Achtung Minen ! le défi du déminage dans l’Hérault (1944-1948)

* Cheffe de projet archives notariales, Archives départementales de l’Hérault

Dès la Libération du Languedoc-Roussillon à l’été 1944, la question du déminage est évaluée comme prioritaire. Le littoral méditerranéen, fortement piégé par l’armée allemande à partir de 1942, est dangereux : des barbelés, des fortins bétonnés mais surtout des champs de mines empêchent la population de reprendre possession de ses terres. La responsabilité du déminage est initialement du ressort des services de l’artillerie. Mais les autorités militaires sont mobilisées en priorité sur le front et privilégient le déminage des voies ferrées et des voies de communication pour faciliter le mouvement des convois.   

L’armée française ne souhaite pas s’engager dans la mise en sécurité des terres. Pourtant, la pression des agriculteurs est grande sur les autorités pour accélérer la remise en état des parcelles. Dès septembre 1944, l’organisation du déminage est confiée aux services du génie rural du ministère de l’Agriculture. La diversité des engins, les innovations techniques apportées sur les munitions pendant l’entre-deux-guerres, la multiplication des dispositifs d’allumage des mines complexifient les opérations de neutralisation des explosifs. Cette mission périlleuse nécessite la formation d’équipes de déminage et l’utilisation d’équipements spécifiques pour détecter les engins. La création au sein de l’administration centrale d’un service dédié au déminage permet d’envisager l’amélioration des moyens dévolus à cette mission. L’ordonnance du 21 février 1945 organise la direction du déminage, rattachée au ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, institué par décret du 16 novembre 1944. L’entrée aux archives départementales de l’Hérault en 2020 de documents de la Représentation Hérault-Gard du service de déminage sous le numéro de versement 2693 W nous offre l’opportunité de découvrir l’organisation des opérations de déminage dans le département. (Fig. 1)

Signalisation d’un champ de mines dans une vigne, [1945-1946], Archives départementales de l'Hérault, 173 J 19
Fig. 1 Signalisation d’un champ de mines dans une vigne, [1945-1946], Archives départementales de l'Hérault, 173 J 19

La priorité, déminer les terres agricoles et le vignoble

Fin août 1944, l’accès à de nombreuses terres cultivées est impossible en raison des mines positionnées par l’armée allemande. Dans l’Hérault, près de 17 500 hectares de terres sont évalués comme minés, dont 10 000 hectares pour le seul vignoble. Alors que la période des vendanges s’annonce, l’attente des viticulteurs est grande pour retirer de leurs vignes les engins explosifs. Soucieux d’exploiter au plus vite leurs parcelles, certains d’entre eux s’engagent sur les champs minés et des groupes de volontaires, souvent sans qualification sur les munitions et explosifs, commencent le repérage des mines. La survenue d’accidents presque toujours mortels incite à la mise en place d’un plan d’organisation des travaux de déminage pour sécuriser les parcelles 1.

À la fin du mois d’août 1944, les zones à déminer sont de deux ordres : il s’agit soit de terrains minés par des engins tirés ou lancés par avions, ou placés dans les champs pour servir de mines terrestres, soit de dépôts d’obus ou mines regroupés par les forces armées d’occupation. Le 13 septembre 1944, les services du génie rural sont officiellement chargés par le ministère de l’Agriculture des opérations de déminage dans les terres cultivées, en liaison avec la Délégation de la Reconstruction agricole. En revanche, le désamorçage et l’évacuation des dépôts d’obus restent à la charge du service de récupération de l’Artillerie de l’Armée française 2.

Le plan de désamorçage des mines proposé par le service du génie rural demande aux propriétaires de terrains concernés de signaler les terrains minés à la mairie en précisant la nature, l’emplacement, le numéro cadastral et la superficie des terrains minés. Les maires transmettent par la suite ces signalements au service du génie rural 3. Ceux-ci émanent de l’ensemble du territoire du département et tout particulièrement des communes du littoral comme Valras-Plage, Vias, Marseillan, Vendres, Sète ou encore Villeneuve-lès-Maguelone 4.

Le service du génie rural prévoit la composition d’équipes d’intervention pour opérer les travaux à réaliser sur le terrain. La responsabilité des chantiers est confiée à une section de commandement devant assurer l’encadrement des équipes de terrain, composées d’une main d’œuvre immédiatement disponible, celle des prisonniers de guerre 5. La priorité est axée sur le déminage des vignobles, tout particulièrement sur la commune de Frontignan. Les premières équipes envoyées sur le terrain entrent en action sur ce secteur. Fortement sollicité, le service du génie rural rencontre de grandes difficultés à suivre ce plan de désamorçage faute de personnel spécialisé dans la manipulation d’engins explosifs. En février 1945, l’ingénieur en chef régional du génie rural fait part de ses multiples sollicitations auprès des autorités militaires de Montpellier pour bénéficier de l’aide d’artificiers, sans succès. L’absence de main d’œuvre spécialisée empêche la mise en œuvre des chantiers envisagés. (Fig. 2)

Intervention d’une équipe de déminage à Celleneuve, [1944], Archives départementales de l'Hérault, PH 2915
Fig. 2 Intervention d’une équipe de déminage à Celleneuve, [1944], Archives départementales de l'Hérault, PH 2915

La création du service du déminage

Devant les difficultés rencontrées et face à la nécessité d’organiser au plus vite les travaux de déminage, le gouvernement crée le 21 février 1945 la direction du déminage, rattachée au ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Le service central est basé à Paris et six représentations régionales sont implantées sur le territoire dans l’Est, au Nord, en Normandie, en Bretagne, sur la façade atlantique et sur la façade méditerranéenne. Le représentant du déminage pour la zone méditerranéenne, le général de division Gerodias, est basé à Marseille. Il est secondé par des représentants départementaux situés à Perpignan, Narbonne, Montpellier et Nîmes 6. Ces derniers sont chargés de diriger les opérations. Leurs attributions impliquent de tenir à jour les cartes de localisation des mines, d’enregistrer les demandes de déminage transmises par les mairies et de prioriser l’ordre des interventions de déminage en fonction des urgences. L’ordonnance prévoit également la possibilité de réquisitionner le personnel qualifié pour l’encadrement et l’exécution des travaux. (Fig. 3)

L’intervention du service de déminage s’oriente en premier lieu vers les champs de mines. En effet, les mines n’ont pas été positionnées aléatoirement par les troupes allemandes, leur installation résulte d’un plan bien précis. Ce dispositif est préparé en amont et un plan détermine la densité d’explosifs répartis dans le champ. Cette organisation requiert de la précision pour permettre aux militaires allemands de retirer les mines en cas de nécessité 7.

Localisation de champs de mines antichar (holzimen et tellerminen) et de mines antipersonnel (stockminen) sur le littoral de la commune de Maugio, [1945], Archives départementales de l'Hérault, 173 J 19
Fig. 3 Localisation de champs de mines antichar (holzimen et tellerminen) et de mines antipersonnel (stockminen) sur le littoral de la commune de Maugio, [1945], Archives départementales de l'Hérault, 173 J 19

Le plus fréquemment, ces champs de mines sont délimités par des fils de fer barbelé, entourés par des piquets et des repères sont placés de distance en distance. Les plans des champs de mine, mentionnant la localisation et les différents types d’explosifs utilisés, ont été emportés par les troupes d’occupation. Le service du déminage n’a eu accès à ces documents que suite à la défaite militaire de l’Allemagne et à la saisie de ces archives par les Alliés.

L’une des missions de la direction du déminage est de surveiller le maintien de la signalisation de tous les terrains minés pour assurer la sécurité de la population. En raison des délais d’intervention des équipes de déminage, il est primordial d’indiquer aux habitants les zones à risques. Dans une note du 25 mai 1945, l’administration rappelle la nécessité et l’obligation portée aux maires d’installer cette signalisation et de veiller à son entretien. Ainsi, des panneaux portant l’inscription « Danger Mines » doivent être positionnés sur des piquets à proximité des engins explosifs isolés et sur les clôtures autour des terrains présumés minés. La direction du déminage autorise la réutilisation des panneaux laissés par les troupes allemandes portant la mention « Achtung Minen », l’indication étant comprise par tous. Les frais d’installation de ces équipements sont pris en charge par l’administration du déminage 8.

L’organisation des chantiers de déminage

Le manque de matériel et de personnel qualifié ralentissent considérablement les possibilités d’intervention du service du génie rural puis du service de déminage. Aussi, des chantiers sont délégués à des entrepreneurs. L’exécution des travaux de déminage en régie par des entreprises privées a déjà été expérimentée dans le département du Gard. Ces marchés de travaux permettent d’augmenter rapidement le pourcentage de terres déminées et d’accélérer les travaux de sécurisation des sites. Dans l’Hérault, la répartition des marchés est réalisée selon trois secteurs, l’un pour la région de Montpellier, le second pour le secteur de Thau et le troisième sur le secteur de Béziers.

Fiche de chantier des travaux de désobusage à Sète, février 1947, Archives départementales de l’Hérault, 16 W 408
Fig. 4 Fiche de chantier des travaux de désobusage à Sète, février 1947, Archives départementales de l’Hérault, 16 W 408

En avril puis en juillet 1945, plusieurs marchés sont conclus par le service de déminage pour procéder aux travaux de désamorçage et d’enlèvement des mines allemandes. L’entreprise Louis Ramel est retenue pour intervenir sur les communes de Palavas-les-Flots, Vic-la-Gardiole, Villeneuve-lès-Maguelone et Frontignan. Pour les communes d’Agde, Vias, Portiragnes, Sérignan et Valras, l’entreprise André et Olivet est titulaire du marché. Les clauses des marchés prévoient l’intervention des entreprises retenues sur les champs de mines déjà identifiés. Chaque hectare de terrain déminé est rétribué à hauteur de 1 200 francs à l’entreprise en charge des travaux 9. (Fig. 4)

La procédure d’intervention commence par la prospection des terrains à l’aide de tringles en acier pour déceler les engins à détruire. Dans un premier temps, les rares détecteurs magnétiques mis à disposition ne sont quasiment pas utilisés car jugés inefficaces, notamment pour la détection de mines piégées en bois conçues par l’armée allemande. Le manque de matériel rend les conditions de travail d’autant plus périlleuses pour les sections chargées du déminage sur le terrain. Les autorités militaires et l’artillerie n’ont pas délivré d’équipement adapté pour l’extraction des mines, hormis des pelles et pioches.

Certains obus sont pourtant enfouis plus profondément sous terre, nécessitant l’utilisation de treuils et cabestans. Les artificiers procèdent ensuite au désamorçage et à la neutralisation des mines puis à l’enlèvement des engins. Les mines sont transportées sur une zone isolée afin de les détruire en sécurité. Une dernière étape prévoit la vérification du terrain déminé par un groupe de chercheurs, à nouveau équipés de tringles en acier pour fouiller le sol. Le suivi du chantier est assuré quotidiennement sur des fiches mentionnant l’avancée des travaux et le volume d’engins explosifs neutralisés. L’entreprise titulaire du marché emploie le personnel chargé d’encadrer les travaux et forme des équipes. La direction des opérations doit être assurée a minima par un chef de chantier, un conducteur de travaux, un artificier et un interprète. Les équipes de terrains sont complétées par des prisonniers de guerre, mis à la disposition de l’entreprise par le service du déminage, le ministère du Travail et les autorités militaires.

Le recours aux prisonniers de guerre

L’emploi des prisonniers de guerre aux travaux de déminage au cours desquels les accidents mortels sont plus que fréquents suscite de vifs débats à la sortie de la guerre. L’article 32 de la Convention de Genève de 1929 précise « qu’il est interdit d’employer des prisonniers de guerre à des travaux insalubres ou dangereux ». Le Comité international de la Croix-Rouge se positionne ainsi contre le recours aux prisonniers de guerre pour le déminage. Néanmoins, malgré des tensions à ce sujet sur le plan international, le gouvernement français réussit à convaincre les Alliés de céder plusieurs milliers de prisonniers de guerre pour ces chantiers. Surtout, l’opinion française presse à l’emploi massif des prisonniers de guerre afin « que les mines soient enlevées par ceux qui les ont posées ! » 10. Ainsi, en 1945, le nombre de prisonniers de guerre envoyés sur les opérations de déminage est de 510 pour l’Hérault, de 220 pour l’Aude et de 650 pour le département des Pyrénées-Orientales. Les artificiers allemands et autrichiens, spécialistes du déminage et des mines conçues par les troupes de l’Axe, sont en priorité affectés à ces travaux de déminage.

Le 18 août 1945, un décret paraît pour organiser la garde et le contrôle des prisonniers de guerre œuvrant pour le déminage. La surveillance des prisonniers, initialement confiée aux milices patriotiques à la Libération, reste sous le contrôle des autorités militaires. À défaut de militaires disponibles, la garde des prisonniers revient à la charge des entreprises bénéficiaires de cette main d’œuvre étrangère, celles-ci ont alors l’obligation de recruter des civils pour assurer la garde des prisonniers. Les entreprises versent également à la direction départementale du travail et de la main-d’œuvre une « indemnité compensatrice » correspondant au montant du salaire du prisonnier. Le salaire journalier du prisonnier de guerre est fixé à 10 francs pour ceux affectés sur des travaux agricoles, jugés non dangereux, tandis que les prisonniers employés sur des chantiers de déminage perçoivent un salaire à hauteur de 18 francs par jour 11. Le danger des opérations de déminage, mais aussi le ravitaillement en nourriture régulièrement défaillant favorisent les tentatives de fuite. Plusieurs évasions de prisonniers de commandos de déminage sur le littoral ont ainsi été signalées 12.

La formation des équipes en charge du déminage

Face à l’étendue des zones à déminer et au besoin urgent d’une main d‘œuvre qualifiée, la formation du personnel aux techniques de déminage est mise en place. En France, le premier centre est créé en août 1944 à Bayeux sous la supervision de l’armée britannique. Le succès rencontré par cette structure entraîne la création d’une école à Houlgate par l’armée française. Plusieurs centres d’instruction dévolus à la formation d’élèves artificiers sont alors progressivement instaurés pour former des équipes de terrain, comme le centre de Palavas fondé le 2 mai 1945 et installé dans les locaux de l’ancienne école de défense antiaérienne. Les élèves y sont formés par des instructeurs sur des sessions de 12 jours pour reconnaître les différents modèles de mines, manipuler les engins explosifs, manier les détecteurs et expérimenter l’enlèvement de mines. Les prisonniers de guerre affectés aux travaux de déminage reçoivent également cette instruction préalable nécessaire avant toute intervention sur les terrains minés 13. (Fig. 5)

La technique du « grenadage » utilisée pour l’explosion des mines immergées
Fig. 5 La technique du « grenadage » utilisée pour l’explosion des mines immergées

La formation des équipes réduit de fait les risques sur les opérations de déminage mais les accidents restent fréquents sur les chantiers. Les décès suite à l’explosion de mines surviennent au sein des équipes de déminage, affectant le personnel français mais surtout les prisonniers de guerre. En 1944, le service du génie rural comptabilise dans l’Hérault 40 accidents graves et 18 décès dans les effectifs des prisonniers de guerre. La dangerosité des tâches à réaliser limite de fait le recrutement des démineurs. Les risques encourus par ces derniers et l’éloignement fréquent des agents spécialisés, peu nombreux, de leur ville d’origine et de leurs familles incitent l’administration à verser au personnel une prime, dite « prime de dépaysement » 14. Le profil des candidats aux postes de démineurs est analysé avant toute embauche. La direction du déminage procède à des enquêtes de moralité pour vérifier leur appartenance politique et leurs activités pendant l’Occupation, notamment sur d’éventuels faits de collaboration rapportés 15.

La reconnaissance de la technicité et de l’efficacité des équipes du service du déminage se traduit par le transfert au ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme des travaux de désobusage, jusqu’alors sous la responsabilité du ministère de la Guerre, suite au décret du 11 avril 1947. La destruction des munitions et autres projectiles explosifs est dès lors effectuée par l’administration du déminage. Ces opérations sont également sous-traitées auprès d’entreprises privées.

Sécuriser le littoral

Fortement piégé par les troupes d’occupation pour contrer un éventuel débarquement des Alliés, le littoral a également été l’une des missions essentielles pour le service de déminage. L’objectif des équipes de déminage est de sécuriser le cordon littoral pour permettre aux pêcheurs d’exercer leur activité sans risques et de restituer aux estivants les loisirs de la plage avant l’été 1945. Pour le déminage en mer, une répartition des rôles est effectuée entre la Marine nationale, en charge du dragage de toutes les mines marines au large des ports, et le service du ministère de la Reconstruction, responsable de l’évacuation des mines en mer montées sur pieux ou tétraèdres le long de la côte, assimilées aux mines terrestres 16. (Fig. 6)

Les obstacles en mer installés par les troupes allemandes sont particulièrement nombreux entre les pyramides en béton renfermant des explosifs, les tétraèdres, les piquets et les pieux armés de mines à leur extrémité. Ce système de défense, installé sur tout le rivage, est complété sur les plages par des obus enfouis dans le sable et par des ouvrages terrestres comme les blockhaus. Le mode opératoire des équipes du service de déminage prévoit une intervention sur les plages du littoral en trois phases. La première action des démineurs porte sur la neutralisation des mines immergées le long de la cote.

Schéma représentant une plage minée, [1946-1947], Archives départementales de l’Hérault, 2693 W 4
Fig. 6 Schéma représentant une plage minée, [1946-1947],
Archives départementales de l’Hérault, 2693 W 4
Des tétraèdres minés immergés enlevés par un scaphandrier et remontés par un tracteur sur la plage, [1945], Archives départementales de l’Hérault, 173 J 19
Fig. 7 Des tétraèdres minés immergés enlevés par un scaphandrier et remontés par un tracteur sur la plage, [1945], Archives départementales de l’Hérault, 173 J 19

Dans un second temps, les équipes prospectent au détecteur la plage pour déceler les mines terrestres et d’éventuelles mines marines qui auraient pu être rejetées par le courant. Enfin, il est procédé à l’enlèvement des barbelés, des piquets, des tétraèdres et à la destruction des blockhaus ou autre fortification installé le long du rivage. Sur certaines zones fortement piégées par l’armée allemande, les nombreux fils de fer barbelés plus ou moins enterrés empêchent la prospection des plages à l’aide de détecteurs. Les commandos de prisonniers de guerre doivent alors mener conjointement et périlleusement la prospection sur la plage et le déblaiement des obstacles 17. (Fig. 7)

Ces opérations de sécurisation nécessitent l’utilisation de matériel spécifique pour détruire les engins en mer grâce à des grues flottantes, des pontons et des embarcations créées spécifiquement pour ces opérations de déminage en mer. L’administration a recours à des marchés de travaux pour l’enlèvement des obstacles en mer auprès d’entreprises disposant d’équipements adaptés. Outre les treuils, canots, grues et tracteurs, les titulaires des marchés utilisent également des appareils de scaphandre pour extraire les engins 18.

L’effort porté par le service de déminage sur l’enlèvement des mines en mer réduit le danger lors des sorties en mer mais n’empêche pas les accidents sur différents types d’embarcation. En juin 1947, à l’ouest du port de Sète, un chaland-porteur du service des ponts et chaussées explose après avoir touché une mine, quatre victimes meurent dans l’accident 19.

La poursuite des activités du service du déminage

À la fin de l’année 1947, après le déminage de près de 475 000 hectares sur l’ensemble du pays et la destruction de près de 13 000 000 de mines, les autorités considèrent que le territoire français est entièrement déminé. La Direction du déminage est dissoute et remplacée par le Service de liquidation des opérations de déminage et de désobusage. Le 23 mars 1948, les représentations départementales sont remplacées par des équipes de sécurité. Le personnel du service de déminage est alors réduit au minimum pour procéder à des interventions de déminage ponctuelles, très localisées sur le territoire, en fonction des découvertes fortuites de mines, munitions ou grenades. Les dossiers du service de déminage entrés sous le numéro de versement 2693 W témoignent de ces interventions réalisées par l’équipe de sécurité de Montpellier. Suite à la réduction progressive des effectifs et de l’équipement des équipes de déminage, la recherche et la neutralisation de mines en mer passe sous la responsabilité de la Marine à partir de 1949 20. (Fig. 8)

Le périmètre d’intervention de l’équipe de déminage de Montpellier, auparavant centré sur les départements du littoral, Hérault, Aude et Pyrénées Orientales, est progressivement étendu pour répondre aux sollicitations de collectivités plus éloignées. En effet, seules les équipes de sécurité de Lyon, Bordeaux, Toulon et Montpellier sont maintenues pour le sud de la France. Les rapports d’intervention et les procès-verbaux de découverte des engins explosifs ont été classés par localités dans le fonds d’archives de la Délégation Hérault-Gard du service du déminage. Ces dossiers renseignent sur les activités des démineurs dans les départements du littoral languedocien mais aussi dans des départements un peu plus éloignés. Des services de déminage d’autres régions ont en effet sollicité l’expertise de la section de déminage de Montpellier.

Créée à la Libération, la Direction du déminage a pleinement mené sa mission après trois années d’une intense activité, nécessaire à la reprise économique. 

Fiche d’intervention de l’équipe de sécurité de Montpellier pour la neutralisation d’une katymine à Sète, avril 1948, Archives départementales de l’Hérault, 2693 W 5.
Fig. 8 Fiche d’intervention de l’équipe de sécurité de Montpellier pour la neutralisation d’une katymine à Sète, avril 1948, Archives départementales de l’Hérault, 2693 W 5.

Le rôle des équipes de déminage, auparavant ciblé sur la remise en état des terrains pour la reconstruction du pays, passe progressivement vers une mission de protection de la population en cas de danger signalé suite à la découverte fortuite d’engins explosifs. Ainsi, par décret n°64-229 du 13 mars 1964, les attributions du ministère de la Construction relatives aux travaux de déminage sont transférées au ministère de l’Intérieur au sein de la direction de la sécurité civile.

SOURCES

Conservées aux Archives départementales de l’Hérault :

  • Fonds du service interdépartemental du déminage du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Délégations Hérault et Gard, Aude et Pyrénées-Orientales – 2693 W 1-5 ;
  • Fonds du service liquidateur des dépenses d’occupation – 16 W 408-410 ;
  • Fonds de la préfecture de l’Hérault – 2 W 488, 2 W 1335, 171 W 67 ;
  • Fonds du commissariat régional de la république – 999 W 76 ;
  • Fonds du colonel André Pavelet – 173 J 19.

BIBLIOGRAPHIE

DIRECTION DU DÉMINAGE, DÉLÉGATION DÉPARTEMENTALE DE L’HÉRAULT 1945 : Direction du déminage, Délégation départementale de l’Hérault, Une année de déminage dans la région du Languedoc-Roussillon, Causse, Graille et Castelnau, Montpellier, 1945, 32 p.

DYE 1995 : Dye Vincent, La sécurité civile en France, Que sais-je ?, Paris, 1995, 127 p.

SAPPIN 2014 : Sappin Françoise, « Les démineurs en France (1944-1947) », in Pour mémoire, Comité d’histoire du ministère de la transition écologique, n°14, mai 2014.

SCHNEIDER 2011 : Schneider Valentin, Un million de prisonniers allemands en France, Paris, Vendémiaire, 2011, 191 p.

VOLDMAN 1985 : Voldman Danièle, Attention, mines, France-Empire, Paris, 1985, 190 p.

NOTES

1. AD 34, BRA 8852.

2. AD 34, 16 W 408.

3. AD 34, 999 W 76.

4. AD 34, 2693 W 1.

5. AD 34, 999 W 76.

6. AD 34, 999 W 76.

7. AD 34, BRA 8852.

8. AD 34, 999 W 76.

9. AD 34, 2 W 1335.

10. SCHNEIDER 2011, 122.

11. AD 34, 2 W 488.

12. AD 34, 2693 W 2.

13. AD 34, 2693 W 2.

14. AD 34, 999 W 76.

15. AD 34, 171 W 67.

16. AD 34, 999 W 76.

17. AD 34, 2693 W 4.

18. AD 34, 2693 W 4.

19. AD 34, 2 W 1335.

20. AD 34, 2 W 1335.