Un destin inachevé et brisé : les Vinezac, seigneurs de Cambous (Hérault)

Une famille noble de Languedoc à la rencontre du pouvoir régional et central en 1783-1784 et ses apparentements

La baronnie de Cambous, à Viols-en-Laval (Hérault), entra par mariage dans le patrimoine de la famille noble des Ratte, originaires de Gignac, au tout début du XVIe siècle. Elle s’agrandit notablement en 1677-1680 quand Marc Antoine et François de Ratte, père et fils, firent l’acquisition de la baronnie de Pégairolles et Buèges auprès des Murviel, alias Atbrand, barons de Murviel-lès-Béziers.

L’ensemble constituait ainsi, au tout début du XVIIIe siècle, une remarquable seigneurie, l’une des plus importantes des garrigues nord-montpelliéraines, à laquelle l’auteur du présent article consacre une vaste histoire économique et sociale, à paraître prochainement 1.

Cette seigneurie s’étendait alors sur la moitié d’un de nos actuels cantons et sur tout ou partie du territoire de plusieurs de nos actuelles communes, de part et d’autre du fleuve Hérault.

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Sur la rive gauche de l’Hérault, elle s’étendait sur les paroisses de Viols-le-Fort (Viols-en-Laval inclus), Saugras et Argelliers, au titre de la baronnie de Cambous, mais aussi sur la paroisse du Frouzet, à Saint-Martin-de-Londres, pour la baronnie de Pégairolles et Buèges. Sur la rive droite de l’Hérault, pour ladite baronnie de Pégairolles et Buèges, elle s’étendait sur les paroisses de Pégairolles, Saint-Jean et Saint-André-de-Buèges, ainsi que sur la paroisse du Causse-de-la-Selle, moins quelques fermes et terres, à Saint-André ou au Causse, qui relevaient, autour du confluent de la Buèges avec l’Hérault, de la baronnie voisine de Brissac, plus une partie de la paroisse du Coulet, à Saint-Maurice-Navacelles, aujourd’hui rattachée à la commune de Pégairolles-de-Buèges, la terre de Larret, ainsi que la métairie des Thières, aujourd’hui rattachée à la commune de Saint- Guilhem-le-Désert.

Selon un état économique de la baronnie de Pégairolles et Buèges dressé en 1680 à l’occasion de la cession de la seigneurie 2 le vendeur stipulait ainsi que son fief comprenait :

  • le château et lieu de Pégairolles, ainsi que le lieu du Méjanel, paroisse dudit Pégairolles, soit cinquante maisons en tout, ainsi que la métairie des Thières (au terroir et taillable de Saint-Guilhem) ;
  • le château et lieu de Saint-Jean-de-Buèges, soit cent cinquante maisons supplémentaires, ainsi que la métairie de Montels ;
  • la paroisse du Causse-de-la-Selle (ou Causse Haut), composée de vingt et une métairies « très considérables» (La Baume, Le Bouys, La Celle, Marou, Merle, etc.) ;
  • la paroisse du Causse de Frouzet (ou Causse Bas), composée de neuf métairies « très considérables» ;
  • la paroisse de Saint-André-de-Buèges, composée de trente métairies « considérables» ;
  • la paroisse de Saint-Maurice d’Alajou, composée de dix métairies (mais il convient de lire qu’une partie seulement de la paroisse relève de la seigneurie de Pégairolles) ;
  • la paroisse du Coulet (même observation), composée de trois métairies (dont Larret).

Le prix total de la vente de la baronnie de Pégairolles et Buèges étant de 54 500 livres, soit environ 18 fois son revenu annuel en droits féodaux, une telle seigneurie, jointe à celle de Cambous, faisait de ses possesseurs des hommes fort riches et de leurs filles d’excellents partis matrimoniaux, et ce malgré les dettes assez importantes de la maison de Cambous en 1705-1755. C’est ainsi que la succession des derniers seigneurs de Cambous et de Pégairolles, les Vinezac, fera ressortir en 1808 un patrimoine de l’ordre de 560 000 francs, soit une masse monétaire absolument colossale de 3,65 tonnes d’argent fin, ou 235,68 kilogrammes d’or fin (soit aujourd’hui aux alentours de 4,22 millions d’€uros 3). A tout cela s’ajoutait, jusqu’en 1749, la possession d’un autre fief sis sur le littoral, la seigneurie de Vic, à Vic-la-Gardiole, vendue 38 000 livres.

Les aléas des destinées humaines, décès précoces, stérilité des couples ou absence d’héritier mâle, amèneront cependant ce remarquable patrimoine à tomber en quenouille dès 1708 et à passer à nouveau aux femmes à plusieurs reprises en 1715-1803, attirant dès les années 1720 la convoitise d’un humble roturier natif de Pégairolles, Jacques Rigal, sieur de Larret (1678-1765). Celui-ci parviendra néanmoins, malgré une lettre de cachet du roi l’exilant à Toulouse en 1722 4, à épouser en 1724 l’une des deux cohéritières de la seigneurie, pour lors enfermée en 1722 au couvent de Sommières sur ordre de sa famille, Françoise de Roquefeuil (1689-1762) 5.

Leur fille unique, Marguerite Rigal (1728-1808), fera entrer ce patrimoine dans la famille des Vinezac en 1753, dispersé ensuite entre d’autres mains par des mariages de 1778-1803 (voir tableaux en annexes).

  • les Brignac de Montarnaud et les Turenne d’Aynac par mariages en 1778 puis 1799 de leur fille aînée puis d’une petite-fille ;
  • les Ginestous, de Marou au Causse-de-la-Selle, par mariage de la fille cadette en 1789 ;
  • les Vogüé (ou Vogué) enfin, par mariage d’une petite-fille, alors principale héritière, en 1803.

Il s’ensuivra dès 1803 un procès-fleuve entre héritiers qui devait durer jusqu’aux années 1820, impliquant d’une part la famille Vogué, et d’autre part la famille Turenne ainsi que les familles Ginestous et Grasset 6.

Joseph de Julien (1726-1792), comte et seigneur de Vinezac, capitaine au régiment de Luzignan, avait été blessé à une main au siège de Fribourg. Il était issu d’une famille noble du Vivarais dont le nom de terre de Vinezac, un village de l’Ardèche, près de Largentière, était venu à sa famille par une alliance matrimoniale de 1644. Fils aîné de Louis de Julien et de Claudine de Plantier, il quitta ses terres du Vivarais pour s’installer en 1753 sur le causse de Viols à l’occasion de son mariage avec l’héritière potentielle du château de Cambous, une jeune femme, née en 1728, que ses parents peinaient alors à marier en raison des dettes de la famille. Il épousa ainsi le 27 février 1753, à Viols-le-Fort (contrat du 26, Claparède, not.), Marguerite Riga] (1728-1808), fille unique, née à Gignac dans des conditions fort particulières, de Jacques Rigal, modeste sieur de Larret, et de Françoise de Roquefeuil, l’une des riches Dames de Cambous. Son épouse, Marguerite Rigal, est alors la nièce de Claire Théodore de Roquefeuil (1692-1759), marquise de Murviel par un mariage de 1713 resté sans enfant, contracté avec François Emmanuel de Murviel, fils et petit-fils des vendeurs de la baronnie de Pégairolles et Buèges. Les baronnies de Cambous et de Pégairolles étaient tombées en quenouille en 1708, au décès de François de Ratte, oncle de Françoise et Claire Théodore de Roquefeuil. Elles en avaient hérité en 1715 (avec la seigneurie de Vic, vendue en 1749), lors du décès de leur mère, Marguerite de Ratte, épouse en 1679 de François Jules de Roquefeuil.

Son épouse jouant un rôle effacé, Joseph de Julien de Vinezac éteignit les dettes de la Maison de Cambous et put accroître quelque peu leur seigneurie en faisant l’acquisition de biens des Roquefeuil de la branche de Brissac mis aux enchères en 1767, devenant alors marquis de la Roquette (Mas-de-Londres). Les recherches de charbon menées en 1785 sur ses terres du val de Buèges resteront cependant infructueuses, ne lui permettant pas de profiter pleinement de ces ressources nouvelles que le manque chronique de bois faisait inlassablement rechercher aux quatre coins de la province.

Désigné en 1788-1789 comme l’un des porte-parole de la noblesse languedocienne, le comte de Vinezac est alors le président de l’assemblée du 16 mars 1789 qui dresse le cahier de doléance de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier 7. Il gère à cette époque une fortune colossale et règne, pour ne parler que de l’Hérault, sur une vaste seigneurie de près de 450 feux, soit aux alentours de 1 500 à 2 000 personnes, sans parler des fiefs catalans de sa belle-fille ou de ses propres biens du Vivarais.

Mais les Vinezac vont rapidement passer à la contre- révolution. Joseph de Julien, rejoint par son frère, Mathieu, et épaulé par son gendre, Anne Eugène de Ginestous, fait ainsi l’acquisition de 4 000 fusils 8 et complote pour organiser sur ses terres, avec Jean Louis Solier, ancien prieur de Colognac (le fameux abbé Sans-Peur), et le notaire de Pompignan, Antoine Péridier, une insurrection royaliste à laquelle le comte d’Antraigues, un aristocrate du Vivarais, natif de Montpellier, alors apparenté par alliance aux Vinezac, est manifestement associé de très près. Celle-ci, prévue en val de Buèges avec 15 à 20 000 hommes et quelques canons à installer au château de Saint-Jean-de-Buèges, avortera cependant en janvier 1792 quand des pluies diluviennes empêcheront une soixantaine de commissaires du contre-pouvoir de se réunir dans l’auberge dudit Saint-Jean, quartier- général du complot.

Joseph de Julien de Vinezac meurt peu après, le 14 mai 1792, sans avoir pu participer à l’insurrection du Vivarais de juillet 1792 un coup de force prématuré, connu sous le nom de troisième rassemblement de Jalès et que dirigera maladroitement François Louis, comte de Saillans (1741-1792), lieutenant colonel des chasseurs du Roussillon, déjà impliqué dans le complot de Pont-Saint-Esprit.

Il avait testé le 24 mai 1790, lors des drames personnels, des décès précoce, qui touchaient alors sa famille, par un acte reçu par le notaire montpelliérain Vézian et qui ne sera ouvert que le 24 juillet 1792. Sa veuve, Marguerite Rigal (improprement dite Rigol dans de nombreux actes), subira alors diverses tracasseries en son château (abolition des signes de noblesse et démantèlement des fortifications, perquisitions lors de l’émigration d’un gendre et l’emprisonnement d’une fille, destruction des titres féodaux), puis s’installera à Montpellier où elle mourra le 25 janvier 1808, laissant alors un coquet patrimoine, de l’ordre de 812 0000 francs, qui fit l’objet d’inventaires très détaillés 9.

Le couple avait eu plusieurs enfants, tous morts précocement, jeunes ou devenus adultes, car tous atteints de ptysie comme l’atteste le certificat médical dressé lors de l’emprisonnement d’une fille pour cause d’émigration du mari de celle-ci et signalant comment les problèmes qui la touchaient étaient communs à toute la fratrie.

Succession en 1808 de Marguerite Rigal veuve Julien de Vinezac

Succession en 1808 de Marguerite Rigal
Succession en 1808 de Marguerite Rigal veuve Julien de Vinezac selon les déclarations fiscales du printemps et de l’été 1808 dans les différents bureaux de l’enregistrement de l’Hérault (hors biens de Pégairolles donnés en 1784 par Marguerite Rigal à son fils, désormais défunt, représenté en 1808 par l’épouse du comte de Vogüé, son unique héritière, ainsi que les biens ardéchois donnés en 1784 au dit fils par son père)

Le fils aîné, Pierre de Julien de Vinezac (1754-1788), fut successivement l’époux en 1783 (Albi, Ste-Martianne, 4 mars, et contrat du 3, Fabré, flot) d’Aglaé Dupuy-Montbrun, une petite-nièce du célèbre cardinal de Bernis, puis en 1784 (Montpellier, Notre-Darne des Tables, 23 novembre, et contrat du 22, Péridier, flot.) de Gabrielle du Vivier de Lansac (morte en 1791). Une demi-sœur de celle-ci, Marie Joséphine Sophie Xavier, mariée en 1788 avec Jean Joseph François Gaspard de Richer de Belleval (fils d’un président de la Cour des comptes, aides et finances), était la petite-fille de Jean Emmanuel de Guignard de Saint-Priest (intendant de Languedoc), la nièce de François Emmanuel de Guignard de Saint-Priest (ambassadeur puis ministre de l’intérieur de Louis XVI en 1790) et la cousine de Louis Alexandre de Launay, comte d’Antraigues, le célèbre pamphlétaire et comploteur, agent du Comité royaliste de Turin, dont l’Adresse à la noblesse de France du 25 novembre 1791 était un appel à l’insurrection et à l’émigration combattante. De telles alliances avec des proches du roi et des ministères promettaient aux Vinezac un brillant avenir qui fut compromis par des décès prématurés et par la Révolution, période où des neveux de Joseph de Julien de Vinezac, fils de Mathieu, son frère, trouvèrent la mort, à Lyon (1793) et à Quiberon (1795).

Deux filles de Joseph de Julien de Vinezac furent mariés mais moururent également très jeunes, tout comme leurs frères et autres sœurs : Françoise (1755-1790), épouse en 1778 de Jacques Jean Elisabeth de Brignac, mort dès 1786 (dont une fille épousera en 1799 Amédée de Turenne, futur comte d’Empire et proche de l’empereur), et Henriette (1767-1799), épouse en 1789 d’Anne Eugène de Ginestous (d’où un fils et une fille mariés), emprisonnée avec sa belle-mère sous la Terreur pour cause d’émigration du mari de l’une et des fils de l’autre. L’héritière principale des Vinezac fut pour la moitié des biens Sophie de Julien de Vinezac (1785-1819), épouse le 29 brumaire An XII (21 novembre 1803, Montpellier, et contrat du même jour. Auteract et Caizergues, flot., suivi d’une transaction du 6 frimaire), d’un ancien émigré, grièvement blessé lors des mutineries de Nancy en 1790, Charles Florimond, comte de Vogué (1769-1839), natif de Tresques (Gard), auquel elle apportait le château de Cambous mais aussi les biens catalans de sa mère, des fermes de la région d’Île-sur-Têt et des forges qui seront alimentées par les mines de fer de Batère et des Indis, sises au Canigou, dont la concession sera accordée aux Vogué en 1830.

La succession des Vinezac-Rigal fera l’objet, pendant une vingtaine d’années, d’un procès-fleuve entre les Vogué d’une part et les Turenne et les Ginestous d’autre part. Le château de Cambous, l’une des plus belles demeures seigneuriales de l’arrière-pays héraultais, sera toutefois cédée le 6 août 1889 par Elzéar de Vogué à Elisabeth Alexandrine Berthier (1849- 1932), princesse de Wagram, épouse depuis 1874 d’Etienne Guy de Turenne (1837-1905), petit-cousin dudit Elzéar. Les Turenne garderont pour leur part des biens à Pégairolles jusqu’en 1878, dont le mas de Larret qui fut à l’origine du nom de terre du père de Marguerite Rigal, situé sur les crêtes de la Séranne, au cœur de pâturages que la commune de Pégairolles-de-Buèges disputera au cours d’un autre procès- fleuve à ses seigneurs, dès 1790-1793, à leurs successeurs ensuite, l’affaire se terminant avec les années 1830 par un partage par moitié des biens contestés.

Ce sont-là, en quelques mots, les grandes lignes directrices, développées par ailleurs dans notre ouvrage, d’une biographie de la Maison de Cambous qui devait révéler à son auteur des liens absolument remarquables avec des familles nobles parmi les plus influentes qui soient, notamment lors des éphémères mariages de 1783 et 1784 du seul héritier mâle des Vinezac, Pierre de Julien.

Mais, si en 1783-1784 les stratégies matrimoniales des Vinezac plaçaient manifestement leur fils aîné aux portes d’un destin national, du moins en le positionnant pour avoir à terme un haut commandement militaire, l’avenir devait néanmoins, par la maladie et par l’irruption de la Révolution, en décider tout autrement comme l’illustre fort bien l’extrait ci-après de l’ouvrage actuellement en préparation sur la baronnie de Pégairolles et ses différents seigneurs 10.

I - L'éphémère mariage de 1783 de Pierre de Julien de Vinezac et la famille des Pierre de Bernis

Pierre de Julien de Vinezac sera marié par deux fois par ses parents, en 1783 puis 1784.

On va tout d’abord chercher pour cela en 1783, dans l’actuel département du Tarn, une fort jeune épouse, Aglaé Eléonore Henriette Françoise Dupuy-Montbrun (ou Du Puy- Montbrun), mais l’affaire ne va guère plus loin puisque la première épouse de Pierre de Julien de Vinezac décède dans les semaines qui suivent le mariage. Dès 1784, un remariage est célébré à Montpellier avec Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, mais cette nouvelle union sera assez courte puisque l’époux décèdera dès 1788 puis l’épouse en 1791…

Voyons-donc la chronologie de tout cela et plongeons ici dans le jeu de fort subtiles alliances que le destin, maladie et Révolution, empêcheront d’atteindre leur plein effet, mais qui nous feront néanmoins rencontrer, à travers une famille héraultaise, la grande histoire, celle de France.

Le premier et si court mariage de Pierre de julien de Vinezac (1783)

Françoise de Julien, la fille aînée des Vinezac-Rigal, étant mariée depuis 1778 avec le baron de Montarnaud, Jacques Jean Elisabeth de Brignac, les père et mère de celle-ci, Joseph de Julien et Marguerite de Rigal, s’efforcent en 1782-1783 de trouver un bon parti pour leurs fils aîné, Pierre. Né en 1754, l’héritier des Vinezac-Rigal est en effet encore célibataire et désormais presque trentenaire. Son frère puîné, Charles, étant mort en 1778, c’est sur lui seul que reposent désormais les espoirs dynastiques de ses parents et donc l’avenir des baronnies de Pégairolles et Cambous.

C’est en Albigeois que l’on ira chercher pour cela la perle rare en une jeune orpheline de mère qui n’est âgée que d’environ 17 ans et dont le grand-oncle, un ancien homme de lettres devenu homme d’Etat et d’Eglise, est le fort influent cardinal François Joachim de Pierre de Bernis (1715-1794), un homme fort connu à la Cour de Versailles et à la Cour de Rome, archevêque d’Albi depuis 1764 et ambassadeur en la cité de saint Pierre depuis 1774.

La jeune fille en question, Aglaé Eléonore Henriette Françoise du Puy-Montbrun, n’est d’ailleurs pas une inconnue pour le gendre des Vinezac-Rigal, puisque la défunte mère de celle-ci, Thérèse Catherine de Narbonne-Pelet (1738-1779) 11, était la petite-cousine dudit Jacques Jean Elisabeth de Brignac de Montarnaud, l’époux depuis 1778 de Françoise de Julien…

De plus, une tante maternelle de la jeune Aglaé, Marie Hélène Hyacinthe de Narbonne Pelet avait été l’épouse de Pons Simon Frédéric de Pierre de Bernis, devenu maréchal de camp et gouverneur de la place de Lunel, non loin de Montpellier.

La parenté entre gendre et première belle-fille des Vinezac-Rigal

La parenté entre gendre et première belle-fille des Vinezac-Rigal
La parenté entre gendre et première belle-fille des Vinezac-Rigal

Le père de cette jeune fille, le marquis Jacques du Puy- Montbrun, est alors pour sa part remarié depuis 1779 avec la Demoiselle Marie Louise Sémen de Bremont, enceinte en cette année 1783 au moment même où l’on s’apprête à marier la jeune Aglaé 12.

Seigneur de Rochefort en Valdaine, Une localité du Dauphiné, près de Montélimar, ledit Jacques du Puy-Montbrun est à cette époque un homme assez influent, jouissant du prestige de ses ancêtres réels ou supposés. Il est ainsi depuis 1776 grand-croix de l’Ordre de Malte, mais avec le privilège de dispense de vœux, le grand-maître de l’Ordre, Emmanuel de Rohan, ayant voulu honorer en sa personne la mémoire du bienheureux Raymond du Puy, le lointain et obscur fondateur des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, du moins son premier grand-maître. Il est par ailleurs brigadier des armées du roi depuis les promotions de mars 1780, commandant plusieurs unités de cavalerie 13.

C’est donc-là en 1783, du moins a priori, un beau mariage susceptible de procurer, à Versailles ou en tout autre lieu, une place enviée pour les Vinezac. Jacques du Puy-Montbrun aura d’ailleurs « l’honneur de monter [lui-même] dans les carrosses du roi en juillet 1788 », de quoi faire pas mal de jaloux dans le monde des officiers et des courtisans si pressés de gagner mille faveurs, et Pierre de Julien de Vinezac, qui était devenu très jeune, en 1770, page de la Petite écurie, savait déjà quelque peu ce que pouvaient bien être les fastes de Versailles…

Mais la jeune Aglaé Eléonore Henriette Françoise du Puy-Montbrun, native de Montélimar, vit en 1783 loin de ce père qu’elle connaît peu et qui, accaparé par des raisons plus impérieuses, ne sera même pas présent à son mariage, se contentant de donner une procuration pour cela.

Pour le cocasse de la situation, cette jeune femme qui vit désormais entourée de prélats catholiques est l’arrière-petite- fille d’un homme condamné en 1703 aux galères pour cause de religion, le célèbre baron de Salgas…

Mineure, Aglaé habite alors le palais archiépiscopal d’Albi, en compagnie de sa grand-mère maternelle, Françoise Hélène de Pierre de Bernis (1702-1783). Celle-ci, âgée d’environ 81 ans, est la sœur aînée d’un ambitieux prélat de 68 ans qui était tout sauf un véritable religieux, le cardinal François Joachim de Pierre de Bernis (1715-1794), un archevêque représenté à Albi par l’un de ses parents à la mode de Bretagne et neveu par alliance, François de Pierre de Bernis (1752-1824), évêque d’Apollonie, son vicaire général en Albigeois.

Les deux hommes, l’archevêque et son vicaire, portaient en effet le même nom mais n’étaient par leurs pères que de très lointains parents. Cependant, comme un frère de l’archevêque avait épousé une sœur du père du jeune vicaire, celui-ci se retrouvait neveu de la belle-sœur du prélat comme le montre le tableau ci-après (page suivante), leur parenté par alliance passant par la famille des Cassagne.

François Joachim de Pierre de Bernis (1715-1794), alias le cardinal de Bernis, était l’une de ces créatures, parfois parties de rien et néanmoins promises à de brillants avenirs, comme en firent tant les XVIIe et XVIIIe siècles. Fils de Joachim de Pierre, seigneur de Bernis, co-seigneur de Saint-Marcel, baron de Châteauneuf, et d’Elisabeth de Chastel, il naquit en 1715 à Saint-Marcel-d’Ardèche dans une famille noble mais désargentée du Vivarais qui puiserait, selon certains auteurs, ses anciennes origines dans la région nord-montpelliéraine, chez les anciens seigneurs de Ganges. Les origines anciennes des seigneurs de Bernis et de Saint-Marcel-d’Ardèche restent toutefois controversées comme toutes les généalogies nobles plongeant dans les obscures et incertaines périodes que sont les XIe et XIIIe siècles 14.

Excellent élève au collège Louis le Grand, à Paris, puis devenu séminariste à Saint-Sulpice, il devint le protégé du cardinal de Fleury, un vieux Lodévois qui était advenu aux plus hautes destinées en devenant ministre en 1726-1743 du jeune Louis XV après en avoir été le précepteur 15. Mais le vieil homme d’Eglise, fruit d’un autre siècle et peu enclin à supporter certains traits de personnalité, finit par le rejeter, brisant net sa carrière ecclésiastique initiale. Notre jeune homme, comme il l’écrira lui-même, était en effet trop « sensible à l’excès », si coutumier à son époque, et ce n’est que la quarantaine venue qu’il retrouvera des habits d’Eglise, choisissant entre-temps, nous dit-il, de « ne faire [désormais] briller aux yeux des autres que mon imagination et ma gaîté »…

Dénué semble-t-il de scrupules (mais il ne fallait point trop en avoir pour réussir dans les vies mondaines du règne de Louis XV), fort attaché aux plaisirs terrestres et aux tissus relationnels que l’on peut tisser en ce monde, il écrira un jour : « Je préfère le paradis pour son climat, mais l’enfer pour ses fréquentations ». Bref, de quoi camper quelque peu ce singulier personnage !

Instruit et galant, mais terriblement ambitieux, devenu poète et conteur, il entre en 1744 à l’Académie française où il succède à l’abbé Nicolas Gédoyn, élu au 3e fauteuil. Son style fleuri le fait alors surnommer Babet la bouquetière par le célèbre Voltaire, l’un de ses amis. Mais ce jeune homme aux traits poupon et il est vrai assez peu talentueux, – il n’a que 29 ans -, n’est en fait élu que pour complaire à la monarchie. Le célèbre Sainte-Beuve dira ainsi que « l’Académie le choisissait comme un sujet et un visage agréables au roi ». Rien de plus.

Il sut devenir par la suite le comparse de deux personnages bien connus qui défrayèrent en leur temps la chronique et qui lui furent fort utiles l’aventurier italien Giovanni Giacomo Casanova (1725-1798), de dix ans son cadet ; et la non moins aventurière Jeanne Antoinette Poisson (1721-1764), une jeune intrigante de basse extraction dont les irrésistibles atours en feront en 1745 la maîtresse du roi de France, devenant par cela marquise de Pompadour.

On sait combien celle-ci, subjuguant le monarque (c’est elle qui part à sa conquête et non l’inverse) et allant bien au-delà de son strict rôle de favorite, influa sérieusement sur la politique intérieure et extérieure menée par le roi.

On sait aussi combien celui-ci, un homme médiocre qui s’entichait de viles prostituées, telle Jeanne Bécu, la fameuse du Barry, ou bien de gamines de 14 ans, comme la fort jeune Marie Louise O’Murphy, ne savait pas résister, pas plus que certains prélats, aux plaisirs de la chair et aux sollicitations de ses favorites 16.

Les Pierre de Bernis

Les Pierre de Bernis
Les Pierre de Bernis (esquisse généalogique d’après les relevés d’hubert de Vergnette,
Filiations languedociennes)

La Poisson, Reinette pour ses intimes, alias la Pompadour une fois devenue une quasi-souveraine, fit donc du jeune poète son protégé, lui assurant une remarquable carrière comme il n’aurait pu l’imaginer quelques années auparavant.

Aussi, à l’époque où sa protectrice avait les faveurs illimitées du roi, François Joachim de Pierre de Bernis sut tirer habilement son épingle du jeu. Elle l’arracha tout d’abord à sa pauvreté en lui faisant attribuer une confortable pension royale de 1 500 livres et un appartement aux Tuileries. C’était là plus qu’un étrier…

En 1748-1749 il devenait chanoine à Lyon, contraint de fournir au chapitre des chanoines-comtes de Lyon des preuves de noblesse dont certains quartiers furent peut-être, du moins en partie, de pure complaisance pour les époques les plus anciennes 17.

François Joachim de Pierre de Bernis fut ensuite nommé ambassadeur à Venise en 1752, ayant refusé la Pologne où le roi avait pourtant songé l’envoyer. Il fut alors avec Casanova l’un des instruments et l’un des acteurs principaux des grands bouleversements diplomatiques du moment, comme l’homme aussi des voluptés propres à de telles personnalités qui ne manquaient jamais de femmes galantes et d’argent, l’un allant bien souvent avec l’autre 18

Rappelé en France en 1755 et devenu secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, il contribua au rapprochement franco-autrichien à une époque où la France de Louis XV, outre ses guerres coloniales (Indes et Amérique), menait en Europe les guerres, inutiles et coûteuses, que l’on sait : guerre dite de Succession d’Autriche (1740-1748), puis guerre dite de Sept Ans (1756-1763).

Se faisant religieux par nécessité, il ne devint réellement prêtre qu’en 1756, alors qu’il avait 41 ans, et fut nommé abbé commendataire des Trois-Fontaines puis cardinal en octobre 1758. Il tomba cependant presque aussitôt en disgrâce pour avoir conseillé la paix avec la Prusse et dut céder la place à l’ambitieux Choiseul. Ses rentes, déjà fort coquettes, se portaient alors à 40 000 livres.

Tout d’abord exilé dans sa résidence de Vic-sur-Aisne, près de Soissons, il fut nommé en 1764 archevêque d’Albi et mena dès lors grand train de vie sur les rives du Tarn, au cœur d’une région agricole fort riche pour l’époque.

Envoyé à Rome lors du conclave réuni à la mort de Clément XIII, il y fit en 1769, pour le compte du roi, l’élection du candidat italien choisi par la France, Giovanni Ganganelli, un franciscain devenu pape sous le nom de Clément XIV mais qui se révéla bien incapable de résister aux pressions des princes de ce monde. Cinq ans après, sans pour autant perdre le bénéfice de ses confortables prébendes, il est nommé en 1774 chargé d’affaires auprès du Saint-Siège et se fait alors représenter à Albi par l’un de ses parents, François de Pierre de Bernis, qu’il prit comme vicaire général, celui-ci devenant son coadjuteur avec le titre d’évêque d’Apollonie 19.

Toute l’Europe ne parlait que de ce puissant cardinal de Bernis et le népotisme familial allait bon train…

François Joachim de Pierre de Bernis est donc un homme très puissant en 1783 quand se négocie le mariage de l’une de ses petites nièces avec le fils des Julien de Vinezac. Il est ainsi un précieux parent qui est susceptible d’apporter à tous deux de confortables et prestigieux destins. Qui d’ailleurs n’aimerait point avoir en la vie d’aussi précieux auxiliaires, des hommes écoutés à Versailles comme à Rome, capables d’avoir l’entregent nécessaire pour réussir ?

Aglaé Eléonore Henriette Françoise du Puy-Montbrun avait ainsi eu une sœur germaine, Jeanne Françoise Hippolyte, que l’on avait mariée à Rome dès mai 1776 à un parent de leur mère, Pons Simon de Pierre, vicomte de Bernis (1747-1828), frère aîné du jeune vicaire général de l’archevêché d’Albi qu’était François de Pierre de Bernis.

Pons Simon était devenu en 1781 colonel d’infanterie au régiment de Vermandois et son jeune frère, François, était de fait quasi-archevêque d’Albi en l’absence du titulaire réel de cette prébende ecclésiastique puisque l’archevêque d’Albi en titre, le cardinal de Bernis, était depuis 1774 ambassadeur à Rome, une ville où il était si puissant, face à un pape sans envergure, qu’on l’appelait le roi de Rome.

Devenue pour sa part en 1778 Dame d’honneur de Son Altesse royale Madame Victoire Louise de France, cette sœur aînée d’Aglaé avait vu en 1779 son deuxième fils, Henri Benoît de Pierre de Bernis être tenu sur les fonts baptismaux par Monsieur, frère du roi, le comte de Provence (futur Louis XVIII). Mais, cette sœur, promise à de radieux lendemains, venait de mourir en 1782 et on imagine aisément la jeune Aglaé et l’époux qu’on lui propose, Pierre de Julien de Vinezac, rêver tous deux à leur tour, en 1783, d’aussi brillantes destinées 20.

A l’une donc les fastes prochains de la Cour, à l’autre le commandement de l’un des régiments du roi et pourquoi pas demain une charge de brigadier ou de maréchal de camp. C’est sans doute dans cette optique-là que se prépara le mariage de mai 1783 entre Pierre de Julien de Vinezac et Aglaé du Puy-Montbrun.

Le contrat de mariage préalable est dressé le 3 mars 1783 à Albi par Me Jean Salvy Fabré. Sa retranscription intégrale, fort intéressante pour la qualité des personnes citées comme pour la dot constituée, est la suivante 21 :

En titre : Mge de Vinezac et Dupuy Montbrun

« L’an 1783 et le troisième jour du mois de mars, après-midi, dans le palais archiépiscopal de la ville d’Albi, sénéchaussée de Carcassonne, par-devant nous, jean Salvy Fabré, avocat en Parlement, notaire royal dudit Albi, présents les témoins bas-nommés, furent présents :
1) haut et puissant seigneur Messire Pierre de Julien, marquis de Vinezac, fils de haut et puissant seigneur Messire Joseph de Julien, comte de Vinezac, marquis de la Roquette, seigneur de Viols-le-Fort, Viols Laval et autres places, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, et de haute et puissante Dame Madame Marguerite de Rigol de Cambous, baronne de Pégairolles et Buèges, Dame de Cambous, Combajargues, le Coulet et autres places,
assisté et autorisé dudit seigneur comte de Vinezac, son père, habitant en leur château de Cambous, paroisse de Viols, diocèse de Montpellier, de présent en cette ville [de Montpellier], et assisté aussi

  • de haut et puissant seigneur Messire Jacques Jean Elisabeth de Brignac, marquis de Montarnaud, son beau-frère,
  • – et de Messire Louis Joseph de Julien de Vinezac, chevalier de l’Ordre de Saint-Lazare, son cousin germain,

d’une part,
2) et haute et puissante Demoiselle Aglaée Eléonore Henriette Françoise Dupuy Montbrun, demoiselle demeurant dans le palais archiépiscopal d’Albi, fille de haut et puissant seigneur Monseigneur Jacques, marquis Dupuv Montbrun, chevalier, seigneur de Rochefort en Dauphiné et autres places, grand croix honoraire de l’Ordre de Malte, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, brigadier des armées du roi, demeurant à Montélimar, en Dauphiné, et pour le présent à Paris, d’ici absent et représenté par haut et puissant seigneur Monseigneur François de Pierre de Bernis, évêque d’Apollonie, demeurant dans ledit palais archiépiscopal dudit Albi, ici présent, suivant les procurations des 9e novembre, 5e et 27e janvier derniers, passées devant les sieurs Boular et Boulet, conseillers du roi, notaires au Châtelet de Paris 22, dont les trois minutes, après avoir été dûment paraphées par mon dit seigneur l’évêque d’Apollonie, nous ont été remises, et de feue haute et puissante Dame Madame Thérèse Catherine de Narbonne Pelet, aussi grand croix de l’Ordre de Malte,

  • assistée et autorisée dudit seigneur évêque d’Appolonie en sa dite qualité de procureur fondé dudit seigneur marquis Dupuy Montbrun, et assistée aussi
  • de haute et puissante Dame Madame Françoise Hélène de Pierre de Bernis, veuve de haut et puissant seigneur Messire Claude de Narbonne Pelet, sa grand-mère,
  • de haute et puissante Dame Madame Claire Elisabeth de Brignac de Montarnaud de Rouche (lire Rouch), veuve de Messire François de Rouche, président aux trésoriers de France de la Généralité de Montpellier, sa tante 23,
  • de haut et puissant seigneur Monseigneur Pons Simon Frédéric de Pierre, chevalier de Bernis, seigneur des Ports de Lanoa et autres places, maréchal des camps et armées du roi, gouverneur de Lunel, y demeurant, et de présent en cette ville, son oncle 24 et procureur fondé de très haut et puissant et éminentissime seigneur Monseigneur François Joachim de Pierre de Bernis, cardinal de la Sainte Eglise romaine, évêque Dalbano, archevêque et seigneur d’Albi, comte de Lyon, commandeur de l’Ordre du Saint-Esprit, ministre d’Etat et ministre du roi auprès du Saint-Siège, de présent à Rome, son grand-oncle 25, suivant sa procuration du 30e août 1782, passée devant le Frère Mora, chancelier du consulat de France à Tome, dûment légalisée par le sieur Louis Dominique Digne, conseiller, secrétaire du roi, garde de ses archives, consul de France à Rome, contrôlée à Albi ce jourd’hui, qui a été remise par extrait [par] devers nous, dit notaire, après avoir été dûment paraphée par ledit seigneur de Pierre, chevalier de Bernis,

d’autre part
Lesquelles parties, sous réciproque stipulation et acceptation, ont convenu et accordé que mariage sera solennisé et accompli en fàce de l’Eglise [catholique et romaine 26], entre ledit seigneur marquis de Vinezac et ladite Dlle Dupuv Montbrun, à la première réquisition de l’une ou de l’autre des parties.
[Apports de l’époux]
En faveur duquel dit futur mariage [dont les bans ont déjà été publiés], ledit seigneur comte de Vinezac,
tant en soit et privé nom qu’en qualité de procureur fondé de ladite Dame comtesse de Vinezac, sa femme, suivant sa procuration expresse du 21e février dernier, devant Me Claparède, notaire royal dudit Viols-le-Fort, dûment légalisée par Messire de Barthès, lieutenant en la sénéchaussée et présidial de Montpellier, jugemage, qui a été remise par extrait envers nous, notaire, après avoir été dûment paraphée par ledit seigneur comte de Vinezac 27.
a fait et ,fait donation pure et simple, entre vifs et à jamais irrévocable au dit seigneur marquis de Vinezac, son dit fils, présent, acceptant et humblement remerciant ledit seigneur comte de Vinezac, son dit père, de la moitié de tous et chacun les biens, meubles, immeubles, noms, voix, droits, raisons, actions et hypothèques en général appartenant au dit seigneur comte de Vinezac et à ladite Dame comtesse de Vinezac en quoi que le tout puisse consister, de présent et à l’avenir, pour ledit seigneur marquis de Vinezac ne jouir [toutefois] des dits biens donnés présentement qu’après le décès du dit seigneur comte de Vinezac et de ceux donnés par ladite Dame [qu’] après la mort d’icelle 28.
Et, en représentation des revenus des biens donnés, ledit seigneur comte de Vinezac, tant en son nom qu’en sa dite qualité de procureur fondé, s’oblige de nourrir, loger et entretenir, tant en santé qu’en maladie, les dits fùturs époux, leurs enfrnts, leurs gens et leurs chevaux, et de payer annuellement à ladite Dlle, future épouse, une pension [annuelle] de 1 200 livres, tant qu’elle vivra avec eux et, en cas de séparation, il promet de céder au jour de ladite séparation au dit seigneur marquis de Vinezac la jouissance de la terre de Vinezac, en Vivarais, et de lui payer en outre une pension annuelle [et nette] de 3 000 livres, sans aucune retenue des vingtièmes ni autres charges. Et, au moyen de ce [la], ledit seigneur marquis de Vinezac, futur époux, demeurera chargé de payer à ladite Dlle, future épouse, ladite pension annuelle de 1 200 livres pour servir à son entretien.

[Dot de l’épouse]
Et pour supportation des charges dudit futur mariage, et en faveur d’icelui, ledit seigneur [François de Pierre] seigneur de Bernis, évêque d’Appolonie, en sa dite qualité de procureur fundé dudit seigneur marquis Dupuv Montbrun, a constitué en dot à ladite Dlle Dupuy, Montbrun
1) la somme de 40 000 livres du chef maternel pour ledit seigneur marquis de Vinezac jouir de ladite somme du jour de la célébration du présent mariage, laquelle même somme de 40 000 livres a été léguée à la dite Dlle Dupuy Montbrun par ladite feue Dame Dupuy Montbrun (lire Pelet), sa mère, dans son testament, dûment contrôlé (mais ici sans précision de date et de notaire), laquelle somme de 40 000 livres, pour chacune des deux demoiselles Dupuy Montbrun, n’existant pas en biens libres dans l’hérédité de ladite feue Dame [Pelet] marquise Dupuy Montbrun, sa dite Eminence, Monseigneur le cardinal de Bernis [oncle de celle-ci] a bien voulu compléter, ainsi qu’il résulte de l’acte passé à Paris le 19e avril 1780 devant Me Piegoais et son confrère, notaires, suivant lequel acte sa dite Eminence a fruit donation pure et simple, entre vifs, à jamais irrévocable, à demoiselles Aglaé et Juliette Dupuy Montbrun, ce accepté pour elles par Mr le marquis Dupuy Montbrun, leur père, de la somme de 30 000 livres pour, avec celle de 50 000 livres reçue par Mr le marquis Dupuy Montbrun, pour la dot de ladite feue Dame [Pelet marquise] Dupuy Montbrun, son épouse, parfaire la somme de 80 000 livres, dont celle de 40 000 livres pour chacune desdites deux demoiselles leur être payée lors de leur établissement en mariage ou de leur majorité, à la charge de ladite substitution portée et énoncée par le susdit acte.
2) la somme [supplémentaire] de 20 000 livres provenant de la vente des diamants, bijoux, dentelles, robes et autres effrts dépendants de la succession de ladite feue Dame [Pelet] marquise Dupuy Montbrun, partie desquels effets, dont la moitié appartenant à ladite Dlle Aglaée Dupuy Montbrun lui ont été remis en espèces et le surplus a été vendu ainsi et suivant le pouvoir que ladite Dlle Dupuy Montbrun, future épouse en a donné, laquelle vente ladite Dlle Dupuy Montbrun confirme et ratifie et en donne au dit seigneur marquis Dupuy Montbrun, son dit père, une entière et pleine décharge et veut qu’à l’avenir il ne puisse être inquiété, directement ni indirectement, ainsi que ses héritiers à raison d’icelle, attendu qu’elle reconnaît avoir réellement et ci-devant reçu, en deniers comptants dudit seigneur marquis Dupuy Montbrun, son père, la somme de 2 250 livres provenant aussi de ladite vente desdits diamants, bagues et bijoux, comme aussi une partie desdits effets évalués à la somme de 3 000 livres, de laquelle somme de 2 250 livres, ainsi que de la remise des dits effets, elle donne au dit seigneur marquis Dupuv Montbrun son père une entière et pleine décharge, voulant également que lui ni ses héritiers ne puissent jamais être recherchés à raison de ce et que le surplus la compétant n’a été vendu que la somme de 20 000 livres.
Et, en paiement des susdites deux sommes, faisant ensemble celle de 60 000 livres [en dot] 29, ledit seigneur évêque d’Appolonie, en sa dite qualité de procureur fondé dudit seigneur marquis Dupuy Montbrun a tout présentement et réellement compté et délivré, des deniers dudit seigneur marquis Dupuy Montbrun provenant de ladite vente, et en espèces d’or et d’argent ayant cours, la somme de 20 000 livres qui a été reçue et [dé]nombrée par ledit seigneur marquis de Vinezac et [celui-ci en] tient quitte ledit seigneur Dupuy Montbrun. Et, en paie-ment de la somme de 40 000 livres de surplus [pour parfaire celle de 60 000 livres], mon dit seigneur évêque d’Appolonie, comme [il] procède, fait cession et transport en faveur dudit seigneur marquis de Vinezac :
3) de la somme de 6 756 livres contenue en l’acte de retrait du 3e avril 1778 portant obligation de ladite somme par Me Pierre de Lattier, chevalier, seigneur marquis de Latouche, Portes, Souspierre et autres places, ancien capitaine d’infanterie, chevalier de Saint-Louis, habitant de Montélimar, en faveur dudit seigneur marquis Dupuy Montbrun, avec les intérêts à compter du jour de la célébration du présent mariage, lequel capital est payable le 22e juillet 1784, de la somme de 22 244 livres à prendre dans celle de 25 000 livre contenue dans l’obligation passée au profit dudit seigneur marquis Dupuy Montbrun par Me Jean Louis Charles François, comte de Marsane, seigneur de Fontjuliane, Barcelone, habitant de Montélimar, acquéreur du domaine du Plot, ladite obligation payable le 11e septembre 1784, avec les intérêts à compter dudit jour de la célébration dudit mariage,
4) et finalement de la somme de 11 000 livres à prendre dans celle de 19 000 livres contenue dans l’acte de constitution de rente consentie en faveur dudit seigneur marquis Dupuy Montbrun par Messire Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, demeurant à Paris, passé devant Me Boulade et son confrère, notaires au dit Châtelet de Paris, consentant ledit seigneur évêque d’Appolonie, comme [il] procède, que ledit seigneur marquis de Vinezac fasse toutes quittances et décharges valables en recevant paiement des susdits capitaux ci-dessus cédés ainsi que des intérêts d’iceux, comme mettant et subrogeant ledit seigneur marquis de Vinezac aux lieu, place, droits, actions et hypothèques dudit seigneur marquis Dupuy Montbrun pour la susdite somme de 40 000 livres, lui promettant à raison de ladite cession la garantie de droit.
Et, en conséquence [de tout cela], ledit seigneur évêque d’Appolonie a tout présentement remis au dit seigneur marquis de Vinezac trois expéditions enforme des susdits actes qui ont été retirées par ledit seigneur marquis de Vinezac au vu et consentement dudit seigneur comte de Vinezac, son dit père, qui, conjointement 30, ont concédé quittance, tant au seigneur marquis Dupuy Montbrun qu’à la Dlle Dupuy Montbrun, sa fille, de la susdite somme de 40 000 livres.
Et, ladite Dame marquise de Narbonne (il s’agit ici de Françoise Hélène de Pierre), voulant donner à ladite Dlle Aglaée Dupuy Montbrun, sa petite-fille, un témoignage de son amitié et la satisfaction qu’elle a du présent mariage, en faveur d’icelui, elle a fait et fait donation, entre vif, pure, simple et à jamais irrévocable, et en augmentation de ladite constitution de dot, à ladite Dlle Dupuy Montbrun, sa petite-fille, ici présente, acceptante et très humblement remerciant ladite Dame marquise de Narbonne, sa grand-mère, de la somme de 20 000 livres [en sus] qu’elle a tout présentement et réellement pavée et comptée en espèces d’or et d’argent ayant cours par ledit seigneur marquis de Vinezac reçue et [dé]nombrée au vu de nous, notaire et témoins, à son consentement et en [tient] quitte ladite Dame marquise de Narbonne qui veut [néanmoins], par exprès, que si ladite Dlle Dupuy Montbrun, sa petite-fille, vient à décéder sans enfant, la[dite] somme de 20 000 livres fasse retour à celui des enfants descendants de Mr le vicomte de Bernis et de la vicomtesse de Bernis, sa petite-fille 31, qui sera élu et nommé par ledit seigneur vicomte de Bernis pour recueillir ladite substitution. Et, à défaut d’élection, ladite Dame marquise de Narbonne veut que celui des enfànts ou petits-enfànts dudit seigneur vicomte et vicomtesse de Bernis qui formera la branche aînée à l’époque de la mort dudit seigneur vicomte de Bernis recueille ladite substitution, les mâles néanmoins préférés aux femelles.
Et Mr le chevalier de Bernis (lire Pons Simon Frédéric de Pierre), en sa dite qualité de procureur fondé de Monseigneur le cardinal de Bernis, voulant [lui aussi] donner à ladite Dlle Dupuy Montbrun de nouvelles preuves de soit a fait et fait donation, entre vifs, à jamais irrévocable, et en fàveur du présent mariage, à ladite Dlle Aglaé Dupy Montbrun, sa petite-nièce 32, présente, acceptante et remerciant sa dite Emninence [son grand-oncle], en la personne dudit seigneur chevalier de Bernis, procureur susdit, de la somme [supplémentaire] de 20 000 livres qu’il a [à son tour] réellement payée et délivrée des deniers de sa dite Eminence en espèces d’or et d’argent de cours et de recette 33 par ledit seigneur marquis de Vinezac, reçue et [dé]nombrée en augmentation de dot 34 au vu de nous, notaire et témoins, à son consentement et en concède [par le présent acte] quittance à sa dite Emninence, Monseigneur le cardinal de Bernis, déclarant ledit seigneur chevalier de Bernis, comme [il] procède, qu’il n’entend donner et constituer en dot à ladite Dlle Dupuy Montbrun la susdite somme de 20 000 livres que sous l’expresse condition de substitution en faveur de Messire Pons Simon de Pierre, vicomte de Bernis, [petit] neveu de sa dite Eminence au cas [où] ladite Dlle Aglaée Dupuy Montbrun décède sans enfant, voulant que dans ledit cas ladite somme de 20 000 livres revienne au dit seigneur vicomte de Bernis et après lui, ou à son défùut, à l’aîné de ses enfants, les mâles préférés aux femelles, l’ordre de primogéniture [étant] observé 35.

Déclarant ladite Dlle Dupuy Montbrun, en tant que de besoin pourrait être, se constituer en augmentation de dot les [deux] sommes [de 20 000 livres] ci-dessus données en faveur du présent mariage par ladite Dame marquise de Narbonne [sa grand-mère], et par sa dite Eminence Monseigneur le cardinal de Bernis [son grand-oncle], revenant l’entière constitution dotale de ladite Dlle Dupuy Montbrun à la somme de 100 000 livres que lesdits seigneurs comte et marquis de Vinezac [futur beau-père et futur époux] reconnaissent sur leurs biens présents et à venir. Et, comme ladite somme de 100 000 livres donne un revenu annuel de 5 000 livres 36, il demeure convenu que dans le cas de pré-décès dudit seigneur marquis de Vinezac [mort sans enfant né du mariage], ladite constitution dotale pourra être rendue dans les mêmes effets cédés par le présent contrat s’ils sont en nature ou en argent comptant dans le délai de deux ans à compter du jour dit décès dudit seigneur marquis de Vinezac, comme aussi lesdits seigneurs comte et marquis de Vinezac assurent à ladite Dlle, future épouse, pour augment dotal, la somme de 40 000 livres, une fois, payée dans l’année du décès dudit seigneur marquis de Vinezac, ensemble toutes les robes, bagues et joyaux qu’elle pourra avoir reçus pendant son mariage, de plus la jouissance d’un appartement meublé suivant son état dans une de ses terres pendant la vie de ladite Dlle, future épouse. Et, dans le cas [contraire] de pré-décès de ladite Dlle Dupuy Montbrun, elle donne pour contre-augment au dit seigneur de Vinezac, son futur époux, la somme de 20 000 livres, une fois, payée dans l’année du décès de ladite Dlle,future épouse.
Veulent lesdites parties que les présentes [conventions] soient insinuées partout ou besoin sera, constituant à ces fins pour procureur le porteur d’icelles (le notaire).
De quoi u été fait et dressé le présent contrat de mariage pour l’observation duquel les parties, chacune comme les concerne, ont obligé [en garantie] leurs biens présents et à venir, et lesdits seigneurs, procureurs fondés, les biens de leur constituant, aussi présents et à venir le tout soumis aux rigueurs de justice.
Fait et récité [au dit palais archiépiscopal] en présence de :

  • – Mr Mr Jean Baptiste Larroque, prêtre, curé de l’église Ste-Martianne et Saint-Julien dudit Albi.
  • – Mr Mr Raymond Antoine Olivier Gorsse, avocat en Parlement, habitants dudit Albi, signés avec toutes les parties et assistants ».

On aurait pu s’attendre, au vu de la qualité de certaines des personnes présentes, à une fort belle et entière page de signature comme il s’en trouve de temps à autre dans les registres notariaux ou dans les registres d’état civil. Il n’en sera rien et les signatures, d’assez petite taille, n’occuperont que la partie basse de la seizième page de l’acte (f° 85 V) Vinezac, Aglaee Dupuy=Montbrun, Vinezac, + F. de Bernis, évêque d’Apolonie, procureur fondé de Mr le Mquis Dupuy Montbrun, Bernis Narbonne, Le Chr de Bernis procureur fondé de l’E. (évêque), Montarnaud Derouche, Montarnaud, Julien de Vinezac, Gorsse, Laaroque curé et moy Fabré, notaire.

La bénédiction nuptiale est donnée le lendemain, 4 mars 1783, en début de semaine, un mardi, en la paroisse Ste-Martianne d’Albi, dans la chapelle de l’archevêché. Cette cérémonie fait l’objet d’un assez long document que nous fractionnerons pour plus de lisibilité et où l’on sent bien tout le formalisme propre aux mariages de cette époque :

« L’an mil sept cent quatre-vingt-trois, et le quatrième jour du mois de mars,

  • après la publication des bans annoncés par première, seconde et dernière publication du futur mariage entre très haut et très puissant seigneur Messire Pierre de Julien de Vinezac, de la paroisse de Viols-le-Fort, diocèse de Montpellier, laquelle publication a été faite au prône de la messe paroissiale dudit lieu de Viols-le-Fort sans qu’il se soit trouvé aucun empêchement ou opposition, Mgr l’évêque de Montpellier ayant dispensé des deux autres bans, comme il paraît par l’acte de dispense le vingt-quatre février mil sept cent quatre-vingt-trois, ainsi signé Joseph François de Malide, évêque de Montpellier, contresigné Verdier, secrétaire, dûment insinué au greffe des insinuations ecclésiastiques dudit diocèse le même jour et an par Thomas, greffier, ainsi signé Thomas, le susdit Messire Pierre de Julien de Vinezac, [étant] fils de haut et puissant seigneur Messire Joseph de Julien, comte de Vinezac, marquis de la Roquette, seigneur de Viols-le-Fort, Viols Laval, et autres places, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, et de haute et puissante Dame Madame Marguerite de Rigole (sic) de Cambous, baronne de Piegueroles (sic) et Buèges, Dame de Cambous, Gombajargues et L’Ecouteten (sic pour le Goulet) et autres places, d’une part ; – et entre très haute et très puissante Demoiselle Mademoiselle Aglaé Eléonore Henriette Françoise du Puy-Montbrun, habitante de la présente ville d’Albi, sur la paroisse Ste-Martianne et Saint-Julien, fille de très haut et très puissant seigneur de Rochefort et autres lieux, brigadier des armées du roi, grand-croix de l’Ordre de Malte, habitant de Montélimar, diocèse de Valence en Dauphiné, et de défunte très haute et très puissante Dame Madame Thérèse Catherine de Narbonne Pelet, aussi grand-croix de l’Ordre de Malte,
  • vu [pour cela] le certificat de la publication d’un ban fait en la paroisse dudit Montélimar en date du dix février mil sept cent quatre-vingt-trois sans qu’il se soit trouvé aucun empêchement ou opposition, Messire d’Auville, doyen et vicaire général de Mgr l’évêque de Valence, ayant dispensé des deux autres,
  • vu aussi le certificat des trois publications faites en la messe de paroisse de Ste-Martianne et Saint-Julien pendant trois dimanches consécutifs, savoir le[s] dimanche[s] seizième [et] vingt-troisième février dernier et le dimanche deuxième du courant [mois], aussi sans aucun empêchement ni opposition, d’autre part,
  • ladite Demoiselle, mineure de [moins de] vingt-cinq ans, procédant du consentement dudit marquis du Puy-Montbrun son père, en vertu de sa procuration en notre faveur passée par devant notaire à Paris qui a demeuré entre les mains de Sr Salvy Fabré, notaire de cette ville, nous soussigné François de Pierre de Bernis, évêque d’Apollonie, vicaire général de Son Eminence Mgr le cardinal de Bernis, archevêque d’Albi, chargé de la susdite procuration, Maître Jean Baptiste Larro que, curé de la susdite paroisse Ste-Martianne et Saint-Julien de la présente ville [étant] présent, avons reçu dans la chapelle de l’archevêché le mutuel consentement de mariage des susdites parties par paroles de présent, et leur avons donné la bénédiction nuptiale avec les cérémonies prescrites par la sainte Eglise, présent et consentant Messire Joseph de Julien, comte de Vinezac, père de l’époux, et encore en présence de :
  • Messire Louis Joseph de Julien de Vinezac, chevalier de l’Ordre de Saint-Lazare [cousin de l’époux],
  • et haut et puissant seigneur Messire Jacques Jean Elisabeth de Brignac, marquis de Montarnaud [beau-frère de l’époux],
  • de haut et puissant seigneur Messire Pons Simon Frédéric de Pierre, chevalier de Bernis, seigneur des Ports de Lanoa et autres places, maréchal de camp des armées du roi, gouverneur de Lunel [il s’agit d’un oncle par alliance de l’épouse] 37,
  • de Maître Raymond Antoine Olivier Gorsse, avocat en Parlement (la présence de Messire Joseph Cuneaux, docteur de Sorbonne, vicaire général et chanoine d’Albi étant rayée), témoins, lesquels ont attesté ce que dessus sur le domicile, âge, qualités et liberté desdites parties, et ont signé avec l’époux et l’épouse, et autres».

Suivent alors diverses signatures, dont certaines de femmes non citées dans l’acte :

Aglae Dupuy = Montbrun pour l’épouse, Vinezac pour l’époux, Bernis Narbonne pour la grand-mère de l’épouse, écrit avec hésitation en raison de l’âge, Vinezac pour le père de l’époux, Le ch[evalier] de Bernis, pour l’un des témoins, parent de l’épouse, et Montarnaud Derouche pour une tante du beau-frère de l’époux,
Montarnaud et Julien de Vinezac pour le beau-frère et le cousin de l’époux,
Gorsse pour l’un des témoins, Larroque, curé et + F. de Bernis, évêque d’Apollonie.

Mais les ambitions portées par ce mariage de mars 1783 vont être très vite brisées, en quelques semaines à peine, et les Vinezac-Rigal et leur fils n’auront pas le loisir d’encaisser la totalité de la dot prévue et seront contraints très rapidement de faire restitution de ce qui fut perçu en espèces ou en créances sur des tiers. La jeune Aglaé meurt en effet dès le 6 mai 1783, soit à peine deux mois après son mariage…

Ses obsèques, célébres à Albi en l’église cathédrale dédiée à sainte Cécile, vont être grandioses, grandiloquentes même, en raison de la personnalité des religieux chez qui elle vivait, l’archevêque d’Albi et le neveu par alliance de celui-ci, l’évêque d’Apollonie, cousin par alliance de sa défunte mère. C’est ainsi que se retrouve annexé à son acte de sépulture le texte suivant, rédigé par le chapitre cathédral d’Albi : « Du mardi 6 mai 1783, [étant] capitulairement et extraordinairement assemblés à l’issue de la grande messe, honorables Mrs Mrs l’archidiacre Dupuy St-George, le trésorier, le chantre Rossignol, Vesian, Guyot, Tournié, Masens, Gorsse le pénitencier et Cuneaux.

Mr de Lapayrouse, un des syndics, a dit que Madame la marquise de Vinezac, petite-nièce de Son Eminence Mgr le cardinal de Bernis, archevêque d’Albi, était décédée ce matin dans le palais archiépiscopal vers les neuf heures et demi.

Sur quoi, la compagnie a unanimement délibéré de députer Mrs les deux syndics avec Mrs Gorfse et Cuneaux, chanoines, pour aller témoigner à Mgr l’évêque d’Apollonie [neveu par alliance et vicaire dudit archevêque], toute la part que nous prenons à la perte qu’il vient de faire (lire subir), lui dire en même temps que nous ferons, pour la solennité de ses obsèques, tout ce que notre rôle et l’usage nous permettra, lui offrir de faire l’enlèvement et enterrement du corps et la sépulture sur le perron, au bout du grand degré, vis-à-vis la porte de la chapelle de Quifse en prenant toutefois la précaution de former un avant en maçonnerie conformément aux édits du roi, et que notre susdit seigneur aura requis le consentement de Mr le curé de Ste-Martianne en tout ce qui pourrait être relatif à ses droits, le chapitre n’entendant exiger absolument aucun honoraire. Et, les susdits députés s’étant de suite transportés chez Mgr l’évêque, ont rapporté que le susdit seigneur avait accepté, avec les marques de la plus vive reconnaissance les offres de la compagnie, laquelle a délibéré [ensuite] que l’enterrement sera fait de la même manière que nous avons accoutumé de le faire à la mort d’un chanoine et qu’à cet effèt on sonnera toutes les cloches à branle. Mr l’abbé de Puységur, chanoine et archidiacre, et vicaire général de Son Eminence a été député pour faire le susdit enterrement demain, après vêpres, chanter la messe jeudi, après la messe conventuelle qu’on avancera d’une heure, et vendredi, neuvième du courant [mois], Mrs de Vesian et Gorfse chanteront les deux messes des honneurs, d’abord après la messe conventuelle qu’on avancera aussi d’une heure ». Signé (à l’original) : L’abbé de Puységur, archi-diacre président et Guyot, chanoine, secrétaire 38.

Juste avant cette pièce justificative, exceptionnelle dans une généalogie noble ou roturière, se trouvent deux versions successives des obsèques de la jeune Aglaé, rédigées de deux mains différentes, une main commune ayant indiqué en marge de chaque acte : « [Sépulture de] Aglaé Eléonore Henriette Françoise du Puy Montbrun ».

Le premier document stipule que « L’an mil sept cent quatre-vingt-trois, et le septième mai, par concession de nous, curé soussigné, pour complaire à Mgr l’évêque d’Apollonie [vicaire de Monseigneur l’archevêque d’Albi] et pour accorder au vénérable chapitre de Ste-Cécile sa demande par délibération dudit jour, au bas de laquelle nous avons donné notre consentement […] a été enterrée sur le perron de l’église de Ste-Cécile, le chapitre faisant l’office, très haute et très puissante Dame Madame Aglaé Eléonore Henriette Françoise du Puy Montbrun, épouse de très haut et très puissant seigneur Messire Pierre de Julien de Vinezac, décédée la veille sur notre paroisse, dans sa dix-huitième année ou environ. Présents : Mrs Mes Jean Antoine Viala et Antoine caravon, prêtres et vicaires » qui signent avec le curé Laroque, lequel ajoute : « l’acte ci-dessus n’est que pour mémoire ».

Le véritable mortuaire fait en effet immédiatement suite : « L’an mil sept cent quatre-vingt-trois, et le septième mai, par concession de nous, curé soussigné, a été enterrée, sur le perron de Ste-Cécile, très haute et très puissante Dame Madame Aglaé Eléonore Henriette Françoise du Puy Montbrun, épouse de très haut et très puissant seigneur Messire Pierre de Julien de Vinezac, décédée la veille sur notre paroisse, âgée d’environ dix-sept ans. Présents : Mes Jean Antoine Viala et Antoine Carayon, prêtres et vicaires, signés avec nous » (Larroque).

Quelques mois après, la grand-mère de la si jeune défunte mourrait à son tour et la même pièce justificative que ci-dessus (celle du 6 mai), était complétée des mentions suivantes : « Du samedi 6e 7bre 1783 (6 septembre 1783), [étant] capitulairement et extraordinairement assemblés à l’issue de [l’office de] matines, honorables Mrs Mrs le chantre Guyot, Mazens, Gorsse et le pénitencier. Mr Marens, un des syndics, a dit que Madame la marquise de Narbonne, sœur à Son Eminence Mgr le cardinal de Bernis, notre archevêque, était décédée hier, à trois heures et demi de l’après-midi, dans le palais archiépiscopal et que Mgr de Bernis, évêque d’Apollonie, son parent, avait témoigné désirer que la compagnie fit la solennité de ses obsèques tout de même [manière] qu’elle avait eu la bonté de le faire pour Madame la marquise de Vinezac le septième mai dernier. Sur quoi, la compagnie a unanimement délibéré de députer Mrs le pénitencier et Mazens, chanoines, pour aller témoigner à Mgr l’évêque d’Apollonie toute la part que nous prenons à la perte qu’il vient de faire, et lui dire en même temps que le chapitre fera demain, après vêpres, ainsi qu’il le désire, l’enterrement tout de même [manière] qu’il le fit pour Madame la marquise de Vinezac, toutefois avec le consentement que notre dit seigneur aura la bonté de requérir de Mr le curé de Ste-Martianne en tout ce qui pourrait être relatif à ses droits, le chapitre n’entendant exiger absolument aucun honoraire. Et M le pénitencier a été député pour faire la cérémonie comme aussi de dire la messe mardi prochain, 9e du courant [mois], d’abord après la messe conventuelle qu’on avancera d’une heure. Daussaguel de Lasbordes, chantre, président signé. Guyot chanoine, secrétaire signé ».

Plus loin dans le registre des mortuaires, on retrouvera à sa place chronologique l’acte de sépulture suivant (en marge : Françoise Hélène de Pierre de Bernis) : « Le sixième septembre mil sept cent quatre-vingt-trois, et le sixième jour du[dit] mois de septembre, a été enterrée très haute et très puissante Dame Madame Françoise Hélène de Pierre de Bernis, marquise de Narbonne, veuve de très haut et très puissant seigneur Messire le marquis de Narbonne Pelet, décédée la veille, âgée d’environ quatre-vingt-deux ans. Son enterrement a été fait par le chapitre de Ste-Cécile sur le perron de ladite église et dans le tombeau où fut inhumée Madame la marquise de Vinezac, sa petite fille, le tout par concession de nous, curé soussigné, qui, à la prière dudit chapitre, lui a permis de faire ledit enterrement. Présents : moi dit curé soussigné (Larroque) et Mes Jean Antoine Viala et Antoine Carayon, vicaires de mon église, signés avec nous ».

Ainsi finissait en 1783 une femme fort âgée pour l’époque et dont le défunt époux, Claude Pelet, avait été le fils d’une calviniste acharnée et d’un baron des Cévennes, le célèbre baron de Salgas, condamné en 1703 aux galères.

Peu après, l’année suivante, l’un des cousins de Pierre de Julien de Vinezac, Louis Joseph (1753-1793), le second fils de Mathieu de Julien de Vinezac, de la branche de Largentière, convolait en Vivarais et se mariait le 5 octobre 1784 àAubenas 39.

Ce jour-là, après publication d’un seul ban, avaient ainsi lieu en l’église Saint-Laurent d’Aubenas les épousailles entre :

  • Messire Louis Joseph de Julien, vicomte de Vinezac, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Lazare, fils de haut et puissant seigneur Messire Mathieu de Julien, chevalier de Vinezac, [ancienl capitaine du régiment de la Couronne, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, commandant pour le roi à Issirac, et de Madame Marie de Grandval, habitant de la tille de Largentière,
  • et Mademoiselle Adélaïde Marie Thérèse Leudegarde de Bologne de Gordon (lire Boulogne de Gourdon 40), fille de haut et puissant seigneur Messire Dominique de Gordon, seigneur de Grezadel, Le Pin, La Valette et autres places, marquis de Gordon, ancien brigadier des Gardes du corps du roi, capitaine de cavalerie, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, et de haute et puissante Dame Marie Magdeleine Chevalier du Coudray, habitante de la ville d’Aubenas.

Le tout fut célébré en la présence de Mr Me Jean Pierre Dumas, avocat en Parlement, juge de la ville d’Aubenas, secrétaire greffier des Mortes Payes du Vivarais, de Messire Antoine François Benoît, comte de Colonne, de Messire Jacques François de Colonne, son fils, et de Messire François de Fagete [deux ou trois mots illisibles dont peut-être Chaseaux comme il appert des signatures].

Nous ignorons cependant le contenu précis du contrat qui aurait été passé le 4 octobre à Aubenas 41.

Le frère aîné de ce marié désormais trentenaire, Joseph Xavier (1749-1814), ne se mariera pour sa part qu’en 1790 à Paris, alors devenu major général d’une des divisions des Gardes nationales, et ce en présence du roi Louis XVI et de la famille royale (cf. infra)…

II - Le remariage de 1784

La première épouse de Pierre de Julien étant décédée fort peu de temps après le mariage, il faut donc s’enquérir en 1783-1784 de trouver un autre parti.

On négocie pour cela avec une famille possessionnée dans l’actuel département des Pyrénées-Orientales, les Vivier de Lansac, une famille qui est devenue montpelliéraine par sa prestigieuse alliance de 1768 avec la puissante famille du vicomte de Saint-Priest, Jean Emmanuel de Guignard de Saint-Priest, intendant de la province de Languedoc depuis 1751.

Le père de la future épouse de Pierre de Julien, François Hippolyte du Vivier, veuf Bosch, natif de Sauve (Gard) mais issu d’une famille originaire du Fenouillèdes (Pyrénées-Orientales), était en effet devenu en 1768 le gendre de l’intendant par un remariage avec une fille de celui-ci, Marie Xavier de Guignard de Saint-Priest, native de Grenoble, mais sera appelé, comme nous le verrons plus loin à se remarier en troisièmes noces en 1786.

Il avait eu de son mariage de 1765, célébré à Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales) avec Marie Thérèse de Bosch, une fille de premier lit, Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, une orpheline de mère placée mineure au couvent des cisterciennes du Vignogoul (cf. infra) et que Pierre de Julien devait épouser avec l’automne 1784. Une fille de deuxième lit, sœur consanguine de ladite Henriette, Marie Joséphine Marie Xavier du Vivier de Lansac, devait pour sa part être mariée le 1er avril 1788 à Montpellier (Notre-Dame des Tables), avec Jean Joseph François Gaspard [Richer] de Belleval, chevalier, fils d’un président en la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier. Entre-temps, le père des deux jeunes filles devait se remarier en troisièmes noces le 23 janvier 1786 à Brouilla (Pyrénées-Orientales), alors âgé de 43 ans, avec Rose Marianne Thècle Rovira, 44 ans.

Nous verrons plus loin de détail de ces trois mariages en étudiant la parenté et la parentèle de Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, épouse de Pierre de Julien de Vinezac.

Le mariage de 1783 ayant été fort bref, l’épouse décédant dans les deux mois qui suivirent cette union. Pierre de Julien de Vinezac se voit présenter un nouveau parti.

Un contrat de mariage est ainsi traité et signé le 22 novembre 1784 avec Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac devant Me Pascal Péridier, notaire de Montpellier 42.

Ce jour-là, se présentent :

  • Messire Haut et puissant seigneur Messire Pierre de Julien, chevalier, marquis de Vinezac (sans référence quelconque à son récent veuvage, seulement évoqué plus loin dans le texte), fils de haut et puissant seigneur Messire Joseph de Julien, chevalier, comte de Vinezac, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis et de haute et puissante Dame Marguerite de Rigol de Cambous,
  • et Dlle Mlle Marie Gabrielle Henriette du Vivier, fille de haut et puissant seigneur Messire François Hyppolite (Hippolyte) du Vivier, chevalier, marquis du Vivier, comte du Laussac (lire de Lansac), et de feue haute et puissante Dame Marie Thérèse Bosc du Vivier (Dubosc au mariage ci-après, mais lire de Bosch selon le mariage catalan de 1765).

Le futur époux traite alors du consentement de son père 43, lequel déclare agir en son nom comme en celui de son épouse qui lui a donné procuration le 19 du courant mois (Claparède, notaire). On ignore alors si Marguerite Rigal est souffrante, ou personnellement opposée à cette union à une époque où l’avis paternel prévaut toujours sur l’avis maternel, et on constatera plus loin son absence lors de la cérémonie de mariage donnée dans la foulée.

La future épouse traite pour sa part du consentement de son seul père, sa mère étant décédée, mais on verra plus loin combien ce mariage a dû être âprement discuté en raison des deux mariages successifs de son père.

Les bans étant déjà publiés, la future épouse déclare se constituer, du consentement de son père (mais sous les conditions que lui impose manifestement le clan des Saint- Priest), « ses biens présents » [mais non à venir !], lesquels consistent :

  • en immeubles et dans les meubles qui sont actuellement dans les maisons, métairies et autres biens qui dépendent desdits immeubles, avec tous les cabaux dont sont chargés les actuels fermiers, exceptés ceux qui seront cités plus loin, – et en vaisselle d’argent, le tout formant les biens qui furent donnés à la Dame de Bosch du Vivier, sa mère, lors de son contrat de mariage avec ledit seigneur marquis du Vivier le 9 février 1765, et qui furent détaillés dans l’inventaire après décès de M. de Bosch, son aïeul maternel, à partir du 16 juillet 1778 (Dolet, notaire à Ille-sur-Têt 44).

Elle déclare alors donner décharge à son père de l’héritage maternel, y compris des meubles et effets qui pourraient manquer, mais se réserve néanmoins la somme de 48 000 livres 45 qu’elle se retient sur la valeur de la susdite constitution pour en jouir comme biens paraphernaux et en disposer à ses plaisirs et volontés.

Cette somme de 48 000 livres restera entre les mains dudit seigneur de Vinezac, futur époux, qui payera chaque année (mais on ne précise pas à qui), sans arrérage, et tant que ladite Dlle du Vivier lui laissera ladite somme en ses mains, celle de 2 400 livres pour l’intérêt au pied de 5 %, exempt de toutes charges et retenues créées ou à créer, au bénéfice desquels il renonce expressément.

Il est cependant convenu que ledit seigneur de Vinezac prendra possession et jouissance desdits immeubles, savoir ceux qui sont situés à la montagne, avec leurs dépendances, à compter du 1er janvier prochain, ainsi que ceux situés à Ille-sur-Têt 46, avec les meubles, effets et cabaux qui en dépendent, à compter du jour de la bénédiction nuptiale.

Pour cela, ladite Dlle du Vivier nomme son futur époux pour être son procureur irrévocable à l’effet de retirer le revenu desdits biens constitués, lui donnant pouvoir de vendre et aliéner aux prix qu’il avisera, sans pouvoir quereller lesdites ventes sous aucun prétexte, à charge pour ledit seigneur de Vinezac, au fur et à mesure des ventes qu’il pourra faire, d’en reconnaître le prix sur ses biens présents et à venir, lui ayant d’ores et déjà reconnu la somme de 12 442 livres :

  • 2 000 livres pour la valeur de 40 marcs d’argenterie qui sont au pouvoir de ladite Dlle du Vivier et qu’il considère comme déjà reçus.
  • 4 000 livres pour la valeur des meubles qui sont dans les différents domaines, maisons ou métairies.
  • 1 034 livres pour la moitié des cabaux du domaine d’Ille appartenant à ladite Dllc du Vivier.
  • 5 408 livres pour le montant des contrats compris dans la susdite constitution.

Dans cette somme de 12 442 livres n’est pas cependant comprise la valeur des cabaux des domaines de la montagne qui suivront ces domaines en cas de vente ou le cas de restitution de dot arrivant.

Il est expressément convenu que si ledit seigneur de Vinezac place le prix des ventes qu’il aura faits en contrats avec constitution de rentes, sur la province, le clergé ou autres corps et communautés de bonne éviction, ou s’il en place tout ou partie en acquisition de terres, il aura l’option de restituer lesdits prix en argent ou bien en cédant à la future épouse ou à ses ayants cause les terres ou les contrats acquis, savoir les terres au prix de leur acquisition et les contrats pour le sort principal qui y sera énoncé. Dans ce dernier cas, il est aussi convenu que le futur époux ou les siens demeureront garants et responsables envers ladite future épouse ou ses successeurs ou ayants cause de la solidité et de la validité des acquisitions des immeubles.

De plus, le susdit seigneur marquis du Vivier, pour témoigner combien le présent mariage lui est agréable, et en contemplation de celui-ci, se départ et se désiste des entiers usufruits et jouissance qui lui appartiennent sur les biens donnés à feue la Dame de Bosch du Vivier, sa défunte épouse, lors de leur contrat de mariage du 9 février 1765, moyennant la somme de 80 000 livres 47 qui lui a été acquittée par ladite Dlle du Vivier, sa fille, de la manière suivante :

1)   en une somme de 8 500 livres procédant du prix de vente de 170 marcs de vaisselle d’argent cédée par ladite Dite du Vivier au dit seigneur marquis du Vivier, son père.

2)   en l’imputation faite, sur ladite somme de 80 000 livres, par ledit seigneur et marquis, de celle de 1 200 livres pour les charges dues à raison des domaines ci-dessus constitués pour la courante année.

3)   en la somme de 1 200 livres, pour le prix de divers meubles cédés par ladite Dlle à son père.

4)   en la cession et transport que fit ladite Dlle à son père d’un capital de 5 000 livres dues, en sa qualité d’héritière de feu noble Jean Bosch, son aïeul, par noble Jean François Nicolas Joseph de Coll, chevalier, seigneur du lieu et château de Vivès Lauro 48, suivant contrat du 5 octobre 1765 (Me Joseph Llutier, notaire à Ille).

5)   en la cession également faite par ladite Dlle à son père d’un autre capital de 2 000 livres dues au dit feu noble Jean Bosch, son aïeul, par ledit sieur de Coll par le même contrat du 5 octobre 1765.

6)   en la renonciation et abandon que fait ladite Dlle en faveur de son père des entières successions particulières de sieur et Dame Bosch (lire Jean Bosch et Gabrielle du Vivier de Sarraute, cf. mariage de 1744), ses aïeul et aïeule maternels, se portant à la somme de 62 839 livres, correspondant au montant du reliquat du compte de l’administration desdites successions que ladite Dlle a examiné et dont elle tient quitte son père.

Elle promet par ailleurs de faire tenir quitte son père par ses héritiers et ayants cause, étant convenu que toute augmentation ou accroissement de ce reliquat qu’on pourrait demander et obtenir par le défaut de placement des intérêts pour en produire d’autres, ou par tout autre moyen prêtant à querelle sur l’administration, même en réparant les erreurs qui pourraient être intervenues, ne pourront être payés que sur le produit de l’usufruit cédé et abandonné par ledit seigneur marquis du Vivier à ladite Dlle, sa fille, future épouse. Cette clause est intangible, quand bien même le produit de l’usufruit deviendrait insuffisant par le décès prématuré dudit seigneur marquis du Vivier, attendu que ladite Dlle du Vivier, sa fille, prend et accepte ladite renonciation, cession et abandon d’usufruit sous la condition susdite, à forfait et à ses périls, risques et fortunes, et qu’elle renonce, tant pour elle que pour ses héritiers, successeurs ou ayants cause, à rechercher ledit seigneur marquis de Vivier ou ses héritiers, successeurs et ayants cause, sous quelque prétexte que ce soit.

Aussi, au moyen de ce renoncement sur les successions de l’aïeul et de l’aïeule maternels, la propriété :

  • de deux contrats à constitution de rente, l’un au principal de 15 000 livres et l’autre au principal de 12 000 livres, établis sur le diocèse d’Alet 49 par actes des 25 juillet 1765 et 7 mai 1766 (Loubet, notaire à Alet),
  • d’un autre contrat à constitution de rente au principal de 15 000 livres, consenti par la Dame de Calamaing, veuve de M. le marquis de Mauléon en faveur de Dame Gabrielle du Vivier, veuve de feu noble Jean Bosch, le 24 septembre 1777 (Peprats, notaire, sans précision de lieu),
  • d’un autre contrat à constitution de rente au principal de 14 000 livres, consenti par Me Joseph Llutier, notaire, en faveur de feu noble Jean Bosch le 5 mars 1771 (Trullé, notaire d’Ille),
  • ainsi que des autres effets formant lesdites successions, restera au dit seigneur marquis du Vivier, la susdite Dlle du Vivier promettant par avance de ratifier tant le susdit compte que la rente dudit usufruit ainsi que les décharges, quittances, abandon, renonciations et cessions qui sont contenus dans le présent contrat de mariage lorsqu’elle aura atteint sa vingt-cinquième année, le susdit seigneur de Vinezac, futur époux s’oblige de son côté à l’autoriser comme il l’autorise d’ores et déjà à le faire avec l’accord de son propre père.

Ainsi, ni le futur époux ni le père de celui-ci, ne rechercheront en aucun cas ledit seigneur marquis du Vivier, ni directement, ni indirectement, pour tout ce qui concerne les susdites successions et clauses de renonciation. Au contraire, ils s’engagent l’un et l’autre, père et fils, à rendre taisant leurs héritiers, successeurs et ayants cause seulement, et non autres. De même, ledit seigneur comte de Vinezac, père du futur époux, se porte et se rend caution et garant dudit seigneur marquis de Vinezac, son fils, également au nom de ses successeurs et ayants cause, seulement et non autres, à raison de la promesse ci-dessus faite envers ledit seigneur marquis du Vivier.

Cependant, attendu que toutes les susdites cessions, renonciations et imputations s’élèvent ensemble à la somme de 80 739 livres, laquelle excède de 739 livres celle de 80 000 livres correspondant au prix de la cession dudit usufruit, il demeure convenu que ces 739 livres seront compensées, comme les parties les compensent, avec le prorata de la récolte de l’huile et de celle des fourrages qui sont à percevoir dans le domaine d’Ille par le seigneur marquis du Vivier, au moyen de quoi lesdites récoltes appartiendront en entier au dit seigneur marquis de Vinezac, futur époux 50.

Vient alors le tour pour la famille du futur époux d’apporter sa contrepartie à la dot ainsi constituée. Pour cela, le susdit comte de Vinezac, faisant tant en son nom qu’à celui de la Dame de Rigol de Cambous, son épouse, ayant lui aussi le présent mariage pour agréable, ratifie et confirme en faveur du susdit seigneur marquis de Vinezac, son fils, en tant que de besoin serait, la donation de la moitié de ses biens, noms, voix, droits, raisons et actions, présents ou à venir, ainsi que de ceux de son épouse, qui lui fut déjà accordée lors de son contrat de mariage avec feue Dame Aglaé Eléonore Henriette Françoise Dupuy-Montbrun, reçu par Me Fabré, notaire à Albi. le 3 mars 1783, pour en prendre possession après leur décès.

En attendant, à compter du jour de la célébration du présent mariage, et afin d’en supporter les charges, il lui fait délaissement, faisant tant pour lui qu’au nom de son épouse, de la jouissance de divers biens, savoir :

  • de son chef, celle de sa terre de Vinezac, en Vivarais, et de ses dépendances,
  • et du chef de ladite Dame, son épouse, de la terre de Pégairolles et de ses dépendances.

Aucune précision d’ordre monétaire n’est cependant apportée quant à la valeur détaillée desdits biens.

Enfin, ledit seigneur marquis de Vinezac accorde à sa future épouse un confortable augment dotal ou gain de survie d’un montant de 30 000 livres 51, plus les robes et joyaux donnés pendant le mariage. Il lui assure également, au cas où il viendrait à mourir avant elle, « un logement meublé dans un de ses châteaux ou [en sa] maison à la ville [de Montpellier], ou [bien] pour lui tenir lieu dudit logement une somme annuelle de mille livres à son choix, tant et si longuement que ladite Dlle du Vivier vivra en viduité ». A l’inverse, la future épouse lui accorde en contre-augment 15 000 livres de sa part (soit la proportion classique de 2 à 1), étant stipulé (conformément aux usages), que ces deux sommes seront payables au survivant dans l’année du décès du premier mourant.

L’heure est alors venue de conclure et le notaire, juste avant d’indiquer que les parties se soumettent aux clauses habituelles de garantie, précise que les parties déclarent que les biens formant la constitution dotale de ladite Dlle du Vivier, ci-dessus désignés, plus les terres de Vinezac et de Pégairolles cédées au futur époux en cette année 1784, sont de la valeur dc 400 000 livres, ce qui est une somme énorme pour l’époque, représentant (non compris la moitié des biens donnés en 1783 lors du premier mariage de Pierre de Julien) une masse métallique de plus de 1 802 kg d’argent fin ou 124,68 kg d’or fin, une fortune à laquelle bien peu de gens oseraient alors rêver.

L’acte est dit « fait et passé dans un parloir de l’abbaye de Vignogoul de cette ville [de Montpellier] », un établissement religieux où la jeune femme fut sans doute recluse une fois sa mère décédée 52, en présence de deux personnes dont la participation au présent contrat est obscure :

  • Messire Henri Marie Aimable de Cambis, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, colonel de dragons au service de France, résidant à Avignon, actuellement en cette ville (nous ignorons les liens familiaux justifiant sa présence) 53.
  • Messire Louis Victorin Castillon, marquis de Saint-Victor, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, colonel de dragons au service de France, habitant de cette ville (dont un fils épousera, mais en 1791 seulement, une petite-fille de l’intendant de Languedoc, nièce par alliance de François Hippolyte du Vivier, le père de la présente épouse) 54, qui signent tous deux avec les parties et Me Pascal Péridier, avocat et notaire, plus de nombreux parents et amis (presque une page dc signatures).

La plupart de ces signatures, dont celles du curé de Notre-Dame des Tables à Montpellier, du vicaire général du diocèse et de l’évêque même de Montpellier, présents au contrat, se retrouveront à l’acte de mariage ci-après, célébré en présence dudit évêque.

Compte-tenu de l’importance des biens constitués, fort considérable, un droit de 661 livres 10 sols sera perçu le 30 novembre.

Le mariage a lieu le 23 novembre 1784 en la paroisse Notre-Dame des Tables, à Montpellier, avec publication d’un seul ban, publié dans trois églises différentes :

  • dans l’église collégiale de Notre-Dame de la Réal, à Perpignan. le 7 du mois (sans doute en raison de la naissance de Marie Gabrielle du Vivier en cette localité),
  • dans l’église de Viols-le-Fort le 7 du mois (en raison du baptême de Pierre de Julien à Viols en 1755, un simple ondoiement ayant eu lieu en 1754 à Montpellier),
  • et dans l’église Notre-Dame des Tables, à Montpellier, le 21, dispense des deux autres bans étant accordée par les deux évêques concernés.

Les deux époux sont :

  • l’un Messire Pierre de Julien de Vinezac, fils de haut et puissant seigneur Messire Joseph de Julien, comte de Vinezac, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis et de haute et puissante Dame Marguerite de Rigol de Cambous, habitants dans leur château de Cambous, paroisse de Viols-le-Fort, en ce diocèse (sans référence quelconque à son récent veuvage de 1783),
  • l’autre Mlle Marie Gabrielle Henriette du Vivier, fille de haut et puissant seigneur Messire François Hyppolite (Hippolyte) du Vivier, comte du Lansac, et de feue haute et puissante Dame Marie Thérèse Dubosc du Vivier, habitants dudit Perpignan, en Roussillon, l’épouse étant pour sa part dite un peu plus loin habitante de la paroisse Notre-Dame à Montpellier.

Sont alors cités comme témoins :

  • haut et puissant seigneur Messire François Hvppolite du Vivier, comte de Lansac (père de l’épouse).
  • haut et puissant seigneur Messire Joseph de Julien, comte de Vinezac (père de l’époux).
  • haut et puissant seigneur Messire Henri Marie Aimable de Cambis (déjà présent au contrat).
  • haut et puissant seigneur Messire Jacques Jean Elisabeth de Brignac, marquis de Montarnaud (beau-frère depuis 1778 de l’époux, présent au contrat).
  • haut et puissant seigneur Messire Louis Victorin de Castillon, marquis de Saint-Victor (présent au contrat).
  • Messire Etienne Gabriel de Julien, chevalier de Vinezac (cousin de l’époux, présent au contrat).

qui signent avec les parties et une foule de parents et d’amis, offrant un bel et fort intéressant cortège de signatures :

  • Vinezac et Henriette Duvivier pour les époux.
  • Montarnaud (Jacques Jean Elisabeth de Brignac), Duvivier Lansac (père de l’épouse), St-Victor (Louis Victorin de Castillon).
  • Le ch. de Vinezac, Le… (sans doute marquis) de Cambis, plus une signature presque illisible pour Saint-Priest (l’intendant Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de Saint-Priest).
  • Bocaud (Thomas Marie de Bocaud, ancien président de la C.C.A.F.). St-Priest de Bocaud (Jeanne Emilie de Guignard, son épouse), Barral de St-Priest (Louise Jacqueline Sophie de Barral, épouse de l’intendant).
  • St-Priest Dantraigues Launay: il s’agit de Marie Jeanne Sophie de Guignard de Saint-Priest, veuve depuis 1765 de Jules Alexandre de Launay, d’une quarantaine d’années son aîné, déjà présente lors du contrat, mère d’Emmanuel Louis Henri Alexandre de Launay, comte d’Antraigues (1753-1812), un ancien officier au Royal-Piémont et qui, franc-maçon initialement réformiste, jouera un grand rôle dans le développement des idées révolutionnaires en Languedoc mais aussi en France, avant de passer à la contre-révolution (voir chapitre IV ci-après).
  • De Saint-Priest, Sophie de Lansac, Emilie de St-Priest (épouse Bocaud), St-Priest Daxat (Mathurine de Guignard de Saint-Priest, épouse de Marc Antoine Dax d’Axat), Le Roy de St-Victor (épouse de Louis Victorin de Castillon), Thérèse Dax, Fanny de Lansac, Gabriel de Lansac, Labbé Dax, Théron, prêtre, principal de collège, St-Félix de Moncay, etc.,
  • plus la signature de Mariere, vicaire général du diocèse et celle de Joseph François de Malide, évêque de Montpellier :
  • + Joseph Ev. de Montpellier (les prélats ne signent que de leur prénom, jamais de leur patronyme) venant s’ajouter à celle du curé, [François] Castan.

Une famille peu connue, les Vivier de Lansac

Il s’agit-là d’une famille noble du Fenouillèdes, une terre de langue d’oc, dans l’ancien diocèse d’Alet et de Limoux, désormais incluse au nord de l’actuel département des Pyrénées-Orientales et par là incluse dans une région administrative de langue catalane.

La documentation sur cette famille est peu abondante mais nous avons pu néanmoins en dresser une généalogie relativement précise, commençant au milieu du XVIIe siècle mais rendue complexe par divers remariages, dont les trois unions successives, en 1765, 1768 et 1786 de François Hippolyte du Vivier de Lansac, beau-père en 1784 de Pierre de Julien et en 1788 de Jean Joseph François Gaspard de Belleval.

Les Vivier de Lansac connurent de multiples implantations géographiques. Le nom de Vivier et le nom de terre de Lansac leur vient de deux villages des collines du massif du Fenouillèdes. Le Vivier et Lansac, au sud-ouest et au sud-est de Saint-Paul-de-Fenouillet :

  • Le Vivier, dans le vallon de la Matassa, à 6 km au sud-ouest dudit Saint-Paul.
  • Lansac, au-dessus et à 2 km en rive gauche des gorges de l’Agly, à 7 km au sud-est dudit Saint-Paul.

La famille s’installe aussi à Saint-Martin, village entre Saint-Paul et Le Vivier, puis à Ortaffa, village de la région d’Elne, au sud de Perpignan, dans la plaine du Tech. Elle est également présente à partir de 1727 dans le piémont cévenol en raison de la présence d’un capitaine du régiment de la Couronne au fort de Saint-Hippolyte. On la retrouve ensuite à partir de 1765 à Perpignan et Montpellier. Nous ignorons par contre à quoi rattacher le nom de terre de Sarraute que l’on retrouve chez les premiers Vivier de Lansac. Il en est de même pour la seigneurie de Laubens, citée en 1768 55.

L’un des mariages, celui de 1733, sera rendu particulièrement difficile en raison de l’opposition de la mère du futur époux, Marguerite Thérèse de Béon 56, qui ne répondra pas aux trois sommations respectueuses (ou lettres de respect) que son fils, Henri Joseph du Vivier, alors veuf d’Elisabeth Astruc, avec qui il s’était marié à Sauve (Gard) le 18 janvier 1727, lui fait signifier par voie d’huissier en son domicile de Saint-Paul-de-Fenouillet afin de pouvoir se marier pendant l’été 1733 avec Etiennette de Pise (ou Pize), du village de Claret (Hérault).

Les Vivier de Lansac
Les Vivier de Lansac 57

On retrouvera ainsi, insérée dans le registre paroissial de Claret, une liasse de documents fort intéressants qui illustre comment le mariage des personnes de plus de trente ans pouvait s’effectuer, en l’absence de consentement parental, grâce à l’usage de sommations effectuées par voie judiciaire, l’absence de réponse valant consentement tacite. A défaut, et quoique majeur, le futur marié, alors militaire au fort de Saint-Hippolyte 58, aurait encouru la peine d’exhérédation le privant de tout droit d’héritage.

Une pièce non datée, signée fin juin 1733 d’un notaire de Saint-Hippolyte-du-Fort, précise ainsi :

« Il y a promesse de mariage entre :

  • noble Joseph Henri du Vivier, capitaine au régiment de la Couronne, fils légitime et naturel de défunt noble Alexandre [dit Vivier de] Lansac, marquis du Vivier, et de Dame Thérèse de Béon Cazau[x], mariés, du lieu de Vivier, diocèse d’Alet 59, d’une part,
  • et Demoiselle Etiennette de Pize, fille légitime de défunt Mr Henri de Pize, seigneur de Claret, et de Dame Jeanne de Carouge, mariés, demeurant au lieu de Claret, diocèse de Nîmes  60, d’autre part.

Le contrat de mariage a été reçu par moi, Simon Pascal, notaire royal de la ville de Saint-Hippolyte, diocèse d’Alès, soussigné, le onze juin mille sept cent trente-trois, où je me rapporte, [cet acte] étant dûment contrôlé et insinué au bureau dudit Saint-Hippolyte pour servir à la publication des bans.

Ledit sieur du Vivier réside au dit Saint-Hippolyte depuis plus de dix années et a procédé au dit mariage sous la promesse de le faire approuver avant la bénédiction nuptiale par ladite Dame sa mère ». Signé : Pascal.

Le registre paroissial contient ensuite la copie et la signification des sommations respectueuses adressées par trois fois à la mère du fiancé : « A la requête de noble Henri Joseph du Vivier, capitaine au régiment de la Couronne à la citadelle de Saint-Hippolyte, soit dénoncé par le premier huissier ou sergent requis à Madame Marguerite de Béon Cassaux (lire Cazaux), veuve de M[essi]re Alexandre du Vivier, marquis de Lansac, sa mère, que l’exposant, âgé de plus de trente ans, souhaitant de se marier avec Demoiselle Etiennette de Pise, fille légitime de feu Henri de Pise, seigneur de Claret, et de Dame Jeanne de Carrouge, mariés [du] diocèse d’Alès en Languedoc, il aurait prié ladite Dame, sa mère, de vouloir bien consentir à ce mariage. Mais, n’ayant pas ou obtenir ce consentement, il est forcé d’user de la liberté que les ordonnances [du roi] donnent aux garçons âgés de plus de trente ans de [pouvoir néanmoins] se marier après avoir requis le consentement de leur [père ou] mère. Et, pour cet effèt, il supplie par le présent acte, avec tout le respect possible, ladite Dame, marquise de Lansac, sa mère, de vouloir [bien] consentir à son mariage avec ladite Demoiselle de Pise et lui prétexte, quoi-que avec regret, que sur son refus de donner ledit consentement, il contractera [néanmoins] ce mariage, ainsi qu’il lui est permis par les ordonnances et généralement proteste de tout ce que de droit, dont acte ». Signé, d’une autre main, celle de l’intéressé : Le Chr Duvivier.

Au bas de chacune des trois copies, on retrouve les significations effectuées les 2, 3 et 4 août 1733 par voie d’huissier : « L’an mil sept cent trente-trois et le second (la date changent à chaque exploit judiciaire nouveau), par moi, Jean Maury, huissier de St-Paul, y résidant, soussigné, à la réquisition de noble Henri Joseph du Vivier, capitaine au régiment de la Couronne, en garnison à la citadelle de St- Hippolyte, le premier (puis second et troisième) acte de respect fut à son nom et de lui signé au présent exploit, à l’original attaché, a été dûment insinué et signifié à Dame Marguerite de Béon [marquise de] Lansac, sa mère, demeurant [dans sa maison, cf. les autres sommations] en la présente ville de St-Paul, afin qu’elle ne l’ignore, et [je] lui ai fait les mêmes prières et sommations respectueuses contenues au dit acte en parlant à la servante de la[dite] Dame marquise de Lansac, trouvée en personne dans la maison et domicile [de celle-ci] au dit St-Paul, laquelle servante n’a [pas] voulu [me] dire son nom, et [je lui ai néanmoins] baillé copie dudit premier (puis second et troisième) acte et du présent exploit ». Signé: Maury, huissier.

On passera sur le document, préimprimé et rédigé en latin, par lequel les autorités ecclésiastiques autoriseront le 6 août le mariage entre Henricum Josephum Lansac du Vivier et Stephanam de Pize.

On retrouve ensuite à l’intérieur du registre paroissial une attestation de moralité et de publication des bans délivrée le 15 août par un prêtre de Sauve : « Nous soussigné, prêtre, bachelier en théologie et curé de la ville de Sauve, certifions à qui il appartiendra avoir publié [par] trois fois le contrat de mariage des parties ci-derniers…, sans aucune opposition trouvée, les deux, neuf et quinze du présent mois, jours des dimanches ou fêtes consécutifs, consentant pour ce qui nous concerne que la bénédiction nuptiale leur soit donnée par Monsieur le prieur de Claret ou par autre [personne] de lui député[e], les formalités requises observées, et vu les trois actes de respect fruits par ledit sieur de Vivier à la Dame sa mère, dûment contrôlés, que ledit sieur a retirés, disons en outre que depuis environ huit ans (lire six) que nous avons marié ledit sieur avec la Demoiselle Elisabeth d’Astruc, notre paroissienne, ils auront vécu ensemble environ six ans, ayant eu plusieurs enfants de leur mariage pendant lequel ils ont mené une vie exemplaire et fréquenté les sacrements et l’église, ladite Dame ayant reçu [avant de mourir] les sacrements avec tant de piété et de dévotion que la paroisse en fut très édifiée. En foi de quoi nous avons accordé le présent certificat au dit curé, ce quinze août mille sept cent trente- trois ». Signé : Vernhette, curé.

Le mariage lui-même, non daté, est postérieur au 15 août (cf. certificat du curé de Sauve), et fait suite aux obsèques, le 12, d’Elisabeth Delpuech, veuve de Jean Péridier. On le datera par commodité du 16 : « Vu par nous, prieur soussigné, la dispense des deux bans de mariage accordée par Monsieur l’abbé Morel, vicaire général de Monseigneur l’évêque de Nîmes le sixième du mois d’août, [vu aussi] le certificat de Monsieur Verniette, curé de Sauve, au diocèse d’Alès, des trois publications des bans, sans qu’il y ait paru aucune opposition canonique ni civile, [vu encore] trois actes de respect fruits et signifiés [pour le dernier] le quatre du présent mois par noble Henri Joseph du Vivier à Madame [Marguerite] Thérèse de Béon Cazau[x], du lieu de Vivier, diocèse d’Alet, j’ai béni le mariage entre noble Henri Joseph Lansac du Vivier 61, capitaine au régiment de la Couronne,fils légitime de feu noble Alexandre Lansac, marquis de Vivier et de Dame [Marguerite] Thérèse de Béon Cazote (sic), marquise du lieu de Vivier [diocèse] d’Alet, d’une part, et Demoiselle Etiennette de Pize, fille légitime de feu Monsieur Henri de Pize, seigneur de Claret, et de Dame Jeanne de Carouge, mariés, résidants de cette paroisse d’autre part, en présence de Messire Jean Baptiste Colrat, prêtre et vicaire de cette paroisse de Claret, et de Jean Farges, habitant dudit Giaret, signé avec nous, prieur, au dit Claret » 62.

Mais passons sur cet acte auquel nous n’aurions pas attaché autant d’importance si le mariage n’avait pas fait l’objet d’une telle et inhabituelle procédure.

L’un des enfants du couple, François Hippolyte du Vivier, né vers 1743, se mariera par trois fois.

Du vivant de son père, mais sa mère étant décédée, il épouse tout d’abord le 11 février 1765, à Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales), une parente au degré canonique, Marie Thérèse de Bosch, fille de Jean de Bosch et de Gabrielle du Vivier 63.

Il en aura Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, future épouse en 1784 de Pierre de Julien de Vinezac, née à Perpignan, et se retrouvera très rapidement veuf, confiant par la suite cette fille de premier lit au couvent du Vignogoul.

Dès 1768, il épouse l’une des filles de l’intendant de Languedoc, Marie Xavier de Guignard de Saint-Priest, sans doute la plus jeune des filles puisque ses sœurs sont mariées depuis 1752-1756 64.

Ce remariage a lieu, sans aucune mention préalable de veuvage de l’époux, le 9 novembre 1768 à Montpellier, paroisse Notre-Dame des Tables), avec publication d’un seul ban le 6 du mois dans la ville d’Ille (Me Jalli, curé) et à Ortaffa (Me Dentaner, curé), diocèse de Perpignan, avec dispense des cieux autres bans (certificat de Me Joseph Balandasicart, conseiller du roi), ainsi que publication d’un ban, le même jour dans l’église Saint-Pierre de Sauve, diocèse d’Alès, pour le fiancé, et à Notre-Dame, pour la fiancée. Une dispense de deux bans a été accordée par les évêques d’Alès et de Montpellier, suivie le 8 du mois par un mandement épiscopal signé Despalières, vicaire général. Le nom du prêtre qui a donné la bénédiction nuptiale est resté en blanc, celle-ci étant donnée avec les permissions requises « dans la chapelle du château d’Eau » (lire château d’O), propriété des Guignard sur la route de Montpellier à Grabels.

Ce jour-là, après toutes les procédures et formalités requise, se marient :

  • haut et puissant seigneur Messire François Hypolhite (sic) du Vivier, comte de Lansac, seigneur d’Ortaffa, de l’Ecluse 65, de Rasiguière (Rasiguères 66) et autres places, demeurant à son château d’Ortaffa, en Roussillon, fils de haut et puissant seigneur Messire Henri Joseph du Vivier de Lansac, marquis de Vivier, seigneur de Laubens et autres places, chevalier de l’Ordre royal [et] militaire de Saint-Louis, ancien capitaine des grenadiers au régiment de la Couronne, demeurant à la ville de Sauve, et de feue haute et puissante Dame Madame Etienne[tte] de Pize de Claret (écrit Clavel).
  • Demoiselle Marie Xavier[e] de Guignard de Saint-Priest, fille de haut et puissant seigneur Messire Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de Saint-Priest, conseiller d’Etat, intendant de justice, police et finances de la province de Languedoc, et de haute et puissante Dame Louise Jacqueline Sophie de Barral.

Les témoins, tels qu’ils sont cités dans l’acte, sont : Messire Henri Joseph du Vivier de Lansac père, Messire Jean Emmanuel de Guignard de St-Priest père, Messire Jacques de Roure, chevalier, beau frère [de l’époux], capitaine au régiment d’Auvergne, Messire Jean Christophe Dieffenthaller, oncle, capitaine au régiment suisse de Castellar, Messire Marie Joseph Emmanuel de Guignard de St-Priest, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de l’hôtel, intendant de justice, police et finances de la province de Languedoc, frère, et autres parents.

Les signatures qui suivent sont : Duvivier de Lansac, St-Priest de Lansac, Duvivier, de Saint-Priest. Du Roure. Le Chr de Dieffenthaller. Barral de St-Priest, Manissi de St-Priest (en très petits caractères, anormalement minuscules), De Saint-Priest, St-Priest de Bocaud. St-Priest d’Axat. De Lanouc du Roure. Daldebert de Clavel (Claret ?). Montpeyroux d’Axat, de Chaponay, Le chevalier de St-Priest Languedoc, Bocaud, Daxat, Le Chr de Montault. Henry prêtre, Eymeric prieur de Celleneuve, [Honoré] Pioch curé de Juvignac. [François] Castan, curé.

François Hippolyte de Vivier de Lansac aura au moins une autre fille, Marie Joséphine Sophie Xavier du Vivier de Lansac, épouse en 1788 à Montpellier (cf. infra), d’un membre de la noblesse de robe, Jean Joseph François Gaspard [Richer] de Belleval, comte dudit lieu, chevalier, fils de Joseph Philibert [Richer] de Belleval, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, président honoraire en la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, et de feue Dame Elisabeth de Pavée de Villevieille 67.

Entre-temps, et à nouveau veuf, il se remariera en troisièmes noces le 23 janvier 1786 à Brouilla (Pyrénées-Orientales), se disant âgé de 43 ans, comte de Lansac et seigneur du proche village d’Ortaffa, avec Rose Marianne Thècie Rovira, 44 ans, sans doute veuve elle aussi, fille de feu François Rovira, citoyen noble de Perpignan, paroisse Saint-Jean, et de feue Marie Ribes 68.

Son second beau-père, Jean Emmanuel de Guignard de Saint-Priest, ancien intendant de la province de Languedoc, était alors mort depuis octobre 1785 (cf. ci-après).

III - Le clan des Saint-Priest

Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de Saint-Priest, une localité de la région lyonnaise, second beau-père du susdit François Hippolyte du Vivier de Lansac, naquit le 20 mars 1714 à Paris. Orphelin assez jeune de ses parents. Denis Emmanuel, conseiller en la Cour des aides et finances de Dauphiné, et Catherine de Lescot de Chasselay, fille d’un président à mortier de ladite Cour, il fut tout d’abord docteur et avocat. Il épousa par contrat de mai 1731 passé à Grenoble Louise Jacqueline Sophie de Barral de Montferrat, nièce du cardinal de Tencin.

Par lettres de provision de 1733 il devint conseiller au Parlement de Dauphiné puis accéda à des charges nouvelles qui le rapprochèrent du pouvoir royal :

  • maître des requêtes de l’hôtel du roi en 1745,
  • président du grand conseil de la Couronne en 1747,
  • puis commissaire de la compagnie des Indes en 1749.

Devenu intendant de la province de Languedoc le 12 janvier 1751, il supervisait ainsi la police générale, la justice, l’administration et les finances d’une multitude de nos actuels départements (une vingtaine de diocèses). Il remplaçait à la tête de cette province l’intendant Jean le Nain, en poste de 1745 à 1750.

Démissionnaire en mai 1785, il mourut peu après, le 18 octobre 1785, à Montpellier. Son mortuaire, dressé en la paroisse Notre-Dame des Tables par le curé François Castan, fut rédigé de manière assez sobre pour un personnage de cette importance.

Le texte est le suivant : « L’an mil sept cent quatre-vingt- cinq, et le vingt-unième octobre, Messire Jean Emmanuel de Gui[g]nard, chevalier, vicomte de St-Priest, conseiller d’Etat ordinaire, intendant de la province du Languedoc, époux de Dame Louise Jacqueline Sophie de Barral, décédé le dix-huitième du courant [mois], âgé d’environ soixante-deux ans, a été enseveli à l’hôpital général. Présents Me Lanfànt, vicaire, et Jean Baptiste Daudé ».

Pierre de Julien de Vinezac avec le clan des Saint-Priest et Antraigues
Les liens de la famille de la seconde épouse de Pierre de Julien de Vinezac avec le clan des Saint-Priest et Antraigues

Il avait acheté en 1762, dans les campagnes de la périphérie de la ville, un somptueux domaine, le château d’O, ancien domaine de Puech-Villa, propriété des héritiers de Charles Gabriel Le Blanc 69.

Ses fils et petits-fils furent largement impliqués dans la contre-Révolution et jouèrent un grand rôle politique en France et à l’étranger.

L’aîné, Marie Joseph Emmanuel de Guignard de Saint- Priest (1732-1794), obtint très jeune, le 20 décembre 1752, des lettres de provision d’offices pour une charge de conseiller en la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, alors successeur de Marc Antoine de Gayon 70. Il se démettra de cette charge le 20 février 1757 en faveur de Philippe Antoine Gallières 71 et sera associé par son père à la gestion de la province de Languedoc en 1764. Il démissionnera cependant de ses fonctions d’intendant en avril 1786, alors remplacé par Charles Bernard de Ballainvilliers, le dernier nommé des vingt-huit représentants connus du roi en la Province. Il aurait été également militaire si l’on doit croire les Armoriaux anciens qui le disent premier écuyer tranchant du roi et porte-cornette blanche de la couronne. Marié deux fois, il avait tout d’abord épousé en 1757, à Grenoble, Catherine Joséphine de Manissy de Ferrière, puis se remaria avec Bathilde de Solignac. Il aura de ses mariages au moins quatre filles, dont trois mariées et une religieuse, et sera guillotiné à Paris le 9 messidor An II (27 juin 1794) à l’époque où sa famille est tout, sauf en odeur de sainteté, pour les nouvelles autorités…

Le second fils, François Emmanuel de Guignard de Saint-Priest (1735-1821), fut tout d’abord militaire, chevalier de Malte en bas âge, enseigne des Gardes du corps ensuite, colonel, maréchal de camp puis lieutenant général. Il quitte l’armée en 1763. Nommé ministre plénipotentiaire au Portugal, il devint ambassadeur auprès de la Porte ottomane (Turquie) en 1768, passant ensuite auprès des Provinces-Unies (Pays-Bas). Il épousa en 1777 Constance Guillelmine Ludolph, comtesse du Saint-Empire, fille d’ambassadeur. De retour à Paris, il fut ministre sans portefeuille du roi Louis XVI (novembre 1788) puis secrétaire d’Etat de la maison royale (1789), sous le cabinet de Necker. Le 7 août 1790, alors que la Révolution battait son plein, il deviendra ministre de l’intérieur, s’attirant la haine populaire et la défiance des autorités nouvelles pour avoir répondu aux femmes venues réclamer du pain à Versailles : « Vous n’en manquiez pas quand vous aviez un roi, allez [donc] en demander à vos douze-cents souverains »…

Contraint de démissionner en décembre 1790, alors cité dans le complot de Thomas de Mahy, marquis de Favras, François Emmanuel de Guignard de Saint-Priest, émigre tout d’abord en Suède, y rejoignant son beau-frère, le comte de Ludolph, alors ambassadeur d’Autriche. Une de ses filles, restée en France, Emilie Anasthasie, native de Constantinople, épousera en 1797, alors âgée de 16 ans seulement, Jean Ange Bonaventure de Dax d’Axat, futur maire ultra-royaliste de Montpellier en 1814-1815, alors fraîchement rentré en 1797 d’Espagne où il servait dans les armées émigrées (cf. infra). Ses fils étaient pour leur part passés à la contre-révolution. L’un d’eux, Guillaume Emmanuel (1776-1814), sera tué en 1814 à Laon, en Champagne, servant alors comme officier dans un corps de l’armée russe. Un autre fils, Armand Emmanuel Charles (1782-1863), sera gouverneur civil d’Odessa et de la province de Podolie, épousant la princesse Sophie Galitzine. Un autre. Emmanuel Louis Marie, alias Louis Antoine Emmanuel (1789-1881), porté sur les fonts baptismaux par le roi et la reine, combattit également la France dans les rangs russes à Austerlitz (1805) puis en Champagne (1814). Devenu ambassadeur de France à Berlin en 1827 puis à Madrid en 1828, il sera élu représentant de l’Hérault à l’assemblée législative et s’opposera en 1851 au coup d’Etat bonapartiste.

Enfin, un troisième fils des Guignard-Barrai, Charles Antoine Emmanuel Languedoc, porté sur les fonts baptismaux par les représentants des Etats de Languedoc, d’où son dernier prénom valant surnom, servira dans l’Ordre de Malte puis deviendra chambellan de l’empereur et roi de Hongrie.

Nous avons donc affaire-là à une famille qui a marqué l’histoire languedocienne mais aussi l’histoire de France et celle de plusieurs nations d’Europe.

Parlons maintenant des trois filles des Guignard-Barral, nées à Grenoble mais toutes mariées à Montpellier avec des personnages dont la descendance va parfois défrayer la chronique :

  • Marie Jeanne Sophie Guignard de Saint-Priest, épouse en 1752 d’un aristocrate du Vivarais bien plus âgé qu’elle, né en 1693, Jules Alexandre de Launay, comte d’Antraigues, d’où naîtra en 1753 le célèbre comte de ce nom, Emmanuel Henri Louis Alexandre de Launay, ardent révolutionnaire passé à la contre-révolution dès 1790, mort assassiné près de Londres en 1812 (cf. infra), cousin par alliance de Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, seconde épouse de Pierre de Julien de Vinezac.
  • Jeanne Marie Emilie de Guignard de Saint-Priest, épouse en 1754 de Thomas Marie de Bocaud, seigneur de Teyran. Jacou et Clapiers, président en la Cour des comptes, aides et finances.
  • Marie Xavier de Guignard de Saint-Priest, seconde épouse en 1768 de François Hippolyte du Vivier de Lansac et dont une fille, comme nous l’avons dit plus haut, épousera en 1788 un fils d’un président honoraire en la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, Joseph Philibert Richer de Belleval.

Références et résumé de quelques mariages :

Compte-tenu de la qualité des personnes citées ci-dessus et de leur rôle historique, ainsi que des imprécisions ou erreurs que l’on pourrait trouver dans tel ou tel ouvrage comme dans les généalogies disponibles, il n’est pas inutile de fournir ici les précisions suivantes, relatives à des mariages célébrés à Montpellier 72. Elles permettent de voir dans quel environnement relationnel vivaient toutes les familles que nous avons citées et que côtoyèrent à partir de 1784 les derniers seigneurs de Pégairolles et de Cambous.

  • 18 avril 1752. Montpellier (Notre-Dame des Tables). Acte citant publication des bans à Ajach (sans doute Aizac), diocèse de Viviers, pour l’époux, et à l’église Saint-Hugues, de la ville de Grenoble, pour l’épouse ; contrat passé devant Me Chaleil, notaire de Montpellier le 25 mars. Mariage célébré par François Arnaud de Villeneuve, évêque de Montpellier.
  • « haut et puissant seigneur Messire Jules Alexandre de Launay (écrit Launais), comte d’Antraigues 73, seigneur dudit lieu, Quinitelle, Izac (Aizac), Aspergean (pour Asperjoc), Joninas (pour Juvinas), Lachamp, Rafarel, La Viole (pour Laviolle), coseigneur de Vals et Colombiès (Colombier), chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis », fils de « défunts haut et puissant seigneur Messire Louis de Launay, comte d’Antraigues, et haute et puissante Dame Elisabeth de Roux de Trélons (ou Tresiau), du diocèse de Viviers ».
  • « Dlle Marie Jeanne Sophie de Guignard de St-Priest», fille de « haut et puissant seigneur Messire Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de justice, police et finances de la province de Languedoc, et de haute et puissante Dame Louise Jacqueline Sophie de Barral, de cette paroisse [à Montpellier] ».

Témoins : Hauts et puissants seigneurs « Messires Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, père de l’épouse, Chartes de Barral, son oncle maternel, Emmanuel Dominique du Saix, comte d’Amans, capitaine de grenadiers au régiment de la Marine, et Marie Joseph Emmanuel de Guignard de St-Priest ».

Signatures : Antraigues, St-Priest, Barral de St-Priest, Saint-Priest, Barral, Dit d’Amans, De Saint-Priest, Barral, + F. évêque de Montpellier.

  • 24 janvier 1754. Montpellier (Notre-Dame des Tables). Acte citant un seul ban à Notre-Dame pour le fiancé et dans l’église Saint-Hugues de Grenoble pour la fiancée ; dispense de deux bans des deux évêques ; promesse de mariage reçue le 19 par Louis Vézian et Jean Chaleil, notaires de Montpellier ; permission d’épouser du 23. Bénédiction donnée par Jean Sébastien de Barral, évêque de Castres.
  • « haut et puissant seigneur Messire Thomas Marie de Bocaud, chevalier non profès de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, seigneur de Teyran, Jacou et Clapiers, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, président en la souveraine Cour des comptes, aides et finances de Montpellier», fils de « haut et puissant seigneur Messire Jean de Bocaud ; seigneur des dits lieux et président en ladite Cour, et de haute et puissante Dame Suzanne de Bachi (Baschi) du Chayla (Cailar), de cette ville ».
  • « Dlle Jeanne Marie Emilie de Guignard de St-Priest», fille de « haut et puissant seigneur Messire Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, maître ordinaire des requêtes de son hôtel, intendant de police, justice et finances de la province de Languedoc, et de haute et puissante Dame Louise Jacqueline Sophie de Barral ».

Témoins : « Monseigneur l’illustrissime et révérendissime évêque d’Alet [Joseph François de Bocaud], Monseigneur l’illustrissime et révérendissime évêque de Couserans [Joseph de Saint-André Marnays de Vercel], haut et puissant seigneur Messire Jean Baptiste, comte de Moncam, maréchal des camps et armées du roi, commandant dans la province de Languedoc, haut et puissant seigneur Messire Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, père de l’épouse, et autres parents ».

Signatures : Bocaud, Saint-Priest, + J. F. évêque d’Alet, Marin de Moncam, Sne Bachi de Bocaud, + Jos. évêque de Couserans, Barral de St-Priest, Labbé Bocaud, De Saint-priest, Antraigues, de Barral v. s., de Barral, Bocaud de Masclary, [illisible] prêtre, Bocaud de Nigry, Le Mis du Caila, Du Caila de Roquefeuil, St-Félix de Bocaud, Merle de Verny, Nigry, Masclary, Le Cte du Cayla, Du Cayla [illisible], Le Ms de Roquefeuil, Le marquis du Caila, + J. S. évêque de Castres, [illisible] curé.

  • 2 mars 1756. Montpellier (Notre-Dame des Tables). Acte citant publication des bans dans l’église d’Axat (d. d’Alet) et dans l’église Saint-Hugues de Grenoble le 22 février ; bans dans l’église Saint-Pierre de Montpellier (paroisse du fiancé) et à Notre-Dame des Tables le même jour et le 29 février ; dispenses de deux bans à Alet et Grenoble ; contrat reçu par Chaleil, notaire de Montpellier, le 14 février ; permission épiscopale d’épouser le 1er mars, Barral vicaire général. Bénédiction donnée par Mgr François de Crussol, archevêque de Toulouse.
  • « haut et puissant seigneur Messire Marc Antoine Marie Thérèse Dax, marquis d’Axat, Artigues, Cailha (Cailla), Vayra et autres places », fils de « feu haut et puissant seigneur Messire Guillaume Tranquille Dax, marquis d’Axat et autres places, et de haute et puissante Dame Dame Henriette Claudine Victoire de Grégaire de Gardies de Montpeyroux ».
  • « Dlle Françoise Mathurine de Guignard de St-Priest», fille de « haut et puissant seigneur Messire Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de police, justice et finances de cette province [de Languedoc], et de haute et puissante Dame Louise Jacqueline Sophie de Barral ».

Témoins : « Dame Henriette Claudine [Victoire] de Grégoire de Gardies de Montpeyroux, Messire Jean Emmanuel de Guignard de St-Priest, intendant de police, justice et finances de cette province, Messire Emmanuel de Grégoire de Gardies, comte de Montpeyroux, Monseigneur l’illustrissime et révérendissime Jean Sébastien de Barral, évêque de Castres, Messire Anne Joseph, marquis de Calvisson, et autres ».

Signatures : Daxat, Françoise Mathurine de Guignard de St-Priest, Montpeyroux d’Axat, De Saint-Priest, Barral de St-Priest, + J. S. évêque de Castres, Montpevroux, De Barral, vi…, Le… de St-Priest, Le Mis de Calvisson, De Saint-Priest, St-Priest de Bocaud, Le Cte de Brison, Le vicomte de Solignac, Le marquis de Roquefeuil, Le baron de Mérinville, Le Cte du Cayla, Le marquis de Cailus, La Croix de Candillargues, La Croix de Montpeyroux, La Cassaigne de Sorbs, Saint-Priest de St-Michel, De Foucaud…, La Croix de C’andillargues, Prevot, Le M. de Pierre Bernis, Lache…, Vestric Montalet, une signature illisible, + Fr. arch. de Toulouse, Castan, curé com.

  • 23 avril 1781. Montpellier (Notre-Dame des Tables). Acte citant la publication d’un seul ban le 16 ; dispense de deux bans et mandement de l’évêque du 22, signé De Gaston vicaire général ; publication d’un seul ban dans l’église de la Magdeleine à Béziers le 15, etc., contrat du 22 reçu par Me Icard, notaire de Montpellier. Mariage célébré par Antoine Catherine de Maziere, chanoine de l’église cathédrale de Montpellier, prêtre délégué.
  • « haut et puissant seigneur Jean Gabriel de Pascal, marquis de St-Juery, chevalier, capitaine de régiment, mestre de camp général de la cavalerie», fils de « haut et puissant seigneur Guillaume de Pascal de St-Juery, chevalier baron de Gaziliac » et de « haute et puissante Dame Marthe Monique Adélaide de Rouzier, vicomtesse de Vaillan ».
  • « Demoiselle Marie Sophie Christine Emilie Xavier de Guignard de Saint-Priest», fille de « haut et puissant seigneur Marie Joseph Emmanuel de Guignard de Saint-Priest, chevalier, seigneur de Clary, Rives, Charnecle, Beau Croissant et autres lieux, conseiller du roi en ses conseils, intendant de justice, police et finances de la Province de Languedoc », et de « haute et puissante Dame Catherine Joséphine de Manissy de Ferriere ».

Témoins : « haut et puissant seigneur Marie Joseph Emmanuel de Guignard de Saint-Priest, [père], haute et puissante Dame Catherine Joséphine de Manissy de Ferriere de Saint-Priest [mère], haut et puissant seigneur Jean Laurent de Rouzier de Souvignargues, président honoraire en la Chambre des comptes de cette ville, haut et puissant seigneur Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de Saint-Priest, conseiller d’Etat ordinaire, intendant de Languedoc [grand-père de l’épouse], haute et puissante [Dame] Louise Joséphine Sophie de Barral de St-Priest [grand-mère de l’épouse], haut et puissant seigneur Thomas Marie de Boucaud (Bocaud), [oncle], haut et puissant seigneur François Armand de Ginestous, baron de la Liquisse (plus Françoise de Villardy de Quinson, son épouse, signataire 74), haut et puissant seigneur Marc Antoine Marie Thérèse Dax d’Axat, haut et puisant sei-gneur Emmanuel Henri Louis, comte d’Entraigues (lire Antraigues), et autres parents et amis ».

Signatures : « Pascal marquis de St-Juery, St-Priest de St-Juery, De Saint-Priest, Emilie de St-Priest, De Saint-Priest, Barral de St-Priest, Manissy de St-Priest, Le Pt de Souvignargues, Guilleminet de…, Bocaud, De Launay Dantraigues, Daxat, Ginestous, St-Priest Dantraigues Launay, Montchenu, Guilleminet Galargues, Le Mqis de Gléon, Massilian de…, Ghom… de M…, Claurade, Caroline de St-Priest, Françoise du Vivier de Lansac, St-Priest Daxat, Guilleminet, Dax de Cessales, D’Aigrefeuille, quinson de Ginestous, St-Priest de Bocaud, Mon…, De Murles, St-Félix de Moncan, Le Pdt Gros, Labbé de Foucaud, vic. gen. de St. P., L’abbé de Maziere, prêtre délégué, Castan curé ».

  • 9 novembre 1768. Montpellicr (Notre-Dame des Tables). Mariage entre François Hippolyte du Vivier de Lansac et Marie Xavier de Guignard de Saint-Priest voir plus haut au sous-chapitre sur les Vivier de Lansac.
  • 1er avril 1788, Montpellier (Notre-Dame des Tables). Acte citant la publication d’un seul ban le 13 mars à Notre-Dame de la Réal, à Perpignan, et dans les églises Saint-Pierre et Notre-Dame à Montpellier ; dispense de deux bans ; mandement de l’évêque du 31 mars, signé Joseph François [de Malide].
  • « haut et puissant seigneur Messire Jean Joseph François Gaspard [Richer], comte de Beileval, chevalier, demeurant sur la paroisse de St-Pierre», fils de « haut et puissant seigneur Messire Joseph Philibert [Richer] de Belleval, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, président honoraire en la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, et de feue haute et puissante Dame Elisabeth de Pavée de Vilievieille ».
  • « Demoiselle Marie Joséphine Sophie Xavier de Vivier de Lansac, demeurant sur cette paroisse», fille de « haut et puissant seigneur Messire François Hypolite (Hippolyte) de Vivier, chevalier, marquis de Vivier, comte de Lansac, de Perpignan, et de feue haute et puissante Dame Marie Xavier de Guignard de St-Priest [la mère en rajout final] ».

Témoins : « Messire comte de Belleval, [père], Messire François Hypolite de Vivier de Lansac, [père], haut et puissant seigneur vicomte de Cambis, lieutenant général des armées du roi, gouverneur, commandant en second de cette province, et haut et puissant seigneur le marquis de Lotis d’Entraigues, ancien ministre du roi aux cours de Mayence et de Dresde, et autres ».

Signatures : Jean Jacques de Belleval, Sophie du Vivier Lansac, Belleval, Barral de St-Priest, Duvivier Lansac, Le Vte de Cambis, Le… Dentraigues, Bocaud,… D’Axat, Perdrice. St-Priest de Bocaud, St-Priest Daxat, De St-Priest,… de Villevieille, St-Priest Douleargues Launay, Françoise de Belleval, Le Chr de Belleval,… M… de Portales, Louise Joséphine de Perdrix, Yalard de Perdrix, Dax, Philippe du Vivier, Gabriel du Vivier,… Puech de Manilly, St-Félix de Moncam, Pioch [curé], L’abbé Chalbos, L’abbé de M…. B… de Lesignent [curé], Dax Cessases, Gastan [curé] 75.

  • 19 mai 1788. Montpellier (Saint-Denis). Acte citant la publication d’un seul ban le 11 dans l’église Saint-Denis et dans l’église collégiale et paroissiale de Ste-Croix de Montélimar (M. de Courgeux, curé) ; dispense de deux bans accordée le 5 par l’évêque de Valence ; lettres de mariage signées le 18 par Maziere, vicaire général du diocèse de Montpellier, et dispense de deux bans ; consentement de la mère de l’époux donné le 18 lors du contrat reçu par Me Cayzergues, notaire de Montpellier, le décès du père étant attesté par témoins ; consentement du père de l’épouse exprimé au même contrat. Mariage célébré par [Antoine de Mazieres] prêtre chanoine de l’église [cathédrale] de Montpellier, vicaire général délégué par M. Manou (ou Manere), curé de Saint- Denis, présent.
  • « haut et puissant seigneur Messire Louis François de Sales Marie… (Sauveur ?) Aimard, marquis de St-Ferreol, capitaine au régiment Dragons-Dauphiné, natif et habitant de la susdite ville de Montélimar, diocèse de Valence», fils de « feu haut et puissant seigneur Messire Aimard, marquis de St-Ferreol, ancien commandant de bataillon au régiment d’infenterie de Gui…, et de haute et puissante Dame Madame Magdeleine Pauline de Martin d’Amirat, Dame d’Amirat, dit St-Pierre Ville, Gluizas, La Valette, St-Sauveur et autres lieux ».
  • « Mademoiselle Marie Pauline Chantal de Guignard de St-Priest», fille de « haut et puissant seigneur Messire Marie Joseph Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, chevalier, seigneur d’Alivat, Renagé, Beau Croissant, Rives, Charnecle, Clary et autres lieux, et de haute et puissante Dame madame Catherine Joséphine de Manissy de Ferriere, habitants de Montpellier, sur cette paroisse ».

Témoins et signataires : « haut et puissant seigneur Messire Marc Antoine Marie Thérèse Dax, marquis d’Axat, oncle maternel de l’épouse, haut et puissant seigneur Gabriel Jean Guillaume de Pascal, marquis de St-Juery, son beau-frère, haut et puissant seigneur Thomas Marie, marquis de Bocaud, son oncle maternel, haut et puissant seigneur Pierre Augustin de Chazelles, chevalier, comte de Chazelles Jusclaud, conseiller en la Cour des Aides et Chambre des comptes de Montpellier, signés avec les époux, le père de l’épouse, son aïeule maternelle, Messire Antoine de Payou de Montbrun, prêtre, docteur en droit canon et civil, procureur fondé de la mère de l’époux, autres parents et amis ».

Signatures : Le Mis de St-Ferrol (en très petit), Saint-Priest de St-Ferreol, Le V de Saint-Priest, Barral de St-Priest, L’abbé de Montbrun, Bocaud, D’Axat, Chazelles, Le Mis de St-Juery, Saint-Priest, Dantraigues Launay, St-Priest de Bocaud, St-Priest Daxat, St-Priest de St-Juery, St-Priest de Manissy, Du Vivier de Belleval (voir ci-dessus au 1er avril), St-Félix de Moncan, Belleval, Labbé Dax, Castarel [prieur], Pioch [curé], L’abbé de Maziere, Manere [curé].

  • 4 janvier 1791. Montpellier (Notre-Dame des Tables). Acte citant la publication des trois bans à Montpellier à Saint-Pierre et Notre-Dame, avec préambule de l’acte très allégé.
  • « Monsieur Louis Claude de Castillon Saint-Victor, lieutenant des vaisseaux du roi», fils de « Monsieur Louis Victorien Castillon de Saint Victor (les particules inversées par rapport au fils), mestre de camp de dragons, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis », et de « Dame Françoise Augustine Le Roy de Macey, habitant de cette ville ».
  • « Demoiselle Marie Sophie Constance Guignard Saint-Priest», habitante de Montpellier, fille de « Monsieur François Emmanuel Guignard de Saint-Priest, maréchal des camps et armées du roi, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, de l’Ordre impérial de Saint-André de Russie, honoraire de celui de Saint-Jean de Jérusalem, ministre et secrétaire d’Etat, (un mot illisible) le département du roi, et de Madame Constance Guillelmine, née comtesse de Ludolf », demeurant à Paris.

Témoins et signataires : « Monsieur Henri Lattis d’Entraigues, ci-devant ministre plénipotentiaire du roi aux Cours de Mayence et de Dresde, procureur fondé des père et mère de ladite Demoiselle Guignard de Saint-Priest, Monsieur Castillon Saint-Victor, père, et Madame Le Roy de Marcey, mère, Madame Louise Barral, veuve de Monsieur Guignard Saint-Priest, [de son vivant] conseiller d’Etat, grand-mère, Madame Sophie Emilie Guignard Saint-Priest, veuve de Monsieur de Bocaud, Madame Marie Sophie Guignard de Saint-Priest, veuve de Monsieur d’Entraigues, Madame Françoise Mathurine Guignard de St-Priest, veuve de M. d’Axat, Monsieur Hyppolite Louis Castillon de St-Victor, Mademoiselle Félicité Castillon de Saint-Victor, sa sœur, Monsieur Fulcrand de Bosquat fils, Monsieur André Balthasard de Grasset, ancien conseiller au Présidial, Monsieur Louis Gaspard du Voger de Caux, ancien lieutenant des vaisseaux du roi, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, Monsieur Gaspard Vene de perdrix, président du tribunal de district, Frère Charles Michel, Jean Louis… d’Aigrefeuille, chevalier non profès de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Monsieur Jean Paul André, Masclary, conseiller en la Chambre des comptes, Monsieur Anne Joachim de de Montageu, commandeur de l’Ordre de Saint-Louis, commandant des troupes de ligne dans la province de Languedoc, Monsieur Jacques Louis Drumont (Drummond), duc de Melfort, pair d’Ecosse, d’Angleterre et d’Irlande, maréchal de camp des armées du roi, Monsieur Charles Eduard Drumont (Drummond) de Melfort, ci-devant abbé commendataire de l’abbaye de Loc-Dieu, Monsieur Etienne Hyacinthe de Ramie, maître des comptes, Monsieur Joseph Guittard de Ramie, Monsieur Jacques de Belleval, Monsieur Jean François Antoine de Foures, président de la Chambre des comptes, chevalier de Saint-Louis, et autres parents et amis ».

Signatures : Barral de St-Priest, Castillon de St-Victor, Constance St-Priest de St-Victor (en très petits caractères, comme la plupart des femmes), Latis d’Entraigues, Castillon de St-Victor père, Le Roy de St-Victor, St-Priest d’Entraigues, St-Priest de Bocaud, St-Priest d’Axat, Félicité de Castillon, St-Victor, Anastasie Guignard de St-Priest, Charlotte de St-Priest, Pauline de Catillons (pour Castillon), St-Victor, Louis Hippolyte de Castillon St-Victor, St-Félix de Moncan, Caux de Lespine, Anne… de Bocaud de Masclary, Darcussia D’Aigrefeuille, Du Roure D’Hulotz, Gra… Cambis, D’Entraigues, De Lotis, Thérèse Dax, Henriette de Cambis, D’A… du B…, Montagu, De Caux, Masclary, Pulcherie St-Priest, Henri de Roger, de Galliere, Perdrix, Henry de Bosquat, Le Chr de Gévaudan, Des…, D’Aigrefeuille, Masclary fils, Drummond, De Flaugergues, De Ratte, L’abbé de Melfort, De Grasset, Joséphine de Serres, G… Faugères, D’H…, Gabriel Duvivier, Poitevin du…, Cambis, L’abbé de Maziere, Castan [curé].

  • 1er février 1791, Montpellier (Saint-Denis). Acte citant la Publication des trois bans à Notre-Dame des Tables, paroisse du fiancé, et à Saint-Denis, paroisse de la fiancée ; contrat du 20 janvier, reçu Caizergues, notaire.
  • « Monsieur Thomas Marie Catherine de Masclary, capitaine de cavalerie au régiment Royal-Champagne », habitant de Montpellier, paroisse Notre-Dame, fils de « Monsieur Jean Paul Amédée de Masclary et de Madame Anne Renée de Bocaud»,
  • « Mademoiselle Marie Thérèse Antoinette Charlotte de Guignard de Saint-Priest», fille de « Monsieur Marie Joseph Emmanuel de Guignard de Saint-Priest et de Madame Catherine Joséphine de Manissy de Ferrière », habitants de Montpellier, paroisse Saint-Denis.

Témoins et signataires : « Monsieur Gabriel Jean Guillaume Pascal de St-Juery, capitaine de cavalerie, beau-frère de l’épouse, Monsieur Claude Louis Castillon de St-Victor, lieutenant des vaisseaux du roi, son cousin germain, Monsieur Jean François Gros, président à la Chambre de[s] comptes de Montpellier, conseiller d’Etat, et Monsieur André Baltasard de Grasset, ancien conseiller au Présidial de Montpellier, signés avec les époux et Madame Louise Jacqueline Sophie de Barral, veuve de M Jean Emmanuel de Guignard de St-Priest, [de son vivant] conseiller d’Etat ordinaire, intendant de Languedoc, aïeule de l’épouse, Monsieur Jean Paul Amédée de Masclary, maître des comptes de cette ville et Dame Anne Renée de Bocard, père et mère de l’épouse, Monsieur Henri Lotis d’Entraigues, ancien ministre plénipotentiaire aux Cours de Mayence et de Dresde, procureur fondé du père de l’épouse, Dames d’Entraigues, de Bocaud et Daxat, tantes de l’épouse, Mesdames de St-Juery et de Manissy, ses sœurs, Monsieur Marcellin de Masclary, oncle de l’époux, Madame de St-Victor, Mlles Anastasie et Pulchérie de St-Priest, cousines germaines de l’épouse et Madame de Moncamp, et autres parents et amis ».

Signatures : Masclary, Saint-Priest de Masclary, Masclary, Barral de St-Priest, Bocard de Masclary, Dentraigues, St-Priest Dantraigues, St-Priest de Bocaud, Marcelin de Masclary, Sr-Priest de Masclary, St-Priest Daxat, St-Priest de Manissy, Constance de St-Priest St-Victor, Anastasie de St-Priest, St-Félix de Moncan, Thérèse Dax, Pulcherie Cecile St-Priest, Pascale de St-Juery, Belleval, Gabriel Duvivier, Castillon St-Victor, L’abbé de Mariese, Emanuel St-Juery, Courton, Marie Jeanne Louis, Le Pdt Gros, De Grasset, Manere, [curé].

  • 3 ventôse An V (21 février 1797. Montpellier
  • « Jean Ange Bonnaventure Dax » (acte rectifié en marge selon jugement du 19 juillet 1824 en « Jean Ange Bonnaventure de Dax, marquis d’Axat, ancien chef de bataillon, chevalier de l’Ordre royal de Saint-Louis, officier de la Légion d’honneur » 76), 29 ans, natif de Bouleternère (Pyrénées-Orientales), habitant d’Axat (alors canton de Marsa, Aude), « fils de Jean Dax et de Marie Thérèse Chiavari, habitants dudit Bouleternère »
  • « Emilie Anasthasie Guignard» (rectifié en « Emilie Anasthasie de Guignard de Saint-Priest »), 16 ans (seulement), « native de Constantinople en Turquie, fille de François Emmanuel Guignard et de Constance Guilleimine Ludolf, absents de la République française, après consentement donné par quatre parents de ladite Emilie Anasthasie Guignard ».

Potier, commissaire du Directoire exécutif. Témoins Louis Victorien Castillon père (72 ans), Jean François Gros (71 ans), Joseph Philibert Couloms (49 ans) et Pascal Fages (65 ans), tous propriétaires fonciers. Nombreuses signatures, dont les époux : Ange Dax et Anasthasie Guignard St-Priest.

Un des personnages cités ci-dessus attirera particulièrement notre attention, le fameux comte d’Antraigues, Emmanuel Henri Louis Alexandre de Launay.

IV - Le comte d'Antraigues et la contre-révolution.

Une rencontre entre petite et grande histoire

Emmanuel Henri Louis Alexandre de Launay (1753-1812), le célèbre comte d’Antraigues, un aristocrate qui jouera par ses pamphlets un grand rôle dans les préparatifs idéologiques de la Révolution, puis deviendra l’un des plus fameux agents secrets royalistes de son temps, était un cousin par alliance de la seconde épouse de Pierre de Julien de Vinezac, puisque cousin direct de la demi-sœur de celle-ci.

Ses biographies sont parfois contradictoires sur ses origines précises. S’il est bien issu d’une famille noble du Vivarais, il est bien né à Montpellier et non en d’autres lieux comme on peut parfois le voir écrit ici ou là.

Il naquit ainsi le 25 décembre 1753 à Montpellier et fut baptisé le 26, paroisse Notre-Dame des Tables, par le vicaire général de l’évêché de Montpellier, Barral. Son parrain fut « Messire Henri de Roux, vicomte de Tresiau, seigneur de Nogaret, La Canourge, La Roque Haute et Basse de Ferriol et autres lieux, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, brigadier des armées du roi, son lieutenant, commandant au gouvernement de Strasbourg, représenté par Messire Joseph Emmanuel de Guignard de St-Priest [oncle de l’enfant], conseiller du roi en la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, fondé de pouvoir de mon dit seigneur le vicomte de Treslau, grand-oncle paternel ». La marraine fut « haute et puissante Dame Madame Louise Sophie Jacqueline de Barral, épouse de haut et puissant seigneur Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de justice, police et finances en la province de Languedoc, ladite Dame grand-mère maternelle du baptisé ». C’était-là une belle entrée dans le monde pour un homme au destin pour le moins original et qui devait trouver une fin tragique 77.

On l’appellera communément Louis Alexandre de Launay, ou tout simplement le comte d’Antraigues, et non Entraigues, même si cette dernière orthographe correspondrait mieux à l’étymologie des lieudits situés entre deux eaux (aiguas en occitan).

Sa famille, fort aisée, l’une des plus riches de la noblesse de Languedoc, jouissait de diverses terres en Vivarais, à Antraigues-sur-Volane ou dans les environs (Ardèche), mais aussi en d’autres contrées.

C’est ainsi que l’une de ses tantes, Marguerite Phélise de Launay, s’était mariée en 1716 avec un fort riche veuf, Christophe de la Tour Saint-Vidal, marquis de Choisinet, dernier mâle de sa famille et resté sans enfant de son premier mariage. Il était seigneur de Bruget (ou Bruzet), à Jaujac, localité des montagnes du Vivarais, au nord-ouest de Largentière et à l’ouest d’Aubenas, ainsi que de l’Aulagnet, à Asperjoc, Lespérou, Le Cros et Saint-Alban-en-Montagne. N’ayant eu aucun enfant de ce remariage, il mourut en 1728 en son château de l’Aulagnet, instituant alors sa seconde épouse comme héritière. Celle-ci, devenue fort riche, acheta en 1741, pour le prix de 55 000 livres, le château de Castrevieille, l’autre château du village de Jaujac, et le domaine de Fabras, que lui cédait alors M. de Montvallat, comte d’Antraigues, en Rouergue, héritier desdits biens 78. Elle institua à son tour comme héritier son frère, Jules Alexandre de Launay (1693-1765), un homme fort âgé, presque un vieillard à cette époque, quand il se maria en 1752 et quand naquit en 1753 le jeune Louis Alexandre.

Orphelin de père à douze ans, puis devenu majeur en 1778, Louis Alexandre de Launay vendit pour 20 000 livres le château de Bruget, à Jaujac, le 19 octobre 1780, à un avocat de la localité, Aymé Monteil, et brassait des sommes considérables une fois devenu majeur.

Dès 1770, alors très jeune officier chez les carabiniers, il était déjà le parrain d’une cloche de 672 livres, nommée Louise Elisabeth, l’une des trois cloches bénies en la paroisse de Villaines-sous-Malicorne, au diocèse d’Angers, la marraine étant Dame Madeleine Giroust de Marcillé, veuve de M Louis Charles Joseph Hayer, procuratrice de la Dlle Denise Elisabeth de la Chastre 79.

Campons donc les grandes lignes de sa vie avant de revenir plus loin sur les diverses familles qui gravitent autour des Vinezac dans les années 1780.

Sous-lieutenant à 14 ou 16 ans, vers 1767-1769, Henri Louis Alexandre de Launay sert tout d’abord chez les Gardes du corps du roi puis devient peu après capitaine au Royal- Piémont. Gagné très jeune aux idées nouvelles, il est ainsi avec les années 1770 l’ami de Rousseau et de Voltaire.

Dès 1773, alors qu’il n’a que vingt ans, il est même orateur de la Respectable Loge constituée à l’Orient de Carcassonne sous le nom de la Parfaite Union et Parfaite Vérité ancienne et de Clennont réunies, un atelier maçonnique dont la plupart des membres sont des officiers de son régiment 80. Nous en reparlerons dans notre histoire des baronnies de Pégairol les et Cambous quand nous ferons le tour des diverses affectations militaires des Vinezac et des Ginestous. Mais, comme l’on cloutera ici qu’un jeune homme de vingt ans ait toute la maturité, toute l’autorité morale et toute la sagesse requises pour occuper une telle charge, on notera ainsi que la qualité nobiliaire de l’intéressé comptait sans doute plus alors que ses réelles qualités personnelles. Il en est de même ailleurs à une époque où chaque noble bien en vue se sent obligé d’être membre d’une loge maçonnique et où le duc de Chartres, futur duc d’Orléans, est en cette même année 1773 le grand-maître (fort nominal) du Grand Orient de France, nommé à cette fonction à l’âge de 24 ans seulement.

C’est-là une obédience nouvellement créée qui comptera en 1789 pas moins de 629 loges actives, dont 448 en provinces et 68 aux armées, soit environ 30 000 maçons, et dont le grand-maître officieux est en fait le duc de Montmorency- Luxembourg.

La maçonnerie, déjà divisée en plusieurs obédiences rivales, est alors en vogue, gagnant même le monde des femmes 81. Dans ses loges féminines d’adoption, on trouvera ainsi des proches de la reine comme Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe.

La plupart des maçons sont de jeunes nobles et un régiment sur trois est en 1789 animé par une loge. « 11 % d’officiers dans l’intànterie et 30 % dans la cavalerie sont touchés par ce phénomène » 82. L’un des colonels du Royal-Piémont en 1786-1791, le fantasque Louis Marie de Narbonne-Lara (1755-1813), un fils supposé de Louis XV, franc-maçon notoire et amant de la fille de Necker (Mme de Staël), sera même ministre de la guerre en 1791-1792. Mais, si la plupart des maçons resteront fidèles jusqu’en août 1792 à la monarchie, elle réunira longtemps des hommes aux destins disparates. Des chouans, comme La Bourdonnay, et de futurs rois, comme Charles X, seront ainsi membres de la maçonnerie, tout comme le furent les frères de Bonaparte, et on y retrouvera même, en 1789-1815, des Danton, des Dumouriez, des La Fayette, des Murat ou des Ney, comme on y retrouvera, en face, dans les armées ennemies, des Brunswick, des Koutouzov ou des Wellington 83

La maçonnerie est en effet indissociable des règnes de Louis XV et de Louis XVI. Elle est même par bien des aspects la coqueluche du XVIIIe siècle. Pour toute la noblesse d’alors, comme le soulignent aujourd’hui les manuels de référence de la maçonnerie à l’usage de ses adeptes, « il était de bon ton d’en faire partie. Ses mystères excitaient la curiosité générale, d’autant plus qu’on leur demandait la clef de toutes les énigmes. Les nouvelles idées semblaient [même] ne pouvoir s’accréditer qu’à la faveur des formes maçonniques […]. Les initiations secrètes donnaient du piquant aux abstractions philosophiques les plus ardues. Elles astreignaient à réfléchir sur des problèmes scientifiques, quand elles ne conféraient pas un enseignement voilé, mais d’autant plus redoutable, en matière politique » 84.

C’est à cette époque, vers 1773, que le jeune Louis Alexandre de Launay apprend l’écoute des autres et le sens profond des mots de tolérance, de fraternité, de liberté et d’égalité, au sens où l’entendent les maçons, des déistes condamnés par l’Eglise dès 1738 puis 1751 en raison de leur universalisme religieux comme de leur sens du secret, dont les constitutions fondamentales avaient été rédigées par un pasteur anglais d’origine française, James Anderson, et par un Ecossais, disciple de Fénelon, le chevalier Michel André Ramsay 85.

En 1776, à l’occasion d’un intermède dans sa carrière militaire, il passe plusieurs mois à Ferney en compagnie de Voltaire et fréquente alors toutes les grandes figures du siècle dit des Lumières, lesquelles vont fortement influencer sa pensée. Il sollicite cette année-là les honneurs de la Cour, mais il ne peut alors apporter complètement les preuves de noblesse exigées, fournissant une généalogie pour le moins incomplète et qui est peut-être fallacieuse dans ses origines les plus lointaines (un obscur ministre du culte protestant, Antoine de Launay, qui fut marié en 1550, au temps des premières guerres de religion, avec Jeanne de Fay-Colonne) 86. C’est sans doute à cette occasion que naquit, ou du moins se développa chez lui, le dédain qu’il affichera par la suite pour la noblesse héréditaire, ce fléau institutionnel qu’il dénoncera avec virulence, les qualités humaines (compétence, probité, etc.) ne pouvant manifestement pas se transmettre par les voies biologiques. Le plus brillant des généraux peut ainsi engendrer un couard et le plus brillant des orateurs le plus parfait taré ou bégayeur qui soit…

Héritier d’un père très âgé et fort riche qui avait épousé en 1752 une fille du nouvel intendant de Languedoc, il retourne assez rapidement à la vie civile, quittant l’armée en 1778. Un homme aussi riche que lui et peu enclin au métier des armes, à une époque où l’on ne se bat d’ailleurs plus (sauf aux Amériques), ni pour le roi de Prusse, comme on le fit inconsidérément au temps de Louis XV, ni pour tout autre monarque européen, n’a en effet que faire de l’ennui des casernes et autres forteresses, et n’a même plus la possibilité, comme au temps de Louis XIV, de faire l’acquisition de régiments à son nom qui pourraient lui donner un jour une gloire quelconque. Ses préoccupations sont manifestement ailleurs.

Il accompagne momentanément l’un de ses oncles maternels à Constantinople, François Emmanuel de Guignard, alors ambassadeur de France clans l’empire ottoman, futur ministre de l’intérieur lors de la Révolution. La même année, il participe à une excursion en Egypte puis visite Varsovie, Cracovie et Vienne, l’une des grandes capitales internationales de la pensée et de la diplomatie.

En 1781 il est cependant de retour en France puisqu’il est présent à Montpellier, le 23 avril, lors du mariage de l’une de ses cousines, Marie Sophie Christine Emilie Xavier de Guignard de Saint-Priest, avec un maître de camp de la cavalerie, Jean Gabriel de Pascal, marquis de Saint-Juery (cf. supra). Ce jour-là, il côtoie entre autres personnes François Armand de Ginestous et Françoise de Villardy de Quinson, son épouse, un couple dont l’un des fils, Anne Eugène, qui servira en 1784 au Royal-Piémont, épousera en 1789 la plus jeune fille des Julien-Vinezac. Henriette, leur seul enfant désormais en vie.

Après avoir embrassé comme tant de nobles la carrière militaire, il s’installe ainsi vers 1781 dans ses terres d’Antraigues, en Vivarais, où il brasse une fortune considérable, pour l’essentiel tirée des droits féodaux qu’il prélève dans ses multiples domaines, ou bien vit alors à Paris, désormais peu ou prou proche de cette cour, agglutinée auprès des monarques, dont il n’aura de cesse de dénoncer l’inutilité, la suffisance et le coût pharaonique pour les finances du royaume.

Mais Paris et son satellite, Versailles, ce n’est pas que la cour, ses apparats et ses intrigues, telle l’extravagante affaire du collier de la reine. Paris, c’est aussi le grand vivier des idées nouvelles. Son épicentre même. C’est le rendez-vous obligé de tous les grands intellectuels du siècle comme celui des nobles constitutionnalistes qui rêvent d’une autre monarchie, d’un ordre plus juste, bâti sur une harmonie nouvelle entre un peuple et son roi, non entre un despote, fut-il éclairé, et ses sujets. Il y fréquentera ainsi le célèbre Mirabeau et des hommes moins connus du grand public, tels le moraliste Chamfort ou le dramaturge La Harpe.

Un pamphlétaire hors-pair

La fièvre des idées nouvelles aidant, il illustrera remarquablement, à sa manière, les engagements, mais aussi les hésitations et les revirements parfois, de cette noblesse, pauvre ou riche, dont les plus brillants représentants savaient, depuis bien longtemps déjà, qu’elle ne serait plus demain ce qu’elle avait été pendant si longtemps. Surtout en ces jours funestes de l’hiver 1788-1789 qui aggravent l’état financier, économique et social du royaume, une piètre et catastrophique situation qui entraînera l’un des plus grands bouleversements de tous les temps…

Avec sa montée à Paris, le comte d’Antraigues est pris dans la valse du bouillonnement des idées. Il a lu en effet les Montesquieu, Rousseau et autres Voltaire dont les ouvrages préfiguraient, peu ou prou déjà, cet ordre nouveau qui ne pouvait que naître dans les décennies à venir, ce monde démocratique où la noblesse n’avait guère sa place et dont l’avènement était cependant prévu, pour ses partisans, comme devant s’effectuer dans une transition faite toute en douceur, non dans la brutalité et le chaos d’une sauvage et trop abrupte Révolution.

Il est conscient pour cela de l’injustice des représentations de la société française qui sont arbitrairement désignées par le roi, comme il est conscient du fait que les entités territoriales existantes, tels les Etats provinciaux, ne sauraient refléter ce qu’est réellement le pays profond. La noblesse y est sous- représentée et ceux qui y sont présents, désignés à vie, de père en fils, comme barons ayant droit d’accès aux séances annuelles des Etats comme ceux de Languedoc, peuvent y faire et y dire ce qu’ils veulent sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit.

Le comte d’Antraigues sait aussi combien les Etats de Languedoc, s’ils se parent toujours, du moins en apparence, de velléités d’indépendance, n’ont plus depuis un siècle et demi déjà qu’un pouvoir en grande partie symbolique, étant devenus depuis la chimérique révolte de Montmorency une simple chambre d’enregistrement des décisions du roi, un lieu où l’on ne saurait se livrer à de réels débats, sinon à mots feutrés, verrouillé certes par une poignée de barons mais surtout par un nombre égal de grands prélats qui doivent leur nomination au pouvoir du roi et qui ne sauraient ainsi lui déplaire 87.

Le dernier à s’y risquer, le fameux et si puissant cardinal de Bonzi, ennemi irréductible de l’intendant Daguesseau, appartient désormais à l’histoire ancienne du royaume, au temps où un philosophe anglais, John Locke, parcourait en 1676-1679 le Languedoc et en dressait un fort utile portrait 88.

Mais, si la Grande-Bretagne s’est réformée depuis bien des décennies déjà et si l’Amérique vient récemment de montrer une voie nouvelle, la France des années 1780 vit toujours dans un cadre institutionnel désuet qui est né au Moyen-Age et qui n’a plus la moindre cohérence. Surtout pas la moindre légitimité, sauf pour ses affidés, ceux qui ne seraient rien sans les lettres qui font et défont les plus brillantes carrières civiles, militaires ou religieuses, ou qui octroient les plus confortables et parfois si extravagantes pensions.

De plus, le pouvoir réel de la vieille noblesse d’origine chevaleresque s’est amoindri au fil des décennies, au profit de la noblesse de robe et donc des administrations centrales et provinciales où émergent les plus brillants roturiers, sans parler du monde des marchands et des banquiers.

Aussi, dans ses opuscules qui vont le rendre célèbre parmi ses pairs et dans toute la France, le comte d’Antraigues se fait-il démocrate et acquis aux idées nouvelles, prônant non pas la désignation des représentants du pays comme on le fit en 1614 lors de la dernière convocation des Etats généraux du royaume, mais leur élection par les personnes qualifiées pour le faire, c’est-à-dire l’assemblée générale des membres de chacun des trois ordres, clergé, noblesse et tiers état.

La représentation de la noblesse française aux Etats provinciaux

Quelques exemples

La représentation du Languedoc, immuable, est composée, sous la présidence de l’archevêque de Toulouse, de 23 évêques, de 23 barons de la noblesse (les mêmes, à titre héréditaire, mais certains à tour de rôle, en Vivarais notamment), et de 68 députés des localités (à tour de rôle pour certaines) n’ayant que 46 suffrages au vote par tête (parité avec les deux autres ordres, comme en 1789).

En Bourgogne, clergé et noblesse sont par contre sur-représentés. Le clergé s’impose avec 5 évêques, 20 abbés, 22 doyens de chapitres, 72 prieurs et autres bénéficiers. La noblesse est représentée par la totalité de ses membres (nombre non précisé) dès lors qu’ils sont titulaires de fiefs et peuvent se prévaloir de quatre degrés de noblesse. Le tiers état n’est représenté que par 55 députés des villes.

En Bretagne, il en est de même. Le clergé dispose de 9 évêques et des 9 députés des chapitres, plus 40 abbés. Tous les gentilshommes (soit environ 3 000 personnes) ont droit d’entrée (500 à 600 personnes en pratique). Le tiers état n’est représenté que par 42 députés des villes.

En Basse Navarre, c’est la noblesse qui l’emporte, avec 60 gentilshommes à comparer à un clergé réduit à 2 évêques, à leurs 2 vicaires généraux, à 1 curé et 2 prieurs, puis au tiers état avec ses 28 députés des communautés.

Cette sous-représentation de la noblesse languedocienne explique la teneur d’une bonne partie de son cahier de doléances de 1789 et la teneur, dès 1788, de l’ouvrage du comte d’Antraigues.

Avant 1677-1680, le baron de Pégairolles-de-Buèges siégeait aux Etats de Languedoc en sa qualité de baron de Murviel, cette qualité lui donnant droit d’entrée à vie, à lui ou à ses héritiers. Le terroir de Pégairolles n’est donc pas représenté en 1788-1789, puisque son seigneur, le comte de Vinezac, détient des baronnies, Pégairolles et Cambous. qui n’offrent pas droit d’entrée. C’est donc indirectement, par un des 23 barons ayant le fameux droit d’entrée, et en qui il pourrait avoir confiance, que le comte de Vinezac est ainsi représenté, mais se pose alors le problème des mandats, impératifs ou non.

A l’inverse, un baron n’ayant pas la possibilité de siéger aux Etats en raison d’autres obligations, peut très bien y déléguer une personne en qui il aura confiance. Ce sera le cas en 1789 quand le baron de Tornac se fera représenter par le comte de Vinezac (voir ci-après).

On notera cependant que les proportions de répartition entre les trois ordres sont aux Etats de Languedoc identiques à celles qui pourront être obtenues pour les Etats généraux de France en 1789 : 2 députés du tiers pour 2 membres des ordres privilégiés (1 religieux et 1 gentilhomme).

Source : Maurice Bordes, L’Administration provinciale et municipales en France au XVIIIe siècle, Paris, SEDES. 1972, repris par Guy Cabourdin et Georges Viard. Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, Colin. 2003. p. 132. Exemples partiels sur 17 cas de figure cités.

Un tel personnage va influencer fortement sur son entourage familial, fut-il indirect, comme les comtes de Vinezac, barons de Pégairolles et de Cambous, mais aussi sur toute la noblesse méridionale auprès de laquelle il aura un grand charisme, s’attachant même les milieux protestants, poussant tout le monde à la révolution puis à la contre-révolution.

A la fin 1788, au début d’une vie fort équivoque appelée à changer d’orientations dès l’automne de l’année suivante, il publiera ainsi des brochures et des ouvrages, fondés sur l’idée d’un nouveau contrat social, qui eurent un grand succès par leur contenu révolutionnaire. Ses célèbres Mémoires sur les Etats Généraux, leurs droits et la manière de les convoquer (279 pages) sont ainsi cités à de multiples reprises comme l’une des œuvres essentielles qui furent, avec le célèbre libelle de l’abbé Sieyès, le terreau intellectuel de la Révolution.

Son propos est alors d’avant-garde, écrivant « Le Tiers état est le peuple (c’est-à-dire la Nation), et le peuple est la base de l’Etat. C’est dans le peuple que réside la toute puissance nationale ». Il est même délibérément provocateur, reprenant en couverture de ses mémoires sur les Etats généraux la fière boutade que constituait le serment des Cortès d’Espagne : « Nous qui valons chacun autant que vous [notre roi] et qui, tous ensemble, sommes plus puissants que vous, nous promettons d’obéir à votre gouvernement si vous maintenez nos droits et nos privilèges, sinon, non »…

Il ridiculise même la noblesse, dont il est pourtant l’un des membres les plus aisés, en disant que « la noblesse héréditaire est le présent le plus funeste que le ciel, irrité, ait fait au genre humain », reprenant ainsi, quelque peu à sa manière, les vers irrespectueux que le Figaro de Beaumarchais adressait en 1784 au comte Almavida à ces aristocrates dont le seul effort dans la vie était, disait-il, de s’être donné la peine de naître…

Certains nobles s’en étaient amusés, y compris dans l’entourage royal, d’autres en étaient offusqués.

Le comte d’Antraigues est alors élu, malgré la virulence de ses publications, comme représentant de la noblesse de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg pour les Etats généraux devant se tenir à Paris et gagne alors ce si turbulent épicentre du royaume qui est devenu la poudrière que l’on sait.

C’est sans doute aussi avec son appui ou ses conseils que les Julien de Vinezac, barons de Pégairolles et de Cambous, auront l’occasion d’accéder quant à eux en 1789 à la présidence la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, mais ceux-ci se contenteront alors d’un rôle plus éphémère, strictement local.

Les propos du comte d’Antraigues, fort incisifs et provocateurs, touchent les esprits et sa figure agréable, son train de vie dépensier et jouissif, ses manières élégantes, son entregent, sa culture et son originalité sans limite lui valent rapidement de grands succès auprès de ses contemporains, à Paris comme en Europe, devenant au passage l’amant de la première cantatrice de l’opéra, Reine Antoinette Clavel, alias Madame de Saint-Huberty, une femme mariée puis séparée qu’il aurait fini par épouser lors de son exil en Suisse 89.

C’est alors en 1788-1789 un homme brillant pris entre les aspirations antagonistes du passé et de l’avenir, le conser-vatisme et le constitutionnalisme, mais aussi les chimères du renouveau de la féodalité.

Le comte de Vinezac, baron délégué aux Etats pour le tour du Vivarais

Le 30 janvier 1789, « les membres composant les Etats de Languedoc » écrivent une lettre au roi pour lui dire qu’ils ont formé le vœu de « contribuer aux impositions de la province, tant royales que locales, sans aucune différence dans la quotité de l’imposition proportionnelle des biens nobles, ecclésiastiques et laïques, avec la quotité de l’imposition proportionnelle des biens ruraux » et témoignent « de l’empressement de tous ceux du tiers état qui possèdent des biens nobles à y concourir et à partager le zèle et le patriotisme dont ils venaient de donner l’exemple ».

21 des 23 prélats ayant droit d’entrée sont présents ou représentés. dont + De Bernis, archevêque de Damas, coadjuteur d’Albi, dont nous avons parlé lors du premier mariage en 1783 de Pierre de Julien de Vinezac et qui représente un autre membre de la famille des Pierre de Bernis, archevêque en titre d’Albi mais ambassadeur de France à Rome. 22 des 23 grands barons de Languedoc ayant aussi droit d’entrée sont présents ou le plus souvent représentés. C’est ainsi que signe Le comte de Julien de Vinezac pour la baronnie de Tornac. Il s’agit-là de Joseph de Julien de Vinezac, père dudit Pierre, qui représente alors une famille apparentée du Vivarais, les Beaumont, alias Grimoard de Beauvoir du Roure (la grand-mère paternelle de Joseph de Julien de Vinezac était une Beaumont, Aune de Beaumont de Brison, épouse en 1686 d’un premier Joseph de Julien de Vinezac).

En 1721, Joseph de Grimoard de Beauvoir du Roure de Beaumont, baron de Beaumont Brison et des Etats de Languedoc. avait épousé Marie de la Fare Tornac, sœur du maréchal de ce nom, d’où descendance faisant appel en 1789 aux Vinezac, leurs parents, pour être représentée aux Etats provinciaux, d’autant plus que les Vinezac obtiennent à cette époque la présidence de l’assemblée de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier tout en participant pour leurs biens du Vivarais à l’assemblée de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg 90.

Source : L. de la Roque, Armorial de la noblesse de Languedoc, t. 2, p. 351 pour la lettre au roi. t. I., p. 56 pour les Beaumont. Sur la fiscalité en Languedoc : C. Pioch, Les impôts du roi […] Etudes héraultaises, n° 36. 2006. p. 57-86.

L’un de ses oncles devenant ministre en 1788, il a même toutes les protections nécessaires pour faire et dire à peu près tout ce qui lui plaît sans prendre des risques inconsidérés. Mais, si ce jeune dandy, de 36 ans en 1789, sait séduire son entourage et son public par la fougue de la jeunesse et des propos parmi les plus révolutionnaires qui soient, l’emballement de la Révolution le ramènera bien vite à sa nature réelle et à ses stricts intérêts aristocratiques. Au besoin, un oncle maternel qui siège désormais dans les ministères saura réfréner ses ardeurs, le rappelant à la raison et donc à un peu plus de modération et de sens des réalités.

A peine arrivé à Paris avec le printemps 1789, il réunit chez lui le 10 mai 1789 pas moins de 70 députés du sud-est de la France pour examiner avec eux la manière de supprimer les Etats de Languedoc, cette injuste survivance du passé qu’il n’a de cesse de combattre.

L’un de ses amis, le célèbre Mirabeau, se fâche avec lui et l’exécute publiquement, au sens figuré, dans son journal, les Lettres du comte de Mirabeau à mes commettants 91. Fort versatile et pris entre les aspirations antagonistes des différentes forces de la noblesse, le comte d’Antraigues change en effet assez aisément d’avis et tente de plaire aux uns et aux autres, comme le ferait tout opportuniste.

Aussi, un baron constitutionnaliste de Languedoc, membre des Etats, épris de réformes mais resté anonyme, sera tellement insupporté par tant de revirements et de décisions de circonstances, qu’il lui répliquera de manière fort acide, en lui disant publiquement, dans un pamphlet de seize pages : « Vous avez été mon Apôtre, vous étiez [même] devenu celui de la Nation entière, par vos écrits, par vos principes, par votre fermeté, par votre courage ; vous aviez fixé sur vous les regards et l’estime de toute la France […]. Mais vous m’avez trompé. Les Ordres sont [certes] en eux-mêmes des distinctions utiles à l’intérêt commun. Ils concourent à former l’ensemble ou le grand tout [de la Nation], mais ils ne sont rien si on les divise […]. L’unité de puissance nécessite une seule et unique assemblée, parce qu’il n’existe qu’un seul et même peuple, qu’une seule et même Nation. C’est le magistrat suprême [le roi] qui, pour le bonheur de tous, tient toutes les parties liées et unies entre elles ; il est l’âme universelle de ce grand corps ; il est le nœud sacré de l’union. Si ces parties sont divisées ou séparées, il ne sera plus possible d’établir entre elles la correspondance nécessaire, bien moins encore l’harmonie qui doit exister entre les membres et le chef, le chef et les membres. Une organisation régulière conforme à la justice, à la raison, est le seul moyen propre à maintenir cette unité » 92.

La noblesse n’est en effet pour cet auteur qu’une simple distinction honorifique, aussi respectable soit-elle, pour les plus éclairés de ses membres, non un Etat dans l’Etat, apte à le diriger, dont pourrait sortir les douloureuses décisions qu’il convient désormais de prendre au vu de la gravité de la situation financière, même au prix de quelques privations et d’une réelle perte d’influence. Elle est même devenue vénale au fil des siècles, bien loin de l’esprit de récompense qui accompagnait ses lointaines origines, et nombreux sont ceux qui en son sein sont loin d’être des élites et des exemples pour tous. Aussi, ce baron novateur qui se révèle partisan de la fusion des ordres, rajoute : « Sauverez-vous cette inconséquence sous le vain prétexte que la noblesse forme un Ordre ? Cet Ordre n’est qu’une distinction dans l’Etat, et non pas pas un titre pour le régir ». Et, comme l’intérêt général ne peut s’accommoder des intérêts particuliers, il souligne l’absurdité des principes de ceux qui se prévalent des distinctions de leurs pères ou de leurs aïeux en rajoutant : « le peuple serait bientôt divisé en autant de classes qu’il y aurait d’occupations différentes. On distinguerait l’Ordre militaire, [celui] de la magistrature, des négociants, des artisans, l’ordre des agriculteurs, etc. ». Par ailleurs, chacun sait pertinemment, en cette année 1789, s’en réjouissant ou s’en offusquant, que seule la fusion des ordres peut permettre de trouver des solutions aux problèmes financiers rencontrés. A défaut, chacun camperait indéfiniment sur ses positions et donc sur ses intérêts particuliers.

En juin 1789, un autre auteur anonyme, issu pour sa part du tiers état, exécute publiquement le comte d’Antraigues en publiant un opuscule de trente pages intitulé : « Un plébéien à M. le comte d’Antraigues sur son apostasie, sur le schisme de la noblesse et sur son arrêté inconstitutionnel du 28 mai 1789 » 93, l’accusant dès l’introduction de défection du parti populaire, une attitude qui indigne les bons citoyens. Changez la circonstance, comme dit cet auteur et « le masque tombe, le noble reparaît et le héros s’évanouit [car] telle est votre histoire [Monsieur] » (page 2). Cependant, de telles manières de la part des privilégiés ne sauraient néanmoins entraver le cours de l’histoire car « le peuple veut une constitution. Il l’aura. Or, cette constitution ne peut exister avec une distinction d’ordres, avec ces fléaux, dont le ciel. dans sa colère, frappa la terre 94. Il faut donc qu’il tende à l’effacer, il faut donc qu’il rejette opiniâtrement le vote par ordres [car] point de salut hors du vote par tête » (page 30)…

Mais, une fois les trois ordres réunis en une seule et même assemblée, l’insurrection gronde partout. A Paris et aux portes de Versailles, bien sûr, mais aussi en province, là où la faim tenace, à la sortie d’un hiver parmi les plus rigoureux qui soient, avive les plus noirs mécontentements.

L’Assemblée constituante, simple somme d’intérêts divergents, peine à rétablir l’ordre et à calmer les esprits, confrontée à une multitude de jacqueries et aux aspirations contradictoires des députés des trois ordres, clergé, noblesse et tiers état. Comme le soulignera d’ailleurs l’un des oncles du comte d’Antraigues, François Emmanuel de Guignard de Saint-Priest, devenu ministre de l’intérieur le 7 août 1790 (ce n’était point-là une sinécure), il était plus facile de demander du pain à un roi qui était naguère le seul souverain du royaume, plutôt qu’à 1200 représentants de la Nation pour le moins désunis et surtout incapables de prendre aisément les moindres résolutions pour mettre un terme à la disette qui gagne le pays et au début des guerres civiles…

Par ailleurs, les intérêts corporatistes de la noblesse et du clergé volent vite en éclats au profit de la bourgeoisie et de la paysannerie, du moins en partie, et l’affaire de l’abolition des privilèges, arrachée en quelque sorte le couteau sous la gorge aux nobles qui voient leurs châteaux être livrés à la populace, n’est pas faite pour apaiser les choses. Loin s’en faut. Si l’abolition calme quelque peu les révoltes populaires, elle déchire la noblesse et dépouille aussi de leurs revenus les grands rentiers de la bourgeoisie qui ont acquis, parfois à prix d’or, des terres seigneuriales 95.

De ce fait, si le comte d’Antraigues flirte avec la Révolution en prêtant le serment du Jeu de Paume et en accompagnant l’idée de réformes, il est un peu comme une sorte de vierge effarouchée qui refuserait de passer à l’acte avec celui qu’elle a tant aguiché ou bien qui s’offusquerait des manières un peu trop viriles de celui-ci…

Il participe très indirectement à l’abolition des privilèges lors de la fameuse nuit du 4 août, proposant dès le 22 mai d’annoncer aux communes la renonciation de la noblesse à ses privilèges pécuniaires, mais il ne siège étrangement pas le 4 août, laissant ses proches se débrouiller et de nombreux nobles le traiter de faux frère.

Or, si le comte d’Antraigues s’est fendu en 1788 de propos réformistes ou révolutionnaires, ce n’est manifestement pas pour mettre en place une démocratie au sens moderne du terme (une république à l’américaine ou une monarchie constitutionnelle à l’anglaise), avec un gouvernement véritablement représentatif de la Nation, mais plutôt une sorte de technocratie ou synarchie élitiste qui serait fondée sur une aristocratie de l’esprit et donc de la compétence, par définition non héréditaire. Le libelliste d’avant-garde, auteur de pamphlets incendiaires, doit donc se faire pompier pour éteindre le brasier qu’il a contribué à allumer ! Du moins en se taisant. Dès septembre 1789 il ne prend plus publiquement la parole à l’Assemblée, mais œuvre néanmoins, hors tribune, dans les cercles de débats, notamment le comité féodal.

En effet, s’il a lu les philosophes et s’est permis à son tour de propos d’avant-garde, les volontés profondes de réformes du comte d’Antraigues restent très limitées, comme le soulignait déjà, il y a une quarantaine d’années, un historien de cette époque : « En fait, il a surtout retenu de ces derniers (les philosophes) la nécessité de réformer la monarchie en permettant à la noblesse de jouer un plus grand rôle. Le tiers état doit s’allier aux grands et leur faire confiance pour assurer le triomphe de la révolution. Il s’agit donc d’une révolution nobiliaire et non d’une révolution bourgeoise ou populaire. La seule concession qu’il est prêt à admettre, c’est l’abandon des privilèges fiscaux de son ordre et des abus les plus odieux. A la limite, il accepte donc l’égalité devant l’impôt. Il est bien à l’image de ces parlementaires toulousains, qui n’ont combattu l’absolutisme royal que dans la mesure où celui-ci les gênait dans l’exercice et la jouissance de leurs privilèges. Que surgisse une nouvelle forme de gouvernement qui leur soit également hostile, aussitôt ces nobles, [comme] ces parlementaires, regretteront l’Ancien Régime et combattront pour son rétablissement. Ainsi, le comte d’Antraigues oubliera très vite ses [premières] volontés réformatrices et se fera [très vite] l’apôtre du retour à l’absolutisme intégral » 96.

Pour certains auteurs qui ont particulièrement analysé son attitude et ses déclarations en 1788-1793, son Mémoire sur les Etats de 1788 est à la fois le « testament d’une féodalité » qui ne voudrait pas mourir et un appel à combattre la monarchie, telle que devenue, au nom des lois ancestrales et fondamentales du royaume qui auraient été bafouées par l’absolutisme 97.

Or, tout bascule avec l’été puis l’automne 1789. Le roi, malgré son droit de veto, ne détient plus que l’apparence du pouvoir souverain et n’est plus que le jouet des factions et autres fractions en présence, très vite abandonné par ses frères et fort mal conseillé par ses proches, notamment la reine. La dictature de la rue, avec tout ce qu’elle peut avoir parfois de méprisable, et des jacqueries de province, est désormais seule maîtresse du pays. Les majorités parlementaires nouvelles, nées dans la foulée du serment du Jeu de de Paume, sont contraintes d’aller bien plus loin que les simples réformes institutionnelles liées à la représentation de la Nation et à la manière de lever les impôts pour lesquelles elles furent désignées. Elles y sont même poussées par les plus virulents idéalistes qui profitent de l’occasion pour changer en profondeur toute la structure du pays. C’est toute la France d’Ancien Régime qui est ainsi ébranlée, jusque dans ses tréfonds et ses plus anciens fondements. La bourgeoisie s’empare du pouvoir pour ne plus jamais le quitter, reléguant désormais la noblesse à un rôle subalterne, d’accompagnement ou de figuration, y compris lors de la Restauration de 1814-1815.

On passe alors en 1789-1790 de la tyrannie d’un prince débonnaire, presque sympathique à tous, le roi de France 98, et de celle de ses intendants, les super-préfets de l’époque, à un pouvoir initialement d’apparence démocratique mais qui finira rapidement par devenir totalitaire, un pouvoir versatile dont les majorités changeantes, toujours de circonstances, fluctuent sous la pression de la rue, des nouvelles venues de province, des aléas de la conjoncture et des artifices des discours des orateurs montés à la tribune.

Un autre des écrits du comte d’Antraigues, le Mémoire sur le rachat des droits féodaux déclarés rachetables par l’arrêté de l’assemblée nationale du 4 août 1789, publié à Versailles en 1789 chez Baudouin 99, montre déjà avec l’été 1789 comment il avait basculé du réformisme nobiliaire affiché la veille à la réaction pure et simple, déplorant alors les décisions, prises sous la menace des jacqueries qui se généralisaient, qui abolirent, en une nuit, les droits ancestraux de la noblesse, fondés pourtant par des siècles de pratique, mais souvent iniques et pour le moins désuets (cf. infra).

Il y oublie cependant que si l’Assemblée nationale supprime les droits féodaux, elle n’abolit pas pour autant la propriété privée et qu’elle entend, du moins dans un premier temps, faire en sorte que les droits abolis mais qui étaient fondés sur la jouissance des terres soient rachetables, n’abolissant sans indemnité que les survivances les plus odieuses du passé qu’il reconnaît lui-même être des droits cruels, absurdes et avilissants. Il faudra même trois bonnes années pour clarifier la situation, tout en laissant parfois des situations dans le flou juridique le plus complet, comme on le verra avec le litige entre les Vinezac et la communauté de Pégairolles pour ce qui concerne la propriété et la jouissance des pâturages de la Séranne, la terre de Pégairolles que Joseph de Julien de Vinezac et Marguerite Rigal avaient ajoutée en 1784 dans la dot de leur fils à l’occasion de son remariage avec une cousine par alliance du comte d’Antraigues. Des générations entières de juristes y useront leur plume, faisant à leur manière un cas d’école fort remarquable pour ce long litige qui se poursuivra jusqu’aux années 1830-1840 avec les successeurs des Vinezac.

Sans entrer dans le détail de cet ouvrage du comte d’Antraigues, on notera cependant qu’il s’inquiète de l’appauvrissement brutal de la noblesse, et donc du sien, soulignant que « aujourd’hui, [depuis] qu’un zèle actif et infatatigable de la part de l’Assemblée a, dans une seule nuit, renversé les abus et les institutions de dix siècles par son arrêté du 4 août, mille familles [nobles], peut-être, sont réduites à la mendicité sans pouvoir concevoir encore qu’elle horrible fatalité creusa, sous leur pas, le gouffre de misère où une seule nuit les a, tout-à-coup, plongées » (page 11).

Dans une note de son opuscule, il prend l’exemple des magistrats qui pourraient se retrouver démunis de revenus si l’Assemblée, estimant obsolètes les achats d’office dont ils bénéficiaient, si chèrement obtenus, hier transmissibles par hérédité et pour certains anoblissants, venait brusquement à leur dire que rien ne leur serait dû puisque leurs titres seraient jugés nuls et non advenus. Sans doute joue-t-il là sur la corde sensible, voyant dans cette comparaison un moyen d’influer sur des parlementaires où se retrouvent bon nombre de magistrats, inquiets de leur propre sort ou de celui de leur fils. Mais il oublie que la paysannerie, déjà pressurée à l’excès par l’impôt royal et par la dîme, n’a alors nulle envie, ni même la possibilité réelle de racheter les droits féodaux, les acensements, qui grèvent tant sa libre jouissance des tenures dont elle faisait l’objet, d’où l’abandon final du projet de rachat et les destructions générales, comme à Cambous, des titres qui fondaient jadis ces droits 100.

Pour la seule baronnie de Pégairolles, dépendante de celle de Cambous depuis 1677-1680, ces droits féodaux s’élevaient globalement en 1680 à 2 200 livres par an comme il appert de l’état dressé lors de la cession de seigneurie aux Ratte par les Murviel. Nous en avons vu les grandes masses et certains détails. Ils étaient schématiquement du même ordre en 1789 puisque les droits féodaux n’étaient pas réactualisés, sauf rare exception, constituant une charge énorme à ses origines pour son débiteur, mais s’amenuisant au fils du temps, du moins pour les rares redevances déterminées en monnaie.

C’est leur fixité dans le temps (leur immuabilité) qui, selon le comte d’Antraigues, faisait en sorte que le paysan s’attachait à sa tenure et l’améliorait, mais le coût des droits concernés restait néanmoins très élevé, excessif pour les paysans les plus modestes, bien évidemment, mais aussi pour tous les paysans, fussent-ils aisés, dès lors qu’une calamité était générale en ce petit âge glaciaire où les calamités les plus diverses se répétaient inlassablement depuis les années 1680-1690. Ils restaient ainsi une charge élevée, ou du moins contraignante, surtout en cas de conjoncture économique défavorable comme en 1788-1789 car un loyer emphytéotique (et le droit de tenure en est un à sa manière), fut-il symbolique, reste toujours trop élevé pour celui qui, faute de récolte, n’a plus les moyens de le payer 101.

Le comte d’Antraigues dresse pour justifier l’immuabilité des droits un historique de la féodalité en Languedoc qui, malgré son caractère schématique, ne manque apparemment pas de pertinence tout en ayant la naïveté de vouloir nous faire croire qu’avant les seigneurs n’était que le désert, : « C’est surtout dans les pays rudes et âpres que s’est établi l’usage des acensements. Les propriétaires [initiaux, c’est-à-dire la noblesse], possesseurs dans le douzième siècle, d’un terrain immense mais infertile, manquaient de moyens pour le rendre utile. Un seul moyen était praticable, celui de le peupler de propriétaires. La propriété fertilise tout. L’amour de la propriété avive tout. L’acensement a rendu le peuple propriétaire et c’est à ce seul véhicule qu’est due la fertilité de ces pays difficiles où le travail des hommes a dompté la nature, et l’a forcée d’orner de ses dons un terrain ingrat qu’elle semblait avoir réprouvé » (page 8).

Il ajoute alors en annotation : « C’est d’après ces idées que J’avoue que je crois la prohibition des rentes foncières, connues en Languedoc sous le nom de locatair[i]es perpétuelles, nuisible à l’agriculture [car] elle deviendra fatale au colon. Le propriétaire d’un héritage, obligé de vivre loin de ses possessions, et dans la nécessité d’en négliger la culture, livrait son domaine à un cultivateur sous l’obligation d’acquitter une rente représentative d’une partie du produit net du domaine qui lui était livré. Le propriétaire, afin de s’assurer des paiements de cette rente, la déclarait foncière, c’est-à-dire, irrachetable, attachée au fonds, et de cette manière, il ne se dépouillait pas totalement de sa propriété. Quel fut l’effet de cet engagement ? L’héritage, mal cultivé par le propriétaire éloigné, devient fertile dans les mains de celui qui l’avait acquis moyennant une rente foncière. La rente ne pouvant jamais s’accroître, toutes les améliorations furent au profit du cultivateur. Mais elles assuraient en même temps la solidité du gage du premier propriétaire. Ainsi, tous gagnaient à ce marché, et le public, et le propriétaire, et le colon ».

Mais, si cette affirmation du comte d’Antraigues peut de prime abord sembler véridique, elle reste néanmoins peu crédible aux historiens d’aujourd’hui, surtout aux médiévistes. En effet, quand nobles et rois voulaient jadis peupler des contrées infertiles ou vidées de leur population par les guerres et les épidémies, ils créaient des villes franches, exonéraient leurs habitants de corvées et de taxes, les parant alors de franchises illimitées ou de longue durée, et ne levant surtout pas sur eux des droits féodaux qui n’auraient guère incité personne à venir, surtout en des contrées de mise en valeur difficile. Bref, si on peut parler ainsi, on ouvre grand les portes aux colons que l’on veut attirer, on ne les étrangle pas…

Les redevances censitaires, les acensements dont parle le comte d’Antraigues, contrepartie du droit de tenure, ne sont d’ailleurs, dans la pratique, que l’impôt foncier que la noblesse féodale, devenue reine en ses terres avec l’effondrement du pouvoir carolingien, se permet de lever, par pur brigandage et par usurpation des pouvoirs régaliens, sur les populations de sa juridiction, qu’il s’agisse des anciens habitants comme des nouveaux colons.

De ce fait, si l’argumentaire du comte d’Antraigues est pertinent en montrant que le paysan va s’attacher à son bien si le taux de prélèvement effectif reste bas et fixe, son propos est totalement infondé sur le plan historique quant à l’origine réelle des droits féodaux 102. La noblesse du XVIIIe siècle ne fait en effet que lever, à travers les droits féodaux que ses ancêtres s’étaient injustement appropriés aux XIe et XIIe siècles, les sommes que les rois, longtemps maîtres de leur seul domaine personnel, n’avaient plus, en ces lointaines époques, l’audace et la capacité d’imposer à leurs sujets…

Indépendamment de leur piètre justification historique, les droits féodaux constituaient dans leur ensemble des revenus fort coquets pour bien des nobles du XVIlIe siècle. Ainsi, pour la seule baronnie de Pégairolles, ils représentaient en 1789 aux alentours de 9,91 kg d’argent fin (ou 0,64 kg d’or fin) de revenu annuel en se basant sur la somme de 2 200 livres que représentait en 1680 la totalité des droits concernés, souvent payés en nature, et donc en omettant dans cette conversion monétaire, effectuée pour les commodités de la démonstration, les modifications des prix des denrées (grains, huile, etc.) survenues en un siècle. Par ailleurs, ces droits féodaux faisaient l’objet en 1789, exprimés en termes monétaires, d’un prélèvement beaucoup moins important que celui de 1680 puisque les 2 200 livres correspondaient alors, en argent comme en or, à des masses de métal beaucoup moins élevées que jadis en raison des dévaluations monétaires survenues entre ces deux dates. Mais, pour peu qu’une calamité générale frappe toutes les productions agricoles, animales ou végétales, comme lors des terribles années 1693-1694 ou lors des terribles hivers 1708-1709 et 1788-1789, chacun était dans l’impossibilité d’acquitter ces droits dont le montant était fixe, indépendamment des récoltes réelles, alors que la dîme, malgré son impopularité et le détournement de ses finalités initiales, correspondait à un pourcentage sur les récoltes réalisées ou sur les croîts effectifs des troupeaux. Un silence de mort règne même dans les études notariales du val de Gellone ou du val de Londres, comme en bien d’autres lieux, à la sortie du tragique hiver 1788-1789. Comme après le terrible Grand hiver de 1709, on n’a plus rien à vendre ou à échanger, comme nulle possibilité d’entreprendre. Seuls les Vinezac sont à même de mander un notaire en leur château pour y dresser un contrat désormais urgent de mariage. Les autres habitants ne se marient plus et n’enfantent plus. Ils attendent des jours meilleurs comme leurs aïeux l’avaient déjà fait lors de la grande famine de 1693-1694 ou en 1709-1710.

Du fait de cette abolition précipitée des droits féodaux, et compte-tenu des recettes escomptées en temps normal, indépendantes de toute conjoncture économique, comme nous l’avons dit, on comprendra aisément, à la fin du règne de Louis XVI, que le noble dont l’essentiel des revenus était souvent constitué de simples droits féodaux (du moins pour le noble principalement propriétaire de droits) se retrouvait en 1789-1793 fort appauvri par rapport à son homologue dont la richesse était par contre principalement ou exclusivement fondée sur les revenus fonciers de propriétés tenues en propre, des biens que nulle personne, sauf quelques rares utopistes, n’entendait alors le priver.

Ainsi, un seigneur qui n’aurait eu en sa possession que les revenus féodaux de la baronnie de Pégairolles sans disposer en sus des revenus fonciers de terres tenues par lui en pleine propriété, se serait retrouvé ipso facto ruiné si la rente féodale n’était pas rachetable, d’où le cri d’alarme du comte d’Antraigues. Or, le rachat envisagé avec l’été 1789 ne faisait que minimiser le problème sans pour autant le supprimer. Les 2 200 livres de revenu féodal annuel de la baronnie de Pégairolles, placées au taux usuel de 5 %, n’auraient ainsi rapporté que 110 livres l’an. Leur rachat théorique sur 10 ans, soit un apport de 22 200 livres également placées, n’aurait rapporté que 1 100 livres l’an, d’où un appauvrissement certain qui ramènera nombre de nobles à freiner rapidement leurs velléités de réforme et à défendre, bec et ongles, leurs droits ancestraux, y compris en jouant sur les ambiguïtés des conventions anciennes comme le comte de Vinezac puis sa veuve le feront si bien avec les patus communautaires de Pégairolles, osant en revendiquer la possession alors même que les habitants de cette localité en acquittaient seuls les tailles (cf. infra)…

Voyant la reine directement menacée de mort lors de la marche sur Versailles du 5 octobre 1789, et le roi refusant de faire tirer sur des femmes, le comte d’Antraigues, qui se serait dit-on épris d’elle, à la manière du comte de Fersen (mais en fait elle le hait), passe ouvertement dans le camp monarchiste le plus conservateur. Son idylle révolutionnaire, ou du moins réformatrice, longtemps affichée aux côtés des Mirabeau et autres comploteurs, n’aura donc duré que le temps d’une courte année. Un homme est alors là pour protéger la famille royale, un major général de la Garde de Versailles, un nommé Berthier, futur maréchal d’Empire, dont une descendante s’unira en 1874 avec un Turenne, arrière-petit- fils des Vinezac.

Dehors, la faim cruelle aidant, la populace fait cuire des quartiers de viande de cheval, une nourriture canoniquement immonde que nul humain n’aurait mangé en d’autres circonstances. Et cette foule qui a si faim en ces lendemains d’hiver 1788-1789 puis de l’été 1789, toujours aussi désespérant, n’a plus l’apathie et l’affligeante résignation de ses aïeux de 1693 ou de 1709. Elle ne craint plus rien ni personne. Dieu peut-être, mais en aucun cas le roi et ses proches. Surtout pas la reine, cette Autrichienne si haïe, bien plus que les anciennes favorites de son défunt beau-père, des femmes dont le cadavre fut parfois livré à la vindicte populaire. Le lendemain, la Garde nationale est contrainte de faire l’usage de ses armes contre les émeutiers qui hurlent : « Il nous faut le cœur de la reine », « Prenons ses entrailles pour en faire des cocardes », «Point de quartier ! Tue ! Tue ! », etc.

Mais la famille royale est néanmoins contrainte de s’installer à Paris, dans cette austère demeure des Tuileries où un jeune enfant, emporté dans la tourmente et qui n’est pas encore le célèbre prisonnier du Temple de Paris, s’écriera : « Oh !, maman, comme tout est laid ici ». Il n’est pour l’heure que le Petit mitron, un objet de railleries, promis malgré lui à de bien cruelles et injustes destinées, un sort pour le moins controversé 103

Dès lors le roi n’est plus maître du pays et, pour tous les royalistes, « le fils d’Henri est prisonnier de Paris (complainte du troubadour béarnais, cf. infra).

Le 15, le duc d’Orléans a déjà franchi la Manche. Le comte d’Antraigues est révulsé par la tournure des événements et prépare aussitôt avec Thomas de Mahy, marquis de Favras, une évasion de la famille royale depuis le palais des Tuileries, pour laquelle le ministre de l’intérieur, M. de Saint-Priest, devait fournir 1 200 chevaux. On parle alors de former une vaste armée contre-révolutionnaire, d’amener Louis XVI à Metz, au besoin de faire nommer régent son premier frère, le comte de Provence (futur Louis XVIII), d’assassiner Necker et Bailly, mais aussi le marquis de La Fayette 104

Le marquis de Favras est cependant arrêté dans la nuit du 24 au 25 décembre 1790, jugé puis exécuté, par pendaison, le 19 février 1790 sur la place de Grève. Il faudra ainsi attendre l’été 1791 pour que réussisse, avec la fuite à Varennes que mènera le comte de Fersen, mais de manière éphémère, l’essai d’évasion tenté une première fois avec l’hiver 1789 1790.

Le comte d’Antraigues, dont le nom est désormais cité depuis cette première affaire, est contraint de fuir avec son oncle, le ministre de l’intérieur, et de gagner l’étranger. L’oncle file en Suède, chez son beau-frère, gagnant par la suite la Russie. Le neveu, évoquant officiellement un problème de santé pour se rendre à l’étranger, mène à partir de là une vie itinérante qui passera par de multiples pays, tout d’abord la Suisse, où il aurait épousé sa maîtresse, puis Venise et la Russie, point de chute de l’un de ses oncles, l’ancien ministre, et de ses cousins de la famille des Guignard de Saint-Priest.

En février 1790, il s’installe pour près de trois ans en Suisse. Le 2, il est à Lausanne puis gagne Mindrisio, dans le Tessin, s’installant chez le comte Turconi, rejoint en avril par sa maîtresse, Reine Antoinette Clavel, alias Mme de Saint-Huberty.

Le Tessin, c’est un carrefour entre la plaine du Pô, où siègent à Turin la Cour savoyarde et le Comité royaliste de Turin (les deux frères de Louis XVI sont gendres du prince de Savoie), Venise et l’Autriche, le pays natal de la reine de France. Il y devient l’agent 88 de son réseau royaliste, le nom de code qu’il utilise quand il correspond avec les diplomates et espions de son époque, dont un ambassadeur du roi d’Espagne à Venise de 1789 à 1795, don Simon de Las Casas, son meilleur ami et complice, un personnage dont il fait connaissance en mai 1791 et avec qui il échange maintes correspondances dont la copie ou le résumé gagne ensuite Madrid. C’est en novembre 1793 que le comte d’Antraigues gagnera Venise, y représentant le comte de Provence (futur Louis XVIII) auprès de la cité des Doges, tout en restant le principal informateur du roi d’Espagne.

Le duo Antraigues - Las Casas

Dès septembre 1791, le comte d’Antraigues et l’ambassadeur espagnol, Las Casas, se posent comme voulant être les seuls dirigeants de la contre-révolution. Rien ou presque ne se fait sans eux ou en dehors d’eux. Ce qu’ils ne voient pas eux-mêmes leur est transmis par une multitude d’agents infiltrés jusque dans les comités les plus extrémistes et dans toutes les cours d’Europe. Leur stratégie principale ne repose pas alors sur l’Autriche, pays de la famille de la reine de France, ou sur toute autre puissance d’Europe centrale, mais sur un étroit pacte de famille entre les Bourbons de France, d’Espagne, de Naples et de Parme, le seul qui leur paraisse crédible pour assurer la victoire des ultra-royalistes et le retour à une stricte monarchie féodale 105.

Pour cela, ils infiltreront habilement le comité secret des Jacobins et bien évidemment la nébuleuse des mouvances royalistes, notamment dans le Salon français, un cénacle de féodistes (partisans d’une monarchie féodale à l’ancienne) et de royalistes, où se retrouveront nombre de méridionaux, dont le vicomte de Vogüé, l’un des élus en 1789 de la noblesse de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg en Vivarais. Ce club, fondé dès 1789 et mis en sommeil en 1789, avait été officiellement interdit le 15 mai 1790, sans pour autant disparaître, et devenait ainsi le point de rencontre obligé des différentes tendances monarchiques.

En 1791, le comte d’Antraigues utilise depuis l’étranger un pseudonyme, Audainel, qui est l’anagramme de son nom (de Launai), pour raviver la flamme royaliste et catholique défaillante. Il publia ainsi, sous le nom de Louis Alexandre Audainel, des brûlots aux titres évocateurs : Dénonciation aux Français catholiques des moyens employés par l’Assemblée nationale pour détruire en France la religion catholique (324 pages), et Point d’accommodement [avec l’ennemi] (46 pages) 106. Le premier est signé de « Paris, ce 24 mars 1791, Henri-Alexandre Audainel », et est publié avec les mentions de couverture suivantes : « A Londres, chez Gilles Howrad Pall-Mall, n° 101, et se trouve à Paris, chez l’auteur, rue St-Jacques, au coin de la rue des Mathurins et chez tous les marchands de nouveautés ». Le second, non daté, non signé et sans marque d’imprimeur, dispose d’une couverture fort sobre « Point d’accommodement, par M. Henri-Alexandre Audainel ». On le datera de l’été ou du début d’automne 1791 en raison des événements décrits (fuite à Varennes des 20-25 juin 1791 et tentatives de conciliations diverses). C’est déjà-là une première plate-forme idéologique de l’émigration, la charte de ses idées, de ses buts et de ses moyens, tels que vus par le comte d’Antraigues et ses plus proches amis, ainsi qu’un vibrant appel à l’intervention étrangère, l’Europe des princes. Mais il s’y oppose d’ores et déjà à toute idée d’une chambre des pairs héréditaire qui anéantirait selon lui l’ordre de la noblesse, ne voyant d’avenir pour celle-ci que dans une chambre des députés, le seul endroit où elle serait susceptible de peser 107.

L'appel à l'émigration armée

Avec l’automne 1791 puis l’hiver 1791-1792, toujours à l’étranger, il publie, à mots à peine cachés, un appel à l’insurrection nobiliaire, soigneusement camouflé dans son Adresse à l’ordre de la noblesse de France, un ouvrage de 135 pages, signé le 25 novembre 1791 et publié à Paris, début 1792, par quatre libraires, les sieurs Senneville, Cuchet, Guerbart et Crapart. Cet ouvrage fera l’objet la même année 1792 d’une seconde édition 108.

Le titre, presque anodin, ne laisse rien paraître de ses intentions profondes. L’introduction parle certes très rapidement des « projets des pervers » et dénonce déjà aux nobles les « implacables ennemis qui furent aussi les destructeurs de votre Religion, de votre Roi et de la Monarchie Française », mais nul n’y est encore nommé.

Tout cela ne prêterait guère à attention pour un censeur ou pour un homme de police au vu de tout ce qui peut bien s’écrire à cette époque, à un moment crucial de l’histoire de France où la presse moderne apparaît et où les libelles en tout genre prolifèrent ici ou là, sans retenue aucune et sans réelle sanction, au point d’émouvoir en début d’année 1789 la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, dès la confection de son cahier de doléances sous la présidence du comte de Vinezac (cf. infra). Mais, au cas où son livre pourrait être feuilleté par un ennemi en armes, dépositaire de l’autorité, au risque de révéler ses véritables desseins, le comte d’Antraigues prend soin de ne dresser sa conclusion qu’en pages 119 et 120, faisant suivre son appel à l’insurrection des chevaliers de France par quinze pages destinées manifestement à égarer le lecteur occasionnel et peu regardant, consacrées aux Brutus, Caton, César et autres Tarquin de l’Antiquité romaine 109. Aussi, un noble arrêté avec un tel ouvrage en mains pourrait faire croire au caractère anodin de son contenu au premier Garde national ou au premier Sans-Culotte venu dès lors que ceux-ci auraient été aptes à le lire, ce qui est loin d’être certain…

Mais, si le comte d’Antraigues se laisse fréquemment aller à diverses comparaisons historiques, son propos n’est pas, on s’en doute, l’étude des coups d’Etat des mondes anciens, la référence cependant de tous les lettrés de son temps, si ce n’est peut-être vouloir qu’un nouveau Brutus se présente à Paris pour y poignarder l’un des tyrans du jour. Mais le temps des Charlotte Corday n’est pas encore venu et les révolutionnaires qui règnent à Paris ne se guillotinent pas encore entre-eux 110

Dès la page 4 de son ouvrage, il préfigure cependant les propos que son compatriote du Vivarais, l’abbé Augustin [de] Barruel (1741-1820), l’un des piliers idéologiques de la contre-révolution, tiendra dans son célèbre ouvrage, les Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme, y dénonçant les sectes maçonniques, dont celle des Illuminés de Bavière, comme les principales responsables du chaos dans lequel sombra la France en 1788-1789.

Le comte d’Antraigues écrit ainsi : « Il y a longtemps qu’il est éclos dans le cœur des destructeurs de la monarchie le projet infernal de détruire la noblesse par elle-même, de la mettre aux prises en la divisant, de l’affaiblir après l’avoir divisée, de la faire servir à sa propre destruction, de rendre cette destruction aisée par les haines qui auraient détruit son ensemble, de l’anéantir enfin, pour abîmer sous ses ruines, et le Trône, et l’Autel ».

On sait combien la thèse du complot est absurde à l’historien d’aujourd’hui qui a désormais tout le loisir d’analyser, avec tout le recul possible et avec toute l’objectivité requise, les multiples causes, structurelles et profondes, ou seulement conjoncturelles, de la Révolution de 1789 111. Mais le comte d’Antraigues dénonce aussitôt les ministres de circonstances qui auraient facilité le coup par l’inconséquence de leurs agissements : « Ce projet et l’espoir de son exécution ont été conçus, alors que le plus absurde et le plus tyrannique des ministres déshonorait la France ». Le complot a bien évidemment pour chef des traîtres, tel Mirabeau, qu’il ne cite pas encore nommément mais qu’il dénonce déjà, en page 6, faisant alors en ce qui le concerne lui-même amende honorable au sujet de ses propres fautes, écrivant ainsi : « Je ne les rappellerais pas, si je n’étais tombé moi-même dans le piège et n’avais servi les projets de l’homme qui m’était le plus odieux, dans un écrit [les Mémoires sur les Etats généraux, comme il le précise en annotation] où, en développant plusieurs vérités utiles, le ressentiment me fit commettre de grandes erreurs ». Mais d’autres nobles aussi, tant en la noblesse de Cour que dans celle de province, se sont trompés, « guidés par des conseils perfides et soudoyés par un traître » (page 16), n’en faisant qu’à leur guise, oubliant « la doctrine de nos ancêtres sur les mandats impératifs et à la soumission absolue qui leur était due par les députés » (page 18).

Notre auteur n’est pas, comme tous les pamphlétaires, à une demi-vérité ou un entier mensonge près. Le pamphlet se doit par définition d’être bien écrit, de toucher là où il faut, avec des mots simples au besoin pour être compris de tous. Il ne s’embarrasse pas des scrupules de la stricte vérité dont il n’a bien souvent que faire.

En 1789, le comte d’Antraigues justifiait les droits féodaux par les déserts infertiles ayant précédé une noblesse qui, se lamentant de voir ses terres restées inhabitées et inexploitées, n’aurait pas trouvé d’autre manière de les mettre en valeur, propos dont nous avons montré le caractère fallacieux.

Avec son Adresse à la noblesse de la fin 1791, on lira désormais sous la plume d’Antraigues une union indéfectible, une relation quasi-filiale, de la noblesse avec ses rois qui n’est pourtant que pure fiction historique. Or, notre auteur oublie que cette noblesse, du moins la vieille noblesse, celle d’antique extraction, était tout sauf un docile hochet de cour. Il oublie qu’elle fut longtemps ligueuse et frondeuse, complotant au gré de ses intérêts les plus personnels, devenant l’ennemi irréductible de tout absolutisme en des temps où chaque prince de la famille royale se voulait l’égal de son aîné et chaque roitelet de province le seul maître en ses domaines. Il oublie qu’elle servit au besoin plusieurs rois et plusieurs croyances au temps de la guerre des trois Henri et qu’elle ne capitula que vaincue sur les champs de bataille ou grassement rémunérée pour le faire, brisée ensuite par un maître, Louis XIV, qui se joua d’elle et la cantonna dans un rôle sans cesse plus subalterne, lui préférant au besoin d’habiles roturiers. Ce bras de fer avait duré bien des siècles, depuis les premiers capétiens jusqu’aux années 1650-1660, se ravivant au besoin quand on osa casser en 1715 le testament d’un roi et que certains poussèrent le Régent à prendre pour lui, et non pour un jeune enfant, un pouvoir qu’il n’avait pourtant guère envie d’exercer.

Notre auteur oublie aussi le changement des mentalités et le caractère composite de la noblesse de cette fin de XVIIIe siècle, époque où il n’y a plus une noblesse mais des noblesses, distinctes et contradictoires, celle de cour, celle des grands châteaux ou des humbles manoirs de province, celle qui sert encore à la guerre où qui vit de ses rentes, mais aussi et surtout celle qui occupe de plus en plus la sphère du pouvoir et des affaires, la noblesse de robe comme la noblesse entreprenante, celle des compagnies maritimes, des mines ou des forges, bref le monde de demain.

Il oublie en effet, en forgeant la fiction d’une noblesse qui ne serait qu’une et qui resterait encore attachée comme un seul homme aux valeurs médiévales, que la noblesse d’antan, décimée au demeurant par bien des guerres, est devenue au fil des siècles un anachronisme dévoyé de l’esprit chevaleresque de ses origines. Il oublie que l’antique chevalerie est sans doute morte le jour où le premier lâche venu put tuer à distance, d’un carreau d’arbalète d’abord, d’une balle de mousquet ensuite, le plus vaillant des guerriers. Qu’elle est morte une seconde fois en voyant nombre de ses descendants englués dans les poudres et les artifices du monde docile de la cour…

En fait, la Révolution ne lui portait, brutalement il est vrai, que le coup de grâce que préfigurait déjà Vauban quand il osa publier son projet de création de dîme royale, un ouvrage qui allait précipiter sa disgrâce mais dont l’application aurait pu permettre d’éviter bien des débats budgétaires des années 1784-1789 et bien des tragiques événements des années 1789-1793 112. Mais, en 1789-1792, quand la Révolution précipite en trois ans à peine la déchéance de la noblesse, de la monarchie et même de la religion, parfois en quelques mois à peine, qui pourrait bien se rappeler tout cela ?

Tout se résume donc désormais, chez le comte d’Antraigues, à ne voir dans les causes profondes de la révolution que le poignard, la plume ou les talents oratoires des plus vils comploteurs, à commencer par « l’ennemi de la monarchie française, M. Necker » (page 19), le célèbre ministre dont la fille, Madame de Staël, est alors la maîtresse de l’extravagant Louis Marie de Narbonne-Lara (1755-1813), l’un des fils supposés de Louis XV 113, colonel depuis 1786 du Royal- Piémont, franc-maçon notoire et ministre de la guerre en 1791-1792.

Plus loin, il règle ses comptes avec un religieux, François de Montesquiou-Fezensac, représentant du clergé aux Etats généraux de 1789 : « M. de Montesquiou, devenu démocrate et démagogue effréné, est cependant le même homme qui nous avait tant épouvanté par l’énorme [et si invraisemblable] roman de sa généalogie. Descendant de Pharamond, cousin de Clovis, souverain de Fezensac, tels étaient, en 1781, ses titres, à la faveur du roi. En 1789, il a prouvé, avec bien plus de vérité, qu’il descendait de ce Montesquiou qui, en 1569, après la bataille de Jarnac, assassina de sang-froid, Louis de Condé, blessé, prisonnier et désarmé. A la manière dont il dénonce [aujourd’hui] M. Bergasse à la fureur du peuple, on voit bien que M. de Montesquiou n’a pas dégénéré » (page31) 114.

C’est donc, selon le comte d’Antraigues, à l’œuvre de tous ces traîtres, les monarchiens constitutionnalistes et unitaristes, mais surtout aux coupables divisions du clergé et de la noblesse que le coup put se faire, forçant la funeste réunion des Ordres du 27 juin. « Dès ce jour, – écrit-il -, les Etats généraux furent dissous. Dès ce jour, il n’exista plus en France aucune autorité légitime. Le roi lui-même, entouré d’assassins, étant réellement prisonnier » (page 35). Puis vient la célèbre nuit du 4 août, avec l’abolition des privilèges et des droits féodaux, une nuit où « les factieux, à la tête desquels était M. le comte de Mirabeau » (page 41), travaillèrent à « la première partie du plan [ourdi par eux contre le trône et l’autel] : la destruction de la noblesse ». Celle-ci fut donc dépouillée de ses possessions par le complot, mené « en très grand secret », du « club des Bretons ». Pour cela, « on lâcha les incendiaires et les assassins sur les propriétés des nobles dans les provinces » (pages 37-38) et « l’Assemblée plaça [désormais] tout son appui dans la lie de la Nation » (page 39).

Certes, tout n’est pas faux dans cette analyse. Mais, après Montesquiou, voilà donc Mirabeau cloué au pilori par le comte d’Antraigues ! Il souligne l’avoir « beaucoup connu, dès 1784 », mais avoir néanmoins rompu avec lui cinq ans après, le fréquentant ou échangeant avec lui des correspondances « jusqu’au premier juin 1789, époque où je lui déclarais, de vive voix et par écrit, que les propositions qu’il me faisait étaient celles d’un scélérat » (page 43). Il cite alors la lettre que le comte de Mirabeau lui écrivait le 19 août 1788 : « Les Etats généraux sont devenus inévitables, autant qu’ils sont nécessaires pour rétablir notre constitution monarchique. Ce forcené d’archevêque 115 est un idiot en délire. Il nous menait à l’anarchie ou à la démocratie. Si nous n’y prenons garde, ces gens-là nous démonarchiseront et nous précipiteront dans un gouffre de malheurs. Nous allons avoir [pour ministre] ce charlatan Necker, le roi de la canaille. Elle seule ici a du courage et, s’il était le maître, elle finirait par tout étrangler sous sa direction » (page 44). Plus loin, il justifiera avoir tardé à publier de telles correspondances en disant : « je me sentais trop humilié d’être loué par un homme si vil et devenu si coupable » (page 47).

Il dénonce ensuite ces « semences de haine et de désunion » que portait déjà la noblesse sous le règne de Louis XV, puis vient aussitôt le tour du monde des penseurs et de la franc-maçonnerie, qu’il ne nomme pas explicitement (ce que fera par contre Barruel), la désignant alors sous le terme anodin de Philosophie, écrit au besoin en capitales d’imprimerie : « Ce fut sous ce règne [de Louis XV] aussi que naquit cette secte, ennemie de tous les trônes, de toutes les religions, de toutes les puissances, cette secte qui se vante d’appartenir à l’ancienne philosophie et qui n’est que le produit de tous les vices, mis en fermentation par la plus vile des passions, la soif de l’argent. La philosophie du dix-huitième siècle [puisque c’est d’elle dont il s’agit], s’est formée sous le règne de Louis XV. La PHILOSOPHIE !… C’est en effet le nom qu’avait usurpé cette Assemblée d’hommes et lâches, avides et flatteurs, qui, sous ce nom révéré, avaient établi, au milieu d’eux, le repaire de tous les crimes dont ils étaient les Apôtres » (page 59). Mais, lui qui fut maçon (du moins en 1783), et qui voyait les plus grands princes être eux-aussi maçons, savait bien que tout cela n’était que chimère et il n’insiste guère, soulignant à la fois le nom révéré de ladite Philosophie, mais aussi les travers, très humains, des aristocrates et grands bourgeois de cette institution, au demeurant respectable, que fréquentaient encore assidûment les plus grands princes du moment sans la moindre idée en eux d’un quelconque complot…

Il en vient ensuite aux journées d’émeute des 5 et 6 octobre 1789 qui mirent à bas mille ans d’institutions (du moins l’absolutisme (les XVIIe et XVIIIc siècles) en contraignant le roi et ses proches à quitter Versailles pour siéger, sous bonne garde, aux Tuileries, un acte décisif qui mettait un terme à ce qui pouvait bien rester encore de la monarchie absolue. Le comte d’Antraigues parle alors des « régicides (sic) du 6 octobre » et des « forfaits » commis ce jour-là (page 65), dénonçant « les livrées de ce que l’on appelait parmi nous la nouvelle philosophie, cette funeste maladie qui depuis un siècle corrompait la France » et qui avait mené à tout cela 116.

Il en vient alors à dénoncer celui qui l’avait chaleureusement accueilli en sa demeure de Ferney et ses autres anciens amis, vilipendant « cet excès d’impudence qui, bravant la conscience de l’Univers, accordait les honneurs de l’Apothéose au plus impie, au plus corrompu des hommes, à un Voltaire ! 117qui élevait [aussi] des trophées à un Mirabeau, à ce monstre couvert de forfaits et d’infamie, qui dans aucun autre siècle n’aurait évité l’échafaud et qui était regardé par ceux-là même dont les décrets le divinisaient comme le plus exécrable des mortels ! » (page 72). Tout cela parce que « une foule de Romanciers, s’étant introduite dans le Temple de la Philosophie, y portèrent, avec des talents [certains], la fureur de se faire connaître et se singulariser » 118. N’ayant peur de rien, « dans leur délire, ils attaquèrent [ainsi], à la fois, et le Ciel et le Trône ». Aussi, « de nombreux Disciples s’asservirent à ces Maîtres nouveaux, inondant la France de leurs coupables et extravagantes rêveries » (page 82).

Bref, « les bases de la Révolution jurent les principes mis en action des Philosophes et des Impies qui, pendant un siècle, n’ayant songé qu’aux moyens de détruire la Religion et d’abattre les trônes, crurent que l’instant était arrivé de mettre leurs criminelles conceptions à la place des Lois [anciennes qui régissaient le royaume] » (page l00) 119. « Ces principes, consignés dans la Déclaration des prétendus droits des hommes, une fois admis, tous les trônes doivent s’écrouler » et ils constituent ainsi un danger pour l’Europe tout entière (page 101). Tout au plus se fait-il peu après le défenseur d’un Rousseau dont « le contrat social, je le répète, [r]est[e] le Roman d’un beau génie » (page 103).

Le comte d’Antraigues sait cependant combien l’Europe des princes, qui a pourtant signé en août 1791 la déclaration de Pillnitz, promettant de restaurer l’autorité de Louis XVI, l’a néanmoins abandonné à son piètre sort (page 106), laissant ce « roi catholique » signer sous la contrainte « son adhésion à l’hérésie, la ruine de l’Eglise, le vol de ses propriétés, l’anéantissement de la noblesse, la destruction d’un Ordre qui, depuis quatorze cents ans, a répandu son sang pour lui », victime d’un « attentat tout nouveau dans l’histoire des siècles » (page 107). Il vilipendera d’ailleurs cet abandon juste avant de signer son ouvrage.

Quelques effets de rhétorique de plus et le comte d’Antraigues en vient désormais à sa conclusion et donc à ses véritables desseins, l’appel à l’insurrection de la noblesse, du moins à son passage en force, avec armes et bagages, dans les armées émigrées qui se préparent alors à se ruer sur la France après l’installation en juillet 1791 des frères du roi à Coblence. Pour y rétablir le régime du vieux roi Henri [IV], « le Grand Henri », celui qui disait « point d’autre retraite pour nous que le champ de bataille » et donc redonner à son descendant, le roi Louis XVI, tous les pouvoirs dont il a été injustement privé par les agissements de « la Secte » maléfique.

Son appel aux chevaliers de France est donc pathétique : « Les plus grands sacrifices sont déjà accordés. C’est en voyant triompher le crime, détruire les autels, enchaîner votre roi, c’est en disant un dernier adieu à vos femmes, à vos enfants, les laissant au milieu d’un peuple de tigres, et fuyant à grands pas vos foyers, pour venir mourir avec vos chefs ou rétablir avec eux le règne des Lois, c’est alors que vous fîtes les plus cruels sacrifices. Vous avez [déjà] triomphé de toutes les amertumes de la mort. Ce qui vous reste à faire n’est [presque rien]. C’est terminer vos maux. C’est rétablir l’empire de l’honneur ou cesser d’exister sous celui de la bassesse et du brigandage [d’aujourd’hui] ».

Il n’est pas alors conscient que l’Europe des princes n’a pas encore mesuré pleinement le danger qui pourrait la guetter, ou il feint de l’ignorer. Il n’a pas mesuré combien des pays rivaux, comme l’Angleterre, se réjouissent déjà de voir la France tomber de Charybde en Scylla. Il ne comprend pas que les princes d’Europe, qui n’ont aucun intérêt territorial à gagner dans une intervention militaire, coûteuse en hommes et en argent, n’ont pas envie de mener, pour le roi Louis XVI, une guerre pour le roi de Prusse comme l’avait fait Louis XV en son temps. Il ne mesure pas encore combien les grandes puissances continentales, la Prusse, l’Autriche ou la Russie, mais aussi l’empire ottoman, ont de vieux antagonismes à régler, des plaies encore à vif, et donc d’autres préoccupations que ce qui peut bien se passer à Paris. Le temps de la Sainte- Alliance antirévolutionnaire de 1814 n’est pas encore venu et la France de 1791-1792, malgré toutes ses faiblesses, malgré toutes ses divisions intestines, malgré tous les maux de toutes sortes qui l’assaillent, mais forte de ses 27 à 28 millions d’habitants (un Européen sur cinq), reste encore un ennemi redoutable, ce qu’elle montrera brillamment en 1792-1794, malgré tous les désastres alors rencontrés sur les champs de bataille.

La France de 1791-1792, géant démographique de l’Europe, fait encore en effet figure de colosse et on n’a guère envie de s’y frotter, chacun prenant en son palais le temps de voir venir, chacun sachant aussi, ou croyant le savoir, combien les révolutions peuvent parfois être éphémères et sans lendemain, à la manière de la Fronde des années 1640-1650.

Mais le comte d’Antraigues, emporté dans ses convictions désormais conservatrices et surtout dans ses erreurs d’appréciation sur la situation politique, diplomatique et militaire réelle du moment, ajoute avec fougue aux chevaliers de France : « Victimes dévouées à une si noble cause, si, trahis, abandonnés, vous succombez, au moins la postérité dira, en fixant l’époque où cessa d’exister la noblesse française. Elle périt pour son Dieu, et pour son roi, lorsque la perfidie entourait les trônes, que l’honneur était banni du Conseil des rois, [et] que l’infamie et la lâcheté planaient sur l’Europe entière. Ce 25 novembre 1791. Emmanuel Louis Henri Alexandre de Launai, comte d’Antraigues »…

L’émigration est désormais en effet la seule solution pour la noblesse française, non pas une fuite définitive, mais une contrainte transitoire, une étape inévitable dans la reconquête du pouvoir, une sorte de croisade qui durera néanmoins près de vingt-cinq ans et qui entraînera hors de France aux alentours de 200 à 300 000 nobles, religieux ou bourgeois 120.

Ceux qui suivront le comte d’Antraigues dans cette voie, pour le moins aventureuse et contraire à l’honneur pour nombre de militaires, des dizaines de milliers de nobles qui quitteront casernes ou foyers pour gagner Belgique, Allemagne, Suisse, Savoie ou Espagne, voire Autriche ou Russie, déchanteront cependant bien vite, trahis et déçus par les atermoiements des princes et de leurs généraux qui devaient voler à leur secours 121 réduits parfois à l’indigence dans des contrées lointaines, trop imbus de la supériorité de leur naissance pour apprendre réellement et correctement le maniement des armes 122, et souvent morts en de vaines batailles, perdant au passage la possession de leurs biens.

Il trouvera cependant un écho certain chez de nombreux nobles du Vivarais et du Montpelliérais, de sa parentèle parfois, chez les Vinezac comme chez les Ginestous, impliqués dans le complot du val de Buèges en 1791-1792 puis par leur participation armée à la contre-révolution intérieure ou extérieure. Mais cet écho restera assez tardif, ne se faisant pleinement sentir qu’en 1792-1793, une fois la République proclamée avec la fin de l’été 1792 et une fois les redoutables armées françaises privées, pour cause d’émigration, de la plupart de leurs officiers, devenant par là, du moins a priori, une proie facile.

Les chimères d'un Languedoc indépendant

Ses biens ardéchois subissent alors dès 1792-1793, sur ordre reçu de Paris, les ravages des foules en colère, notamment son château de l’Aulagnet, près d’Asperjoc, et l’on raconte qu’il aurait encouragé de nombreux nobles du Vivarais à émigrer, tels les Julien de Vinezac et les Vogué, mais aussi les Rochemure ou les Selve du Faÿn, etc. 123. Il ne semble pas cependant avoir été directement impliqué dans l’insurrection royaliste ardéchoise de l’été 1792 car trop éloigné de ce théâtre d’opérations. Il verrouille cependant la résistance royaliste et catholique locale qui ne prend d’ordre que de lui ou du comité de Turin, mais jamais des Tuileries. Conscient de l’absurdité d’une insurrection précipitée et qu’un si vaste projet ne peut guère rester longtemps secret, il tente même au printemps 1792 de calmer le jeu, s’attirant la colère de nombreux nobles comme il l’écrit à Las Casas, son ami, le 28 mai 1792 124, après lui avoir écrit le 17 avril 1792 qu’il brûlait d’être sur ses terres, tout en se rendant compte de l’improbabilité qu’un tel coup d’Etat puisse réussir avant toute intervention extérieure, à la fois espagnole et sarde 125.

Les travaux des historiens spécialisés sur cette époque montrent néanmoins qu’il encouragea vivement par ses correspondances la noblesse méridionale, dont il connaissait personnellement la plupart des membres, à émigrer, et qu’il était aussi en contact étroit avec la noblesse royaliste du Vivarais, ce front intérieur sans lequel rien n’aurait pu se faire. Son emprise sur le Vivarais est alors certaine, malgré l’écrasement de l’insurrection précipitée de juillet 1792 (cf. infra les camps de Jalès), jouant au besoin auprès des protestants de la plaine et de la montagne de l’aura que lui confèrent ses ascendances calvinistes.

Jérôme Pétion de Villeneuve, maire girondin de Paris, qui souhaite pour sa part une France à la hollandaise, avec son stathouder, tente de le faire revenir à Paris fin 1792 en promettant, pour le sud de la France, de lui laisser Languedoc, Vivarais et Roussillon, jouant sur le fait que la déroute des armées d’invasion de septembre 1792 a brisé les rêves de nombreux royalistes réalistes comme le comte d’Antraigues. Et celui-ci serait presque tenté, écrivant à l’ambassadeur espagnol : « Je n’aime pas les rois pour en être dévoré par eux comme les Egyptiens par les crocodiles. Que diable y voit clair [dans tout cela], cher Las Casas, j’ose croire que ce serait moi à Paris et je vous avoue que je me sens le désir de m’y rendre » 126.

Un virulent protestant languedocien, Jean Paul Rabaut, dit Saint-Etienne 127, de concert avec François Antoine Boissy d’Anglas, l’avait même fait approcher pour cela au printemps 1792 pour envisager avec lui la mise en place d’une République fédérative du Midi. Il en avait été très ébranlé, écrivant le 2 avril 1792, à un moment où il estimait être trompé de tous côtés par les rois, pour le moins indécis quant à leurs intentions : « Il est un tiers parti à développer qui n’est pas je crois, le plus mauvais et que les protestants gâtent [cependant] en l’outrant, c’est de détacher de la France, de former la province du Languedoc dans ses anciennes limites avec ses anciens privilèges, et de créer un [nouveau] comté de Toulouse, comme en 1200. Cette idée, toute des protestants, mérite [notre] attention s’il faut [demain] renoncer à tous les rois, ou si l’on est encore trompé par eux. Dans ce plan, les protestants auraient sûrement la gloire de voir triompher leur idée favorite de République du Midi et, ma foi, nous aurions au moins [là, pour notre cause] la fin de la plus honteuse existence. Nous aurions [enfin] un chez nous où nous ne vivrions plus d’espérance et de mépris. Nous n’aurions plus [alors] affaire aux rois et, en vérité, c’est tout » 128.

Un bien étrange et irréaliste projet à l’heure où protestants et catholiques du Midi ne songeaient qu’à s’égorger (cf. les événements de Jalès) et où néanmoins les mêmes protestants et les mêmes catholiques faisaient secrètement appel au comte d’Antraigues 129

Emigré dès 1790, celui que l’on surnomme le « Beau conjuré » pour sa faconde et son élégance, mais aussi pour sa vénalité, devient un ardent contre-révolutionnaire ballotté entre diverses stratégies et tactiques qui évoluent au gré de la situation intérieure et de la situation diplomatique. Agent secret à la solde des Bourbons et des puissances étrangères qui le monnayent tour à tour, telles l’Espagne ou la Russie, un pays où l’un de ses oncles et plusieurs de ses cousins ont trouvé refuge, il subit toutes les évolutions de la Révolution et de la contre-révolution sans parvenir réellement à les infléchir. Tout au plus obtient-il en 1791-1792 du premier ministre espagnol la fourniture d’armes et d’argent pour les rebelles méridionaux.

A Venise, il est à la fois le conseiller de la petite cour établie autour du régent, le futur Louis XVIII, mais aussi celui de l’ambassade d’Espagne qui le rémunère 50 000 réaux par an. Mais, si les Guignard de Saint-Priest sauront rester fidèles au tsar, le servant avec les Bourbons jusqu’à la Restauration, il trahira au besoin ceux qui l’utilisent à leurs desseins et le rémunère pour cela. Arrêté àTrieste en 1797, il révèle ainsi à Bonaparte le détail de ses activités, lui livre toutes les preuves de la conspiration du général Pichegru, puis s’évade (s’il n’est judicieusement libéré par le futur premier consul 130). Réfugié en 1806 outre-Manche, il vend ensuite aux Britanniques les détails du traité de Tilsit que lui avait confiés le tsar de Russie, un pays dont il avait acquis la nationalité et où il embrassera, lui le farouche catholique de 1791 mâtiné de protestantisme, la religion orthodoxe…

Nous n’entrerons pas cependant ici, dans cet ouvrage, sur les détails de cette vie de 1792-1812, faite de complots et de revirements en tous genres au service de mandants les plus divers, tous aux têtes couronnés, mais qui le rendront sur le tard fort amer.

Rappelons cependant qu’il fut considéré comme l’un des principaux responsables de l’échec en 1797 de la conspiration de Pichegru, perdant pour cela tout crédit auprès des milieux ultra-royalistes français attachés à la restauration de la monarchie, au point qu’un historien posa la question : « Le comte d’Antraigues a-t-il retardé de dix-sept ans la restauration de Louis XVIII ? » 131.

Son oncle réfugié en Russie, François Emmanuel de Saint-Priest, lui signifie ainsi sèchement dès 1797 de « cesser [immédiatement] toute correspondance avec le roi » (le futur Louis XVIII).

Le prétendant au trône lui en tiendra d’ailleurs une rigueur inébranlable, refusant à tout jamais de le rencontrer une fois réfugié à son tour chez les britanniques en 1807. Désabusé, le comte d’Antraigues écrivait en 1812 : « Je supplie Dieu de me conserver ce que j’ai gagné près de ces misérables rois que j’ai dû servir et que j’ai eu le malheur de servir ». Peu après, il était assassiné avec son épouse dans des conditions fort suspectes, le 22 juillet 1812 à Barnes Terrace, dans la banlieue de Londres, par un de leurs domestiques piémontais 132

Avant de revenir à l’époque cruciale où il fréquente encore la région montpelliéraine et où il agite par ses idées la noblesse des sénéchaussées du Languedoc oriental, il convient cependant de dire quelques mots de l’époux en 1797 de l’une de ses cousines, le marquis d’Axat.

V - Le marquis d'Axat, maire légitimiste de Montpellier

Une des cousines du comte d’Antraigues, Emilie Anastasie de Guignard de Saint-Priest, née à Constantinople vers 1781, rentra par la suite en France avec sa famille mais ne gagna pas la Russie lors de l’émigration de son père, ancien ministre de l’intérieur, et de ses frères. Elle épousa le 3 ventôse An V (21 février 1797), à Montpellier, un jeune aristocrate de 29 ans qui avait combattu dans les armées émigrées, Jean Michel Ange Bonaventure Dax d’Axat (1767-1847).

Leur acte de mariage, dressé en 1797 sans particule nobiliaire et sans titres quelconques de noblesse, sera rectifié, comme nous l’avons vu plus haut, par un jugement de 1824 à l’époque où le nom du jeune homme est devenu Dax d’Axat, alors maire de Montpellier.

Son époux était né le 11 juin 1767 à Bouleternère (Pyrénées-Orientales), une localité de la vallée du Têt proche de la localité d’Ille où s’était marié en premières noces, en 1765, le père de la seconde épouse de Pierre de Julien de Vinezac, Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac. On a vu comment François Hippolyte du Vivier de Lansac, père de ladite Marie Gabrielle, s’était remarié ensuite à Montpellier en 1768 avec une sœur du père d’Emilie Anastasie de Guignard de Saint-Priest, se remariant en troisièmes noces en 1786 (cf. supra).

La seconde épouse de Pierre de Julien de Vinezac, Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Vinezac, veuve dès 1788, devait mourir précocement en 1791 (voir plus loin). Elle était une cousine par alliance du comte d’Antraigues et sera aussi, mais à titre posthume seulement, celle de Jean Michel Ange Bonaventure Dax, l’un cousin direct et l’autre époux de la cousine directe de Marie Joséphine Sophie Xavier du Vivier de Lansac, sa demi-sœur.

Jean Michel Ange Bonaventure de Dax (alias Dax d’Axat), était le fils de Jean Dax, chevalier de Cessales, et de Marie Thérèse de Chiavari, mariés en 1766 133. Un des arrière petit-cousin dudit Jean Michel Bonaventure, Marc Antoine Marie Thérèse Dax, marquis d’Axat, Artigues, Cailla, Vayra et autres places, était resté sans enfant de son mariage de 1766 avec une tante de ladite Anastasie, Françoise Mathurine de Guignard de Saint-Priest, fille d’un ancien intendant de la province de Languedoc.

On supposera que la jeune Anastasie resta en France sous la protection de cette tante, par une sorte d’adoption, et le couple formé en 1756, demeuré sans enfant, lèguera ainsi ses biens à celui formé en 1797.

On a vu plus haut comment les frères d’Anastasie servirent le tsar de Russie, l’un devant même trouver la mort en 1814, lors de la campagne de France, alors officier des armées coalisées contre l’empire, revêtu d’un uniforme de l’armée russe. Jean Michel Ange Bonaventure Dax servit pour sa part dans les armées émigrées sur le front espagnol, enrôlé comme de nombreux nobles ariégeois et audois dans la Légion du Vallespir et ses satellites (Légion Panetier), des unités royalistes dont nous reparlerons plus en détail quand nous évoquerons, dans notre ouvrage sur les baronnies de Pégairolles et Cambous, en 1803, le mariage d’une petite-fille des Vinezac-Rigal avec Amédée de Turenne, un aristocrate qui servit par contre dans les troupes républicaines engagées sur les Pyrénées, futur colonel d’Empire.

Avant de combattre les troupes françaises en servant comme auxiliaire des divisions espagnoles du général Ricardos, Jean Michel Ange Bonaventure Dax était entré comme cadet dans les écoles militaires en 1782 et avait servi comme sous-lieutenant dans le régiment de Bassigny en 1784.

L’appel du comte d’Antraigues ayant fait son effet, et de nombreux nobles gagnant les armées émigrées avec l’évolution de la situation politique nationale et internationale, il passe de l’autre côté des Pyrénées avec l’année 1792, servant alors dans une des unités royalistes de ce secteur du front, gagnant ensuite le régiment de Bourbon, une unité directement intégrée dans l’armée espagnole, formée en 1796 par le marquis de Saint-Simon à partir des débris de la Légion de la Reine (ex Légion Panetier), du bataillon de la Frontera (de la frontière, ex Légion du Vallespir) et de la Légion royale des Pyrénées (anciennement basée en Pays Basque) et qui tiendra garnison à Ciudad Rodrigo (à Majorque ensuite) 134.

Une paix précaire étant signée en juillet 1795, l’Espagne devenant même momentanément l’alliée de la France en juin 1796, il regagne son pays natal pour s’y marier en février 1797 par un acte d’état civil, presque anodin, où l’on apprend tout au plus que les parents de sa fort jeune épouse, une gamine de seize ans, sont « absents de la République française ».

Sans doute bénéficie-t-il alors, comme tant d’autres émigrés, d’une amnistie ou de certificats de complaisance (cf. infra les Ginestous), et le voilà donc établi en France, se réjouissant sans doute de ces élections de 1797 qui amènent les royalistes à disposer d’une majorité inespérée dans les deux assemblées mais qui est aussitôt écartée du pouvoir par le coup d’Etat du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) que favorise et précipite même la découverte en Italie des papiers détenus par le comte d’Antraigues…

Il devient désormais un homme de l’ombre, ne réapparaissant au grand jour dans ses biographies qu’avec la première Restauration (le préfet de l’Hérault nommé par l’Empire en 1811, Aubernon, étant toutefois déjà un sympathisant royaliste). Une ordonnance du 28 septembre 1814 le nomme alors maire de Montpellier et il effectue sur sa fortune personnelle les dépenses nécessaires pour recevoir avec faste, les 12 et 13 octobre 1814, le comte d’Artois, Monsieur (futur Charles X), frère du roi. Le retour de l’empereur l’amènera alors à s’exiler momentanément.

Les 27 juin et 2 juillet 1815, les émeutes sanglantes provoquées à Montpellier par la nouvelle de l’ultime abdication de l’empereur l’amènent à calmer les esprits : « Une seconde proclamation de M. Dax, maire, acheva de rétablir l’ordre. Il n’y eut plus d’insultes, plus de provocations, et l’on goûta la douce satisfaction de vivre sous les lois d’un gouvernement seul convenable à la France » 135. Les troupes royalistes du marquis de Montcalm, déjà maîtres de Sète et aidées par les bandes royalistes regroupées à Villeneuve-lès-Maguelone, sont à Montpellier le 1er juillet et le drapeau blanc de la Restauration flotte désormais partout, sauf encore sur la citadelle.

Les troupes royalistes refluant cependant devant les troupes impériales, venues de Lunel, et devant les émeutiers, ce n’est cependant que le 17 juillet que le marquis de Montcalm pourra prendre possession effective de la ville rebelle, procédant avec ses affidés à une épuration administrative massive, à nombre d’incarcérations arbitraires et à cinq condamnations à mort exécutées le 22 juillet, le jour même du jugement 136.

Rétabli dans ses fonctions après l’intermède des Cent jours, le marquis d’Axat, reçoit ensuite en novembre 1815 le duc d’Angoulême, fils aîné du comte d’Artois et neveu de Louis XVIII, puis la duchesse royale en mai 1823. Il restera premier magistrat de la ville Montpellier jusqu’à la nouvelle révolution de 1830, s’éteignant le 18 août 1847 au château de Saint-Georges, à Vénéjan (Gard) 137.

Légitimiste des premières heures, il fut à l’origine d’une décision municipale prise en 1819 pour l’érection, à Montpellier, d’un monument à la gloire de Louis XVI, une statue de celui-ci devant être dressée non loin de la Préfecture, sur la place du même nom, aujourd’hui place du Marché aux fleurs. Cette statue n’est cependant inaugurée que dix ans après, le 19 août 1829, mais « ne tarde pas à devenir inopportune puisque, moins d’un an plus tard, le 4 août 1830, Montpellier apprend la chute de Charles X. Immédiatement, le maire et le préfrt Creuzé de Lesser donnent leur démission » 138. Le maire ultra-royaliste est alors remplacé le 16 août 1830 par un négociant appartenant à la minorité protestante, Louis Michel Castelnau, mais celui-ci démissionne très rapidement. Dès octobre 1830, Zoé Granier devient maire de Montpellier, se démettant toutefois à son tour le 19 juillet 1831 à la suite de l’ordre d’enlèvement de la statue de Louis XVI donné par le préfet pour éviter d’inutiles provocations faute de Gardes nationaux en nombre suffisant pour faire régner l’ordre…

Mais c’est-là une autre histoire que celle qui nous intéresse ici et revenons-en au mariage entre Pierre de Julien de Vinezac et Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, parente par alliance des susdits comte d’Antraigues et marquis d’Axat.

VI - De nouveaux drames chez les Vinezac

La situation médicale du nouveau couple formé en 1784 n’est guère brillante. Les enfants des Vinezac-Rigal sont tous atteints en effet d’hémoptysie. La nouvelle et jeune épouse de Pierre de Julien de Vinezac, une mineure née vers 1765-1766, est sans doute tout aussi fragile…

Elle a ainsi un premier enfant en novembre 1785, mais l’on attendra décembre 1786 pour procéder au baptême, cette cérémonie étant précédée en octobre 1786 d’une première fausse-couche, puis suivie en juin 1787 d’une nouvelle fausse-couche.

Le registre paroissial de Viols-le-Fort nous fait connaître ces trois étapes :

  • le 22 octobre 1786, on procède tout d’abord à Viols à l’enfouissement d’un embryon de seulement huit mois,
  • le 18 décembre 1786, un peu moins de deux mois après cet accident, le curé de Viols baptise d’une fille, Sophie, née plus d’un an auparavant à Montpellier, le 12 novembre 1785 (cf. ci-après),
  • puis, le 29 juin 1787, toujours à Viols, le curé enregistre l’enfouissement d’un autre enfant né avant terme.

Voilà de quoi ébranler bien des nerfs, déjà mis à rude épreuve par tous les décès prématurés qui sont survenus depuis 1777-1778. Ainsi, comme pour conjurer ce sort funeste, le curé de Viols-le-Fort, accompagné de deux de ses collègues et de deux chirurgiens, notera, sur une pleine page de son registre paroissial, comme on le faisait alors pour les seuls mariages des personnes les plus influentes, le baptême tardif d’une fillette dont on espère sans doute à Cambous, faute encore de garçon, qu’elle survivra à tant d’indicibles épreuves : « L’an sept cent quatre-vingt-six, et le dix-huitième jour du mois de décembre, ont été supplées les cérémonies du baptême à Mademoiselle Marguerite Sophie Gabrielle, fille légitime et naturelle de noble haut et puissant seigneur Pierre de Julien, marquis de Vinezac et de haute et puissante Dame Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, qui avait été ondoyée le jour même de sa naissance, douzième novembre mil sept cent quatre-vingt-cinq par Messire Castan, curé de la paroisse de Notre-Dame de la ville de Montpellier, son parrain a été haut et puissant seigneur Hyppolite du Vivier, comte de Lansac, son aïeul maternel, sa marraine haute et puissante Dame Marguerite de Rigol de Cambous, comtesse de Vinezac, son aïeule paternelle. Ont été présents haut et puissant seigneur Joseph de Julien, comte de Vinezac, marquis de la Roquette, baron de Pégairolles et Buèges, seigneur de Viols-le-Fort, de Viols Laval et autres places [son aïeul paternel], haut et puisant seigneur Pierre de Julien, marquis de Vinezac, père de la baptisée, Messires Antoine Sautel, prêtre et chapelain de Notre-Dame-de-Londres, Jean Raymond, prêtre et vicaire du présent lieu, et Messieurs Jean Louis Balard et Antoine Balard, chirurgiens » 139.

Mais, si cette fillette devait survivre quelques décennies et se marier en 1803 (cf. infra), l’inlassable faux de la mort devait venir à nouveau endeuiller dès le 8 janvier 1788, cette famille déjà si éprouvée par le sort à maintes reprises. Ainsi, le 10 janvier 1788, l’un des vicaires de Viols, Jean Pierre Saint 140, note que « très haut et très puissant seigneur Messire Pierre de Julien, marquis de Vinezac », est décédé le 8, âgé d’environ 35 ans, est qu’il fut inhumé « dans le caveau de la chapelle de Cambous dans la paroisse de Viols » 141, en présence de divers témoins non nommés, dont plusieurs religieux. Signatures : Gaud prieur, Barthès curé, Duranton, curé, Rey curé, etc.

Cet enfant chétif, né et ondoyé à Montpellier en janvier 1754, n’avait été baptisé à Viols-le-Fort qu’en septembre 1755, près de deux ans après sa naissance, le jour même où l’on baptisait une fille née en janvier 1755. La mort en janvier 1788 de ce fils brisait tous les rêves d’ascension sociale d’une famille qui avait côtoyé les grands de ce monde. En mai 1790, le père Vinezac, désormais privé d’héritier mâle et fort âgé pour l’époque (il était né en 1726), testait secrètement, prévoyant diverses clauses de substitution en raison des incertitudes pesant sur la vie ou la mort de sa petite-fille et la descendance ou non de sa plus jeune fille. Nous verrons plus loin cet acte en détail (cf. annexes), lors de son ouverture survenue seulement avec l’été 1792 142, mais l’attachement de Joseph de Julien de Vinezac à sa belle-fille est certain, déclarant lui léguer « un diamant de trois mille livres que je l’a prie d’accepter comme un léger témoignage de ma tendre amitié pour elle » 143.

Loin de là, le 4 avril 1790, en plein coeur du tumulte parisien, l’un des neveux de Joseph de Julien de Vinezac, Joseph Xavier de Julien de Vinezac (1749-1814), devenu major général de la 3e division des Gardes nationales de Paris, avait eu l’insigne honneur de voir le roi et la reine en personnes apposer leurs signatures au bas de son contrat de mariage avec une certaine Adélaïde Poissonnier des Perrières, ce dont la Gazette de France se fera l’écho 144, de quoi flatter l’orgueil de toute la famille et espérer pour elles maintes faveurs si la tourmente révolutionnaire venait, par improbable miracle, à s’apaiser (ce qui, on le sait, ne sera pas)…

Le 21 janvier 1791, alors que la France toute entière n’a d’yeux, de voix et d’oreilles que pour le serment que l’on se propose d’imposer au clergé et qui va exacerber les tensions à un moment où le pays n’en avait nul besoin, le notaire de Viols-le-Fort est mandé venir au château de Cambous, la veuve de Pierre de Julien devant mettre en ordre ses propres affaires financières 145. Sa propre mort est très prochaine. Ainsi, ce jour-là, haute et puissante Dame Henriette du Vivier, veuve de M. Pierre de Julien, ci-devant marquis de Vinezac, habitante ordinairement en son hôtel à Montpellier, déclare avoir récemment fait « un échange de plusieurs pièces, bergeries et bâtisse de métairie, étables et greniers à foin avec M. Le Bosch, soit ci-devant seigneur de Garrier, demeurant à la ville d’Ille en Roussillon 146 », par un acte reçu par Me Trulles, notaire de ladite ville le 16 octobre 1789, vraisemblablement en présence de l’un de ses procureurs. Aussi, désirant ratifier cet échange, elle déclare le faire par le présent document, promettant de ne jamais le contester, en présence de Joseph Rouel, ménager, et Jacques Rouveirol, fabriquant de bas de soie, habitants de Viols. L’acte, fort laconique, sans doute trop aux yeux du fisc, est enregistré à Saint-Martin-de-Londres le 12 février 1791, le notaire Vigié notant avoir agi à la réquisition de la dite Madame de Vivier de Vinezac et avoir reçu pour cela 20 sols, « sans préjudice de la contravention et de plus grands droits s’ils sont dus ».

Le 12 mai 1791, alors que les convulsions de la Révolution battaient désormais leur plein et étaient source de bien des soucis pour toutes les familles nobles, à une époque où l’on brûlait désormais les portraits du pape en place publique et où le roi s’apprêtait à fuir un royaume qu’il ne contrôlait plus, Dame Henriette Gabrielle de Lansac, veuve de feu Monsieur le marquis de Vinezac, décédée le 10, âgée d’environ 26 ans, était à son tour inhumée, deux jours après son décès. Le curé de Viols-le-Fort, indique ainsi l’avoir inhumée le 12 « dans la chapelle St-Jacques de notre église [de Viols] », en présence des sieurs Fulcrand Roques et Fulcrand Sérane qui signent avec le curé de la paroisse, Jean Pierre Saint. Nous ignorons le contenu du codicille qu’elle aurait dicté le 17 août 1790 (recherches en cours). Mais que de drames ! Que de pleurs ! Que de chagrins et de contrariétés en tous genres en si peu de temps ! Les Vinezac-Rigal n’avaient aucun héritier mâle et étaient désormais en charge de deux jeunes orphelines :

  • Agathe de Brignac, née en 1781, dont la mère était décédée en 1790, alors veuve depuis 1786,
  • Sophie de Julien, née en 1785, dont la mère, également veuve, venait de mourir en cette année 1791.

La Maison de Cambous retombait donc en quenouille, pour la troisième fois depuis 1708. Ses ultimes membres devaient faire face, l’âge grandissant, à une redoutable tempête dont nul, deux ans auparavant n’était à même de mesurer l’ampleur et ses fâcheuses conséquences, la Révolution. Un drame qui s’était abattu sur eux et sur toute la noblesse de France au moment même où ils mariaient en février 1789 leur fille cadette, la jeune Henriette de Julien de Vinezac, une jeune fille de constitution fragile, la seule qui pouvait leur donner, mais chez un gendre désormais, l’héritier mâle tant espéré (cf. ci-après). Mais qui pouvait bien savoir alors qu’un tel mariage allait la mener très rapidement en prison ? Qui pouvait savoir aussi qu’elle décéderait dès 1799, sans avoir atteint la quarantaine (comme ses frères et sœurs) ? Qui pouvait savoir encore qu’un féroce et long duel judiciaire allait devoir opposer, à partir de 1803-1808, ses deux enfants et les époux de ses deux nièces 147 ?

Conclusion

C’est donc un destin brisé auquel sont confrontés les Vinezac, y compris les neveux de Joseph de Julien de Vinezac, issus de la branche de Largentière. L’un deux, Joseph Louis de Julien de Vinezac (1753-1793), marié en 1784, est fusillé à Lyon après sa capture à Anse. Un autre, Gabriel Etienne, filleul en 1756 de l’épouse de Joseph de Julien de Vinezac, rescapé de Lyon, est considéré comme ayant trouvé la mort en 1795 à Quiberon. Un seul échappera à tous ces drames, Joseph Xavier (1749-1814), mais restera sans descendance. Major général de la 3e division des Gardes nationales de Paris, il aura certes l’insigne honneur de voir la famille royale apposer ses signatures au bas de son contrat de mariage, mais il sera contraint à émigrer et ne bénéficiera jamais des faveurs qu’il avait pu espérer lors de la formidable tempête qui allait mettre à bas quatorze siècles de monarchie.

Mais, si les destinées des Vinezac de Cambous et de Largentière se brisaient dès 1788-1790 sur les écueils de la maladie et de la Révolution, leur descendance à travers les femmes devait néanmoins connaître, chez les Ginestous, les Grasset, les Turenne et les Vogué de fort brillantes carrières de militaires, de conseillers généraux ou de députés légitimistes, de savants ou de diplomates, bref réaliser au cours du XIXe siècle ce que les Vinezac avaient seulement frôlé avec cette fin de XVIIIe siècle, à l’époque où un monde se mourait et où un autre naissait dans les convulsions que l’on sait.

Que de faste aussi quand la princesse de Wagram, épouse Turenne, fit de son château de Cambous, acquis à la fin du XIXe siècle auprès des Vogué, l’une des plus prestigieuses demeure de Languedoc où venaient des Toulouse-Lautrec ou quand un Turenne s’offrait en 1838, en sus des châteaux de Pignan et de Montarnaud qu’il tenait déjà, l’un de sa mère, l’autre de son épouse, la non moins prestigieuse abbaye de Valmagne, un admirable site que gère encore l’une des descendantes des Vinezac (voir annexes).

Notes

1.Christian Pioch. Une baronnie de Languedoc : Pégairolles-de-Buèges (Hérault) et les seigneurs de Cambous, ouvrage à paraître vers 2012 dont la présente étude constitue, après son introduction, l’un des chapitres. Autre ouvrage en préparation du même auteur : Histoire de la localité et de la communauté villageoise d ‘Argelliers (Hérault), à paraître fin 2099, début 2010, avec importants développements sur les biens de la Maison de Cambous sis au nord de cette commune.

2.Arch. dép. de l’Hérault, fonds de Cambous, 1 E 908.

3.D’après un tableau de conversion des livres en or ou argent métal que nous avons dressé pour 1610-1803 à par du titre (aloi) des monnaies en usage à cette époque, établi d’après les données numismatiques des ouvrages spécialisés de Victor Gadoury (conversion au cours de l’or fin en 2007). C’est ainsi que 1000 £ de 1610 correspondent à 9,16 kg d’argent pur (métal fin), puis 8,29 en 1643 ; 5,56 en 1715 ; 4,50 en 1774 ; pour 4,5 kg d’argent fin = 1000 francs de 1803. La parité avec l’or s’établit ainsi : 1000 £ de 1610 = 854 gr. d’or fin ; puis 636gr. en 1643 ; 372 gr. en 1715 ; 311 gr. en 1777 ; 292 gr. en 1785 ; 186 gr. en 1793, pour 290,250 gr. d’or fin = 1000 francs de 1803.

4.Arch. dép. de l’Hérault. C 96, période 1718-1727.

5.Françoise de Roquefeuil ayant plus de 25 ans, pouvait se marier sans l’assentiment parental. Il lui suffisait d’envoyer à son père, par voie d’huissier, trois lettres, dites de sommations respectueuses, le suppliant de bien vouloir approuver son projet de mariage, pour ne pas encourir la peine d’exhérédation pour les biens paternels (S’agissant des biens maternels, dont Cambous, Pégairolles et Vic, sa mère étant défunte et morte ab intestat, elle n’encourait rien). Le père Roquefeuil ayant intimé ordre aux curés de Pégairolles et de Viols de ne pas donner la bénédiction nuptiale au mariage projeté et de tenir les registres paroissiaux hors les mains de prêtres complaisants, c’est un neveu de Jacques Rica], Pierre André, pour lors curé de Montpeyroux, qui donnera en 1724 la bénédiction nuptiale au couple Rigal-Roquefeuil en l’église de Viols. N’en établissant toutefois trace que sur une feuille volante. Cette situation juridique étant gênante pour l’avenir, d’autant plus qu’aucun contrat de mariage ne fut établi, l’évêque de Montpellier ordonna en 1746 la réhabilitation du mariage et la retranscription de l’acte de 1724 (cf. registre paroissial, série communale). Le père Roquefeuil n’était pas un homme commode puisqu’il avait intenté dès sa jeunesse une action en cassation du testament de son propre père, alors établi au profit des enfants de second lit. Jacques Rigal et son épouse furent ainsi bannis de Cambous et leur fille, Marguerite Rigal, naîtra et sera baptisée en 1728 à Gignac. Ce n’est qu’après le décès du père Roquefeuil et entente difficile avec la sœur de Françoise Rigal que celle-ci pourra regagner Cambous. Les biens de Françoise resteront paraphernaux et sa sœur testera par la suite sans enfant, en veillant bien à dire que Jacques Rigal ne devra en rien s’occuper de la gestion de son héritage.

6.On se rapportera pour les détails et pour les innombrables pièces justificatives (plusieurs dizaines) à nos travaux à paraître.

7.Archives parlementaires, t. 4, 1879, texte disponible sur le serveur Gallica de la B.N.F. Le document 2384 est reproduit par J. P. Donnadieu dans Etats généraux de 1789, Sénéchaussées de Béziers et Montpellier, Montpellier, Arch. dép. de l’Hérault, 1989, p. 517-555.

8.Arch. dép. du Gard, L 3073, document comportant 59 dépositions, dont n° 26, Etienne Vernis, de St-Martin-de-Londres, qui cite, dans une courte déposition, avoir entendu deux passants parler de l’achat de 4 000 fusils par les Vinezac : « Nous avons manqué notre coup. Notre complot est découvert […] nous n’aurions pas manqué d’armes, [puisque] M. Vinezac avait acheté quatre mille fusils ».

9.Le décès de Marguerite Rigal veuve Vinezac fera l’objet de deux déclarations fiscales principales et distinctes survenues le 11 juin 1808 pour ce qui concerne le bureau de Montpellier (A.D.H., registre 3 Q 1045 pour 1808-1810, f° 39 V) et le 1er juillet 1808 pour ce qui concerne le bureau de St-Martin-de-Londres (A.D.H.), registre 3 Q 14213 pour An XI – 1808, f° 93 V. Des inventaires sont dressés dans la foulée à Montpellier et à Cambous, faisant état en 1793 d’une destruction d’archives qui n’était pas évoquée en série L et qui explique pourquoi le fonds de Cambous (série I E) est fort incomplet. Le notaire montpelliérain Pierre Charles Caizergues procède à inventaire fort détaillé les 29 février et 3 mars 1808, commençant en après-midi. On notera sur le plan anecdotique une impressionnante quantité de chocolat. Son collègue de St-Martin-de-Londres, Julien Henry Roux, procède de même à Cambous à partir du 15 mars 1808, dès 6 H du matin. Des déclarations complémentaires ont lieu au bureau d’Aniane le 1er juillet 1808 pour les biens d’Argelliers (3 Q 000830) et le 1er juillet 1808 au bureau de Ganges pour les biens de St-Jean-de-Buèges (3 Q 005469). Pour la commodité des calculs, on arrondira cet actif successoral, seulement estimé par les déclarants mais non déterminé par expert (sauf en ce qui concerne l’inventaire montpelliérain), à la somme de 812 000 F. Or, les premières pièces en or frappées lors de la réorganisation monétaire de 1803 qui créa le célèbre Franc Germinal (5 gr. d’argent à 900 millièmes de fin) étaient de 20 francs et pesaient 6,45 gr., titrées à 900 millièmes d’or fin. On en déduira que l’actif successoral déclaré en 1808, mais vraisemblablement sous-estimé, malgré la déclaration complémen-taire du 21 juillet, représentait environ 812 000 divisé par 20 = 40 600 pièces d’or de 20 francs et 6,45 gr. l’une, soit un poids en or brut d’environ 261 870 grammes, soit près de 262 kilogrammes d’or ! Une colossale fortune constituée d’un fort beau et fort grand château, Cambous, plus de très nombreuses terres, agricoles, pastorales et forestières, mais qu’il conviendrait estimer à environ un million de francs or si on y englobait la terre de Pégairolles et les biens ardéchois, deux biens des Vinezac-Rigal donnés à un fils en 1784. Voir entre autre choses la copie d’acte dressée à Paris le 18 février 1808, insérée dans les liasses cotées 2 E 57-718 aux Archives de l’Hérault (inventaires après décès) avec la date du 7 mars 1808 sur la page de garde. Pour la genèse du litige successoral, voir notamment : 1 E 374, document de 16 pages. Mais le roman-fleuve durera fort longtemps et représentera des centaines de pages.

10.  Le texte ci-après est repris tel quel du projet d’ouvrage. Les mentions cf. infra peuvent ainsi concerner des chapitres non développés ici.

11.  Sur les Pelet, ou Narbonne-Pelet, famille féodale de Languedoc aux origines prestigieuses, et notamment la branche lozérienne de Salgas voir : L’Armorial de la noblesse de Languedoc, de Louis de la Roque, t. 1, n° 425-426, p. 392-397 ; Michel Berrut : La Maison de Narbonne. Lacour, 1995, p. 145 ; Annuaire de la noblesse de France, 1847. p. 139 ; Pierre Rolland. Dictionnaire des camisards, Montpellier, Presses du Languedoc, 1995, notice de François de Pelet, baron de Salgas, p. 183.

12.  Sur la Maison du Puy de Montbrun et de Rochefort, voir : la notice spécifique à cette famille dans Annuaire de la noblesse de France, 1847, p. 325-330 les précisions de jurisprudence nobiliaire apportées par le même annuaire en 1877, p. 3 16-317.

13.  Un brigadier est aujourd’hui un grade subalterne. Il correspond à l’époque à un officier supérieur, un colonel, commandant une brigade, formation de deux régiments (on dit aujourd’hui général de brigade).

14.  Sur la Maison des Pierre de Bernis, voir : l’Armorial de la noblesse de Languedoc, de Louis de la Roque, t. 1, n° 192, p. 174, et la notice de la famille des Pierre de Bernis d’Hubert de Vergnette (Filiations languedociennes, Editions Mémoires et documents. Versailles, 3 vol. 2006 l’ouvrage de l’abbé Marcel Guy : Les seigneurs de Ganges (1096-1340), Nîmes, Lacour. 1998 ; le site Internet de généalogie de la famille de Simon de Solemy de Palmas ; les biographies relatives à François Joachim de Pierre de Bernis (notamment Internet) et les ouvrages sur le règne de Louis XV.

15.  Guy Chalissand-Nogaret, Le cardinal de Fleury, Paris, Payot, 2007, 243 p.

16.  Sur une abondante bibliographie, voir l’ouvrage de Benedetti Craveri, Reines et favorites, le pouvoir des femmes, Paris, Gallimard. 2007. p. 240-328. Sur les liens familiaux entre la marquise de Pompadour et la famille noble des Baschi d’Aubais, du Cailar et de Pignan, voir notre étude : Hommes de guerre, de Lettres et de Cour : Les Baschi, étude qui rectifie de nombreuses erreurs de filiation colportées encore de nos jours et montre comment la célèbre marquise maria à 12 et 13 ans seulement, soit l’âge canonique minimal, des nièces par alliance, filles de François des Comtes de Baschi (1701-1777) pour lors ambassadeur de France, et de Charlotte Victoire Le Normant (chez l’auteur. Carcassonne, 2008, 150 p.).

17.  Les chanoines-comtes de Lyon devaient faire preuve de huit quartiers de noblesse, en ligne paternelle, jusqu’en 1400, ce qui était indémontable pour de nombreuses familles, faute d’archives connues ou en raison d’anoblissement récent. On sait comment les généalogistes officiels étaient parfois peu regardants.

18.  Guy Chaussinaud-Nogaret, Casanova, Les dessus et les dessous de l’Europe des Lumières, Paris, Fayard, 2006, 498 p.

19.  La Révolution le surprendra hors de France, alors toujours ambassadeur à Rome, et il poussera le pape du moment. Pie VI, à condamner la constitution civile du clergé. Privé par la tournure des événements de ses prébendes ecclésiastiques de France, archevêché et abbayes, biens et pensions (400 000 livres de rente), il s’éteindra à Rome le 2 novembre 1794. L’un de ses parents par alliance (neveu de sa belle-sœur), François de Pierre de Bernis (1752-1824), qui lui servait de vicaire à Albi, lui succéda en cette cité épiscopale de 1794 à 1802, restant coadjuteur de 1802 à 1823 une fois le siège épiscopal supprimé. Il fut fait archevêque de Reims et Rouen en 1819-1823 et pair de France en 1821. Un petit-neveu de François Joachim. Monseigneur de la Fare, évêque de Nancy, sera pour sa part chargé d’affaires à Vienne pour le compte de Louis XVIII pendant l’émigration.

20.  Jacques du Puy-Montbrun avait eu de son premier mariage une autre fille, Victoire Julie Lucrèce du Puy-Montbrun, que l’on mariera en mai 1790 avec le susdit Pons Simon de Pierre de Bernis, son beau-frère, veuf depuis 1782 de sa sœur aînée et appelé en 1791 à devenir lieutenant général des armées du roi. En mai 1783, peu après le mariage d’Aglaé à Albi avec Pierre de Julien de Vinezac, naîtra par ailleurs un frère consanguin, le jeune Raymond Louis Désiré du Puy-Montbrun. Celui-ci se mariera par deux fois mais sa lignée s’éteindra avec lui. n’ayant eu que des filles pour lui succéder. Son château de Rochefort restera dans leur famille jusqu’en 1972.

21.  Arch. dép. du Tarn, 6 E 13-337, f° 78. Salvy, notaire. Texte fractionné, dates et nombres en chiffres, pour plus de commodité de lecture.

22.  Les notaires du Châtelet de Paris ont compétence de juridiction pour toute la France, contrairement aux notaires de province dont la compétence reste régionale.

23.  Cette précision de parenté (tante), relative à Claire Elisabeth de Brignac (personne rajoutée à la relecture du contrat) est pour le moins confuse. Claire Elisabeth de Brignac, mariée en 1752, est en effet la nièce de Lucrèce de Brignac et de François de Pelet, mariés en 1694. Elle est ainsi la cousine de Claude de Pelet, défunt époux de Françoise Hélène de Pierre, mariés en 1728. En quoi est-elle la tante de la jeune Aglaé Eléonore Henriette Françoise Dupuy Montbrun qui se marie en 1783 ? Elle est en tout cas une tante de Jacques Jean Elisabeth de Brignac, beau-frère depuis 1778 de Pierre de Julien de Vinezac, le futur époux de ladite Aglaée Eléonore Henriette Françoise Dupuy Montbrun. On en déduira donc une erreur rédactionnelle.

24.  Ledit Pons Simon Frédéric de Pierre de Bernis, est l’époux depuis 1755 d’une sœur (Marie Elisabeth Hyacinthe Hélène de Pelet), de la défunte mère (Thérèse Catherine de Pelet) de la jeune Aglaé. La précision d’oncle (par alliance) est donc ici exacte.

25.  La précision de parenté est là aussi exacte puisque ledit cardinal François Joachim de Pierre de Bernis est un frère de Françoise Hélène de Pierre veuve Pelet, grand-mère sus-citée de la jeune Aglaé.

26.  La précision allait de soi pour les contractants mais aurait dû néanmoins être apportée…

27.  Il est fort possible que Marguerite Rigal traverse alors une période délicate de sa vie sur le plan médical. En effet, bien qu’elle ne meure qu’en 1808, on constate qu’elle était déjà absente lors du premier mariage en 1783 de son fils.

28.  En 1808 (cf. infra), les biens des Vinezac-Rigal seront dits constituer « un capital de cinq cent quarante mille francs qui doit [cependant] être réduit à deux cent soixante-dix mille francs par la donation faite par Monsieur et Madame de Vinezac à Monsieur Pierre de Julien, leur fils, de la moitié de leurs biens, dans son [premier] contrat de mariage reçu [par] M Fabré, notaire de la ville d’Albi le 3 mars 1783 ».

29.  Soit pour 60 000 livres une dot de 270,4 kg d’argent fin ou 18,7 kg d’or fin en 1783 (seulement 17,5 kg d’or au tarif de 1785).

30.  Bien que Pierre de Vinezac ait 29 ans, il n’y a pas séparation de patrimoines et le père est donc garant, avec le fils, de la dot qui est apportée en cette année 1783.

31.  Il s’agit très vraisemblablement ici d’une deuxième sœur d’Aglaé, Jeanne Françoise Dupuy Montbrun, épouse depuis 1776 de Pons Simon de Pierre de Bernis, frère de l’évêque d’Appolonie. Le dit Pons Simon devenant veuf, se remariera en 1790 avec l’autre sœur, Victoire Julie Dupuy Montbrun, l’une des deux demoiselles dont il était question plus haut dans le texte pour le partage, par moitié, des légats maternels. Il ne peut s’agir de l’épouse de Pons Simon Frédéric de Pierre, procureur du père dAglaé et époux en 1755 d’une sœur de la mère d’Aglaé, Marie Elisabeth Hyacinthe Hélène de Narbonne Pelet, qui avait été précédemment fiancée à son frère, François de Pierre, tué au combat en 1746 peu après leur projet de mariage. En effet, un peu plus bas dans le texte, on parle explicitement d’une substitution en faveur de « Pons Simon de Pierre, vicomte de Bernis, [petit] neveu par alliance (via le mariage de 1776) de sa dite Eminence ».

32.  Aglaé est la petite-nièce du cardinal de Bernis et non pas de Pons Siméon Frédéric de Pierre, chevalier de Bernis. Celui-ci est en effet son oncle direct, mais par alliance seulement…

33.  La monnaie de cours est la monnaie légale qui passe des mains d’un particulier à un autre. La monnaie de recette correspond aux encaissements des trésoriers agissant pour le compte du roi. Comme les monnaies en métal précieux étaient souvent rognées par les particuliers ou par des trésoriers indélicats afin d’en prélever quelques parties de métal destinées à la refonte (or et argent en déchets, bijoux, vaisselle, etc., sont convertibles en pièces auprès des ateliers monétaires), des monnaies parfaitement cylindriques, avec tranche gravée, apparurent au début du XVIIe siècle, limitant la possibilité de rogner les pièces, leur altération devenant trop évi-dente pour être acceptées. La précision monnaie de recette indique ainsi qu’il s’agit ici de pièces en partait état, des espèces sonnantes et trébuchantes, c’est-à-dire que l’on fait tinter pour vérifier qu’il n’y a pas de faux et qui sont pesées pour en vérifier le poids.

34.  Soit une dot portée à 100 000 livres en tout, correspondant à 450,67 kg d’argent fin ou 31,17 kg d’or fin.

35.  Il convient de remarquer que nous sommes ici en Albigeois, dans une région marquée depuis le XIIIe siècle par les statuts de Pamiers imposés par Simon de Montfort au nom des traditions franques, non pas dans la région montpelliéraine qui ignore généralement le droit d’aînesse (tout en le pratiquant de manière détournée par le droit de légitime limitant la part des autres héritiers). Voir l’ouvrage de Pierre Timbal, Un conflit d’annexion au Moyen-Age, l’application de la coutume de Paris en pays d’Albigeois, 1950. Voir aussi l’ouvrage d’Argou, Institution au droit françois (édition de 1764), disponible sur le serveur Gallica de la B.N.F.

36.  Le taux de 5 % reste pratiquement inchangé depuis de nombreuses décennies, sauf exceptions particulières. Il est le loyer commun de l’argent.

37.  Pons Simon Frédéric de Pierre de Bernis était le fils d’André de Pierre de Bernis et d’Anne Thérèse de Nigry. Il avait épousé en 1755 Marie Hélène Hyacinthe de Narbonne Pelet, tante d’Aglaé.

38.  Arch. dép. du Tarn, registre des sépultures (série communale) de la paroisse Ste-Martianne d’Albi, disponible sur le serveur numérique des archives en ligne.

39.  Arch, dép. de l’Ardèche, registre paroissial d’Aubenas, disponible sur le serveur numérique des archives en ligne.

40.  Les communes ardéchoises de St-Etienne-de-Boulogne et de Gourdon, sont situées entre Aubenas et Privas, dans les montagnes au nord-ouest du plateau de Coiron.

41.  Espic, notaire d’Aubenas, cité par Hubert de Vergnette, Filiations Languedociennes, op. cit.

42.  Arch. dép. de l’Hérault, 2 E 58-137, f 436 v°, Péridier, notaire.

43.  Un contrat de mariage est un traité entre familles, avec consentement des parties intéressées, d’où le nom de traité ou pacte de mariage que l’on trouve dans les registres notariaux anciens.

44.  Acte non consulté, cité dans celui du 22 novembre 1784.

45.  Soit un peu plus de 216 kg d’argent fin ou près de 15 kg d’or fin.

46.  La localité d’Ille-sur-Têt est située à l’ouest de Perpignan (22 km), au pied du massif du Canigou. On sait par des documents ultérieurs que certains biens étaient situés sur le massif du Canigou lui-même, dont les mines de fer sises au Pic de l’Estelle, un sommet annexe (1 731 m) à l’est du sommet principal (2 784 m), dites mines de Batère et des Indis (cf. 1803 mariage Vogué-Vinezac et litige successoral entre les divers héritiers des Vinezac).

47.  Soit un peu plus de 360 kg d’argent fin ou près de 25 kg d’or fin.

48.  Vivès : localité de la vallée du Tech, près de Céret, au sud d’Ille-sur-Têt.

49.  La localité audoise d’Alet était depuis le XIVe siècle le siège officiel d’un diocèse dit d’Alet et Limoux (transféré à Limoux après destruction de la cathédrale) qui couvrait une partie de l’actuel département des Pyrénées-Orientales (Fenouillèdes) et jouxtait ainsi le diocèse de Perpignan (ancien diocèse d’Elne).

50.  Au vu de toutes ces conditions relatives à la dot de la future épouse, parfois peu aisées à comprendre, on imagine sans peine les difficultés de calcul qui pourront survenir un jour, quand il faudra traiter au décès de l’un ou de l’autre ou bien au mariage des enfants nés de cette union. On verra ainsi en 1803 comment le compte de tutelle de l’héritière du couple, appelée alors à se marier à son tour, sera un véritable embrouillamini, rendu encore plus complexe par les ravages commis sur les biens catalans de la Dlle du Vivier par les émeutiers de la Révolution puis par les armées françaises et espagnoles en guerre.

51.  Soit plus de 135 kg d’argent fin ou 9,351 kg d’or fin.

52.  La véritable abbaye du Vignogoul (ou abbaye de Bonlieu) était un établissement rural des environs de Montpellier, sur la route de St-Georges-d’Orques à Pignan. Cette abbaye de femmes, devenue cistercienne en 1242, véritable joyau du gothique languedocien, se transplanta à Montpellier au XIVe siècle une fois l’édifice rural menacé par les bandes de Routiers. Une union avec les dominicaines prouillanes de Montpellier se termina en 1446 par un procès désastreux et les cisterciennes du Vignogoul ne gardèrent à Montpellier qu’une maison à trois étages, sise au quartier St-Jean. L’établissement d’origine étant ensuite réoccupé, les moniales du Vignogoul durent à nouveau fuir au XVIIe siècle, à l’occasion des guerres civiles du règne de Louis XIII. Obtenant l’autorisation de venir habiter Montpellier, elles y acquirent une maison, près des Augustins (celle où fut passé le présent contrat de 1784), y firent bénir une chapelle en 1683, et disposèrent ainsi de deux implantations maintenues jusqu’à la Révolution, l’une à Montpellier, l’autre près de Pignan. La paroisse de St-Martin du Vignogoul, entre l’abbaye et le château de Pignan, étant toutefois ruinée, les moniales durent faire envoyer tous les dimanches un prêtre de Montpellier dire la messe dans leur ancienne église abbatiale, restée à peu près intacte. Son abbesse fut de 1768 à 1790 la Sœur de Foresta de Colongne (Fisquet, France pontificale, vol. I. Montpellier et Agde, p. 383-389). Marie de Bérard de Montalet, abbesse du Vignogoul, était présente en 1752 lors du mariage entre Jean-François de Rouch et Claire Elisabeth de Brignac, tante paternelle de Jacques Jean Elisabeth de Brignac, époux en 1778 de Françoise de Julien de Vinezac.

53.  Les Cambis (Armorial de Louis de la Roque, t. 1, n° 126, p. 119) ne semblent être là qu’en amis de la famille.

54.  Louis Victorien de Castillon, né en 1725 à St-Victor, diocèse d’Uzès, servit dans plusieurs unités militaires, dont les dragons, et fut en fin de carrière brigadier des armées, inspecteur commandant général des troupes de l’île de Saint-Domingue, puis major général commandant la légion de cette colonie (1767), devenant maréchal de camp (1768) et se retirant en 1770 (site Internet sur les Caraïbes). Sur les Castillon, voir le Nobiliaire universel de Viton de Saint-Allais, t. 4, p. 148, et l’Annuaire de la noblesse, 1852, p. 298.

55.  Les noms de terres des nobles ou des roturiers, comme leurs possessions, peuvent correspondre à des localités villageoises d’Ancien régime comme à de simples lieudits, des champs parfois, comme pour les Gailhac de Montseigne, ou de St-Marcel, à St-Pargoire (Hérault), du nom d’un champ dit de Montseigne (Monseigneur) ou d’une église rurale disparue. S’agissant de Sarraute, il peut s’agir d’une localité ariégeoise (à charge de le démontrer), une communauté villageoise de ce nom du diocèse de Mirepoix, rattachée en 1790 à Troye-d’Ariège, étant citée par Anne Blanchard et Elic Pélaquier dans Le Languedoc en 1789, Des diocèses civils aux départements, Essai de géographie historique, Bulletin de la Société languedocienne de géographie, 112e a., fasc. 1-2, janv.-Juin 1989, p. 109, n° 09-085.

56.  Fille de Pierre Hippolyte de Bon du Massés (ou Massez), marquis de Cazaux, et de Jeanne Dax, de la Serpent (commune audoise), mariés en 1661, de la famille béarnaise des Béon du Massés-Cazaux. « Charles, le dernier des Béon du Massés, avait épousé Aime Dorothée du Hautoy (famille comptée parmi les petits-chevaux de Lorraine), dont il se sépara en 1698. Il devint l’amant de la femme de Pierre Gardel, trésorier général des fortifications de France, puis de la fille de celle-ci, Anne Charlotte (que l’on soupçonnait d’être sa fille), qu’il débaucha à 17 ans, alors qu’il en avait lui-même 54 » ! (Maison de Béon. Wikipédia, et site GeneaNet Julie Marie Robin-Wagner). La grand-mère paternelle de la-dite Jeanne Dax, était une Vivier (Lucrèce, épouse d’Hercule de Dax, baron de la Serpent) (cf. généalogie Dax, Hubert de Vergnette, Filiations languedociennes, op. cit.).

57.  Sources du tableau : – mariages de 1649, 1693 (avec Mairville). 1708, 1744, 1765, et 1786 selon les relevés GeneaBank de l’Association catalane de Généalogie. – mariage de 1693 (avec Béon) selon les sites GeneaNet évoquant cette famille. – mariage de 1727 selon les relevés de mariage à Sauve (J. C. Deschard). – mariages de 1733 à Claret puis de 1768, 1784 et 1788 à Montpellier, selon nos propres relevés.

58.  Forteresse stratégique nouvelle, construite en 1687 au pied des Cévennes, sur la route reliant Nîmes à Ganges et au Vigan, pour tenir une contrée à majorité protestante, laquelle se révèlera très utile aux troupes royales lors de l’insurrection de 1702, repoussant les assaillants en 1704 après avoir perdu en 1703 un détachement surpris et alors vaincu par les troupes insurgées de Rolland et Cavalier. La proche ville de Sauve, au-dessus de la résurgence du Vidourle, était également fortifiée (mais l’était depuis le Moyen-Age) et tombera par habile surprise en 1702 aux mains des insurgés.

59.  La partie sud-orientale de l’ancien diocèse d’Alet et Limoux, le Fenouillèdes, a été rattachée à l’actuel département des Pyrénées-orientales formé à partir de l’ancien diocèse d’Elne puis Perpignan.

60.  Dans le département de l’Hérault aujourd’hui.

61.  L’inversion du patronyme et du nom de terre est celle du texte.

62.  Arch. dép. de l’Hérault, registre paroissial de Claret.

63.  D’après la fiche GeneaBank de l’Association catalane de généalogie, mariage M265904. n° 1161.

64.  « Le nom de Saint-Priest, qui se prononce aujourd’hui Saint-Prix et quelquefois encore dans le pays Saint-Priet, est celui d’une seigneurie située à deux lieues de Lyon et trois lieues de Vienne en Dauphiné » (Annuaire de la noblesse de France, 1849-1850, p 493, notice sur la branche des ducs d’Almazan). Sur les Saint-Priest Pierre Clerc et collaborateurs : Dictionnaire de biographie héraultaise, édition de 2006, vol. 2, p. 1039 Louis de la Roque : Armorial de la noblesse de Languedoc, vol. 2, n° 843, p. 241 Nicolas Viton de Saint-Allais, Nobiliaire universel de France, tome 6, p. 30.

65.  Commune des Albères, étymologiquement la cluse, sur le tracé de la voie Domitienne gagnant le col de Panissar, près du Perthus, et où se trouvaient d’antiques fortifications romaines.

66.  Commune des gorges de l’Agly à l’est de Lansac.

67.  L’ouvrage de Pierre Malles sur la Cour des comptes, aides et finances, op. cit., p. 149 et 175, indique que Joseph Philibert Richer de Belleval, fils du président Gaspard et d’Elisahcth de Greyssieux, fut nommé président en 1729 par réception du 17 décembre, et qu’il épousa en octobre 1735 Marguerite Mouton, sœur d’un conseiller, dont il n’eut pas d’enfant, se démettant de sa charge le 28 juillet 1776 au profit d’un neveu, Jean Jacques Mouton de la Clotte qui obtint alors dispenses d’âge, de service et de parenté. On supposera en conséquence que le mariage avec Elisabeth de Pavée de Villevieille survint ensuite.

68.  D’après la fiche GeneaBank de l’Association catalane de généalogie, mariage M 146469, n° 655.

69.  Albert Leenhardt, Quelques résidences des environs de Montpellier, vol. 1, 1931, p. 1707-116, rééd. Champion-Slatkine, Paris-Genève, 1985.

70.  Arch. nationales, CARAN, V/I/370 pièce 211.

71.  Pierre Vialles, op. cit., p. 162.

72.  Arch. dép. de l’Hérault, registres paroissiaux de Montpellier.

73.  Antraigues-sur-Volane (Ardèche), dans les montagnes au nord d’Aubenas, dans les gorges de la Volane.

74.  On notera la présence de François Armand de Ginestous et de son épouse, dont le fils aîné, Anne Eugène, épousera en 1789 Henriette de Julien de Vinezac, la plus jeune des filles, et le seul enfant encore en vie, de Joseph de Julien de Vinezac et de Marguerite Rigal. Parmi les signatures une Françoise du Vivier de Lansac.

75.  Henriette du Vivier de Lansac, demi-sœur de l’épouse, pour sa part précocement veuve depuis le 10 janvier 1788 de Pierre de Julien de Vinezac, avec qui elle avait été mariée en 1784, ne figure pas parini les signataires.

76.  Le jugement de 1824 est bancal. Si la rectification d’état civil est légitime pour les particules et noms de terre qui étaient ceux de naissance, les décorations citées n’existaient pas en l’An V (Légion d’Honneur) ou n’étaient pas encore rétablies (St-Louis). L’ajout les concernant est donc superfétatoire et anachronique. Mais l’intéressé est en 1824 le maire de Montpellier…

77.  Sur les Launay (alias Launai) et plus particulièrement Louis Alexandre de Launay, comte d’Antraigues (alias Entraigues) : – Louis de la Roque, Armorial de la noblesse de Languedoc, vol. 1, n° 346. p. 319 biographie Wikipédia et site Portrait d’Ardéchois ; Pierre Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise. t. 2, p. 1188. – Michel Riou, « De Launay, comte d’Antraigues », Mémoire d’Ardèche, Temps présent, n° spécial sur la Révolution. Cahier n° 13, 1987, p. 32, disponible en ligne sur le réseau Internet. – Jacqueline Chaumié, Le réseau d’Antraigues et la contre-révolution, 1791-1793, Paris. Plon, 1965,471 p. Ouvrages non consultés : – Jacques Godechot et Michel Péronnet, « D’Antraigues et le mémoire sur les Etats Généraux (novembre 1788) », Assemblae di stati e instituzione rappesentative nella storia del pensiero politico moderno, secoli XV-XX, Rimini, Maggrili editore, 1984, t. 1, p. 405-430. – Jacques Godechot : Le comte d’Antraigues, un espion dans l’Europe des émigrés, Paris, Fayard, 1986, 325 p. D’Antraigues et l’assemblée de la noblesse de Villeneuve-de-Berg », Communautés d’oc et Révolution française (LVIIIe congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Vogüé et Aubenas, 6-8 juin 1986), Revue du Vivarais, 1987, n° spécial, t. II, p. 24-72.

78.  Site Internet du château de Bruget à Jaujac (Ardèche), qui applique à la localité aveyronnaise d’Entraygues-sur-Truyère l’orthographe erronée d’Antraigues qui est celle d’Antraigues-sur-Volane en Ardèche.

79.  Chroniques paroissiales de Villaines sur Internet, bénédiction du 18 décembre 1770 de trois cloches de 1216, 905 et 642 livres.

80.  Voir le tableau général des membres de la loge pour 1773 dans l’ouvrage collectif Documents de l’histoire du Languedoc, Toulouse, Privat, 1969, p. 277.

81.  Cette société philanthropique qui ressemble alors plus à une coterie de libertins et de bons vivants de bonnes familles qu’à un véritable lieu de débats, regroupera néanmoins tout et son contraire.

82.  Thèse de doctorat de M. J.-L. Quoy Bodin, L’armée et la franc-maçonnerie au déclin de la monarchie, sous la Révolution et l’Empire, Sorbonne, 1980, citée par la revue Histoire Magazine, n° 7, 1980, p. 86.

83.  Humanisme, revue du Grand Orient de France, n° 190, 1990.

84.  Oswald Wirth. La franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adaptes, 3 vol., Devry, 1977 (vol. I, p. 83).

85.  Voir l’ouvrage de Pierre Gouhert et Daniel Roche, Les Français et l’ancien Régime, Colin. 2005. p. 253. S’agissant des constitutions maçonniques, dites Constitutions d’Anserson, Histoire, obligations et statuts de la très vénérable confraternité des francs-maçons, se rapporter à l’édition Romillat de 1993 et au débat moderne de présentation de l’ouvrage. Outre les ouvrages spécialisés, voir la notice sur la franc-maçonnerie dans l’ouvrage de Guy Cabourdin et Georges Viard : Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Colin, 2003, p. 151.

86.  La courte biographie du comte d’Antraigues sur le site Internet consacré à Cambacérès (1753-1824), le dit même « de noblesse douteuse ». Un jugement du 16 décembre 1670, cité par Louis de la Roque, confirmait cependant Trophime de laminai, comte d’Entraigues, Sgr de la Champ, dans l’ordre de la noblesse.

87.  Nous n’entrerons pas ici sur le débat opposant les historiens sur l’influence réelle ou fictive des Etats de Languedoc qui, pour notre part, nous semble très amoindri à partir des années 1620-1630, ses membres ne s’opposant qu’en de rares occasions aux volontés royales, avec une place prépondérante du clergé, toujours nommé sur décision royale. On admettra bien quelques velléités d’opposition, notamment avec les Bonzy, mais sans grandes conséquences, surtout une fois l’absolutisme royal bien installé dans la plupart des provinces.

88.  John Locke, Carnet de voyage à Montpellier et dans le sud de la France (1676-1679), Montpellier. Presses du Languedoc, 2005, 206 p.

89.  Il s’agit d’Anne Antoinette Clavel, née en 1756, épouse de Croisilles de Saint-Huherty, avec qui il se maria secrètement en Suisse le 29 décembre 1790. Voir sur Internet la biographie de celle-ci (Grand dictionnaire des femmes de l’ancienne France. SIEFAR).

90.  Communication de M. Hubert de Vergnette : « La terre de Tornac, située au sud d’Anduze, fut érigée en baronnie par lettres patentes du 8.9.1694 en faveur d’Henri Mis de La Fare (Gastelier de la Tour : Armorial des Etats de Languedoc). Elle entra dans la branche de Beaumont Brison de la maison de Beauvoir de Grimoard du Roure par le mariage en 1721 de Marie Fleurie de La Fare, petite fille d’Henri, avec Joseph de Beauvoir du Roure Cte de Brison. Leur fils, Denis François Auguste, né en 1723, entra aux Etats pour la baronnie de Tornac et aussi pour la baronnie de Largentière qui était une des douze baronnies de tour du Vivarais. Mais c’est sans doute son fils, Nicolas, maréchal de camp en 1780, qui a demandé à Joseph de Julien de Vinezac de le représenter aux Etats ». De ce fait, même si la parenté de 1686 avec les Vinezac devenait lointaine, les solidarités familiales restaient encore vivaces un siècle après, en 1789.

91.  Tel est le titre, de mai à juillet 1789, du journal de Mirabeau, devenu ensuite Le courrier de Provence.

92.  « Avis à M. le comte d’Antraigues, député aux Etats Généraux pour la noblesse dans la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg en Vivarais, qui peut servir à un grand nombre d’autres députés de la noblesse et du clergé, [écrit] par un baron en titre de baronnie, de la province de Languedoc » (cf. serveur Gallica de la B.N.F.). Il est fort possible que cet auteur anonyme soit Marie Charles César de Fay (1756-1831), un colonel du régiment de Soissonnais, natif de Grenoble, comte de la Tour-Maubourg, l’un des douze barons du tour du Vivarais aux Etats de Languedoc, député de la noblesse du Velay aux Etats Généraux. M. Hubert de Vergnette, avec qui nous envisagions une proposition d’identification de cet auteur anonyme de 1789, nous précise à cet effet que cet aristocrate « avait ma-nifesté des idées avancées en se démettant de certains droits sei-gneuriaux qu’il possédait en Languedoc, [et] se fit remarquer par son grand zèle pour les réformes et un attachement aux idées nou-velles. Il se réunit au tiers état pour concourir à la régénération publique. Il fut chargé avec Barnave et Pétion de ramener le roi après la fluite à Vincennes » (Adolphe Rochas, Biographie du Dauphiné). Très lié à La Fayette, il suivit celui-ci à l’étranger et partagea sa captivité jusqu’au traité de Campo-Formio en 1797. Devenu membre du Corps législatif en 1801 puis sénateur en 1806, il sera nommé gouverneur de Cherbourg et pair de France en 1814. Epoux d’Anastasie du Mottier de La Fayette, il mourut à Paris en 1831.

93.  Disponible sur le serveur Gallica de la B.N.F.

94.  L’auteur de juin 1789, en parodiant le comte d’Antraigues, écrit cette expression en italique, avec en annotation : Mémoire du C. d’A.

95.  On sait comment nombre de réformes votées par la noblesse furent précipitées par la jacquerie qui se développa en province, avec crainte d’une insurrection paysanne généralisée, fomentée ici ou là par des personnes qui n’avaient souvent rien à voir avec celles qui se révoltaient contre les droits féodaux. Mais ce point est à nuancer selon les régions et la théorie du complot, évoquée par quelques auteurs contemporains, parfois peu objectifs, gagnerait à être étayée.

96.  Collectif sous la direction de Philippe Wolff, Histoire du Languedoc, Privat, 1967, p. 443, article de Jean Soutou.

97.  Jacqueline Chaumié, op. cit., p. 330.

98.  Le roi reste encore vénéré jusqu’aux premiers mois de 1789 comme le montrent les cahiers de remontrances et de doléances des multiples provinces du royaume. Nombre de personnes sont persuadées alors qu’il est bon, mal entouré, mal informé (« Ah, si le roi savait »…), qu’il saura les écouter, etc.

99.  Consultable sur le serveur Gallica de la B.N.F.

100.  La pression fiscale royale atteint désormais des niveaux peu compatibles avec les possibilités réelles de la paysannerie, d’autant plus qu’elle n’est pas directement liée, tout comme les droits féodaux (de montants fixes et donc insensibles à la conjoncture), aux récoltes effectives, très faibles en 1788-1789. Les procès relatifs aux dîmes, pour leur part proportionnelles aux récoltes, sont très nombreux à cette époque, à l’exemple des moines d’Aniane, en Languedoc, surtout pour les productions nouvelles (olives confites par exemple, sans transformation en huile), et ce malgré les déclarations royales visant à exempter, un certain temps, les terres nouvellement défrichées. L’hiver 1789, catastrophique, a mis la paysannerie dans l’incapacité d’acquitter des impôts nouveaux et l’idée de devoir racheter les droits féodaux est de ce fait très impopulaire.

101.  Il s’agit ici du droit de tenure, les redevances censitaires, pour les terres dont les particuliers sont en principe propriétaires (ils peuvent les transmettre et les vendre), mais pour lesquelles ils doivent néanmoins acquitter aux seigneurs dont relèvent ces terres des sommes fixes, en nature ou en espèces, qui sont indépendantes de toute productivité réelle ou non des exploitations. Qu’il y ait ou non récolte la redevance est due. Cette propriété, a priori pleine et entière, est en fait emphytéotique, assortie en cas de vente d’un droit de mutation foncière, payé par l’acquéreur au seigneur, généralement au taux de 20 %. Il ne s’agit pas ici des fermages et métayages qui correspondent à d’autres types d’exploitation des sols, avec un propriétaire, parfois un seigneur, et un utilisateur, simple locataire au sens strict du terme (le fermier) ou intermédiaire uniquement astreint au versement d’une partie des récoltes (le métayer). Le fermier est dans la même situation que le tenancier soumis au droit féodal, le montant de son fermage est fixe, indépendamment de toute récolte. Le métayer est par contre plus à l’abri. Il ne doit que la moitié (ou toute autre proportion contractualisée) des récoltes.

102.  Sur les prélèvements effectués par l’abbaye de St-Guilhem dans les multiples seigneuries de sa dépendance au Moyen-Age, alors sur toutes les populations, et sans qu’un repeuplement quelconque soit envisagé, pas plus que la mise en valeur de terres nouvelles, voir notre étude, dé-posée aux Archives de l’Hérault en 1999 : La seigneurie foncière de l’abbaye de St-Guilhem-le-Désert (Hérault) et l’économie rurale au Moyen-Age dans les causses et garrigues du Languedoc oriental d’après les pouillés du cartulaire de Gellone (XIIe siècle).

103.  André Castelot, Louis XVII, Perrin. 1968, et les autres ouvrages sur le sujet, fort nombreux, qu’il serait inutile de rapporter ici.

104.  Gabriel Fontaine, Le procès du marquis de Favras, in La Nouvelle Revue. T. 6. novembre 1908, p. 51-61 et 171-184, disponible sur le serveur Gallica de la B.N.F.

105.  Jacqueline Chaumié, op. cit., p. 224 et suivantes.

106.  Ouvrages disponibles sur le serveur Gallica de la B.N.F.

107.  Point d’accommodement, p. 20.

108.  Ouvrage disponible sur le serveur Gallica de la B.N.F. On notera que circule à partir du 24 novembre 1791 une fausse rumeur d’évasion réussie du roi.

109.  A l’époque du tsarisme en Russie, les révolutionnaires partis à l’étranger feront rentrer dans ce pays des caisses entières d’ouvrages subversifs dont la couverture et les premières et dernières pages n’avaient rien à voir avec leur contenu…

110.  On songera aux sages propos qu’un commandeur de l’Ordre de Malte, en charge de la commanderie de Ste-Eulalie-de-Cernon, en Larzac, Jean Antoine Joseph Elzear de Riqueti-Mirabeau, adressera à l’un de ses neveux, le bouillant Victor Riqueti, marquis de Mirabeau : « Songez, mon neveu, [à ce] que toutes les révolutions sont funestes à ceux qui les fomentent ». On songera aussi aux propos d’un célèbre philosophe anglais sur la nature des hommes : « homo homini lupus ».

111.  La thèse du complot, encore reprise aujourd’hui par des mouvances royalistes et intégristes (Christ-Roi, par exemple, sur Internet), est alors bien commode (comme on dénoncera en 1940-1941 un prétendu complot judéo-maçonnique après avoir dénoncé en Russie, avant 1917, de prétendus protocoles des sages de Sion), évitant aux intéressés de se poser les réelles questions sur le pourquoi et le comment des choses. Mais cette thèse a hélas été alimentée par la partie adverse, notamment par les mouvances néo-templières, nées lors des errements de la maçonnerie du XVIIIe siècle et du début du XIXe, sous l’Empire, quand certains se sont crus autorisés à dire que les régicides de 1793 avaient enfin vengé Jacques de Molay. Au délire des uns répondait le délire des autres…

112.  Anne Blanchard, Vauban. Paris, Fayard, 1996, 682 p.

113.  Sa mère, Françoise de Châlus, duchesse de Narbonne-Lara par son mariage, fut Dame d’honneur de Madame Adélaide, fille de Louis XV, et la maîtresse de ce dernier.

114.  Sur le rôle joué par deux députés de la famille Bergasse à cette époque, voir l’ouvrage de Jean-Denis Bergasse : D’un rêve de réformation à une considération européenne, MM. les députés Bergasse (XVIIIe-XIXe siècles), Millau, 1990.

115.  Il s’agit d’Etienne Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, nommé en 1787 chef du conseil des finances (ministre des finances) mais contraint de se retirer en 1788.

116.  Si la franc-maçonnerie française se développe surtout à partir des années 1720-1730 (puis dans la seconde moitié du siècle), il vise manifestement-là l’arrivée en France, à Saint-Germain-en-Laye de Jacques II et de nombreux maçons de son pays aux lendemains de la révolution anglaise de 1688-1689 l’ayant destitué.

117.  Sans doute vise-t-il là l’admission de Voltaire, non à l’Académie, ce qui fut fait dès 1746, mais son retour triomphal à Paris en 1778 et sa fameuse initiation à la loge dite des Neuf Sœurs. alors même que cet écrivain s’était pendant très longtemps opposé à la maçonnerie.

118.  C’est sans doute des gens comme Voltaire qu’il fustige sous le terme de « Romanciers ».

119.  Ennemi avant 1789 de l’absolutisme royal mis en place avec Louis XIII et Louis XIV, partisan d’une noblesse strictement féodale, le comte d’Antraigues défend-là les lois dites fondamentales, principalement coutumières mais fixées par l’usage, qui régissaient jadis le royaume.

120.  Sur l’histoire générale de l’émigration, voir l’ouvrage de Ghislain de Dieshach : Histoire de l’émigration, 1789-1814, rééd. Paris, Perrin, 2007, 635 p.

121.  La pseudo-bataille de Valmy, simple canonnade sans réels com-bats, avec retraite en bon ordre de l’ennemi, en sera un bon exemple.

122.  Les récits des officiers émigrés sont affligeants sur la manière dont de nombreux nobles, d’une indiscipline chronique et d’une arrogance sans limite, étaient inaptes au métier des armes et considéraient comme avilissant d’avoir à démonter, nettoyer et remonter, l’armement qui leur était confié.

123.  Michel Riou, op. cit.

124.  Jacqueline Chaumié, op, cit, p. 378-379, notes n° 19 et suivantes.

125.  Ibid., notes p. 377.

126.  Ibid., p. 268 et suivantes. Lettres et rapports du comte d’Antraigues de novembre 1792 à Las Casas.

127.  Sur les Rabaut, alias Rabaud, voir : Les Rabaut, du Désert à la Révolution, actes du colloque de Nîmes de mai 1787 sur le bicentenaire de l’édit de tolérance, Montpellier. Presses du Languedoc, 1988. Pour Rabaut St-Etienne (1743-1793), exécuté comme nombre de Girondins en 1793, la noblesse n’était que « la partie décorée de la nation », rien d’autre (p. 88 de l’ouvrage). La gravure de Louis David illustrant le fameux Serment de Jeu de paume le montrait, lui le fils d’un pasteur du Désert, donnant l’accolade fraternelle à un moine, dom Gerle, et à un prêtre célèbre, l’abbé Grégoire.

128.  Jacqueline Chaumié, op. cit., p. 160-161.

129.  En dehors des grandes figures nationales, ou ne voit cependant pas apparaître dans l’ouvrage de Jacqueline Chaumié les noms de personnes habitant l’Hérault, le Gard ou l’Ardèche qui furent de tous ces projets, mais on comprendra aisément qu’un espion et agent secret comme le comte d’Antraigues ne pouvait pas citer explicitement dans ses correspondances le nom des personnes avec qui il traitait.

130.  On sait aussi que Joséphine de Beauharnais, la première épouse de Bonaparte, était une grande admiratrice de Mlle de Saint-Huberty, l’épouse du comte d’Antraigues.

131.  Jacques Godechot, Revue du Vivarais. n° 1 et 2 de 1789 (n° spécial : Le Vivarais dans la Révolution), p. 75.

132.  Cet assassinat, curieusement suivi du suicide du serviteur, laisse entendre qu’il aurait été tué sur ordre de l’un des grands princes du moment, l’Empereur français, le prétendant au trône (Louis XVIII, principal suspect) ou bien tout autre monarque.

133.  Sur les Dax (alias d’Ax, orthographe plus logique), voir : – Hubert de Vergnette, Filiations languedociennes, op. cit., t. 1. – les notices de l’ouvrage de Pierre Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, t. 1. p. 651, auxquelles on ajoutera de Roland Andréani, « De l’Ecole militaire de Paris à la mairie de Montpellier, le marquis de Dax d’Axat (1767-1847), in Les Armes et la Toge. Mélanges offerts à André Martel. Montpellier, Université Paul Valéry, 1997. p. 297-306.

134.  N° 47 puis n° 37 de l’armée espagnole, ce régiment participera en 1808, avec ses 1 600 hommes, au siège de Gérone, et deviendra en 1814 le 41e régiment, devenant ensuite, en 1860, le 53e régiment d’infanterie, dit El Emigrado. Forçant parfois l’admiration des cadres des troupes françaises officielles et régulières, nombre de ces régiments émigrés se battront vaillamment et l’Empereur dira d’eux : « Ils étaient salariés de nos ennemis, cela est vrai, mais ils l’étaient ou [bien] auraient dû l’être pour la cause de leur roi, La France donna [souvent] la mort à leur action et des larmes à leur courage. Tout dévouement est héroïque » (Mémoires de Napoléon, t, II, p. 310, sites Internet relatifs aux armées émigrées).

135.  J P. Thomas, Précis historique des événements arrivés à Montpellier pendant les Cent-jours et l’interrègne, p. 62, cité dans l’ouvrage collectif L’Hérault de la préhistoire à nos jours, Saint- Jean-d’Angély, Bordessoules, 1993, p. 328.

136.  Roland Andréani, cité dans l’ouvrage collectif Histoire de Montpellier, Toulouse, Privat, 1984, p. 295-296.

137.  Château en bordure du Rhône, au sud-est de Pont-Saint-Esprit.

138.  Roland Andréani, op. cit., p. 296. La notice de Pierre Clerc donne toutefois la date du 24 avril 1830 comme fin de mandat municipal.

139.  Arch. dép. de l’Hérault, registre paroissial de Viols-le-Fort.

140.  Il succédera au curé Ricome le 17 septembre 1789.

141.  Le château de Cambous comportait une chapelle intérieure où fut célébré en 1778 le mariage Brignac-Julien et qui est mentionnée en 1808 lors des inventaires pratiqués au château (La chapelle extérieure et désaffectée qui est aujourd’hui visible au nord du château, dans le parc, n’est apparemment qu’un édifice privé du XIXe siècle, au temps des Vogué puis des Turenne). L’inventaire des archives monastiques d’Aniane cite en 1658 une convention entre le prieur de Viols et le seigneur du château de Cambous sur le service divin dans la chapelle privée dudit château que le seigneur voulait alors faire ériger en église paroissiale (n° 2055). Mais cette chapelle, non paroissiale, utilisée de temps à autre, n’était pas pour autant un lieu consacré susceptible d’accueillir des sépultures. C’est donc dans une autre chapelle, dite de Cambous, que fut inhumé Pierre de Julien en 1788 et il convient ainsi de comprendre qu’il fut inhumé en la chapelle St-Jacques de l’église paroissiale St-Etienne de Viols où les ascendants de Marguerite Rigal épouse Julien avaient droit de sépulture et où l’on inhumera, en 1791, sans équivoque possible, la veuve de Pierre de Julien.

142.  Arch. dép. de l’Héraut, 2 E 57-672 f° 450 v°, Vézian, notaire, avec mention en marge « délivré une grosse (copie) à M. de Turenne », sans doute écrite en 1799 ou à l’occasion du litige entre successeurs après 1803. Un testament mystique, ou secret, est un document écrit par le testateur lui-même (ou par un tiers fidèle), remis clos et scellé à un notaire, avec apposition de signatures de témoins sur l’enveloppe ou sur le pli lui-même, afin que les dispositions prises restent entièrement confidentielles jusqu’à l’ouverture du document, sans risque d’indiscrétions de témoins qui pourraient être sources de zizanies familiales et de pressions pour que soient dictées d’autres dispositions.

143.  La valeur de ce diamant légué en 1790 (en fait à la petite-fille, puisque la belle-fille meurt avant l’ouverture du testament), soit 3 000 livres, représente en 1792 celle de 13,52 kg d’argent fin ou 860,51 g. d’or fin.

144.  Antonin Portailler, Tableau général des victimes & martyrs de la Révolution en Lyonnais, Forez et Beaujolais, 1911, notice sur Joseph Louis de Julien de Vinezac, p. 469, donnant diverses précisions le concernant ainsi que sur deux de ses frères. Gabriel Etienne et ledit Joseph Xavier, disponible sur le serveur Gallica de la B.N.F.

145.  2 E 81-160, f° 226, Claparède, notaire.

146.  Aujourdhui Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales), à l’ouest de Perpignan, entre les massifs du Fenouillèdes et ceux des Aspres, au sud-est des villages du Vivier et de Lansac d’où la veuve Julien tirait ses noms de terre.

147.  Les détails de ces évolutions familiales sont traités dans notre histoire des seigneuries de Pégairolles et Cambous, à paraître.

Annexes

1) Liens entre les familles Ratte et Roquefeuil et dévolution de la seigneurie de Cambous aux Jullien de Vinezac

2) Une remarquable réunion de nobles de Languedoc, et non des moindres, en 1784

Archives de l’Hérault, 2 E 58-137, f° 436 v à f° 443, Péridier, notaire de Montpellier
(Archives de l’Hérault, 2 E 58-137, f° 436 v à f° 443, Péridier, notaire de Montpellier) Signatures, masculines et féminines, dont le clan des Guignard de Saint-Priest et des Launay d’Antraigues,au bas du contrat de mariage, le 22 novembre 1784, entre Pierre de Julien de Vinezac et Henriette du Vivier de Lansac.L’ampleur des dots et donations est telle qu’un droit d’enregistrement de 661 livres 10 sols est perçu, plus 75 livres pour l’insinuation,soit 736 livres 10 sols en tout, représentant une taxe de près de 230 grammes d’or fin au tarif monétaire de 1774-1784.Malgré les dots et la qualité des personnes citées au contrat de 1783 dressé lors du premier mariage de Pierre de Julien de Vinezac,les signatures étaient par contre cantonnées à un très petit nombre de personnes.

3) Le testament de Joseph de Julien de Vinezac (1790)

Ses deux fils étant morts avant la Révolution, sa plus jeune fille venant d’être marié en début d’année 1789, et l’aînée de ses filles, épouse Brignac, venant de mourir en mars 1790, Joseph de Julien rédige au printemps de la même année, le 24 mai 1790, un testament mystique qui sera remis le lendemain au notaire montpelliérain Vézian pour être ouvert deux ans après, le jour de son décès, le 14 mai 1792, puis retranscrit deux mois après cette date, le 24 juillet 1792 1.

La situation familiale est en effet rendue catastrophique par la situation médicale des uns et des autres, ainsi que par la tournure des événements politiques et socio-économiques du printemps 1790, époque où il s’installe rue des Trésoriers de France à Montpellier 2. Les années suivantes (1791 et 1792), n’arrangeront pas les choses, loin s’en faut…

Ainsi, aux lendemains de la tentative d’insurrection royaliste en val de Buèges où les Vinezac et les Ginestous s’impliquèrent (janvier 1792), et quelques jours à peine après l’écrasement de l’insurrection royaliste du Vivarais. un notaire montpelliérain, Joseph Vézian, écrira et retranscrira en juillet 1792 dans ses registres les actes suivants : « L’an mil sept cent quatre vingt-douze et le vingt-quatrième jour du mois de juillet, après-midi, à Montpellier, par-devant nous, notaire de ladite ville et les témoins ci-après nommés, fut présente Marguerite Rigal Cambous, veuve de M. Joseph Julien Vinezac, chevalier de l’Ordre de St-Louis, ancien capitaine de cavalerie, légataire de l’usufruit des biens par lui délaissés et tutrice légale de Dlle Marguerite Sophie Gabrielle Julien Vinezac, sa petite-fille, héritière grevée dudit Sieur Joseph Julien Vinezac, son aïeul, suivant son testament mystique du vingt-quatre mai mil sept cent quatre-vingt-dix, suscrit par nous le lendemain [et] ouvert suivant notre procès-verbal du quatorze mai dernier [1792], dûment enregistré au bureau de Montpellier, [ladite veuve] habitante à Cambous, de présent à Montpellier, laquelle nous a requis de transcrire et enregistrer ledit testament dans nos registres, ce qui a été fait de la manière qui suit 3 :

Je Soussigné, Joseph de Julien de Vinezac, chevalier, comte de Vinezac, marquis de la Roquette, seigneur de Cambous, Viols-le-Fort, Viols Laval, St-André-de-Buèges, Salgues (Saugras ?), Fabrègues et autres lieux, chevalier de l’Ordre royal et militaire de St-Louis, ancien capitaine de cavalerie, habitant à mon château de Cambous, paroisse de Viols, diocèse de Montpellier, ai fait mon testament comme suit :

Je donne et lègue aux pauvres de mes terres [la somme de 3 000 livres], savoir mille livres à ceux de la paroisse de Viols, cinq cent livres à ceux de ma terre de Vinezac, cinq cent livres à ceux de ma terre de la Roquette, cinq cent livres à ceux de la paroisse de Pégairolles et cinq cent livres à ceux de la paroisse de St-Jean-de-Buèges, lesquelles sommes seront payées d’abord, après mon décès, sur un corps ou communauté solvable pour les intérêts en provenant être [ensuite] distribués annuellement par mon héritière ci-après nommée aux pauvres desdites terres et paroisses, et à chacun au prorata des capitaux.

Je confirme en faveur de Dlle Agathe Elisabeth Claire Françoise Brignac de Montarnaud, ma petite-fille, issue du mariage de feu Mre (Messire et non Maître) Jean Jacques Elisabeth de Brignac, chevalier, marquis de Montarnaud, avec feue Dame Françoise de Julien de Vinezac, ma fille, la donation que j’ai faite à ma dite fille dans son contrat de mariage. Je donne et lègue de plus à ma dite petite-tille la somme de trente mille livres payable sans intérêt après le décès de la Dame de Rigal, mon épouse, et avec ce legs, et ce qui est contenu dans ladite donation, institue ladite Agathe Elisabeth Claire Françoise de Brignac de Montarnaud, ma petite-fille, mon héritière particulière 4.

Je confirme [aussi] la donation que j’ai faite à Dame Henriette de Julien de Vinezac, ma fille, lors du contrat de son mariage avec M. de Ginestous, et avec ce qui est contenu dans cette donation à elle faite à titre de légitime, j’institue [sans rien y ajouter] ladite Dame Henriette de Julien de Vinezac, ma fille, mon héritière particulière, et, au cas où ma dite fille viendrait à décéder avant moi [en] laissant des enfants, je confirme en faveur de ses enfants la [susdite] donation que j’ai faite à leur mère, ainsi qu’il a été dit ci-dessus et, moyennant ladite donation et confirmation, j’institue mes héritiers particuliers les enfants que ma fille aura laissés 5.

Je donne et lègue à Dame Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, ma belle-fille [veuve de Pierre de Julien de Vinezac, mon défunt fils], un diamant de trois mille livres que je l’a prie d’accepter comme un léger témoignage de ma tendre amitié pour elle.

Je donne et lègue à Dame Marguerite de Rigoli (sic) de Cambous, mon épouse, la jouissance pendant sa vie de mon entière hérédité. Je la décharge de rendre aucun compte des plaids et revenus de ma dite hérédité comme formant l’objet du présent legs.

Et, en tous et chacun mes biens, meubles et immeubles, noms, voix, droits et actions, présents et à venir, je nomme et institue mon héritière générale et universelle, Demoiselle Marguerite Sophie Gabrielle de Julien de Vinezac, ma petite- fille, issue du mariage de feu Messire Pierre de Julien, marquis de Vinezac, mon fils, avec [la susdite] Dame Marie Gabrielle Henriette du Vivier de Lansac, pour en prendre possession au décès de ladite Dame de Rigoli mon épouse et en disposer à ses [plaisirs et] volontés.

Et, dans le cas que ladite Dlle de Julien de Vinezac, ma petite-fille, [serait] décédée en pupillarité, je substitue pupillairement en faveur de ladite Dame de Ginestous, ma fille, et de ladite Dlle Agathe Elisabeth Claire Françoise de Brignac de Montarnaud, ma petite-fille, non seulement tous les biens de mon hérédité, mais encore tous les autres biens que ma dite petite-fille de Vinezac pourra avoir lors de son décès, d’où qu’ils procèdent, sans distraction de quarte ni de légitime, ce que je prohibe par exprès.

Et, si ma dite petite-fille de Vinezac, héritière instituée, parvient à l’âge de puberté et qu’elle décède ensuite sans enfant, je substitue, sans distraction de quarte, non seulement les entiers biens de mon hérédité, ,mais encore ceux que j’ai donnés à feu Mre (Messire) Pierre de Julien, marquis de Vinezac, son père, en faveur de son mariage, à ma dite fille [épouse] de Ginestous et à ma dite petite-fille de Brignac de Montarnaud, par égales portions, à l’exception néanmoins de ma terre de Vinezac en Vivarais que je substitue, aussi sans distraction de quarte au dit cas, à mon neveu [Gabriel Etienne de Julien de Vinezac], capitaine au régiment de Lyonnois, troisième fils de Mre (Messire) Mathieu de Julien de Vinezac, mon frère, chevalier de l’Ordre royal et militaire de St-Louis, ancien capitaine au régiment de la Couronne 6.

Et, jusqu’à ce que cette substitution soit advenue en faveur de mon dit neveu, je lui donne et lègue une pension annuelle de mille livres payable par moitié, de six en six mois, par avance, à compter du jour de mon décès, exempte de toute retenue, laquelle pension cessera d’être payée lorsqu’il entrera en possession de ladite terre ou lors de son décès.

Et, le cas de cette substitution arrivant, je charge mon dit neveu de payer toutes les hypothèques qui se trouveront sur ladite terre.

Je déclare que j’ai institué ladite Dlle de Julien de Vinezac, ma petite-fille, mon héritière universelle que sous l’expresse condition que les biens que j’ai donnés au dit feu Mre (Messire) Pierre de Julien, marquis de Vinezac, son père, en faveur de son mariage, demeureront compris dans lesdites substitutions que j’ai ci-dessus fates et dans ce cas et de la manière dont je l’ai ordonné.

C’est mon dernier testament contenant la dernière disposition de mes biens, voulant qu’il vaille, tant par forme de testament, codicille, que par toute autre nécessaire forme qu’il pourra avoir. Je révoque tous ceux que j’ai ci-devant fait, voulant que le présent que j’ai fait écrire par M Vézian, notaire de cette ville, sous ma dictée qu’il a exécutée sous sa forme et teneur, lequel testament j’ai signé à chaque page après l’avoir lu en entier et avec attention.

Fait à Montpellier le vingt-quatrième jour du mois de mai mil sept cent quatre vingt-dix.

Vinezac signé. Ne varietur. Cambous de Vinezac (pour l’épouse, Marguerite Rigal). Vinezac de Ginestous (pour la fille mariée, Henriette épouse Ginestous) signées (à l’ouverture).

Enregistré à Montpellier le 19 juillet 1792. Reçu quatre cent quarante-sept livres dix sols les droits à raison du legs et jouissance donnés en surplus pour être payés dans le délai de six mois du décès et d’après inventaire qui sera fait, lequel présentera la consistance de ladite succession et l’année. Il n’a été perçu que la somme de cent livres pour l’institution d’héritier et pareille somme de cent livres pour les substitutions faute de déclaration du revenu. Les droits à raison de ces dispositions ont été réservés pour être payés d’après la cote d’habitation, les droits proportionnels sur les immeubles demeurant aussi réservés pour être payés dans le délai de six mois de décès. Layset signé à quatre livres dix sols.

Suit alors le texte suivant :

Enregistré à Montpellier le 25 juillet 1792. Reçu vingt sols. Layset signé.

La dite Dame Cambous Vinezac a requis acte du présent enregistrement que nous lui avons octroyé.

Fait et passé dans la maison où loge ladite Dame en présence de François Icard et de Jean François Chabanne, citoyens de cette ville, signés avec ladite Dame Cambous Vinezac et nous, Joseph Vézian, notaire soussigné.

Suivent alors les signatures (après les renvois de quelques mots oubliés dans le texte et rajouté à la relecture) Cambous de Vinezac (écriture désormais très hésitante), Icard, Chabanne, Vezian, notaire.

4) Pauline Gabrielle de Baschi (1750-1833) et la famille Turenne

 [Pauline Gabrielle de Baschi (1750-1833), était le quatrième enfant de Jean François de Baschi (1717-1758) et de Suzanne Françoise de Baschi (1724-1769), mariés le 11 août 1745 à Pignan, avec dispense pontificale du 3ème degré de parenté, après contrat du 10 (Bascou, not, de Pignan) 7. Le père était issu de la branche d’Aubais, la mère de la branche de Pignan. Son grand-père paternel était le fameux marquis d’Aubais, Charles de Baschi (1686-1777), que les œuvres de Pierre Prion, son scribe et homme à tout faire, récemment publiées, ont immortalisé à tout jamais 8]

Orpheline de père à 8 ans, puis de mère à 19 ans, Pauline Gabrielle de Baschi fut mariée mineure (premières noces) à Paris, alors recluse au couvent du Port, paroisse Saint- Jacques, par contrat du 2 mai 1772, avec Marie Joseph René de Turenne d’Aynac, fils de Jean Louis Anne de Turenne d’Aynac et de Marie Anne Claude dc Robert de Lignerac 9.

Ce contrat (Paideguière et Baron, not. à Paris), est alors établi selon les lois romaines du ressort du Parlement de Toulouse et sera valable indépendamment de la localisation des domiciles à venir. La dot, fixée à 300 000 livres pour les biens présents, non compris ce qui est à venir, est alors très coquette (cf. annexes).

Le couple s’installe tout d’abord à Paris, dans leur hôtel de la rue du Vieux Colombier, paroisse Saint-Sulpice, et en 1774 les deux conjoints « eurent l’honneur de monter dans les carrosses du roi et de lui être présenté, ainsi qu’à la ftimille royale » 10.

Pauline Gabrielle de Baschi interviendra en 1774-1780 dans le long litige relatif à sa succession paternelle et maternelle 11.

Son époux, marquis d’Aynac et chevalier non profès de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem (Ordre de Malte), étant devenu mestre de camp de cavalerie (7 avril 1774), elle en fut très rapidement veuve, celui-ci mourant le 25 mars 1777 à Montpellier (Notre-Dame des Tables).

Un mortuaire fut dressé en cette ville le lendemain, 26 dudit mois, le disant âgé d’environ 34 ans, et indiquant que son corps « a été transporté dans sa terre de Pignan pour y être enseveli » 12. Il fut effectivement inhumé à Pignan avec les titres de « comte de Turenne, chevalier, marquis d’Ayrac, Montmurat, Baygnac, Le vignac, Poslhans, Enguirende, Montredon, St-Jean de Mirabel, St-Félix, Florignac, vicomte de Gerle, baron de Feizins et autres places, mestre de camp de cavalerie, chevalier de l’Ordre de St-Jean de Jérusalem ». Son mortuaire de Pignan, dressé le jour même du décès, précise qu’il était mort le 25, à une heure après minuit, et qu’il fut inhumé dans l’église paroissiale en présence de Messire Louis Delanglade, prêtre et prieur de Saussan, et de Maître Jean Grollier, notaire royal de Pignan 13.

Il avait testé quelques jours auparavant, le 10 mars 1777, léguant un simple droit de légitime à ses deux enfants 14.

Gabrielle Pauline de Baschi, sa veuve, se remarie ensuite, par contrat du 8 mars 1782 (Capmas, not. de Toulouse), avec Jean Louis de Lostanges, de Figeac, dont elle se sépare de fait le 13 mai 1784. Entérinant cette séparation par acte privé du 31 octobre 1787 (Montpellier), elle obtient un divorce pour incompatibilité d’humeur et de caractère le 28 pluviôse An V (16 février 1797), prononcé à Figeac 15.

Gabrielle Pauline de Baschi récupéra en 1777 le château de Pignan, moyennant 469 000 livres, dont le tiers pour Madame de Chazeron, sa sœur, comme il appert d’un compte détaillé, en trois pages, dressé en 1778 16. Le décompte final indique qu’elle doit alors un peu plus de 6 374 livres à sa sœur, somme qui sera finalement réduite à 2 177 livres, compte-tenu de paiements effectués ou restant à faire, où l’on voit apparaître la Dame de Roquefeuil. Un extrait très détaillé du rôle de la contribution foncière de la commune de Pignan pour 1793, indique que ses seules terres de cette commune (43 parcelles, parfois gigantesques, dont plusieurs biens bâtis), dégageaient un revenu annuel de plus de 4 481 livres 17. Entretenant ensuite des rapports difficiles avec son seul fils de premier lit encore en vie (cf. ci-après), elle passe de nombreux accords avec lui de 1799 à 1826. Mais le caractère de l’un comme de l’autre semblent fort entiers.

Les Chazeron-Baschi, éphémères seigneurs de Pignan, étaient entrés en conflit avec la communauté villageoise de Pignan, lui contestant, en vertu d’un acte de 1313 (époque médiévale), la pleine propriété des garrigues de la localité, arguant qu’ils étaient seuls en droit de les affermer. Certes, Gabrielle Pauline de Baschi, appelée à les remplacer à Pignan perdra ce procès qu’ils avaient engagé. Mais son fils, le si procédurier comte de Turenne Aynac (cf. infra), qui fera de même à Pégairolles pour les pâturages qu’il y tenait par son épouse, conduira d’appels en appels ce procès pendant plusieurs décennies, l’affaire se poursuivant en 1808, 1824, 1835 et 1844. Comme pour Pégairolles, l’affaire se terminera par une transaction du 2 décembre 1845 par laquelle les parties se partagent les biens si longtemps disputés. La commune de Pignan concède ainsi 57 hectares de garrigues au comte de Turenne en échange de l’abandon de toutes ses prétentions sur l’ensemble du territoire contesté 18.

Les biens de Gabrielle Pauline de Baschi étaient considérables.

Le levoir des droits féodaux qu’elle fait dresser par Ollier pour 2 435 livres 15 sols 19 (environ 0,759 kg d’or par an) porte ainsi sur :

  • redevances en argent : 277 livres 7 sols et 11 deniers.
  • redevances en volailles : 42 poulets à 10 sols pièce, 103 poules ou perdrix à 15 sols pièce.
  • redevances en grains : 107 setiers 2 quartes de froment, à 9 livres le setier 135 setiers 1 quarte de bled de mixture, à 8 livres le setier 6 setiers et demi de touselle, à 10 livres le setier 2 setiers 1/4 de seigle, à 6 livres le setier.
  • redevances en chandelles de suif : 176,5 livres, à 10 sols la livre.
  • redevances en huiles : 29 pots, à 24 sols le pot (de 1,2 litre).

Elle possédait alors 1 240 sétérées de terres (186 hectares) à Pignan, soit 76 ha de bois, 45 ha de devois (pâturages), 28 ha de champs, 27 ha de vignes et 10 ha d’olivettes, ce chiffre s’accroissant avec les années 1 402 sétérées en 1789.

A cela s’ajoutaient les biens détenus à Valautres 20, Saussan et Védas 21 (331 ha, dont 118 en champs, 45 en prés et 13 en vignes), plus ceux détenus à Fabrègues (256 sétérées), à Mauguio, à Montpellier, comme en Limousin ou en Normandie…

Elle arrente en 1786-1787 ses biens ruraux de Pignan et Védas pour 9 500 livres, ceux de Mauguio pour 1 900 livres, sans parler du potager de Pignan, arrenté pour 750 livres 22.

Lors de la Révolution, son château de Pignan devient le refuge de toute l’opposition royaliste. Le curé Guiraud, accusé d’incendier tout le village par ses propos et de continuer d’y exercer le culte catholique malgré l’interdiction, s’y installe avec cinq ou six de ses confrères. Le déchaînement des haines amène à la fameuse bagarre du 13 février 1792 avec dévastation du château, notamment du mobilier.

Lors de la Restauration, les royalistes de Pignan caricatureront les événements en les aggravant quelque peu, tout en accentuant le rôle réel qu’ils jouèrent depuis 1789, en publiant le 20 août 1815 un document de 32 pages intitulé Mémoire pour les royalistes de Pignan. On y parle de tentative d’assassinat du curé Guiraud, de pillage de maisons, de viols de femmes, etc. 23 Mais la part de la réalité (certaines exactions sont bien réelles) et de la fiction (d’autres exactions sont imaginaires ou caricaturées) reste difficile à faire.

Lors des réquisitions et de la conscription de 1793, Gabrielle Pauline de Baschi tente de s’opposer à l’imposition extraordinaire qui est alors faite sur les citoyens les plus aisés de la commune, les autorités locales lui demandant 2 000 livres, alors même qu’elle est de loin la personne la plus riche de Pignan (Ollier est taxé à 1 000 livres et 10 autres citoyens le sont de 200 à 700 livres chacun ) 24.

Le château est de nouveau la cible des autorités impériales et de la vindicte populaire en mai 1815. Le sous-préfet menace de faire descendre sur Pignan 12 000 hommes de Gardonnenque et de leur faire raser le village où les royalistes s’activent et où les déserteurs sont très nombreux. Quelques dizaines d’hommes sont cependant envoyés à Pignan, logés chez l’habitant, entrant dans la localité en criant : « Vive les huguenots, à bas les royalistes ». Les exactions reprennent et le château, abandonné par ses occupants, est fouillé avec l’église, les troupes recherchant les armes qui pouvaient y être cachées. Pour impressionner les populations héraultaises, l’ordre d’envoi de la troupe à Pignan est affiché dans tout le département 25.

Ironie de l’histoire, le fils de Gabrielle Pauline de Baschi est alors colonel d’Empire et l’un des plus proches fidèles de l’empereur (cf. ci-après)…

Mais le vent tourne et des centaines de royalistes de la contrée se regroupent dans la plaine de Villeneuve-lès-Maguelonne et marchent sur Montpellier, contraints toutefois de se replier momentanément, faute d’avoir pu s’emparer de la citadelle, le temps ensuite pour l’Empire de s’effondrer définitivement.

Devenue infirme avant 1815 26, Gabrielle Pauline de Baschi traite le 17 mai 1826 de la succession de Caroline, sa nièce, fille de François de Baschi de la branche de Saint- Estève Thoard (application de la loi d’avril 1825).

Elle dresse ensuite un testament mystique, suscrit le 10 octobre 1826 (mais peut-être ouvert seulement en 1833), pour lequel elle effectue une déclaration le 15 novembre 1826, craignant que l’altération de sa santé mentale amène l’annulation de cet acte 27.

Elle vit encore quelques années de plus et meurt à Montpellier le 17 mars 1833, à 9 heures du matin, dans la maison de Preville, rue Vieille Intendance, dite âgée de 83 ans 28. Des inventaires détaillés sont alors réalisés le 2 mai 1833 par Joseph Bruno Grasset, notaire 29.

D’où deux enfants de 1er lit, précocement orphelins de père et placés pour cela en 1777 sous la tutelle d’un grand- oncle :

  • 1 – Francois Achille de Turenne. Fils aîné.

Officier au régiment du Roi, tué en duel au pistolet à 17 ans, le 2 mars 1790, près de Nancy, par Charles de Lespinay, dit le chevalier de Bouillet, officier au même régiment, qui l’avait gravement insulté et qu’il avait néanmoins épargné lors d’un premier duel à l’épée. Le chevalier de Bouillet fut chassé de son régiment, le commandeur de Lanjamet et tous les officiers ayant voulu jusqu’au bout rendre hommage au jeune Turenne 30.

  • 2 – Henri Amédée Mercure de Turenne. (1776-1852), fils cadet.

Né et bapt. le 23 septembre 1776 à Pau (p. Jean Joseph Mercure de Turenne ; m. Diane Henriette Louise Geoffrine de Baschi, vicomtesse de Chazeron, représentés par Henri Camps et Marie Joseph Develet) 31. Colonel d’Empire puis général honoraire sous la Restauration, il mourut à Paris le 16 mars 1852, alors aveugle depuis une quinzaine d’années 32.

Chevalier de Malte dans sa prime enfance puis élève de l’école de Sorèze à la fin des années 1780, il combat comme volontaire dans les armées républicaines en 1792-1793 sous les ordres de Dugommier. Il est alors connu sous le surnom de lieutenant Mercure.

En 1794, il est cependant licencié des armées comme noble et son existence en 1794-1799 reste fort obscure, aussi confuse pour cette période que celle d’un oncle de sa future épouse, Anne Eugène de Ginestous, dont il déclarera le décès de l’épouse de celui-ci à Paris, le 5 pluviôse An VII (24 janvier 1799), victime d’une terrible maladie, l’hémoptysie, un mal qui décimait un à un tous les membres de sa famille 33.

Il se dit alors ami de la famille, propriétaire et domicilié en la capitale, rue Caumartin, au n° 742 34.

Anne Eugène de Ginestous, ancien capitaine de cavalerie au Royal-Piémont, a alors traversé des années fort agitées depuis son mariage de 1789 avec la fille cadette des Vinezac-Rigal du château de Cambous :

  • il s’implique avec son beau-père, Joseph de Julien de Vinezac (1725-1792), comte de Vinezac, baron de Pégairolles et de Cambous, dans le complot contre-révolutionnaire du val de Buèges qui visait à réunir en janvier-février 1792, sur les terres des Vinezac, en val de Buèges, et celles des Roquefeuil, dans la région de Brissac, 18 à 20 000 hommes, pour lesquels le comte de Vinezac avait fait l’acquisition de 4 000 armes.
  • il émigre au printemps, lors de la maladie puis le décès du beau-père, une fois le complot déjoué, et rejoint pendant quelques mois l’armée des princes.
  • il se cache ensuite en France, de 1792 à 1797, officiellement dans les montagnes du Vivarais, à Thueyts (Ardèche), une contrée tenue par les survivants de la déroute de l’insurrection de Jalès de l’été 1792 35.

« Conscrit de 3e »classe » (du fait de sa réforme de 1794), et très lié en 1799 aux Ginestous, Henri Amédée Mercure de Turenne, épouse à Montpellier le 20 floréal An VII (9 mai 1799), et contrat du 19 (Caizergues, not. de Montpellier), une nièce par alliance de son ami, Claire Elisabeth Josephe Françoise Agathe de BRIGNAC de Montarnaud, née à Montarnaud le 20 mai 1781, jeune orpheline et héritière de Jacques Jean Elisabeth de Brignac et de Françoise de Julien de Vinezac, et par celle-ci de droits sur la Maison de Cambous à percevoir au décès (1808) de sa grand-mère paternelle, Marguerite Rigal, veuve Vinezac 36.

On l’imagine alors, comme nombre de royalistes qui crurent naïvement pouvoir revenir à la tête du pays en 1797-1798, attendre de voir comment se ferait l’évolution des choses pour se décider à s’engager davantage dans une direction ou dans une autre.

Il reprend du service le 15 octobre 1805, rejoignant alors l’armée d’Allemagne. Nous ne ferons cependant ici que résumer très brièvement sa carrière militaire, connue à travers de rares ouvrages, mais fort bien détaillée à partir de son dossier aujourd’hui conservé dans les services du ministère de la défense et dont nous avons pu obtenir copie intégrale 37.

Capitaine dans la cavalerie de la Garde et officier d’ordonnance de l’empereur (1806), chef d’escadron (1808), colonel (1814) et comte d’Empire (1809), il participe à de nombreuses batailles (un cheval tué sous lui à Wagram, une blessure à la Moscowa), ou bien n’y assiste qu’à distance, généralement en charge de la garde-robe impériale. Il est ainsi cité dans les annexes du testament de l’empereur 38 comme dépositaire de nombreux effets, parfois de prestige (sabres, glaives et épées, grand collier de la Légion d’Honneur, collier de la Toison d’Or, vêtements, etc.), mais ses héritiers certifieront en 1852 qu’il ne détenait alors aucun bien susceptible de devoir être restitué à l’Etat et aucun scellé ne sera apposé sur ses biens.

Portrait du comte de Turenne en 1816
Portrait du comte de Turenne en 1816, alors curiste à Spa par J.L. David (1748-1825) (112 X 81 cm, huile)

Il effectue diverses campagnes sous l’Empire: Prusse en 1806, Pologne puis Portugal en 1807, Espagne en 1808, Autriche en 1809, Russie en 1812, Allemagne en 1813, puis la désastreuse campagne de France en 1814. Membre de la Légion d’Honneur en 1807, il en est officier en 1813 et reçoit aussi d’autres décorations.

Mis à l’écart à la Restauration et placé en demi-solde, il sera toutefois fait pair de France, et voyagera pour raisons médicales à l’étranger, avec suppression totale de son traitement. Il est ainsi peint en civil, en 1816 à Bruxelles, par David, dans un fort beau tableau dont une copie, en grandes dimensions, orne aujourd’hui les murs d’une abbaye dont il fit l’acquisition (cf. infra).

Lors de la confection du cadastre de Pignan en 1823, Henri Amédée Mercure de Turenne, qui poursuivra jusqu’en 1845 contre la commune le procès, perdu par sa mère, que son oncle et sa tante maternels, le marquis et la marquise de Chazeron avaient initié en 1776, est de loin le plus grand propriétaire foncier de la localité. Il possède alors 234 hectares de terres, bien loin devant Espinas, propriétaire du domaine de Saint-Martin (70 ha) et neuf autres des principaux propriétaires (10 à 24 ha chacun).

Il payait en 1819 une contribution foncière de 3 091 francs, soit autant que douze autres personnes, toutes catholiques, qui le suivaient dans l’ordre décroissant d’imposition 39. Il était également le plus grand propriétaire de cheptel ovin de Pignan, possédant en 1843 un énorme troupeau de 1 100 têtes (sur les huit troupeaux et 2 000 bêtes en tout, qui pâturaient alors sur la commune) 40, d’où son intérêt à contester, tant à Pignan qu’à Pégairolles, le droit des communes à être seules propriétaires des patus communautaires qui constituaient, au nord des deux localités, les parcours à ovins que seigneurs et communautés villageoises se disputèrent pendant des siècles.

Il deviendra en 1827 général honoraire (maréchal de camp) au prix de maintes difficultés. Possessionné en diverses contrées et localités, dont à Aynac, dans le Quercy de ses racines paternelles, son dossier militaire n’aura de cesse de dire qu’il était « 1’un des plus riches propriétaires de cette province et de celle de Languedoc », d’une « brillante fortune » 41 Mais la monarchie se méfie d’un tel homme…

En effet, à la fois malade et aigri, il s’attire la suspicion et gêne les nouvelles autorités. Un rapport de police de la fin 1815, établi selon les dires du magistrat de Genève, dit ainsi qu’il « tient des propos excessivement déplacés et dangereux ».

Armes des Turenne d’Aynac sur la porte d’entrée du château de Cambous
Armes des Turenne d’Aynac sur la porte d’entrée du château de Cambous (Hérault) substituées dans les années 1890 aux armes originelles des Ratte et des Beauxhostes (Photographie C. Pioch)
Château de Saint-Jean-de-Buèges
Château de Saint-Jean-de-Buèges (Photographie C. Pioch)
Des pâturages rocheux âprement disputés par les Vinezac
Des pâturages rocheux âprement disputés par les Vinezac puis par les Turenne à la communauté de Pégairolles, les arides crêtes de la Séranne ? (Photographie C. Pioch)
Un fief des Vinezac passé aux Turenne
Un fief des Vinezac passé aux Turenne. L’église romane Notre-Dame de Pégairolles (de Buèges). Maurice de Dainville, Les églises romanes du diocèse de Montpellier, fascicule 1, Montpellier, 1937, p. 85

On le sait par ailleurs franc-maçon 42. Sans doute même les royalistes de Pignan, et au premier chef sa mère, désavouent-ils sa servilité auprès de celui que l’on appelait avec dédain l’usurpateur…

Début 1816, on signale qu’il « tient à Genève une conduite peu mesurée ». Sa maladie lui permet cependant d’obtenir l’autorisation de voyager librement à l’étranger, s’y faisant soigner dans diverses villes ou bien en France. En 1816, il est aux eaux de Chaufontaine, près de Liège, à Spa, en Belgique. Il en profite alors pour se faire portraitiser et immortaliser par le célèbre David. En 1818, il est aux eaux de Bagnères, dans les Pyrénées.

En litige avec sa mère pendant près de trois décennies, il fut également en procès, sur une même période :

  • contre la commune de Pégairolles-de-Buèges (Hérault), lui disputant les arides pâtures qui entouraient le mas de Larret, sur la montagne de la Séranne,
  • avec Anne Eugène de Ginestous, son ami et oncle par alliance de son épouse, contre une cousine de celle-ci, Sophie de Julien de Vinezac, épouse Vogüé (1803), pour la succession des Vinezac-Rigal, barons de Cambous et de Pégairolles.

Déjà propriétaire en Languedoc du château de Pignan par sa mère et de celui de Montarnaud par son épouse, il fit en 1838 l’acquisition de l’abbaye et du domaine viticole de Valmagne, un ancien bien national arraché au clergé, et avait vendu en 1813 aux Girard du Lac le château des Baux, désormais ruiné, à Saint-Jean-de-Buèges, venu des Vinezac.

Il mourut en 1852 à Paris, alors aveugle, comme nous l’avons dit, et sa tombe est aujourd’hui encore visible au cimetière du Père Lachaise, 6e division 43. Son épouse, Dame d’honneur de la première impératrice, restée auprès de celle- ci après sa confortable disgrâce, mourut pour sa part à Saint- Germain le 16 décembre 1856.

Il en avait eu deux fils :

–  Gustave Edmond Joseph Romuald de Turenne (1803-1893), époux La Tour du Pin La Charce (1833), marquis de Turenne d’Aynac, avec descendance aujourd’hui chez les Turenne-Lautrec (qui récupèrent le château d’Aynac par mariage de 1895), mais aussi chez les descendants des Nicolay (par mariage de 1871), d’où les Gaudart d’Allaines (qui récupèrent au XXe siècle l’abbaye de Valmagne via les Portalis en 1905 puis les Fabre-Luce), et les Donn-Byrne (qui récupèrent au XXe siècle le château de Montarnaud via les Negroni en 1900 puis une autre branche Fabre-Luce) 44.

–  Napoléon Joseph Gabriel de Turenne (1806-1893), époux Frottier de la Coste (1838), comte de Turenne d’Aynac, qui gardera jusqu’en 1878 les terres de Pégairolles qui étaient venues des Vinezac-Rigal par le mariage de 1799, tenues avant eux par les Desfours, devenus sous-seigneurs des Baux, du Coulet et de Larret en 1620-1633, puis les Rigal 45.

Le château de Pignan passa à l’un des fils du marquis de Turenne. Il fut vendu par acte du 27 juillet 1888, passé à Paris, à François Gablier, qui le revendait dès le 22 octobre 1892 au baron Maurice Hirsch de Gereuth, domicilié à Paris. Celui-ci morcela le domaine dès le 26 octobre 1895, vendant le château et ses dépendances à la commune de Pignan (De Nucé de Lamothe, not. à Pignan). Le château est ainsi devenu mairie et école, le parc servant de lieu de promenade publique 46.

Ces branches des Turenne, dernières familles de ce nom, se sont éteintes au tout début du XXe siècle mais comportent néanmoins aujourd’hui, par les femmes, de très nombreux descendants, dont des viticulteurs à Montarnaud et Valmagne 47.

Pour l’ascendance paternelle et lointaine du comte Henri Amédée Mercure de Turenne, on se rapportera utilement au Nobiliaire du diocèse de la généralité de Limoges, ouvrage comportant une remarquable et longue étude sur les Turenne mais qui est hélas restée incomplète en ce qui concerne la branche dont il est question ici 48.

5) Anecdote (Arch. dép. de l'Hérault, série C)

Fêtes populaires et fêtes religieuses ont toujours été l’occasion de troubles qui iront parfois en s’exacerbant à la fin du XVIIIe siècle. Des bandes de jeunes gens s’affrontent ainsi violemment en mars 1785 lors de la foire du Mas-de-Londres, tenue à l’occasion des fêtes de Pâques, n’hésitant pas à s’en prendre aux hommes de la gendarmerie de Ganges et aux gardes de Joseph de Julien de Vinezac, marquis de la Roquette, baron de Pégairolles et de Cambous. D’autres incidents surviennent plus au sud à la même date, à Pignan et à Cournonterral, en raison de la vive opposition du clergé à l’usage de la musique et à la pratique de la danse en cette période de festivités pascales :

I - AD Hérault, C 6796, pièce n° 155. 29 mars 1785

« A Monseigneur de Gambis, commandant de Languedoc

Monseigneur,

Les consuls de Pignan, diocèse de Montpellier, ont l’honneur de représenter très humblement à Votre Grandeur que les nominés Louis Hogvon et Louis Puech, et autres jeunes gens, ayant fait venir à Pignan, le samedi saint au soir, plusieurs hautbois dans l’intention de danser les fêtes de Pâques, et les suppliants en ayant été informés le dimanche matin, furent trouver ces jeunes gens pour leur représenter qu’il était très indécent et scandaleux de vouloir danser les fêtes de Pâques, que tout le monde était [alors] à sanctifier, que personne ne s ‘était jamais avisé [jusqu’ici] d’avoir des hautbois pendant la quinzaine de Pâques, et leur firent les plus vives défenses de faire jouer ces hautbois ni danser, à moins que Madame la vicomtesse de Lostanges, marquise de Pignan (lire Gabrielle Pauline de Baschi, veuve Turenne, épouse en 2èmes noces de Jean Louis Lostanges mais séparée de celui-ci), ne voulut bien leur donner la permission. Ces Jeunes gens firent demander cette permission qui leur fut refusée et, malgré les défenses de Madame de Lostanges, le susdit Louis Hogyon voulut faire jouer les hautbois [Page 2] le jour d’hier, lundi de Pâques, et les suppliants, instruits que les hautbois étaient à jouer dans la Grand’Rue, près le château, y furent (s’y rendirent) en chaperon [sur la tête] et, sur leur demande, les joueurs leur remirent volontairement les hautbois que les suppliants emportèrent chez le second consul. Et, au moment qu’ils allaient entrer, ledit Louis Hogyon, qui venait après eux à toute course, avec Louis et cadet Puech, se jeta sur les suppliants comme un enragé [puis] les déchira. Et, voyant qu’il était retenu par plusieurs personnes qui survinrent, il cria et vomit toutes sortes d’injures et d’invectives les plus atroces contre les suppliants, faisant frémir, par ses imprécations et ses blasphèmes, toutes les personnes qui se trouvaient à portée de l’entendre, s’en prenant contre tout le monde, même contre Madame de Lostanges. Les suppliants réclament, Monseigneur, de votre bonté et de votre justice, de vouloir bien donner vos ordres pour infliger à ces scélérats la punition qu’ils méritent. Les suppliants ne cesseront, Monseigneur, d’adresser des vœux au Ciel pour la conservation de votre illustre personne.

Grollier, consul. Irlandes, consul. Azais, greffier. Irlandes (fonction illisible)

[Page 3] Nous, principaux habitants (lire imposables) de Pignan, certifions les faits contenus au placet ci-contre véritables. A Pignan le 29e mars 1785.

Delanglade, notaire. Maurin. Azais. Michel. Becat.Clarc. Lombard. Verdier. Martin. Martin. Lavergne. Vidal. P. Lautaud. Atger. Blavet. Vidal. Romieu. Ollier. Blanc. Guiraud, prêtre, curé. Maurin. Lombard. Irlandes. Audibert. Irlandes. Chambaud. Sarret ( ?). Fs Saltet. Michel. Grollier. Vidal. P. Cancat. Fulcrand. Guizard. Melinet. Azais. Bertrand. Chambaud. Vidal. »

Suit la mention manuscrite du vicomte de Cambis : « Renvoyé à Me Favier, subdélégué du commandement, pour être vérifié et avoir son avis. A Montpellier le 31 mars 1785 ». Le Vte de Cambis.

Mais le proche village de Cournonterral n’est pas en reste et les incidents y sont plus graves :

II - AD Hérault, C 6796, pièce 0 174. 29 mars au 3 avril 1785

« Monseigneur,

M.Mrs. les consuls de la communauté de Cournonterral, diocèse de Montpellier, ont l’honneur de représenter à Votre Grandeur que M Cambon, prêtre et curé du présent lieu, ayant été instruit que les chefs de jeunesse du lieu avaient entrepris, malgré le temps de clémence où la communauté était, d’avoir le hautbois pour danser, fit appeler un des suppliants pour lui faire part de sa surprise en ce qu’il soit fait que la jeunesse dansât avec un hautbois par le village dans un temps de fête de Pâques, temps auquel tout le monde se prépare à faire leur devoir, ce qui procurait un très grand scandale (écrit sous l’influence de l’occitan : une tres grande escandale) dans ledit lieu, [et] que par conséquent il le suppliait de vouloir bien faire cesser ledit hautbois.

Que le Sr Blavet, maire et premier consul de ladite communauté, à qui cette représentation fut faite, ayant fait la rencontre des chefs de jeunesse et autres qui sautaient partout le village au son du hautbois qui les suivait, fit solliciter le nommé Chapel, joueur du hautbois, habitant aux Bains de Balaruc, de cesser, attendu que ce n’était point un temps à venir jouer par rapport aux grandes fêtes solennelles de Pâques où tout le monde se préparait à faire leur devoir, ce que ledit Chapel fit.

Mais les chefs de jeunesse, enhardis par l’agent de M de Portalis, seigneur dudit lieu, qui se trouve précisément de la R… L… R… (sans doute une loge maçonnique), ordonnèrent [néanmoins] au dit Chapel de jouer du hautbois, ce que celui-ci fit, en sorte que lesdits chefs de jeunesse reprirent leurs études (sic) et continuèrent toujours à danser.

Les suppliants ayant entendu que ledit hautbois continuait à jouer, se transportèrent à la place publique dudit lieu où ledit hautbois était, qu’arrivés au dit lieu, ils représentèrent aux chefs de jeunesse le tort qu’ils avaient de faire jouer ledit hautbois dans le temps où nous étions, les prièrent, ainsi que ledit hautbois, de cesser, ce qu’ils ne voulurent faire, soutenant qu’ils voulaient, entendaient et prétendaient que ledit hautbois jouât et qu’ils s’allassent faire f… (trois points pour foutre), que peu satisfaits de cela, les deux chefs de jeunesse environnèrent le Sr Blavet, un de suppliants, lui lancèrent un coup de poing sur la tête, duquel ils lui firent tomber son chapeau, et s’il n’eut [Page 2] été les personnes qui étaient présentes, lesdits chef de jeunesse et autres jeunes gens auraient poussé leur méchanceté jusqu’à excéder ledit SrBlavet.

Mais ce n’est pas tout et les excès, tant desdits chefs de jeunesse que des autres jeunes gens, ne se bornèrent pas là. Ils continuèrent à danser et à faire jouer leur hautbois et affectèrent de passer et repasser au-devant des portes des [domiciles] des suppliants en criant à haute voix que personne ne pouvait les faire cesser, que les consuls s’allassent faire f…, aussi bien que ceux qui les avaient mis en charge, et qu’ils le leur payeraient ; que ne pouvant exécuter le projet qu’ils avaient formé, qui était celui d’assommer les suppliants, ils firent dans la nuit du même jour, vingt-neuf mars dernier, à la fontaine dudit lieu, appelée le Theron. Ils tombèrent la porte [de son accès], entrèrent dans la voûte et y firent toutes sortes d’ordures, que, non contents de ce [la], ils entreprirent de démonter les parapets des puits et y jetèrent même une très grande quantité d’immondices et notamment une peau, un ventre avec le fumier et pieds d’un agneau, qu’ils avaient volé, et ce [la] afin d’empoisonner l’eau.

Que peu satisfriits de cela, et pour prouver, Monseigneur, la cabale que lesdits chefs de jeunesse ont formé contre les suppliants et M Cambon, prêtre et curé dudit lieu, les suppliants vous remettent les lettres patoises que lesdits chefs de jeunesse ont écrit [es], ou fait écrire, tant à Mr Cambon qu’au Sr Michel, second consul, qu’ils ont trouvées à leur lever de nuit du deux avril au trois au-dessous de leurs portes, dans lesquelles lesdits chefs de jeunesse font de très grandes menaces, tant à Mr le curé qu’aux suppliants, desquelles les suppliants vous supplient, Monseigneur, de faire la lecture afin de vous convaincre de ce dont les suppliants avancent. Et, comme tous ces excès, menaces et entreprises méritent punition, surtout si l’on considère que les suppliants, ni Mr le curé, ne sont point en sûreté, attendu que lesdits chefs de jeunesse sont des gens sans aveu, capables d’exécuter le projet par eux formé, et que rien [Page 3] ne peut les contenir dans ces circonstances, les suppliants ont recours à Votre Grandeur.

A ce qu’il plaise de Vos Grâces, Monseigneur, vu les faits exposés, ci-dessus cohartés, qui sont la pure vérité même, et dont les suppliants en offrent la preuve si besoin est, vu aussi les lettres écrites, tant à Mr Cambon, curé, qu’au Sr Michel, second consul, mander chercher lesdits chefs de jeunesse et autres qui vous seront dénommés à l’effet de les interroger et les condamner aux peines que Votre Grandeur jugera à propos, avec défense d’y récidiver sous plus grande peine, les suppliants ne cesseront de faire des vœux au Ciel pour la conservation de votre santé et pour celle de votre chère famille, et faire justice ».

Cette missive, non signée, est suivie d’une mention manuscrite du vicomte de Cambis : « Renvoyé à Me Favier, subdélégué du commandement à Montpellier, pour être vérifié et avoir son avis. Ce 4 avril 1785 ». Le Vte de Cambis.

En annexe deux lettres anonymes menaçantes, injurieuses et moqueuses, rédigées en français populaire fortement influencé par l’occitan et même par le catalan, adressées au curé Cambon et au Sieur Michel, consul :

1)   « Mosieur le curé nous avons su que vous aves fet une letre as conces per nous faire de pene mes ce nous arive qiqon nou ou pa pagares parce que notres boulem dansa que no nous plai ».

En bon français, cela donne à peu près cela : « Monsieur le curé, nous avons su que vous aviez fait une lettre aux consuls pour nous faire de la peine. Mais, s’il nous arrive encore quelque chose [de fâcheux], vous nous le payerez parce que, nous autres, nous voulons danser, ce qui nous plaît ».

2)   « Etu conce per asar bos pas que dancen dansar en tan que voudren que nous plai etu bu te faire foutre a mai que ta mes conce lou premier ceré pa tus cerié pas tan mixan me estu que necier la qause ba te fere foutre a mai que te cren pour michel de la grande carriere ».

En bon français, cela peut se traduire : « Et toi, le consul, par [un curieux] hasard, tu ne veux pas que nous dansions. Nous danserons [cependant] tant que nous le voudrons et [tant] que cela nous plaira. Et toi [donc, l’empêcheur de danser], va te faire foutre, aussi qu’on t’a mis (lire bien que l’on t’a élu) le premier soir, [pourtant] pas très sérieux, pas aussi méchant (que nous le pensions], mais c’est [néanmoins] toi qui est la cause [de tout cela]. Va [donc] te faire foutre encore, [puis] que tu te crois [lire : tu te prends sans doute] pour Michel de la grande rue »…

Deux années de plus et la région, comme toute la France, allait s’embraser et mettre à mal l’ordre séculaire que clergé et noblesse représentaient depuis tant de générations.

Le 14 Juillet 1789, victime de l’incurie de ses dirigeants et emportée par les idées nouvelles, la France entrait dans la modernité et allait vivre pour cela un affreux cauchemar d’un quart de siècle…

6) La Maison de Cambous et son château

Les armoiries écartelées qui ornent cette porte, divisées en quatre quartiers, sont constituées des armes répétées de deux familles distinctes mais unies par mariage, lesquelles permettent de les dater des années qui font immédiatement suite à l’union matrimoniale, survenue en 1649, entre d’une part Marc Antoine de Ratte, seigneur de Cambous, et d’autre part Aune de Beauxhostes, d’Agel, en Minervois.

On reconnaît ainsi très bien, et sans confusion possible avec les armes propres aux Roquefeuil ou à d’autres familles :

  • en 1 et 4, les trois étoiles propres aux armes des Ratte, qui blasonnaient « d’azur à trois étoiles d’argent »,
  • en 2 et 3 les deux mains entrecroisées et surmontées d’une couronne propres aux armes des Beauxhostes, seigneurs d’Agel, qui blasonnaient pour leur part « d’azur à deux mains d’argent alliées et vêtues d’or, surmontées d’une couronne perlée de même ».

Sur l’Armorial de Languedoc en 1696 : Christian Pioch, Table inédite des dessins de blasons de l’Armorial de la province de Languedoc de 1696-1700, Arts et traditions rurales, supplément au n° 19, 2008.

Le mariage, que refusent de célébrer les curés de Viols et de Pégairolles, sur ordre du puissant et coléreux François Jules de Roquefeuil qui avait fait casser le testament de son propre père, et qui ne sera réhabilité sur ordre épiscopal qu’en 1746, s’effectuera néanmoins en 1724 en l’église de Viols grâce à la complicité bienveillante d’un neveu dudit Jacques. Pierre André, un religieux natif de St-Guilhem, curé de Montpeyroux…

ADH, C 96, période 1718-1727) Lettre de cachet de 1722
(ADH, C 96, période 1718-1727) Lettre de cachet de 1722 exilant à Toulouse Jacques Rigal (1678-1765), Sieur de Larret, du fait qu’il “obsède la Demlle de Roquefeuil, qui est par ordre du Roi dans le couvent de Sommières, et [qui] prétend l’épouser malgré toute sa famille”, visant à l’empêcher de poursuivre ses prétentions matrimoniales envers l’héritière prévisible de Cambous.
Porte d’entrée du château de Cambous
Porte d’entrée du château de Cambous (collection de l’auteur) décorée vers 1895 des armoiries des Turenne d’Aynac après cession du domaine par les Vogüé.
Détail des armoiries de l’ancienne porte du château de Cambous
Détail des armoiries de l’ancienne porte du château de Cambous transférée à l’intérieur et au 1er étage lors de la Révolution (Photographie C. Pioch, autorisation de Mme P. Cholley)
Le château de Cambous vers 1830
Le château de Cambous vers 1830 (AD Hérault, 1 J 1292). Atlas des propriétés du comte de Vogüé à Viols-en-Laval et Viols-le-Fort en 1829
plan cadastral du 30 mars 1829, section A 2 dite du château de Cambous
Arch. dép. de l’Hérault, plan cadastral du 30 mars 1829, section A 2 dite du château de Cambous (3 P 3769).Le bâtiment au nord-ouest du château n’existe plus.
Extrait du tableau d’assemblage de 1829
Extrait du tableau d’assemblage de 1829.
Flèches noires : les routes modernes.
La somptueuse porte du château et ses principaux décors
La somptueuse porte du château et ses principaux décors de la deuxième moitié du XVIIe
(avec allégories diverses) et ses armoiries (fin XIXe)

Notes des annexes

1.Arch. dép. de l’Hérault, 2 E 57-672 f° 450 v°, Vézian, notaire, avec mention en marge « délivré une grosse (copie) à M. de Turenne », sans doute écrite en 1799 ou à l’occasion du litige entre successeurs après 1803. Un testament mystique, ou secret, est un document écrit par le testateur lui-même (ou par un tiers fidèle), remis clos et scellé à un notaire, avec apposition de signatures de témoins sur l’enveloppe ou sur le pli lui-même, afin que les dispositions prises restent entièrement confidentielles jusqu’à l’ouverture du document, sans risque d’indiscrétions de témoins qui pourraient être sources de zizanies familiales et de pressions pour que soient dictées d’autres dispositions.

2.Rue de Montpellier en façade nord de l’Hôtel Jacques Cœur et des Trésoriers de France (l’entrée principale de l’actuel Musée languedocien est au sud, rue Jacques Cœur), à ne pas confondre avec la rue des Trésoriers de la Bourse, sise dans un autre quartier, où se situait la maison que la mère d’Anne Eugène de Ginestous, gendre dudit Vinezac, avait apportée en faveur du mariage de 1789.

3.Le texte suivant est la retranscription des propos même du testateur, non pas écrits de sa main, sans doute trop hésitante en raison de problèmes de santé (il avait été par ailleurs blessé à une main lors du siège de Fribourg), mais de celle du notaire, comme il appert plus bas, au cours de la retranscription effectuée en 1792 pour inscription du testament dans un registre officiel, à la demande de la veuve et de l’unique enfant encore vivant du couple, une fille, Henriette de Julien de Vinezac, épouse Ginestous.

4.Le contrat de 1778 des Brignac-Vinezac prévoyait une dot de 70 000 livres, dont 25 000 livres du chef du père, et 45 000 livres du chef de la mère, le tout payé présentement. Il est fort vraisemblable que les 30 000 livres supplémentaires aient été payées après 1808 avec des terres par les Vogué-Vinezac, mariés en 1803 et héritiers principaux des Vinezac-Rigal, ce qui expliquerait pourquoi les Turenne-Brignac (mariés en 1799) seront au XIXe siècle propriétaires de terres à Pégairolles, dont le mas de Larret qui avait appartenu au père de Marguerite Rigal.

5.La dot de 1789 apportée lors du mariage Ginestous-Vinezac était de 140 000 livres (60 000 livres du chef du père, et 80 000 du chef de la mère), dont une partie en principe payée (ce qui sera contesté par la suite, les créances remises étant irrécouvrables). Le droit de légitime était la somme minimale qu’un testateur devait verser à ses héritiers, une part réservataire dont le montant était variable selon le nombre d’enfants. Pour un à quatre enfants, le droit de légitime de l’ensemble des enfants correspondait au tiers des biens, le testateur pouvant utiliser à sa guise les deux tiers restants comme quotité disponible. Comme un enfant était encore vivant au moment du testament de 1790 (l’épouse Ginestous) et deux autres, morts à cette date, avaient été mariés (dont l’épouse Brignac et un fils qui va suivre, feu Pierre de Julien époux Vivier), soit trois enfants en tout, la part minimale de chacun des enfants, ou droit de légitime individuel, calculé sur le tiers en réserve, était de 11,11 % du patrimoine du testateur. Aussi, compte-tenu que celui-ci avait apporté de son chef 60 000 livres lors du mariage Ginestous-Vinezac en 1789, on peut considérer son patrimoine personnel (hors biens propres de Marguerite Rigal ?) a 60 000 x 9 (11,11 %) = 540 000 livres. Mais 25 00) livres ayant été accordées du chef paternel en 1778 lors du mariage Brignac-Vinezac, plus les 30 000 livres accordées en sus à une petite-fille lors de ce testament de 1790, on arrive à une légitime de seulement 55 000 livres, d’où la nécessité de relativiser une telle extrapolation, le testateur ne se souvenant plus nécessairement de la répartition précise de ce qui fut accordé en 1778 puis en 1789 du chef paternel ou du chef maternel. Tous ces calculs sont d’ailleurs à refaire si l’on doit inclure la part de Marguerite Rigal, épouse du testateur, dans les biens légués. La légitime minimale étant de 70 0 livres accordées en 1778 aux Brignac-Vinezac (apports du père et de la mère réunis), plus les 30 000 livres de 1790, soit 100 000 livres en tout, on en arriverait alors à un patrimoine qui pourrait être évalué à 100 000 x 9 = 900 000 livres, une somme colossale pour l’époque correspondant à la valeur du numéraire économisé, des créances détenues sur des tiers, à un grand château (Cambous), à de nombreux domaines héraultais ou ardéchois, ainsi qu’aux rentes féodales qui disparaîtront en 1789-1793.

6.Ledit Gabriel Etienne de Julien était le filleul de Marguerite Rigal, l’épouse du testateur.

7.Arch. dép. de l’Hérault, copie du contrat aux papiers Turenne, 1 E 1372. La présente annexe est tirée de notre étude sur les Baschi et corrigeant de nombreuses erreurs généalogiques encore colportées de nos jours.

8.Sur la bibliographie, la généalogie corrigée et la biographie des Baschi : Christian Pioch, Hommes de guerre, de Lettres et de Cour, les Baschi, Carcassonne, chez l’auteur, 2008, 150 p.

9.Arch. dép. de l’Hérault, papiers Turenne, 1 E 1374, copie de l’acte.

10.  Service historique de la Défense (ci après S.H.D.) à Vincennes, 8 Yd 2674, dossier militaire du deuxième fils.

11.  Arch. dép. de l’Hérault, papiers Turenne 1 E 1371.

12.  Registre des B.M.S. de Montpellier, paroisse Notre-Dame des Tables.

13.  Registre des B.M.S. de Pignan.

14.  Arch. dép. de l’Hérault, papiers Turenne, 1 E 1373, mémoire juridique dressé pour Madame de Baschi, veuve Turenne, le 5e jour complémentaire An XI.

15.  Ibid., 1 E 1373.

16.  Ibid., 1 E 1373.

17.  Ibid., 1 E 1379.

18.  Louis et Jeanne Segondy, Pignon en Languedoc. Nîmes, Lacour, 1994-2003, p. 180, et notre étude sur la baronnie de Pégairolles.

19.  Segondy, op. cit., p. 172.

20.  Château à Saussan.

21.  Lire Saint-Jean-de-Védas, village proche de Montpellier et de Fabrègues.

22.  Arch. dép. de l’Hérault, 2 E 62-268, actes des 16/01/1786, 23 et 27/11/1787 cités par les Segondy, op. cit., p. 172.

23.  Pamphlet ultra-royaliste de 1815 (32 pages), archives du presbytère citées par les Segondy, op. cit., p. 239.

24.  Segondy, op. cit., p. 242.

25.  Segondy, op. cit., p. 265, citant Arch. dép. de l’Hérault, 39 M 64, le Mémoire pour les royalistes de Pignan, etc.

26.  S.H.D. à Vincennes, 8 Yd 2674, dossier militaire du deuxième fils. Lettre du 14/02/1815.

27.  Arch. dép. de l’Hérault, papiers Turenne, 1 E 1373. Christian Pioch, biographie détaillée des familles titulaires des seigneuries de Cambous et de Pégairolles-de-Buèges (Hérault), ouvrage à paraître.

28.  Etat civil de la ville de Montpellier.

29.  Arch. dép. de l’Hérault, papiers Turenne, 1 E 1373.

30.  Généalogie des Turenne consultée à l’abbaye de Valmagne chez leurs descendants. Référence à ce fils aîné dans divers actes, dont Arch. dép. de l’Hérault, 1 E 1373.

31.  S.H.D. à Vincennes, 8 Yd 2674, extrait baptistaire de son dossier militaire, dressée en 1818. C’est sans doute la signature du maire de Pau. Perpigna, qui a fait croire à certains qu’il était natif de Perpignan…

32.  S.H.D. à Vincennes, 8 Yd 2674.

33.  Arch. dép. de l’Hérault, L 5793, certificat médical du 12/10/1793 établi lors de l’emprisonnement de l’épouse Ginestous et de la belle-mère de celle-ci pour cause d’émigration du mari de l’une et des deux fils de l’autre.

34.  Fiche GeneaBank du décès.

35.  Voir sur tout cela notre histoire détaillée des baronnies de Pégairolles et Cambous.

36.  Etat civil de la ville de Montpellier. Arch. dép. de l’Hérault, 2 E 57-687, n° 303, non folioté (13 pages). Caizergues, notaire. Sur le village de Montarnaud et les Brignac : Claude Del Litto-Pascal. Une histoire de Montarnaud du XIe au XXe siècles, Bibliothèque 42, 1996.

37.  S.H.D. à Vincennes, 8 Yd 2674, nous réservant les détails de sa carrière dans une biographie plus détaillée pour notre ouvrage sur les baronnies de Pégairolles-de-Buèges et de Cambous. On trouvera toutefois un résumé de sa carrière militaire et des titres honorifiques dans l’ouvrage de Danielle et Bernard Quintin, Dictionnaire des colonels de Napoléon, 1996, p. 851-852.

38.  Etat B complémentaire du 15 avril 1821 au testament du 17 mai 1821, disponible sur Internet.

39.  Segondy, op. cit.. p. 276.

40.  Segondy, op. cit., p. 290.

41.  S.H.D. à Vincennes, 8 Yd 2674, enquête de moralité de 1814, inspection de 1819.

42.  Michel de Gaudart de Soulages et Hubert Lamant, Dictionnaire des francs-maçons français, p. 556, cité par Pierre Clerc.

43.  On en retrouvera une illustration de mauvaise qualité sur le réseau Internet, avec biographie succincte de l’intéressé.

44.  Christian Pioch, biographie détaillée des familles titulaires des seigneuries de Cambous et de Pégairolles-de-Buèges (Hérault), ouvrage à paraître.

45.  Voir sur tout cela notre histoire détaillée des baronnies de Pégairolles et Cambous.

46.  A. Leenhardt, Quelques belles résidences des environs de Montpellier, 1931, 2e série, rééd. Champion-Slatkine. Paris-Genève, p. 143-149.

47.  Voir notamment le site Internet de l’abbaye de Valmagne.

48.  Œuvre de l’abbé Joseph Nadaud, publiée en 1880 par l’abbé Leclerc. t. 4, notices des Turenne. p. 217-240 (site Gallica de la B.N.F), plus particulièrement la notice des marquis d’Aynac, p. 233, en complétant p. 237.
XXII (numérotation propre à cet ouvrage, p. 237), Jean Paul de Turenne (1697-1733), époux le 24/08/1698 de Marie Victoire de Durfort Clairmont de Boissières, par les descendances suivantes (ignorées de cet ouvrage et tirées de la généalogie Turenne à Valmagne) :
XXIII, Jean Louis Aune de Turenne qui épousa le 25/02/1732 Marie Anne Claude de Robert de Lignerac, dont :
XXIV, Marie Joseph René de Turenne époux en 1772, comme nous l’avons vu ci-dessus de Gabrielle Pauline de Baschi, d’où :
XXV, Henri Amédée de Turenne ci-dessus (1776-1852), époux Brignac en 1799.