Recherches Languedociennes n° 12
Recherches Languedociennes n° 12

Recherches Languedociennes n° 12 (février 1991)
Mas des environs de Mèze : Lengaran - Les Yeuses

86 pages – (1991)

Introduction

L’an dernier, nous vous invitions à une promenade en pays de Thau, limitée au rivage du Bassin de Thau d’une part, à l’autoroute A9 et à la Départementale 51 de l’autre. Cette dernière, part du carrefour de la route nationale 113, et relie Mèze à Marseillan, alors que le « Grand Chemin de la Poste aux Chevaux » continue sa course vers Montagnac et Pézenas.

Lors de cette première étape, nous nous sommes arrêtés au domaine de Creyssels, auquel est attachée la figure de l’infortuné prisonnier de « notre Bastille » – Henri Masers dit Latude. Nous avions évoqué ces paysages lumineux et paisibles, l’étang miroitant sous le soleil entre ses deux collines enchantées Sète et Agde.

Cette fois, nous irons à bien peu de distance de Creyssels, aux domaines des Yeuses et ne Lengarran.

Avant d’y entrer plus avant, nous ne ferons que rappeler ce que nous avions dit sur l’implantation Gallo-Romaine, les riches villas enfouies dans ce sol ; à Creyssels nous avons vu l’importance des grandes abbayes, Gellone puis Valmagne dont dépendait cette métairie.

Là, nous nous heurtons à la puissance des Grands Ordres Religieux qui du Moyen-Âge aux guerres de religion, se partagent le territoire. En effet, si nous continuons tout droit sur notre Départementale 51, après avoir laissé Langaran, jusqu’à Marseillan et jusqu’aux portes d’Agde, toute cette région y compris l’étang du Bagnas et le Grand Clavelet, les salines, les pêcheries appartenaient aux Hospitaliers de L’Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, dans cette énumération n’oublions pas l’évêque (qui porte le titre de Comte d’Agde depuis 1188) et possède le tiers de Marseillan, Mèze et Loupian, quant au chapitre cathédral, il prendra la relève des hospitaliers de Saint-Jean (en grande partie), lorsqu’ils quitteront la Commanderie de Marseillan pour Nézignan près de Pézenas.

Nous trouvons l’ordre du Saint-Esprit installé aux domaines des Yeuses et de Lengaran, et à quelques centaines de mètres, au-dessus, en bordure de l’Autoroute A9, des fouilles pratiquées, par D. Rouquette, ont localisé le monastère des Dames de Netlieu « Filles de Valmagne ». Installé vers 1240 il fut rasé en 1793.

Un plan que nous joignons au dossier (Réf ADH série H 51) datant du 18ème siècle montre bien l’emplacement du monastère, de même nous relevons sur le compoix de 1769 concernant parmi les possessions de François Granal des Yeuses, une terre située « au pont de la Bonne houre » – si on se réfère au dictionnaire de l’ancienne langue française L.X.-F. Godefroy – « différentes parties du bréviaire, mâtine, vêpres etc., ce qui se dit aux différentes heures, ou encore, – d’eure, de bonne eure. Et par ce faict bon commencer et n’attendre pas à l’activité de la vie, et lorsqu’on n’en plu, à faire du bien ou le devoir obligé » – Michel Lhospital.

C’est donc encore toute une histoire que nous découvrons à travers ces domaines.

D’une façon générale le processus est le même ; après les Ordres Religieux, nous les voyons passer aux mains ne cette grande bourgeoisie enrichie au fil des générations, qui afferme, les riches métairies, la collecte des impôts, le droit de « courratage », achète les offices des collectivités locales, huissiers, assesseurs, maire perpétuel, lieutenant de maire sans oublier les charges de magistrat de la Cour des Aydes et Finances de Montpellier, de notaires royaux ou encore de contrôleurs de grenier à sel – Tout s’achète sous Louis le quatorzième !, et pas seulement les blasons, même les charges de Prieurs deviennent perpétuelles.

Il y eut aussi, en ces lieux, la Noblesse Piscénoise, de l’entourage des Ducs ne Montmorency il était de bon ton, ne posséder campagnes et domaines où l’on ne résine que l’été. Remercions-les, au passage n’avoir fait élever les magnifiques hôtels que nous pouvons encore admirer.

Puis c’est le « boum » viticole du milieu du 19ème siècle, l’ancienne noblesse qu’elle soit d’épée ou de robe, anoblie de fraiche date, ou encore les riches bourgeois du terroir qui traversent allègrement la Révolution, le Premier Empire, la Restauration, le Second Empire et cèdent le pas aux négociants de Sète, Mèze, Marseillan. Le vin se vend bien !, en Europe du Nord, en Russie, au Levant, les ports sont alors florissants et les négociants prospères. Insensiblement cependant la mévente s’installe avec la concurrence des vins d’Algérie ou des Nations voisines. Ceci venant après les ravages occasionnés par le phylloxéra et le mildiou. Après 1907 les domaines s’effritent, les terres sont acquises par les habitants des villages voisins – Mèze, Pomerols, Pillet, Montagnac, Marseillan.

Et s’il fallait résumer – disons qu’en parcourant ces domaines, nous pouvons distinguer plusieurs périodes.

— La féodalité avec un nombre incroyable de fiefs (très souvent ancêtres de nos domaines ou métairies), dont les seigneurs se perdent en Terre Sainte, ou lors de la liquidation de la croisade contre les Albigeois, et la fin des Trencavel ou des Comtes de Toulouse.

— Les riches abbayes ou les Grands Ordres religieux jusqu’aux désastreuses guerres de Religion.

— La haute bourgeoisie, la Noblesse de Robe qui engendre une nouvelle Noblesse d’épée.

— Puis enfin la multiplicité des petits propriétaires des villages, groupés autour de leur cave coopérative. Mais ceci est encore une autre histoire qui dépasse notre propos.

Il est temps maintenant de faire connaissance avec nos domaines des Yeuses et d’Engaran, de la formation d’un seul beau domaine – Les Yeuses – bâti sur les terres et métairies de la Commanderie du SAINT-ESPRIT de Mèze, dépendant de Montpellier, de personnages qui par leur volonté, leur obstination créeront le domaine : nous verrons l’ascension sociale de cette famille à travers leurs successeurs, la richesse de la propriété.

Puis après la reconstitution du vignoble, la mévente en 1907, les deuils, c’est l’éclatement dû aux successions. LENGARAN et les YEUSES continuent, mais séparément…

Contenu du numéro :

Les Mas

1. Les Fondateurs :
     Les Granals, des hommes peu ordinaires,
     La dynastie des Maffre des Onglous,
     Les Despetis.

2. Le domaine des Yeuses.

3. Une longue histoire :
     La commanderie du Saint-Esprit de Mèze,
     Lengaran ou la métairie de Netlieu ou encore « La grange »,
     Les Yeuses.

4. La fin d’un rêve :
     Après les Despetis.

Mémoire d’Oc

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