Une préoccupation majeure lors de la création des Conservateurs des antiquités
Une préoccupation majeure lors de la création
des Conservateurs des antiquités et objets d’art :
l’inventaire et la sauvegarde du mobilier diocésain
Hélène PALOUZIÉ *, Laurent HUGUES ** & Olivier POISSON ***
* Conservateur des antiquités et objets d’art de l’Hérault, DRAC Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ;
** Conservateur général du patrimoine, DRAC L-R-M-P ;
*** Conservateur général du patrimoine, Direction générale des patrimoines, Inspection des patrimoines.
[ Texte intégral ]
Dans l’intérêt de la formation du goût public,
le soin de conserver les belles choses appartient à l’État.
Maurice Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public général, 1900
Jean Nougaret a été conservateur des antiquités et objets d’art de l’Hérault de 1993 à 2003 1, cinquième conservateur à exercer cette mission, à la suite du médiéviste Robert Saint-Jean (1971-1993), maître assistant à l’Université Paul-Valéry, et des trois archivistes de l’Hérault, Marcel Gouron (1951-1971), président de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Maurice Oudot de Dainville (1925-1951), président de la Société archéologique de Montpellier, et Joseph Berthelé (1911-1925), premier conservateur des antiquités et objets d’art du département 2. Il a assuré avec tact, humour et efficacité des missions souvent délicates, en particulier dans les relations avec le clergé catholique qu’il connaissait bien. Il a ainsi été le digne successeur de ceux qui, dès la veille de la Première Guerre mondiale, ont œuvré à la préservation du patrimoine mobilier, en particulier religieux.
Conséquence de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, le service des antiquités et objets d’art, formalisé par les décrets de 1907 et 1908, a été créé sous l’impulsion de Paul-Frantz Marcou (1860-1932), qui fut l’un des principaux inventeurs de la politique de protection des œuvres d’art au titre des Monuments historiques. Archéologue reconnu pour avoir publié avec Louis Courajod le Catalogue du musée de sculpture comparée, Marcou est nommé le 1er mai 1893 inspecteur général adjoint des Monuments historiques pour les objets mobiliers, au sein de la sous-commission des antiquités et objets d’art, créée en 1891 par la commission des Monuments historiques récemment reformée (3 janvier 1889). Dès lors, il se consacre à la sauvegarde des objets mobiliers des édifices religieux 3. À la suite d’une mission en Italie en septembre 1906, relative à organisation de la surveillance des objets conservés dans les édifices religieux depuis la création des surintendances en 1902, Marcou réaffirme le rôle de ce service par la création des conservateurs des antiquités et objets d’art, le décret du 11 avril 1908 leur confiant « le soin de procéder aux recherches que comporte le classement des antiquités, œuvres d’art et autres objets visés par la loi du 30 mars 1887 ». Il met en place le réseau de « correspondants » de la commission des Monuments historiques mettant à contribution les sociétés savantes départementales pour la désignation des objets à protéger 4.
Motivés par « la crainte du brocanteur » ou par « la recherche du spécimen », le mot d’ordre fut de classer abondamment : plus de 1 200 objets ont ainsi été classés en Languedoc-Roussillon avant la loi de 1913, grâce aux conservateurs des antiquités et objets d’art. Le classement étant une réponse au risque d’aliénation irrégulière et de dilapidation (vol, vente), la loi du 19 juillet 1909 étend le classement aux objets de propriété privée (visant notamment les collections des sociétés savantes) et celle du 16 février 1912 autorise l’administration à prendre les mesures conservatoires nécessaires et ordonner, pour un objet dont la conservation in situ menace son intégrité, le transfert provisoire dans un dépôt public, musée ou cathédrale ou tout endroit sécurisé.
Dans l’Hérault, le premier objet classé, en 1897, est la cuve baptismale de Vias vendue par la fabrique, rachetée par la Société archéologique de Montpellier où elle est toujours conservée. L’œuvre majeure de la cathédrale de Montpellier, La chute de Simon le magicien de Sébastien Bourdon, est classée en 1904. En 1911, suite à la vente et au départ aux États-Unis des éléments majeurs du cloître démembré de l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert, sont classés les fragments sculptés restants qui constituent aujourd’hui le musée de l’abbaye 5, et en 1913, à la demande de son conservateur André Joubin (1868-1944), sont classés les 1 000 dessins de la collection Atger de la faculté de Médecine. En France, le nombre des objets mobiliers classés atteint 4 000 en 1905, 11 000 en 1908, 14 000 en 1911, 30 000 en 1914 et aujourd’hui, plus de 250 000 conservés sur le territoire national sont protégés. Dans l’Hérault, 7 000 objets ou ensembles d’objets sont protégés, répartis dans près de 500 édifices.
L’inventaire du mobilier diocésain : la loi du 13 avril 1908 (fig. 1)
Le Concordat de 1801 a supprimé neuf des quatorze évêchés en fonction en 1789 en Languedoc-Roussillon et leurs cathédrales emblématiques 6. Des anciens diocèses de l’Hérault, – Agde, Béziers, Montpellier, Lodève et Saint-Pons-de-Thomières –, ne subsiste que celui de Montpellier. Un siècle plus tard, la séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 supprime les établissements publics du culte – fabriques des paroisses, menses épiscopales, séminaires. Anticipant la loi de quelques mois, une circulaire du 8 juin 1905 rédigée par Marcou, invite les préfets à former des commissions départementales chargées de préparer le classement des objets des églises. En 1906, plus de 70 000 inventaires de biens des établissements supprimés sont dressés par les services des domaines dans une atmosphère électrique, où de simples mesures conservatoires donnent lieu à ce que l’on appellera « la bataille des inventaires » par la crainte de spoliation et de dispersion du patrimoine des paroisses, ce qui pose rapidement la question de la propriété des objets.
En vertu de l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il était prévu que : « les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués […] ». Mais le refus de l’Église catholique d’accepter ces dispositions, et notamment son refus de constituer les associations cultuelles auxquelles auraient été attribués les biens des établissements supprimés, vont obliger le législateur à élaborer, dans les années suivantes, toute une série de nouvelles mesures pour gérer la situation ainsi créée. Modifiant la loi de 1905, celle du 13 avril 1908, et son décret d’application du 8 décembre 1908, dite loi sur la conservation des édifices du culte, transfère la propriété des biens non réclamés par les associations cultuelles à l’État (cathédrales) ou aux communes (églises). Ils sont par conséquent imprescriptibles et inaliénables 7.
En revanche, la libre disposition des archevêchés, évêchés et grands séminaires, rendue à l’État par la loi du 2 janvier 1907 (article 14), justifie de nouveaux inventaires, ceux du mobilier diocésain, et de nouvelles mesures pour la conservation des « richesses artistiques » qui y sont conservées. Si l’État est devenu gestionnaire direct des cathédrales qu’il laisse à l’exercice du culte 8, il dispose en effet des autres monuments, évêchés, séminaires et de leurs dépendances, qui se voient attribuer d’autres fonctions ou sont même vendus.
L’évêché concordataire de Montpellier, implanté à l’angle des rues Cardinal de Cabrières et Montels, est détruit en 1936 pour faire place à la faculté des Lettres, actuellement faculté de Droit et Sciences économiques. Un nouvel évêché, appartenant cette fois en propre à l’Église, sera construit par Mgr de Cabrières en 1912, au 22 rue Lallemand dans ce quartier épiscopal (désaffecté en 2008). Dès 1906, Marcou demande l’aide des inspecteurs des travaux diocésains – c’est-à-dire les architectes locaux qui assuraient la direction des chantiers des travaux diocésains sous le régime concordataire – pour identifier les œuvres des menses épiscopales. Dans les mêmes années, un récolement est effectué dans les cathédrales. Celles-ci sont officiellement affectées à l’administration des Beaux-Arts le 4 juillet 1912.
La mission, du 28 mars 1907, de réaliser l’inventaire du mobilier et œuvres d’art des séminaires et des évêchés de France, fut confiée à Marcou « pour dresser l’état des objets mobiliers […] qu’il y avait lieu de soustraire à l’aliénation », par le ministère de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes. Près de quatre-vingt années après Prosper Mérimée (1803-1870) pour les immeubles, Paul-Frantz Marcou, pour les objets, parcourt la France de 1908 à 1911 à raison de trois à huit missions par mois. Pour réaliser pleinement sa tâche, désormais appelée « mission Marcou », il entretient une correspondance assidue alimentée de rapports précis avec ses correspondants des sociétés savantes, les conservateurs des antiquités et objets d’art, le sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts et la commission des Monuments historiques 9.
Les dépôts de l’État : mobilier légal et extra-légal (fig. 2)
Le mobilier des archevêchés et évêchés se composait de deux parties, le mobilier légal fourni par l’État et le mobilier extra-légal appartenant en propre aux menses épiscopales, provenant de dons, legs de particuliers ou d’ecclésiastiques. Bien que lacunaire, l’histoire de ce mobilier peut être retracée grâce aux archives de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine qui conserve la trace des inventaires du mobilier des évêchés et séminaires et à celles des archives départementales qui conservent aussi les procès-verbaux détaillés des dépôts effectués en bonne et due forme, ainsi que les récolements des œuvres des palais épiscopaux dûment répertoriées à chaque changement d’évêque par les services de l’État 10. Il est souvent difficile de distinguer le mobilier légal du mobilier extra-légal. En effet, toujours selon la loi du 13 avril 1908, « les œuvres d’art ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques et qui seront réclamées par l’État en vue de leur dépôt dans les musées, seront, par décret, attribuées à l’État », incluant ainsi le mobilier extra-légal.
Une mesure exceptionnelle, renouvelée par la monarchie de Juillet par l’ordonnance du 1er février 1832, concerne les crosses épiscopales et les croix de procession qui seront déposées dans les trésors de cathédrales. L’objectif est d’assurer un statut pérenne à ces objets et les meilleures conditions de conservation. C’est ainsi que la crosse épiscopale « en vermeil, du Ier Empire » de l’évêché de Montpellier est déposée à la cathédrale de Montpellier le 9 février 1909. Par ordonnance du 23 avril 1819, l’État avait pris en charge l’ameublement des archevêchés et évêchés et en assura la gestion à partir de 1823. Cet ameublement des palais épiscopaux se compose des « meubles meublants servant à la représentation, tels que glaces, consoles, secrétaires, tentures, lustres, tapis, sièges et autres objets qui garnissent les salons de réception, la salle à manger et le cabinet du prélat […], du mobilier de la chapelle de l’archevêché ou évêché […], des crosses épiscopales et des croix processionnelles des archevêques 11 ».
Ces « pièces réservées », appelées « mobilier légal » ou « mobilier diocésain », sont aliénées par les Domaines et affectées à l’administration des Beaux-Arts. Pour Marcou, « la place naturelle de ces objets est dans les bibliothèques, archives, musées. C’est la place que le gouvernement propose de leur assigner. Il n’entre pas d’ailleurs dans sa pensée d’éloigner ces objets précieux des lieux où ils étaient conservés jusqu’à l’heure actuelle 12. » Désormais propriété de l’État, ces pièces sont redistribuées dans des institutions acceptant de les accueillir, sur ordre du ministre qui désigne les établissements publics appelés à accepter de recevoir à titre de dépôt les meubles et objets réservés. En cas de refus des institutions désignées, les objets seront proposés à d’autres services publics de la ville comme les universités. Par courrier du 8 septembre 1909, l’inspection générale du sous-secrétariat d’État des Beaux-Arts s’interroge sur l’attribution des objets de l’évêché et du grand séminaire, la ville de Montpellier n’en voulant pas pour son musée. La faculté des Lettres et des Sciences pourrait en prendre un certain nombre 13.
Le procès-verbal du 10 février 1909 de remise des meubles de l’évêché de Montpellier à l’Université, faculté des Sciences, a permis de retrouver une partie des meubles diocésains parmi ceux mentionnés dans la liste « des douze fauteuils, six fauteuils dits cabriolets, deux bergères, un canapé, bois laqué blanc, garnis de damas de laine rouge, époque Louis XVI (1er salon de compagnie) ; guéridon circulaire en acajou monté sur trois pieds à têtes de bélier, bureau, console, armoire, fauteuils, époque Ier Empire ». Ces œuvres, comme celles du grand séminaire, attribuées au musée de Montpellier, ont été refusées officiellement par courrier du maire le 17 juillet 1909 14. Quatre fauteuils d’époque Premier Empire marqués de l’étiquette « mobilier diocésain », un bureau, console, armoire et un guéridon sont conservés à l’Institut de Botanique. Le salon bois laqué blanc se trouvait à une date indéterminée dans un bureau de professeur et aurait disparu…
La mémoire de ces dépôts de l’État dans les villes dotées d’un siège épiscopal est particulièrement fragile. Généralement oubliés par les actuels conservateurs de musées, d’archives ou de présidents d’université dépositaires de centaines d’œuvres attribuées à leurs institutions, ces objets ont parfois disparu par méconnaissance de leur histoire, seul leur lieu de provenance étant précisé, sans mention du dépôt de l’État.
C’est grâce à la sagacité du conservateur des Monuments historiques, alerté par M. Le Pottier, alors directeur des Archives départementales, que furent retrouvés aux Archives départementales de l’Hérault neuf des tableaux provenant du grand séminaire. Restaurés par la conservation régionale des Monuments historiques, ils ornent depuis 2002 le choretto de la cathédrale et sont classés depuis le 19 août 2005. Provenant de l’ancien séminaire de Montpellier, ils avaient été, après refus du 17 juillet 1909 du musée de Montpellier désigné dépositaire, déposés aux Archives départementales alors installées dans l’ancien séminaire, le 8 juin 1910 15. Il s’agit de Moïse sauvé des eaux (deux toiles), Moïse frappant l’eau du rocher, Les sept plaies d’Égypte, l’Adoration des bergers, l’Adoration des mages, Christ en croix entre la Vierge et saint Jean, La Vierge et l’enfant avec saint Antoine de Padoue, Portrait de Mgr Renaud de Villeneuve, évêque de Montpellier (fig. 3).
Le Moïse frappant le rocher est une intéressante répétition d’un original de Charles Le Brun, tandis que les deux autres toiles de la vie de Moïse sont signées du flamand Dirxsen, contemporain du Grand Roi. Si nous possédons les Plaies d’Égypte et le Frappement du rocher, le musée Granet d’Aix-en-Provence conserve des répétitions sur bois du Plaies d’Égypte ainsi qu’un Passage de la mer rouge dont l’original est perdu.
L’Adoration des Mages et des Bergers sont des répétitions anciennes d’après Carlo Maratta, le Christ en croix est un original en demi-grandeur du montpelliérain Antoine Ranc. La Vierge remettant l’enfant à Saint Antoine de Padoue est sans doute l’œuvre du languedocien Jean Coustou qui poursuit, sous Louis XV, un courant esthétique un peu dépassé. Le portrait de Mgr Renaud de Villeneuve, rénovateur du Grand Séminaire alors installé près de la cathédrale, est à n’en pas douter dû au pinceau d’Étienne Loÿs 16.
L’exemple du château d’Ô (fig. 4)
Repérée par Marcou en 1906, la statue en bronze de Neptune du sculpteur de Nancy Nicolas Sébastien Adam (1705-1778), du château d’Ô de Montpellier, est un exemple caractéristique de la convoitise des collectionneurs et du rôle de l’administration des Beaux-Arts dans le sauvetage des œuvres d’art provenant du mobilier concordataire, comme, malheureusement, du mécanisme de l’oubli du lien de l’objet à son monument 17. Le domaine d’Ô provenant de l’ancienne mense épiscopale, connu sous le nom de « campagne de l’évêque », – ancienne propriété de l’évêque de Montpellier Mgr Fournier (1750-1834) qui l’avait léguée à sa mort à son diocèse – fut mis à la libre disposition de l’État en vertu de la loi de 1905. En 1906, les inspecteurs généraux Marcou et Nodet, devant l’état d’abandon et de dépérissement de cette folie montpelliéraine, proposent pour sauver la statue de toute dégradation ou pillage, de la classer et de la retirer du domaine.
Après avoir été l’objet d’une bataille d’antiquaires bien documentée, cette statue, provenant à l’origine du célèbre château de la Mosson en grande partie détruit au XVIIIe siècle, devait être attribuée par l’État aux Archives départementales, mais sera réclamée par la Société archéologique de la ville. La lettre de Marcou du 3 juin 1910 à André Joubin (1868-1944), professeur à la faculté des Lettres, conservateur du musée des moulages et du musée Atger, atteste de ce changement du lieu de dépôt 18 : « […] un décret portant attribution au Ministère des Beaux-Arts de divers objets et vases décoratifs réunis au château d’Ô est actuellement soumis à la signature du président de la République. Dès que l’attribution sera chose faite, je suis tout disposé à proposer à M. le sous-secrétaired’État de désigner le musée de la Société archéologique de Montpellier pour recevoir en dépôt la statue de Neptune qui peut heureusement venir enrichir ses collections […]. L’objet appartenant à l’État, il ne peut s’agir en effet que d’un dépôt, bien qu’il ne soit dans les intentions des Beaux-Arts d’en déposséder un jour la Société à laquelle il aura été confié ». La statue est inscrite sur les registres de la Société archéologique le 11 juin 1910. Henri Michel, architecte ordinaire des Monuments historiques, la remet officiellement à son président M. Vigié, le 15 juillet 1911.
Le château d’Ô sera attribué au Département de l’Hérault par décret présidentiel du 17 mars 1911 et affecté à l’asile départemental d’aliénés de Font d’Aurelle, mais seront réservés des objets du domaine prélevés au profit de l’administration des Beaux-Arts en vertu de la loi du 13 avril 1908 et du décret du 24 juillet 1910 19 : « Groupe de Neptune et trois chevaux marins, bronze, hauteur 1m05, table de bureau (18e), Vierge à l’Enfant (18e), portrait de Monseigneur de Fumel (1790), statuette d’enfant figurant l’Hiver (18e), fût de colonne portant un cadran solaire (18e), 4 vases, corbeilles de fruits et fleurs (18e), 2 vases sans couvercles (Louis XV), 2 vases sur socles (Louis XV), 2 vases sur socles (Louis XVI), 2 grands vases avec couvercles (Louis XV) ». En fait, ces objets ne seront jamais versés aux Archives, selon une note manuscrite du conservateur des antiquités et objets d’art Joseph Berthelé : « Le mardi 16 janvier 1912, je signe le PV de remise… en attendant que le service des Monuments historiques me fasse apporter les objets.[…] Le service des Monuments historiques n’a versé aux archives départementales aucun objet mobilier du château d’Ô : confirmé par mon entretien avec M. Michel, architecte des Monuments historiques, le 18 mai 1923 20. »
Conséquence de la loi de 1905, la loi de 1908 précise que « L’État, les départements et les communes pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété est reconnue par la présente loi ». Cette mise en place juridique progressive conduit à l’élaboration de la nouvelle loi sur les Monuments historiques, promulguée le 31 décembre 1913 et encore en vigueur aujourd’hui. Comme le rapporte Jean-Michel Leniaud, plus d’un siècle après les saisies révolutionnaires, l’État, dans un souci d’appropriation et par la charge historique qu’elles lui attribuent, ne peut ignorer que « la responsabilité qu’il prend dans la conservation des grands monuments du pays lui en crée une autre, celle de grand réparateur 21 ».
NOTES
1. Le conservateur des antiquités et objets d’art (CAOA) est un agent indemnitaire de l’État, placé sous l’autorité des préfets de chaque département et depuis leur création sous la tutelle scientifique des Directions régionales des Affaires culturelles (DRAC). Les DRAC sont créées par André Malraux, par la circulaire du 23 février 1963, mais il faudra attendre la loi du 31 janvier 1977 et le décret du 8 février 1977 signés par Françoise Giroud pour que soit officialisée la création des DRAC.
2. Cf. Archives de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP), Paris. Palouzié, Hélène, « La collection Atger Monument historique : regards sur l’histoire de sa protection ». Dess(e)ins d’un collectionneur (catalogue d’exposition). Bibliothèque universitaire de médecine de Montpellier, 2013, p. 13-16.
3. Palouzié, Hélène, « La protection, un outil de reconnaissance et de conservation », Monuments en mémoire. Regards sur l’objet Monument historique en Languedoc-Roussillon. Collection Duo, DRAC Languedoc-Roussillon, 2013, p. 18-49. Kagan, Judith, « Paul Frantz Marcou (1860-1932) », dans Bady, J.-P., Cornu, M., Fromageau, J. et Leniaud, J.-M. (dir.), 1913. Genèse d’une loi sur les Monuments historiques, Paris, 2013, p. 423-424.
4. J.O., 29 avril 1908, p. 3018-3019. La loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques venue conforter la loi du 30 mars 1887 prévoit notamment le classement des objets mobiliers privés, avec l’accord de leurs propriétaires, l’imprescriptibilité de tous les objets mobiliers classés, l’inaliénabilité des objets classés appartenant à l’État et aux autres personnes publiques (sauf, pour ces dernières, au profit d’une autre personne publique), l’obligation de notification de l’aliénation au ministre, le récolement quinquennal des objets classés et l’interdiction de leur exportation. Contrairement à la loi de 1887, et à la différence du code civil, la loi de 1913 rattache les immeubles par destination au régime des objets mobiliers, et non à celui des immeubles par nature. Cf. Palouzié, Hélène (dir.), Icônes et idoles, Arles, Actes Sud, 2008.
5. Palouzié, Hélène et Mallet, Géraldine (dir.), Le cloître de Saint-Guilhem-le-Désert, Arles, Actes Sud, 2009. Courrier du 10 mars 1911 de Paul-Léon, directeur général des Beaux-Arts à Henri Nodet, qui sera également l’architecte de l’évêque de Montpellier Mgr de Cabrières, pour la construction du nouvel évêché en 1912.
6. Nougaret, Jean et Poisson, Olivier, « Les villes et leur cathédrale », Monuments historiques, mai-juin 1993, n° 187 consacré au Languedoc Roussillon, p. 29-35.
7. La cessation de cette situation ne peut être prononcée que par arrêté préfectoral (décret n°70-220 du 17 mars 1970 portant déconcentration en matière de désaffectation des édifices cultuels) à la demande du conseil municipal et avis écrit du clergé affectataire (évêque du diocèse, président de l’association diocésaine).
8. L’État est aujourd’hui propriétaire de quatre-vingt-sept cathédrales (ainsi que de la basilique Saint-Nazaire à Carcassonne et de l’église Saint-Julien à Tours). Ces édifices ont été confiés au ministère chargé de la culture.
9. MAP, Mss 4° doc 218.
10. Les dépôts de l’État antérieurs à 1910, encore présents aujourd’hui dans les musées labellisés musées de France, peuvent donner lieu à des transferts de propriété envisageables à la demande du dépositaire (loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France).
11. Duvergier, J.-B., Lois, décrets, ordonnances, réglemens…, Paris, Guyot et Scribe, 1819, p. 122-123. Cité par Aubert, Jean, « La séparation des Églises et de l’État et ses conséquences sur les collections publiques », Les dépôts de l’État au XIXe siècle, Paris, Ministère de la culture et de la communication/musée du Louvre, 2008, p. 184-189.
12. Cité par Kagan, Judith, « La loi du 9 décembre 1905 et la conservation du patrimoine mobilier protégé “au titre des Monuments historiques”. Une genèse », dans Desmoulins-Hémery, S. et Palouzié, H. (dir.), Regards sur les églises de France, Actes du colloque des conservateurs et antiquités et objets d’art de France, Arles, Actes Sud, 2006, p. 19-46. MAP 80/4/1, 11e dossier, note au ministre non datée. MAP_80/7/5 ; MAP Mss 4° Doc 218.
13. Arch. dép. Hérault, 2 Q 233.
14. Arch. dép. Hérault, 3 T 12, une note manuscrite de Berthelé, du 12 août 1911, informe du dépôt aux archives du mobilier extra-légal de l’évêché : une chaise à porteur garnie de cuir vert à décor peint, initiales D.S. de la fin de l’époque Louis XVI, un haut-relief de couronnement de Dieu le Père du XVIIIe siècle et un couronnement en bois sculpté d’époque Louis XIV. Ces objets se trouvent toujours aux Archives départementales de l’Hérault.
15. Arch. dép. Hérault, 3 T 12 : 04 octobre 1910. Le sous-secrétariat d’État aux Beaux-Arts informe M. le Préfet du procès-verbal de remise des objets offerts à la ville de Montpellier, du refus de la Ville et de la proposition de les offrir aux Archives départementales auxquelles le grand séminaire vient d’être affecté. L’archiviste M. Berthelé est disposé à les accepter.
16. Un intéressant ensemble de gravures, de même provenance et propriété est toujours déposé aux Archives départementales de l’Hérault.
17. L’histoire de cette statue a été retracée dans une étude conjointe avec Catherine Ferras à l’occasion de la publication sur le château. Ferras, Catherine, Le château d’Ô, histoire d’une folie montpelliéraine, Montpellier, Éditions Presses Pierres Vives, 2013, 271 p.
18. Archives de la Société archéologique de Montpellier. Voir aussi Arch. dép. Hérault, 3 T 12. Arch. dép. Hérault, 8 V 26. André Joubin sera à partir de 1915, conservateur du musée Fabre, avant d’être en 1918 directeur de la bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet.
19. Arch. dép. Hérault, 2 Q 233 : procès-verbal du 28 juin 1911. Arch. dép. Hérault, 3 T 12. Le décret du 24 juillet 1910 concerne le dépôt dans les musées de province d’œuvres d’art appartenant à l’État publié au Journal officiel le 7 octobre 1910. Pour « les immeubles bâtis, autres que les édifices de culte et qui appartenaient aux menses épiscopales, aux chapitres et séminaires, seront attribués par décret, soit à des départements, soit à des communes, soit à des établissements publics pour des services d’assistance ou de bienfaisance ou des services publics » (loi 13 avril 1908).
20. Arch. dép. Hérault, 3 T 12.
21. Leniaud, Jean-Michel, dans Bady, J.-P., Cornu, M., Fromageau, J. et Leniaud, J.-M. (dir.), 1913. Genèse d’une loi…, op. cit., p. 29. La loi du 13 décembre 1920 élargit aux objets mobiliers la possibilité de prendre une instance de classement ou un classement d’office, que la loi de 1913 avait réservée aux immeubles. La loi du 23 décembre 1970 et ses deux décrets d’application de 1971 instituent l’inscription des objets mobiliers publics et les commissions départementales des objets mobiliers, et réforment les missions des conservateurs des antiquités et objets d’art. L’ordonnance du 8 septembre 2005, modifiant le code du patrimoine du 20 février 2004, étend à compter de 2007 la faculté d’inscrire les objets mobiliers aux objets privés, sous réserve cependant de l’accord écrit de leur propriétaire. La loi Liberté, Création, Architecture et Patrimoine, en discussion depuis 2015 et qui vient d’être adoptée en juin 2016, permettra de classer des ensembles historiques, reconnaissant ainsi le lien qui unit les objets au lieu où ils sont conservés.