Tentures et décors en cuirs dorés conservés en Région Languedoc-Roussillon
Tentures et décors en cuirs dorés conservés en Région Languedoc-Roussillon
* Diplômé d’Etudes Supérieures de l’Ecole du Louvre.
p. 95 à 115
Les cuirs dorés – les célèbres « cuirs de Cordoue » – ont été jadis à la mode dans toute l’Europe, surtout du XVIe au XVIIIe siècle 1. Ils étaient surtout destinés à faire des décors muraux pour orner les plus riches demeures 2 mais on les a aussi utilisés à d’autres fins ; dans le domaine religieux notamment on en faisait volontiers des devants d’autel. Les inventaires du XVIIe et du XVIIIe siècle témoignent de l’existence de tels décors en Languedoc-Roussillon. Ainsi l’inventaire du mobilier du château de Servas (aujourd’hui dans le Gard), établi le 31 mai 1704 à la suite d’un violent sinistre, mentionne une salle estant tapissée d’un fort beau cuir doré 3… Jean Nougaret, en 1981, a rapporté plusieurs autres exemples 4 : A Narbonne François Daudric possédait en 1613 neuf pièces de goudoumacin 5 en cuyr d’Espaigne doré et argenté ; à Montpellier en 1622 la demeure de M. de Vallancay contenait au premier cabinet de Monsieur une tante de tapisserie de cuir doré ; en 1675 on trouve mention dans les archives du château de Coussergues, près de Béziers, d’une tapisserie de cuir doré dholande rellevé en bosse… ; au palais épiscopal de Béziers existait en 1702 dans le passage de la chapelle… une vieille tapisserie de cuir doré en quatre pièces ; à la Grange-des-Prés à Pézenas existaient dix pièces de tapisseries de cuir marquées aux armes du duc de Montmorency 6 ; il y avait aussi à Aniane (aujourd’hui dans l’Hérault) en 1754 un cuir… tout déchiré et un autre en grisailhe avec les bordures dorées. En fait, au XVIIe siècle, la plupart des grandes demeures des provinces françaises étaient dotées de semblables ornements.
Avec le temps la plupart de ces décors ont disparu. Quelques-uns d’entre eux cependant ont été conservés et ornent toujours l’intérieur d’édifices publics ou d’habitations privées.
Dans la Région Languedoc-Roussillon plusieurs tentures et décors divers en cuir doré peuvent encore être observés. Leur relative rareté justifie de les présenter et de formuler quelques commentaires pour les replacer dans leur contexte originel.
Présentations des objets
1. Les tentures murales (Elles sont toutes localisées en Languedoc).
Tenture murale n° 1 (Collection particulière)
Un panneau de cuir doré, entouré d’un cadre en bois peint, décore une chambre à coucher (fig. 1). Il mesure 2,24 m de haut et 2,00 m de large. Il est constitué de vingt carreaux disposés en quatre rangées superposées. Chaque carreau mesure 0,57 m sur 0,40 m. Le décor, en fort relief, est polychrome sur un fond doré plat. L’unité décorative de base s’exprime sur deux carreaux complémentaires et se compose de grosses fleurs et de gerbes de feuillage symétriquement disposées. Ici où là des représentations d’oiseaux agrémentent l’ensemble. Les principaux motifs sont rehaussés de rouge et de vert foncé. Le panneau est en bon état de conservation ; il provient d’une tenture qui a été déposée et dont le surplus est conservé dans les réserves de la demeure.
Le décor représenté et sa facture – notamment la façon de représenter les fleurs – permettent de conclure qu’il s’agit de cuir doré français de la seconde moitié du XVIIe siècle, originaire de la vallée du Rhône, vraisemblablement d’Avignon, mais l’atelier ne peut en être précisé.
Un décor identique peut être observé sur la tenture murale qui orne la salle à manger d’un petit château en Auvergne, sur un des deux devants d’autel de l’église de La-Chaux-des-Crotenay (Jura) et sur le devant d’autel de la chapelle Notre-Dame-de-Vie du hameau de Pré-Plan à Saint-Sorlin-d’Arves (Savoie).
Tenture murale n° 2 (Collection particulière)
Une salle d’un château, mesurant environ onze mètres de long sur quatre mètres de large, est tapissée de cuir doré sur ses quatre murs. La tenture est disposée au-dessus de lambris d’environ un mètre de haut et sous une frise peinte polychrome qui court le long du plafond (fig. 2a). La hauteur de la tenture est de 3,15 m. Sur un des grands murs de la pièce sont percées quatre fenêtres et sur l’autre sont disposés trois bibliothèques. Les fenêtres et les bibliothèques délimitent des espaces que revêtent les cuirs dorés. Les petits côtés de la pièce sont occupés dans leur partie médiane l’un par une cheminée, l’autre par la porte d’accès de laquelle descend un escalier en bois ciré bordé d’une rampe de chaque côté. Les cuirs recouvrent une surface totale d’environ 55 m².
Les carreaux de cuir doré sont de deux types. Les carreaux les plus grands mesurent 0,57 m de haut sur 0,41 m de large (fig. 2b). Il s’agit de cuir doré repoussé dont le fond plat est de couleur vieux rouge ; le décor, en fort relief, est uniformément doré : en bas, au centre est représentée une corbeille richement ornée remplie d’épis surmontés de fleurs. La corbeille est entourée de chaque côté de gerbes de feuillage et de rinceaux de feuilles d’acanthe qui se croisent en « X » au dessus d’elle et viennent entourer de chaque côté une grosse fleur épanouie. Le style du décor, le fort relief et l’aspect peu naturaliste des fleurs permettent de conclure qu’il s’agit d’une production française de la vallée du Rhône, vraisemblablement d’Avignon, datant de la seconde moitié du XVIIe siècle. Tous ces carreaux sont identiques ; une fois les carreaux juxtaposés leur décor s’articule harmonieusement avec le décor des carreaux voisins. Ces grands carreaux recouvrent tous les murs à l’exception de celui où s’ouvre la porte d’entrée. Six rangées de carreaux sont ainsi superposées ; mais la rangée du bas n’est composée que de demi carreaux. Un fragment de cuir doré de 0,36 m de haut et de 0,42 m de large, au décor identique, est conservé au pavillon de Vendôme à Aix-en- Provence (Bouches-du-Rhône).
Les petits carreaux mesurent 0,34 m sur 0,20 m (fig. 2c) ils ont la même origine et la même datation. Ils étaient vraisemblablement destinés à l’origine à confectionner les bordures d’encadrement de la tenture. Leur décor est différent de celui des grands carreaux mais il leur est assorti. La couleur des fonds est plus foncée ; les motifs, toujours en fort relief, sont dorés ; on reconnaît deux animaux sauvages affrontés – peut-être des lions – placés chacun au centre d’un rinceau. Ces carreaux tapissent le mur de la porte d’entrée : ils sont disposés en huit rangées superposées. Cette disposition inhabituelle confirme qu’il s’agit de cuirs dorés réemployés après dépose de leur site initial et que la disposition première des grands carreaux et des bordures n’a pas été conservée.
A l’origine tous les carreaux étaient cousus entre eux comme il était habituel au XVIIe siècle. Lors de la dépose, ou après elle, les bords ont été retaillés. La mise en place dans la pièce actuelle a été effectuée par clouage sur des baguettes de bois quadrillant les murs ou parfois directement sur les murs.
Le décor de beaucoup de carreaux est bien conservé mais les cuirs ont souffert des conditions climatiques. Ils sont souvent durs et rigides et en de nombreux endroits on observe des déformations et des rétractions ; les tractions exercées à l’emplacement des clous ont souvent provoqué des déchirures.
L’intérêt de cette importante tenture, tapissant une pièce entière, réside dans son ancienneté et dans la rareté de son décor.
Tenture murale n° 3 (Collection particulière)
Les murs d’une salle à manger sont tendus de cuirs dorés ciselés plats surmontant des lambris (fig. 3). Le décor de base – qui évoque un décor de tissu – est porté par deux carreaux juxtaposés ; les motifs sont disposés en miroir. Les deux types de carreau sont disposés en alternance dans le sens vertical comme dans le sens horizontal, comme il est habituel dans ce genre de décor. Le fond est doré. Les motifs représentés, intensément ciselés, sont composés de feuillages, de fleurs et de fruits. Les empreintes des ciselures sont diverses : stries parallèles, juxtapositions de triangles striés, cercles centrés par un point, carrés inscrits dans un quadrillage notamment. Tous les motifs sont limités par un trait rouge régulier continu. Dans leur ensemble tous les carreaux de cette tenture se sont assombris avec le temps, ce qui gêne leur lisibilité. On retrouve sur cette tenture toutes les caractéristiques des cuirs dorés italiens : le décor est plat, sans aucun signe de repoussé, les ciselures sont variées et abondantes, tous les motifs sont limités par un trait continu, enfin le fond doré est vif et particulièrement brillant dans les zones les mieux conservées. Cette tenture de cuir doré italien peut être datée du XVIIe siècle.
Tenture murale n° 4 (Collection particulière)
Les six panneaux qui constituent cette tenture murale (fig. 4) sont disposés sur les deux grands côtés du vaste hall d’entrée rectangulaire d’une élégante demeure. Les panneaux sont entourés de boiseries cirées de style Louis XVI ; ils mesurent tous 3,06 m de haut mais ils ont une largeur variable. Deux autres panneaux ont été déposés il y a quelques années et semblent actuellement perdus de vue. Tous ces cuirs sont en place sur ce site depuis plusieurs décennies ; on ne connaît pas leur lieu d’exposition initial. Les carreaux qui constituent les différends panneaux mesurent environ 1,14 m de haut et 0,57 m de large ; ces dimensions sont beaucoup plus grandes que celles qui sont habituellement observées sur les cuirs dorés français. Les carreaux sont cousus entre eux. La surface des cuirs est assez sombre et certains d’entre eux sont déformés, gondolés, voire rétractés par endroits ; ces altérations n’empêchent pas la lecture du décor mais nuisent à la qualité des reproductions photographiques.
Ces cuirs dorés tirent une grande part de leur intérêt de la qualité et de l’originalité de leur iconographie. Il s’agit en effet de cuirs dorés historiés : des personnages variés sont représentés dans des situations diverses, toujours pittoresques et anecdotiques. On peut ainsi retrouver des représentations des Quatre saisons (fig. 5), des Quatre parties du monde (fig. 6), des Quatre éléments (fig. 7), ainsi que des Chinoiseries et autres motifs exotiques (fig. 8).


Les panneaux sont entourés de bordures horizontales et verticales agréablement décorées. Les bordures verticales (fig. 9) représentent une colonne cannelée. Les cannelures, au nombre de sept, comportent sur toute leur hauteur de fines stries obliques parallèles. A sa partie inférieure la colonne repose sur une plinthe ; en haut elle est surmontée d’un chapiteau corinthien orné de fleurs polychromes. Le fût de la colonne est abondamment décoré : un fin ruban rouge s’enroule en spirale de la base jusqu’au chapiteau ; des fleurs, notamment des roses, et des fruits, poires ou raisins, sont régulièrement répartis sur toute la hauteur avec leurs tiges ou leurs branches feuillues.
Les bordures horizontales (fig. 10) sont ornées tantôt de fleurs polychromes comprises entre deux cordelettes blanches terminées par un gland et un pompon, tantôt de fruits, melons et raisins, qu’accompagnent quelques éléments floraux, avec toujours, de chaque côté, les mêmes éléments de passementerie. L’ensemble se détache sur un fond doré.

Des décors de la même série, identiques ou exprimant un thème différent, mais tous décrits dans le catalogue de Raymond Boissier (fig. 24), consultable à la bibliothèque d’Avignon, sont conservés au musée Anne de Beaujeu de Moulins (Allier) et dans trois collections particulières en Régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Île-de-France.
Quelques autres carreaux sont connus à l’étranger (église d’Epsom en Angleterre, Fondation Abegg, près de Berne en Suisse, et dans deux collections particulières en Allemagne et aux États-Unis)
Tenture murale n° 5 (Collection particulière)
Quatre grands panneaux muraux (fig. 11) décorent un grand salon (2,96 x 4,47 m ; 2,96 x 4,40 m ; 2,96 x 3,36 m, entourant une porte à deux vantaux, et 2,64 x 1,67 m). Tous les panneaux sont entourés d’une bordure (fig. 12). Les carreaux sont cousus entre eux et aux bordures. Ils sont entièrement peints, fond et motifs, en vert foncé, ce qui rend la lecture des détails difficile. Le fond des carreaux est plat, uni, sans ciselure. Les motifs décoratifs, en relief modéré ont été réalisé au repoussé. Le décor élémentaire se développe sur deux carreaux dont les motifs identiques sont représentés en miroir. Ces carreaux sont disposés alternativement sur toute la largueur de la tenture et, comme il est habituel, les rangées de carreaux sus et sous jacentes sont décalées latéralement d’un carreau par rapport à ceux de la rangée intermédiaire. Les motifs des carreaux s’articulent harmonieusement et précisément avec ceux des carreaux voisins, aussi bien dans le sens horizontal que dans le sens vertical. Le décor, de style rocaille, est fait de motifs aux lignes très incurvées. Des palmettes, régulièrement réparties, rythment le décor entre elles sont disposées des bandes chantournée qui se terminent par des volutes et sont ornées d’abondants éléments végétaux à type de feuilles d’acanthe et de fleurs. Des motifs réniformes fleuris et des croisillons ajourés donnent à l’ensemble son caractère rocaille. Ce décor, caractéristique du second quart du XVIIIe siècle, est identique à celui des tentures en cuir doré à fond rouge qui tapissent la salle Toro de l’hôtel de ville d’Aix-en- Provence, tentures avignonnaises fabriquées en 1738 par Raymond Boissier 7. Des carreaux de même décor, mais de couleurs différentes, sont aussi conservés au musée du Papier Peint à Rixheim (Haut-Rhin) et dans des collections particulières dans les Régions Île-de-France et Provence-Alpes-Côte-D’azur.


Tenture murale n° 6 (Collection particulière)
La salle à manger du château Sabatier d’Espeyran à Saint-Gilles (Gard) est ornée de neuf panneaux de cuir doré repoussé (fig. 13 et 14) ; tous les panneaux ont une hauteur de 1,87 m ; leur largeur est respectivement 1,78 m, 0,21 m, 5,15 m, 0,125 m, 1,12 m, 0,105 m, 0,69 m, 1 ,93 m et 0,26 m. Ils surmontent des lambris et sont incorporés aux boiseries de la pièce. Chaque panneau est constitué de trois rangées de carreaux superposées ; deux panneaux comportent sur un côté une bordure latérale. Tous les panneaux sont ornés d’un même décor : le fond est doré, « ciselé à la mosaïque », avec des empreintes triangulaires juxtaposées striées ; les motifs, en relief, sont polychromes. Le décor de base se développe sur deux carreaux dont les motifs, presque identiques, sont reproduits en miroir (fig. 14a) ; les deux types de carreau sont disposés en alternance sur une même travée horizontale. Les motifs représentés sont essentiellement végétaux faits de fleurs et de feuillages avec quelques éléments « rocaille ». Ce décor du milieu XVIIIe siècle a peut-être été fabriqué par l’atelier de la famille Boissier à Avignon ; en effet les empreintes en très léger relief du fond (« ciselure à la mosaïque »), faites de triangles striés juxtaposés, sont identiques à celles des décors décrits dans le catalogue de Raymond Boissier. Le même décor est reproduit sur le devant d’autel en cuir doré de l’église de Cavirac à Belvianes-et-Cavirac (Aude), présenté plus loin, et sur celui de l’église d’Aucun (Hautes-Pyrénées).


Tenture murale n° 7 (Collection particulière)
La salle à manger d’un imposant château est tapissée de cuirs peints assemblés sans coutures (fig. 15). Sur le fond beige se dégage un harmonieux décor, en léger relief, uniformément coloré en vert foncé. Il est composé de gracieux motifs symétriquement disposés faits de bandes chantournées, de rinceaux, de fleurs, de feuillages et de fruits, agrémentés de médaillons entourant des éléments végétaux. Le style du décor est celui du milieu du XVIIIe siècle mais la facture évoque une date de fabrication postérieure, vraisemblablement du XIXe siècle.
A côté de grandes tentures ornant toute une salle il existe en Région Languedoc-Roussillon des pièces isolées et des couvertures de siège.
2. Les pièces isolées et les couvertures de siège
Pièce n° 1 (Collection particulière)
Le carreau, très abîmé et incomplet, est presque totalement décoloré (fig. 16). Sur le fond beige clair apparaît le décor doré. Dans un contexte de guirlandes, de fleurs et de fruits, agrémenté d’oiseaux et de papillons, évoluent trois putti. Celui du haut, difficile à voir, a le front ceint de grappes de raisins ; c’est l’évocation de Bacchus. Celui qui est en bas et à droite, mais dont on ne voit qu’une partie du corps (fig. 16c), tient une flèche et représente Cupidon. Celui qui est en bas et à gauche (fig. 16b) tient un épi de blé ; il représente Cérès. Ce décor illustre l’aphorisme du poète latin Térence : « Sine Cerere et Bacchus Venus friget ». Ce thème était volontiers représenté sur les cuirs dorés des Pays-Bas du Nord au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle 8. Le même décor, mais mieux conservé, a été retrouvé dans des collections particulières dans les Régions Île-de-France et Haute-Normandie
Pièce n°2
Cet élément de bordure rectangulaire de cuir doré est conservé au musée Cévenol du Vigan (Gard). Il mesure 0,32 m sur 0,84 m et est constitué de deux morceaux cousus entre eux (fig. 17). C’est le seul élément conservé d’une tapisserie qui ornait jadis l’hôtel d’un fermier général, l’hôtel de Faventines d’Assas au Vigan en Languedoc. Cette tapisserie est mentionnée dans l’inventaire après décès de Pierre de Faventines, établi en juin 1776 ; elle y était considérée comme déjà ancienne et usée. Le décor en relief, qui se détache sur un fond doré animé de petits carrés finement striés, est constitué de bandes incurvées agrémentées de feuillages et de fleurs. A un endroit une bande se termine en corne d’abondance remplie de fleurs, de feuilles et de fruits. Les motifs végétaux sont rehaussés de rouge, de vert foncé et de blanc. De chaque côté de la bordure on peut observer une succession ininterrompue de cercles juxtaposés colorés en vert et centrés par une rosette rouge ; ce motif forme une double chaînette continue qui limite latéralement le décor. Cette représentation est en accord avec une datation voisine de 1740-1750. La facture est celle des ateliers français de la vallée du Rhône.
Pièce n°3 recouvrant des sièges (Collection particulière)
Deux chaises sont recouvertes de cuir doré (fig. 18a). Les cuirs des assises sont endommagés ; ceux des dossiers sont en assez bon état et permettent l’analyse du dessin (fig. 18b). Sur un fond rouge se dégage un décor doré très tourmenté, typiquement « rocaille », incomplètement symétrique par rapport à l’axe vertical central. Les motifs, en fort relief, sont faits de volutes et de feuillages dorés et de grosses fleurs polychromes. La facture des motifs décoratifs dorés et surtout le style des représentations florales, avec cette façon très contrastée d’appliquer les couleurs et le caractère peu naturaliste des fleurs (fig. 18c), sont en faveur dune fabrication avignonnaise.
La Bibliothèque des Arts Décoratifs à Paris conserve une gravure qui représente ce décor 9.
Des panneaux de cuir doré de décor identique sont conservés au musée national de la Renaissance au château d’Ecouen (Val-d’Oise) et au château d’Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire).

Pièce n°4 recouvrant le dossier d'une chaise (Collection particulière)
Le dossier d’une chaise est recouvert de cuir portant un décor en relief et peint (fig. 19). Un piédestal tronconique, effilé à sa partie supérieure et orné de croisillons et de petites fleurs, supporte une figure en éventail formée de cinq palmettes. De chaque côté sont représentés des branche garnies de baies et tout en bas des rameaux fleuris. Ce cuir, peut-être fabriqué en France, est une copie, très incomplète, d’un décor du début du XVIIIe siècle originaire des Pays-Bas (peut-être de l’atelier de Carolus Jacobs [1693-1728] à Malines). Sur un décor complet original on pourrait observer qu’il existe latéralement des oiseaux, vraisemblablement des aigles, aux ailes déployées, qui tiennent une branche garnie de baies dans le bec et une autre dans les serres d’une patte ; autour de l’ensemble existe un cadre hexagonal fait d’une large bande qui s’enroule aux angles supérieurs 10. Le décor ici présenté est donc très fragmentaire.
Ce décor a vraisemblablement été inspiré par un dessin de l’ornemaniste français, émigré aux Pays-Bas du Nord, Daniel Marot 11 ; décor très apprécié au XVIIIe siècle il a souvent été copié au XIXe siècle. Des exemplaires du début du XVIIIe siècle sont conservées dans divers pays ; on en trouve en France à Avignon, à la préfecture ; à Ecouen (Val-d’Oise), au musée national de la Renaissance ; à Dampierre-en-Montagne (Côte-d’Or), à l’église ; à Paris, au musée des Arts Décoratifs et à l’hôtel Salomon de Rothschild ; il en existe aussi dans diverses collections particulières des Régions Auvergne, Bourgogne, Île-de-France, Picardie et Rhône-Alpes.
A côté de cet usage profane les cuirs dorés ont aussi été utilisés dans le domaine religieux et des objets de cet ordre sont conservés en Languedoc-Roussillon.
3. Les cuirs dorés à usage religieux
Ils sont représentés par un devant d’autel, un panneau peint et une chasuble avec son étole. On peut en rapprocher le devant d’autel d’Oreilla, bien que ce soit une entité très différente.
Le devant d'autel de Cavirac (Aude)
Dans l’église de Cavirac (Aude), est conservé un devant d’autel en cuir doré en bon état (fig. 20). C’est le seul devant d’autel de ce type de la Région Languedoc-Roussillon 12. Il est composé de quatre carreaux et de quatre éléments de bordure assortis ; toutes les pièces sont cousues entre elles. Le décor de base se développe sur deux carreaux dont la plupart des motifs – mais pas tous – sont reproduits en miroir. Le fond du décor est argenté, « ciselé à la mosaïque », avec des petites empreintes triangulaires juxtaposées striées ; les motifs, en relief, sont polychromes : certains sont dorés, d’autres sont colorés surtout en rouge, bleu, vert foncé, brun et blanc. L’ornementation est essentiellement végétale, faite de fleurs et de feuillages avec des éléments de « rocaille ». Comme les carreaux la bordure a un fond argenté « ciselé » et des motifs dorés et polychromes. Ce décor est le même – mais avec des variations de couleur – que celui de la salle à manger du château Sabatier d’Espeyran à Saint-Gilles (Gard), qui a été présenté plus haut, et du devant d’autel de l’église d’Aucun (Hautes-Pyrénées). Comme eux il date donc du milieu du XVIIIe siècle et est d’origine vraisemblablement avignonnaise.

Un carreau de cuir doré avec une scène religieuse (Collection particulière)
Dans un médaillon à large bord strié situé au centre d’un carreau de cuir doré est représentée une jeune femme, les bras croisés sur la poitrine et les yeux levés au ciel (fig. 21) ; il s’agit vraisemblablement d’un décor religieux mais il est difficile d’identifier le personnage qui évoque les saintes en extase de l’art baroque romain. Le cuir situé à l’intérieur du médaillon est plat ; le pourtour du médaillon en revanche et le décor périphérique sont en fort relief avec des fleurs très colorées et des rinceaux de feuilles d’acanthe sur un fond bleu. A la partie inférieure du médaillon est représentée une draperie à lambrequins ornée de glands. Ce panneau de cuir doré et peint constituait certainement jadis le carreau central d’un devant d’autel ; il a secondairement été isolé et encadré de baguettes dorées pour être présenté comme un tableau. Il est originaire de la vallée du Rhône, vraisemblablement d’Avignon, et date de la seconde moitié du XVIIe siècle.
Des carreaux de cuir doré repoussé identiques (à l’exception du personnage peint central) peuvent être observés sur le devant d’autel de l’église de Chevaline (Haute-Savoie) et sur celui de la chapelle Sain-Bon à Beaufort-sur-Doron, hameau des Villes-Dessus (Savoie).
Le devant d'autel d'Oreilla (Pyrénées-Orientales)
Le devant d’autel de l’église d’Oreilla, dans les Pyrénées-Orientales, date du début du XIIIe siècle. Il peut être comparé aux décors précédents mais il doit en être clairement différencié (fig. 22). Il ne s’agit pas en effet d’un devant d’autel en « cuir doré » à proprement parler car le support n’est pas fait de cuir tanné mais de parchemin, car il n’y a pas de feuille d’argent sous le décor peint et parce que la couleur dorée du fond n’est pas la conséquence d’une application de « vernis jaune » sur une surface métallique. Cette œuvre exceptionnelle apparaît cependant intéressante à mentionner car elle comporte des analogies avec les devants d’autel en cuir doré que l’on verra se multiplier entre le XVIe et le XVIIIe siècle.
Le support rigide du devant d’autel d’Oreilla est un panneau de bois qui est recouvert de feuilles de parchemin ; seul le fond quadrillé doré de la mandorle en est dépourvu. Tous les personnages sont peints en polychromie sur le parchemin ; le fond est partout uniformément doré. Le thème central est celui du Christ Pantocrator – Christ en gloire – dans une mandorle. Il est entouré dans les écoinçons des quatre évangélistes avec leur symbole. Dans les quatre compartiments latéraux sont représentés les douze apôtres. Le fond de la mandorle est sculpté en damier. Le fond des écoinçons est décoré de petits losanges en léger relief centrés par un cercle. Le fond des compartiments latéraux comporte la juxtaposition de rinceaux en relief centrés par une fleur de lys. Des rinceaux identiques se retrouvent dans la bordure de la mandorle et sur le cadre. On peut penser avec Marcel Durliat que « l’artiste d’Oreilla […] a voulu imiter les riches retables d’orfèvrerie. Il […] en fait une version picturale des tableaux d’autel byzantins… » Cette œuvre a en effet subi un forte influence byzantine, vraisemblablement venue d’Italie autour des années 1200 13.
Si le devant d’autel d’Oreilla ne peut pas être considéré comme un « cuir doré » tel qu’on l’entendra à la Renaissance et à la période baroque, on peut néanmoins observer des points communs. Le support du décor peint est constitué de parchemin qui provient aussi d’une peau d’animal même si elle n’a pas été tannée. Le fond doré, courant dans nombre de représentations peintes du Moyen Âge, se retrouvera plus tard sur les cuirs dorés, il en va de même des décors des fonds avec un travail en relief qui imite les décors d’orfèvrerie. Sur le devant d’autel d’Oreilla le relief a été réalisé par l’application d’une sorte de stuc qui a été secondairement peint Sur les cuirs dorés de la Renaissance et des siècles suivants les motifs décoratifs en relief étaient réalisés soit aux petits fers soit par estampage soit au repoussé. Le décor d’Oreilla s’apparente donc aux peintures des manuscrits et aux enluminures médiévales mais on peut y relever aussi des motifs décoratifs qui seront repris ultérieurement.
La chasuble de l'abbaye de Fontcaude
Une chasuble en cuir doré et argenté souple (fig. 23) est conservée à l’abbaye de Fontcaude à Cazedarnes (Hérault). Elle est en deux parties, le devant et le dos étant séparés ; le cuir est un peu desséché et déchiré par endroits. Les cordons manquent. Le devant comme le dos sont doublés d’une toile, en assez bon état, qui pourrait être du lin et qui semble ancienne. Ils portent le même décor. Sur le fond argenté, délicatement ciselé et animé de fines stries, se détache le décor doré de la colonne médiane et la fausse bordure périphérique.

La colonne centrale se compose de deux longues bandes parallèles entre lesquelles prennent place des motifs géométriques et des arabesques parfaitement symétriques par rapport à l’axe vertical médian. Les bandes dorées qui constituent le décor de l’orfroi sont ornées de motifs, linéaires ou circulaires, en très léger relief. Les parties latérales de la chasuble sont ornées de fleurs dorées rehaussées de rouge ; des grosses fleurs alternent avec des fleurs plus petites ; toutes sont ornées de motifs ciselés circulaires ou en rosette. L’ensemble est agrémenté de tiges et de feuillages colorés en vert. Avec la chasuble est conservée une étole en cuir doré de même type et dont le décor est assorti. Cette chasuble en cuir doré et son étole, pièces assez rares, proviennent d’un don fait à l’association Les amis de Fontcaude ; selon le donateur elles proviendraient de Suisse.
Quatre autres chasubles de ce type sont connues en France : au musée des Tissus de Lyon, dans le trésor de la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges (Haute-Garonne) et dans deux collections particulières en Régions Midi-Pyrénées et Rhône- Alpes ; une de ces dernières est accompagnée de l’étole, du manipule et du voile de calice. Ces cinq chasubles ont la même forme de type « violon » et leur décor est voisin ; surtout l’orfroi est presque identique sur tous les exemplaires, ce qui incite à conclure que l’atelier de fabrication était certainement le même. Il existe aussi des chasubles en cuir doré dans le reste de l’Europe 14.
Tels sont les différents cuirs dorés qui ont actuellement été répertoriés dans la Région Languedoc-Roussillon. Ces décors, pourtant jadis très recherchés, sont aujourd’hui mal connus et même parfois oubliés par beaucoup. Il convient donc de rappeler leur histoire et de les replacer dans la longue tradition des arts décoratifs européens.
Commentaires
Les cuirs dorés ont connu leur plus grande célébrité au XVIe siècle en Espagne et aux XVIIe et XVIIIe siècles dans le reste de l’Europe. L’histoire des cuirs dorés est en réalité très ancienne puisqu’ils sont apparus dans le sud de l’Espagne, à Cordoue, dés la fin du premier millénaire, donc après la conquête arabe ; leur technique de fabrication s’inspirait certainement pour une part des méthodes couramment employées en Afrique du Nord mais il est vraisemblable qu’il existait aussi sur place une grande connaissance du travail du cuir acquise de longue date.
Définition et techniques de fabrication
Les cuirs dorés ne sont pas définis par l’existence d’or dans leur décor mais par la présence à la surface du cuir d’une feuille d’argent dont l’aspect devenait doré après l’application sur sa surface polie d’un « vernis jaune ». Paradoxalement on pourrait dire que c’est la présence d’une feuille d’argent qui définit le « cuir doré »… Les autres techniques décoratives, facultatives d’ailleurs, étaient appliquées secondairement : impression des dessins à la plaque ou par estampage, repoussé, ciselure, peinture 15.
Les cuirs dorés étaient faits d’une peau d’animal tannée habituellement selon le procédé végétal à base d’écorce de chêne ; on utilisait des peaux de mouton, notamment en Espagne et en France, ou des peaux de chèvre, notamment en Italie, ou encore des peaux de veau aux Pays-Bas. Sur le cuir humidifié, taillé en rectangle, des feuilles d’argent étaient ensuite collées. Après séchage les feuilles d’argent étaient lustrées avec un brunissoir (agate polie) et recouvertes de colle de parchemin ou de blanc d’œuf pour éviter l’oxydation. Les feuilles d’argent étaient ensuite recouvertes d’une ou plusieurs couches de « vernis jaune » pour obtenir la couleur dorée 16 ; ce vernis était fabriqué en chauffant des résines végétales – notamment de la sandaraque et de l’aloès – avec de l’huile de lin. Si on n’appliquait pas de vernis jaune la couleur de l’argent restait apparente ; on parlait alors de « cuir argenté ».
Ensuite on posait le contour du décor souhaité sur la surface dorée – ou argentée – en y appliquant une planche de bois sculptée encrée qui portait le dessin approprié. On appliquait ensuite au pinceau les couleurs qui convenaient. L’ensemble était ensuite ciselé en utilisant des poinçons (ou matoirs) encore appelés « petits fers » ; cette ciselure réalisait des empreintes variées (cercles, points, petits carrés, stries parallèles ou ondulantes, étoiles par exemple) ; elle était appliquée sur les fonds pour les animer et limiter les reflets directs de la lumière ; on l’utilisait aussi pour souligner certains détails.
La technique de fabrication des cuirs dorés s’est trouvée modifiée, à partir de 1628, par la découverte à La Haye, aux Pays-Bas, dans l’atelier de Jacob Dircsz, de Swart, de la méthode du repoussé. Cette façon de faire nouvelle, tout à fait révolutionnaire, demandait l’utilisation de moules – d’abord en bois puis en métal – profondément sculptés en creux et d’une presse robuste. On pouvait ainsi réaliser sur les cuirs d’importants reliefs dont la profondeur pouvait atteindre jusqu’à deux centimètres ; cela permettait de réaliser des décors nouveaux qui renvoyaient la lumière dans toutes les directions et qu’il était possible de reproduire à l’identique en séries. Cette méthode inédite fut dorénavant utilisée dans la plupart des pays d’Europe – notamment en France – mais l’ancienne technique ne fut pas abandonnée pour autant et on continua à fabriquer des cuirs plats jusqu’au XVIIIe siècle, notamment en Italie et dans les Pays-Bas du Sud.
Pour confectionner les tentures et obtenir les surfaces souhaitées les « peaux » – ou carreaux – étaient cousues entre elles ; on a commencé à les coller bord à bord à partir de la fin du XVIIe siècle.
Tombés dans l’oubli à la fin du XVIIIe siècle les cuirs dorés restent aujourd’hui largement méconnus. Pour bien comprendre la place qu’ils ont jadis occupée il faut se rappeler leur genèse et leur développement géographique ; en effet la longue histoire des cuirs dorés, si elle fut d’abord espagnole, a été européenne. A partir du XVIe et du XVIIe siècle en effet des ateliers de fabrication ont été créés dans la plupart des pays d’Europe ; ce sont d’ailleurs surtout des productions de ces pays qui sont conservées de nos jours.
Les cuirs dorés en Espagne
Les cuirs dorés, dont l’essor a certainement été stimulé par des techniques nouvelles importées d’Afrique du Nord par les Maures, pourraient avoir existé dés le IXe siècle 17 autour de Cordoue. En tout cas ils y étaient couramment fabriqués au XIe siècle 18. En Espagne on appelait ces cuirs dorés décoratifs des « guadameciles » 19 ; on les nomme d’ailleurs toujours ainsi de nos jours. Très appréciés ils ont ensuite été fabriqués dans la plupart des grandes villes espagnoles mais on connaît mal leur histoire jusqu’au XIVe ou XVe siècle. Leur apogée a été atteinte au XVIe siècle mais peu d’exemplaires de cette époque ont été conservés ; leurs décors représentaient alors tantôt les formes géométriques répétitives du style mudejar 20 d’inspiration islamique, tantôt des motifs de la Renaissance. Initialement les contours des dessins étaient portés au moyen d’une planche gravée ; puis on a utilisé l’estampage 21. Les décors étaient ensuite peints. Pour terminer on réalisait une abondante « ciselure ». Les cuirs dorés espagnols n’ont jamais comporté de fort relief comme ce fut le cas plus tard dans la plupart des autres pays.
Si Cordoue a été la ville où il y a eu le plus grand nombre d’ateliers, les cuirs dorés espagnols dans leur ensemble étaient réputés dans le monde entier ; ils étaient exportés dans toute l’Europe et jusque dans les colonies espagnoles d’Amérique ; ils étaient partout connus sous le nom de « cuir espagnol » et on les appelait « spanish leather » en Angleterre, « cuirs de Cordoue » en France, « spaans goudleer » aux Pays-Bas, « kurdybany » en Pologne
Au cours du XVIIe siècle, conséquence de l’expulsion des Maures d’Espagne et peut-être aussi des épidémies de peste et des effets de mode, l’industrie des cuirs dorés espagnole a périclité – ce qui explique pour une grande part leur rareté actuelle – mais les cuirs dorés n’ont pas disparu pour autant d’Europe, bien au contraire.
Les cuirs dorés dans les autres pays européens
C’est surtout aux XVe et XVIe siècles que se développa un engouement considérable des cours princières et des aristocraties européennes pour les cuirs dorés espagnols qui étaient alors abondamment exportés. La demande fut telle que des ateliers ne tardèrent pas à s’installer dans la plupart des pays ; les cuirs dorés y ont atteint leur plus grande célébrité au XVIIe siècle mais ils étaient encore très appréciés dans la première moitié du XVIIIe siècle.
En Italie
Dès le XVIe siècle on fabriquait des cuirs dorés dans la plupart des grandes villes d’Italie Venise était certainement déjà le centre le plus important 22 avec de nombreux ateliers. Les décors qui y étaient réalisés étaient considérés comme de la meilleure qualité ; ils reprenaient surtout les motifs de la Renaissance mais ils subissaient aussi de fortes influences islamiques venues tantôt d’Espagne tantôt du Moyen Orient, notamment de Turquie.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles les décors des cuirs dorés italiens étaient en revanche fortement influencés par l’art baroque. Les cuirs dorés italiens avaient des caractéristiques bien particulières qui permettent aujourd’hui encore de les reconnaître facilement (fig. 3). Le plus souvent en effet ces cuirs décorés étaient plats – donc sans relief – et abondamment ciselés aux petits fers ; les motifs étaient précisément limités par un trait continu noir ou rouge sombre ; les fonds enfin étaient tantôt dorés (ou argentés), tantôt rouge sombre « lie de vin », les deux teintes pouvant d’ailleurs coexister. Le doré était habituellement très vif, très brillant ; la teinte rouge sombre était en règle réalisée avec une peinture fluide, sorte d’encre translucide. Très souvent les décors se rapprochaient de ceux des tissus.
Beaucoup de devants d’autel en cuir doré ont été fabriqués en Italie. Il en existait déjà au XVIIe siècle ; ils étaient alors habituellement constitués de carreaux identiques à ceux employés pour confectionner les tentures murales des habitations ; parfois le carreau central pouvait comporter une scène religieuse peinte. Au XVIIIe siècle les devants d’autel italiens avaient un aspect différent : ils se présentaient comme de grands panneaux décoratifs autonomes. Les peaux n’étaient plus cousues entre elles, comme auparavant, mais collées. Les fonds pouvaient comporter deux ou trois couleurs différentes réparties en plusieurs encadrements successifs. La partie centrale du devant d’autel était habituellement occupée par une scène religieuse peinte et latéralement étaient disposés des motifs variés richement ciselés et symétriques par rapport à l’axe médian central ; une abondante décoration florale agrémentait l’ensemble 23. Ces devants d’autel, très particuliers à l’Italie du XVIIIe siècle, réalisaient de véritables tableaux peints mais ils n’étaient en règle jamais signés, même si on en a attribué plusieurs à Guardi 24. Un devant d’autel de ce type est conservé à Toulouse, dans l’église des Jacobins.
Dans les Pays-Bas du Nord
Les premiers ateliers des Pays-Bas du Nord 25 ont été créés au début du XVIIe siècle à La Haye puis à Amsterdam. Initialement les cuirs dorés qui y étaient fabriqués étaient comparables à ceux qui provenaient d’Espagne, c’est à dire plats et ciselés. Mais en 1628 l’invention de la technique du repoussé a permis, grâce à des pressions exercées sur la face arrière du cuir, de réaliser des représentations nouvelles avec des motifs variés en très fort relief. Cette nouvelle méthode d’« impression » a permis d’enrichir le champ des représentations ; les motifs étaient empruntés aux domaines les plus divers : motifs végétaux faits de lourdes guirlandes de fleurs, de feuillages et de fruits, rinceaux agrémentés de petits personnages – notamment de putti (fig. 16) –, avec des représentations d’animaux divers. Ces nouveaux décors ont immédiatement été appréciés partout et vite copiés. Ils ont été exportés dans toute l’Europe et même jusqu’au Japon.
On a continué à fabriquer des cuirs dorés aux Pays-Bas au XVIIIe siècle mais les décors avaient évolué et le relief était moindre. Les motifs se rapprochaient maintenant de ceux qui étaient représentés en peinture, en sculpture et en architecture. Les transformations essentielles concernaient surtout le style des représentations : à partir de ce moment, comme dans les autres domaines artistiques et comme cela allait être courant dans toute l’Europe, les décors étaient d’inspiration française. C’est ainsi qu’on a retrouvé aux Pays-Bas dans les années 1700-1715 les caractéristiques du style Louis XIV tardif sous l’impulsion de l’architecte et ornemaniste français émigré Daniel Marot (fig. 19). Ultérieurement on a vu apparaître les motifs des styles « Régence » puis « Rocaille ».
Les cuirs dorés dans les autres pays
On a aussi fabriqué des cuirs dorés dans les Pays-Bas du Sud – actuelle Belgique –, notamment à Malines mais aussi à Bruxelles, Anvers, Liège, Gand, Lille. Beaucoup de décors étaient d’ailleurs voisins de ceux des Pays-Bas du Nord. On a fabriqué également des cuirs dorés en Angleterre et en quelques endroits en Allemagne, en Autriche et en Pologne 26. On en a aussi beaucoup fabriqué en France.
Les cuirs dorés en France
En France l’engouement de l’aristocratie s’est manifesté pour les cuirs dorés espagnols à partir du début du XVIe siècle ; les commandes de Catherine de Médicis figurent parmi les plus célèbres 27. De grandes quantités de ces décors ont alors été importées. A la même époque ont été créés les premiers ateliers français, en particulier à Paris celui de Jehan Fourcault qui résidait à la tour de Nesle et qui fournissait la famille royale. Au XVIIe siècle plusieurs ateliers ont été installés à Paris sous l’impulsion d’Henri IV et de Sully, mais on ne connaît rien de leur production. Il y avait aussi des fabricants à Rouen et en Lorraine près de Nancy. Dans la vallée du Rhône et en Provence l’industrie des cuirs dorés a certainement été rapidement florissante ; il y avait des ateliers à Lyon et plus au sud à Carpentras, à Aix-en-Provence, à Marseille et surtout à Avignon 28.
Au XVIIe siècle la production de cuir doré de la vallée du Rhône était en plein essor et certainement très importante ; quelques tentures, des devants d’autel et des carreaux isolés de cette époque sont encore conservés et permettent de dégager leurs principales caractéristiques. On utilisait habituellement du cuir de mouton qui était alors travaillé selon la technique du repoussé. Les décors peuvent être classés en deux groupes stylistiques principaux. Il y avait d’une part des cuirs dorés très élégants faits de rinceaux, de fontaines, de putti et d’oiseaux, vrais décors « aristocratiques » inspirés des dessins des grands ornemanistes de l’époque mais peu de ces cuirs dorés ont été conservés ; un décor de ce type est conservé dans un château en Isère et un autre au musée national de la Renaissance au château d’Ecouen (Val-d’Oise). Il y avait d’autre part – et il en est conservé un beaucoup plus grand nombre – des décors plus « populaires » essentiellement faits de fleurs et de feuillages, de facture plus simple, plus massive, voire plus naïve, avec des représentations peu naturalistes mais très vivement colorées ; ce sont ces décors « populaires » qu’on trouve encore aujourd’hui sur de nombreux devants d’autel, surtout dans les Alpes et dans les Pyrénées et sur certains des décors conservés en Languedoc-Roussillon (fig. 1, 2, 21).
Au XVIIIe siècle deux centres de production dominaient toujours l’industrie des cuirs dorés en France : Paris et Avignon. A Paris le fabricant le plus renommé était Jean-Baptiste Delfosse, fournisseur attitré de la famille royale et de la cour. Malheureusement tous les décors qu’il a réalisés – comme ceux de ses concurrents parisiens – ont disparu ; grâce aux descriptions du Journal du Garde Meuble de la Couronne on connaît toutefois les motifs qu’il proposait, composés surtout de fleurs, de fruits, de feuillages souvent agrémentés d’oiseaux. A Avignon les productions de cuir doré semblent avoir été aussi nombreuses et variées qu’au siècle précédent ; les décors, aux reliefs moindres, s’inspiraient des différents styles successifs du XVIIIe siècle. A cette époque, comme au XVIIe siècle, il existait d’élégants décors « aristocratiques », faits de gracieux rinceaux, de volutes bien dessinées, de croisillons bien ordonnés et de palmettes ; un exemple de cette production est conservé en Languedoc-Roussillon (fig. 11 et 12). Il y avait aussi des décors plus « populaires » faits de motifs floraux colorés souvent peu naturalistes comme ceux représentés sur les figures 13, 14 et 18.
Les cuirs dorés qu’on peut dorénavant attribuer à l’atelier de la famille Boissier illustrent bien la production avignonnaise du XVIIIe siècle. Cet atelier, tenu de père en fils pendant quatre générations et actif pendant plus d’un siècle, a certainement été le plus important d’Avignon. Le personnage le plus connu de la famille, Raymond Boissier, a publié en 1712 un catalogue de vente détaillé dont un exemplaire unique est conservé à la Bibliothèque Municipale d’Avignon 29 (fig. 24) ; il y décrivait, en les numérotant, quarante décors historiés ; trente neuf d’entre eux ont pu être récemment identifiés 30 grâce à des tentures conservées dans quatre collections dont la tenture murale n° 4 présentée plus haut. Dans ce catalogue les différents décors – inspirés de la mythologie, de la littérature moyenâgeuse, de l’histoire ancienne ou de l’art extrême-oriental – étaient décrits et numérotés. Sur les différentes pièces de la tenture n° 4 tous ces décors ne sont pas représentés mais on peut en identifier plusieurs. On y retrouve :
— les Quatre saisons (fig. 5), correspondant aux N° 32 à 35 du catalogue ;
— les Quatre parties du monde, (fig. 6) correspondant aux N° 28 à 31 du catalogue ; ce thème n’est conservé que dans cette collection ;
— la représentation incomplète des Quatre Elements. Sçavoir, Neptue represente l’eau, traîné par des Chevaux Marins, Trittons, & Sereines, avec les Vents, qui signifient l’Air, qui sont au dessus de Neptune. L’Enlevement de proserpine precipité dans l’Enfèr, represente le fèu, il y a au dessus Hercule, qui tire au Centaure, pour avoir enlevé sa maîtresse Dianire qui represente la terre (fig. 7). Malheureusement les décors complémentaires N° 17 (représentant les « Chevaux Marins » surmontés des « Vents ») et N° 19 (représentant les chevaux du char de Pluton et le centaure emportant Déjanire) manquent.
— la représentation incomplète du Mariage d’un Chinois, avec une suite au bas d’un Grand Seigneur, & un batteau avec des figures grotesques ; seul le N° 20 est représenté (fig. 8a) ; les panneaux N° 21, 22 et 23, où se continue le décor, manquent ;
— la représentation incomplète d’une Autre suite d’un Roy Chinois, avec sa Cour & ses Gardes qui font un très bel effet ; seul le panneau N° 24 est représenté (fig. 8b) ; les panneaux N° 25, 26 et 27, où se continue le décor, manquent.
Tous les panneaux manquants de ces décors sont connus grâce aux exemplaires conservés dans d’autres collections. Le fait que certains décors soient incomplets confirment que ces cuirs dorés ne sont pas sur leur site d’origine mais on été réemployés.
L’atelier de la famille Boissier a fabriqué beaucoup d’autres types de cuirs dorés décoratifs, notamment une autre série de cuirs dorés historiés 31 et de nombreuses tentures et devants d’autel comme ceux représentés sur les figures 11, 13, 14, 20.
L'utilisation des cuirs dorés
En France – comme ailleurs en Europe – les cuirs dorés ont été employés de diverses façons mais leurs deux usages essentiels ont été la réalisation de tentures murales et la confection de décors religieux. Leurs autres destinées – couvertures de paravents, de chaises, de fauteuils, de tabourets, de canapés, de prie-Dieu, tapis de table, dessus de lit, portières, devants de cheminées, dessus de porte ou encore revêtements de coussin, de coffre et coffret, entourages de miroir et de cadre, reliures de livres – étaient beaucoup plus secondaires et souvent dictées par le souci de remploi de tentures anciennes déposées.
Les tentures murales en cuir doré
Les tentures murales étaient surtout destinées à décorer les riches demeures. Elles jouaient un rôle comparable à celui des tapisseries tissées. Après avoir assemblé les carreaux il convenait de choisir un mode de présentation.
L'assemblage des carreaux
L’assemblage des carreaux demandait de la rigueur car les tentures devaient avoir un aspect régulier et uniforme. Avant l’assemblage on commençait par découper les excès de peau qui se trouvaient au-delà de l’empreinte laissée sur le cuir par la planche ou le moule ; de cette façon les bords étaient nets. Les carreaux étaient ensuite cousus solidement les uns aux autres avec un fil résistant. La couture devait être aussi peu perceptible que possible mais les limites des carreaux restaient toujours aisément identifiables. Les carreaux devaient être correctement disposés pour obtenir un harmonieux décor final. Tantôt les carreaux étaient tous identiques ; ils étaient donc placés indifféremment les uns à côté des autres (fig. 2). Habituellement les motifs d’un carreau s’articulaient simplement avec les motifs correspondants des carreaux voisins. Tantôt le décor de base de la tenture se développait sur deux carreaux qui devaient donc être juxtaposés ; en règle les motifs des deux carreaux étaient identiques – ou très voisins – mais étaient représentés en miroir (fig. 1, 3, 11, 13, 20). Pour une rangée horizontale donnée les carreaux complémentaires devaient donc être disposés alternativement sur toute la largeur de la tenture ; simultanément les rangées sus et sous-jacentes étaient décalées latéralement d’un carreau par rapport à la rangée intermédiaire. La disposition ainsi faite les motifs des différents carreaux s’articulaient harmonieusement et précisément les uns avec les autres, aussi bien dans le sens horizontal que dans le sens vertical ; les bords des carreaux se comportaient comme autant d’axes de symétrie et le décor se développait régulièrement sur toute la surface de la tenture.
A partir du début du XVIIIe siècle on a commencé à coller plusieurs carreaux entre eux dans le sens vertical de façon à former des lés qui avaient la hauteur du mur à recouvrir ; la confection de la tenture s’en trouvait facilitée. On pouvait aussi réaliser des panneaux de grande surface où tous les bords étaient collés entre eux.
Une fois les carreaux assemblés la tenture pouvait être mise en place.
La mise en place de la tenture
Il y a eu plusieurs façons de présenter les tentures de cuir doré : elles ont d’abord été laissées flottantes, puis elles ont été fixées.
Au XVIe siècle, et encore au début du XVIIe, les tentures de cuir doré étaient volontiers utilisées comme les tapisseries de laine ; elles étaient présentées flottantes, simplement suspendues par leur bord supérieur au moyen de boucles qui prenaient ancrage sur des crochets muraux. Certaines de ces tentures pouvaient être de véritables tableaux peints sur cuir 32, intensément ciselés aux petits fers ; parfois le sujet variait d’un panneau à l’autre 33. A cette époque, le plus souvent, les tentures de cuir doré n’étaient pas laissées à demeure ; on les utilisait habituellement en été, car considérées comme plus fraîches ; en hiver on remettait en place les tapisseries traditionnelles en laine, plus chaudes 34. Ces tentures de cuir doré étant amovibles on pouvait les transporter aisément, comme le reste du mobilier, d’une demeure à une autre. Jusqu’au règne de Louis XIV les grandes familles possédaient ainsi dans leur garde-meuble plusieurs séries de tapisseries qu’on pouvait changer périodiquement sur les murs 35. Puis les habitudes changèrent.
Au XVIIe siècle les tentures de cuir doré sont devenues fixes, volontiers enchâssées dans des boiseries. Elles étaient toujours constituées de carreaux cousus entre eux. Tout autour il y avait habituellement une bordure décorée de dessins assortis. La tenture était fixée sur le mur au moyen de clous disposés sur tout le pourtour ou quelquefois seulement en haut et latéralement. Les tentures ne descendaient pas jusqu’au sol ; elles surmontaient habituellement des lambris dont la hauteur était variable. Un peu plus tard on prit l’habitude de clouer la tenture sur un châssis en bois et d’effectuer ensuite la fixation du châssis sur la paroi murale ; cette façon de faire permettait la circulation de l’air entre le cuir et le mur. Les surfaces murales pouvaient être diversement agencées. Parfois toute l’étendue qui surmontait les lambris était recouverte par les cuirs dorés ; ailleurs des plages de carreaux superposés étaient séparées les unes des autres par des bordures assorties ; ailleurs encore plusieurs panneaux de cuir doré entourés chacun d’une bordure étaient mis en place sur le mur mais séparés les uns des autres par des espaces libres.
Dans les demeures françaises les tentures de cuir doré étaient surtout réservées aux salles des gardes, aux entrées et antichambres et aux pièces de réception ; on en décorait souvent les cabinets. On en tendait aussi volontiers les salles à manger et parfois d’autres pièces. Les inventaires 36 ont montré que les tentures de cuir doré ornaient surtout les grandes demeures, royales ou aristocratiques, sauf toutefois dans le Comtat Venaissin et en Provence où un certain nombre de maisons bourgeoises ou de bastides en étaient pourvues.
Les raisons de la longévité de la mode des tentures de cuir doré reposent sur leurs multiples qualités. Il y eut certainement d’abord l’effet de séduction exercé par ces ornementations « exotiques » que l’Espagne avait su si bien agencer. Il y avait aussi à l’origine la somptuosité des décors des cuirs espagnols que les ateliers des Pays-Bas, d’Italie, de France et d’Angleterre ont su, chacun à leur manière, renouveler. La découverte de la technique du repoussé a induit vraisemblablement un authentique renouveau. On appréciait aussi la solidité et la résistance des cuirs dorés ; ils étaient en effet presque inusables et leur décor doré et peint ne s’altérait pas avec le temps. Ils prenaient peu la poussière et étaient peu sensibles à l’humidité 37, contrairement aux étoffes. Ce n’était donc pas un matériau fragile et il était aisément transportable. Il était facile à entretenir et à nettoyer en cas de besoin. Il ne retenait pas les odeurs indésirables, notamment les odeurs de cuisine. D’autre part il n’était pas – ou peu – attaqué par les insectes. Il avait donc toute sa « place dans les appartements des personnes riches » 38. Les cuirs dorés étaient aussi très faciles à adapter aux surfaces à recouvrir. Leur coût enfin était modéré, ce qui rendait ce type d’ornementation plus abordable que les tapisseries tissées qui restaient les décors les plus chers.
On a aussi beaucoup utilisé les cuirs dorés dans un domaine tout à fait différent : pour la confection de décors religieux.
Les décors religieux
On a utilisé des cuirs dorés pour décorer des retables, des tabernacles, pour faire des bannières de procession ou recouvrir des coussins d’autel mais ils ont surtout été employés pour faire des devants d’autel et plus accessoirement des vêtements liturgiques, notamment des chasubles.
Les devants d'autel en cuir doré
Les devants d’autel – encore appelés antependium – en cuir doré sont apparus dans les églises à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle ; ils ont ensuite été de plus en plus nombreux jusqu’au milieu ou au troisième quart du XVIIIe siècle. En France ils ont décoré les églises de presque toutes les régions, même les plus reculées et les plus montagneuses. Les procès-verbaux des visites épiscopales rendent bien compte de cette remarquable diffusion. Un exemple, relevé dans le diocèse de Viviers – actuellement dans le département de l’Ardèche, proche de la Région Languedoc-Roussillon –, est à cet égard significatif 39, même s’il ne concerne qu’une zone géographique limitée : l’étude des procès-verbaux des visites pastorales de 1675-1676, 1714 et 1714-1715 montre en effet qu’en 1715, dans l’officialité de Largentière, sur quarante trois églises visitées dix-huit étaient pourvues de devants d’autel en cuir doré ; dans l’officialité d’Aubenas, sur vingt cinq paroisses visitées, il y avait quinze devants d’autel en cuir doré ; la plupart de tous ces devants d’autel avaient été installés au cours des dernières années du XVIIe siècle et de la première décennie du XVIIIe siècle. Aujourd’hui la plupart de ces devants d’autel ont disparu puisqu’un seul semble subsister dans tout le département de l’Ardèche 40. Des constatations comparables peuvent être faites dans d’autres régions de France. S’il ne persiste aujourd’hui qu’un seul devant d’autel complet en cuir doré dans toute la Région Languedoc-Roussillon il y a tout lieu de penser qu’un grand nombre y avait aussi été mis en place et qu’ils ont disparu. Aujourd’hui les régions de France qui conservent le plus grand nombre de devants d’autel en cuir doré sont les régions de montagne, Alpes surtout et Pyrénées, vraisemblablement parce qu’elles étaient mieux protégées. Cette profusion de devants d’autel en cuir doré qui a jadis existé dans les églises et chapelles suscite deux questions : Pourquoi des devants d’autel ont-ils été mis en place en si grand nombre – en France mais aussi en Europe – pendant cette période ? Quelles raisons ont justifié le choix du cuir doré comme support de ce type de décor ?
La mise en place de devants d’autel richement décorés – comme l’ensemble du réaménagement des lieux de culte – a été une conséquence de la Contre-Réforme et des décisions du Concile de Trente. Le devant d’autel, par la place qu’il occupait, faisait partie de l’ensemble privilégié que constituaient l’autel, le retable et le tabernacle ; il devait participer au décor grandiose voulu pour cette pièce maîtresse du chœur des églises. Ces antependium – comme les autres aménagements nouveaux des églises – étaient voulus et ordonnés par les autorités religieuses ; les procès-verbaux des visites épiscopales en font foi. Les devants d’autel devaient contribuer à porter témoignage de la gloire divine et les matériaux les plus nobles étaient préconisés pour les réaliser : bois peint ou sculpté, pierre, marbre, riche tissu ou toiles peintes. Pour un grand nombre de devants d’autel le choix des évêques s’est délibérément porté sur le cuir doré 41. Barbier de Montault a écrit qu’« avant la Révolution, presque toutes les campagnes possédaient […] des devants d’autel en cuir doré et gaufré […]. J’en ai rencontré de la sorte en Poitou, en Anjou, en Savoie, et même à Rome […]. Ainsi décoré le cuir [était] très convenable et le « Cérémonial des évêques » le recommand[ait] même pour la parure des églises » 42 Cette demande – qui était en fait une injonction 43 –, n’était pas un phénomène ponctuel et isolé ; elle était formulée assez systématiquement dans la plupart des diocèses. L’impulsion était donc donnée par la hiérarchie ecclésiastique. Mais pourquoi choisir du cuir doré ?
Si les devants d’autel en cuir doré étaient si nombreux et si largement ordonnés partout il devait certainement y avoir des raisons objectives à ce choix. En fait rien ne nous éclaire sur les critères qui ont motivé les préférences des évêques. En dehors des qualités qui ont été précédemment énoncées – notamment leur robustesse – les cuirs dorés avaient aussi des mérites esthétiques ; ces cuirs à la fois dorés et polychromes donnaient une impression de richesse, de luxe même, et de gaîté ; les abondantes représentations de fleurs et de végétaux accompagnaient avantageusement les riches décors du retable ; de surcroît le cuir conservait une certaine plasticité, une certaine « consistance visuelle » apaisante. Simultanément ses reliefs et ses motifs ciselés faisaient se réfléchir la lumière de toutes parts, comme les vitraux le faisaient sur l’architecture des édifices. Les devants d’autel en cuir doré pouvaient de plus servir pour tous les temps liturgiques sauf quand du noir était exigé. Le cuir doré était aussi un ornement à la mode qui avait envahi les demeures aristocratiques et contribuait à leur luxe comme à leur charme ; pourquoi en aurait-il été différemment dans les sanctuaires qu’on voulait orner tout aussi richement ; et d’ailleurs les chefs de l’église – les évêques – étaient souvent issus de cette aristocratie dont ils connaissaient bien les goûts et les façons de vivre. Enfin le prix des devants d’autel en cuir doré a dû aussi intervenir car il était considéré comme relativement bon marché 44 ; d’ailleurs le Cérémonial des évêques recommandait bien aux paroisses pauvres d’acquérir des devants d’autel en cuir doré 45. Le coût modéré du cuir doré s’expliquait par la standardisation de la technique qui était devenue répétitive et aussi par le fait que la surface d’un antependium était petite comparativement à celle nécessitée pour recouvrir les murs d’une grande pièce d’habitation. Le temps de travail était bien moindre que celui demandé pour la confection d’un riche devant d’autel en tissu brodé.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le devant d’autel de l’église de Cavirac (fig. 20) et aussi le panneau peint représentant une sainte en extase conservé dans une collection particulière (fig. 21). Les devants d’autel français étaient le plus souvent faits avec les mêmes cuirs dorés que ceux destinés aux habitations ; la similitude du décor du devant d’autel de Cavirac et de la tenture de la salle à manger du château d’Espeyran en est une confirmation. Pour confectionner le devant d’autel plusieurs carreaux (quatre à cinq le plus souvent) étaient cousus côte à côte et ils étaient surmontés d’une bordure assortie pour que l’ensemble ait une hauteur adaptée à celle de l’autel (0,80 m à 1 m habituellement). Souvent, mais non obligatoirement, le carreau central portait une peinture religieuse intégrée dans le décor du carreau ; celle-ci était le plus souvent peinte sur une surface laissée en réserve ou parfois sur une pièce de cuir ou de toile secondairement collée sur le carreau.
Parmi les objets religieux en cuir doré il y avait aussi des objets plus rares comme des vêtements sacerdotaux.
Les vêtements sacerdotaux en cuir doré
La plupart des vêtements sacerdotaux en cuir doré qui ont été conservés sont des chasubles. Les étoles et manipules qui les accompagnaient sont exceptionnels ; il en est de même des pluviaux et des accessoires qui étaient utilisés pour la messe comme les voiles de calice et les bourses de corporal. C’est une chasuble de ce type, avec son étole, qui est conservée à l’abbaye de Fontcaude (fig. 23). Ce type d’objet est rare en France où quatre autres chasubles seulement ont été répertoriées (fig. 25). Il en existe aussi dans les autres pays européens.

La plupart des chasubles en cuir doré connues ont des caractéristiques communes. Elles datent vraisemblablement de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe siècle. Elles mesurent environ 1,00 m de haut sur 0,65 à 0,70 m de large. Le plus souvent elles sont de forme romaine, avec une colonne médiane dans le dos, et échancrées ; parfois la colonne médiane est remplacée par une croix (chasuble française). Sur plusieurs chasubles, en particulier celles conservées en France, l’orfroi du dos et celui du devant sont délimités par de faux galons dorés et sont ornés d’arabesques symétriques identiques ; ces motifs, qui imitent des broderie d’or, ont vraisemblablement été repris, en les simplifiant, de décors de tissus. Les parties latérales des chasubles, limitées en périphérie par un faux galon doré ou argenté, sont décorées, en avant comme en arrière, de motifs qui imitent une soierie avec la juxtaposition de fleurs en tige stylisées tantôt de couleur argent, tantôt dorées, tantôt polychromes ; selon les cas le fond est argenté ou uniformément coloré. Le décor est moins rigoureux que sur les tissus et il y a souvent un décalage entre le contour imprimé des motifs et leur coloration. Le cuir doré est doublé d’une toile, en général de lin beige.
Toutes ces chasubles, fabriquées selon une technique identique, sont faites de cuir doré plat 46, très souple, beaucoup plus souple que les cuirs dorés qu’on rencontre habituellement. Il est donc vraisemblable que ces cuirs ont été préparés, non pas avec des peaux de mouton ou de veau tannées selon le procédé végétal comme habituellement, mais avec des peaux de chèvre tannées à l’alun 47 selon la technique voisine de celle qui était utilisée par les Espagnols aux XVe et XVIe siècles pour confectionner les célèbres gants souples et parfumés qui ravissaient les grands personnages des cours d’Europe, notamment Catherine de Médicis. Les cuirs subissaient ensuite les mêmes procédures de traitement que tous les cuirs dorés et argentés. Sur les peaux tannées humidifiées étaient d’abord coller les feuilles d’argent ; après séchage celles-ci étaient passées au brunissoir et recouvertes de colle de parchemin ou de blanc d’œuf. Quand le décor des chasubles devait avoir à la fois des effets dorés et argentés il est vraisemblable, comme l’a indiqué Fougeroux de Bondaroy 48, que le vernis jaune n’était pas appliqué immédiatement : on imprimait d’abord les motifs par estampage en faisant passer sous une presse le cuir sur lequel étaient appliquées les planches gravées en creux portant le décor souhaité. Les motifs à arabesques de l’orfroi et les motifs floraux latéraux étaient ainsi imprimés en discret relief. On posait ensuite le vernis jaune sur les zones qui devaient être dorées en enlevant (souvent incomplètement) les excès au couteau ou à l’aide d’un linge. L’ensemble de la chasuble était abondamment ciselé aux petits fers ; les marques laissées étaient d’aspect variable mais il s’agissait souvent de fines stries juxtaposées, de cercles, de rosettes ou encore de carrés rainurés. La peinture était appliquée en dernier lieu. Les couleurs employées étaient habituellement fluides, légères, translucides ; leur aspect évoquait un peu celui d’une encre ; en tout cas il ne s’agissait pas de peintures épaisses. Les couleurs le plus souvent utilisées étaient le rouge – vieux rouge – et le bleu, parfois le vert, quelquefois le noir. Ces peintures étaient utilisées soit pour colorer les fonds sur les parties latérales quand elles n’étaient pas laissées argentées et pour rehausser certains motifs floraux. Les feuilles d’argent qui recevaient ces peintures fluides agissaient comme des paillons et donnaient aux couleurs de spectaculaires reflets métalliques qui devaient scintiller lors des mouvements du célébrant.
Il ne restait plus ensuite qu’à coudre les pièces constitutives de la chasuble et à mettre en place la doublure en tissu.
En définitive la technique de fabrication de ces chasubles obéissait aux principes habituels du travail des cuirs dorés mais certaines particularités de réalisation conféraient à ces vêtements une réelle originalité. L’objectif était indubitablement d’imiter les chasubles en tissu, notamment en soie brodée mais à moindre coût. D’ailleurs certaines de ces chasubles, par un artifice supplémentaire, se rapprochaient encore plus étroitement des tissus : c’étaient les chasubles en « cuir doré velouté » ou « cuir floqué » qui étaient réalisées selon la technique des tontisses : les surfaces sur lesquelles avaient été collées des particules de laine donnaient l’impression du velours. Une chasuble de ce type est conservée au Deutsches Ledermuseum d’Offenbach-am-Main (Allemagne) et une autre au Rijksmuseum d’Amsterdam.
Plusieurs chasubles en cuir doré sont conservées en Europe mais leur distribution est très inégale. Des exemplaires, souvent uniques, sont conservés à Londres 49 (Victoria and Albert Museum), à Vic (Espagne), (Museo de l’Art de la Pell), à Budapest (musée des Arts Décoratifs) 50. Deux au moins sont conservées en Belgique 51 : à Tongeren (O.C.M.W.) 52 et à Bruxelles (Musées Royaux d’Art et d’Histoire). Plusieurs chasubles sont conservées aux Pays-Bas : à Utrecht 53 (Rijksmuseum Het Catharijneconvent), à Nieuwstadt (église catholique), à Amsterdam 54 (Rijksmuseum) notamment. Mais il semble que ce soit en Allemagne 55 qu’il en existe le plus, en particulier à Trèves, à Paderborn, à Cologne, à Limbourg 56, à Rottenburg. Bien entendu cette énumération n’est pas exhaustive. Ces chasubles proviennent en règle d’églises ou de prieurés et sont habituellement conservées dans des musées d’art sacré diocésains. Il en existe aussi et dans des collections particulières.
Les similitudes observées sur la plupart de ces chasubles, notamment leur forme et leur décor, témoignent vraisemblablement d’un même lieu de production. Toutefois le lieu de fabrication de ces chasubles reste actuellement inconnu ; on les a tour à tour attribués à des ateliers espagnols, italiens, néerlandais, allemands ; en fait rien n’est établi même si une origine en Allemagne du sud reste fortement suspectée 57. Si on ne peut préciser les lieux de production de ces chasubles on ne peut pas plus expliquer comment elles ont gagné leurs diverses destinations actuelles.
On ignore totalement les raisons qui ont motivé le choix du cuir doré pour faire ce type de vêtement. On peut formuler les mêmes suggestions que celles qui ont été avancées pour les devants d’autel. Certaines raisons énoncées ici ou là, comme la volonté de témoigner d’un esprit de pauvreté ou le souci de protéger de la pluie, pendant les processions, les célébrants qui les portaient, paraissent peu convaincantes. En fait les deux arguments qui paraissent les plus forts sont le goût général de l’époque pour les cuirs dorés et le coût modéré de ce type de matériau imitant les riches tissus.
Les chasubles en cuir doré pouvaient s’accompagner d’accessoires assortis surtout étoles et manipules, plus rarement voiles de calice et bourses de corporal. Très peu sont conservés ; en dehors de l’étole de l’abbaye de Fontcaude il est conservé en France dans une collection privée, en plus d’une chasuble, une étole, un manipule et un voile de calice. L’église d’Onoz (Jura) conserve le volet décoré d’une bourse de corporal.
La fin des cuirs dorés
Au XVIe siècle, au XVIIe siècle surtout et encore au XVIIIe, en France comme dans bien d’autres pays d’Europe, la plupart des demeures aristocratiques et de la grande bourgeoisie comportaient une ou plusieurs pièces dont les murs étaient recouverts de cuir doré. Cet engouement a commencé à décroître au milieu du XVIIIe siècle. Ces décors fabuleux, multiséculaires, se heurtaient de façon irrémédiable à la lassitude des amateurs et aux modes nouvelles. Des décors inédits en tissu ou en papier peint étaient en effet apparus et avaient conquis les acheteurs. Les ateliers de fabrication de cuir doré ont alors fermé les uns après les autres et l’industrie du cuir doré a périclité partout en Europe presque simultanément. Vers 1775 les fabricants de cuir doré avaient presque tous disparu. Le temps des cuirs dorés était passé et ces luxueux décors furent vite oubliés 58. Beaucoup de tentures furent bientôt déposées et un grand nombre fut détruit.
Toutefois, à la fin du XIXe siècle certains fabricants, notamment des fabricants de papier peint – comme Balin ou Dulud en France –, tentèrent de redonner vie aux décors anciens de cuir doré. C’était en effet l’époque de l’Éclectisme et du retour aux styles passés. Certains motifs des cuirs dorés anciens – notamment des Pays-Bas – furent alors abondamment copiés (fig. 19) ; d’autres décors en revanche étaient nouveaux comme ceux qui sont conservés au château de Pau ou à l’hôtel Groslot à Orléans (hôtel de ville). Mais ce ne furent là que des tentatives de réminiscence d’un passé révolu ; elles utilisaient au demeurant des matériaux disparates et des techniques modifiées ; certains fabricants proposaient même des copies en papier. A la fin du XVIIIe siècle la grande histoire des cuirs dorés était bien terminée
En définitive un nombre non négligeable de tentures et d’objets en cuir doré sont conservés en Région Languedoc-Roussillon ; ils constituent un ensemble intéressant par la diversité des pièces conservées et par leur qualité. Ils sont surtout constitués de cuirs dorés français des XVIIe et XVIIIe siècles originaires d’Avignon et de Provence. Le plus souvent ce sont des cuirs dorés exclusivement décoratifs aux motifs répétitifs mais il y a aussi des exemples pittoresques de cuirs dorés historiés. Les exemples de cuir doré italien et des Pays-Bas sont peu nombreux mais caractéristiques de la production de ces pays. En dehors du devant d’autel de Cavirac tous ces cuirs ont été réemployés et proviennent d’autres demeures dont la trace a été perdue.
Dans le reste de la France les régions qui conservent le plus grand nombre de cuirs dorés sont la Région Île-de-France (musée national de la Renaissance au château d’Ecouen et musée des Arts Décoratifs à Paris) et les Régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-D’azur ainsi que les départements pyrénéens. Il s’agit essentiellement de tentures murales et de devants d’autel tantôt français tantôt originaires d’autres pays (notamment Pays-Bas du Nord et Pays-Bas du Sud, Italie, Angleterre). La plupart des pays d’Europe conservent aussi des cuirs dorés anciens, souvent dans des sites historiques (châteaux ou églises), parfois dans des musées et beaucoup aussi dans des collections particulières.
Si aujourd’hui l’âge d’or des cuirs dorés est bien révolu, de beaux exemples de jadis demeurent encore ; les tentures, panneaux et objets divers conservés en Languedoc-Roussillon en témoignent. Il reste à savoir les protéger.
– Notes & Références bibliographiques –
1. Fournet J.-P., 2004, Les cuirs dorés anciens en France, Paris École du Louvre, mémoire de recherche approfondie (non publié), 11 t., 1739 p. [consultable à la bibliothèque de l’École du Louvre (Paris) et à la bibliothèque municipale d’Avignon (Vaucluse)] ; idem, 2006, “Tentures et décors en cuir doré du XVIe au XVIIIe”, L’Estampille L’Objet d’Art, n° 413, pp. 62-75.
2. Davillier C., 1878, Notes sur les cuirs de Cordoue, guadameciles d’Espagne, Paris : Quantin, 38 p. ; Clouzot H., 1925, Cuirs décorés. II. “Cuirs de Cordoue”, Paris : Calavas, 12 p., 48 Pl. ; Leiss J., 1970, “Ledertapeten” [Tapisseries de cuir], in Olligs, H. (dir.), Tapeten [Tapisseries], Brunswick : Klinkhardt und Biermann, t. 1, pp. 45-94 ; Waterer J., 1971, Spanish leather, London : Faber and Faber, 212 p. ; Koldeweij E. F., 2004, “Zur Entwicklungsgeschichte der Goldledertapeten” [Histoire et évolution des tapisseries en cuir doré], in Beemelmans S. (dir.), Ledertapeten. Bestände, Erhaltung und Restaurierung [Tapisseries de cuir, inventaire, conservation et restauration], Dresden : Michel Sandstein Verlag und Staatliche Schlösser, Burgen und Gärten Sachsen, pp. 12-23.
3. Archives Départementales de l’Hérault, C 254.
4. Nougaret J., 1981, “Le décor intérieur et le mobilier à Pézenas aux XVIIe et XVIIIe siècles”, Études sur Pézenas et l’Hérault, XII, n° 3, pp. 33 et 46, note 4.
5. Goudoumacin ou guadamecile est le terme espagnol qui désigne les cuirs dorés. Voir note 18.
6. Archives Départementales de l’Hérault, II E 68/36, f° 163. Cité par Jean Nougaret, 1981, op. cit., p. 46, note 4. L’inventaire du mobilier de la Grange-des-Prés de 1747 mentionne aussi l’existence d’un devant d’autel de cuir doré vieux avec l’image de la Vierge.
7. Archives communales d’Aix-en-Provence : CC 774 fol. 530 Boyer J., 1944, L’Hôtel de Ville d’Aix-en-Provence. Notice historique, Aix-en-Provence: Imprimerie municipale, p. 32 ; idem, 1983, “L’Hôtel de Ville”, in Le patrimoine architectural d’Aix-en- Provence XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Aix-en-Provence : Imprimerie municipale, pp. 30-31 ; Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 8, p. 1234.
8. Scholten F. (dir.), 1989, Goudleer Kinkarakawa. De geschiedenis van het Nederlands goudleer en zijn invloed in Japan [Les cuirs dorés. L’histoire des cuirs dorés néerlandais et leur influence au Japon], La Haye : Haags Historisch Museum, Groningen : Groninger Museum, p. 125, fig. ill. 16 ; Waterer J., 1971, op. cit., Pl. 37 ; Glass H. (dir.), Koldeweij E. F., 1998, Bedeutende Goldledertapeten 1550-1900. Important Gilt-Leather Wallhangings 1550-1900, Essen : Kunsthandel Glass, pp. 66, 73-77 ; Koldeweij E., 2001, “Splendide salon Renaissance hollandaise”, interieurs belicht, Zwolle : Waanders, pp. 56-57.
9. Bibliothèque des Arts Décoratifs, Paris, album Maciet, 223, 1.
10. Clouzot H., 1925, op. cit., Pi. XV ; Ferrandis Torres J., 1955, “Cordobanes y Guadamecies”, catalogue de l’exposition “Cordobanes y Guadamecies”, Madrid 1943, ill. 230 ; Leiss J., 1970, op. cit., p. 78, ill. 52 ; Waterer J., 197 1 , op. cit., Pl. 53-54 ; Scholten F., 1989, op. cit., pp. 60- 63 ; Gall G., 1989, “Ledertapeten – Goldleder”, catalogue de l’exposition Ledertapeten Goldleder Kinkarakawa, Offenbach-am-Main (Allemagne), p. 6 ; Glass H. (dir.), Koldeweij E. F., 1991, Ledertapeten, Essen : Galerie Glass, pp. 50-55 ; idem, 1998, op. cit., pp. 139-145, 159-160 ; Koldeweij E., 1992, “Het gouden leer” [Les cuirs dorés], in Monumenten en Landschappen, n° 6, novembre-décembre 1992, p. 17.
11. Jessen P., 1892, Das Ornamentwerk des Daniel Marot, Berlin Ernst Wasmuth, n° 201.
12. Un devant d’autel en cuir doré était naguère conservé dans une des deux églises de Ria-Sirach (Pyrénées-Orientales). Date de classement : 7 octobre 1981. Il semble actuellement perdu de vue.
13. Durliat M., 1951, “L’atelier de Maître Alexandre en Roussillon et en Cerdagne”, Revue des Études Roussillonnaises, janvier, n° 1, pp. 103-119 ; Salet F., 1951, “L’atelier de Maître Alexandre en Roussillon et en Cerdagne”, Bulletin Monumental, t. CIX, 2e fascicule, pp. 199-201.
14. Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 2, pp. 338-346.
15. Fougeroux de Bondaroy A. D., 1762, “L’art de travailler les cuirs dorés et argentés”, in Description des arts et métiers, Paris Guérin et Delatour, 42 p. La technique du repoussé n’est apparue qu’en 1628 aux Pays-Bas.
16. Quand les feuilles d’argent étaient remplacées par des feuilles d’étain – ou éventuellement de cuivre – les résultats étaient moins bons. Il était donc déconseillé – et même interdit en Espagne – d’utiliser d’autres feuilles que celles d’argent.
17. Sanchis y Sivera J., 1930, “La manufactura de los guadameciles en Valencia”, Anales del Centro de Cultura Valenciana, n° 7, p. 147 Koldeweij E. F., 1989, “Goudleer, het bronnenmaterial” [Les cuirs dorés, les sources], in Scholten F., op. cit., p. 18 ; idem, 1990, “GiIt leather, an important craft and a little known luxury”, Maastricht Exhibition and Congress Center : The European Fine Art Fair, Handbook, 10-18 march 1990, p. 146.
18. Blondel S., 1886, “Les cuirs dorés”, Gazette des Beaux-Arts, t. 34, p. 226 ; Clouzot, 1925, op. cit., p. 1 ; Leguina Juarez E., 1989, La Industria Artistica del Cuero en España, Vic (Espagne) Colomer-Munmany S. A., p. 79.
19. L’origine du mot guadamecile est controversée. Pour certains il proviendrait du nom d’un village proche de Cordoue, pour d’autres de la locution arabe wad’al-masir qui signifie « décoré de bouquets et de fleurs aux couleurs vives ». La plupart des auteurs retiennent aujourd’hui la thèse proposée par Charles Davillier en 1878 : le mot dériverait du nom de la ville libyenne, proche de la Tunisie, de Ghadames qui était réputée pour ses cuirs. Voir Davillier C., op. cit., pp. 5-6 ; Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 1, pp. 64-65.
20. L’art mudejar est l’art pratiqué dans l’Espagne chrétienne du XIIIe au XVIe siècle et qui est caractérisé par l’emploi de techniques et de formes décoratives islamiques.
21. L’« estampage » consiste à reproduire un motif sur un support (cuir par exemple, mais aussi pâte, métal, cire…) en appliquant sous pression sur sa surface une matrice de bois ou de métal préalablement sculptée. Par ce procédé on obtient donc des dessins en léger relief.
22. Fioravanti L., 1586, “De l’Art des Cuirs d’or, et comme ils se font”, in Miroir universel des arts et sciences, traduction de Gabriel Chappuys, Tourangeau, Paris : Pierre Cavellat, pp. 171-173.
23. Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 1, pp. 149-150.
24. Il s’agit des six devants d’autel conservés à Venise, à l’église du Rédempteur. Voir Pilo G. M., 1983, Francesco Guardi I paliotti, Milan : Electa, 119 p.
25. Koldeweij E. F., 1989, “Goudleer in de Noordelijke Nederlanden” [Les cuirs dorés dans les Pays-Bas du Nord], in Scholten F., op. cit., pp. 23-33 ; idem, 1998, Goudleer in de Republiek des Zeven Verenigde Provincièn. Nationale outwikkelingen en de Europese context [Les cuirs dorés dans la République des Sept Provinces Unies. Histoire locale et contexte européen], Amsterdam Leiden, 5 t. (thèse non publiée, Université de Leiden).
26. Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 1.
27. Droz E., 1965, “Les tapisseries de cuir de Catherine de Médicis”, Gazette des Beaux-arts, mars, pp.137-154.
28. Chobaut H., 1943, “La tapisserie à Avignon du XIVe au XVIIIe siècle”, Annuaire de la Société des Amis du Palais des Papes, (1941-1942), XXIX et XXX, pp. 42-46.
29. Avignon, Bibliothèque Municipale, 8e 36919, n° 11.
30. Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 3.
31. Idem, pp. 510-583.
32. La tenture de la Rencontre de Salomon et de la reine de Saba, conservée au musée du château de Lunéville (Meurthe-et-Moselle) et récemment détruite par le feu, représentait un exemple de ce type de décor. Voir Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 4, pp. 625-631. Un autre bel exemple est conservé dans une collection particulière à Paris voir Fournet J.-P., 2006, “Une exceptionnelle tenture de cuir doré conservée à Paris : Le Triomphe de David victorieux”, op. cit., pp. 76-79.
33. Blondel S., 1886, op. cit., p. 231.
34. Idem, p. 226.
35. Hautecœur L., 1948, Histoire de l’Architecture classique en France, Paris : Picard, t. 2, p. 322.
36. Mély F. de, Bishop E., 1894, Bibliographie générale des inventaires imprimés, Paris : Ernest Leroux, t. 2,370 p. ; Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 10, pp. 1572-1584.
37. La Quérière E. de, 1830, op. cit., p. 15.
38. Idem.
39. Procès-verbaux des visites pastorales du diocèse de Viviers, conservés dans les archives paroissiales de Largentière. Communication personnelle de M. Pierre Exbrayat, historien, membre de la Commission diocésaine d’Art Sacré de l’Ardèche, Le Bas Celas, 07110 Largentière.
40. A Saint-Marcel-d’Ardèche.
41. Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 10, p. 1600.
42. Barbier de Montault X., 1878, Traité pratique de la construction, de l’ameublement et de la décoration des églises, selon les règles canoniques et les traditions romaines, Paris : L. Vivès, t. 1, pp. 455-456.
43. Fournet J.-P., 2004, op. cit., t. 10, p. 1600.
44. Legrand F. C., 1959, “Le mobilier religieux dans le Bas-Armagnac”, Gascogne Gersoise, archéologie, histoire, économie, Actes des XIIe et XVe Congrès d’études régionales de la Fédération Historique du Sud-Ouest – Fédération des Sociétés Académiques et Savantes Languedoc-Pyrénées-Gascogne, Lectoure, 1-3 mai 1959, p. 131.
45. Claen C., Jacops M. F., Perrin J., 1986, “L’autel et le tabernacle, de la fin du XVIe siècle au milieu du XIXe siècle”, Revue de l’Art, n° 71, p. 50.
46. Une des deux chasubles en cuir doré conservées au musée d’Utrecht (Rijksmuseum Het Catharijneconvent) ne correspond pas à cette description : elle est faite, comme les tentures murales du XVIIe siècle aux Pays-Bas, d’un cuir doré en fort relief. Son décor comporte des putti qui représentent les Quatre saisons. Voir Koldeweij E. F., 1993, “Een zeventiende-eeuws kazuifel van goudleer”, Catharijnebrief [Rijksmuseum Het Catharijneconvent, Utrecht], n° 43, septembre, pp. 8-10 ; Aribaud C., 1997, « La chasuble en cuir de Saint-Bertrand de Comminges », Mémoire de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LVII, p. 151.
47. Roy Thomson, The Leather Conservation Center, Northampton, Angleterre : Communication personnelle.
48. Fougeroux de Bondaroy A. D., 1762, op. cit., p. 21.
49. Waterer J., 197 1, op. cit., Pl. 65.
50. Bender A., 1992, Zlocone Kurdybany w Polsce [Les cuirs dorés en Pologne], Lublin Katolickiego Uniwersytetu Lubelskiego, PI. 45.
51. Koldeweij E., 1992, op. cit., p. 28 ; 1993, pp. 8-10.
52. O.C.M.W. : Bureau municipal d’aide sociale.
53. Koldeweij E., 1989, in Scholten F, op. cit., p. 19 ; Scholten F., 1989, op. cit., p. 141.
54. Waterer J., 1971, op. cit., Pl. 29.
55. Eloy Koldeweij a répertorié plus de 120 chasubles en cuir doré en Europe ; la plupart d’entre elles sont conservées en Allemagne. Communication personnelle.
56. Aribaud C., 1997, op. cit., p. 149.
57. Idem, pp. 149, 151.
58. La Quérière E. de, 1830, op. cit., pp. 9, 13.