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Description

Structures sociales et pouvoir social dans le village languedocien
à la fin de l’ Ancien Régime

Société contrastée et hiérarchisée ou fortes solidarités d’une démocratie villageoise ? Ces images classiques de la société rurale du XVIIIe siècle ne sont pas inconciliables, elles expriment simplement les cas extrêmes d’une situation qui se caractérise et évolue en fonction de multiples variables : taille, structure, localisation du village ; rapports socio-économiques et culturels avec l’extérieur et à l’intérieur du microcosme villageois. Ensemble si complexe que chaque village a sa propre histoire et que toute typologie offre une part de schématisation et d’arbitraire. Pourtant, dans une province où la vie municipale reste au XVIIIe siècle une solide réalité, la façon dont le groupe villageois assume le pouvoir local est un précieux révélateur du jeu aux multiples facettes du rapport des forces sociales.

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Quelques remarques préalables sur la nature du pouvoir local dans le village paraissent nécessaires. Les institutions languedociennes reconnaissent le droit aux habitants « de choisir eux-mêmes leurs administrateurs qui sont en même temps leurs représentants ». Cette affirmation des États n’a été contestée par la monarchie que lors des épisodes de création d’Offices, qui ont assez peu affecté les villages dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. D’autre part, si la poussée centralisatrice, illustrée par la tutelle croissante des intendants, tend à uniformiser la gestion en enfermant l’autonomie locale dans d’étroits règlements, il n’y a eu aucune définition claire du concept représentatif. Partout exigée, l’inscription au compoix c’est-à-dire la propriété, est le critère minimum d’accès à la vie municipale. Mais consulats et conseils s’ordonnent en rangs et la jurisprudence du Parlement, des États, de l’Intendant, tend à affirmer la primauté des « plus notables et plus forts contribuables », sans jamais d’ailleurs éclairer ces termes et répondre aux contradictions qui peuvent exister entre notabilité et fortune. Les nombreux arrêts rendus par le Parlement sur des conflits électoraux et l’effort des États après 1775 pour imposer un « droit public municipal de la Province » révèlent surtout la vive rivalité des deux pouvoirs régionaux pour s’assurer une assise locale. Restées plus floues qu’en Provence, les institutions municipales languedociennes offrent une plus grande latitude au libre jeu des forces sociales ; en contre partie, elles présentent moins de garanties vis à vis du pouvoir seigneurial. Faute de privilèges contraires dûment attestés par les archives, les seigneurs peuvent imposer leur choix des consuls sur les listes proposées par les communautés, la présidence de leurs juges aux assemblées, des droits de police étendus avec les interventions dans la vie rurale que cela implique. À partir des années 1740, le Parlement de Toulouse en multipliant les arrêts sur ces « Droits et Prérogatives se fait l’agent d’une véritable réaction seigneuriale face à laquelle les communautés sont plus ou moins démunies. En d’autres domaines, face aux institutions et aux arrêts et ordonnances qui les consacrent ou les prolongent, restreignant d’autant l’initiative locale, une première affirmation d’autonomie réelle réside dans la résistance passive ou l’ignorance volontaire. On pourrait multiplier les exemples de ces décisions que l’intendant affirme uniformément appliquées et que tel ou tel village, vingt ans après, continue discrètement d’ignorer. Mais une telle attitude a ses limites et elle exige le silence d’un corps social solidaire d’où ne partira aucune dénonciation. Plus positive est la capacité d’action autonome, qu’il s’agisse d’entreprendre pour la communauté ou de lutter pour elle. Elle suppose compétence des consuls, moyens financiers, indépendance relative à l’égard des forces extérieures. Cohésion interne, émergence d’un groupe culturellement capable de faire face aux initiatives des pouvoirs extérieurs, maîtrise du village sur son espace économique, autant d’éléments liés aux structures sociales, indispensables à l’épanouissement de l’autonomie locale, et que bien peu de communautés arrivent à faire coexister. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1980

Nombre de pages

10

Auteur(s)

Georges FOURNIER

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf