Catégorie : Étiquette :

Description

Villeneuvette,
Un cas particulier dans l’histoire économique et sociale de l’Hérault

I – PRÉSENTATION DES DOCUMENTS

Dans l’histoire de l’industrie textile et du mouvement ouvrier de l’Hérault, à l’époque contemporaine, la manufacture de draps de Villeneuvette représente un cas intéressant à plusieurs titres.

Il y a d’abord sa longévité. Fondée en 1675 par le drapier protestant Pierre Baille de Clermont-l’Hérault, manufacture royale de 1677 à 1793, elle devient ensuite propriété privée et ne ferme ses portes qu’en 1954. Cette longévité est d’autant plus remarquable que dès la fin du XIXe siècle, l’industrie drapière du département est en très net déclin : en 1901, elle ne compte plus que 1660 ouvriers contre 8531 en 1822 et 9637 en 1860. Les effectifs ouvriers de la manufacture de Villeneuvette s’amenuisent certes au cours des années (750 ouvriers en 1789, 450 en 1810, 400 en 1867, 237 en 1877, 180 en 1917…) mais la manufacture est une des dernières de l’Hérault à cesser toute activité au milieu du XXe siècle.

Seconde caractéristique de Villeneuvette, c’est une même famille, la famille Maistre, qui dirige l’entreprise de 1803 à la fermeture de 1954. Cette famille possède également tous les bâtiments de la commune ainsi que 600 hectares de terres autour de la manufacture.

Enfin, et c’est là certainement l’originalité la plus importante de l’entreprise, les rapports entre le patronat et les ouvriers sont présentés par tous les témoignages et toutes les études comme non conflictuels ce qui est une exception dans les établissements textiles héraultais à l’époque contemporaine. C’est précisément cette originalité que nous allons tenter de saisir à travers un certain nombre de textes publiés entre 1848 et 1901.

Des témoignages nombreux et précis

Pour la période de la Restauration le chapitre V consacré au commerce et à l’industrie de H. Creuzé de Lesser, Statistique du département de l’Hérault (Montpellier, 1824) permet de situer Villeneuvette parmi l’ensemble des fabriques de draps de l’Hérault mais on ne trouve pas dans cet ouvrage aucun développement particulier sur cette manufacture. On apprend cependant la place modeste occupée alors par Villeneuvette dans l’ensemble héraultais car la fabrique n’emploierait que 175 ouvriers en 1822 contre 660 à St Chinian, 736 à Riols, 1062 à Clermont-l’Hérault, 1100 à St Pons, 2231 à Lodève et 2567 à Bédarieux. Creuzé de Lesser signale également l’existence de carrières importantes à Villeneuvette. Trois ans plus tard, J. M. Amelin consacre également quelques lignes à Villeneuvette dans son Guide du voyageur dans le département de l’Hérault (Paris, 1827) en précisant que l’établissement emploie 300 ouvriers, chiffre plus vraisemblable que celui avancé par Creuzé de Lesser.

Le premier des textes que nous présentons DOCUMENT N° 1 (p. 28) paru dans Le Mémorial bordelais du 19 avril 1848 est un article anonyme écrit par un patron, lui-même ancien ouvrier. Cet article se présente comme une réfutation des « utopies » de Louis Blanc sur l’organisation du travail et comme un plaidoyer en faveur de la libre entreprise à partir de l’exemple de Villeneuvette. Il prend place dans l’abondante littérature polémique qui fleurit au lendemain de la révolution de février 1848 sur cette question. Dans un texte publié pour la première fois en 1839 dans La Revue du progrès puis réédité en brochure jusqu’en 1848 (dix éditions au total !), L. Blanc se fixait comme but « l’amélioration morale et matérielle du sort de tous, par le libre concours et l’association fraternelle de chacun » et par la création de sociétés ouvrières de production (les « ateliers nationaux ») soutenues financièrement par l’État. L’auteur anonyme du Mémorial bordelais estime que l’État est absolument incapable d’organiser le travail dans quelque domaine que ce soit. Pour lui, il est vain de vouloir changer la structure de la société. Simplement, les riches doivent être plus charitables, les ouvriers plus économes (sic) et tous doivent suivre les principes de la religion. A son avis, l’exemple de Villeneuvette montre l’excellence de ces principes. Dans cette manufacture, les rapports entre le maître et les ouvriers sont bons car ces derniers bénéficient de divers avantages (logement, caisse de retraite et de maladie alimentée par une retenue de 1 % sur les salaires et par une somme d’argent, dont on ne connait pas le montant, allouée par le propriétaire). De plus l’entreprise est en fait mi-industrielle et mi-agricole ce qui permet, lorsque les commandes industrielles se raréfient, de donner aux ouvriers de la manufacture du travail sur l’exploitation agricole. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1984

Nombre de pages

7

Auteur(s)

Jean SAGNES

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf