Présentation de la publication
Antoine, Guillaume et Jean Ranc,
« peintres de Montpellier ».
Nouveaux documents inédits
Résumé :
C’est en partant à la recherche d’indices sur la présence et l’activité de Jean Ranc à Montpellier, avant qu’il ne parte pour Paris apprendre son métier sous le célèbre Hyacinthe Rigaud, et ne connaisse la gloire dans le cercle du Palais Royal à Paris puis auprès du roi Philippe V d’Espagne à Madrid en 1722, que nous avons redécouvert un certain nombre d’actes d’archives de l’Hérault le concernant. Si ces pièces d’archives pour la plupart inédites furent passées par son père, le peintre Antoine Ranc, haute figure de l’art languedocien, que vient de célébrer en 2018 la DRAC Occitanie, elles présentent toutes en filigrane la destinée de son fils Jean, devenu très tôt « maître peintre » de la cité. À ce titre, les différents testaments inédits d’Antoine Ranc et divers autres actes illustrant les personnalités de quelques membres importants de la progéniture, dressent le tableau vivant d’une famille « bien dans sa ville », nous offrant des clés pour mieux comprendre la vie d’une dynastie d’artistes à Montpellier entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle.
Abstract:
Whilst searching for records of the physical presence and activities of Jean Ranc in Montpellier, before his departure to Paris to train as a painter with the famous Hyacinthe Rigaud, and when he had not reached any fame in the Palais Royal circle in Paris nor with King Philippe V of Spain in Madrid in 1722, we rediscovered a certain number of archives about him in l’Hérault. Despite these mainly unpublished archives, that were made by his father Antoine Ranc, famous Languedoc painter who has been celebrated in 2018 by the DRAC Occitanie, they implicitly relate the life of his son Jean, given the title of Master Painter of Montpellier at an early age. In this capacity, the different wills and testaments (unpublished) of Antoine Ranc, plus different other deeds, illustrate the personalities of several important members and descendants of this family full of life and their ‘feelgood factor’ towards their town – giving us clues to better understand the life of a dynasty of artist painters in Montpellier from the end of 17th C to the beginning of the 18th C.
Resumit :
Alara que fasiàm de recèrcas a prepaus de la preséncia e de l’activitat de Joan Ranc a Montpelhièr abans que se n’anèsse per París per aprene son mestièr amb lo celèbre Jacint Rigaud e que coneguèsse la glòria dins lo cercle del “Palais Royal” dins la capitala, puèi al prep del rei Felip V d’Espanha a Madrid en 1722, avèm tornat descobrir d’unes nombroses actes d’archius d’Erau, que lo pertocavan. Se aquelas cedas, que la màger part es inedita, foguèron signadas per son paire, lo pintre Antòni Ranc, representant fòrça conegut del art lengadocian, que la DRAC Occitania celebrèt en 2018, fan aparéisser en filigrana la destinada del sieu filh Joan, vengut lèu «pintre mèstre» de la ciutat. De mai nos porgisson de claus per comprene aisidament la vida d’una dinastia d’artistas a Montpelhièr a la fin del sègle XVII e a la debuta del sègle XVIII.
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Si, pour le public et l’historien les productions d’un artiste constituent l’illustration la plus immédiate de son art, les pièces d’archives qui le concernent permettent bien souvent de mieux connaître l’homme. Dans le cadre de l’étude que nous avons entamée peu avant 2012 sur le catalogue des œuvres du peintre montpelliérain Jean Ranc (1674-1735), élève d’Hyacinthe Rigaud (1659-1743), les Archives Nationales à Paris ainsi que celles du Protocole à Madrid avaient pu nous livrer quelques clés pour mieux comprendre le parcours de cet artiste attachant. Aujourd’hui, celles de l’Hérault dévoilent à leur tour une cohorte d’actes illustrant les liens qui perduraient entre le portraitiste et sa famille restée en Languedoc.
Autour de la figure paternelle d’Antoine Ranc (1634-1716), peintre emblématique de la seconde moitié du XVIIe siècle à Montpellier, tous ces documents, pour la plupart inédits, dressent le tableau d’une famille « bien dans sa ville ». Dans cet ensemble vertigineux d’archives, dont nous ne livrons ici que quelques bribes, les différents testaments que le père de Jean rédigea durant les vingt dernières années de sa vie constituent une véritable découverte de son milieu social. D’autres pièces (obligations, prêts, cautionnements, ventes ou achats de maisons et de terres) nous permettent également de mesurer l’importance du formidable tissu relationnel établi entre les Ranc et les différents acteurs de la vie locale.
Quelques mots d’historiographie
En 1887, lorsque l’historien et critique d’art piscénois Charles Louis Joseph Ponsonailhe publia son article fondateur sur la vie et la carrière d’Antoine et de son fils, il savait le sujet encore presque vierge : « Si j’entreprends aujourd’hui d’étudier ces deux artistes, c’est parce que, je le crois, cette besogne n’a jamais été qu’ébauchée » avouait-il en préambule. De fait, avant lui, il n’y avait eu guère qu’Antoine Dezallier d’Argenville et Louis de La Roque pour avoir évoqué de manière plus ou moins succincte les deux peintres. Tous deux décrivaient notamment « le père » comme un « bon peintre de Montpellier », ayant contribué à la décoration de la plupart des églises de sa ville. Si d’Argenville poussait le mérite d’Antoine jusqu’à considérer ses portraits comme approchant « de ceux de Van Dyck », il semblait davantage vouloir justifier la légende selon laquelle la collection personnelle du vieux maître, dont seuls quelques dessins italiens de Raymond Lafage (1656-1684) sont parvenus jusqu’à nous, avait formé l’œil du célèbre Rigaud, venu apprendre le métier à Montpellier chez le « médiocre » Pezet. La Roque, quant à lui, n’en disait guère plus sur son fils dont il bornait la carrière parisienne à l’anecdote du « portrait parlant » d’Houdar de La Motte avant d’évoquer brièvement ses dernières années espagnoles. Il consacrait néanmoins quelques lignes à son jeune frère Guillaume (1684-1742), également peintre, avouant cependant n’en connaître [...]