Catégorie : Étiquette :

Description

Trois Vierges de faïence… Art biterrois : réflexion sur un art biterrois oublié

De tous temps et en de nombreux lieux, les potiers et faïenciers, délaissant leurs tours, modelèrent des statuettes témoignant de leur foi ou de leurs opinions politiques.

Les trois statues

Lors de la commission départementale des objets mobiliers de l’Hérault du 14 avril 2002, deux Vierges de faïence ont été proposées au classement au titre des Monuments historiques. Ces statues, placées dans des niches aménagées sur les façades de maisons, étaient destinées à la dévotion populaire. La première se trouve à Nissan-lès-Ensérune, au 2, impasse des Pêcheurs ; la deuxième à Pézenas, au 15, rue Montmorency. Enfin, elles ont été comparées à une troisième, conservée dans les collections du musée du Biterrois, elle aussi provenant d’une niche, puisque son dos n’est pas revêtu d’émail. Ce fut l’occasion de mettre le doigt sur la production méconnue d’un céramiste de Béziers du XVIIIe siècle.

L’intérêt de ces œuvres porte sur plusieurs points. D’abord la rareté de ce type de sculpture en Languedoc méditerranéen : on ne connaît pour l’instant que ces trois Vierges de faïence dans cette région, avec un atout supplémentaire pour deux d’entre elles, celles de Nissan et Pézenas, puisqu’elles sont conservées in situ, bien à la vue des passants, aux lieux pour lesquels elles étaient destinées. Cependant, celle de Pézenas a été légèrement déplacée. À l’origine, elle se trouvait dans l’embrasure d’une des fenêtres de la maison faisant fonction niche et, depuis 1967, derrière un abri de verre couvert de tuiles vernissées créé pour l’accueillir à l’occasion d’un ravalement de la façade. Seule celle de Nissan se trouve encore dans la niche ornée d’un encadrement de faïence qui lui a été dévolue dès le XVIIIe siècle.

Le choix des sujets a été décidé par les clients du céramiste ou déterminé par le lieu de destination des œuvres. À Pézenas, il s’agit d’une Pietà dont le socle porte au manganèse l’inscription en lettres capitales, afin de ne laisser place à aucune ambiguïté sur le sujet : « MATER DOLOROSA ». A Béziers le choix s’est porté sur une image de la Vierge à l’Enfant tirée de l’Apocalypse, surmontant un croissant de lune et écrasant le serpent de son pied droit, le socle porte l’inscription : « Marie maire du bel amour ». Celle de Nissan, aussi une Vierge à l’enfant, « était autrefois implorée par les femmes enceintes afin que l’accouchement se déroule dans de bonnes conditions ». L’actuelle propriétaire nous a déclaré qu’elle est nommée par les anciens habitants du village Notre-Dame de Délivrance, attestant de la dévotion des femmes sur le point d’accoucher. Il serait vain de chercher les modèles précis de ces figures d’argile. Ce sont des poncifs diffusés par la gravure, un dérivé des Vierges de Murillo pour celle de Béziers, une Vierge de piété pour Pézenas à la composition tragique reproduite à profusion depuis le XVe siècle, tant en peinture qu’en sculpture, savante ou populaire, de pierre ou de bois. À Nissan, on retrouve dans l’encadrement de la niche, avec ses pilastres corinthiens et sa décoration végétale, un très lointain souvenir des oratoires et chapelles des Della Robbia.

Un autre des caractères remarquables de ces oeuvres est leurs exceptionnelles dimensions, un mètre de haut pour celle de Nissan et 95 cm pour celle de Pézenas. La plus petite, celle du musée du Biterrois, ne mesure que 50 centimètres de haut, ce qui est déjà important pour une pièce de faïence. Le modelage a été réalisé, autant que l’observation le permet pour les pièces encore en place, dans une argile prenant à la cuisson une couleur jaune pâle. L’épaisseur des parois est considérable et chacune des statues est constituée d’un seul bloc et non de plusieurs assemblés après cuisson. Seul l’encadrement de la niche de Nissan à été fabriqué en cinq morceaux assemblés au mortier lors de la construction de l’oratoire. On observe quelques fissures survenues au cours de la cuisson notamment sur celle de Pézenas, résultant de la difficulté à obtenir une température homogène sur des pièces aussi grandes et aussi épaisses. Ces observations, sur le procédé de modelage et l’importance des dimensions révèlent une prouesse technique remarquable de la part d’un céramiste de cette époque. De son côté, la qualité plastique du modelage est quant à elle assez médiocre, on sent la main de l’artisan et non celle de l’artiste, dans la lourdeur du modelé, la maladresse des proportions et la naïveté des postures. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2003

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Jean-Louis VAYSSETTES

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf