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Description

Résistance non violente et maquis héraultais :
La communauté de l’Arche de La Borie Noble

« Les hommes politiques courent derrière l’économie,
l’accompagnent, la servent,
mais ne portent plus de projets alternatifs
 ».
José Bové

A l’heure des autoroutes, des trains à grande vitesse, de tous petits trains continuent, en véritables résistants, à transporter des passagers parfois venus de très loin. Ainsi en va-t-il de la ligne Béziers-Neussargues qui a survécu miraculeusement jusqu’à aujourd’hui. Ce n’est pourtant pas sans effort que la direction de la SNCF tente, depuis des années, de supprimer cette petite ligne. Il faut dire que si les usagers ne sont guère nombreux, les militants sont tenaces, surtout ceux de la singulière gare des Cabrils…

Béziers, Magalas, Bédarieux, Le Bousquet-d’Orb, Lunas… la locomotive ralentit puis, au milieu de nulle part, s’arrête : Les Cabrils… Il n’y a rien ni personne. Une vieille bâtisse abandonnée tient encore debout, on se demande par quel mystère. Une gare ? Pas une âme à qui demander. Sentiment d’abandon. De grandes herbes enjambent les quais, tandis que des gazouillis d’oiseaux meublent le silence. La nature semble être maître des lieux. Sitôt descendu du train, un moine orthodoxe disparaît dans une voiture, la seule, qui semble l’attendre. De l’autre côté de la voie ferrée, une imposante falaise coupe l’horizon. Une sensation de vertige oblige à baisser le regard. C’est alors qu’entre mille et une herbes folles, un petit panneau de couleur bleue apparaît : Communauté de l’Arche. Cheminons ensemble vers cette communauté, quelque peu oubliée du monde, mais dont les préoccupations n’ont jamais été autant d’actualité.

Au cœur du maquis

Au bout d’un quart d’heure de marche le long d’une petite rivière, les premiers signes d’humanité apparaissent bâtiments rouges, des hommes à grandes barbes, des femmes en jupes longues. Au milieu, des enfants jouent bruyamment. Nous voici parvenus sur le domaine de La Borie Noble, racheté en 1963 par la communauté de l’Arche de Lanza del Vasto. Pourtant, l’histoire de l’Arche commence bien avant. En 1936, Lanza del Vasto, aristocrate d’origine italienne, parti en Inde pour une quête spirituelle, rencontre Gandhi et ses communautés en lutte contre la misère, l’injustice sociale et la domination anglaise. Après plusieurs mois passés dans l’une d’elles, Gandhi nomme Lanza del Vasto : Shantidas, qui, en sanskrit, signifie serviteur de paix. Ce dernier rentre peu après en France, convaincu que sa mission est de transmettre la non-violence à l’Occident. Son objectif est de battre en brèche l’idéologie dominante par un mode de vie à l’opposé de celui de la majorité des occidentaux. A cet effet, jour après jour, dans l’enceinte de leur communauté, célibataires et familles, appelés aussi Gandhiens d’Occident, vont tenter de mener une vie plus juste.

En s’installant « au bout du monde », l’Arche exprime sa volonté de coupure avec les sociétés occidentales de plus en plus urbanisées. Déjà, au début des années soixante, lorsque la communauté s’installe à La Borie Noble, ce mouvement vers la nature allait à l’encontre des idées de l’époque comme en témoigne monsieur Fabregette, alors maire de la commune de Roqueredonde, dont font partie les terres de La Borie Noble : « Mon prédécesseur m’avait dit tu sais, dans vingt ans, il ne restera plus rien. Tout le monde sera parti. Alors pour moi, ces gens-là sont tombés du ciel ! C’est pas moi qui les ai faits venir. Je ne les connaissais pas, je ne savais pas qu’ils existaient… Je me disais, quand même, laisser le pays s’embroussailler comme ça… Il y a des gens qui viennent et qui disent qu’ils veulent travailler, c’est une bénédiction du ciel, il faut les accepter ! » Jusqu’au début des années cinquante, en effet, la région du Bousquet-d’Orb, pourvue d’un important bassin minier, connaissait une activité importante – de là, la construction de la ligne ferroviaire Béziers-Neussargues. Mais en 1952-1953, la CECA décida que le charbon européen serait désormais fourni par le bassin de la Rhur. Les célibataires des environs furent peu à peu mutés en Lorraine et le fond de la mine du Bousquet-d’Orb fut contraint de fermer ses portes en 1963. La même année, l’Arche s’installait dans ce coin de l’Hérault. Cette coïncidence va marquer le début d’une protestation commune contre un état centralisé, dont l’enjeu principal va devenir la rentabilité économique, ce qui explique les tentatives de la SNCF pour limiter puis supprimer le fonctionnement de la ligne ferroviaire. Les manifestations communes qui ont pu avoir et qui ont encore lieu pour préserver cette fameuse petite ligne ont été l’occasion, pour la communauté de l’Arche, non seulement de tisser des liens mais de s’enraciner dans le pays. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2001

Nombre de pages

12

Auteur(s)

Emmanuelle COULOMB

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf