconstitué l’« arbre généalogique » des deux principales parcelles concernées par la carrière encore en activité aux XIXe et XXe siècles et on peut constater que c’est la famille Bose qui prend très vite le contrôle total de l’exploitation (annexe V), les frères de Jean Bose, Augustin et Prosper, reprenant la carrière de la Lauze qui appartenait à J.-Bernard Delmas. Cette parcelle, la D263, située le plus au sud, doit céder du terrain à la voirie en 1856 et au chemin de fer en 1869. Dans un almanach de 1902, Urbain Bose, alors propriétaire de la moitié de la carrière, est qualifié de maître carrier avec un certain Riviers. Puis le dernier fait marquant est le passage de la qualification de carrière, sur les parcelles D263, D264, D267, à celle de vignes après la première Guerre mondiale. À ce moment la carrière de Saint-Jean-de-Védas cesse son activité. Je ne connais pas le lien de cause à effet entre les deux événements mais il est certain que la guerre marque une limite définitive.
La parcelle C863 qui, nous l’avons vu, était qualifiée de pâturage en 1818, reste aux héritiers Huc durant le XIXe siècle et apparaît en 1924, propriété de Valentine Laussel. La parcelle C864 est, quant à elle, davantage morcelée puisqu’elle est partagée entre quatre héritiers des 1856, dont Pierre Sérié. C’est sur sa parcelle, de 10 ares 65 à l’origine puis de 10 ares 13 après les amputations de la voirie puis du chemin de fer, que sera construit le petit « mazet » dont le linteau porte la date de 1901 accompagnée des initiales A.S. et dont les montants de la porte sont ornés de symboles des carriers. (Fig. 1) En 1901, le propriétaire de cette parcelle est Antonin Sérié. On peut supposer qu’il a bâti le « mazet » de ses mains et qu’il était « trasseur » aux carrières Bosc de l’autre côté de l’avenue de Saint-Jean à la Lauze. Sa veuve se nommait Fermaud et pourrait être la descendante de celui qui ouvrit sa terre pour la mettre en carrière en 1747-1748. C’est ainsi que 10 ans avant l’arrêt définitif de l’exploitation de la pierre de Saint-Jean-de-Védas l’un de ses derniers acteurs a laissé pour la postérité ce témoignage chargé des symboles du temps des « trasseurs ».
Conclusion
Il est important de souligner la constance du lieu d’extraction, maintenant devenu jardin public, et dont les falaises de plus de 30 mètres de haut ne sont pas tant dues à une exploitation intensive et semi-industrielle au XIXe siècle mais à un temps d’extraction long de plusieurs siècles sur un espace réduit, dans des limites imposées de façon très stricte par l’autorité épiscopale. Sur cet espace et à ses marges nous avons pu suivre en pointillés une tradition professionnelle qui s’est transmise dans le temps long et qui a traverse les différents systèmes économiques depuis l’époque féodale (et peut-être même avant), jusqu’à l’exploitation particulière privée, qui s’arrête définitivement a l’aube de l’industrialisation. À partir de la première Guerre mondiale, les sédiments de l’oubli commencent à se déposer sur l’histoire du temps des « trasseurs » et il était important de raviver cette composante, somme toute considérable, de l’identité du village.
Annexes
Annexe I Mars 1194. AD 34. Bib.631. F°224. Extrait.
«… Et ego G. (L)ausaldus, hec omnia vera esse cognoscens, promitto et convenio tibi, domino G[uillelmo], Malagalonensi [episcopo] ; quod ; singulis annis, in festo Omnium Sanctorum, ego et successores mei tibi et successoribus tuis centum solidos predicti usatici persolvemus, ita quod occasione guerre vel alio modo nos inde tueri non possemus, et salvis tibi et successoribus tuis imperpetuum lapidiscinis, relento michi et meis quod possimus habere et persipere de illis, quantum cumque opus fuerit ad clausuras et edificia dicti mansi, ut supra continentur.. .»
[…Et moi, G. Lausaldus, en parfaite connaissance de cause, te promet et te concède, seigneur Guillem, évêque de Maguelone, que chaque année à la fête de tous les saints, moi et mes successeurs paierons à toi et à tes successeurs cent sous pour l’usage précédemment décrit, à moins qu’une nouvelle guerre nous mette dans l’impossibilité de nous défendre, et je te laisse à toi et à tes successeurs à jamais les carrières et je garde pour moi et les miens le droit d’avoir et d’extraire de ces dernières tout ce que nécessite la construction des enceintes et des bâtiments dudit manse, comme indiqué ci-dessus…].
Annexe II 1748. AD34. liasse G 1670. Brouillon d'une réclamation. Extraits.
« M l’Évêque de Montpellier est seigneur justicier et direct universel du terroir et seigneurie apellée du terral, chef du marquisat appelé la marquerose dans laquelle seigneurie il a divers droits et possessions, entre autres des carrières de pierre qui sont fort anciennes et qui ont toujours été ouvertes.
En 1466 il bailla a nouvel achat a Pierre de Mese 5 carterées de terre au quartier des perrières aux pouvoirs d’ouvrir une carriere. En 1500 il bailla noblement au possesseur desdites 5 carterées une contenance de 15 carterées de terre au même endroit pour les mettre en cuture, c’est une clause expresse de l’acte .Le possesseur des biens après avoir tire une grande quantité de pierres dans le premier local de 5 carterées a afermé ses peirières depuis le commencement de ce siècle aux memes fermiers des carrières de l’Eveché qui sont au même endroit sans aucune division apparente et en conséquences les fermiers ont dirigé leur travail sans observer les limites, au contraire ils les ont confondues et détruites.
Les fermes s’étant séparées depuis 6 ans le propriétaire des carrières dudit Mese a continué de faire trasser et est parvenu dans les 15 carterées inféodées en 1500 pour les mettre en culture. M l’Eveque prétend que ce particulier ne peut tirer de la pierre que dans les 5 carterées dépendantes du premier bail, soit parce que le pouvoir de faire tirer des pierres ne peut être appliqué qu’à cet objet, soit parce qu’il n’a pas été accordé par le bail de 1500 qui contient au contraire la clause de mettre en culture la contenance inféodée.
Les seigneurs Évêques ont aussy fait diverses inféodations dans le meme quartier a divers particuliers sans aucune clause expresse de metre en culture ny aucune permission de tirer de la pierre et parmy ces possessions dont le plus grand nombre est actuellement en culture et il y en a qui sont hermes et incultes ou l’on voit les vestiges de quelque ancienne carrière : l’une 6 ceterées reconnue en divers temps a l’eveché et en dernier lieu en 1712 sous la qualification de terre vigne et olivette sans aucune expression de carriere. L’autre de 2 ceterées reconnue en 1502, 1608 et 1618 en qualité de terre aussy sans aucune expression de carriere. Cette dite possession se trouve qualifiée de terre sur le compoix, mais en 1646 et 1681 elle est confrontée sous la qualification de l’indivis des trasseurs. L’on ne trouve pas l’inféodation de ces 2 possessions, l’on a aucune mémoire d’y avoir vu trasser ny travailler ny tirer de la pierre, cependant les proprietaires ont commencé d’y mettre des trasseurs et ceux ou il n’y a jamais eu de trasseur pretendent aussi pouvoir pouvoir y en ouvrir.
On demande 1° Si ceux dont les terres sont en culture et qui ont toujours été de meme peuvent ouvrir des carrieres et deteriorer leurs fonds. 2° Si le proprietaire de la terre reconnue en qualité d’olivette et vigne peut continuer a tirer des pierres dans la carrière qui se trouve formée dans sa possession. 3° Enfin si la confrontation de l’indivis des trasseurs ne seroyt pas une exception a la regle generale quand meme tous les autres ne pourroient pas tirer de la pierre […].
La première observation qu’il convient de faire est que ces divers particuliers même le sieur Ricard fournissent de la pierre a divers parties de Montpellier et pour divers bâtiments autres que la fontaine de St Clemens, ce qui doit faire rejeter la défense que le sieur Ricard prend sur lui pour ces divers particuliers […]. Au fond le sieur Ricard prend mal a propos qu’en qualité d’entrepreneur des ouvrages de la fontaine et des eaux de la fontaine de St Clemens il a droit d’ouvrir des carrières dans tous les fonds ou il peut y avoir de la pierre car outre qu’il faudrait que la pierre fut tirée dans ce cas par ses domestiques ou valets à gages non pas les propriétaires du fond ou par des traceurs qui lui font vente de la pierre ainsi qu’il en va dans le cas présent, d’ailleurs il faut ou qu’il n’y ait pas de carrière ouverte ou qu’on lui refuse de la pierre, le bien public qui a donné lieu a permettre aux entrepreneurs de prendre de la pierre n’a d’autre motif que de faire cesser les obstacles que l’on pourrait trouver de la part des propriétaires des carrières
Or dans le cas présent les fermiers de l’évêché n’ont jamais refusé de la pierre au sieur Ricard. Ils sont disposés à lui en bailler en telle quantité qu’il voudra [ ?] possible de la faire tracer, de lui délivrer même celle qui est déjà tracée dans les carrières, et de se contenter d’un prix raisonnable soit pour la valeur de la pierre soit pour la façon et la dépense des ouvriers pour la faire tracer. Il faut même remarquer que le sieur Ricard est mal payé ( ?) de son caprice soit parce que la pierre qu’il a acheté aux nommés Vival et Euzet qui est a la surface est tres mauvaise tandis que celle des carrières de l’évêché est plus belle et meilleure a cause de la profondeur des carrieres soit parce que le prix n’en est pas différent d’ailleurs le sieur Ricard ne trouvera jamais à se dédommager des dépenses qu’il a fait pour le decombrage de la terre de (phrase non terminée) […]
S. h. Messire François Renaud de Villeneuve [il a vous démontré ?] qu’en qualité de seigneur justicier et direct du terral chef-lieu du marquisat de la marquerose il a le droit exclusif de faire ouvrir des carrieres et de s’opposer a ce qu’il n’en soit ouverte sans sa permission dans les terres des particuliers En effet si le sieur Fargeon a une carrière de pierre dans cette juridiction c’est en vertu d’une concession de 1466 qui limite la contenance à 5 carterées [raturé].
A l’égard des autres particuliers ils ne peuvent pas en ouvrir soit a cause de ce privilège avec ce droit exclusif soit a cause de la qualité des fonds qu’il ne leur est pas permis de détériorer ainsi qu’il est expliqué par tous les docteurs qui ont traité des droits seigneuriaux […]. Visant que le nommé Fermaud qui possède une terre dans la juridiction du terral au tenement de peirefrais ou les peirières, qu’il [ ?] dans les garrigues et hermes du seigneur eveque de Montpellier se [ ?] de vouloir ouvrir une carrière de pierre dans ladite terre au préjudice du droit exclusif du seigneur eveque d’avoir des carrières dans la juridiction du terral et contre la disposition de la loi de l’emphiteose qui oblige les tenanciers a cultiver non à détériorer les fonds dont ils sont possesseurs et non contant d’avoir étendu sa possession dans les garrigues et hermes de monseigneur eveque il a commencé en décombrant de jeter les terres prises en décombres dans les propres hermes et garrigues de monseigneur eveque en sorte que le seigneur eveque qui a ses carrières tout auprès soit obligé d’enlever les vieilles ruines et décombres que ledit Fermaud a entrepris de jeter sur les terres du seigneur eveque et comme il importe pour la (confirmation ?) des droits de l’eveché d’arrêter cette entreprise il requiert qu’il vous plaise messieurs faire défenses audit Fermaud et a tous autres de continuer leur entreprise et de travailler a ouvrir la carriere ou de tirer de la pierre dans les [ ?]. […] ».
Annexe III 1738. AD34. Liasse G 1449. Enchères de bail « à la bougie »
Au premier feu de grâce par la veuve Serane à…. 3650
au second feu il n’a été fait aucune surditte………. /
au troisième feu par Delpont à………………………… 3700
par Bonnet habitant de Montpellier à……………….. 3800
par la veuve Serane………………………………………… 3850
par Perriez à………………………………………………….. 3900
par la veuve Serane………………………………………… 3950
par Perriez à………………………………………………….. 4000
par la veuve Serane………………………………………… 4050
Et personne n’ayant voulu surdire sur l’offre de la veuve Serane, nous avons adjugé et adjugeons déffinitivement à la veuve Serane le domaine du terrail et bénéfice de St Jean-de-Vedas dépendant de l’Éveché de Montpellier pour cinq années aux charges clauses et conditions cy dessus expliquées, moyennant la somme de quatre mille cinquante livres pour chacune des cinq années, payable la moitié a la fête de St Jean Baptiste et l’autre moitié aux fêtes de la Noël et encore a la charge de donner bonne et suffisante caution et a signé avec nous et ledit seigneur De Larroc, De Bernage, Durante de Serane, De Larroc signer.
Et a l’instant est comparu le sieur François Bosc habitant de St Jean-de-Vedas lequel après avoir pris lecture et communication de l’adjudication, s’est volontairement rendu caution de la veuve Serane et obligé solidairement avec elle aux charges clauses y portées comme pour les propres deniers et affaires du roy et a signé avec moi.
Fait à Montpellier les jours et an dudit signé De Bernage, Bosc F.
Annexe IV — 1748. AD34. liasse G 1670.
Mémoire pour monsieur l'évêque de Montpellier.
« Les nommés Euzet frères habitans du lieu de St. Jean de Vedas ont une olivete dans la directe de l’eveché. Ils ont entrepris de détruire cette olivete, d’en oter la bonne terre pour y ouvrir une carriere de pierre. Une telle entreprise est contraire aux loyx de l’emphitheose, qui obligent le possesseur de meliorer, et luy prohibent de deteriorer les fonds, qui luy ont été originairement concédés par le Seigneur.
M l’Eveque de Montpellier en a porté plainte et fait informer devant ses officiers, l’ordonnance de 1667 titre 2A des récusations des juges article XI les y autorise. Le fait de la plainte étant pleinement prouvé par les informations, Euzet frères ont eté decretés d’ajournement personnel… Hillaire Ricard Entrepreneur des ouvrages de la fontaine à surpris une ordonnance de M l’intendant du L. fournie 1 754 sur requete où il prend le fait et cause desdits Euzet, qui ordonne que soit communiqué a M l’Eveque de Montpellier avec cepandant deffense de faire aucune poursuites, en exécution de l’ordonnance du juge de la temporalité, et de procéder ailleurs que devant luy à peine de nullité et de tous dommages et intérêt.
Il est representé que cette ordonnance est visiblement surprise de la religion de M. L’intendant, 1° En matiere criminelle, nul n’est reçu à prendre le fait et cause des accusés, qui doivent se deffendre par leur bouche, Euzet freres ont deterioré les fonds mouvants de la directe de M. de Montpellier, Hillaire Ricard ne peut point être reçu de prendre leur fait et cause. 2° En vain dira t’on que M l’intendant à une attribution du conseil pour les carrières. Quand cela seroit, il est des règles qu’il doit être procedé à l’éxecution de tous decrets, quand même ils seroient donnés par un juge incompetant. C’est la disposition de l’article 12 du livre des décrets de l’ordonnance de 1670.
Au fond, Hillaire Ricard ne peut justiffier qu’il ait employé les Euzet freres, il est notoire que tous les entrepreneurs des ouvrages publics font porter des pierres aux métairies, dans la ville et partout ailleurs où les particuliers leur en demandent, C’est un abus a reprimer, et M l’Eveque ne doit pas souffrir qu’on détériore ses fiefs, ce qui le priveroit du droit des lods, et des censives par les non valeurs des terres, où l’on ouvriroit des carrière ».
Annexe V — « Arbre généalogique » des parcelles
(Dossier figures. D263 D264 et C863)
(**) Dans le cadre du projet d’aménagement du secteur sud-est de Saint-Jean-de-Védas, avec notamment la création dune ZAC et dune ligne de tramway associée a un vaste parking, une série de diagnostics archéologiques et de fouilles préventives ont été prescrits par le Service régional de l’archéologie (SRA). Ces dernières opérations ont été menées par l’INRAP en 2004, 2009 et 2011, et par la société Arkemine en 2006. Elles concernaient le secteur des anciennes carrières de calcaire coquillier, dont les imposants vestiges d’exploitation des XIXe et XXe siècles étaient encore visibles aux abords immédiats de la zone d’aménagement urbain. Les fouilles ont révélé des fronts de taille peu profonds, et d’anciens chemins de halage, témoignant d’un mode d’extraction de surface pouvant remonter au Moyen Age et, peut-être même, encore plus loin dans le temps. Il s’est donc avéré indispensable de mener en parallèle une enquête documentaire visant à rattacher les vestiges exhumés à l’histoire globale de l’exploitation du calcaire local. D’autant plus qu’un passage du cartulaire de Maguelone mentionne dès 1194 l’existence d’une carrière de pierres dans ce secteur. Cette enquête m’a été confiée par l’INRAP en janvier 2012 et j’en livre ici les résultats.
J’en profite pour remercier mes collègues : Richard Pellé, qui a demandé cette enquête et qui ma accompagné tout du long ; Hervé Petitot, qui a mis en place, administrativement, le projet ; et Isabelle Rémi qui ma passé le relais après avoir entamé elle-même la recherche.
Les délais impartis à cette enquête étant serrés, j’ai aussi sollicité l’aide de plusieurs personnes, qui ont apporté un concours indispensable a l’avancée de ce travail, et je les en remercie ici : Patrick Martinez, historien de Saint-Jean-de-Védas, qui ma fourni de précieuses indications pour trouver des documents d’archives, et dont les deux livres sur l’histoire du village ont été une mine d’informations pour moi qui ne suis pas de ce territoire ; Aymat Catafau, chercheur en histoire médiévale a l’université de Perpignan qui, avec beaucoup de disponibilité et de compétence, a étudié un texte en latin issu du cartulaire de Maguelone et m’en a fourni des indices d’interprétation ; Yves Pignol, adjoint a la Culture de la municipalité de Saint-Jean-de-Védas, qui a pris sur son emploi du temps pour me permettre de consulter les précieux compoix de la commune dans de bonnes conditions.
Je tiens aussi à remercier Laurent Félix, attaché au service Patrimoine de la communauté d’agglomérations Hérault-Méditerranée, qui m’a été d’un grand secours pour la mise en forme du document en vue de sa publication.
Notes
1. Isabelle Rémy. Données historiques et géologiques. In Richard Pellé et Isabelle Rémy avec la collaboration de Éric Henry. RFO Tramway.2-Secteur E La Peyrière Saint-Jean-de-Védas (Hérault). INRAP 2004. Consultable au SRA.
2. Jean-Louis Reille. Les murs de plans dans la ville antique de Lattes. Composition lithologique signification. In Michel Py. Urbanisme et architecture dans la ville antique de Lattes. Lattara 9. Lattes 1996.
3. Michel Py. Lattara Lattes Hérault Comptoir gaulois méditerranéen entre Étrusques Grecs et Romains. Errance 2009 p 54.
4. Michel Py. Lattara Lattes Herault Comptoir gaulois méditerranéen entre Étrusques Grecs et Romains. Errance 2009 p 54.
5. Julien Rouquette et Augustin Villemagne. Cartulaire de Maguelone. T1 f°224 p 403, Montpellier 1912. AD34 : bib 631.
6. Jos Berthelé. La vieille chronique de Maguelone. In Mémoires de la Société Archéologique de Montpellier. 2e série. Tome IV. pp 95-194.
7. Aymat Catafau. Communication électronique Février 2012.
8. Julien Rouquette et Augustin Villemagne. Cartulaire de Maguelone. T1 f°227 p.408. Montpellier 1912. AD34 : bib 631.
9. AD34. Série G: Archives ecclésiastiques Clergé séculier. Atlas parcellaire de 27 plans. G1673. (vers 1786)
10. Julien Rouquette et Augustin Villemagne. Cartulaire de Maguelone. T3 f°804 p.379 Montpellier 1913. AD34 : bib 633.
11. Bernard Sournia, Jean-Louis Vayssettes. Montpellier la demeure médiévale. Études du patrimoine n°1. Imprimerie nationale 1991 annexe 2 p 226.
12. AD34. Série G : Archives ecclésiastiques Clergé séculier. Temporel de l’évêché liasse G 1670 Saint-Jean-de-Védas.
13. Patrick Martinez. Saint-Jean-de-Védas. Images et Histoire p 126. Patrick Martinez 2000.
14. Éric Henri, Isabelle Remi. Une carrière de calcaire coquillier – période médiévale moderne contemporaine. In Émilie Léal. RFO Zac de Roquefraïsse. INRAP 2009.
15. Bernard Sournia, Jean-Louis Vayssettes. Montpellier la demeure médiévale. Études du patrimoine n°1. Imprimerie nationale 1991
16. Cf note 14 n°2 annexe 4 p 288-289
17. Cf note 14 n°2 annexe 1 p 284
18. Cf note 16.
19. Source internet : actuacity.com.
20. Source internet : euzet.genealogie.free.fr/jeanclaude/vedas/vedas.htm
21. Archives communales de Saint-Jean-de-Védas. Compoix CC1.
22. Cf note 11.
23. AD34. Série G : Archives ecclésiastiques Clergé séculier. Plan des terroirs de Saint-Jean. G1729
24. AD34. Série G : Archives ecclésiastiques Clergé séculier. G 1449. afferme des bénéfices de l’évêque et de ses domaines. 1720.
25. AD34. Série G : Archives ecclésiastiques Clergé séculier. G 1449.
26. Patrick Martinez. Saint-Jean-de-Védas Aux jours d’hier. p 40. Patrick Martinez 2004.
27. Source internet : euzet.genealogie.free.fr/jeanclaude/vedas/vedas .htm
28. AD34. Série G : Archives ecclésiastiques Clergé séculier. G 1669.
29. idem
30. Archives municipales de Montpellier. Aqueduc Saint-Clément 1761-1765. DD 14
31. Archives municipales de Montpellier. Aqueduc Saint-Clément 1761-1765. DD 14.
32. Cf note 10 et annexe II
33. Archives communales de Saint-Jean-de-Védas. Compoix CC2.
34. AD34 Série Q Révolution. Biens nationaux. 1 Qart.13
35. Patrick Martinez. Saint-Jean-de-Védas. Images et Histoire. pp 128-130. Patrick Martinez 2000.
36. AD 34 Tableau indicatif des propriétés foncières, de leur contenance et de leur revenus. 3 P 2554.
37. Patrick Martinez. Saint-Jean-de-Védas. Images et Histoire. pp 146-150. Patrick Martinez 2000.
38. Patrick Martinez. Saint-Jean-de-Védas. Images et Histoire. pp 136-139. Patrick Martinez 2000.