Revue Etudes Héraultaises n°56, Un siècle de radiologie à Montpellier, Jean-Paul SÉNAC et Elysé LOPEZ

Un siècle de radiologie à Montpellier

* Professeur émérite à la Faculté de Médecine de Montpellier
** Docteur en médecine-Spécialiste en radiodiagnostic

Introduction

Plus d’un siècle, et même plus de cent-vingt ans, se sont aujourd’hui écoulés depuis que la main de Madame Roentgen a impressionné par mégarde la plaque sensible que son mari physicien avait laissée trainer sur son bureau. Plus de cent-vingt ans sont passés depuis que ce contact fortuit a permis au Professeur Wilhelm Roentgen la découverte des Rayons X et a bouleversé toute la communauté scientifique et médicale à la fin du dix-neuvième siècle. Il a donné naissance à la radiologie qui a littéralement doté de la vue un exercice médical aveugle jusqu’alors.

Montpellier et ses médecins, dont la tradition est aujourd’hui huit fois centenaire, ont non seulement adhéré très vite à cette prodigieuse technique d’exploration mais ont souvent été les initiateurs de sa pratique dans plusieurs domaines. Ils ont ainsi pris part à la longue marche, semée d’obstacles, ayant permis à la radiologie d’atteindre la position de premier plan qu’elle occupe aujourd’hui.

L’âge des auteurs de ces lignes leur a permis de connaître les deux époques de leur discipline : celle, ancienne, de la fin du temps des pionniers qui, à Montpellier comme dans d’autres villes universitaires, s’illustrèrent dans ce qu’on appelait l’« Électroradiologie », mais aussi l’époque moderne, celle de l’« Imagerie médicale », à partir du fabuleux tournant technologique des années 70 et 80, qui aboutit à la constitution du vaste arsenal diagnostique dont dispose aujourd’hui la médecine. Ces progrès techniques continuent de se développer à l’aune des progrès de l’informatique.

Ce témoignage parait d’autant plus utile que cette spécialité doit désormais relever les nouveaux défis que lui lance son deuxième siècle d’existence, et tout particulièrement celui de l’intelligence artificielle 1.

Le temps des pionniers montpelliérains

Le temps des pionniers montpelliérains

Pr Armand IMBERT (1850-1922). (Coll. privée)
Fig. 1 Pr Armand IMBERT (1850-1922). (Coll. privée)

Dès les débuts de la radiologie, se manifestèrent la vitalité et la réactivité des maîtres montpelliérains. Alors que la première publication de Roentgen ne datait que de décembre 1895, c’est deux mois après, en février 1896, que l’hôpital Saint-Éloi de Montpellier ouvre son premier service d’électroradiologie sous la houlette des Professeurs Imbert et Bertin Sans qui devinrent ainsi les grands anciens de la discipline.

Armand Imbert (1850-1922), Docteur es-sciences physiques et Docteur en médecine, Agrégé de physique médicale (1883), titulaire de physique à l’École Supérieure de Pharmacie (1889) et de la chaire de Physique Médicale à la Faculté de Médecine, dispose de locaux à l’Hôpital suburbain Saint-Éloi et d’une antenne à l’Hôpital Général (futur Saint-Charles). Médecin du travail avant la lettre, il évalue la pénibilité des postes de travail, s’intéresse aux maladies professionnelles, aux accidents du travail, à l’hygiène des conditions de travail, et procède à des expertises pour indemnisation grâce à la radiographie. Faisant partie du mouvement catholique social, il joue un rôle politique comme conseiller municipal à Montpellier, proche de la gauche mais non inscrit. Il fait une campagne pour l’hygiène oculaire des élèves des établissements scolaires de la ville. Défenseur des ouvriers, il milite pour la journée de huit heures. Ce bienfaiteur et humaniste a rencontré Pie X en 1909. (Fig. 1)

Henri Bertin Sans (1862-1952). Assistant pendant vingt ans du Professeur Imbert, Docteur en médecine, Licencié en sciences physiques et Professeur Agrégé d’hygiène à la Faculté de Médecine de Montpellier, utilise surtout les rayons X pour étudier les structures osseuses, et participe en 1904 au premier Traité de radiologie médicale dirigé par Charles Bouchard qui avait ouvert en 1897 le premier service de radiologie à l’Hôpital de La Charité à Paris. (Fig. 2)

Henri BERTIN SANS (1862-1952). (Coll. privée)
Fig. 2 Henri BERTIN SANS (1862-1952). (Coll. privée)

L’histoire de la radiologie à Montpellier commence donc avec ces deux praticiens. Une plaque commémorative de la création du premier service d’électroradiologie en février 1896 était encore récemment posée à l’entrée du Service de radiologie de l’Hôpital Saint-Éloi et a été déplacée à l’entrée du Service de neuroradiologie de l’hôpital Gui de Chauliac.

Pendant les six premiers mois, ces précurseurs abattirent un travail énorme. Ils effectuèrent de nombreux travaux scientifiques destinés à améliorer les techniques et donc les images radiologiques obtenues, produisirent de nombreuses publications et des articles de vulgarisation scientifique. Même s’ils ont équipé une salle de radiologie à l’Hôpital Suburbain (futur Saint-Éloi), leurs principaux travaux ont lieu à la Faculté de Médecine (où Bertin Sans est Chef de travaux dans le service d’Imbert) et sont essentiellement tournés vers l’exploration osseuse. Ainsi, lors de l’année 1896 sont explorés 291 malades et 571 examens sur 596 portent sur le squelette. D’autres travaux, comme partout ailleurs en France et dans le monde, sont consacrés à des curiosités et des amusements : les radiographies de chaussures, de coquillages, de montres, rivalisent avec celles d’animaux, chiens, chats, poulets, oiseaux, etc.

Un deuxième service de radiologie, dirigé par le Dr Louis Parès fut crée en 1911 à l’Hôpital Général, futur Hôpital Saint-Charles aujourd’hui disparu. Louis Parès ouvre aussi en ville une clinique privée de radiodiagnostic et radiothérapie, rue Marceau, dans un très bel hôtel particulier dont les jardins donnent sur le Cours Gambetta.

Jacques-Louis Pech (1889-1978) succède en 1922 à la chaire de Physique à Armand Imbert parti à la retraite. Pionnier de la discipline de biophysique, il contracta en laboratoire de nombreuses lésions cutanées dues aux radiations. La même année 1922 le chirurgien Émile Forgue ouvre dans les salles militaires de l’hôpital Saint-Éloi (dans des locaux aujourd’hui intégrés dans l’Institut des Maladies Digestives) un embryon de Centre anticancéreux où se pratiquaient déjà des traitements par rayons X.

Les premiers « médecins radiologues »

Pr Paul LAMARQUE. (Coll. privée)
Fig. 3 Pr Paul LAMARQUE. (Coll. privée)

Deux personnalités incarnent l’essor de la radiologie montpelliéraine entre la fin des années 1920 et le début des années 1970.

Paul Lamarque (1894-1970) (fig. 3) a été pendant plusieurs décennies la grande figure de la radiologie montpelliéraine. Né à Bazas (Gironde), en bordure du Sauternais et de la forêt landaise, il s’inscrit en 1913 à la faculté des Sciences de Bordeaux et, en 1914, en 1ère année de médecine. Appelé sous les drapeaux en juillet comme soldat de 2e classe, il est un des rares rescapés de la section d’assaut de la crête des Éparges près de Verdun et termine en tant qu’infirmier une guerre qui façonnera pour toujours ses opinions politiques, sociales et religieuses. En 1919, il réintègre la médecine et devient l’élève puis l’assistant du Pr. Jean Bergonié, alors titulaire en France de la seule chaire de Physique Médicale Radiologique et d’Électroradiologie. Paul Lamarque rencontre déjà à Bordeaux des manifestations d’ostracisme et de mépris exercées envers les radiologues par les cliniciens, médecins et chirurgiens, état d’esprit qui accompagnera la radiologie française jusque dans les années 80. Paul Lamarque prépare le certificat de Mathématiques et Physique Générale et l’agrégation de Physique Médicale où il est reçu premier en 1923.

Paul Lamarque choisit alors Montpellier. Succédant rapidement au Professeur J.-L. Pech, il débute une carrière hospitalo-universitaire brillante ainsi qu’une carrière privée tout aussi satisfaisante. Il est en effet professeur de physique médicale à la Faculté de Médecine et électroradiologiste à l’hôpital Saint-Éloi, et ouvre simultanément un cabinet privé d’électroradiologie, situé 5, passage Lonjon, dans un appartement jouxtant la place de la Comédie, à côté de l’actuel cinéma Gaumont, siège autrefois des Galeries Lafayette.

En 1924, le professeur Émile Forgue, chirurgien célèbre à Montpellier, inaugure en présence de Jean-Alban Bergonié 2, Claudius Regaud 3, Gustave Roussy 4 et Paul Strauss 5, les cinq premiers lits consacrés aux cancers dans le service des militaires de l’hôpital Saint-Éloi. Paul Lamarque, chargé de la radiothérapie dans ce service, en devient progressivement le responsable et le gestionnaire dynamique.

Paul Lamarque établit les plans du futur Centre anticancéreux Curie qu’il installe sur un terrain cédé par l’Hôpital Saint-Éloi (ces bâtiments abritent aujourd’hui le Service de Dermatologie). Il est nommé en 1939 directeur du Centre Anticancéreux qui passe progressivement de 100 lits à 250. Appelé à en rester le directeur pendant vingt-quatre ans, il crée selon sa vision un centre pluridisciplinaire en un lieu unique où chercheurs, chirurgiens, radiothérapeutes et anatomopathologistes se côtoient et travaillent ensemble. Il fonde aussi la médecine nucléaire en confiant sa responsabilité à un pharmacien, M. Thibaud qui installe son laboratoire dans les sous-sols du Centre Curie. Paul Lamarque établit dès la fin de la guerre en 1945 une consultation de carcinologie, rapidement fameuse. À la même époque, moins d’un an après la Libération, Paul Lamarque fut envoyé en Amérique du Nord par les Ministères de la Santé, de l’Éducation et des Affaires Étrangères conjoints afin de visiter les grands centres de physique nucléaire. Il passa plus de huit mois aux États-Unis et au Canada où il entra en contact avec tous les grands noms américains de l’époque, médecins, physiciens et chirurgiens spécialistes du cancer.

Paul Lamarque remplit dès 1938 ce qu’on appellera vingt ans plus tard les trois fonctions ou « missions » fondamentales des médecins « temps plein » à l’hôpital ; Soins (à l’hôpital ou en libéral), Enseignement (à la Faculté et à l’Hôpital au lit du malade) et Recherche (aux laboratoires de la Faculté et de l’Hôpital). Il termine en 1942 un travail majeur qui deviendra la bible de tous les radiologistes et radiothérapeutes européens : Bases physiques et biologiques de la Roentgentherapie. Mais il ne néglige pas le diagnostic en l’enseignant à de nombreux étudiants et en rédigeant un ouvrage remarquable sur la sémiologie radiologique appelé Précis de radiodiagnostic.

En tant que chercheur, Paul Lamarque invente l’historadiographie et travaille sur la restauration cellulaire. Il installe au Pavillon Curie la première bombe au cobalt et le premier bêtatron. Il s’implique dans la mutation des Centres de Lutte contre le Cancer auxquels l’Ordonnance d’octobre 1945 accorde l’autonomie en supprimant leurs attaches administratives avec l’Université et leur dépendance des Hôpitaux pour leur gestion.

Paul Lamarque fut nommé professeur de cancérologie en 1955 et Président de l’Association Française pour l’Étude du Cancer l’année suivante. Sa notoriété (il était en particulier célèbre pour avoir soigné la Reine Hélène d’Italie) et son dynamisme firent de l’école montpelliéraine une référence pour la formation de radiologistes et radiothérapeutes qui s’installeront dans l’Europe entière, sur le pourtour méditerranéen et en Amérique du Nord, jusqu’au Québec. Juste avant sa disparition en 1970, il eut la satisfaction de voir sa discipline scindée en radiothérapie-cancérologie d’une part et électroradiologie d’autre part, cette dernière étant devenue radiodiagnostic à visée clinique. Cette orientation clinique du radiodiagnostic correspondait bien à une idée qu’il avait défendue seul, avec trente ans d’avance.

Le Pr Paul Lamarque décoré de la Légion d'Honneur, entouré de ses élèves et collaborateurs sur les marches du Pavillon Curie (1957). (Coll. privée)
Fig. 4 Le Pr Paul Lamarque décoré de la Légion d'Honneur, entouré de ses élèves et collaborateurs sur les marches du Pavillon Curie (1957). (Coll. privée)
Pr Pierre BÉTOULIÈRES. (Coll. privée)
Fig. 5 Pr Pierre BÉTOULIÈRES. (Coll. privée)

Pierre Bétoulières (1907-2000) (Fig. 5) né à Valence d’Agen (Tarn et Garonne), accomplit de brillantes études à l’Institut Saint-Théodore de Montauban puis vint étudier la médecine à Montpellier en 1926, complétant ses études par un certificat de mathématiques générales en 1927. Interne des Hôpitaux de Montpellier, il soutient en 1934 une thèse sur la radio-anatomie de l’œsophage normal devant un jury présidé par le professeur d’ORL Louis Terracol. Auprès de Paul Lamarque, il devient chef de laboratoire d’électroradiologie à la Faculté, et chargé en 1935 des mesures physiques des rayons X au Centre Régional de Lutte contre le Cancer (CRLC). Il entre en même temps au cabinet de radiologie privé, rue Boussairolles, en collaboration avec Paul Lamarque. Il devient ensuite chef de service du CRLC pour la curiethérapie, puis en 1953, à 46 ans, il sera nommé professeur agrégé d’électroradiologie à la Faculté. Il sera par la suite chef des deux services de radiologie, celui des Cliniques Saint-Charles et celui de l’Hôpital Saint-Eloi, mais s’occupera surtout du premier en déléguant à des collaborateurs comme Francis Jaumes l’activité du second où il ne se rendait qu’une à deux fois par semaine jusqu’au début des années 70.

En tant que chef de service de radiologie, Pierre Bétoulières eut longtemps la responsabilité de tout le matériel d’électrologie installé dans les hôpitaux de Montpellier (y compris dans ce qu’on appelait alors l’Asile psychiatrique Font d’Aurelle, futur hôpital La Colombière), qu’il s’agisse des électrochocs, des électro-phonogrammes, des traitements diathermiques, des électrodiagnostics de stimulation, des appareils de radiologie portables, etc.

Les quatre décennies de l’Électroradiologie

Après les tâtonnements du début du siècle et au cours de quatre décennies (de la fin des années 1920 au début des années 70) Paul Lamarque et Pierre Bétoulières, accompagnés de leurs nombreux élèves (comme Pierre Leenhardt, Michel Pélissier, Francis Jaumes, Robert Paleirac, Charles Giraud, Louis Constantin, Guy Voisin, Simone Lamarche, André Cazejust, et Jacques Petit) vont développer à Montpellier les nombreuses techniques de l’électroradiologie.

La radiologie osseuse et pulmonaire

Elle constituait la plus grande partie de l’activité des services et des cabinets de radiologie, effectuée par des assistants techniques formés « sur le tas » à une époque où n’existaient pas les écoles de manipulateurs. Les radiologues interprétaient ensuite ces examens à partir des films développés en laboratoire et séchés pendant plusieurs heures au cours de la nuit suivante. Les examens n’étaient donc remis au patient ou au service hospitalier demandeur que le lendemain, dans le meilleur des cas (sauf dans les rares procédures d’urgence, comme en traumatologie, où l’on pouvait remettre des clichés « mouillés » au sortir des bains de développement).

Les opacifications viscérales

Elles permettaient l’étude des organes, à l’aide de substances opaques introduites directement ou éliminées après injection intraveineuse par les voies d’excrétion biliaires ou urinaires qu’elles rendaient ainsi opaques aux rayons X :

  • L’étude du tube digestif utilisait le carbonate de bismuth et le sulfate de baryum, tous deux de grande densité. Le sulfate de baryum, ou « baryte », n’ayant pas de toxicité sera largement et longtemps utilisé sous forme d’émulsion, de lait ou de pâte, directement mélangé à des aliments ou dans du liquide dilué. Ces « repas opaques » ou « transits œsophagiens et gastro-duodénaux » seront longtemps radioscopiques et deviendront ensuite radiographiques, analysant les déformations, les lacunes et les images « d’addition » sur les contours muqueux. Pour le côlon, le produit de contraste baryté était administré par lavement dans des conditions délicates selon la qualité de la préparation purgative subie la veille par le patient. L’adjonction d’air par insufflation colique améliorait la visualisation des lésions mais constituait une épreuve souvent douloureuse et elle était à l’origine de multiples incidents.
  • Les voies biliaires étaient opacifiées après absorption (cholécystographie) ou injection intraveineuse (cholangiographie) d’un produit iodé que le foie éliminait dans la bile. Ingéré la veille de l’examen, le produit se concentrait dans la vésicule qu’il rendait opaque le lendemain et le cholédoque était visible lors de la vidange vésiculaire obtenue après ingestion d’un « repas gras » fait de jaunes d’œuf. L’injection IV du produit iodé permettait d’opacifier plus rapidement les canaux biliaires et le cholédoque mais le produit iodé était souvent mal toléré et les cholangiographies furent moins pratiquées que les cholécystographies qui devinrent par contre très courantes.
  • Les voies urinaires étaient aussi opacifiées par injection de produits de contraste iodés. Ces urographies intra veineuses (UIV) seront très largement pratiquées après l’apparition du Radiosélectan qui donna les premiers résultats réguliers. Elles permirent de visualiser rapidement les voies urinaires hautes (calices, bassinets et uretères) puis dans un deuxième temps la vessie après concentration du produit de contraste en son sein. Les premières techniques de radiologie interventionnelle consistaient à introduire directement le produit de contraste iodé par une sonde dans l’urètre permettant d’explorer urètre et vessie (urètro-cystographie rétrograde) ou après sondage vésical de visualiser les uretères et les bassinets (urétéropyélographie rétrograde).

L’électrologie

Électrodiagnostic et électrothérapie, dont les premières utilisations remontaient au 18e siècle étaient pratiquées à l’aide de courants continus et de haute fréquence et recouraient à divers types de rayonnements. Utilisant les Rayons X, la radiothérapie anti-inflammatoire traitait aussi bien les lumbagos que les furoncles, les angines, les arthrites, les arthroses et toutes les douleurs inflammatoires, à l’aide d’appareils de radiothérapie de faible puissance. Au sein des services de radiologie, les salles d’électrologie étaient toujours encombrées d’un bric-à-brac où se mêlaient plusieurs générations successives d’appareillages. À partir des années soixante, ces techniques peu performantes furent progressivement abandonnées.

Les temps modernes

Dans la deuxième moitié des années soixante, la nomination de J.-L. Lamarque à la direction du Service central de radiodiagnostic de l’Hôpital Saint-Éloi marque le début d’une ère nouvelle qui se poursuivra jusqu’à la fin du siècle avec l’ouverture du service de neuro-radiologie à l’hôpital Gui de Chauliac, celle du service de radiodiagnostic de l’hôpital Lapeyronie et celle du service de radiologie cardio-thoracique de l’hôpital Arnaud de Villeneuve.

Le service central de radiologie de l’hôpital Saint-Eloi

Pr J.-L. LAMARQUE. (Coll. privée)
Fig. 6 Pr J.-L. LAMARQUE. (Coll. privée)
Pr J.-L. LAMARQUE et son équipe du SIM ST. ÉLOI vers 1980. (Coll. privée)
Fig. 7 Pr J.-L. LAMARQUE et son équipe du SIM ST. ÉLOI vers 1980. (Coll. privée)

La nomination de Jean-Louis Lamarque

Jean-Louis Lamarque, fils de Paul Lamarque, naît à Montpellier en 1932. Après une enfance marquée par une longue immobilisation consécutive à une affection bénigne mais handicapante, il étudie la médecine à la Faculté de Montpellier et devient Interne des Hôpitaux en 1959. Au terme d’un parcours de clinicien à orientation cancérologique se déroulant en grande partie au Centre Anticancéreux, il est nommé professeur agrégé de radiologie en 1965 et prend la direction du service central de radiologie de l’Hôpital Saint-Éloi, installé dans un édifice situé devant l’entrée de l’hôpital face à de grands cèdres centenaires et disposé alors sur deux niveaux : le premier étage consacré à la radiologie générale et le rez-de-chaussée voué à la radiologie vasculaire.

Le service de radiologie générale connaissait une importante activité dédiée d’une part à la radiographie osseuse et pulmonaire et d’autre part aux opacifications viscérales tant bilio-digestives qu’urinaires. Longtemps le bureau du chef de service se limita à une petite pièce de 8 m² qu’occupait J.-L. Lamarque mais qu’il devait céder deux fois par semaine à la venue de Pierre Bétoulières. Peuplé de manipulateurs, d’aides-manipulateurs et de secrétaires ainsi que d’un surveillant (M. Lucien Gaches puis M. Jean Di Giacomo) tous ces personnels dont la jeunesse, le nombre et la truculence donnait souvent lieu à des situations « folkloriques », ce service comportait de multiples salles d’examens, des laboratoires noirs et des salles claires ainsi qu’une grande salle en rotonde dite « d’interprétation » entièrement tapissée de négatoscopes. Plusieurs médecins, Claude Combes, Guy Voisin, Marie-Josée Viallefont, Jean Loustau et Raymond Lavie, y travaillaient et furent rejoints en 1968 par William Jaspart, Élysé Lopez, Guy Melka, ainsi que par des internes et des chefs de clinique comme Jean-Paul Sénac, Robert Régal, Jean-Louis Martin-Champetier, Michel Galtier, Bernard Cayrol et un peu plus tard Jean-Michel Bruel, appelé à succéder un jour à J.-L. Lamarque.

À l’arrivée de J.-L. Lamarque le développement des clichés radiographiques était encore manuel en laboratoire noir et requérait la corvée des bains successifs de révélateur, puis de fixateur ainsi qu’un séchage prolongé sur des cadres métalliques donnant lieu à des manipulations fastidieuses et bruyantes. De même, les examens se déroulaient encore sur des tables munies d’écrans radioscopiques requérant l’obscurité totale et l’accommodation préalable de l’opérateur. Très vite, les tables radiologiques furent télécommandées et dotées d’une radioscopie télévisée, d’amplificateurs de brillance qui permirent un travail confortable, plus performant, pendant qu’apparaissaient les premiers systèmes de développement automatique de radiographies en « plein jour », marque d’une soudaine modernité qui rendit plus attractive une spécialité radiologique réputée jusqu’alors comme relevant d’une technicité austère et décourageante.

Le service de radiologie vasculaire, situé au rez-de-chaussée, fonctionnait à l’arrivée de J.-L. Lamarque avec des médecins non radiologues venant de services cliniques divers, et un médecin radiologue faisait de la « mise de table » pour ces chirurgiens ou ces médecins internistes qui pratiquaient les examens dont ils avaient porté l’indication. Le radiologue et les manipulateurs qui l’assistaient avaient le rôle humiliant de ne pratiquer que la partie technique de l’examen, d’essuyer les sarcasmes en cas de panne ou de retard et de remettre les films aux cliniciens qui les interpréteraient sans demander leur avis. Dès son arrivée, J.-L. Lamarque, qui avait compris l’importance tant diagnostique que stratégique de la radiologie vasculaire, s’opposa à cette pratique, d’abord par l’inertie et le silence, puis de façon plus explicite. Il fut aidé dans ce combat par son ami fidèle Jean-François Ginestié, qu’il avait connu au Centre Anticancéreux où ils avaient développé la pratique de la lymphographie (avec l’aide de Michel Balmès) et celle de la phlébographie des veines pelviennes et de la veine cave inférieure (avec l’aide d’Henri Pujol). Travailleur infatigable et d’une amitié indéfectible envers J.-L. Lamarque, J.-F. Ginestié le suivit à la radio centrale de Saint-Éloi et l’aida à prendre le contrôle du service de radiologie vasculaire dont les intrus non radiologues finirent par partir. Accompagnés de Mme Arlette Chante, infirmière DEI, de Mme Andrée Borne, manipulatrice, de M. Caizergues, manipulateur, J.-L. Lamarque et J.-F. Ginestié purent, dès lors, développer l’artériographie sélective qui permettait un diagnostic précis des lésions d’organe. J.-L. Lamarque s’était formé à cette technique en Suède auprès du Pr. Érick Boijsen, exerçant à Lund, et initiateur de la méthode. Il découvrit chez lui les confrontations radio-cliniques au cours desquelles les radiologues recevaient médecins et chirurgiens venus recueillir leurs avis, pratique à l’opposé de la condescendance – pour ne pas dire le mépris – avec laquelle les cliniciens français traitaient alors les radiologues, en particulier à Montpellier.

Les premières actions de J.-L. Lamarque - La notion de « radio-clinicien »

Fort de sa formation de clinicien, acquise pendant son Internat, J.-L. Lamarque va s’attacher dès sa prise de fonction à faire de la radiologie une spécialité clinique à part entière, au même titre que la médecine et la chirurgie. En 1967, les Ministères de l’Éducation Nationale et de la Santé s’étaient accordés pour nommer trente-trois agrégés de radiologie en France et leur préparation à ces postes fut confiée aux Prs. Lefebvre et Fishgold. J.-L. Lamarque qui était de ce nombre de jeunes agrégés pesa pour créer avec eux un Collège des Enseignants de Radiologie de France (CERF) dont il fut nommé secrétaire permanent, et pour lequel il déploya pendant plusieurs années un travail considérable, accompagné de multiples déplacements. Le CERF a jeté les bases de la nouvelle pratique radiologique et de son enseignement. Le radiodiagnostic put s’ériger en spécialité autonome en se séparant de la radiothérapie (un même diplôme les réunissait jusqu’en 1972) et donna lieu à diverses sous-spécialités (neuroradiologie, radiologie thoracique, radio-pédiatrie, etc.), les radiologues spécialisés pouvant dès lors discuter sur un pied d’égalité avec les médecins internistes et les spécialistes d’organe. Les services centraux de radiologie regrouperont tous les moyens matériels « lourds » concourant au radiodiagnostic et rapidement renouvelables en fonction des progrès techniques, mettant ainsi fin aux petites unités décentralisées dans les services de médecine ou de chirurgie qui induisaient un gaspillage des ressources. L’enseignement du radiodiagnostic sera dévolu aux seuls spécialistes et les étudiants en médecine devront recevoir une formation régulière à la sémiologie radio-clinique, de même que les médecins en exercice recevront une formation postuniversitaire continue en radiodiagnostic. Les enseignants en radiologie auront aussi une véritable activité de recherche, à l’image de celle que J.-L. Lamarque a déployée dans le cadre de l’INSERM (avec le Pr. Pierre Rabischong) et, plus tard, à l’Institut Montpelliérain d’Imagerie Médicale (IMIM).

À la même époque, J.-L. Lamarque prend conscience du problème aigu que posait la formation des manipulateurs de radiologie et de la nécessité de fonder à Montpellier une École dédiée à cette formation alors que, seuls en France, Lyon et Saint-Germain-en-Laye en disposaient. Avec l’appui du Ministère de la Santé et de M. André Bénech, alors Directeur Général du CHU, il parvint à ouvrir en 1970 une École de Manipulateurs d’Électroradiologie médicale (EMEM), située dans l’enceinte de l’hôpital Saint-Éloi, disposant de locaux adaptés, dotée d’enseignants médicaux, de manipulateurs-moniteurs (M. François et M. Laster) et d’une infirmière-monitrice (Mme Arlette Chante au début). C’est Mme Nicole Stabile qui en sera la première Directrice administrative. Cette École obtiendra d’emblée un grand succès, tant par le nombre d’élèves qu’elle formera que par la qualité de ses enseignements et de la compétence acquise par les manipulateurs ainsi formés. Son succès ne s’est pas démenti à ce jour.

Le développement du service de radiologie vasculaire

J.-L. Lamarque et J.-F. Ginestié pratiquèrent pendant plusieurs années dans l’ancien service de l’hôpital Saint-Éloi une activité de radiologie vasculaire selon le modèle acquis au contact des radiologues suédois. Les artériographies, qu’elles soient globales dans les gros troncs (par exemple les aortographies par ponction directe) ou sélectives (après cathétérisme d’un pédicule artériel vascularisant un organe précis) avaient pour objectif d’obtenir, par injection de produit de contraste, une cartographie vasculaire et une information sur la dynamique de propagation du flux sanguin. Elles requièrent de prendre une série de clichés au moment de l’injection du produit de contraste dans le flux sanguin ce qui nécessite une technologie complexe.

Les constructeurs perfectionnèrent progressivement leurs appareillages grâce à l’étroite collaboration de leurs ingénieurs et des équipes radiologiques, tout particulièrement celle du service de radiologie vasculaire de l’Hôpital Saint-Éloi où s’effectuaient de nombreuses artériographies sélectives tant thoraciques (Dr. J.-P. Sénac) qu’abdominales (Dr. J.-M. Bruel). Un jeune médecin luxembourgeois Robert Dondelinger rejoignit cette équipe où le Dr. Spiro Ampélas était en charge de la lymphographie. Les artériographies cérébrales s’effectuaient au service de neuroradiologie de l’Hôpital Gui de Chauliac (Pr. Philippe Castan). (Fig. 8)

Pr Ph. CASTAN. (Coll. privée)
Fig. 8 Pr Ph. CASTAN. (Coll. privée)

En 1972 fut inauguré, en présence du maire de Montpellier, Me François Delmas, au rez-de-chaussée du service de radiologie de l’hôpital Saint-Éloi, un service de radiologie vasculaire, le mieux équipé de France pour l’époque, vite dénommé par son équipe « La Petite Suède » où J.-L. Lamarque et son équipe médicale et paramédicale purent continuer leur importante activité dans des conditions bien meilleures que celles offertes par le service précédent. Les avancées de l’artériographie hépatique donnèrent lieu en octobre 1972 aux « Premières Journées Montpelliéraines de Radiodiagnostic » qui rencontrèrent un grand succès national et international et consacrèrent la place importante qu’occupaient alors dans le radiodiagnostic français J.-L. Lamarque et ses équipes.

De son côté, le Dr. J.-P. Sénac, fort d’une formation cardio-pulmonaire, développait la pratique de l’angiographie des artères pulmonaires, d’abord par angio-cardio-pneumographie après ponction veineuse au bras, puis par cathétérisme artériel direct ou sélectif. Il réalisa alors les premières artériographies bronchiques à Montpellier et les premières embolisations bronchiques pour traiter les hémoptysies. Il réalisa aussi dans le service les premières coronarographies. Ses travaux donnèrent lieu à nombre de publications et il fut nommé agrégé en 1977, pour succéder au Pr. Bétoulières et prendre en 1978 la direction du SIM Saint Charles.

Le service de radiologie de l’Hôpital Saint-Charles

À l’origine, un service de radiologie n’avait pas été prévu sur les plans de l’Hôpital Saint Charles inauguré en 1937. Mais face à la nécessité qui venait d’apparaître de disposer d’un tel service, il lui avait été trouvé une place au rez-de-chaussée entre les deux grands blocs médico-chirurgicaux. Sa salle d’attente était en fait une voie de passage entre ces deux grands blocs.

Son équipement était sommaire en dehors d’un appareil de tomographie spécialisé dans l’étude de l’oreille interne, le Polytome.

C’est le Pr. Pierre Bétoulières qui en fut le premier chef de service. Nous avons vu que lors de la séparation de la spécialité, le radiodiagnostic fut dévolu à Pierre Bétoulières, avec tous les services de radiologie hospitaliers et en particulier ceux de l’Hôpital Saint-Éloi et de Saint Charles. Assumant déjà leurs charges administratives, il ne pouvait faire face à l’activité de tous ces services – ce d’autant qu’il partageait avec Paul Lamarque une activité libérale dans le cabinet de la rue Boussairolles. Il choisit donc de se consacrer uniquement à la radiologie ostéo-articulaire dans le service de radiologie de l’Hôpital Saint-Charles et confia le reste à des collaborateurs : les Drs Simone Lamarche et Jacques Petit pour la radiologie générale et ORL, des radiologues spécialisés pour l’activité pédiatrique requise par les services voisins de pédiatrie (cf. chapitre radiopédiatrie). Pierre Bétoulières se rendait aussi une à deux fois par semaine au Service de radiologie de Saint-Éloi pour un staff de radiologie générale.

Le Pr. P. Bétoulières partant à la retraite en 1977 fut remplacé par le Pr. J.-P. Sénac, deuxième agrégé nommé par J.-L. Lamarque (lui-même devenu Chef de service de radiologie de l’hôpital Saint-Éloi). Il aura comme collaborateurs Michel Blum, Jean-Paul Rouvière, Jacques Giron, Claudine Bousquet et Hélène Vernhet-Kovacsik. Le service de radiologie Saint Charles est alors vieillot, (hormis le dynamique service de radiopédiatrie qui développe l’échographie) et dépourvu d’équipements modernes car l’Hôpital Saint Charles est condamné à court terme : tous ses services vont déménager successivement dans de nouveaux hôpitaux comme Gui de Chauliac, Lapeyronie puis Arnaud de Villeneuve. Ce sera donc le cas du service de radiologie dont les composantes iront en 1999 rejoindre les hôpitaux spécialisés. À l’Hôpital Arnaud de Villeneuve, le service central d’Imagerie médicale est confié au Pr. J.-P. Sénac qui assurera les activités d’imagerie thoracique et cardio-vasculaire mais aussi générales, tandis que la radiopédiatrie s’autonomise en un service indépendant dirigé par le Dr. Alain Couture.

La création du service de neuroradiologie de l’Hôpital Gui de Chauliac

La construction du futur hôpital Gui de Chauliac avait débuté en 1967 dans l’enceinte de l’hôpital Saint-Éloi sur des terrains situés entre la Faculté de Sciences et l’ancien Pavillon Pasteur qui venait d’être détruit. Cet hôpital était destiné à accueillir entre autres les importants services de neurologie (dont le chef de service était le Pr. Robert Lafon et son agrégé le Pr. Robert Labauge) et de neurochirurgie (dirigée par un des très rares maîtres internationaux de la discipline, le Pr. Claude Gros qui présidait au CHU la Commission médicale consultative). Il était prévu, malgré les réticences de l’administration hospitalière, que la radiologie du nouvel hôpital serait gérée par ces deux services (et non par des radiologues es-qualités) sous forme de deux unités autonomes se faisant face en miroir au même étage.

Le Pr. P. Bétoulières confia alors la chefferie du service de Saint-Éloi à J.-L. Lamarque qui fut ainsi légitime pour s’opposer à ce projet dispendieux et peu fonctionnel, aidé en cela par le nouvel agrégé de neuroradiologie, le Pr. Philippe Castan, ancien neurologue en délicatesse avec les dirigeants de son ancien service. Leur action fut soutenue par le Pr. Gros, l’administration du CHU et le Ministère, si bien que put être installé un unique Service de neuroradiologie, conçu, équipé et dirigé par le Pr. Ph. Castan, véritable neuroradiologue. L’inauguration eût lieu en 1970.

Ph. Castan, doté d’une intelligence et d’un humour très fins et d’une culture exceptionnelle, développa toutes les activités qui étaient alors celles de la neuroradiologie d’avant le scanner et l’IRM : artériographies cérébrales, myélographies, pneumo-encéphalographies et tomographies à balayage complexe (pour l’étude du rocher et de l’oreille interne). Le service acquit rapidement une grande réputation de qualité qui se poursuivit plus tard avec l’apparition du premier scanner puis de l’IRM. Ph. Castan fut aidé à cette époque par les Drs. Éliane Tarbouriech – sa future épouse – Jean-Marie Fabre, Bernard Mouriau, Max Ponseillé, Jean-Claude Bouzige, Jean-Luc Broquerie, Gérard Hortala, Edmond Jean et François-Michel Lopez, futur patron de la radiologie de l’Hôpital de Nîmes. Toute l’activité de radiologie générale dans les premières années du service de l’Hôpital Gui de Chauliac, et en particulier celle de radiologie ostéo-articulaire, fût placée sous la responsabilité du Dr. Robert Régal, radiologue et par ailleurs spécialiste de rhumatologie et qui orientera plus tard sa carrière vers la radiothérapie.

L’évolution technologique de l’imagerie médicale

Après plus d’un demi-siècle de progrès techniques continuels, les services de radiologie montpelliérains ont connu au cours des quatre dernières décennies du 20e siècle des avancées technologiques majeures, dont ils ont parfois été les précurseurs. Elles ont révolutionné la pratique diagnostique et certains de ses corollaires thérapeutiques. L’arrivée de procédés techniques différents des rayons X a donc conduit à substituer la terminologie d’« imagerie médicale » à celle, réductrice, de « radiologie ».

La radiographie conventionnelle à rayons X

Elle a connu dans les années 90 la généralisation des systèmes de numérisation des images qui ont rapidement supplanté les procédés analogiques utilisés depuis la naissance de la radiologie. Les capteurs numériques ont une grande souplesse d’utilisation, permettent de réduire les doses délivrées, de « retravailler » les images sur les consoles, facilitent leur stockage, autorisent leur exportation et donc les procédures modernes de télédiagnostic et de téléexpertise. La radiologie montpelliéraine a été parmi les premières en France à adopter ces techniques innovantes et à les perfectionner en faisant travailler ensemble radiologues et ingénieurs biomédicaux. En peu de temps, la numérisation des images médicales aboutit à la disparition définitive du film radiographique, remplacé par un support papier ou digital.

L’échographie et le doppler

Utilisant les propriétés des faisceaux d’ultrasons, ces techniques constituent des avancées exceptionnelles en raison de leur totale innocuité. Les améliorations apportées en particulier aux sondes (dotées d’une céramique piézoélectrique) permettent de disposer de fréquences diverses, chacune adaptée à un type donné d’exploration et d’organe. Les progrès constants de l’informatique qui ont permis les études en 2D et en 3D ont facilité ces dernières années la réalisation d’examens performants et transmissibles sur les PACS (Picture Archiving and Communication System) et ont fait de l’échographie un mode diagnostique performant, non irradiant, très accessible et à moindre coût, qui a bouleversé au quotidien de nombreuses pratiques médicales en gynéco-obstétrique, cardio-angiologie, pédiatrie, gastro-entérologie et urologie.

Au service de radiologie du Pr. J.-L. Lamarque à l’hôpital Saint-Éloi, et après les premiers balbutiements du début des années 1970, cette technique prit réellement son essor en 1974 sous l’impulsion d’un chef de clinique, le Dr. Jean-Pierre Rouanet, qui développa la pratique de l’échographie abdominale au moyen d’appareils dont les performances et la facilité d’utilisation s’accroissaient d’année en année et qui étaient déjà largement utilisés en gynéco-obstétrique. Philippe Lévy et Abdelhamid Bengana, étudiants en spécialité, apprirent la méthode auprès de lui et l’assistèrent au début. Progressivement de nombreux autres stagiaires s’attachèrent à cette méthode qui est devenue depuis de pratique courante, en particulier pour l’exploration hépato- bilio-pancréatique. Il en alla de même au service de radiologie de l’Hôpital Saint-Charles où le Dr. Jean-Louis Ferran acquit parmi les tout premiers en France une compétence reconnue en échographie pédiatrique. Quelques années plus tard les progrès techniques de l’échographie permirent à cette méthode d’être largement utilisée en sénologie et les Drs. Marie-Josée Rodière, Alain Astaing, Marlène Viala, Anne Cuénant-Clauzel et Florence Di Ruggiero en furent les instigateurs.

À partir des années 90, le perfectionnement et les performances des appareils d’échographie leur firent conquérir de nouveaux domaines au point qu’il n’existe plus guère aujourd’hui de zone corporelle qui échappe encore à cette méthode. C’est ainsi le cas en pathologie musculo-squelettique et bien sûr en pathologie cardio-vasculaire où l’échographie cardiaque et l’étude doppler des flux sanguins sont de pratique courante.

Scanner X ou Tomodensitométrie (TDM) ou Computer Tomographie (CT)

Inventé en 1972 par Godfrey Hounsfield, le Scanner X est une imagerie en coupes axiales traduisant l’absorption d’un faisceau de rayons X dans un plan de coupe du corps humain. Ces coupes successives sont obtenues par rotation autour du patient d’un couple émetteur/détecteur contenu dans un anneau. Les structures anatomiques ayant un bon gradient de densité par rapport à leur environnement et pouvant rester longtemps immobiles pendant des temps de pose prolongés, étaient au début privilégiées ce qui explique que le cerveau soit le premier organe a pouvoir bénéficier de cette technique dont les neuroradiologues pensaient rester les seuls détenteurs.

À Montpellier, le premier Scanner X modèle ACTA 100 a été installé en 1976 au rez-de-chaussée du service central de radiologie de Saint-Éloi dirigé par J.-L. Lamarque. Cet équipement de la firme pharmaceutique Pfizer fut en France le premier scanner « corps entier » fonctionnant en milieu hospitalo-universitaire. Dans l’enthousiasme que procurait la nouveauté de cette méthode à ses équipes de jeunes radiologues, J.-L. Lamarque confia à J.-M. Bruel la charge des explorations abdominales, en compagnie de Robert Dondelinger, appelé à un bel avenir hospitalo-universitaire en Belgique et au Luxembourg ainsi qu’à une reconnaissance internationale. Ils étaient assistés d’autres stagiaires parmi lesquels Bernard Vendrell et Olivier Pélissier. J.-P. Sénac s’occupait de son côté du scanner thoracique où tout était à faire et où une sémiologie radiologique nouvelle était à découvrir et à décrire.

Malgré la lenteur des premiers examens (qui nécessitaient plusieurs minutes pour l’obtention d’une seule coupe) et la qualité relativement modeste des images alors obtenues (leur définition était faible et elles étaient « artéfactées » par la respiration), ce scanner permit d’avancer dans des domaines jusque-là inaccessibles comme par exemple celui du pancréas. En novembre 1978, J.-L. Lamarque put ainsi organiser les « Secondes journées Montpelliéraines de radiodiagnostic », consacrées à la scanographie abdominale qui rencontrèrent aussi un grand succès et marquèrent la fin de l’artériographie diagnostique, désormais supplantée par le scanner et seulement réservée à des fins thérapeutiques.

Par la suite et au fil des ans, la scannographie connaîtra des progrès spectaculaires (mode spiralé) tant en rapidité d’acquisition, qu’en réduction des doses utiles mais surtout en qualité des images obtenues. À chaque avancée technologique les divers services radiologiques du CHU de Montpellier pourront s’équiper du matériel innovant adéquat, et souvent les premiers ou parmi les premiers en France.

L’imagerie par résonnance magnétique (IRM)

Cette technique dont l’apparition est la plus récente (dans les années 80) utilise le phénomène de résonance magnétique des atomes d’hydrogène, résonance qui se produit entre une impulsion de radiofréquence et le moment magnétique du noyau de ces atomes placés dans un champ magnétique externe. Lors de la réalisation d’une IRM, le sujet est soumis à un champ magnétique d’une puissance allant de 0,5 tesla (faible champ) à 1,5 ou 3 teslas ou plus (haut champ). Ce champ est fourni par un aimant supraconducteur configuré en tunnel dans lequel est placé le sujet à examiner. Le grand intérêt du signal IRM, ainsi émis et capté, est sa spécificité dans la caractérisation des éléments anatomiques, histologiques et biologiques en fonction des séquences utilisées. Ces dernières ont bénéficié des progrès de l’informatique ainsi que de l’utilisation de produits de contraste (comme les sels de gadolinium) sensibilisant le signal IRM. À Montpellier un appareil d’IRM, le premier en France, fut installé au deuxième sous-sol de l’Hôpital Lapeyronie dirigé par le Pr. J.-L. Lamarque et fût confié pour son évaluation aux Drs. Christian Almès et Xavier Prat avant d’être accessible aux nombreux radiologues qui se formeront à cette méthode. Par la suite cet appareillage sera régulièrement renouvelé et migrera à l’étage au-dessus, au voisinage des salles de scannographie où il démontrera son grand intérêt en imagerie mammaire. D’autres appareils d’IRM seront progressivement installés dans les divers services de radiodiagnostic du CHU de Montpellier pour couvrir toutes les activités diagnostiques dans lesquelles la performance de l’IRM est exceptionnelle (en particulier en neuroradiologie, imagerie cardiaque et imagerie digestive).

L’imagerie interventionnelle

Témoin de la nouvelle dimension acquise par les radiologues grâce à l’efficience des techniques dont ils disposent, l’imagerie interventionnelle occupe aujourd’hui, et tout particulièrement à Montpellier, une place importante dans de nombreuses pathologies en contribuant tant au diagnostic (ponctions biopsiques sous scanners et sous échographie) qu’au traitement de certaines pathologies : (infiltrations médicamenteuses dirigées, drainage d’abcès…).

Une de ses applications la plus courante est la dilatation endo-vasculaire des rétrécissements artériels athéromateux, permettant le traitement préférentiel des sténoses coronariennes (dilatation et pose d’endoprothèses ou stents) mais aussi d’autres artères que les coronaires (artères des membres, artères rénales,…) qui bénéficient de ce type de traitement réalisé en hospitalisation de jour. Un autre pan d’activité de la radiologie interventionnelle est l’embolisation artérielle par voie endovasculaire (après montée de sondes par voie artérielle). Ce procédé est très efficace pour arrêter certaines hémorragies, comme les hémoptysies graves (saignement d’origine broncho-pulmonaire extériorisé par la bouche) traitées par embolisation des artères bronchiques. D’autres pathologies peuvent aussi être traitées par la technique d’embolisation (fibromes utérins par exemple).

Un Service « idéal » de radiodiagnostic à l’Hôpital Lapeyronie

La Faculté de Médecine, le CHU de Montpellier et la Commission médicale consultative préparaient depuis 1965 avec le Ministère de la Santé, la construction d’un nouvel hôpital de grande taille dans un vaste terrain situé en bordure de la route de Ganges, au-delà de l’Hôpital Psychiatrique La Colombière. Nombreux étaient ceux qui, fonctionnaires du Ministère de la Santé à Paris, médecins hospitaliers (au premier rang desquels le Pr Daniel Grasset, président de la CME passionné par ce projet), administratifs et techniciens du CHU de Montpellier (et en particulier le Directeur Général du CHU M. Cluzel, ainsi que M. Loire) travaillaient à ce projet rendu très difficile par la présence d’une nappe phréatique proche de la surface du terrain.

Ce nouvel hôpital dont l’inauguration, en présence du Ministre de la Santé, eut lieu en 1983 comportait quatre tours d’hospitalisation (chacune dédiée à un type de pathologie : rhumatologie et orthopédie dans l’une, urologie, néphrologie et maladies métaboliques dans la deuxième, gynécologie et médecine interne dans les autres) disposées en rayons à partir d’un axe central (d’administration, d’accueil et de services non médicaux) au-dessous duquel le premier sous-sol abritait un très vaste service de radiodiagnostic. Ce service était dévolu à J.-L. Lamarque qui allait quitter l’Hôpital Saint-Éloi et qui parvint, avec l’aide du maire de Montpellier Georges Frêche, président du conseil d’administration du CHU, à l’équiper des dispositifs d’imagerie les plus modernes et performants (il disposait de deux scanners et d’une IRM, ce qui à cette époque était exceptionnel en France et même en Europe, et qui valut la visite de ce service montpelliérain par les plus grandes personnalités de la radiologie mondiale comme par exemple le Pr Alexander Margulis de San Francisco).

Le fonctionnement du service d’imagerie, doté de quatre blocs comprenant chacun quatre salles, nécessita de nombreux radiologues et deux chefs de service : J.-L. Lamarque et Joseph Pujol. Il requit aussi de nombreux manipulateurs, comme Jean-Pierre Gay, présent dès le début. Le premier surveillant du service fut M. Lucien Gaches qui venait de Saint-Éloi et auquel succéda par la suite Jacques Goudard, venu de Gui de Chauliac. Un premier système de transmission et d’archivage des images (PACS) fût installé dans le service et son évaluation fut réalisée par J.-M. Bruel resté à Saint-Éloi mais venant à temps partiel à Lapeyronie. Les images des scanners urologiques étaient transmises dans le service du Pr. Daniel Grasset sous le contrôle du Dr. Jean Fraga. Le Dr. Paul Lopez, Assistant dans le service, prit en charge l’imagerie orthopédique et rhumatologique (comportant en particulier les arthrographies et arthro-scanners), évalua la numérisation débutante des images radiographiques et se consacra aussi à la difficile organisation de l’imagerie des Urgences. Par la suite, le Dr. Catherine Cyteval, Praticien Hospitalier, assistée du Dr. Marie-Pierre Baron, poursuivit l’activité d’imagerie ostéo-articulaire et développa la radiologie osseuse interventionnelle (en particulier les cimentoplasties). Parmi les radiologues présents lors des débuts du service d’imagerie de l’Hôpital Lapeyronie, on peut aussi citer les Drs. Gérard Benoist d’Azy et Jean Stoppa.

De son côté le Pr. J.-L. Lamarque, aidé du Dr. Marie-Josée Rodière puis des Drs. Florence Di Ruggiero et Jacqueline Valmorin, développa une importante consultation de sénologie dont la renommée le rendit légitime pour proposer un dépistage de masse organisé du cancer du sein. Cette activité justifia aussi de remplacer la première IRM devenue obsolète par un appareil IRM Siémens 1,5 teslas, plus performant pour la détection des petites tumeurs mammaires, et dévolu comme le premier appareil aux Drs. Christian Almès et Xavier Prat. L’installation spectaculaire de cette machine au rez-de-chaussée de l’hôpital, requérant le déploiement d’une grue immense, donna alors lieu à une médiatisation nationale.

Le service d’imagerie médicale de Lapeyronie, placé sur de bons rails, a continué de fonctionner dans d’excellentes conditions grâce à la qualité de ses équipes médicales et paramédicales, grâce aussi à l’adaptabilité de ses locaux aux évolutions technologiques et aux nouveaux matériels qui se faisaient régulièrement jour.

Fin 1999, parvenu au terme de sa carrière hospitalo-universitaire le Pr. J.-L. Lamarque prit sa retraite après dix-sept années passées à l’Hôpital Saint-Éloi et dix-sept autres à l’Hôpital Lapeyronie. Il avait connu à ses débuts l’époque de l’électrologie, de la radioscopie et des laboratoires noirs, et il fut ensuite un des acteurs principaux de la révolution de l’imagerie en France. Il porta d’abord l’artériographie sélective à son sommet, puis installa le premier scanner corps entier en France ainsi qu’une des toutes premières IRM et créa une grande École de manipulateurs. Il aura ensuite permis d’ouvrir un service central de neuroradiologie, conçu pour un nouvel hôpital, un grand service d’imagerie, fonctionnel et évolutif, jeté les bases et développé la sénologie, et œuvré au dépistage de masse du cancer du sein. Il aura aussi formé des générations de jeunes radiologues et fait nommer cinq agrégés de radiologie. Mais il aura surtout rempli la mission qu’il s’était fixée en 1967 lors de la création du CERF : faire de la radiologie la troisième discipline clinique, allant de pair avec la médecine et la chirurgie, et changer le regard porté par toute la communauté médicale sur cette spécialité devenue aujourd’hui essentielle.

C’est le Professeur Patrice Taourel, venant du service d’imagerie Saint-Éloi, qui prit la direction du service d’imagerie médicale de Lapeyronie, développant en particulier l’imagerie des urgences et poursuivant l’activité sénologique, en perfectionnant sa composante IRM. Sa reconnaissance par la communauté médicale lui a valu d’être porté à la présidence de la commission médicale d’établissement du CHU de Montpellier.

L’essor des spécialités radiologiques à Montpellier

Après les deux premières décennies du siècle qui jetèrent les bases d’une spécialité radiologique nouvelle, et après les quatre décennies suivantes qui développèrent l’électroradiologie et ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler la radiologie conventionnelle, les années 70 furent marquées par une double révolution. L’arrivée de nouvelles techniques comme le scanner, l’échographie et l’IRM en fût la composante matérielle, donnant lieu à la naissance de l’« imagerie médicale ». La composante stratégique ne fut pas en reste, faisant de cette spécialité, autrefois considérée comme complémentaire, une discipline clinique à part entière, grâce à la vision des jeunes agrégés du CERF. Désormais pouvaient se développer des « spécialités au sein de la spécialité », conduites par des radiologues dont la compétence les plaçait sur un pied d’égalité avec les cliniciens spécialistes de chaque type d’organe.

À Montpellier, en raison de la dévolution de chacun des établissements du CHU à une pathologie donnée, chaque service d’imagerie correspondant sut développer la technicité particulière requise par chaque pathologie, sous l’impulsion de praticiens spécialisés et de leurs équipes.

La sénologie

Elle revêt à Montpellier une importance particulière en raison des travaux scientifiques de J.-L. Lamarque et de ses équipes. À partir du début des années 70 fût créée progressivement une véritable spécialité des maladies du sein pour laquelle les connaissances requises allaient de l’histologie à l’anatomie, de l’endocrinologie à la chirurgie, de la gynécologie à la cancérologie. Les travaux de J.-L. Lamarque et Marie-Josée Rodière, avec l’aide de Patrick Boulet, Marlène Viala, Joseph Pujol, Anne Cuénant, Alain Garry-Bobo, des anatomo-pathologistes André Pagès, Pierre Baldet, Jacky Roustan et de l’endocrinologue Claude Jaffiol, aboutirent à la naissance d’une spécialité autonome, la sénologie, qui évitait aux femmes un parcours sans vision globale entre médecins généralistes, gynécologues, radiologues, cancérologues, ou endocrinologues. Déjà le Pr. Charles Gros, cancérologue et physicien élève de Paul Lamarque avait initié cette démarche à Strasbourg, mais sans développer les corrélations anatomo- radiologiques qui firent la spécificité de l’école montpelliéraine.

Une consultation des maladies du sein fut mise en place dans le service d’imagerie de l’hôpital Saint-Éloi, disposant d’une équipe paramédicale constituée de manipulatrices (comme Liliane Raynaud et plus tard Chantal Houlès), d’infirmières (comme Éliane Tricou) et de secrétaires (comme Nicole Stabile) motivées et compétentes, d’appareils de mammographie les plus performants. Elle permettait une prise en charge globale et personnalisée de la femme qui consultait et dont toutes les dimensions tant somatiques que psychologiques étaient envisagées et respectées.

Avec l’ouverture de l’hôpital Lapeyronie à partir de 1983, la consultation des maladies du sein fut déplacée dans son nouveau SIM et bénéficia de conditions techniques encore améliorées, associant mammographie, échographie et IRM. Outre M.-J. Rodière, Patrick Boulet et Jeanine Cherifcheikh, officièrent alors aux côtés de J.-L. Lamarque, Florence Di Ruggiero, Loïc Rousseau, Jacqueline Valmorin et Xavier Prat. Cette consultation rencontrera un succès considérable qui se prolongera jusqu’au départ de J.-L. Lamarque fin 1999 et qui se poursuivra avec son successeur le Pr. Patrice Taourel.

Les travaux scientifiques de J.-L. Lamarque et de son équipe avaient abouti en 1981 à la publication du livre Le Sein : Radiodiagnostic Clinique, aux éditions Medsi, livre qui eut un grand retentissement et parut en 1982 en langue anglaise : « The Breast » aux éditions Wolff. Plus tard, en 1988, et avec l’aide du Pr. Claude Jaffiol, fût créé le Certificat d’Université des maladies du sein, de la Faculté de Médecine de Montpellier et ce fût le Pr. Claude Solassol, Doyen de la Faculté, qui inaugura la première année de ce certificat. Il comportait trois semaines d’enseignement étalées sur un an et son succès fut considérable. Le Pr. Jean-Pierre Daurès, mathématicien-statisticien et consultant en gynécologie, futur président du dépistage de masse organisé, en fut un des premiers participants. L’association Manosmed (MAstology association of NOrthern and Southern MEDiterranean) fut créée pour regrouper les radiologues du pourtour méditerranéen. Ainsi, chaque année, de manière tournante dans chaque pays, les équipes locales organisaient avec le label montpelliérain, des cours correspondant au DU de mastologie-sénologie.

Toutes ces activités ont fait que Montpellier et son école radiologique sont considérés comme un des pôles essentiels de la sénologie française.

L’imagerie thoracique et le Service d’imagerie de l’Hôpital Arnaud de Villeneuve

À l’origine, la radioscopie pulmonaire et son image dynamique avait été utilisée en particulier pour la détection des lésions tuberculeuses. Elle fut supplantée par la radiographie thoracique et son image statique, que venaient compléter la tomographie (imagerie en coupes), la bonchographie (opacification des bronches) puis l’angiographie pulmonaire. Développée par J.-P. Sénac dès 1967 à Saint-Éloi, cette dernière visualisait les artères pulmonaires à l’aide d’une forte dose de produit de contraste iodé, après traversée des cavités cardiaques, et sera améliorée par les cathétérismes sélectifs des artères pulmonaires avant d’être remplacée par l’angioscanner. À partir des années 1970 sera développée par quelques équipes (J. Rémy à Lille et J.-P. Sénac à Montpellier) l’artériographie bronchique destinée à étudier la vascularisation artérielle des bronches et traiter les hémoptysies par embolisation artérielle. La sémiologie de la radiographie thoracique a été renouvelée par les travaux de l’américain Felson et un « Club Thorax » réunit les radio-pneumologues français, dont J.-P. Sénac, autour de cette nouvelle sémiologie.

Pr J.-P. SÉNAC (à droite) et Dr J. GIRON. (Coll. privée)
Fig. 9 Pr J.-P. SÉNAC (à droite) et Dr J. GIRON. (Coll. privée)

Mais si la radiographie thoracique a bénéficié de l’apport de la numérisation et reste un examen de pratique courante, c’est désormais le scanner thoracique, apparu dans les années 80 qui est devenu l’examen essentiel grâce à ses progrès continus en finesse des images et en rapidité d’acquisition. À Montpellier, le Pr. J.-P. Sénac et ses équipes (Jacques Giron, Claudine Bousquet, Olivier Serres Cousiné, Jean-Claude Laborde puis Hélène Vernhet-Kovacsik), en collaboration avec des pneumologues (Gérard Durand) et des chirurgiens (Henri Mary), utilisèrent dans un premier temps le scanner du SIM Lapeyronie alors qu’ils étaient encore en charge du Service de Saint-Charles. Leur déménagement au nouvel Hôpital Arnaud de Villeneuve leur permit de mieux développer cette activité. Le SIM d’Arnaud de Villeneuve, ouvert en 1999, comportait un premier étage dévolu à la radiologie vasculaire diagnostique et interventionnelle et un rez-de-chaussée doté d’un scanner, d’une salle d’échographie-doppler, de salles de radiologie générale et de salles de réunion.

Les travaux de J.-P. Sénac et de ses équipes ont porté sur l’exploration scannographique des pathologies thoraciques et ont donné lieu dès 1986 au premier livre français sur la tomodensitométrie thoracique. La part pédagogique ne fût pas en reste : l’équipe de Montpellier organise en collaboration avec le Pr. Max Coulomb de Grenoble de nombreuses manifestations d’enseignement pour radiologues et pneumologues (les Ateliers de tomodensitométrie thoracique). Au départ du Pr. J.-P. Sénac en 2015, c’est le Pr. Hélène Vernhet-Kovacsik qui a pris sa succession à la tête du SIM Arnaud de Villeneuve et poursuit une importante activité d’imagerie thoracique, vasculaire diagnostique et interventionnelle.

L’imagerie cardio-vasculaire

Dans les années 60/70 la radiologie vasculaire représentait la branche moderne de la radiologie et produisait la majorité des travaux scientifiques. Elle permet l’étude des vaisseaux au moyen de leur opacification (vaisseaux lymphatiques : lymphographie – veines : phlébographie – artères : artériographie) et a pour but d’étudier leurs pathologies (anévrismes, obstructions, sténoses, dissections, etc.). La radiologie vasculaire était dite « invasive » et nécessitait en effet, soit des dissections partielles sous-cutanées (lymphographie), soit des ponctions veineuses (phlébographie), soit des ponctions artérielles avec mise en place de sondes dans les pédicules artériels de certains organes (artériographie sélective) en utilisant de fortes doses de produit de contraste iodé. Avec le temps le matériel s’est amélioré, les sondes ont diminué de taille et les voies d’abord ont été mieux sélectionnées.

L’artériographie/phlébographie « d’organe » était utilisée en pathologie générale (diagnostic de l’embolie pulmonaire, recherche de métastases hépatiques, étude des tumeurs rénales et digestives, etc.) grâce à la cinétique du produit de contraste à travers l’organe exploré (temps artériel, temps parenchymateux puis retour veineux et en se basant sur de nombreuses corrélations radio-anatomiques.

Une intense activité de radiologie vasculaire fut réalisée au SIM de Saint-Éloi par J.-L. Lamarque et ses équipes et donna lieu à de nombreuses manifestations scientifiques, à des publications, à des présentations lors de congrès et à la tenue de congrès internationaux à Montpellier. L’opacification des artères coronaires (coronarographie) examen essentiel dans l’étude de la pathologie coronarienne et les cathétérismes cardiaques (opacification des cavités cardiaque et calcul de la fraction d’éjection) nécessitaient un matériel spécifique qui fut installé au service de radiologie vasculaire du SIM de Saint-Éloi, et confié à J.-P. Sénac, formé dans ce but à l’hôpital cardio-vasculaire de Lyon. Il réalisa les premières coronarographies à Montpellier au début des années 1980 en collaboration avec le service de chirurgie thoraco-vasculaire du Pr. André Thévenet. De leur côté, les cardiologues du CHU de Montpellier, considérant que ces explorations leur appartenaient, obtinrent une installation adéquate dans le service de chirurgie thoracique et vasculaire des Prs Nègre et Chaptal. Ils pratiquèrent coronarographies et cathétérismes cardiaques en parallèle avec le service de radiologie.

L’apparition ultérieure des pratiques de radiologie interventionnelle (dilatations et pose de stents) bouleversa le traitement des affections coronariennes : tous les radiologues qui comme J.-P. Sénac exerçaient ce type d’explorations en France et dans le monde arrêtèrent alors la coronarographie diagnostique. Désormais l’exploration et le traitement par radiologie interventionnelle des affections cardio-vasculaires appartiendraient définitivement aux cardiologues.

Alors qu’émergeaient les techniques d’imagerie médicale (échographie mais surtout Scanner X et IRM) qui allaient remplacer l’artériographie d’organe, un sursaut technologique vint améliorer les performances de cette dernière. À Montpellier, J.-L. Lamarque proposa un système d’angiotomographie qui n’eut pas de suite, mais qui préfigurait ce que sera plus tard l’imagerie tridimensionnelle qui permit en particulier de situer dans l’espace les artères hépatiques.

La radiologie vasculaire dite « invasive » n’est réalisée aujourd’hui que pour des procédures qui comportent un acte de radiologie interventionnelle (dilatations, mise en place de stents, embolisations,…). L’imagerie vasculaire à but purement diagnostique a été remplacée par des techniques « non invasives » : l’échographie doppler des vaisseaux, les séquences angiographiques de l’IRM (angio-IRM) et du Scanner X (angioscanner). L’angioscanner X dans sa version spectrale est l’examen de choix pour l’étude des vaisseaux pulmonaires (thromboses et embolies) et a remplacé l’angiographie pulmonaire.

L’imagerie cardiaque a aussi bénéficié des avancées de la nouvelle imagerie : tout d’abord l’échocardiographie (présente dans tous les cabinets de cardiologie), mais aussi l’exploration des artères coronaires par le scanner X qui produit des images identiques à celles de la coronarographie et ce à partir d’une simple injection de produit de contraste au pli du coude (coronaroscanner). Puis, l’IRM cardiaque qui donne du myocarde une image originale proche des lésions histologiques.

Aujourd’hui, si le coronaroscanner et l’IRM cardiaque restent du domaine de la radiologie, l’imagerie interventionnelle de l’aorte et des vaisseaux périphériques est partagée entre chirurgiens vasculaires et radiologues interventionnels.

L’imagerie abdominale et digestive à l’Hôpital Saint-Éloi

La présence très ancienne à l’Hôpital Saint-Éloi de services de médecine interne, et plus particulièrement de services des maladies de l’appareil digestif et de chirurgie digestive, a requis depuis ses débuts leur accompagnement par un service de radiologie de plus en plus performant, surtout lorsqu’il s’est transformé en service d’imagerie médicale disposant de toutes les modalités d’exploration de l’abdomen et du système digestif.

Dès le début de la spécialité furent développées à Saint-Éloi dans le service central de radiologie les techniques d’opacification par voie haute de l’œsophage, de l’estomac, de l’intestin grêle et, par voie basse, du côlon, ainsi que les opacifications biliaires par voie orale (cholecystographies) ou par voie veineuse (cholangiographies). Des générations de radiologues se formèrent à ces méthodes ingrates, longues et irradiantes, requérant un grand savoir-faire technique, hélas inversement proportionnel à l’importance des informations obtenues. À partir des années 60 des perfectionnements technologiques (tables télécommandées – amplificateurs de brillance et scopie télévisée) et des procédures nouvelles (examens digestifs en double contraste) améliorèrent les conditions d’examen et leurs résultats, pendant que le développement de l’artériographie sélective bonifiait le rendement diagnostique de la radiologie digestive, mais sans que cette technique complexe puisse être diffusée en pratique courante. Ce furent donc, à partir des années 70, l’échographie, le scanner et plus tard l’IRM qui firent de l’imagerie digestive un moyen diagnostique performant et utilisable en pratique courante.

D’abord interne, puis chef de clinique dans le service de J.-L. Lamarque, le Dr. Jean-Michel Bruel s’investit dans le domaine abdominal et digestif, d’abord dans les examens de radiologie « conventionnelle » puis, à mesure de leur apparition, dans les techniques de la « nouvelle imagerie » et en particulier du scanner. Nommé professeur agrégé, J.-M. Bruel devient en 1983, lors du départ de J.-L. Lamarque au nouvel hôpital Lapeyronie, le chef de service d’imagerie médicale (SIM) de l’Hôpital Saint-Éloi dont il assure la restructuration au terme d’une longue période de réflexion et de rénovation conduite par les architectes montpelliérains Philippe Jaulmes et Jean-Claude Deshons. L’accueil des patients et les salles d’attente sont au centre du service et donnent directement sur les salles d’examens, desservies aussi par un couloir médical périphérique donnant par ailleurs accès aux bureaux des médecins, des secrétaires, des surveillants, à la salle des manipulateurs et à une grande salle de réunion directement ouverte sur l’extérieur. Les salles d’examens sont vastes, organisées sur un plan modulaire qui permet d’éventuelles restructurations dans le temps. Les demandes pour doter ce service de moyens matériels suffisants aboutissent régulièrement et la mise en place de partenariats permet de doter le SIM Saint-Éloi d’équipements toujours plus performants, qu’il s’agisse de scanners ou d’une IRM (installée bien plus tard dans le cadre d’un GIE en partenariat avec les radiologues libéraux).

J.-M. Bruel a été rapidement coopté au Groupe d’Études de la Radiologie des Maladies de l’Appareil Digestif (GERMAD) fondé par Pierre Bret (Lyon) et Claude Guien (Marseille). Il sera plus tard membre de l’European Society of Gastrointestinal and Abdominal Radiology (ESGAR) qu’il présidera de 1996 à 1999 et dont il organisera le congrès annuel à la Grande-Motte en 2000 avant d’en être le secrétaire général de 2001 à 2006.

Son équipe médicale à Montpellier est formée, au fil du temps, d’abord par Philippe et Martine Guiry et Pierre-Marie Lestra, par Élisabeth Delhom, Jean-François Adell, Isabelle Greth, et Sophie Aufort, puis par Jean Pradel et Patrice Taourel. Tous vont faire paraître de nombreuses publications scientifiques de renom, en particulier au sujet des occlusions intestinales et des urgences abdominales. Le Dr. Patrice Taourel, qui prépare l’agrégation, va occuper un poste de clinical fellow dans le service de Philippe Bret à Montréal avant de revenir au SIM de Saint- Éloi, être nommé agrégé et succéder, bien plus tard, à J.-L. Lamarque pour la direction du SIM de Lapeyronie après avoir été chef de pôle des urgences. De son côté Jean Pradel acquiert une grande compétence en échographie du tube digestif (à l’exemple du médecin canadien Michel Rioux, invité à Montpellier) et sera plus tard nommé chef de service de radiologie à Troyes. Par ailleurs Éric Seneterre publie sur l’évaluation des produits de contraste dans l’exploration du foie par IRM.

Après un passage au SIM de Saint-Éloi en tant qu’interne, le Dr. Benoît Gallix séjourne pendant deux ans au Montreal General Hospital dans le service de Philippe Bret. Revenu aux SIM Saint-Éloi aux côtés de Bruel, et fort de son expérience managériale, il développe un PACS performant qui permet la suppression totale des films radiographiques dès 2000. Avec l’aide de Marie-Ange Pierredon-Foulongne, praticien hospitalier, il développe l’activité du SIM Saint-Éloi, en particulier dans le domaine majeur de l’imagerie interventionnelle, assure un enseignement important et rédige de nombreuses publications qui lui confèrent une dimension internationale. Nommé professeur des Universités, il continue son activité au SIM de Saint-Éloi, mais le quitte en 2012, peu après le départ en 2011 de J.-M. Bruel, pour retourner au Montreal General Hospital avant de diriger l’Institut Hospitalo-Universitaire de Strasbourg. C’est le Professeur Boris Guiu qui dirige maintenant l’activité du SIM Saint-Éloi.

La neuroradiologie à l’Hôpital Gui de Chauliac

L’activité « conventionnelle » de neuroradiologie fut à l’origine assurée à l’Hôpital Saint-Charles en partie au Service de radiologie que dirige Pierre Bétoulières à partir du milieu des années 50 (pneumo-encéphalographies, myélographies, tomographies à balayage complexe) et en partie dans les salles de radiologie dépendant du Service de neurologie des Prs Lafon et Labauge (pour les artériographies carotidiennes pratiquées par le radiologue Guy Crouzet – futur chef de service de neuro-radiologie à Grenoble – et des neurologues comme Pierre Comelade, Marcel Danan et Philippe Castan qui n’était pas encore radiologue).

Avec l’ouverture de Gui de Chauliac en 1970 et le départ de Saint-Charles des services de neurologie et de neurochirurgie, un nouveau service de radiologie dirigé par le Pr. Philippe Castan (et dont nous avons décrit plus haut les conditions d’installation) va concentrer toute l’activité de neuroradiologie avec l’aide en particulier d’Éliane Castan Tarbouriech, de Jean-Marie Fabre et un peu plus tard de Guy Bourbotte, ce dernier développant les embolisations du territoire carotidien externe. C’est progressivement le scanner et l’IRM qui ont supplanté les techniques anciennes de myélographie, de tomographie à balayage complexe et même d’artériographies dont seules subsistent celles à visée thérapeutiques.

Pr Alain BONAFÉ. (Coll. privée)
Fig. 10 Pr Alain BONAFÉ. (Coll. privée)

Au départ du Pr. Ph. Castan en 1998, le Pr. Alain Bonafé, (Fig. 10) venu de Toulouse, prend la direction du service et contribue avec son équipe au sein de laquelle émerge le Dr. Vincent Costalat, à asseoir par son activité et son rayonnement régional, une reconnaissance nationale dans le domaine des pathologies inflammatoires et hérédo-dégénératives du système nerveux central. Nommé professeur des Universités et praticien hospitalier, le Dr. Vincent Costalat a succédé en 2016 au Pr. A. Bonafé après avoir longtemps collaboré avec lui. Le Dr. Nicolas Leboucq, Praticien Hospitalier temps plein, est le référent pédiatrique du service tandis que Nicolas Menjot de Champfleur, MCU-PH, coordonne le plateau d’imagerie IRM et dirige la plateforme de recherche I2FH (Institut d’Imagerie Fonctionnelle Humaine). Au tournant du siècle dernier, l’activité interventionnelle est devenue un pilier du développement de la neuroradiologie, en mettant l’image au service du patient pour la prise en charge des pathologies vasculaires cérébrales.

La neuroradiologie interventionnelle a d’abord traité les anévrysmes intracrâniens rompus, puis l’ensemble des malformations vasculaires. Les anévrysmes sont ainsi traités par mise en place de coils dont les évolutions techniques permanentes ont permis d’augmenter l’efficacité. Aujourd’hui, comme l’a écrit A. Bonafé : « les progrès simultanés de l’imagerie diagnostique et des possibilités des traitements endovasculaires ont déporté le poids de la décision thérapeutique du neurochirurgien vers le neuroradiologue interventionnel ; abstention, traitement endovasculaire, surveillance des malformations vasculaires cérébrales désormais lui reviennent ».

À partir de 2015 a été développée dans le service de neuroradiologie de Gui de Chauliac la thrombectomie comme modalité de prise en charge à la phase aiguë des accidents vasculaires cérébraux ischémiques par occlusion d’un gros tronc artériel, associée à la fibrinolyse intraveineuse. Pour le Languedoc-Roussillon, le service est à ce jour le seul centre de référence habilité à réaliser les gestes de thrombectomie mécanique dont le nombre s’élève régulièrement pour dépasser bientôt 450 par an. La croissance continue de l’activité du service montpelliérain lui a permis de tenir le premier rang du classement des centres de neuroradiologie interventionnelle en France, classement qui tient à l’attractivité régionale de l’équipe tant sur le plan diagnostique que thérapeutique. Au fil des années, l’équipe médicale a permis la formation de nombreux collaborateurs français et étrangers qui contribuent aujourd’hui au rayonnement de l’école montpelliéraine de neuroradiologie.

L’imagerie ostéo-articulaire à l’Hôpital Lapeyronie

Les voisinages du service de rhumatologie, de celui de réadaptation fonctionnelle et de plusieurs services chirurgicaux d’orthopédie ont poussé dès le début le SIM Lapeyronie à développer une importante activité de radiologie ostéo-articulaire. C’est le Dr. Paul Lopez qui fut le premier en charge de cette demande. S’appuyant sur une utilisation rationnelle de la radiologie osseuse conventionnelle et l’orientant vers une numérisation efficiente, il développe l’activité d’arthrographie, puis d’arthro-scanner, méthode innovante et particulièrement instructive, surtout dans ses indications principales (épaule et genou), mais aussi pour d’autres articulations (poignet, hanche, cheville, etc.).

Le Dr. Catherine Cyteval, Praticien Hospitalier, prend rapidement la direction de ce secteur ostéo-articulaire et le place, avec l’aide du Dr. Marie-Pierre Baron-Sarrabère, à un niveau d’excellence que lui facilite un accès aisé aux appareils de scanner et d’IRM installés dans le service ainsi qu’à l’échographie devenue un examen essentiel en pathologie ostéo-articulaire. Par ailleurs la numérisation des images de radiographie conventionnelle a suivi régulièrement dans le SIM Lapeyronie une évolution qualitative proportionnée aux progrès de l’informatique, rendant son utilisation performante et aisée. La radiologie interventionnelle rachidienne à visée radiculaire (infiltrations sous contrôle scannographique, etc.) et à visée vertébrale (cimentoplasties) a pu être largement pratiquée et de nombreux radiologues se sont ainsi formés et perfectionnés (Dr. Éric Decoux).

La réputation et l’important recrutement du secteur ostéo-articulaire du SIM Lapeyronie lui ont autorisé l’installation d’un appareil innovant, le système E.O.S. (Électro-Optical-System) qui permet d’obtenir des bilans radiographiques tridimensionnels au prix d’une très faible irradiation. L’EOS est donc particulièrement intéressant pour l’analyse et le suivi des scolioses chez l’enfant.

La radiopédiatrie

La radiopédiatrie montpelliéraine a pris réellement naissance en 1972 avec l’arrivée du Dr. J.-L. Ferran, alors en fin d’internat et déjà spécialiste en pédiatrie, au Service de radiologie du rez-de-chaussée de l’hôpital Saint-Charles encore dirigé par le Pr. P. Bétoulières. Les voisinages du Service de Pédiatrie situé au 5e étage de l’Hôpital et de celui de Chirurgie Pédiatrique du 4e étaient à l’origine d’une demande régulière d’examens, jusqu’alors réalisés par les radiologues généralistes du service (en particulier le Dr. Simone Lamarche). La radiopédiatrie spécialisée n’existait pas en tant que telle à Montpellier alors qu’elle avait pris corps à Paris du fait de pionniers (Jacques Lefebvre et ses élèves, Pierre Sauvegrain et Clément Fauré). J.-L. Ferran se forme auprès d’eux et acquiert vite compétence et réputation malgré des moyens techniques limités au départ.

En 1978, J.-L. Ferran est rejoint par le Dr. Alain Couture lui aussi pédiatre, nommé Radiologiste des Hôpitaux en 1982 et seul responsable de la radiopédiatrie après le départ de J.- L. Ferran. Il est accompagné par des Praticiens Hospitaliers, les Drs. Corinne Veyrac (nommée en 1986), Catherine Baud (nommée en 1992) et plus tard Magali Saguintah (nommée en 2003). La spécialité radiopédiatrique sera révolutionnée par l’apparition de l’échographie en 1980, examen de pratique aisée et surtout non irradiant pour l’enfant. L’équipe montpelliéraine, très soudée, sera ainsi la première en France et l’une des premières au monde à utiliser la fenêtre de la fontanelle antérieure pour l’exploration échographique du cerveau du nouveau-né et du nourrisson.

En 1993, la fermeture de l’hôpital Saint-Charles et l’ouverture de l’hôpital Arnaud de Villeneuve permettront à l’équipe du Dr. A. Couture d’aménager un service indépendant de radiologie pédiatrique doté de toute la panoplie de l’imagerie moderne : radiographie numérisée, échographie, scanner et IRM, au voisinage immédiat du SIM de l’hôpital Arnaud de Villeneuve dirigé par J.-P. Sénac. Le dynamisme et la compétence reconnue de cette équipe médicale seront à l’origine de nombreuses communications, de publications, de la rédaction d’ouvrages médicaux et de l’organisation de congrès dédiés à la radiopédiatrie.

Depuis 2015, le Service de Radiopédiatrie est dirigé par le Dr. Catherine Baud et, maintenant, par le Dr. Ingrid Millet. Il reste une des références françaises de la discipline.

La médecine nucléaire et le PET-scan

À Montpellier, c’est le Pr. Paul Lamarque qui est à l’origine de la spécialité de médecine nucléaire utilisant des isotopes radioactifs à des fins diagnostiques et parfois thérapeutiques. Il confie cette spécialité à un pharmacien M. Thibaud qui la développa au sein du Centre anti-cancéreux. La médecine nucléaire s’autonomise ensuite et s’étend sur plusieurs sites hospitaliers à Montpellier, puis à Nîmes, sous la responsabilité du Pr. Pierre Suquet dont les collaborateurs furent les Prs. Jean-Claude Artus et Michel Rossi et dans le secteur libéral le Dr. Henri Collet et le Dr. Frédéric Comte.

Grâce à l’injection de radio isotopes spécifiques, il est possible d’explorer la morphologie et le métabolisme (scintigraphies) de nombreux organes comme le myocarde et la thyroïde. L’utilisation de l’iode radioactif est particulièrement utile dans le diagnostic et le traitement de certaines lésions thyroïdiennes.

Aujourd’hui la tomographie par émission de positrons (TEP ou PET-Scan) est un examen de médecine nucléaire devenu indispensable dans le diagnostic et le bilan de nombreux cancers, basée sur l’injection par voie veineuse d’un radionucléide émetteur de positrons et couplé à un vecteur biochimique dont on va étudier le métabolisme et la distribution dans le corps. Le radionucléide le plus utilisé aujourd’hui est le Fluor 18 produit par un cyclotron, le vecteur biochimique est le déoxyglucose, analogue du glucose. Le produit ainsi constitué, le 18 Fluorodéoxyglucose (FDG), est injecté puis capté par les cellules cancéreuses friandes de glucose, mais qui ne pourront pas en profiter car le métabolisme du FDG ne lui permet pas de franchir la membrane cellulaire. La répartition et l’intensité de l’émission sont mesurées par un capteur externe qui, couplé à un scanner X, permet de localiser avec précision le lieu de l’émission et d’en mesurer l’intensité. Il est ainsi possible de caractériser des lésions suspectes et de détecter dans les bilans d’évaluation de cancer la présence de métastases. Ainsi, dans le bilan pré-opératoire d’un carcinome bronchique, la réalisation d’un Pet-scan est une étape obligatoire. Le PET-scan a d’autres indications en dehors de l’oncologie comme par exemple les maladies inflammatoires, la recherche de foyers infectieux, ou l’étude des maladies dégénératives cérébrales. D’autres produits radiopharmaceutiques que le FDG peuvent être utilisés en pratique courante, avec chacun des indications particulières : 18 F-Choline, 18F-DOPA, et 18F-Na. D’autres encore sont appelés à venir renforcer le rôle diagnostique et dans certains cas thérapeutiques du PET-scan.

Les nouvelles dimensions de l’imagerie médicale à Montpellier

À partir des années 1980, l’essor technologique de la nouvelle imagerie médicale, conjugué au dynamisme des équipes médicales qui le portent, va donner à la spécialité de nouvelles dimensions dans les domaines de la recherche, de l’enseignement et de la santé publique.

L’Institut montpelliérain d’imagerie médicale (IMIM)

Les objectifs de recherche et d’évaluation que s’étaient fixés à la fin des années 60 le CERF et son secrétaire J.-L. Lamarque, afin d’asseoir sa crédibilité de discipline clinique, nécessitaient que soit créée une structure autonome qui soit consacrée à ces missions extra-hospitalières. À Montpellier, J.-L. Lamarque bénéficia de l’aide et de la compréhension du maire Georges Frêche pour bâtir et équiper un Institut qui fût inauguré en 1994.

Dans cet institut furent menées des études sur les corrélations anatomo-radiocliniques (menées avec la participation des anatomistes Pierre Rabischong et Joseph Pujol) et histo-radiologiques (avec les chirurgiens Henri Pujol et Alain Gary-Bobo et les anatomo-pathologistes Pierre Baldet et Jacques Roustan). Ces études débouchèrent sur plusieurs applications, d’abord en pathologie du système lymphatique, en hépatologie et dans l’exploration de l’impuissance masculine, et surtout dans l’exploration du sein en imagerie où elles permirent d’expliquer la formation des images normales et pathologiques de la glande mammaire et permirent d’élaborer une nouvelle sémiologie de la mammographie.

L’IMIM abrita par ailleurs des matériels d’imagerie innovants qui lui étaient confiés pour évaluation. Ce fut le cas d’appareils de thermographie (par caméra ou en plaque), des échographes à bain d’eau dédiés à l’exploration mammaire, d’un électomammogramme et d’un appareil de microscopie acoustique à vocation sénologique. Mme Liliane Raynaud, manipulatrice et qualiticienne, s’est beaucoup impliquée dans ces diverses évaluations.

Le dépistage de masse organisé du cancer du sein

La pratique mammographique développée par J.-L. Lamarque et ses équipes dans leur consultation des maladies du sein les persuada très vite de l’importance du diagnostic précoce des cancers du sein à un stade où leur petite taille les rendait accessibles à un traitement efficace à même de les guérir et de réduire les séquelles, les souffrances et la mortalité qui accompagnait leur découverte à un stade tardif. Il fallait, dans ce but, organiser un dépistage de masse des femmes se situant dans la tranche d’âge où le risque est le plus important, et à l’aide d’un test de dépistage dont la sensibilité et la spécificité seraient optimales. La qualité du test et celle de l’interprétation de ses résultats devaient pouvoir être vérifiées en permanence par un organisme de contrôle indépendant.

Après de longues études ponctuées de déplacements dans les pays européens déjà acquis à ces méthodes, et avec l’aide d’épidémiologistes (Pr. J.-P. Daurès), d’économistes de santé (Pr. Guy Delande) de cancérologues (Prs Henri Pujol et J.-B. Dubois) et bien sûr de radiologues (Pr. Joseph Pujol, Drs Jeanine Cherifcheikh, Patrick Boulet et Bruno Salicru), J.-L. Lamarque mit sur pieds un programme de dépistage mobile original, le Mammobile, développé grâce au soutien du maire Georges Frêche et l’aide technique et financière du constructeur Général Électric, de la CPAM de l’Hérault, de l’assureur Groupama et du Groupe Nicollin. Le démarrage eut lieu en 1990 et fut largement médiatisé. L’intérêt était de pouvoir ainsi atteindre des populations féminines, soit habitant des zones rurales ou des quartiers citadins vides de cabinets de radiologie de proximité, soit réticentes pour des motifs divers (en particulier économiques et socio-culturels) à la fréquentation de cabinets médicaux.

Abrité et évalué à l’IMIM pour ses structures fixes de convocation et d’analyse des tests, et s’appuyant sur des réseaux féminins motivés et très efficaces qui en assurent sa promotion (le « Comité Féminin » dont la première directrice fut Mme Françoise Rabischong), le dépistage héraultais par Mammobile a fait vite la preuve de son efficacité. S’étant dans un premier temps heurté à l’incompréhension des radiologues libéraux qui y voyaient une concurrence inutile et déloyale, il s’intégra par la suite à un programme national mixte qui associait, dans l’Hérault, les cabinets de proximité agréés (soumis à un contrôle strict de qualité) et les Mammobiles. Ce système original continue de fonctionner à l’IMIM depuis sa création et a permis de dépister un grand nombre de cancers du sein de petite taille, sauvant ainsi la vie de nombreuses femmes.

L’enseignement et la FIMED-LR

Si la formation initiale en radiologie, intéressant les étudiants en médecine puis les radiologues en cours de spécialisation, était organisée par la Faculté de Médecine et réalisée par les radiologues universitaires, il n’existait pas de structure pérenne à même de donner un enseignement continu aux radiologues en exercice. Pourtant, leur besoin était majeur dans une discipline dont les moyens techniques étaient en constante progression et dont l’innovation permanente rendait vite obsolètes les connaissances et les pratiques acquises, même récemment.

À Montpellier, le Pr. Jean-Paul Sénac responsable de l’enseignement au sein du CHU et coordinateur régional de l’enseignement de l’imagerie médicale de la région sud-est (Société du Littoral Méditerranéen) et le Dr. Elysé Lopez, alors président régional de la Fédération des médecins radiologues, décidèrent de créer un organisme de formation médicale continue destiné aux radiologues de la région. La FIMED-LR (Formation continue en Imagerie Médicale du Languedoc-Roussillon), dont les locaux sont abrités par l’IMIM, a été créée en 1998, a fonctionné depuis lors et a délivré un enseignement validant les obligations légales de formation continue auprès de nombreux professionnels de la région. D’autres modalités d’enseignement à distance par internet viennent maintenant s’y substituer.

Les premiers congrès montpelliérains d’imagerie

Les congrès nationaux ou internationaux permettent la communication des savoirs entre les professionnels et les échanges de leurs expériences. Les grands congrès organisés par l’école d’imagerie médicale montpelliéraine, autour de Jean-Louis Lamarque ou par les élèves qui le suivent, sont les témoins de la reconnaissance d’une dynamique, d’une compétence et d’un savoir-faire, reconnaissance qui rejaillit dans toute la région qui les abrite.

Pr J.-M. BRUEL. (Coll. privée)
Fig. 11 Pr J.-M. BRUEL. (Coll. privée)

Parmi les nombreuses manifestations organisées depuis les années 1960, on peut détacher les Premières Journées Montpelliéraines de Radiodiagnostic consacrées à l’artériographie hépatique et organisées en novembre 1972 au centre régional de documentation pédagogique par J.-L. Lamarque et ses équipes, et qui obtint un grand succès. Il en fut de même en novembre 1978 pour les Deuxièmes Journées Montpelliéraines consacrées à la « tomodensitométrie corps entier », en novembre 1980, pour l’International Post-graduate Course in Angiography – European College of Angiography, et pour les Troisièmes Journées Montpelliéraines de 1984 intitulées « L’idéal, le Possible et l’Indispensable », où se fait jour la problématique médico-économique de l’imagerie. Un premier cours d’imagerie du corps entier par IRM est enfin organisé à Monaco en janvier 1987 par J.-L. Lamarque.

En juin 2000 est organisé à la Grande-Motte par J.-M. Bruel (Fig. 11) le grand Congrès de l’ESGAR (European Society of Gastrointestinal and Abdominal Radiology). D’autres manifestations organisées par des élèves de J.-L. Lamarque rencontreront de grands succès (comme par exemple les divers ateliers de tomodensitométrie thoracique de J.-P. Sénac). Il en ira de même de manifestations montpelliéraines en neuroradiologie, en radiopédiatrie et en imagerie digestive (comme la réunion du GERMAD en septembre 2011).

La radiologie libérale à Montpellier

Les équipements d’imagerie médicale du secteur libéral et les praticiens en charge de leur fonctionnement occupent aujourd’hui une place importante dans l’organisation des soins à Montpellier, comparable dans un grand nombre de secteurs à celle des services d’imagerie des établissements du CHU. Cette situation d’équilibre relatif entre les activités du secteur public et celles du secteur libéral dans le domaine de l’imagerie est toutefois assez récente, car à Montpellier les installations radiologiques privées furent rares et peu actives. On ne trouve trace que d’un seul radiologue libéral installé en ville au début du 20e siècle : le Dr. Louis Parès (par ailleurs collaborateur des Prs Imbert et Bertin-Sans à la Faculté et au service d’électrothérapie de l’Hôpital suburbain, futur Saint-Éloi, puis en 1911, chef de service de radiologie à l’Hôpital Saint-Charles) qui ouvre vers 1920 une clinique située à l’angle de la rue Marceau et du Cours Gambetta, au sein de laquelle fonctionne une installation radiologique et électrothérapique. Le Pr. Paul Lamarque ouvre en 1923 le premier véritable cabinet de radiologie privé à son domicile du 5, passage Lonjon avant de le transférer en 1932, au 5 rue Boussairolles. Dès 1935, il sera rejoint dans ce cabinet par son cousin le Pr. Pierre Bétoulières, par ailleurs chef de laboratoire d’électroradiologie à la Faculté. À mesure que la demande d’examens radiologiques s’accroit dans les années 40 et 50, ce cabinet sera jusqu’à sa fermeture, aux environs de 1970, le lieu d’exercice à temps partiel de jeunes radiologues travaillant principalement à l’hôpital public. À partir de la fin des années 50, l’augmentation du nombre de radiologues formés dans les hôpitaux de Montpellier et celle de la demande d’examens radiologiques en médecine de ville conduit à l’ouverture d’un certain nombre de cabinets au centre-ville (et particulièrement autour de la place de la Comédie). L’un des plus actifs est celui des Drs Pierre Leenhardt et Michel Pélissier (auquel succède Luc Beltrando) au 6, rue du Clos René. Plus tard, dans la période 1980-2000, à mesure que grandit Montpellier, se créent de très nombreux cabinets, disséminés dans les divers quartiers excentrés ou en périphérie de la ville, qui viennent s’ajouter aux cabinets plus anciens concentrés au centre-ville. À la fin du siècle dernier un maillage radiologique très serré est ainsi constitué dans et autour de Montpellier par de très nombreux cabinets de proximité qui procurent aux patients « ambulatoires » une imagerie faite de radiologie conventionnelle, de mammographies et de plus en plus d’échographies.

Un changement radical s’observe à partir des années 90 : l’imagerie en coupes (Scanner et IRM) devient peu à peu prépondérante et les jeunes radiologues formés dans les hôpitaux à ces techniques répugnent à s’installer dans des cabinets de ville qui ne peuvent leur offrir qu’une activité d’imagerie en majorité conventionnelle. En effet, l’implantation des équipements dits « lourds » (Scanner et IRM) est soumise à une autorisation administrative et réservée aux seuls établissements de soins, donc aux radiologues exerçant en leur sein. Par ailleurs, la profession se féminise rapidement et aspire à des conditions de travail moins contraignantes, ce qui favorise encore l’exercice en groupe. On assiste alors à une montée en puissance rapide des cabinets d’imagerie exerçant au sein des cliniques privées qui sont par ailleurs très actives dans le secteur montpelliérain (Cliniques du Parc, Saint-Roch, Le Millénaire, Clémentville et Saint-Jean). Les radiologues de ces établissements vont constituer des groupes d’associés fonctionnant selon diverses modalités juridiques et devenant de plus en plus importants à mesure que ferment les cabinets de ville, dont les praticiens sont parvenus à l’âge de la retraite, sans que la plupart trouvent un successeur.

Cette augmentation du nombre des radiologues exerçant en clinique va de pair avec l’évolution de la discipline, déjà vécue au CHU, vers les « sous-spécialités » (imagerie digestive, ostéo-articulaire, sénologie, neuroradiologie, imagerie interventionnelle, etc.) et les groupes ainsi constitués vont recruter de jeunes associés, chacun compétent dans l’une d’elles.

Le modèle longtemps prédominant du radiologue solitaire et généraliste exerçant dans un cabinet de proximité a été remplacé par celui des grands plateaux techniques suréquipés au sein des cliniques, où exercent de nombreux radiologues associés, hyperspécialisés et interconnectés. Il ne subsiste plus qu’un seul cabinet au centre-ville de Montpellier (celui du 10, boulevard Victor Hugo, ouvert depuis 1977). Trois grands groupes d’associés dominent maintenant le paysage radiologique libéral du secteur montpelliérain : l’un constitué autour de la Clinique du Parc (avec l’ICM, l’Hôpital de Lodève et Val Médical à Lunel), l’autre – IMACAM – autour des Cliniques Saint Roch, Le Millénaire, Saint Jean et Saint Louis de Ganges, et le troisième autour de la Clinique Clémentville (qui abrite par ailleurs le seul centre libéral de radiothérapie à Montpellier), ainsi que de la Clinique de Pézenas. Ces entités ont acquis de nos jours des tailles, des compétences et des savoir-faire reconnus et elles proposent une réponse de qualité à la demande médicale toujours croissante, tant en pratique ambulatoire qu’en urgence ou en hospitalisation.

La capacité d’adaptation de ces structures doit leur permettre de relever les défis techniques et managériaux à venir et de rester efficientes malgré les disparités observées avec le secteur public en matière d’autorisations administratives d’équipements lourds. La composante libérale de l’imagerie médicale pourra ainsi continuer longtemps de s’inscrire avec succès dans la tradition de la grande école radiologique montpelliéraine.

Conclusion

L’Université médicale de Montpellier, la plus ancienne d’Europe, a connu un développement exemplaire de la radiologie depuis la découverte des rayons X par W. Roentgen à la fin du 19e siècle. Les premiers maîtres, les Prs Imbert et Bertin-Sans, avaient su comprendre l’importance des retombées cliniques d’une telle découverte et c’est Paul Lamarque qui lui donna sa place au sein des spécialités médicales et chirurgicales. En véritable visionnaire, il participa à la création en France des Centres anti-cancéreux dont celui de Montpellier qu’il dirigea jusqu’à la fin de sa carrière, confiant la partie diagnostique de la spécialité de radiologie à son collaborateur le Pr. Pierre Bétoulières qui développa les services de radiodiagnostic des hôpitaux Saint-Charles et Saint-Éloi. Vint alors le temps de son fils, Jean-Louis Lamarque, qui participa à la création du Conseil des Enseignants de Radiologie Français (CERF) et organisa la spécialité en une discipline clinique à part entière, créant des secteurs spécialisés confiés chacun à des élèves : neuroradiologie (Pr. Philippe Castan), imagerie cardiovasculaire et thoracique (Pr. Jean-Paul Sénac), radiopédiatrie (Drs Jean-Louis Ferran et Alain Couture), imagerie digestive (Pr. Jean-Michel Bruel) et imagerie ostéo-articulaire (Pr. Catherine Cyteval). Avec l’appui du Dr. J.-F. Ginestié, Jean-Louis Lamarque porta la radiologie vasculaire à son plus haut niveau local, mais aussi national et international.

La nouvelle imagerie (Échographie doppler, Scanner X, Imagerie par Résonance Magnétique) a bouleversé la discipline à partir des années 1975. Jean-Louis Lamarque a su saisir son importance et en doter les services de radiologie des hôpitaux de Montpellier : le premier scanner « corps entier » en France a été ainsi installé à Montpellier. Avec le soutien du maire Georges Frêche, il mit en place le premier dépistage de masse mobile du cancer du sein en France et créa l’Institut Montpelliérain d’Imagerie Médicale (IMIM) dédié à la recherche et à l’enseignement. L’École de manipulateurs qu’il a créée a permis de former de nombreux manipulateurs de radiologie/imagerie médicale pour les services hospitaliers et libéraux.

Le dynamisme et la créativité de l’école montpelliéraine de radiologie tout au long de son siècle d’existence sont à l’origine de très nombreux travaux universitaires (publications, ouvrages scientifiques, congrès médicaux) et lui ont permis d’acquérir une réputation internationale. Elle se poursuit aujourd’hui grâce à la compétence des jeunes praticiens hospitalo-universitaires qui ont succédé à Jean-Louis Lamarque et à la première génération de ses élèves. Ce même dynamisme affecte aussi la radiologie libérale montpelliéraine désormais organisée selon des modèles professionnels issus de la structuration de la radiologie hospitalo-universitaire en spécialités d’organe.

Cette histoire de la radiologie/imagerie montpelliéraine depuis sa naissance, a montré ce qu’a été sa longue marche au travers de nombreux obstacles et de défis permanents. Il appartient désormais aux générations actuelles et futures de relever les nouveaux défis qui se présentent à elles, comme celui de l’intelligence artificielle.

BIBLIOGRAPHIE

BÉTOULIÈRES 1961 : BÉTOULIÈRES (Pierre). Débuts de la radiologie à Montpellier, dans Monspeliensis Hippocrates, 1961.

BONAFE 1996 : Bonafé (Alain) et al., Radiographie standard du crâne de l’adulte, Paris ; Éditions Elsevier, 1996.

BRUEL, LOPEZ 1996 : BRUEL (Jean-Michel), LOPEZ (François-Michel), Imagerie et Urgences. Paris ; éditions Flammarion médecine-sciences, 1996, 362 pages.

LAMARQUE 1974 : LAMARQUE (Jean-Louis), L’Artériographie hépatique, Paris ; Éditions Masson et Cie, 1974, 419 pages.

LAMARQUE 1981 : LAMARQUE (Jean-Louis), Le sein, radiodiagnostic clinique, Paris ; Éditions Medsi, 1981, 400 pages.

LAMARQUE 1988 : LAMARQUE (Jean-Louis), IRM. Corps entier, Montpellier ; Éditions Axone, 1988, 424 pages.

LAMARQUE, SENAC, LOPEZ  2020 : LAMARQUE (Jean-Louis), SENAC (Jean-Paul), LOPEZ (Élisé), Un siècle de radiologie à Montpellier, Montpellier ; Mimosa, 2020, 217 pages.

LAMARQUE, SENAC, LOPEZ 2020 : LAMARQUE (Jean-Louis), SENAC (Jean-Paul), LOPEZ (Élisé), Voyage au centre du corps humain, Archipress, 2020, 316 pages.

LAMARQUE 1932 : LAMARQUE (Paul), Bases physiques et biologiques de la Roentgenthérapie, Masson, 1942, 532 pages.

LAMARQUE 1932 : LAMARQUE (Paul), Précis de radiodiagnostic, Éditions G. Douin, 1932, 646 pages.

SENAC, GIRON 1985 : SENAC (Jean-Paul), Giron (Jacques), Tomodensitométrie thoracique, Éditions Axone, 1985, 704 pages.

SENAC, GIRON 1986 : SENAC (Jean-Paul), Giron (Jacques), Imagerie moderne du cœur et des vaisseaux, Sauramps Médical, 1986, 560 pages.

SENAC, DURAND 2006 : SENAC (Jean-Paul), Durand (Gérard), Imagerie de la vascularisation pulmonaire, Parimage GSK, 2006, 123 pages.

TAROUEL, BRUEL 2011 : Taourel (Patrice), BRUEL (Jean-Michel), CT of the Acute Abdomen, Taourel Editor, 2011, 475 pages.

NOTES

1. Un livre récent, Un siècle de radiologie à Montpellier paru en 2020 aux Éditions Mimosa, retrace dans ses détails l’histoire du développement local de cette spécialité et celle des hommes qui l’ont conduite, accompagnée de nombreuses anecdotes et d’illustrations photographiques. Le Professeur J.-L. Lamarque, auteur avec nous de ce livre, n’a pas souhaité intervenir dans la rédaction du texte que nous présentons ici et dont une grande partie retrace son action à la tête de la radiologie montpelliéraine de 1967 à 2000.

2. Fondateur en 1923 du premier centre anti-cancer de province, à l’hôpital Saint-André de Bordeaux.

3. Co-fondateur de l’Institut du radium à Paris.

4. Neurologue, agrégé à la Faculté de médecine de Paris.

5. Journaliste et Sénateur de la Seine, Ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales.

Acronymes

* Infirmière DEI : Diplôme d’État d’Infirmier
* INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (p. 7)
* CHU : Centre Hospitalier Universitaire (plusieurs fois cité)
* ORL : Oto-Rhino-Laryngologie (p. 8)
* CME : Commission d’Établissement (p. 11)
* SIM : Service d’Imagerie Médicale (p. 12 et autres)
* DU : Diplôme d’Université (p. 12)
* CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie (p. 17)
* ICM : Institut du Cancer de Montpellier, ancien Centre Anti-Cancéreux Paul Lamarque
* IMACAM : Imagerie et Cancérologie Médicale

Équipements d'imagerie du CHU GDC Neuro radio et Médecine Nucléaire
Fig. 12 Équipements d'imagerie du CHU GDC Neuro radio et Médecine Nucléaire
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Fig. 13 Équipements d'imagerie du CHU GDC Neuro radio et Médecine Nucléaire