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Description

Une idylle interrompue par la guerre, Lettres d'amour à Christine Vialars (1795-96)

Joseph-Secret Pascal, dit Vallongue

Joseph-Secret Pascal,
dit Vallongue

L’auteur de ces lettres d’amour, non signées (sauf la dernière par les deux lettres PV), est resté inconnu à la famille qui les a longtemps conservées. Elle savait qu’elles émanaient d’un officier du Génie affecté à l’armée du Rhin, que la destinataire en était Christine Vialars, née à Montpellier en juin 1757, fille d’un négociant en cotonnades et indiennes (protestant et maçon) Pierre Vialars (décédé en 1770), demeurant place Notre-Dame (où la maison familiale existe toujours) et qu’elle était donc sœur benjamine de l’épouse de Jacques-Antoine Mourgue, et partant tante de Scipion Mourgue, l’auteur du Journal de voyage en Italie, à qui à sa mort elle a légué ces lettres. Une lecture attentive de ces lettres m’a très vite permis de percer l’identité du scripteur : Joseph-Secret Pascal, dit Vallongue, futur général d’Empire.

Né à Sauve (Gard), en avril 1763, troisième fils d’un père juge-viguier de la ville, brillant élève (au Collège de Montpellier alors tenu par les Oratoriens ?), il entre en 1784 à l’école régionale des Ponts et chaussées de Toulouse, puis de janvier 1788 à octobre 1792 à celle de Paris, tout en étant formellement affecté comme ingénieur stagiaire auprès des Etats de Languedoc. Où a-t-il rencontré Christine ? Selon le Précis de la vie de Jules Mourgue, dernier fils de Jacques-Antoine et de Jeanne Vialars, qui le rencontra en 1799 au Lazaret de Toulon, il était « un vieil ami de la famille ». Son origine languedocienne a sans doute facilité ses contacts avec les Mourgue, lorsque Jacques-Antoine et les siens s’installent à Paris, à la fin de 1786. Christine, célibataire, aurait alors rejoint sa sœur aînée et c’est peut-être dans le salon des Mourgue que leur première rencontre eut lieu. Mais ce serait au cours d’un séjour à Sauve (voir lettre 32) que s’ébauche leur idylle. Pourtant leur mariage ne se fait pas immédiatement, sans doute en raison d’oppositions familiales au caractère « avancé » des idées du jeune homme et de leur différence d’âge. Dès sa sortie de l’Ecole des Ponts, il participe en effet à l’organisation du camp des Fédérés, à Saint-Denis, en octobre 1792, puis est chargé par le département de l’Aisne de fortifier les rives de l’Oise autour de Guise. Célibataire requis (en vertu du décret du 24 février 93), il est ensuite affecté, fin mai 94 (2 messidor an 2), comme capitaine du Génie à l’année du Nord et participe aux sièges des places fortes de la frontière (Landrecies, Le Quesnoy, Valenciennes). Promu chef de bataillon en novembre 94 (18 brumaire an 3), il dirige la démolition des forteresses de Charleroi et de Namur. Lorsque commence cette correspondance lacunaire (les douze premières lettres sont perdues, ainsi que la dix-septième), il est, depuis avril 1795, en poste à l’armée du Rhin, sous les ordres du colonel du Génie Chasseloup-Laubat, pour le second siège de Mayence (commencé en octobre 1794 et levé par Pichegru à la fin d’octobre 1795).

Ses lettres d’amour témoignent d’abord de son engagement profondément républicain (voyez la lettre 16), ce qui l’oppose déjà à sa « bonne amie » plus monarchiste, et de son hostilité générale aux innombrables fripons, notamment aux commissaires des guerres qu’il dénonce dans un mémoire au Directeur Carnot, en avril 1796. Mais elles témoignent aussi et surtout d’un style amoureux enflammé et néanmoins toujours pudique, nourri de la Nouvelle Héloïse, dont il emprunte les formes (exclamatives, interrogatives, plaintives, dialoguées et parodiques, parsemées de points de suspension), le lexique (douces chimères, âme sensible, union des cœurs, épanchement des âmes, bien-être et félicité, séparation de deux cents lieues, adieu ma bien aimée, etc) et les travers (récit-interprétation des songes, partage des sentiments, croyance à l’Être Suprême ou désir de la vie champêtre loin des agitations du monde).

Incontestablement Joseph-Secret a une « plume », il aime écrire et raconter les épisodes de sa vie militaire ; on apprend d’ailleurs au fil des lettres qu’il compose à loisir un roman épistolaire « l’Albin », dont il envoie les cahiers successifs à sa chère Christine. L’idylle s’achève pourtant brusquement, quand l’amant, qui a trop tardé à prendre la route du Piémont quand il en a reçu l’ordre, en mars 96, doit rejoindre directement son nouveau poste sans passer par Montpellier. Probablement poussée par sa sœur Marie (décédée peu de temps après, en frimaire an 7, Christine renonce alors, à 39 ans, à un mariage sans cesse repoussé et se condamne ainsi au célibat définitif. Elle est morte à Paris à l’âge de 87 ans, recueillie par son neveu Scipion Mourgue. Son ancien amant dépité, poursuit sa carrière militaire en Italie, à Corfou, en Egypte (prisonnier des Anglais à Aboukir, puis des Turcs à Constantinople, il est rapatrié en France par le commodore Sidney Smith, dont il a su émouvoir l’épouse par une lettre en vers décrivant sa condition sordide). Promu chef de brigade à son retour en France, en décembre 1799, il est successivement sous-directeur (7 germinal an 8), adjoint au directeur (6 fructidor an 9), puis directeur des fortifications (3 frimaire an 10) au ministère de la Guerre et enfin affecté, à la demande de Berthier, à l’état-major de l’armée des Côtes de l’Océan, en février 1804. Chevalier de la Légion d’Honneur dès décembre 1802, officier en juin 1804, il est promu général au lendemain d’Austerlitz (4 nivôse 14, 25 décembre 1805), bataille à laquelle il a participé et dont il a laissé un journal abrégé. Il est ensuite affecté à l’armée de Naples, mais mortellement blessé d’un éclat d’obus à la tête au siège de Gaète, en juin 1806, il décède quelques jours plus tard à l’hôpital de Castellone, à l’âge de 43 ans. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2010

Nombre de pages

41

Auteur(s)

Serge CHASSAGNE

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf