Description
Un Préfet tiraillé entre l’Empire et la Monarchie : Joseph-Victor Aubernon
Qui était Joseph-Victor Aubernon ?
Né à Antibes, le 28 novembre 1783, Joseph-Victor Aubernon, fils de Philippe Aubernon (1757-1832), administrateur militaire de l’Empire, fait une carrière impressionnante. Entré en 1808 dans l’administration civile, il est fonctionnaire au commissariat de guerre, auditeur de 1ère classe auprès du Conseil d’État (dès janvier 1810) et auditeur d’ambassade à Varsovie et à Lemberg. Le 26 décembre 1813, il devient adjoint au général-sénateur Comte de Valence, commissaire extraordinaire dans la 6e Division militaire composée des départements du Doubs, de la Haute-Saône, du Jura et de l’Ain, qui avait pour mission de renforcer le patriotisme de la population de cette région frontalière. Il vient juste d’arriver à Troyes, en route pour la Franche-Comté, quand il apprend qu’il est nommé préfet de l’Hérault, décision prise le 13 janvier 1814. Ce n’est qu’au mois de février, qu’il arrive finalement à Montpellier pour y être installé le 21, en présence de son père, qui était venu de l’Italie pour l’occasion.
L’année suivante sera particulièrement bouleversante la chute de l’Empire, puis une première restauration de la monarchie épaulée par la présence des troupes alliées de l’Angleterre, la Russie, la Prusse et l’Empire autrichien, suivie par le retour de Napoléon de l’Île de l’Elbe qui sera, de nouveau, obligé, après la bataille de Waterloo, de laisser la place au roi Louis XVIII qui gouvernera la France jusqu’à 1820. Pendant cette année-là, le jeune homme relativement inexpérimenté, qui, à l’âge de 30 ans, a la lourde tâche d’administrer un département qu’il ne connait pas. De plus, il est opposé à une bonne partie de l’élite montpelliéraine qui ne voit en lui que le représentant d’un régime haï. Le 3 avril 1815, il déclare, dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur par laquelle il demande d’être remplacé, que « Les deux révolutions qui viennent de se succéder dans l’espace d’un an […] ont usé mes forces physiques et morales. Je n’ai plus aucune prise sur l’esprit public. Il est difficile à Montpellier où il n’est pas très porté, dans ce moment, pour le Gouvernement Impérial ». Il refuse alors d’accepter sa nomination à la préfecture de Tarn-et-Garonne, en remplacement du très royaliste Jean-Paul Alban de Villeneuve-Bargemont, en avril 1815.
Bien qu’il n’ait jamais exercé cette fonction à Montauban, cette nomination en soi ne lui vaut pas une recommandation aux yeux des gouvernements de Louis XVIII et Charles X. En fait, il n’exercera aucune fonction administrative sous la Restauration. Une petite notice qui se trouve dans son dossier aux Archives Nationales explique que les « principes constitutionnels » professés par Aubernon n’étaient pas conformes à « la marche du gouvernement d’alors ». De plus, sa demande d’une pension de retraite, datée le 22 novembre 1815, est refusée parce qu’il est considéré comme « trop jeune et trop riche ». En conséquence, il s’installe à Paris et s’investit dans le monde de la finance où il réussit à faire fortune ; son revenu est estimé à 20 000 francs par an. Il se marie et aura deux fils, dont l’un, Georges, né vers 1821, deviendra conseiller d’État et épousera Lydie Aubernon de Nerville, dont le salon parisien était l’un des plus célèbres de la Troisième République.
C’est à la fin des années 1820 qu’il publiera un livre sur les relations entre la France et les monarchies de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est dans lequel il défend sa préférence envers la monarchie constitutionnelle. Cette position a certainement favorisé sa nomination comme préfet du département de Seine-et-Oise, actuellement des Yvelines, au mois d’août 1830, quelques jours seulement après l’avènement au pouvoir de Louis-Philippe, roi des Français. Il prend alors le contrôle de la préfecture de Versailles, fonction qu’il exercera pendant toute la monarchie de Juillet, jusqu’au 28 février 1848. Élu député du département du Var le 28 octobre 1830, Aubernon fait partie de la fraction désignée sous le nom de « Majorité ministérielle » et s’identifie alors avec le régime orléaniste. De plus, il est nommé conseiller d’État, le 27 avril 1831, et élevé à la dignité de Pair de France, le 11 octobre 1832. Sa carrière de fonctionnaire et d’administrateur militaire se reflète bien dans ses interventions à la Chambre des Députés et à la Chambre des Pairs où il aborde des sujets tels que l’organisation de la Garde Nationale (1830) et les projets de loi relatifs aux fortifications de Paris et au recrutement de l’armée (1841).
Il y gagne la réputation d’un homme, certes bien informé, mais un peu ennuyeux qui manque de l’imagination et du talent indispensables à la vie politique. À cet égard, il semble d’avoir été le contraire de son épouse qui, elle, se fait remarquer par le salon qu’elle tient à Versailles elle essaie d’y éviter soigneusement toutes disputes politiques et reçoit des amis et des artistes dont quelques-uns, comme l’écrivain Henry Beyle, dit Stendhal, sont célèbres. D’ailleurs, Stendal s’en serait inspiré pour sa description du salon de Madame Grandet, personnage de style « nouveau riche », dans son roman Lucien Leuwen (situé à Nancy) qui dresse notamment un portrait de la vie de la haute bourgeoisie de province. Quant àAubernon, il aurait même été son inspiration pour la description peu flatteuse du préfet dans ce livre. Après la Révolution de 1848 qui renverse le règne de Louis-Philippe, le fidèle serviteur de la monarchie orléaniste est révoqué par le gouvernement provisoire. Ce même gouvernement lui accorde une pension de 5 287 francs. Aubernon s’installe alors, avec son épouse, dans le 10e arrondissement de Paris où il meurt le 29 octobre 1851, à l’âge de 67 ans.
Informations complémentaires
Année de publication | 2010 |
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Nombre de pages | 22 |
Auteur(s) | Bernard RULOF |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |