Description
Sur quelques « Monuments aux Morts » du Biterrois
En France, rares sont les communes qui n’ont pas élevé un monument en hommage à leurs morts de la guerre de 1914-1918, et en beaucoup de villes et de bourgs, le « Monument aux Morts » est même devenu un élément du paysage urbain… Mais les œuvres rapidement réalisées en quelques années, dès la fin des hostilités, ont été souvent dédaignées. On a déploré leur banalité ou leur grandiloquence, le mauvais goût de ceux qui les avaient érigées… Ce n’est qu’à une époque récente qu’on les a vues d’une façon différente et qu’elles ont suscité plus d’intérêt chez les historiens… Reconnaître les thèmes que leurs auteurs ont illustrés, préciser leur localisation sur le territoire communal pour en dire éventuellement la signification, retrouver par l’analyse des initiatives et des réalisations, l’état d’esprit ou les sentiments des populations au lendemain du conflit qu’on appela très tôt « la Grande Guerre »…, tels sont quelques-uns des objectifs d’une étude renouvelée des « Monuments aux Morts ». C’est dans cette perspective, et par quelques exemples locaux, qu’une équipe formée au sein du Groupe d’Études en Histoire locale de l’Université du 3e Age de Béziers, a mené une enquête sur les monuments d’une dizaine de communes du Biterrois en étendant à l’occasion son domaine vers Lodève ou Bédarieux.
L’expression d’une volonté générale
L’érection des monuments a répondu à un vœu général des populations qui ont pu exprimer leur engagement de diverses façons.
Financement
Dans le financement des projets en premier lieu. « Les souscriptions publiques » ont en effet assuré une part importante des ressources financières et les comités chargés de recueillir les dons ont souvent souligné la générosité des personnes sollicitées. A Sérignan, la collecte totale par « souscriptions particulières, dons ou fêtes » s’éleva à 21 754 F pour un coût total du monument de 35 320 F. A Puisserguier comme à Corneilhan, les quelque 16 000 F offerts par les habitants couvrirent les 2/3 de la dépense totale. A Murviel-lès-Béziers, la souscription ouverte dans le but de recueillir les 3 500 F qui manquaient pour régler la totalité des frais, a donné 18 500 F, dépassant nettement la contribution municipale fixée à 13 500 F et permettant ainsi de réaliser un monument plus riche et plus élaboré. A Lespignan, pour un projet plus modeste sans doute, la souscription publique a produit près de 5 000 F pour un coût total approchant 6 000 F et à Cazouls-lès-Béziers, le budget municipal n’a eu à ajouter que 2 000 F aux 14 000 F recueillis par souscription.
Les villes ont été dans une situation comparable : à Béziers, les 200 000 F de la collecte ont couvert 80 % des frais engagés. Mais la générosité des Biterrois – 4 à 5 F par habitant – n’est pas plus grande que celle des villageois voisins. Et si à Thézan-lès-Béziers, les 14 000 F recueillis dans la population – soit 9 F environ par habitant – n’ont représenté que le 1/3 de toute la dépense, c’est que l’œuvre réalisée ici a été d’un coût élevé 48 800 F, c’est-à-dire par exemple deux fois la somme dépensée à Puisserguier qui est pourtant deux fois plus peuplé. On connaît très peu de situations inverses : à Cruzy, « où une quête dans le village a peu rapporté » et où les finances municipales ont réglé la quasi-totalité des 20 000 F qu’a coûtés l’obélisque en granit érigé dans la commune. De même, à Puissalicon, à Lodève, les dépenses ont été principalement couvertes par la subvention municipale.
L’impatience. Des décisions prises très tôt et des entreprises menées rapidement
Pour satisfaire le vœu des populations, il a fallu aller vite. Les registres des délibérations municipales nous rappellent souvent cette impatience. (« La population réclame la réalisation immédiate du projet » – Thézan-lès-Béziers, 8 octobre 1919.) C’est donc très tôt que les décisions ont été prises. C’est en général au cours d’une séance du Conseil Municipal que le Maire ou un conseiller en a fait la proposition (12 novembre 1917 à Lespignan, et ensuite 10 juillet 1917, Corneilhan, 12 novembre 1918, Cazouls-lès-Béziers, 27 novembre 1918, Murviel, 25 janvier 1919, Thézan, 21 mars 1919, Capestang). Mais c’est beaucoup plus tôt dans certains cas qu’on avait pensé à honorer la mémoire des victimes de la guerre. L’ancien Maire de Thézan, Delcellier, installant le nouveau conseil municipal élu en novembre 1919 pouvait affirmer : « Le Conseil dès qu’il fut informé que notre commune avait payé son tribut à la guerre, et que deux de ses enfants étaient tombés au Champ d’Honneur, décida dans sa séance du 24 décembre 1914 – (nous fûmes la première commune de France à prendre cette décision) – d’élever un monument en l’honneur de ses morts
A Puisserguier, en juillet et en août 1915, il a été prévu dans le budget une subvention de 800 F « pour un monument commémoratif ». Mais la décision, tardive ici, n’a été vraiment prise que le 15 juin 1922.
Ainsi les décisions essentielles – érection du monument, appel à la générosité du public, vote au moins en partie des subventions municipales – ont été prises généralement dès 1919 et même 1918. Le choix des entreprises ou des artistes a été fait un peu plus tard, en 1920 et 1921. Et c’est en 1922 ou 1923 qu’on a pu procéder « à la réception définitive des travaux ». […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1988 |
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Nombre de pages | 6 |
Auteur(s) | Denis ROUQUETTE |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |