Description
Pézenas : Une juridiction seigneuriale urbaine à la fin de l’Ancien Régime
Poursuivre, au travers des procédures criminelles évoquées pendant les dix dernières années de l’Ancien Régime devant la justice de Pézenas, les tensions et les conflits, y chercher les adhésions et les violations des normes globalement admises, pouvait relever de la gageure ; c’était en effet tenter de construire à partir d’une biographie urbaine, forcément limitée, une analyse modale de la litigiosité et du recours en justice. Or justement Pézenas peut constituer un champ d’expérimentation exemplaire parce qu’elle est une ville moyenne comprise dans la tranche des agglomérations peuplées de 5 à 10.000 h. (8.000 exactement à la veille de la Révolution). Apparemment, rien ne la distingue des autres cités méridionales. Bien située au contact du Haut-Languedoc et des plaines méditerranéennes, mais moins avantageusement que Béziers dont 23 km la séparent, elle est proche de la grande voie transversale qui relie la Méditerranée à l’Atlantique et même, par Bordeaux, aux Îles et à l’Amérique où plus d’un Piscénois au XVIIIe s. « fut attiré par l’espoir d’augmenter sa fortune ». Concrètement donc, le Canal du Midi et la route de la Poste, « la ligne », drainent le trafic à une vingtaine de km, soit à 4 heures du marché environ.
Au cœur de cette région que les subdélégués estiment « le meilleur pays de Languedoc », c’est aussi une ville de contact parce qu’elle s’est installée sur le front des dernières hauteurs qui ourlent le Massif Central, reliefs si mal desservis en moyens de communications que les autorités les décrivent comme « des montagnes si hautes et si escarpées que les cavaliers de la Maréchaussée ne sauraient les joindre. » ; cela vaut à la ville d’en être un des débouchés les plus appréciés, offrant le passage vers le Roussillon et l’Espagne où saisonniers, domestiques, mendiants et repris de justice partent, sinon y faire fortune, du moins trouver de quoi survivre ou s’y mettre à l’abri. Cette vocation de carrefour est confirmée par ailleurs, par la fonction d’« étape », par exemple, qui, en 1748, oblige la ville à recueillir quatre régiments des troupes d’Espagne alors qu’elle n’a que 280 lits à leur offrir. Plus significatives à cet égard sont les trois foires annuelles, encore que de fréquentation assez strictement régionale, comme en témoigne la priorité accordée dans les échanges aux produits de la terre et de l’élevage. Par contre, et cela n’a pas été accordé à toutes les villes languedociennes, un passé prestigieux a fait de Pézenas au XVIIe s. une des capitales de la province, grâce aux Conti, seigneurs de la ville et gouverneurs de Languedoc. Les puissants États Provinciaux y ont donc tenu leurs assises jusqu’en 1692. Assurément au XVIIIe s., les Conti, fixés désormais à Versailles, ont déserté la ville, au profit de Montpellier, siège de l’Intendance et du Gouvernement militaire ; seule Toulouse, grâce au deuxième Parlement du Royaume pouvait se poser en rivale ; à tout le moins, elle pouvait prétendre à la prééminence incontestée en matière judiciaire.
Absents, les Conti ont donc confié à leurs hommes d’affaires la gestion de leurs domaines languedociens, (encore 18 seigneuries pour le seul diocèse de Béziers en 1780). A cette date, la châtellenie de Pézenas fut vendue au Comte de Provence, frère du Roi ; lui aussi fut représenté sur place par ses agents et ses officiers. L’exode seigneurial fut quand même compensé par le prestige d’appartenir à la famille royale et quand on sait la force des liens de clientèles dans la société d’Ancien Régime, il est évident que le patronage de Monsieur dût avoir ses utilités […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1979 |
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Nombre de pages | 12 |
Auteur(s) | Nicole CASTAN |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |