Description
Une épidémie qui s’éteint en Vivarais : La peste de 1721
Malgré les mesures prophylactiques particulières et la ligne de blocus installée contre le Rhône, de Viviers au delta du fleuve, au début d’août 1720, la peste qui ravage Marseille saute brusquement à l’automne en Languedoc. A-t-elle été apportée comme certains le pensent par un galérien de Marseille ou par des ballots d’étoffes contaminées en provenance du port pestiféré ? On ne le saura jamais sans doute : toujours est-il que dès novembre 1720 la peste éclate à Corréjac, hameau du Gévaudan, puis à la Canourgue, bourgade proche. Pendant l’hiver, le blocus de Corréjac et de la Canourgue arrête un moment l’épidémie qui reprend dès le printemps : la peste est en mai 1721 à Marvejols, elle est à Mende en août, et peut-être dès juillet. Début août on bloque le Gévaudan ; puis le 20 août on bloque aussi une partie du Velay et du Vivarais pour éviter la propagation la ligne de défense s’appuie sur les frontières du Rouergue, où commande l’énergique Berwick, sur le Tarn, et par Villefort remonte l’Allier et atteint Monistrol, puis vers l’ouest, Saugues. Sur le Tarn et en Rouergue, la ligne est sévèrement gardée et la peste ne passe pas. Le Tarn constitue même une sorte de mur de la peste, infranchissable. La contagion ne dépasse pas Sainte-Énimie, et d’Ispagnac elle glisse vers Biesset et Quesac sans franchir la rivière. En revanche, de Pradelles à Villefort, la surveillance n’a pas été bonne et la ligne est percée dans l’été 1721 quand déjà, de hameau à hameau, l’embrasement du Gévaudan est total. En juillet et août, l’épidémie gagne la partie orientale du diocèse de Mende par les hautes vallées du Lot et du Chassezac. Elle est introduite en Vivarais dès le début d’août et on distingue 3 foyers.
C’est au moment où l’épidémie a enflammé Mende et Marvejols que l’architecte de l’abbaye des Chambons, Tabar, fait venir de Marvejols sa femme et six ouvriers maçons avec l’assentiment du prieur de l’abbaye ou du sous-prieur. Partis le 2 ou 3 août, ils passent la ligne de blocus en formation en toute tranquillité, et arrivent aux Chambons le 5 août. Un des maçons au moins était pestiféré, il meurt le 11, mais l’affaire est cachée. Le « maçon est enterré sourdement […] et ses habits coulés à fond sous le poids de quantité de pierres dans une retenue d’eau ou ruisseau qui coule le long de lad. abbaye ». Le 13 août, un valet tombe malade et meurt. Le subdélégué Dumolard l’apprend et envoie deux officier enquêter selon le médecin de l’abbaye, ces morts sont naturelles. Le maçon est mort d’une pleurésie qu’il avait contractée en buvant « à une fontaine fort fraîche sur le chemin de Marvejols aux Chambons ». Le valet avait une tumeur dont il est décédé. Pourtant les deux officiers trouvent l’architecte Tabar malade « attaqué à la poitrine ». Le 12 septembre, Rambion, commandant les troupes en Vivarais, fait appel des « moines et des autres personnes qui se portent bien », excepté Tabar qui aurait des « tumeurs aux jambes » : ce sont certainement des bubons. Rambion ordonne le blocus de l’abbaye. C’était bien la peste qui était aux Chambons : les morts reprennent. « Cinquante et une personnes de tout sexe se trouvent dans le blocus et ont été effrayées de la mort du prieur, de deux religieux et deux charpentiers depuis le 6 octobre […]. Un médecin et un religieux ont tenté de s’évader […] ». Le blocus énergique tient jusqu’au 15 décembre 1722. La peste n’est pas sortie de l’abbaye et de la ferme du Bez. Avec un meunier qui est mort avant le 22 septembre, on dénombre officiellement huit morts. Mais est-ce tout ? A la fin du blocus, en décembre 1722, il y avait encore 45 personnes comprises dans le blocus. Du 14 octobre 1721 au 15 décembre 1722, il serait donc mort encore six personnes. Avec les huit morts déclarés, au total il y aurait eu quatorze pestiférés décédés. Au commencement du blocus, il y avait 59 personnes la mortalité atteint 23,7 %.
Dans la deuxième quinzaine d’août, de Langogne à Villefort, la surveillance du blocus est particulièrement difficile et le brigadier de Rothe ne se flatte pas de pouvoir aussi bien la garder que sur le Tarn « ligne naturelle […] plus aisée à garder que la pleine campagne et les montagnes […] ». Les évènements confirment ces appréhensions vers la fin d’août, aux alentours de la date de formation du blocus du Gévaudan, des moissonneurs, venus par Langogne, arrivent à Jaujac où ils font un récit apocalyptique de ce qu’ils auraient vu à Marvejols : les chiens déterraient les cadavres des pestiférés pour les dévorer et traînaient leurs os à travers la campagne y semant l’épouvante. Vers le 20 août, la porosité de la ligne se vérifie encore : un muletier de Bergougnon, en Gévaudan, Jean Tourre, passe la ligne à […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1984 |
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Nombre de pages | 6 |
Auteur(s) | Alain MOLINIER |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |