Valorisation touristique d’un grand site : le cas du Salagou et du cirque de Mourèze
Valorisation touristique d’un grand site :
le cas du Salagou et du cirque de Mourèze
* Docteurs en Aménagement. Chercheurs à l’ICRESS EA 3681, Perpignan (France)
Les vecteurs de médiation classique et ceux utilisant les nouvelles technologies de valorisation du patrimoine d’un territoire sont aujourd’hui des outils largement usités dans les destinations touristiques : guides touristiques en ligne, services en continu sur téléphones portables, GPS, ouvrages traditionnels de présentation patrimoniale… Mieux comprendre les attentes de tous les publics, anticiper leurs pratiques et prendre en compte de nouvelles formes de partenariat avec les professionnels sont les défis que doivent relever les institutionnels du tourisme.
A partir de la littérature, d’une réflexion déductive, des textes réglementaires et d’une mise en perspective de deux éditions parues sur le Salagou en juillet 2015, cet article tente de préciser dans le champ de discipline de l’Aménagement, les enjeux pour un site de mobiliser les supports modernes de valorisation touristique afin de répondre aux attentes de toutes les clientèles, dont les personnes en situation de handicap.
Classical media as well as new technologies of heritage valorization are nowadays commonly used for Tourism : on-line guides, mobile applications, GPS, traditional books… Touristic institutions have to face the everchanging expectations of the public, anticipate its uses and provide professional partnership. Starting from literature, and passing through laws and the comparison of two 2015 publications on the Salagou, this paper focuses on the way to mobilize all sorts of means in order to respond to the public’s expectations, including the disabled.
La gouvernance territoriale du site classé de la vallée du Salagou et du cirque de Mourèze met en jeu un certain nombre d’acteurs privés (prestataires, entreprises, associations) et publics, notamment les collectivités locales et les institutionnels du tourisme. Le Réseau National des destinations départementales (RN2D) 1 souligne à ce sujet que « les collectivités ont une position stratégique importante dans le système local à plusieurs titres : elles ont une fonction touristique légale qui comprend la détermination d’une politique territoriale, la prise en charge de fonctions d’intérêt général, comme l’accueil et l’information des visiteurs, la responsabilité d’un bien commun qui est l’image du territoire. Elles assurent directement des fonctions de production touristique, soit par la réalisation d’infrastructures mises à disposition d’opérateurs privés, soit par fourniture directe de prestations, souvent au nom de la défaillance du secteur privé ». Marsat J.-P. et Bonniot A., précisent que « l’activité touristique présente la particularité d’être étroitement liée à son lieu de production puisque, s’agissant d’une activité de services, elle est également le lieu de consommation. Le ressort de la valorisation de ressources locales est donc très présent » 2.
Les collectivités mènent ainsi des fonctions de régulation publique. Elles facilitent l’accès des acteurs touristiques aux ressources partagées, parfois non contrôlées, voire à des problématiques plus large : la régulation de l’urbanisme, les usages, les politiques locales concernant divers secteurs d’activité (agriculture, forêt, culture, animation). La politique d’animation, comprend les actions marketing traditionnellement mobilisées pour construire et promouvoir une image et une identité des sites. La valorisation d’un site impose ainsi de s’adosser à des outils promotionnels de qualité, tels ceux présentés en dernière partie de notre article. Le tourisme, en tant qu’activité de services, a besoin d’un ancrage territorial fort et une identité culturelle et humaine révélée. Cet article est construit en trois parties complémentaires. Tout d’abord la présentation du site classé de la Vallée du Salagou et du site de Mourèze, les motivations d’une mise en tourisme pérenne articulée autour des concepts de tourisme durable et de tourisme pour tous. Dans la deuxième partie, nous aborderons la stratégie de mise en tourisme de ce territoire et les supports référents, particulièrement l’influence de l’e-tourisme et de l’e-accessibilité afin de valoriser au mieux les richesses locales. La dernière partie, adossée à la publication de deux ouvrages dédiés à ce site emblématique du Salagou, mettra en lumière le mariage de la tradition et de l’innovation avec la présentation de deux supports originaux de valorisation patrimoniale du site. Ils répondent chacun aux besoins de toutes les clientèles, dont les personnes en situation de handicap (PSH).
Contexte et enjeux de la mise en tourisme durable du grand Site
« Vallée du Salagou, Cirque de Mourèze »
Le concept de tourisme durable et solidaire prend tout son sens dans le cadre d’une mise en tourisme des territoires pour tous publics. Le schéma ci-après illustre cette nouvelle façon d’organiser la mise en tourisme d’un territoire en abordant tous les domaines d’activités, selon le principe de développement durable 3 et sans exclusion de populations. (Fig. 1)
La référence au développement durable permet d’affirmer une position touristique respectueuse des trois piliers (économique, social, environnemental), mais aussi de privilégier des outils méthodologiques de construction d’une offre différenciée et accessible à tous publics.
Le principe d’accès aux vacances et aux loisirs des personnes en situation de handicap dans le monde du tourisme est formellement introduit par le Code du tourisme et adopté par l’assemblée générale de l’Organisation Mondiale du Tourisme en 1999 4. En émettant un certain nombre d’articles redéfinissant les pratiques du tourisme, l’Organisation Mondiale du Tourisme invite ainsi à considérer le tourisme, non seulement comme une activité économique, mais également comme une grande opportunité pouvant constituer un instrument privilégié de développement individuel et collectif de l’humanité entière. Il introduit un nouveau champ d’intervention « Tourisme et handicap » encore largement méconnu du grand public.
En effet le mot handicap présente encore des connotations négatives, il fait encore peur, et nous met souvent mal à l’aise. Il renvoie également à la peur de l’autre, de cet autre soi-même, amplifiée par le handicap qui tend à transformer la personne porteuse de handicap en objet de crainte ou de répulsion, de soins, ou de devoirs. La personne handicapée, porteuse d’une différence, trouble dans ce monde que l’on voudrait sans défaut, sans bavure particulièrement dans le secteur du tourisme 5.
La dernière loi de Février 2005 sur « l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » 6 a inscrit l’accessibilité dans un cadre légal. Il reste encore à proposer aux acteurs publics et privés de nouvelles stratégies pour réduire les incapacités, lever les obstacles environnementaux et donner la possibilité aux personnes handicapées d’accéder à l’autonomie la plus large. L’objectif recherché est bien de vivre dans un milieu « ordinaire » avec tout le monde. Il convient à cet effet, d’apporter une information fiable sur le degré d’accessibilité des lieux de vacances et de loisirs, d’où l’importance de développer les démarches qualifiantes, tel le label national Tourisme handicap 7. Ou encore, utiliser en complément les nouvelles technologies pour la présentation virtuelle d’un lieu touristique, qui permettent un meilleur accès à l’information et une bonne représentation du site touristique. Une illustration de ce service informationnel pour tous publics est apportée par l’ouvrage « Salagou, planète rouge » présenté en troisième partie de cet article. (Fig. 2)
Par son caractère naturel et préservé, l’opération Grand site « Vallée du Salagou et cirque de Mourèze » présente les caractéristiques d’un positionnement de tourisme durable, respectant les trois piliers du développement durable, ouvert à plusieurs thématiques (paysage, déplacements, loisirs de nature, aménagements, tourisme, risques…). Un équilibre de développement est recherché dans sa mise en tourisme qui privilégiera les activités économiques compatibles avec l’esprit des lieux et la fragilité des milieux 8. Le Président de la Communauté de communes du Clermontais témoignait déjà en 2007 : « La Communauté de Communes du Clermontais développe depuis de nombreuses années une politique ambitieuse de valorisation de son patrimoine bâti et naturel. Ses objectifs sont de préserver les éléments identitaires forts du territoire pour les transmettre aux générations futures mais également de répondre à des enjeux d’ordre économique, touristique, culturel, pédagogique et social » 9. Par ailleurs, les acteurs locaux sont associés à la gouvernance du site au travers des instances de pilotage (syndicat mixte, communes…). Un programme d’actions élaboré conjointement avec le Conseil départemental de l’Hérault a pour objectif d’organiser la fréquentation du site, tout particulièrement pendant la saison touristique, et de le protéger sur le long terme, tout en le valorisant au bénéfice de tous.
L’ambition du XXIe siècle est bien d’offrir à tout touriste, dont ceux à besoin spécifique, une accessibilité totale et continue dans la destination touristique de leur choix.
Développer un tourisme accessible aux personnes en situation de handicap présuppose une adaptabilité des infrastructures d’accueil, publiques et privées, des cheminements adaptés et la sécurité des installations. La construction de destinations touristiques à l’attention de ces usagers passe également par la compréhension des attentes de ce public à besoin spécifique, l’élaboration de produits touristiques, la proposition de supports adaptés à la connaissance du territoire.
Il ne s’agit pas de « ghettoïser » des espaces mais de prévoir dans la vie ordinaire la réalisation d’équipements au bénéfice de tous, pour que chacun puisse bénéficier des mêmes services et mêmes droits.
À l’instar de la population générale, celle des personnes en situation de handicap, est composée d’individus qui ont des capacités diverses et bien évidemment des besoins différents lorsqu’ils voyagent. L’éventail des handicaps est large, les cinq grandes familles de déficiences sont à distinguer : motrice, visuelle, mentale, auditive et les handicaps associés. (Fig. 3)
Dès 2003, année européenne des personnes handicapées, le ministère de la Culture et de la communication français 10 a lancé une mission d’études visant à améliorer l’accueil des personnes handicapées dans les lieux culturels. Des documents de diagnostic, d’analyse et de proposition ont été mis en place permettant des approches adaptées à des usages spécifiques. Dans ce cadre la commission nationale Culture-Handicap 11 a pour mission de proposer des mesures, dans tous les domaines concernés, notamment l’accès aux équipements, à la pratique artistique, à la formation et aux métiers de la culture. Elle a diffusé une charte nationale « Culture et handicaps ». Une série de pictogrammes, soigneusement choisis, a été diffusée dont l’utilisation facilite la compréhension des messages pour tous les visiteurs. Les pictogrammes alertent les personnes handicapées sur la prestation qui leur est offerte et sensibilisent le grand public.
Leur utilisation est essentielle pour ceux qui ne comprennent pas immédiatement des textes écrits : étrangers, mauvais lecteurs, personnes présentant un handicap mental, personnes sourdes ou malentendantes, jeunes visiteurs… Il est recommandé de les utiliser sur le site concerné (abords et intérieurs), ainsi que sur tous les supports d’information (papier et en ligne).
Il ressort que les entraves à l’accès aux vacances et aux loisirs les plus fréquemment rencontrées par cette clientèle à besoin spécifique sont de l’ordre de l’accès physique, qui fait référence à des aménagements matériels absents, ou à des obstacles architecturaux, des sites naturels difficiles d’accès. La mise en tourisme d’une destination impliquera ainsi la mise en place et l’articulation d’un certain nombre de variables, tangibles (transport, hébergement, restauration, animation) et intangibles (accueil, ambiance, sécurité, accessibilité). Une mise en lumière de l’esprit des lieux signifie pouvoir obtenir pour tous les publics un descriptif et des renseignements détaillés sur les pratiques alentours. Alain Laurent 12, indique que la valeur d’un lieu est composée dans les destinations de valeurs immatérielles (la culture, l’exotisme, l’attitude, le relationnel, etc.) et des ressources du territoire (les paysages, l’habitat, les milieux). L’ouvrage « Amoureux d’ici », présenté en troisième partie en est une illustration éclairante.
Les technologies de l’information et de la communication
au service du tourisme durable pour tous
Mireille Faugère et Jean-Pierre Nadir, rapporteurs de la proposition du Conseil de promotion du tourisme, « Faire profiter notre industrie touristique de la révolution numérique », insistent sur le principe que dans toute expérience touristique, une dimension numérique se doit d’être explorée : « En une minute sur Internet, Google reçoit 2 millions de visites, 600 sites sont créés, 100 heures de vidéos sont chargées sur YouTube, 200 millions d’emails sont envoyés. En une heure, les 1,4 milliard d’utilisateurs de Facebook partagent 10 millions de photos. En un jour, Twitter enregistre 500 millions de messages » 13. L’avènement des TIC et d’Internet a consolidé cette vague de changement en modifiant structurellement les habitudes de consommation des clients, en remodelant l’environnement de travail des professionnels du secteur. La demande touristique évoluant, ces mutations ont entraîné et vont continuer d’entraîner de profondes transformations des offres, des produits et des équipements, nécessitant de nouvelles stratégies de valorisation touristique. Les enjeux de l’e-tourisme ont été développés par de nombreux auteurs. Dès 2000, C. Origet de Cluzeau et P. Viceriat pointaient l’impact que représenteraient les technologies de l’information et de communication sur la mise en futur de l’offre et des produits à l’horizon 2010 14. Plus récemment en 2008, C. Pagnon-Maudet 15 rappelle « la croissance du domaine du e-tourisme constamment à deux chiffres, que ce soit pour la recherche d’informations, la communication, et les transactions ». Dans le domaine du tourisme et handicap, « cette utilisation permet une facilité d’accès aux biens, aux services et à l’information et cela est encore plus décisif pour les personnes en situation de handicap. Il est possible de signaler à cette clientèle les dispositions particulières pour mieux l’accueillir, de créer des rubriques spécifiques recensant les services et aides techniques nécessaires, apposer les pictogrammes reconnus, tel le logo Tourisme Handicap en fonction du handicap évalué » 16. Les sites internet permettent donc au public des personnes en situation de handicap d’envisager et de préparer une visite, un séjour : les conditions d’accès à l’équipement, le repérage des abords, les stationnements réservés, les parcours de visites à privilégier. Tout comme l’adjonction du facteur numérique dans l’ouvrage « Salagou, planète rouge », présenté en dernière partie de l’article, va permettre la découverte de sites non accessibles du territoire.
Les nouvelles applications de l’e-tourisme et de l’e-accessibilité
La question de l’accessibilité des personnes handicapées au tourisme s’étudie sous l’angle de l’égalité et de la non-discrimination. Ce n’est pas une simple question de respect de normes techniques destinées à répondre à des besoins catégoriels. Elle est une condition préalable et essentielle pour garantir aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap, un accès effectif aux droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, sur la base de l’égalité avec les autres. Depuis l’adoption de « la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », l’accessibilité des sites internet publics est devenu une obligation légale et le décret d’application paru en Juin 2009 fixe les modalités générales d’application pour les 3 canaux : web, télévision, et téléphonie. Cette accessibilité numérique peut s’entendre, comme le fait de « mettre le web et ses services à la disposition de tous les individus, quel que soit leur matériel ou logiciel, leur infrastructure réseau, leur langue maternelle, leur culture, leur localisation géographique, ou leurs aptitudes mentales ou physiques » 17. Un site accessible est donc conçu de manière à ce que son contenu soit compatible avec toutes les techniques de navigation particulière (petit écran, navigation sans souris, ou avec la voix, clavier braille, grossissement des caractères). En France, des labels garantissent une navigation sans obstacle sur Internet, facilitent l’accès aux TIC et leurs usages. Nous pouvons rappeler que le CFHE, Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes est un promoteur de ce thème de l’accessibilité des personnes handicapées à la communication électronique. Les règles du Référentiel Général d’Accessibilité pour les administrations (RGAA) fixent 3 niveaux de priorité. Selon les directives pour l’accessibilité, des contenus Web (WCAG) seront à appliquer.
Mise en perspective de deux éditions patrimoniales
Nous avons eu l’occasion de souligner dans les paragraphes précédents, la nécessité pour une destination touristique, qui plus est un site classé, de valoriser ses richesses, attirer l’attention de tous sur la valeur patrimoniale des lieux concernés. Si les travaux de recherche et d’inventaire sont un palier incontournable pour améliorer les connaissances sur le patrimoine local, il est ensuite fondamental de transmettre et de distribuer des informations intéressantes au grand public. Ceci par des initiatives éditoriales venant compléter le programme d’inventaire du patrimoine culturel des communes. Au cœur des enjeux de communication et de promotion de la valeur d’un site, l’exemple de deux publications, de forme, d’impact et d’objectifs distincts est significative.
Elles répondent, pour ce territoire « futur » Grand Site, aux stratégies coutumières permettant de valoriser une destination :
⊸ Affirmer ses points forts, et en premier lieu en matière d’environnement ;
⊸ Aider les professionnels à mieux répondre aux attentes des clientèles ;
⊸ Pratiquer des micro-adaptations, et engager une véritable « révolution du détail » à tous les niveaux : accessibilité, stationnement, urbanisme, couleurs, design, services qui apportent de la valeur ajoutée ;
⊸ Améliorer l’offre immatérielle des sites, l’esprit et l’atmosphère des lieux, traiter l’aptitude des produits à satisfaire la liberté, la sensualité, l’individualité du touriste ;
⊸ Mieux intégrer les nouveaux apports des technologies de l’information fixes, mais aussi, et surtout, mobiles pour des consommateurs qui seront toujours plus technophiles : construction de bases de données vocales et diffusion sur des terminaux mobiles.
L’objectif commun de ces deux éditions est, d’une part, de créer de véritables supports pédagogiques et culturels participant au rayonnement de la destination et, d’autre part, de générer une reconnaissance de la destination à l’échelle nationale, voire internationale. L’Opération Grand site de France engagée sur le territoire du Salagou et de Mourèze en retirera des bénéfices positifs à ce titre.
Cette démarche d’envergure s’entend comme une démarche de projet, fondée sur la concertation, la recherche de solutions appropriées au site. Elle est suivie d’une contractualisation autour d’objectifs précis et d’un programme d’actions qui doit tenir compte des retombées économiques locales, mais qui n’est pas l’objet de notre article. Le programme est validé par l’ensemble des partenaires d’une opération. Il s’agit d’une démarche de développement durable. La politique nationale Opération Grand Site® est liée, depuis son lancement en 1976, à la volonté de l’État de promouvoir une véritable gestion à long terme des sites. Il s’agit de garantir leur maintien en bon état après leur réhabilitation. L’exigence d’une structure de gestion locale disposant d’un budget identifiable est la suite logique de cette volonté. Des critères d’accueil, d’aménagements respectueux de l’identité de chaque site, de concertation et de respect de la vie des populations locales par les visiteurs, sont au cœur des obligations du gestionnaire pour obtenir le label. Il lui faudra également promouvoir « l’esprit des lieux ».
L’ouvrage « Amoureux d’ici », présenté ci-dessous, améliore la connaissance du site, permet d’apprivoiser l’offre immatérielle du lieu, l’esprit et l’atmosphère de la destination. Il présente de manière plus lisible et plus pédagogique la richesse patrimoniale du Salagou-Mourèze aux visiteurs et aux résidents. (Fig. 5)
Le coordinateur de l’ouvrage, Philippe Martin, est écologue généraliste, animateur-interprète de l’environnement, et illustrateur. Il pratique la photographie naturaliste et subaquatique depuis plus de quarante ans. Il a contribué à l’édition de nombreux livres de nature, en tant qu’auteur, coauteur, ou illustrateur. Le dernier ouvrage paru sur le Salagou et Mourèze répond bien à l’axiome qui préconise que pour bien faire connaître un lieu, il faut lui donner du sens. Cet ouvrage s’appuie sur deux cent trois contributions d’acteurs de l’opération Grand Site et d’habitants engagés dans la préservation de leur environnement : « chercheurs du CNRS, sociologue, toponymiste, archéologue, botaniste, architecte, spéléologue, libériste ou agriculteur bio, institutionnel. Chacun des signataires fait preuve de pédagogie » 18 pour permettre de découvrir, ou redécouvrir, des paysages exceptionnels de ce territoire.
Illustré par de nombreuses images, le livre décrit la trajectoire du Salagou et du cirque de Mourèze en démarche d’Opération Grand Site, évoque des paysages et une nature préservés dans un territoire vivant. Il dévoile les coulisses de la gestion du site, invite les voyageurs à prendre le temps de vivre l’expérience de la découverte. Cet ouvrage n’est pas démesurément spécialisé, il propose une vulgarisation de l’information pour qu’elle soit comprise et appréhendée par le plus grand nombre. Il est le livre référence qui nous met au cœur d’un patrimoine naturel riche et exceptionnel : géomorphologique, historique, archéologie, architectural avec des villages médiévaux, paysager…, tout en faisant le lien entre les richesses du patrimoine, naturel et socioculturel. Ce beau livre nous donne des clés d’accès au site, sachant que le patrimoine n’existe que par sa transmission. (Fig. 6)
Cette page sur le pastoralisme du site du Salagou, offre des images exceptionnelles, troublantes de réalisme, donne un témoignage manifeste de cette pratique sur le site.
Quant au second ouvrage, « Salagou, planète rouge », paru également en juillet 2015, il se présente sous la forme traditionnelle de reportage photographique et marie des « images panoramiques interactives » 19, découvertes grâce à l’utilisation d’un QR code. (Fig. 7)
Le livre « Salagou, planète rouge » plonge de ce fait le lecteur dans une découverte interactive de certains lieux emblématiques du site classé. Melkan Bassil, né à Beyrouth, est auteur-photographe indépendant. C’est un véritable manipulateur de l’image par sa création de « tirages photos interactifs ». Le livre intègre les nouveaux apports des technologies de l’information fixe, mais aussi et surtout mobile, pour des touristes consommateurs avides de nouveaux usages. Il constitue la première publication interactive documentant, tant sur papier qu’en multimédia, le patrimoine naturel et culturel, au sens large, du Salagou et des communes riveraines du lac. A travers ce livre, l’auteur a créé un album « immersif » dans lequel visiteurs et habitants peuvent découvrir, ou redécouvrir les hauts-lieux et les aspects cachés qui font le caractère de cette région.
Le projet combine la photographie traditionnelle et les images modernes, il offre ainsi la possibilité d’enrichir son expérience culturelle et visuelle par des visites virtuelles interactives. Le livre propose l’accès à un contenu additionnel via Internet, en utilisant la technologie de code QR. Ce contenu, hébergé sur un microsite, est compatible avec les supports mobiles, Smartphones, tablettes, ou ordinateurs classiques. A l’aide de ces outils, les lecteurs pourront accéder à la visite virtuelle du lieu. La découverte d’un lieu difficile d’accès est ainsi plus aisée.
Le but recherché par l’auteur est également de créer un projet trans-générationnel, en utilisant la technologie comme support au livre. Melkan Bassil précise : « nous redonnons aux plus jeunes l’envie de tourner les pages. Notre slogan : Le livre n’est pas mort, la technologie n’est pas un crime… ».
C’est en mélangeant les techniques de photographie par assemblage, la manipulation « génétique » de l’image et les outils de communication moderne, que le photographe Melkan Bassil crée des « tirages photos interactifs ». Ces images panoramiques sont complétées par des reportages photographiques plus traditionnels, regroupant ainsi plusieurs approches visuelles d’un même objet ou projet.
L’exemple des photos panoramiques utilisées comme support virtuel dans cette publication culturelle et touristique, permet de visualiser des sites touristiques inaccessibles aux personnes en fauteuil, mal marchantes, seniors, ou qui gagnent à être vues de plus près, de façon plus aisée (faire tourner un point de vue sur lui-même, zoomer, etc.). Elles contribuent ainsi à offrir à la visite des endroits inaccessibles, ou difficilement accessibles à tous publics.
Pour découvrir ces paysages magnifiques du Salagou-Mourèze, l’utilisation du procédé de la photo panoramique est un support innovant car ce système permet des vues très larges, réalisées en assemblant plusieurs photos. Grâce à l’utilisation du flash code, on peut ainsi imaginer une découverte en autonomie de nouveaux espaces. (Fig. 8)
Ce schéma explique l’utilisation du processus virtuel de cet ouvrage qui allie photos de l’auteur et accès par un QR code aux photos panoramiques d’un lieu. Le code QR, encore appelé flashcode, est une sorte de code-barres en 2D. Le « QR » signifie « Quick Response » en anglais, car le contenu peut être décodé rapidement. Le QR Code est un code-barres à deux dimensions (code 2D ou code matriciel) pouvant stocker jusqu’à 7 089 caractères numériques, 4 296 caractères alphanumériques, ou 2 953 octets, là où le code-barres « traditionnel » (code 1D) ne peut stocker qu’une vingtaine de caractères. L’utilisation du QR code est gratuite. Elle nécessite cependant que le support mobile (téléphone, Smartphone, etc..) soit équipé d’un appareil photo et d’une application numérique pour le décoder. (Fig. 9 et 10)
Ce dispositif de petits carrés noirs et blancs en forme de labyrinthe nous vient du Japon et est de plus en plus présent dans notre quotidien : journaux, pubs, factures, étiquettes de colis, livres… Ce code-barres 2D apposé sous une des photos du livre interactif Salagou, planète rouge permet à l’aide d’un Smartphone, ou tablette équipée, d’accéder à la vision panoramique d’un lieu.
Ce dispositif ouvre également l’accès par le flash code à la photo en 3D.
Conclusion
Notre investigation a tenté de donner un aperçu du « pourquoi et comment » valoriser par des supports originaux, traditionnels et virtuels, une destination en devenir Grand Site de France. La vallée du Salagou-Cirque de Mourèze dispose à n’en pas douter, d’un patrimoine architectural, culturel, historique ou naturel, qui permet, par un regain d’intérêt, un renouveau économique, particulièrement grâce au tourisme. Cet effort de valorisation doit comprendre, outre la rénovation, l’entretien et des aménagements locaux généralement indispensables, un plan de communication visant à faire connaître le patrimoine au public visé, dont les personnes en situation de handicap. Plus ce plan est élaboré, pertinent et complet en termes de publicité, d’activités évènementielles, voire d’ouvrages consacrés au patrimoine, plus l’afflux de visiteurs sera important et génèrera des retombées économiques multiples. C’est ce que démontre la littérature relative à ce sujet.
Nous avons pu examiner en première partie comment les principes d’un développement touristique local respectueux des secteurs de l’économie, de l’environnement et du social s’imbriquent entre eux et sont essentiels à la « mise en tourisme » d’une destination comme le Salagou-Mourèze. L’inventaire du patrimoine local conduit inévitablement à une recherche de sa valorisation, d’où l’importance des TIC, supports modernes facilitant la connaissance du lieu par tous les publics. La comparaison de deux moyens d’information et de communication de cette destination souligne l’enjeu d’une valorisation touristique du patrimoine. Nous conclurons notre propos en nous adossant à l’étude relative à l’économie du patrimoine culturel en région Languedoc-Roussillon réalisée en 2007 qui insistait sur « la mise en œuvre d’une politique patrimoniale efficace impliquant de ne pas réserver les moyens financiers à la conservation physique des monuments et musées, la gestion des grands sites, mais à organiser, dans une juste proportion :
⊸ l’attractivité / notoriété, image, (événements, expositions temporaires…) ;
⊸ la médiation (guides, moyens audio-visuels, moyens sensoriels et tactiles…) ;
⊸ l’expression (centre émetteur, lieu de recherche, de rencontres) » 20.
Sans oublier naturellement, tous les acteurs de terrains qui œuvrent au quotidien pour partager, valoriser, humaniser un environnement patrimonial auquel ils sont profondément attachés.
Les deux publications présentées éveillent admirablement la curiosité du lecteur, invité à découvrir le site Salagou-Mourèze pour en conforter l’attractivité. Ce sont de véritables supports de médiation patrimoniale pour une meilleure appréhension du site classé, tout en exprimant par de magnifiques images, illustrations et photos panoramiques interactives la beauté du site. Les liens de valorisation patrimoniale, préservation de l’environnement, mise en tourisme durable pour tous, sont au cœur des projets de développement d’une Opération Grand Site. Ils impliquent la recherche d’un équilibre entre les divers secteurs d’activité, au profit d’une gestion durable des lieux.
Bibliographie
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NOTES
1. « Pour un tourisme d’intelligence territoriale », Contribution du Réseau national des destinations départementales (Rn 2D) dans le cadre des États généraux de la démocratie territoriale. Cahiers d’acteurs RN2D, Sénat, Paris, 2012.
2. Marsat J.B., Bonniot. A., « Penser l’évolution des modèles de tourisme : complémentarité, ancrage, gouvernance et service touristique territorial ». XLVIe colloque de l’Association de Science Régionale de Langue Française (ASRDLF), Juil 2009, Clermont-Ferrand, France. ASRDLF, 11 p.
3. Développement durable selon la définition du rapport Brundtland, ONU, 10 mars 1987, Éditions du Fleuve, Québec, 1989.
4. Organisation Mondiale du Tourisme [http://www.world-tourism.org/français/framset/frame_project_ethics.htlm].
5. Hoerner J.-M., La famille Fenouillard fait son tourisme…, CIRVATH, Nîmes, 2008.
6. Journal officiel de la République française, n° 36 du 12 février 2005, page 2353, 2005, Paris.
7. La marque Tourisme et Handicap a pour objectif d’apporter une information fiable, descriptive et objective de l’accessibilité des sites et équipements touristiques en tenant compte de tous les types de handicaps afin de développer une offre touristique adaptée et intégrée à l’offre généraliste. Site https://tourisme-handicaps.org/, ATH France, Paris, 2001.
8. Midi Libre 29/09/2000, « Un grand circuit automobile européen devrait voir le jour à Lodève : 300 MF d’investissement et à la clé la création de 230 emplois ».
9. Guiraud C., Martin P., Le lac du Salagou ou le majestueux destin d’une rivière qui coule la nuit et s’évapore le jour, Livret du Clermontais, Clermont-l’Hérault, Mas des Terres Rouges, 2007.
10. Le 23 mars 2003, la Cité des sciences et de l’industrie et le Musée du quai Branly ont été chargés par le ministère de cette mission. (https://www.handicap.culture.gouv.fr).
11. Créée par décret du 7 février 2001, elle constitue une instance de dialogue et de consultation entre le ministère chargé de la culture et des personnes handicapées, les principales associations de handicapées, les personnes handicapées elles-mêmes et le milieu culturel – artistique français.
12. Laurent Alain, Agence Française de l’Ingénierie Touristique (2001), Tourisme et Handicaps : Étude de Marché de la Population Handicapée face à l’Offre Touristique Française, Paris, Guide de Savoir-faire, octobre, p. 34-38.
13. Rapport du Conseil de promotion du tourisme : 20 sur 20 en 2020, 40 mesures pour relever le défi, Ministère des affaires étrangères et développement international, 9 juin 2015, Paris.
14. Origet de Cluzeau C., Vicerat P. : Le tourisme des années 2010 : La mise en futur de l’offre, CNT, 2000, Paris.
15. Pagnon Maudet C. : Stratégies de création d’entreprise hôtelière et touristique, 8 étapes pour réussir, éditions Ellipse 2008, page50, « Votre environnement technologique, les TIC sont incontournables ».
16. Blaho-Poncé C. : Accessibilité, Tourisme et handicaps, mieux agir dans les territoires, PUP, 2013, Perpignan.
17. Guide pour le plein accès des personnes handicapées aux technologies, services et usages du numérique, Forum européen des personnes handicapés, Bruxelles, 2009 (https://www.edf-feph.org/).
18. Midi Libre, « Plongée sur le Salagou en textes et en images » de Camille Solveig-Fol, Montpellier, juillet 2015.
19. Midi libre, Clermont : une plongée dans le lac du Salagou à travers un livre électronique, https://www.midilibre.fr/2015/09/15/clermont-l-herault-salagou-planete-rouge,1213207.php.
20. Mongolfier, A., rapport sur la valorisation du patrimoine culturel, le 8 octobre 2009.