Patrimoines, marqueurs et identités dans la zone frontalière de la vallée l'Hérault : Vers une nouvelle société rurale 1 ?

Introduction : Que reste-il du territoire local ?

Il est de bon ton aujourd’hui de postuler que les sociétés locales soient rentrées dans une ère nouvelle et connaissent une mobilité accrue 2, se complétant d’une sociabilité développée sur la base de réseaux via la communication électronique, de la multi appartenance et de la substitution de groupes d’intérêts économiques ou culturels à la traditionnelle solidarité spatiale. La banalisation des territoires, devenus simples supports de l’activité humaine deviendrait la règle et aboutirait à la fin des identités spatiales, en particulier en zone urbaine et périurbaine, le rural étant amené à suivre cette évolution.

Si cette tendance peut trouver sans doute quelques illustrations, on constate pourtant que le « local » garde une grande importance dans les modes de vie et les représentations et qu’il est l’objet d’investissements économiques, sociaux et culturels. Parmi les diverses figures de la localité, les sociétés rurales nous semblent chercher de nouvelles voies. Pour une grande partie d’entre elles la population s’est renouvelée et diversifiée ; l’activité économique s’est transformée, en réduisant le secteur agricole, mais en important aussi du chômage structurel ; la relation avec le monde urbain s’est intensifiée. Certains groupes sociaux qui investissent leurs territoires jouent d’appartenances diversifiées, et les associations nouvelles qui émergent rompent avec les usages traditionnels. On peut ainsi parler de nouvelles sociétés rurales.

Comment ces dernières luttent-t-elles contre la tendance à l’homogénéisation ? Le traitement du patrimoine est sans doute une réponse à l’urbanisation des sociétés rurales, c’est à dire un symptôme et un remède. Car la culture locale ne se construit plus d’une façon endogène en mettant à profit les ressources locales (particularités géographiques, héritage historique, traditions, savoirs-faire) mais se construit sur la base d’emprunts et d’introductions de nouveaux modes de vie (souvent importés par les nouveaux habitants, liés à des métiers du tertiaire, vus à la télévision…) qui organisent des syncrétismes. Comment interviennent les acteurs publics dans ce changement social ? L’homogénéisation tant redoutée est-elle freinée par l’activité créatrice des collectivités locales ? Ces dernières sont d’abord des lieux d’échange qui offrent des réponses spécifiques à des questions qui concernent l’ensemble de la société. De ce point de vue les communautés humaines « entre deux mondes », celles qui habitent le péri-urbain lointain, sont intéressantes. La Vallée de l’Hérault en particulier offre un exemple de ces évolutions et de réponses spécifiques qui lui sont faites.

Un espace frontalier : les localités contre la vallée

En dépit d’un identification rhétorique précoce unifiante proposée au début du XXe siècle par l’érudit historien, botaniste et poète local Gaston Combarnous 3 qui y verra « le cœur de l’Hérault », la vallée de l’Hérault fut bien davantage connue pour son morcellement et son incapacité à faire territoire, que pour son caractère identitaire, alors que paradoxalement son cours d’eau donne son nom au département

Le fleuve éponyme qui traverse cet espace, lui même fut longtemps peu mis en valeur quand ce n’est pas ignoré. Il est vrai qu’il se rendit célèbre par des inondations et des débordements historiques réguliers et multiples, notamment en 1907. Et nombre d’ingénieurs (comme Duponchel en 1860 et d’autres plus tard) ont tenté de le réduire, avant que le lac du Salagou lui-même ne soit créé dans les années 1960 pour soumettre, en vain 4 ses excès. S’il fut connu surtout pour sa capacité à offrir au XIXe siècle une source d’énergie aux moulins, aux usines locales spécialisées dans le textile ou les cuirs, et plus tard des gravières aux industriels, les traditions locales l’ont ignoré. La rupture du barrage municipal de Gignac 5 dans les années 1960, témoigne dans un certain sens, de ce discrédit local.

Et la littérature orale qui aurait pu émerger sur ce cours d’eau indomptable ou sur ses usages sociaux fut rare, même si quelques légendes marquent certains espaces localisés (St Jean de Fos : avec le Pont du Diable et la Grotte de la Clamouse), témoignant d’ailleurs d’une image peu attractive du fleuve. Les travaux d’érudits locaux 6 qui furent développés à cet égard, y virent donc souvent plus un obstacle qu’une ressource locale et moins encore un facteur d’identification collective des habitants de la vallée.

Paul Marres, historien de l’université des années 1950-70 et résident d’Aniane, le seul alors à avoir travaillé 7 sur ce qu’il appellera la « moyenne vallée de l’Hérault », déploiera des efforts méthodologiques désespérés, dénoncés pour leurs caractères artificiels par Robert Ferras et Jean Claude Barthes, afin de donner au géographe, les outils destinés à identifier ce territoire.

Ces deux derniers chercheurs de l’université, en 1983, allant plus loin dans la faible appropriation de ce territoire par les populations et les décideurs, dans un numéro fondateur 8 sur « L’aménagement de la vallée de l’Hérault », affirmeront sans ambages : « la vallée de l’Hérault n’existe pas ! ». Et les mêmes auteurs de signaler alors que l’attraction économique des bourgs les plus importants comme Lodève, Clermont l’Hérault, Gignac et Aniane ne sera pendant longtemps pas suffisante (et jusqu’à très récemment) pour créer avec leurs villages voisins, des « pays vécus ».

L’implantation d’une charte intercommunale née dans les années 1985, qui durera plus de 15 ans, totalement transversale à cette vallée, eut toutes les peines, de l’aveu même de son animateur, à surmonter la fracture géographique qui opposait ses 42 communes situées de part et d’autre de cette frontière, dans le développement de ses projets de développement local. En dépit d’une politique éditoriale se donnant comme objectif la mise en valeur 9 du patrimoine visant l’unité de ce territoire.

Dix ans plus tard, le Conseil général de l’Hérault tentera pourtant de donner à cette vallée un repère identificatoire réunissant les deux rives du Fleuve, en construisant la Maison du Fleuve Hérault, équipement destiné à réunir les acteurs publics et privés de la vallée autour de la mise en valeur du cours d’eau : une initiative qui ne trouvera jamais sa place dans le territoire.

Ce n’est pas un hasard si un consultant recruté récemment par le Pays Cœur d’Hérault pour réaliser une étude qualifiée un moment d’« ethno-identitaire » (sic) sur le territoire élargi du Pays, et destinée en fait à préparer une démarche marketing, y constatait une « mosaïque de communautés peu mobilisables sur des références historiques communes », craignant la fabrication de toute pièce d’une « identité touristique » !

L’inauguration récente 10 du « Pont du Languedoc », par le préfet qui choisit de manière volontariste son nom de baptême, destiné à accueillir le passage sur le fleuve de l’autoroute entre l’est et l’ouest de cette vallée, témoigne encore de ce défi :

Ce caractère séparateur du Fleuve eut pourtant un effet anthropologique : il a joué longtemps le rôle de « frontière culturelle », opposant un Est et un Ouest régionaux marqués par des traditions’ qui se sont posées en s’opposant, reprenant les césures géographiques qui, au IIIe siècle av JC, maintinrent à distance les Volques Tectosages à l’Ouest, et les Volques Arécomiques à l’est du fleuve ; les travaux du géographe anianais Paul Marres, mettant en évidence l’existence ce même dualisme au XIIIe siècle, avec l’organisation des Diocèses !

Tandis que cette même séparation se voit encore dénoncée au lendemain de la Révolution française par le district de Lodève, déplorant le « défaut d’embranchement entre St André de Sangonis et Clermont l’Hérault » de part et d’autre du fleuve !

Le département de l’Hérault témoigne depuis, d’une originalité géographique bien connue des ethnologues et des historiens. Il se présente comme un espace marqué par des traditions d’enracinement de loisirs 12, qui se sont développées et maintenues, séparées les unes contre les autres : l’exemple du football dans l’Est du département et du rugby dans l’ouest 13, la course libre (l’abrivado) en espace ouvert de vachettes au centre des villages dans la petite Camargue, contre 14 les combats de taureaux en arènes fermées dans le Biterrois, mais aussi des pratiques localisées (le tambourin 15 dans le piscenois/gignacois), se maintenant sous des formes isolées conçues d’abord comme des stratégies d’affirmation autochtone du territoire local.

Cette coupure entre l’est et l’ouest du département qui fait de la vallée de l’Hérault une frontière culturelle 16 se présente comme un espace intermédiaire-frontière, (tel qu’on retrouve par exemple dans l’acception américaine) – assez large du reste – à l’échelle régionale, plutôt que comme une « paroi » dans le sens où l’affirmait Abraham Moles 17, qui « diminue nécessairement l’importance des évènements qui se déroulent au-delà ». Il faut ici considérer que la distance anthropologique entre aires culturelles est plus subtile, et met en œuvre des rapports, fondés sur l’échange et l’identification réciproques.

Un système identitaire villageois de différences complémentaires

Nous voulons avancer l’hypothèse que dans cet espace dévolu à la fonction de frontière culturelle, faute d’obtenir une identité collective de vallée, les localités ont en quelque sorte compensé cette faible représentation supra communale, en surinvestissant leur propre identité locale 18 un rapport autocentré qui pourra conduire à aviver leurs divisions internes 19, sans nécessairement mettre en péril leur unité sociale collective. Cette singularité culturelle explique en fait l’existence d’ « un système de différences complémentaires » 20 entre communes, où « la pratique des uns explique la pratique des autres » ; ce qui est une manière de dire in fine, que la distribution des marqueurs villageois et d’usages différenciateurs n’a pu se réaliser de manière aléatoire ou comme un ensemble d’initiatives exclusivement internes à chaque communauté locale !

Si l’individualisation des différences villageoises a longtemps été une exigence de cette vallée, comment inventer des formes de représentations locales quand on est trop prés pour s’ignorer, et pas assez loin pour ne pas s’inscrire dans l’échange ?

Trois champs sociaux entre autres, se sont succédés dans le temps en se recoupant, qui illustrent l’éventail des différenciations possibles identifiables jusqu’à ce jour entre communautés rurales : le champ des fêtes et du folklore totémique, le champ des initiatives patrimoniales anciennes et le champ politique des élus locaux. Ces trois domaines ne pouvant être totalement séparés et s’articulant de manière à répondre, chacun avec leurs contraintes et à leur époque d’émergence, aux exigences de ce système identitaire.

Un espace totémique et festif

Le chercheur le plus connu pour avoir travaillé sur les animaux totémiques de l’Hérault associés aux fêtes du carnaval, reste sans conteste Claude Achard ; cet auteur aura eu tout le mérite d’avoir identifié la profusion 21 de ces usages traditionnels dans le département. En privilégiant une démarche historique et archivistique, il a largement décrit ces pratiques, en révélant leurs spécificités locales et leurs origines anciennes. Prisonnier de sa méthode, il a pourtant peu interrogé la raison d’être de l’émergence des animaux totémiques dans cet espace frontalier qu’est la Vallée de l’Hérault et n’a pas fait de lien avec leur distribution différenciée sur ce territoire ; alors que ce système totémique est préférentiellement disposé sur cette zone centrale du département 22, le long du fleuve Hérault.

Il faut pourtant être attentif au jeu d’interactions entre communautés locales proches, qui leur vaut de très rarement en disposer de semblables 23, dans un « panthéon » réduit au genre animal : différenciation 24 organisée sur la complémentarité de chaque espèce à composer cette totalité du bestiaire fantastique.

Sans doute cette tendance à la différenciation des communes rurales par le choix d’un animal totémique spécifique a t-elle appelé quelques rares exceptions, certaines communes ayant été happées par un désir d’imitation. Mais ces derniers villages sont éloignés les uns des autres et admettent des variations du légendaire local qui réintroduisent la singularité.

En réalité cet impératif de différenciation entre communes proches reste subtil car il faut composer avec le voisinage mais sans fusionner, pour être reconnue comme unité séparée, dans une mise en scène convenue ou acceptée lors des manifestations sociales mises en œuvres cette situation supposant pour être optimale, une certain dose d’inconscience du compromis entre communautés, pour que persiste l’image d’une identité indépendante.

Cette méconnaissance nécessaire des liens identificatoires entre communes, explique en réalité que nombre de travaux de recherches 25 aient boudé cette dimension ou ne l’aient pas vue, en particulier dans le domaine des recherches sur les animaux totémiques et aient conduit leur auteur à s’investir dans la dimension historique des légendes locales, sans aborder la question géographique des liens entre communautés voisines, susceptibles d’expliquer les choix totémiques.

Au fond sur ces principes, cette organisation territoriale des marqueurs identitaires autour d’une frontière culturelle peut-elle être renvoyée de loin en loin à celle des différenciations anthropologiques que l’on observe à l’échelle des sociétés méditerranéennes largement étudiées par Christian Bromberger et son équipe 26.

Bien sûr ces dernières ont des matériaux anthropologiques consistants qui puisent leur originalité et leur profondeur – pour s’en tenir à quelques cas – dans les grands récits des écritures ou dans des traditions de longue durée qui peuvent engager jusqu’aux pratiques quotidiennes de l’individu, par exemple son rapport au corps, à l’alimentation ou au sang. Ainsi s’explique que les relations entre juifs, chrétiens et musulmans soient alors souvent privilégiées par ces chercheurs pour signaler ces différentialismes.

Faut-il rappeler du reste en passant que certains animaux totémiques encore en vigueur tirent leur légende de vieux conflits locaux méditerranéens qui virent les maures investir cette région pour en chasser les chrétiens.

Ces manifestations porteuses de marqueurs identitaires connaissent aujourd’hui de grandes difficultés à perdurer faute d’implication des nouvelles générations autochtones tandis que les nouveaux résidents pourtant nombreux, n’assurent pas la relève : on le voit avec les fêtes de l’âne de Gignac ou celles du picard de St Jean de Fos qui ont connu des années blanches ; cette tendance à l’appauvrissement folklorique est du reste paradoxalement révélée par l’initiative de sauvetage de l’UNESCO à classer le Poulain de Pézenas au patrimoine Mondial de l’Humanité en 2005.

Contrairement aux fêtes totémiques à visée autochtone, les fêtes de carnaval 27 (très proches dans le temps des précédentes) existant aujourd’hui dans la moyenne vallée de l’Hérault au début du printemps, connaissent un succès grandissant: en effet le carnaval et ses corsos, conçus sur le mode de l’évènement ont toujours lieu à Aniane, à Gignac, à Saint André de Sangonis, à Montpeyroux et au Pouget, pour s’en tenir à notre zone d’enquête !

La complémentarité de ces manifestations s’affirme bien sûr dans le temps, car leurs dates sont choisies de telle manière qu’aucune ne soit simultanée avec les autres ; quand un événement empêche l’organisation calculée de ces agendas (aux élections par exemple), les organisateurs prennent soin d’en trouver une nouvelle, non concurrentielle.

Mais la complémentarité est aussi matérielle car les organisateurs, faute par exemple de cliques villageoises suffisamment nombreuses (comme elles pouvaient l’être il y a quelques années), peuvent recourir aux mêmes formations musicales (par exemple la « clique lodèvoise » présente à tous les carnavals locaux), mais aussi à quelques chars fleuris prêtés par les communes voisines (par exemple St André de Sangonis à Aniane). Pour certains organisateurs, il y a aussi le souci proclamé de permettre aux habitants des communes voisines de venir assister aux défilés !

Ces manifestations ont manifestement relayé les anciennes fêtes totémiques dans la promotion des identités locales en reprenant les caractéristiques du système des différences dans la complémentarité. Mais une autre pratique a contribué à prolonger la fonction distinctive des communautés rurales dans cette vallée : la patrimonialisation.

Les animaux totémiques : tirés du Bulletin de Amis de Pézenas VII/N°3/1976
Fig. 1 - Les animaux totémiques : tirés du Bulletin de Amis de Pézenas VII/N°3/1976 : Claude Achard : « Blason de Pézenas et de sa région ».

La patrimonialisation ancienne de la vallée de l'Hérault et les appartenances locales

La rurbanisation de la vallée de l’Hérault qui a commencé il y a quelques décades a été accompagnée par la patrimonialisation d’un grand nombre de ses sites historiques, de ses savoirs-faire et de ses coutumes locales. Cette démarche a connu dans cette vallée une mobilisation associative sans égale dans le département.

Parmi les usages locaux qui ont conduit à la survalorisation du patrimoine local et qui ont contribué à favoriser l’affirmation d’un « système identitaire » communal, il faut signaler le nombre élevé et le rôle des associations communales de cette vallée qui ont développé des démarches anciennes d’intérêt et de mobilisation collective sur l’étude et la valorisation des éléments du patrimoine local ; deux types d’associations sont identifiables dans cette histoire de la patrimonialisation locale : les foyers ruraux et les associations d’érudits spécialisées de manière dominante sur l’archéologie et le monument.

Les foyers ruraux en particulier qui se développent dans l’Hérault, dés l’après-guerre connaissent, au tournant des années 1970, la naissance de nouvelles activités socioculturelles, qui veulent rompre avec les seules activités de loisirs, dominantes depuis la fondation de ce mouvement d’éducation populaire. Ce que les animateurs appellent alors « une approche globale du milieu », fondée sur les méthodes de l’ethnologie, de l’histoire et de l’économie, devient la règle des animations qui doivent porter les jeunes ruraux à la connaissance du milieu où ils vivent, et les populations rurales à celle de « leur patrimoine culturel et à sa réalité économique » !

Cette nouvelle démarche qui est expérimentée en 1972 à Cabrières dans le Clermontois pour la première fois 30, ne sera pas immédiatement généralisée aux 48 foyers ruraux qui existent alors dans le département mais va connaître une diffusion progressive et sélective dans la vallée de l’Hérault en particulier. Ainsi, si Cabrières va collecter des informations par des enquêtes locales, des témoignages iconographiques et des objets pour proposer une exposition sur les savoirs faire vignerons, l’année suivante en 1973, à St Jean de la Blaquière, l’étude d’un artisanat local de fabrication de meules de gré est organisée ; le foyer rural de Montpeyroux en 1974 relance la fête du Picard 31 après en avoir recueilli la mémoire. Signe marquant de cette orientation vers le patrimoine : la fédération départementale intègre dés 1975 une association récemment créée qui fera parler d’elle longtemps (et jusqu’à aujourd’hui) dans la vallée de l’Hérault : Arts et traditions rurales.

Castelnau de Guers en 1977, se spécialise sur les groupes folkloriques et les savoirs faire traditionnels de la poterie. D’autres villages de la vallée de l’Hérault comme Caux, le Pouget, Canet (soirée contes), Paulhan (instruments de musiques traditionnelles), Peret, Montagnac (danses folkloriques et totémiques), vont eux mêmes encourager dans les années 1970-80, des initiatives collectives mettant en valeur les traditions villageoises et les savoirs faire paysans.

Ils vont participer à cette affirmation de l’identité villageoise, après l’avoir aussi soutenu d’une autre manière dans les années 1960-70, par un engouement généralisé pour les sports collectifs (tambourin, football, volley).

En 1984, la fédération des foyers ruraux organise même une université rurale régionale où l’objectif est de présenter les travaux réalisés sur le patrimoine local afin de sensibiliser les adhérents du mouvement aux méthodes de l’ethnologie et à l’enquête, et d’organiser des formations dans ce sens. La généralisation des appareils photos analogiques et des techniques de développement photographique qui y sont proposés, encourage alors les adhérents de foyers ruraux à se pencher sur leur village 32 et sa vie collective. Il faut sans doute aussi voir dans cette technique de la photographie qui joue alors une fonction miroir du social, le syndrome 33 d’une époque qui consacre en même temps une ethnologie de la reconnaissance et de l’appartenance locale.

Cet effort de connaissance dans les années 1980, est aussi mis au service d’un projet général visant à retenir les populations rurales ou les nouveaux arrivants sur l’espace rural en les dissuadant d’aller vers la métropole montpelliéraine, rechercher des loisirs.

Si quelques foyers ruraux s’éteignent, faute d’administrateurs disponibles, le mouvement de croissance de cet opérateur culturel sur l’espace rural ira croissant ; son rôle dans le maintien de relations d’interconnaissance dans les villages et du sentiment de proximité entre adhérents ne sera pas négligeable, d’autant que dans certaines petites communes (Montpeyroux ou Aniane), la majeure partie des familles du village adhérent au foyer rural. Ils contribuent à maintenir le sentiment de l’unité villageoise dans bon nombre de cas, quitte à ce que ce soit au prix de conflits intérieurs à la communauté 34, les opposant quelquefois à d’autres associations.

Dans un certain sens, ces foyers ruraux reprennent à leur charge la vocation des instituteurs de la 3e république 35 formés aux charmes du ruralisme, du localisme et du folklore du reste les premières générations des administrateurs de foyers ruraux des années 60 et 70 sont des instituteurs, fervents promoteurs de la « petite patrie », réinterprétée alors comme un retour souhaité du local ! Ces initiatives qu’elles soient sportives et de loisirs dans un premier temps (années 1950) puis patrimoniales ensuite, consolident le sentiment d’appartenance à la commune, en attachant leurs adhérents par des symboles, des images et de valeurs, à leurs intérêts immédiats, à leur voisinage.

Avec l’arrivée de nouvelles générations d’administrateurs début 1990, de nouveaux foyers ruraux de la vallée de l’Hérault s’ouvrent à de nouveaux travaux patrimoniaux tels celui de Puechabon sur les savoirs-faire liés aux charbonnières, de Nébian sur le patrimoine rural, de Lieuran Cabrières sur la mémoire locale et les savoirs viticoles, d’Aspiran avec son groupe « Mémoire » (Histoire de l’école communale), de Lauroux sur le légendaire du village. Le foyer rural d’Aniane publie 36 lui-même en 1993, un ouvrage sur l’histoire post révolutionnaire du village.

Ce mouvement patrimonial des foyers ruraux de la vallée de l’Hérault au service des localités apparaît ainsi comme révélateur de la structuration identitaire ancienne de ce territoire : il est différent de celui qui émergera en Minervois par exemple où les foyers ruraux s’appuient davantage sur des micro-régions intercommunales pour développer leurs projets.

Les activités de valorisation du patrimoine avec les fameuses « études de milieux » sur les cultures locales dans la vallée de l’Hérault et montrées en exemple par la fédération départementale, vont très sensiblement diminuer à la fin des années 1990. Cette époque sensible aux patrimoines semble avoir marqué le pas, au sein des foyers ruraux au bénéfice de nouvelles orientations vers les loisirs ; l’initiative de recherche et d’exposition lancée en 2006 par les archives départementales sur la révolte vigneronne de 1907, qui mobilisera les foyers ruraux de d’Aspiran, de Paulhan ou d’Aniane, n’aura que des effets conjoncturels sur leur propension à s’investir durablement dans la recherche.

Et les travaux de collectage et de restitutions ethnographiques destinés à préserver la mémoire locale, organisés en 2007 par le foyer rural de St Maurice de Navacelles s’avèrent être devenus une exception 37.

À coté des foyers ruraux qui traitent le plus souvent d’un patrimoine immatériel, et qui génère une activité d’animation non négligeable pour favoriser le sentiment d’appartenance villageoise, il faut citer l’existence continue d’une autre forme d’association fortement présente dans la vallée de l’Hérault : les associations d’érudits liées à l’histoire et à la mise en valeur de monuments (mobilier ou immobilier) quand ce n’est pas spécialisé dans l’approche archéologique.

L’une des singularités de ce territoire de la vallée de l’Hérault, c’est en effet la très forte proportion de ces dernières associations et qui contrairement aux foyers ruraux, laissent au second plan le projet de nourrir le lien social.

L’une des plus connues dans cette Vallée, fut bien sûr celle des « Amis de Pézenas », née en 1921 et forte de plus de 500 adhérents dans les années 2000, qui a donné naissance à la célèbre revue éponyme, connue pour ses travaux historiques et archéologiques alimentés par de nombreux universitaires, et qui constituera un modèle que vont reprendre nombre de ces associations voisines : les Amis de St Guilhem-le-Désert (née en 1957), le Groupe archéologique du Lodévois (1959), l’association pour la sauvegarde du Chateau d’Aumelas, (1969), le GREC (groupe d’études et de recherche du clermontois (née en 1973), Arts et Traditions Rurales 39 (ATR 1974), les Amis de Montagnac (1981), les amis de Cabriéres (1983), Lo Picart (St Jean de Fos : 1983), ou les Amis de Paulhan (1986) pour ne citer que les plus connues dans cette vallée de l’Hérault.

Ces premières associations d’érudits de la vallée de l’Hérault, ont été suivies dans les années 90, d’une nouvelle génération d’associations d’érudits avec : les Amis de Villeneuvette, le GRAPP (Groupe de recherche et d’action pour le patrimoine paulhanais), Valeur et Patrimoine du Clermontois (1994), Rébourdelis (1998), les Amis du patrimoine nébianais (1999)…

Ces associations de manière symétrique aux foyers ruraux confortent les identités villageoises par le renfort d’une référence à l’histoire locale, à ses témoignages monumentaux ou archéologiques ; ils impliquent souvent des populations légèrement différentes de celles qui composent les foyers ruraux au plan des statuts sociaux et du capital culturel !

Ces deux générations d’associations d’érudits ont pour une part importante d’entre elles, généré une activité de publication continue, même si elle ne fut pas toujours régulière certaines sont reconnues pour la qualité de leurs publications, et pour la plupart, elles favorisent des activités de recherche, encore à ce jour.

Beaucoup d’entre elles, notamment les plus anciennes, ont rarement pu renouveler leurs administrateurs et vivent encore aujourd’hui sous la tutelle de présidents et d’administrateurs devenus âgés, faute d’avoir pu trouver des remplaçants Ces derniers, devenus souvent des chercheurs consacrés, ont contribué à former des générations d’historiens et d’archéologues qui ont pu professionnaliser leurs savoirs.

Ces associations ont largement concouru à alimenter les identités vécues des villages d’implantation de ces associations notamment en s’adressant aux élites locales préoccupées de savoirs patrimoniaux c’est peu de dire qu’elles ont joué sur la différenciation des localités en creusant leurs singularités historiques ou monumentales.

Entre les foyers ruraux et ces associations d’érudits spécialisées, il y aura une certaine division de l’espace de la vallée et une véritable complémentarité ; sauf exception, les communes où vont naître des foyers ruraux sensibles au patrimoine, n’accueillent pas souvent ces dernières ; les cas d’exception à ce principe émergent quand le foyer rural cesse de s’intéresser au patrimoine et voit quelques années après, se constituer dans sa commune, une association spécialisée, comme ce fut le cas à Montpeyroux (Rébourdelis), à Aniane (Les Amis de St Benoît) ou à Octon (association de sauvegarde du Châteaux et du village de Lauziéres).

Cette mobilisation patrimoniale collective puissante explique aussi que les spécialistes de l’Inventaire (DRAC) choisiront d’intervenir sur les 3 cantons de Gignac, Aniane et Clermont : les premiers cantons et… les seuls dans le département à avoir connu un inventaire réalisé de manière exhaustive !

Le champ des différenciations politiques

Parmi les facteurs de différenciations locales qui séparent les communes, il en est un qui illustre aussi leur identité collective : le choix de leurs élus municipaux et de leur maire en particulier.

Si les travaux des politologues et des historiens ont l’habitude de considérer le mouvement vertical 40 (bottom up) qui conduit une population villageoise à choisir ses représentants locaux, il est rare qu’ils traitent de leur intégration dans un univers intercommunal horizontal, le scrutin républicain et sa mise en évidence verticale étant considérés comme un objet souverain.

Pourtant les représentations sociales des candidats voisins, l’image de leurs apparentements politiques, de leurs préférences ou de leurs aversions politiciennes comme leurs appartenances résidentielles 41 entrent pour quelque chose dans la mise en scène par laquelle chaque élu détermine son « positionnement » politique ce dernier terme relevant du registre de la communication montre bien qu’il y a là une sphère nouvelle où chaque élu doit exprimer ce qui relève désormais d’une dimension de son identité.

Cela signifie aussi plus globalement que pour que cette fonction de distinction/communication puisse être réalisée entre communes, le politique doit d’abord être pensé par les élus et leurs électeurs comme une ressource de communication révélant autant un signe d’appartenance qu’un indice de singularisation par les sociétés locales, les élus locaux y percevant quant à eux, un bénéfice politique !

A partir des années 80 et jusqu’à récemment, avant que ne soient mises en place les institutions intercommunales, un trait singulier marqua la Vallée de l’Hérault c’est l’émergence d’une tendance à porter aux affaires des élus choisissant de mettre en avant des étiquettes politiques contrastée vis à vis des communes proches (ou y venant après coup) comme s’il fallait préserver chaque société locale d’une trop grande ressem-blance vis à vis de ses voisines, même et surtout si leurs politiques publiques respectives pouvaient s’avérer proches !

L’observation dans le temps du chapelet des petites communes toute proches de la Moyenne Vallée de l’Hérault, objet de l’enquête, entre le Pouget et Puechabon, permet de mettre en évidence ce processus.

En fait, ce penchant à la différenciation politique fut aussi et surtout le résultat de querelles politiques 42 connues pour leur violence, opposant à partir de 1985 et pendant 15 ans des socialistes frêchistes, et des élus communaux proches du groupe divers-gauche du Conseil général. Cet antagonisme générera l’émergence d’un groupe de maires sympathisant pour chacune de ces sensibilités, mais aussi d’édiles ne voulant se situer ni dans l’un ni dans l’autre des 2 groupes, comme des positions se définissant franchement contre leur domination commune ! Autant de facteurs conjoncturels qui sont venus alimenter des tendances culturelles de moyenne durée à la différenciation locale.

Dés lors ce jeu de variation minimale dans un éventail possible de différenciations complémentaires de positions (voir tableau), va concerner autant les toutes petites communes, où la règle du scrutin avec panachage s’impose au 2e tour des élections municipales, que celles où s’imposent les logiques partisanes des appareils politiques, telles qu’on peut les retrouver dans les communes les plus grandes de la moyenne vallée de l’Hérault (Gignac, St André de Sangonis ou Aniane, Clermont l’Hérault).

Quelquefois le maire aux affaires va lui-même changer d’appartenance politique ou envoyer des signes d’allégeance nouveaux en cours de mandat, en fonction du contexte supra local où les alliances et les apparentements prennent tout leur sens. Les édiles des toutes petites communes par exemple, comme à St Jean de Fos, à Puechabon, ou à St Guilhem vont même se faire quelquefois une sorte d’obligation de s’attacher à une étiquette politique nouvelle ou à un repère original en cours de mandat, qu’ils n’avaient pas dévoilé en début.

Ainsi un précédant maire de Puechabon découvrit ainsi en cours de mandat sa proximité avec le Modem, tandis que celui de St Jean de Fos au moment des élections européennes apporta son soutien au « parti des travailleurs » ! Singulières positions qui ne peuvent s’expliquer que par la volonté d’une individuation différenciatrice, d’autant plus appelée que s’imposent une gestion domestique des affaires communales, comme les effets du conflit entre groupes d’alliances politiques.

Si l’affichage des étiquettes politiques des édiles locaux, renvoie en effet à des alliances politiques avec des appareils supra locaux, ils constituent aussi un indice derrière lequel les populations locales sont identifiées et distinguées, y compris par les villages voisins qui, du coup peuvent vouloir s’en séparer ; ce n’est pas un hasard si les puechabonnais et les gignacois font référence à la spécificité d’Aniane et à sa tradition communiste ancienne qui y expliquent l’existence de luttes idéologiques continues et durables (depuis quelques décades), si des jeanfossois signalent l’enracinement d’un socialisme municipal à Gignac.

La quête de la différenciation et son corollaire : la crainte d’un trop grande proximité politique, seront confirmées à contrario, par les évènements et les affrontements sur des projets communs 44 qui opposèrent ceux qui pouvaient appartenir à la même sensibilité politique par exemple entre conseillers généraux de gauche de cantons contigus, tels Gignac et d’Aniane, entre 1984 et 2000, qui n’eurent de cesse de vouloir distinguer leurs efforts et de tenter d’échapper à une relation asymétrique.

Les secousses portées au système identitaire localiste

Ce système territorial qui fonctionnait sur le mode de la différenciation et de la complémentarité des communautés rurales, connaît depuis une dizaine d’années un net essoufflement et une recomposition manifeste. La remise en cause de ce système identitaire fondé sur la communauté rurale dans ses rapports au voisinage ne se fait pas sans douleur ; l’exemple de l’affaire Mondavi à Aniane, doit ainsi être interprété comme le syndrome d’une transition culturelle entre deux systèmes identitaires, et pas seulement comme un processus économique 45. Comment cette affaire a pris naissance ?

Parmi la multiplicité des associations de la vallée de l’Hérault qui émergent autour des années 2000, alimentée par les nouveaux résidents et des anciens, certaines développent des démarches militantes de conservation et de protection du patrimoine existant identifié a une part du territoire communal 46 ; telle « l’association du massif d’Arboussas », sensible au patrimoine naturel.

Celle-ci se fit connaître en 2001, en s’opposant à la transformation de terrains forestiers en parcelles viticoles liées au projet d’implantation de l’entreprise internationale de négoce Mondavi. L’objet du conflit fut en effet identifié au départ à la volonté de préservation d’un espace faisant l’objet d’une protection réglementaire, par la diane et les écologistes locaux 47, contre le projet municipal visant à allouer 50 ha de terrain (en zone classée reconnue pour ses calcaires fissurés 48 et des coteaux situés à près de 300 mètres d’altitude), à la plantation viticole proposée par le négociant international ; ce dernier bien « positionné » sur le commerce international des vins de qualité, se propose alors de faciliter ce négoce pour les produits locaux de la coopérative, conformes à son cahier des charges 49, tentant d’étendre ainsi ses alliances à une partie de la paysannerie locale, notamment au sein de la coopérative viticole (en particulier ceux qui ne considéraient pas leur production comme un revenu d’appoint).

Un mouvement de protestation important va rassembler des chasseurs 50 puis des écologistes ; ce double soutien plus ou moins informel va donc faire passer le motif de mobilisation d’un statut « égoïste » (Durkheim) à celui d’une raison partagée, et d’une norme générale rappelant le caractère impératif des droits collectifs 51. C’est plus tard que les communistes viennent le rejoindre, sensibles à la montée en charge du mouvement. Mais aussi des agriculteurs, ou des chasseurs conservateurs Parmi les groupes mobilisés, on trouve des autochtones et des néoruraux qui jusqu’alors n’avaient pas si souvent montré de consensus dans cette commune.

La politisation du projet par la mobilisation d’un parti, qui s’en emparera, localement puis au niveau départemental, comme l’évocation de la presse, contribuèrent à y adjoindre une interprétation économique 52 puis idéologique, jusqu’à qualifier le mouvement d’une ambition anti-mondialisation, anti-américaine, anti-libérale, bref des mises en récits qui extrayaient Aniane de son enracinement local. Elle se traduisit au bout du compte dans les élections municipales et cantonales en favorisant le changement de maire et de conseiller général 53.

Ce qui fut curieux dans cette situation de crise locale, c’est en effet la part prise par la « mise en récit » de ses enjeux qui en composa une forme de scénarisation achevée. Ainsi les médias, eurent vite fait de proposer derrière ce conflit social, un combat entre Mondavi et les Anianais 54, mais y sédimentèrent aussi d’autres références fictionnelles, en identifiant les sangliers, ou Pépone (pour évoquer les communistes). Et la venue-surprise ultérieure de Depardieu (bien sûr associé à Obelix) venant acheter quelques ha de vigne à Aniane, parachèvera la métaphore du village gaulois 55 résistant à l’envahisseur; autant de références à des périodes historiques anciennes posant implicitement l’anachronisme du mouvement social. Dans le même moment où se déroulait le conflit local, le réalisateur Jonathan Nossiter vint réaliser à Aniane même, une partie des images du film : « La mondialisation dans tous ses états : Mondovino ». Les interprétations de la presse comme la diffusion du film furent reçues sans enthousiasme par une grande partie des anianais, parce qu’elles advenaient après une période « que les villageois avaient passé à vouloir oublier cette affaire. Elle revenait au moment où venaient de se fermer les cicatrices (sic) ». Ils y perçurent donc une image caricaturale du village, qui loin de faire l’éloge d’une communauté locale, contribuait à la mise en évidence et à l’étalement de leur division, loin de la tradition de la « petite patrie » en la situant sur un contexte international, loin des références immédiates du voisinage.

In fine, cette expérience restera dans les mémoires locales, pour certains comme une tentative réussie de préservation du territoire local et du domaine communal au bénéfice des habitants locaux (natifs ou nouveaux habitants), pour d’autres comme l’échec d’un accès du territoire local au marché international et d’une politique publique économique ; ces deux interprétations se retrouvant sur une image commune : la résistance du territoire local.

Mais elle aura permis d’identifier au sein des groupes sociaux de la commune d’Aniane, une partie d’entre eux, indifférente ou réfractaire au système identitaire des différenciations communales et prêts à jouer la carte d’une autre forme de distinction, internationale celle-là, dans une symétrie inattendue avec les processus émergeant dans la ville où une bourgeoisie cosmopolite a consommé définitivement sa rupture avec l’espace local !

Les facteurs et les formes de transformation
du système local

Les transformations institutionnelles issues de la décentralisation, le renforcement des migrations interrégionales vers la vallée de l’Hérault, mais aussi des évolutions liées à de nouveaux enjeux patrimoniaux et à la mondialisation ont bouleversé son mode de reproduction.

Ce territoire intercommunal à trente ou quarante km de Montpellier, accueille maintenant l’autoroute A750 en cours de terminaison, et permet par exemple aux gignacois d’arriver en voiture à Montpellier en 30 minutes ; il menace de transformer certains de ces villages en communes-dortoirs. Il a altéré le rapport à la ville métropolitaine et aux déplacements. Cette zone subit aujourd’hui les effets considérables de la pression foncière des migrants ayant échoué à trouver un habitat sur la côte ou sur les villes proches du littoral. Chaque mois dans l’Hérault, 2 000 migrants nouveaux arrivent dans le département, 500 en repartent faute de logements et d’emplois 57 ; l’Hérault connaît une croissance démographique égale à 2,5 fois celle du territoire national. Certaines communes ont grandi plus que d’autres : +20 % à Gignac et St André de Sangonis, +13 % à Aniane. Dans certains petits villages qui ont lancé des lotissements, ce chiffre est bien supérieur : +30 % au Pouget, +43 % à St Pargoire et même +64 % à Puilacher ; les jeunes ménages natifs trouvent difficilement à se loger ! Depuis la fin des années 1990, la demande immobilière dans la vallée de l’Hérault a déclenché une envolée des prix qui a profondément modifié le marché local, même si la hausse du prix des carburants puis la crise financière tempèrent aujourd’hui le mouvement.

Variation annuelle estimée de la population entre 1999 et 2005
Fig. 3 - Variation annuelle estimée de la population entre 1999 et 2005

Cette nouvelle conjoncture transforme le rapport aux espaces politiques ; les dernières élections municipales ont ainsi créé de véritables surprises en à mettant un terme à ce qui pouvait être vécu comme des continuités politiques, à Saint André de Sangonis, et à Aniane, où la tradition radicale d’un coté et la tradition de gauche (communiste puis socialiste) de l’autre, avaient marqué la vie locale et leur participation aux exigences du système de différenciation culturelle ; comme à Lodève. Cette rupture qui a favorisé l’accès aux affaires publiques d’un parti nouveau, ne peut pas être séparée de la venue de nouveaux résidents, nombreux dans ces communes ; les maires vaincus ne sont pas longs à dénoncer ces « gens des pavillonnaires, qui n’habitent pas vraiment sur place et travaillent à Montpellier » il est vrai qu’en l’absence de connaissance des conditions sociales et politiques de la localité, ces populations qui ont représenté entre 15 et 20 % des nouveaux inscrits, s’inscrivent dans de nouvelles formes de choix 58 où les listes d’appareils prévalent, laissant loin derrière, les exigences de différenciations traditionnelles politiques.

De même se trouve altéré le traitement du patrimoine après avoir vu se folkloriser les manifestations totémiques au bénéfice des fêtes carnavalesques, le champ du patrimoine lui-même se voit élargi 59.

En effet, nombre d’associations patrimoniales sont nées récemment en Moyenne Vallée de l’Hérault, parce que souvent, de nouveaux résidents les ont créés, répondant à leurs préoccupations et leurs intérêts, ou parce que leurs raisons sociales patrimoniales ont croisé les politiques publiques culturelles, sociales ou environnementales portées par les collectivités qui interviennent dans l’espace rural. On repère cette nouvelle forme d’association entre les années 1995-2005 60. Beaucoup de ces associations nouvelles revendiquent une légitimité qui va de pair avec une conception élargie du patrimoine, parce que la référence à la protection de la planète et aux territoires naturels, à la diversité des espèces et la gestion des énergies renouvelables, ne peut s’embarrasser de limites disciplinaires.

Mais aussi parce que des objets à la croisée des champs culturels et naturels deviennent des préoccupations importantes pour ces associations et relèvent simultanément des 2 champs comme les paysages et les savoirs agricoles qui y contribuent, les constructions en pierres sèches (faïsses, capitelles…), les savoirs faire naturalistes et l’ethnobotanique. Cette assimilation des deux champs est du reste facilitée par la montée en particulier dans la Vallée de l’Hérault d’une nouvelle demande sociale de randonnée pédestre et de tourisme vert qui autorise nombre d’associations spécialisées dans les loisirs à revendiquer un intérêt sinon une compétence pour les disciplines qui peuvent répondre à la curiosité vagabonde de leurs adhérents Il faut aussi prendre en compte dans ce mouvement la venue de responsables associatifs moins prisonniers de frontières disciplinaires, car leur cursus ne les a pas confronté aux usages de l’université, et à ses découpages.

Peu de ces associations récentes se sont données comme objectifs de maîtriser toute la chaîne patrimoniale, – de l’identification, à l’étude, jusqu’à la publication et la transmission - ; au contraire, nombreuses sont celles qui se sont spécialisées sur quelques étapes de cette filière.

Ainsi pour prendre des exemples singuliers 61 et sans doute partiel, les associations – Vivre à Aniane, et Demain la terre -, se rejoignent sur le projet de favoriser le respect de l’environnement et d’y sensibiliser des publics mais aussi de mettre en valeur certaines traditions paysannes respectueuses des milieux ; elles se montrent ainsi attachées à la culture maraîchère des légumes (et fruits) de la vallée de l’Hérault, cette aire géographique ayant été pendant longtemps un lieu de production agricole dont le célèbre 62 Canal de Gignac encore en fonctionnement, témoigne à l’évidence. L’une se donnant comme objectif de transmettre ce savoir traditionnel empirique en favorisant son appropriation par des échanges entre adhérents, afin d’obtenir la production de légumes « bio » (pour des groupes sociaux exclus de ce type de consommation coûteuse) ; l’autre, privilégiant une approche pédagogique plus générale associée au souci du développement durable, mettant en avant la « traçabilité » des légumes et des fruits, privilégiant leur origine locale, garante de pollution moins importante. Toutes deux s’inscrivant dans un espace de mobilisation intercommunal.

L’accent mis sur la recherche, les inventaires et la publication fut surtout porté par les associations traditionnelles d’érudits, plus anciennes identifiées précédemment, ainsi qu’au sein des foyers ruraux les mieux enracinés et plus anciens. Leurs centrations et leurs spécialisations dominantes sur les patrimoines monumental, archéologique, historique ou ethnologique sont critiquées par les écologues militants des associations locales pour leur vision réductrice du patrimoine. Cette critique est portée par quelques leaders associatifs seulement ; mais elle constitue le ferment le plus efficace de l’émergence d’un nouveau champ social plus global en constitution où les conflits pour le monopole de la connaissance légitime, restent encore larvés !

On comprend que ce discours soit particulièrement bien reçu par beaucoup d’associations qui ont souffert pendant longtemps, de voir considérer leur dispersion sur des domaines composites comme l’effet d’un amateurisme suspect, répondant à la seule exigence de la diversité de leurs publics associatifs. Cette ouverture multidisciplinaire est sans doute aussi la conséquence des effets de diminution de la « conscience historique » des nouvelles générations 63, signalée par Pierre Nora, qui put favoriser leur report sur un patrimoine élargi.

On peut repérer quelques signes à l’œuvre du mouvement de constitution de ce nouveau champ qui accueille des associations récentes mais aussi anciennes en renouvellement.

Ainsi dans le Clermontois, ce phénomène de recomposition du mouvement associatif a récemment donné lieu à la création d’un collectif de 17 associations patrimoniales CAPC (Coordination Action Patrimoine Clermontois), dont la spécificité est d’accueillir toutes les disciplines patrimoniales. Phénomène de mobilisation rarissime dans un champ connu pour être très concurrentiel, bien sûr lié à la proximité des échéances électorales ; car beaucoup de ces acteurs associatifs devenus légitimes depuis des années et aux compétences reconnues par les autorités publiques, se disent préoccupés par tous les patrimoines et souhaitent « mettre en commun leur connaissance pour faire connaître leur point de vue dans les débats sur les différents sujets les concernant, être le relais entre les associations et les financeurs, pour les besoins en subventions et obtenir une plus grande écoute de la population » 65. Si ce regroupement n’a pas encore fait la preuve de son efficacité, son éclosion traduit cependant une véritable innovation culturelle.

Des motifs conjoncturels caractérisent sa démarche tels la participation aux réflexions sur les PLU, le mitage des espaces suite aux friches viticoles, ou la mise en valeur des mémoires et des patrimoines historiques à des fins touristiques, mais d’autres stratégies internes se dessinent. Ce regroupement signale la volonté de devenir un groupe de pression visant à obtenir une reconnaissance d’expertise dans un domaine longtemps considéré comme le lieu du saupoudrage financier des élus locaux, l’espace du clientélisme politique.

Deux types de revendications émergent donc : l’une politique, l’autre économique.

Car certaines de ces associations revendiquent in fine de nouvelles formes d’exercice de la démocratie et pose explicitement la question de la redéfinition de la citoyenneté et de la responsabilité des associations dans ce domaine, sans la lier nécessairement au champ politicien. L’enjeu est souvent identifié aux politiques de développement local. De nouveaux soucis émergent donc ; ils sont peu liés à la célébration du localisme ou à la connaissance gratuite de la vie communautaire ; ils portent moins sur un objet d’identification collective, (une petite patrie) ou de différenciation villageoise que sur des principes d’actions universels, même si c’est au service d’un territoire !

Par ailleurs, et non sans importance, se pose aussi pour nombre de ces associations – surtout celles qui hébergent des individus en situation précaire -, la question de leur accès au marché de la consultation publique, de l’animation professionnelle et des financements publics qui leur sont consacrés 66, dont l’immense majorité est aujourd’hui remportée par des bureaux d’études extérieurs à l’Hérault.

Cette nouvelle donne associative, contemporaine des changements institutionnels ayant amené l’éclosion des communautés de communes et des pays, en est aussi la conséquence ; ces deux mouvements convergent pour s’écarter de la prégnance des cadres géographiques communaux. On n’est peut-être pas si éloigné de ce que l’on a observé en Belgique au milieu des années 1970 et en 1982, où les réformes publiques redéfinissent alors l’échelle communale, en réduisant le nombre de communes de 2 359 à 589. Ce changement institutionnel brutal, qui eut pour effet de déclasser certaines petites communes fut suivi de l’émergence de nombreuses associations villageoises patrimoniales, qui prirent alors en charge la parole du local (des villages devenus sans représentation institutionnelle) par un activisme patrimonial accru et la défense des identités locales

Nombre d’associations patrimoniales nouvelles de la vallée de l’Hérault instrumentalisent les limites communales ; les exigences différenciatrices et complémentaires deviennent secondes. Les communautés de communes peuvent donc devenir les interlocuteurs de ces nouvelles associations intercommunales, même si leur culture professionnelle (et leur compétence) ne les préparent pas nécessairement à cela, contrairement au Pays, qui en intègre un certain nombre dans son conseil de développement. Ces nouveaux acteurs publics développent un autre rapport au territoire moins centré sur la localité, ouvert aux nouvelles formes de traitement de l’espace où l’ordre planétaire écologique est largement convoqué quand ce n’est pas un horizon international où la communication touristique 68 doit trouver une nouvelle scène.

Appartenance et nouveaux résidents

On l’a compris, l’évolution de cette organisation locale a profité sans nul doute de l’arrivée importante et inégalée d’une population nouvelle qui n’était pas prisonnière des habitudes locales et des usages sociaux. Les migrations vers ce territoire ont longtemps été amenées de manière progressive, et favorisaient la socialisation des nouveaux aux pratiques locales ; mais ces dernières années ont connu une telle croissance démographique qu’une véritable rupture s’est organisée ; l’acculturation des groupes sociaux à la société d’accueil ne se réalise plus ; ces derniers conservent leurs usages et leurs modes de vie. Le phénomène est devenu si marqué, qu’une nouvelle association nationale et ses relais régionaux – Accueil des Villes Françaises – se donne maintenant comme objectif exclusif d’accueillir les nouveaux résidents français dans le département.

Cette part importante des étrangers au territoire local est devenue telle que les collectivités ont inventé de nouvelles pratiques. Ainsi les politiques touristiques (liées aux loisirs de pleine nature) elles-mêmes ont tendance à s’adresser d’abord à ces nouvelles populations récemment installées, considérant implicitement que ces nouveaux héraultais sont des touristes de l’intérieur, figures anthropologiques familières reprenant le schèma bien connu 69 des « faux étrangers ». De même, des rites d’agrégation sont dédiés annuellement aux derniers arrivés par les élus départementaux mais aussi municipaux (Gignac, Aniane, Clermont l’Hérault, Lodève) qui consacrent leur nouvelle appartenance spatiale. La communauté de communes de la vallée de l’Hérault se propose de faire de même.

Les associations locales de tout type accueillant ces étrangers qu’elles soient autochtones ou allochtones sont donc devenues un enjeu important elles peuvent jouer le rôle que Roger Bastide reconnaissait aux groupes sociaux immigrés premiers arrivants chargés de l’agrégation des nouveaux à la société d’accueil. Rappelons que dans l’un de ses articles 70, Bastide rappelle l’exemple des immigrants polonais immigrés aux États-Unis en insistant sur les conditions de transplantation difficile et l’instabilité anomique que ces ruraux vivent alors individuellement au contact de la société américaine, sans l’aide d’une communauté ethnique d’accueil ; il fait allusion aussi aux immigrants partis de la société russe pour rejoindre Israël, attachés à leur tradition et à leur milieu d’origine. Il montre ainsi que ces individus sont accueillis par des groupes d’origine russe délà établis depuis un certain temps où toutes leurs valeurs originelles sont présentes. Leur « traditionalisme » pour reprendre la terminologie bastidienne, les protége du choc du contact avec la société d’accueil, tandis que la communauté russe déjà en place les préserve de l’anomie et fait tampon en les préparant progressivement à l’adoption de modèles de comportements nouveaux.

Ce schéma bastidien fait une grande confiance au rôle d’accompagnement progressif que les groupes d’accueil informels (i.e : les associations ici) jouent vis à vis des nouveaux venus. Et son postulat implicite se traduit par le fait qu’une situation de déséquilibre culturel chez les nouveaux ne peut pas rester trop longtemps ainsi, sous peine de voir s’installer l’anomie et la désagrégation collective. Les communautés de migrants déjà installés jouant nécessairement un rôle socialisateur dans cette transition, parce que leurs propres valeurs, ne font pas une trop grande place à l’individualisme.

On peut s’interroger sur la transposition de ce modèle explicatif sur la situation des nouveaux venus en Vallée de l’Hérault, d’autant qu’une idéologie de l’hospitalité occulte à ce jour la réalité de leur fonctionnement réel, largement encouragée par un discours public qui fait encore de l’association, le lieu naturel de la rencontre. Il faut en effet ajouter une alternative au schéma bastidien l’impossibilité de l’intégration soit que les associations d’accueil d’étrangers l’organisent, soit qu’elles ne soient plus capables de prendre en charge le travail de socialisation.

En effet certaines se conduisent de manière très autarcique dans leur mode de reproduction, qu’elles aient imposé elles-même cette fermeture aux autochtones, ou qu’elles la subissent. Plusieurs groupes sociaux dans la moyenne vallée de l’Hérault peuvent être considérés comme des figures différentes de cette situation de retrait.

Ces nouveaux résidents sont soit plus autarciques soit plus déracinés, quand ils ne fonctionnent pas sur des valeurs plus individualistes dans des groupes où l’espace et le patrimoine peuvent devenir des supports instrumentalisés de mobilisation. Dans un certains sens, ces nouveaux résidents se comportent moins souvent comme leurs prédécesseurs des années 1970/80, qui investissait un projet patrimonial local, tels ceux de l’association « Lou Picart » de St Jean de Fos en y ancrant une part de leur identité collective mais la partageant avec des autochtones de la même association, dans une volonté d’appartenance locale au territoire.

On peut repérer aujourd’hui trois types de « groupes primaires », d’accueil d’étrangers à la vallée organisés en associations :

— les associations qui se proposent de créer des groupes ouverts dont la finalité officielle est de favoriser l’échange avec la société d’accueil, mais sans grand succès tels les Grands Quinquins de Gignac, retraités venus au soleil plutôt âgés confinés à une sociabilité interne réduite, car leur famille élargie est souvent ailleurs. Ce type de retrait est souvent le fait de groupes venus de l’étranger, il est renforcé par des situations de pouvoir d’achat modeste.

— celles qui constituent des groupes sociaux relativement fermés, de l’entre soi, fonctionnant sur l’exclusion implicite des autochtones et proposant donc un projet opérationnel d’identification collective l’association « Vivre à Aniane » donne un modèle de cette organisation avec son jardin partagé. On trouve d’autres exemples de ce type à St Jean de Fos ou à Puechabon, pour s’en tenir à quelques communes.

— celles qui offrent des groupes d’appartenances faibles et se cantonnent à ne proposer que des services peu impliquants et/ou marchandisables renforçant du coup la part subjective de l’identité de leurs adhérents ! Nombre de foyers ruraux de la vallée de l’Hérault sont aujourd’hui dans ce cas ; par exemple le foyer rural d’Aniane qui accueille maintenant plus de 200 adhérents, parmi lesquels des néo-résidents qui ont souvent une faible implication et interprètent le montant de l’adhésion comme le coût d’utilisation de la salle et des équipements du foyer-rural. Le foyer-rural d’Aniane a depuis quelques années a admis l’adhésion des nouveaux pour renflouer sa trésorerie qu’une trop grande tendance à l’autochtonie avait asséchée, en obligeant les groupes qui demandaient à utiliser ses équipements (pour la danse, le tai-chi, le ping-pong…) à adhérer : fin d’un mode d’adhésion qui relevait de l’appartenance et sanction ultime d’une démarche (marketing) qui a d’ailleurs poussé la fédération nationale à vouloir protéger son label « foyer-rural » à l’INPI !

Du coté des autochtones, les identités collectives traditionnelles menacées, comme les comportements des nouveaux résidents, conduisent les familles à s’interroger sur leur propre enracinement individuel dans le territoire, à tenter de confirmer leur origine de parenté. La faveur que connaît actuellement la pratique de la généalogie au sein des villages de la Vallée de l’Hérault, doit être interprétée non pas seulement comme un usage individuel 71 mais comme un phénomène collectif du territoire où ces derniers autochtones souhaitent (se) compter (dans tous les sens du terme). En effet, aujourd’hui ces travaux de recherche sont de plus en plus organisés en réseau de généalogistes via les clubs locaux, et constituent à cet égard une véritable innovation qui concerne désormais tout le village. Ainsi le journal Midi libre72 évoquant Puechabon ou Aniane, écrivait récemment « Depuis 1593 pour l’un et de 1613 pour l’autre jusqu’à 2002, tous les habitants du village sont sur les registres des généalogistes » !

Les identités individuelles des nouveaux : comment se sentir appartenir à un espace ?

Avec la régression du système de différenciation des communautés villageoises de cette vallée de l’Hérault qui pouvait dessiner les contours des identités collectives spatiales, l’émergence de nouveaux repères patrimoniaux et des collectifs qui offrent un icône identificatoire plus ou moins fort à leurs adhérents, comment les nouvelles populations locales déterminent aujourd’hui leurs appartenances, en particulier quand elles sont nouvellement arrivées et que leur mémoire collective du territoire local est peu consistante ou limitée par une durée de séjour plus ou moins faible ? Comment cette appartenance est-elle liée à l’identité personnelle ? Et comment s’articule-t-elle au passé de chaque individu ?

Si, pour Pierre Tap 73, l’identité personnelle est « l’ensemble des représentations et des sentiments qu’une personne développe à propos d’elle-même », elle permet de rester le même, de se vivre dans la durée en tant que soi, dans une société et dans une culture données, en relation avec les autres. L’identité résulte donc d’un effort constant et volontaire du sujet pour gérer sa propre continuité, sa cohérence dans une situation de changement perpétuel. L’identité est donc une tension permanente. Mais s’identifier, – paradoxe apparent – revient aussi à se différencier des autres tout en affirmant son appartenance à des catégories, des groupes comme vu précédemment, mais aussi des espaces.

Si l’identité n’a pas de substrat spatial obligatoire, cette dernière entre tout de même dans un contexte inévitable de spatialités les lieux et les territoires traversés par des déplacements et des mobilités résidentielles lui fournissent souvent un ciment efficace, à la fois matériel et symbolique selon l’itinéraire antérieur du sujet et sa perception de sa situation actuelle.

Pour être précis, le déménagement en vallée de l’Hérault, la proximité des bourgs, celle des métropoles comme Montpellier ou Béziers, la localisation du lieux de travail sur place ou dans ces villes, comme les déplacements de loisirs ou d’approvisionnement tracent des espaces de référence qui peuvent être aussi vécus comme espaces d’appartenance, même si ce terme est souvent refusé par les nouveaux résidents, mêmes anciens.

Parmi les nouveaux résidents qui sont venus s’installer dans la moyenne vallée de l’Hérault, on peut distinguer divers types de stratégies résidentielles qui les a conduit dans cet espace, autant définies par les expériences de vie antérieures à l’implantation locale actuelle que par les évènements récents qui peuvent en changer les conditions.

Pour une partie importante d’entre eux que des vacances antérieures ont plus ou moins familiarisé avec ces lieux, cette mobilité résidentielle est donc vécue comme un « retour aux sources ». Ces individus ou ces familles s’installent souvent dans un espace qui leur est familier, où ils ont des racines familiales, sinon des pratiques sportives et de loisirs. Ces mobilités vers la vallée de l’Hérault ne sont alors pas vécues comme un éloignement, mais plutôt comme un rapprochement, qui leur permet de renouer avec des attaches anciennes restaurant une continuité maîtrisée de leur histoire personnelle.

Car les lieux anciens sont avant tout dépositaires de vécus et de souvenirs personnels. Les lieux et les territoires de l’identité comptent sans doute moins pour leur cohérence géographique (leur continuité spatiale n’est pas impérative) que pour la contribution qu’ils apportent à la constitution du « fil continu qui tisse le canevas de l’histoire » personnelle 74.

Parmi les nouveaux habitants de la vallée de l’Hérault, si l’on peut repérer le plus souvent une aspiration généralisée à la tranquillité du village et à son authenticité, cette dernière laisse apparaître diverses représentations de l’espace local qui définissent l’identité spatiale vécue des nouveaux résidents : certaines se définissant contre la ville proche, d’autres dans un rapport souhaité (soit par volonté soit par rationalisation psychologique) avec la métropole, d’autres indépendamment. Cette perception marquant aussi bien les nouveaux résidents qui viennent de la région ou du département, dans une mobilité de proximité, que ceux qui viennent de plus loin !

Les communes de la vallée de l’Hérault peuvent donc sous ce triple rapport à la ville proche, accueillir divers types d’individus qui ancrent diversement leur identité personnelle dans l’espace de résidence.

1. Les réfugiés : on y rencontre les individus qui ont fui la violence économique de la ville et/ou son insécurité ; plusieurs situations sont possibles ensuite, selon la force de cette représentation, les revenus de la personne ou son statut social

S’ils ont choisi de construire dans un lotissement, souvent leurs aménagements et leurs pratiques de sociabilité de proximité traduisent cette situation ; murs d’enceinte plutôt élevés et fermetures sécurisées. Leur environnement participe quelquefois de cette volonté de protection : ainsi les relations de voisinage peuvent ainsi même être inscrites dans une réciprocité minimale de services de veille et tandis que les moyens de communication (téléphone ou messagerie internet) pourront se substituer le plus possible aux déplacements vers Montpellier. Ce type de comportement peut expliquer le recours à une sociabilité choisie (d’ordre exclusivement familial) et/ou de recours à des associations auto-protectrices. Les personnes âgées qui traversent ce type de situation et sont loin de leur réseau familial peuvent développer une nostalgie de leur région d’origine !

Dans des situations extrêmes de précarité et de fuite avouée loin de la ville, notamment de personnes au Rmi/RSA, les déplacements peuvent être réduits au minimum comme les réseaux de sociabilité, autant de conditions qui peuvent engager la désaffiliation sociale. Quand ils disposent d’un véhicule, le syndrome des « 5 litres d’essence par semaine » régulièrement énoncé par ces individus relégués en zone rurale vient donc qualifier un traitement de la mobilité nécessairement modeste. La télévision et le téléphone peuvent constituer des facteurs complémentaires de privatisation de cet « espace local », et contribuent à favoriser leur repli. Soit le sujet accepte un rétrécissement de l’espace des déplacements dans un équilibre fragile et continu, correspondant à une forme d’autolimitation productive, cette économie imposant du coup une logique de contrôle maximal de la mobilité. Il peut cependant alors avoir un rapport étroit aux associations locales, telle « Vivre à Aniane » qui incarne alors par procuration la figure du local.

Soit la personne devient un véritable « réfugié économique », menacé par une situation de non-retour. Tout se passe comme « s’il était absorbé » par son milieu rural. Le sujet se met alors dans une condition d’isolement contre-productif, qui va contre le développement de tout projet professionnel et l’organisation d’une sociabilité régulière.

2. Les résidents de passage : on y trouve aussi ceux qui sont de passage et y développent des liens de circonstances, pour lesquels le lieu est l’étape d’une aventure sur la durée où l’identité spatiale devient seconde.

Ces individus seuls ou en famille développent une mobilité résidentielle forte entre communes et de durée assez courte, qui les empêche de développer un sentiment durable d’identification à un territoire, l’espace local devient le lieu d’une activité momentanée, une étape temporaire. Du coup le véhicule devient un objet d’investissement important où s’accroche l’identité individuelle du sujet. (On le voit quand ce dernier tombe en panne ou – pire – doit être porté à la casse 75) !

Une forme d’identité territoriale se développe qui peut être compensée par ce support comme par des relations interpersonnelles fortes ou une identité de métier, voulues précises. Ce type d’identité peu enracinée concerne aussi des familles qui sont en « insertion sociale » où le rapport au territoire local devient second par rapport aux exigences d’em-ploi et de revenus. Les déplacements pour ces populations marginalisées constituent donc un enjeu dont la portée symbolique est largement ressentie. On peut se demander s’ils ne compriment pas tout sentiment d’appartenance au territoire local ; à ces représentations, il faut associer, chez les travailleurs sociaux chargés de les aider, celles qui consistent à considérer au moins implicitement que la recherche d’emploi exigent d’eux qu’ils doivent se "bouger" et faire leur preuve, le déplacement pouvant donc être pris à la lettre.

3. L’appartenance multiple :

Il faut ne faut pas confondre les nouveaux résidents de passage avec ceux qui ont tendance à traiter leur village d’habitation comme un lieu dortoir et qui développent une conscience d’appartenance incertaine ou écartelée et multiple. Ainsi en est-il de ceux qui, tout en habitant un village de la vallée de l’Hérault (qu’ils ont choisi ou pas), travaillent à Montpellier et vivent ce déplacement comme une contrainte régulière deux attitudes différentes sont possibles selon que leurs déplacements sont vécus comme nécessaires et largement associés à une emploi valorisé qui leur procure des ressources satisfaisantes, ou au contraire contraints et pénibles car leur travail reste peu gratifiant.

Leur rapport au travail module donc les représentations de l’espace vécu plutôt jeunes, ils sont souvent présents dans la métropole montpelliéraine, y font souvent une partie de leurs courses entre midi et deux ou en fin de journée et peuvent même y avoir des loisirs et un réseau de sociabilité. On trouve dans ce cas de figure le cas d’artisans habitant à Aniane dont le siége social est à Montpellier mais aussi de jeunes commerciaux de Gignac à revenus élevés, qui viennent travailler dans la métropole !

4. L’appartenance projetée :

La majorité des nouveaux résidents enquêtés signale qu’ils n’ont pas un sentiment d’appartenance spontanée au village où ils habitent ; cette expression « sentiment d’appartenance » elle-même est considérée comme excessive ou trop associée à l’autochtonie, donc difficile à s’approprier telle quelle par les nouveaux, fussent-ils installés depuis 15 ou 20 ans son emploi débouche donc rapidement sur une hésitation. Ce qui ne signifie pas nécessairement que ces derniers ne trouvent aucun autre moyen de signifier leur attachement aux lieux. Certaines conditions apparaissent même comme plus favorables.

Quand ces sujets sont à la retraite ou quand l’implication au travail reste seconde et/ou modérée, situation souvent le fait d’employés ou de cadres en fin de carrière, à la trajectoire professionnelle peu évolutive, ils peuvent instrumentaliser ce rapport au travail, pour accorder une importance plus grande à leur appartenance locale. Parmi ces populations, se recrutent ceux qui portent souvent les projets patrimoniaux, ils affirment leur volonté d’appartenance dans un projet en acte qu’ils peuvent mener pendant très longtemps ; cette créativité étant la forme la plus achevée d’une revendication d’intégration locale. Si ces personnes ont des positions idéologiques affirmées, leurs attentes peuvent même se transformer en mouvements militants et en expression revendicative ces intérêts conduisent donc souvent à des revendications d’appartenance et à une identité projetée, plus que ressentie spontanément !

Quant à leur intégration sociale, deux situations apparaissent : soit ces sujets souhaitent organiser des relations durables avec les habitants du lieu, soit ils choisissent d’y renoncer ! Ils peuvent donc adhérer à une association d’entre soi, où ils ont moins de chance de côtoyer les autochtones, une manière de « sécuriser » aussi le rapport à autrui ; ce choix traduit souvent sans doute une représentation du village d’accueil peu satisfaisante !

Certains n’ont pas une sociabilité aussi sélective que les précédents et tirent de leur pluri-appartenance souterraine, une forme de légèreté et de disponibilité vis à vis des autochtones et des autres en général ; célibataires, ils peuvent ainsi créer ou adhérer à des associations qui leur permettent la découverte d’autrui ; une disposition qui les pousse aussi à s’intéresser aux voyages et à l’étranger, comme s’ils avaient intériorisé la bonne distance au territoire local : ni trop dedans, ni trop dehors !

5. Enfin on y découvre les ménages captifs76, endettés lourdement par un choix d’accès à la propriété qui les rend exsangue et les dépouille de toute volonté d’appartenance locale, peu actifs au sein des associations locales, rendus prisonniers de situations d’éloignement résidentiel. La hausse du coût du foncier et de l’immobilier dans les villes métropolitaines a incité ces individus à vouloir malgré tout, accéder à la propriété quitte à accepter une localisation lointaine, rurale. Sans nécessairement prendre conscience des coûts de déplacement, en minorant les autres coûts d’installations et surtout sans anticipation de la croissance des coûts des énergies et du carburant. Ces habitants de la Vallée de l’Hérault n’ont pas vraiment choisi de venir dans les villages ruraux et s’y sont installés faute de pouvoir s’installer à proximité de Montpellier, parce que leurs ressources ne leur laissaient pas d’autres choix ils ont donc accepté une installation en pavillonnaires, en fait des quartiers clos sur eux-mêmes sans communication transversale avec d’autres zones du village.

Les quartiers de cette population sont souvent socialement homogènes, et se sont spécialisés en quelque sorte à l’accueil des nouveaux, à des conditions financières qui privilégient une couche sociale. Ce qui signifie que souvent les mêmes nouveaux quartiers en vallée de l’Hérault accueillent le même type de population en difficultés financières ; ce sont donc dans ces mêmes quartiers que la population connaît un turn over important, qui explique de loin en loin que sur 1 500 personnes nouvelles chaque mois dans l’Hérault, 300 repartent au bout de quelques temps.

Comme pour les rmistes « réfugiés » dans l’arrière pays, ces individus sont amenés à vivre leur espace domestique comme un repaire protecteur. Mais une ambivalence travaille l’image du logement : en même temps lieu de protection et d’identité sociale, (de propriétaire) et objet d’aliénation qui conduit ses occupants à le détester, parce ce qu’il est synonyme d’endettement et de souffrance sociale 77. Cette situation rejaillit aussi sur les conditions d’enquête, les sujets engloutis dans cette image d’eux mêmes ont souvent des difficultés à accepter d’évoquer leur situation et même à tenir un propos assuré !

Ces sentiments ne peuvent conduire qu’à une forme de haine de soi-même qui se mue en méfiance des autres et des voisins. L’expérience quotidienne qui en naît, conduit à la rétraction des relations sociales, et in fine à un repli sur la vie familiale. Pour ces personnes captives, le sentiment d’appartenance et la capacité d’identification sont comme abolis. Ils donnent souvent l’impression de subir tous les changements et ont de la peine à émettre un discours porteur de projets. L’installation domestique finit par provoquer un malaise. Car, s’ils souhaitent partir, ils sont dans l’incapacité de le faire. Leurs rapports avec leur village-centre comme la ville elle-même deviennent désinvestis.

Conclusion : Les marques territoriales touristiques,
vers de nouvelles identités spatiales ?

Face à ces situations, comment les nouvelles collectivités traitent l’exigence d’identité de l’espace, quand ses formes traditionnelles sont mises à mal et que les réformes institutionnelles promettent de les diluer encore ?

La singularité de la vallée de l’Hérault est de voir aujourd’hui privilégier de nouveaux marqueurs territoriaux à finalité touristique : les opérations grands sites dites OGS. St Guilhem-le-Désert, Navacelles ou le lac du Salagou, font l’objet d’aménagements paysagers répondant à un cahier des charges défini par la DIREN, et accompagné par le Réseau des grands sites de France. Au fond leur philosophie commune est de vouloir protéger les lieux sans compromettre une fréquentation raisonnable pour développer l’économie locale.

Ce recours au statut de Grands Sites, interroge à plus d’un titre : il vise aussi à créer une marque de territoire et ici précisément il est accompagné d’une stratégie marketing touristique mettant ici l’accent sur l’hospitalité des lieux et ses attraits légendaires : préconisations de l’étude d’identité lancée par le Pays Cœur d’Hérault.

Mais plus encore, la singularité des Opérations Grand Site dans la conception générique qu’en proposent ses promoteurs nationaux vient de ce qu’elle se veut un moment d’affranchissement du territoire local ou plutôt qu’elle veuille l’arracher à la banalité et traiter le local comme un marche-pied permettant l’accès à l’universel, en lui permettant de désigner l’ici mais aussi l’ailleurs : référence ultime à la planète et à notre monde, auxquels sont voués tous les grands sites. En dépit de son ambition naturaliste et touristique, cette nouvelle organisation des grands sites est-elle si étrangère au système identitaire local et à son exigence différenciatrice communale ?

Le projet Grand Site de St Guilhem, le plus avancé dans son développement dans la Vallée, a ainsi tenté de prendre en compte les singularités patrimoniales 78 culturelles des communes concernées dans le périmètre du grand site ; ces marqueurs d’identités locales (les potiers de St Jean de Fos, l’abbaye d’Aniane ou celle de St Guilhem et ses collections lapidaires) ont souvent été proposés 79 par les élus municipaux identifiant là des supports d’identification de certains groupes locaux.

Comment ce rapport entre patrimoines doit-il être analysé ? Deux types d’articulation entre eux sont possibles : l’un relevant de l’intégration culturelle, l’autre de la résistance.

— Dans le premier cas, les communautés locales peuvent tenter d’imbriquer des éléments de leur propre identité locale, croisant ainsi sous forme syncrétique, patrimoines naturels et culturels ; en écho à l’évolution du monde associatif évoqué supra.

— Dans le deuxième cas 80, le patrimoine culturel est utilisé contre le patrimoine naturel pour conserver le bénéfice du système identitaire localiste. C’est en ces termes que peut s’analyser la position de la commune de St Guilhem résistant au changement du système identitaire en voulant maîtriser au niveau communal, les formes de valorisation de son patrimoine local. On aurait tort alors de n’y voir que des stratégies politiciennes, même si celles-ci ont alimenté sans retenue on l’a vu le système identitaire localiste ; en effet la lecture de l’histoire locale peut interpréter la conjoncture institutionnelle où dominent les communautés de communes, comme la répétition historique d’un destin victimaire 81 profondément refusé par une partie de la population.

Dans le moment même où le patrimoine naturel veut s’imposer comme référence absolue derrière les labels OGS, perdure l’exigence de la « signature » et de la différenciation des territoires.

Car, bien sûr, cette communication de chaque Grand Site veut reprendre la fonction distinctive à son compte mais à un niveau intercommunal ; et chaque communauté de communes de la vallée de l’Hérault curieusement se trouve ici également dotée de son propre OGS, potentiel ou réel, pour contrer la banalisation de l’espace. Intense singularité régionale inexistante ailleurs.

On voit bien que tous les résidents ne sont pas également sensibles à ce nouvel ordre de la communication des territoires où leur consultation a le plus souvent été organisée 82 ; certains y voient une opportunité de développer l’économie et des emplois dans une vallée où le chômage est important, d’autres attendent que sa traduction dans l’espace local puisse se réaliser totalement : mais il est certain que son intégration comme support identificatoire dans les univers mentaux des résidents mettra un certain temps à aboutir.

Notes

 1.  Ce travail est issu de la recherche « Identités, territoires et appartenances dans la Moyenne Vallée de l’Hérault », réalisée pour la Mission Ethnologie du Ministère de la culture en 2008.

 2.  Cf. Jean Viard « Éloge de la mobilité – Essai sur le capital temps libre et la valeur travail » Éditions de l’Aube, 2006

 3.  Cf. Gaston Combarnous, « Au coeur de l’Hérault », Arauris édit. Clermont-L’Hérault, 1980 (réed).

 4.  Cf. Christian Guiraud : « Le lac du Salagou ou le majestueux destin d’une rivière qui coule la nuit et s’évapore le jour ». Ed. Les livrets du Clermontais, Coll. MAS des Terres rouges, 2007.

 5.  Cf. Jacques Basset : « Le barrage de la Meuse à Gignac 1860-1964 » in Etudes sur l’Hérault, N° 10, 1994.

 6.  Cf. Mentor de Cooman : « Histoire moderne de Canet du XVIIe au XXe siècle », Ed Bibliothèque 42, 1997.

 7.  Paul Marres : « Caractères géographiques de la moyenne vallée de l’Hérault », in Revue de la société Languedocienne de géographie, 1971.

 8.  Cf. Robert Ferras et J.-C Barthes : « Qu’est-ce que la vallée de l’Hérault ? » In Revue « Études sur l’Hérault », N°XIV/1-2, 1983.

 9.  Par une politique de communication consistante avec l’édition « bibliothèque 42 ».

10. Cf. Midi libre du 11 juin 2008 ; « La voie est libre sur le pont du Languedoc ».

11. [Appel manquant] Mais aussi par des différences géologiques à l’Est, on trouve de vastes plateaux de calcaire jurassique, de formation secondaire, et à l’Ouest, des terrains géologiques de l’âge le plus ancien granite, schistes et terrains houillers.

12. Cf. Comités départementaux /ODSH « Les clubs APPN dans l’Hérault » : Rapport 2002.

13. Cf. Guy Laurans : « Football et Rugby en Languedoc éléments de géographie sportive », in Actes du 65e congrès de la fédération historique du Languedoc méditerranéen » : 1993.

14. Voir les travaux anciens de Frédéric Saumade.

15. Cf. Christian Guiraud : Espace sportifs et usages sociaux étude comparative de l’implantation du rugby et du jeu de balle au tambourin en Hérault, Lille ANRT, Thèse de 3e cycle en sociologie, 1992.

16. Cf. Christian Bromberger et Alain Morel (Dir.) : « Limites floues, frontières vives » éd. de la MSH, 2001.

17. Cf. Abraham Moles : (En collaboration avec Élisabeth Rohmer), Psychologie de l’espace ; Ed. Casterman, Paris, 1972

18. Balkanisation déjà évidente à l’époque médiévale, les historiens locaux y localisant pour le haut moyen-age une forte densité de villages fortifiés (castellas).

19. Notamment par les rivalités politiques qui ont opposé les blancs et les rouges au début du XXe, comme à Montpeyroux et St Jean de Fos, ou à St Guilhem avec les rivalités opposant le haut et le bas du village Voir Collectif, UPV ; « Droite et gauche de 1789 à nos jours », Ed du Centre d’Histoire contemporaine du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, 1975.

20. Cf. D. Albera, A. Blok et C. Bromberger (Dir), L’anthropologie de la Méditerranée, Ed Maisonneuve-Larose, 2000.

21. Cf. Claude Achart : « Les animaux totémiques du Bas Languedoc », Thèse de 3e cycle en cours.

22. Si l’on excepte les animaux totémiques récents qui sont des productions post-modernes, comme à la Grande Motte ou à Balaruc !

23. Certains villages hésitent sur l’identité de leur animal totémique ; leur premier réflexe est de les définir par contraste et comparaison avec les voisins !

24. Encore accentuées par des vocables occitans non immédiatement traduisibles comme bu coucaïrous, ou lou veydrac.

25. Cf. Houiste Serge, « Le bestiaire fantastique de l’Hérault » in revue Folklore de France, vol 46, N° 254, 1997, p 15-21

26. Opus cit : D. Albera, A. Blok et C. Bromberger (Dir), 2000.

27. Ces villages de la vallée de l’Hérault, auront aussi encore une manière humoristique d’affirmer leur identité collective par l’existence de sobriquets que se sont donnés leurs habitants et qu’ils reprennent quelquefois encore aujourd’hui ! Les « espeliachs » (déguenillés) de Puechabon, se distinguent ainsi des « Inocents » (disculpés et/ou idiots) d’Aniane et des « orjouliers » ou « cougourliés » (potiers ou amateurs de courges) ou « picards » (boucs) de St Jean de Fos, des « ases » (ânes) de Gignac, des « Sauta rocs » de St Guilhem (sautes-rocher), ou les « bancarouties » (banqueroutiers) de Puechabon ; chacun de ces termes renvoyant à un légende ou une anecdote locales, associées à des périodes plus ou moins anciennes, selon les lieux.

28. [Appel manquant] Cf. Théo Platel : « Les foyers ruraux et l’animation de la campagne de l’Hérault après 1945 », Annales du milieu rural N°4/1987 et Catherine Ferras : Exposition « Histoire des foyers ruraux de l’Hérault » 1999.

29. [Appel manquant] Avec des références à Van Gennep ou à ses héritiers

30. Il faut dire que la moyenne vallée de l’Hérault est animée alors depuis 1971, par un animateur des foyers ruraux sensible au patrimoine.

31. En 1985, le foyer rural de Montpeyroux fort de 140 adhérents accueille presque la totalité des familles du village.

32. Les foyers ruraux tentent alors de mettre en place des associations de secteurs qui veulent dépasser l’échelon local, en s’étendant à une douzaine de communes (quelquefois plus) pour offrir des service « du même niveau que ceux que propose la ville » ; cette organisation ne dépassera pas le domaine de la gestion et n’aura aucune portée identitaire.

33. Cf. T. Allal, J. Buffard, M. Marié, T. Régazzola (Préface de M. Marié) : « Situations migratoires, ou la fonction-miroir », Ed. Galilée, 1976.

34. Tel que l’illustrera le foyer rural de Viols le fort dans les années 1960.

35. Cf. Jean François Chanet : « L’école républicaine et les petites patries » Ed Aubier, 2002.

36. Cf. L. Barthes, E. Brauyou, P. Marres : « Aniane, de la révolution à nos jours », Foyer rural d’Aniane.

37. Voir la publication qui en a été tirée : « Saint Maurice de Navacelles : une commune au passé simple » in Cahiers du Lodévois Larzac, N° 27, Ed Charte du Lodévois Larzac.

38. [Appel manquant] Cette revue s’arrêtera de paraître au tout début des années 1980 et sera prolongée par la revue « études sur l’Hérault ».

39. Les associations locales de la Vallée de l’Hérault relevant de la Fédération Archéologique de l’Hérault (née en 1971), comme ATR ou le Centre de Recherche Archéologique du Haut Languedoc (Lodève), ont eu une continuité favorisée par leur proximité avec le monde de la recherche universitaire.

40. Cf. Hélène Chaubin : « Les français et la politique dans les années soixante : les formes de la protestation républicaine dans l’Hérault » in Bulletin de l’IHTP: n° 79 Ed du CNRS, 2002.

41. Beaucoup de maires de cette vallée de l’Hérault habitent et ont habité dans une autre commune que celle où ils ont leur mandat !

42. Cf. Olivier Dedieu : « Les notables en campagne : lutte et pouvoirs dans la fédération socialiste de l’Hérault » in revue Pôle Sud, vol 2/ N° 1, 1995.

43. [Appel manquant] Certains élus peuvent jouer de plusieurs étiquettes selon les lieux et les circonstances institutionnelles, ce qui traduit d’abord leur fonction de communication.

44. On se souvient – de la fin de l’établissement pénitentiaire – l’ISES d’Aniane en 1994, qui porta les conseillers généraux locaux à s’interroger sur l’avenir du site et ses équipements de formation disponibles où deux projets opposés furent envisagés, – comme de l’émergence primitive de la communauté de communes qui restitua le même conflit.

45. Voir le travail d’Olivier Torrés : « L’échec de l’implantation de Mondavi à Aniane : globalisation, territoire et entrepre-neuriat comparé France/États-Unis, Rapport université Montpellier III.

46. Ici les projets d’implantations de Mondavi concernaient même des parcelles municipales.

47. Mondavi passera pourtant commande d’une expertise aux écologistes de l’Euzière, consultant renommé du département qui proposera la création de dix petites îles de vigne de 5 hectares plutôt qu’un seul grand secteur de 50 ha. Afin de maintenir la biodiversité de la flore originaire et de la faune du massif de l’Arboussas.

48. C’est là, en effet, que sont installés les deux fleurons du vin de la région, le Mas de Daumas-Gassac et la Grange des Pères.

49. Le groupe entend s’installer sur 50 hectares et investir alors près de 50 millions de francs.

50. Cf. Franck-Léopold Erstein : « Mondavi bloqué par des sangliers » in Le Point, n° 1496, 18 mai 2001.

51. D. Trom : « De la réfutation de l’effet Nimby considérée comme une pratique militante. Notes pour une approche pragmatique de l’activité revendicative », Revue française de science politique, 1999, vol. 49, n° 1, p. 31-50.

52. Olivier Torres, Opus cité.

53. Cf. Catherine Bernard : « Manuel Diaz – Peppone contre la World Company » in La Tribune (Desfossés) : 11 juillet 2001

54. Cf. L’Humanité du 17 mai 2001 « Le petit Aniane dit non au grand Mondavi ».

55. Voir Midi Libre : « Depardieu, prêt à acheter 5 à 7 hectares à Aniane » 26 Septembre 2002.

56. [Appel manquant] Cf. J Donzelot : « La ville à trois vitesses », in Revue « Esprit », mars 2004.

57. En fait in fine, l’actualisation des données montre que 1220 résidents nouveaux (nets) s’installent dans le département tous les mois, alors qu’entre 1990 et 1999, c’était 885 chaque mois.

58. Ces nouveaux habitants sont eux-mêmes très peu nombreux dans les conseils municipaux, même chez les plus pro-gressistes, ils peuvent donc eux-mêmes se proposer comme candidats aux élections ! Il faut ainsi signaler le cas original de St Jean de Fos et d’une liste électorale particulière composée pour la presque totalité, de néo-résidents, plus ou moins récents du reste. Cette liste s’est appelée « Vivre à St Jean », signalant ainsi la symétrie avec l’association »Vivre à Aniane » composée d’étrangers aux villages.

59. Le rapport d’Isaac Chiva (1994) : « Une politique pour le patrimoine culturel rural » aura donc mis prés de quinze ans pour trouver sa traduction concrète au niveau des territoires.

60. Si l’on s’en tient au patrimoine culturel et naturel, leur décompte par le Pays Cœur d’Hérault à l’échelle de la vallée de l’Hérault, qui comprend 77 communes, recense 66 associations spécialisées dont certaines ont plusieurs dizaines d’années.

61. L’association du MAS des Terres rouges, située aux abords du Salagou incarne le même type d’évolution des intérêts patrimoniaux vers une approche globale du territoire ; articuler la recherche historique ou archéologique à des préoccu-pations de découverte qui va même jusqu’à la création de sentiers de randonnées balisés se proposant comme des espaces d’interprétation pour la clientèle touristique.

62. Ce canal qui fit parler de lui à la fin du XIXe siècle, constitue dans la jurisprudence du droit public sur l’économie mixte, un événement fondateur !

63. Voir les auditions de la commission parlementaire sur les questions mémorielles ; chaîne parlementaire du 24 avril 2008.

64. [Appel manquant] Ce groupe est composé des associations suivantes plus ou moins récentes : Les Amis du Mas Roujou, le Foyer rural de Lieuran-Cabriéres, Valeur et Patrimoine de Clermont, l’APPO d’Octon, Aurauris d’Aspiran, la Maison de l’olivier, le GREC, les Calendres clermontaises, la manufacture des paysages de Villeneuvette, l’APN de Nébian, les Amis de Paulhan, le groupe Mémoire d’Aspiran, La Sauvegarde de Lauziéres d’Octon, Le patrimoine ceyradais, les Amis de Villeneuvette, Le M.A.S des terres rouges de Celles, les Amis de Notre-Dame-des-Buis de Peret.

65. Cf. Journal Midi Libre du 3 mars 2007 : « Les associations du patrimoine se regroupent ».

66. « L’Association du Patrimoine Nébianais » a été ainsi sollicitée par le Pays Larzac Cœur d’Hérault pour mettre en place un schéma directeur du patrimoine pour toute la vallée de l’Hérault, indice fragile mais clair du repositionnement de certaines associations patrimoniales.

67. [Appel manquant] Programme OCS : « L’esprit des lieux : localités et changement social en France », Ed du CNRS, 1986.

68. Les plaquettes touristiques ont rompu avec la territorialisation municipale et proposent des destinations à l’échelle du pays Cœur d’Hérault.

69. Cf. Claude Karnooh : « L’étranger ou le faux inconnu : essai sur la définition spatiale d’autrui dans un village lorrain » in Revue Ethnologie Française, T2, N° 1/2, 1972.

70. Bastide (R), Acculturation, in Encyclopedia Universalis, l-114.

71. Cf. Sylvie Sagne : « Cultiver ses racines : mémoire généalogiques et sentiments d’autochtonie », In Revue Ethnologie Française N° 97, 2004/1.

72. Cf. Midi libre du 10 août 2007 : « Généalogie : Monique mène l’enquête pour les anianais ».

73. Cf. Pierre Tap, « Identités collectives et changements sociaux » ; Editeur : Privat, 1986.

74. Cf. Elsa Ramos : « L’invention des origines ; sociologie de l’ancrage identitaire ». Ed Colin, 2006.

75. R. Lauraire et A. Briole : La mobilité des Rmistes, créateurs d’entreprises, Rapport pour le PUCA : 2002.

76. Voir les travaux réalisés sur la péri-urbanisation et les périurbains au sein de l’équipe du CIEU et autour de Marie-Christine Jaillet. (MC Jaillet : « L’accession à la propriété d’un pavillon périurbain entre appropriation et enfermement » HS Urbanisme, N° 12, 2005.)

77. Ehrenberg A. : (1998), « La fatigue d’être soi », Éditions Odile Jacob.

78. Grâce au dispositif financier « pole d’excellence rurale ».

79. Quelquefois non sans conflit interne à la commune.

80. Il y a aussi un troisième type de cas où la référence au patrimoine naturel écrase tout autre type de marquage.

81. Gilles Nicaise : « Les sauta-rocs du verdus : 1782-1830 : La fin de gellone », chapitre : la vie au village de saint Guilhem-le-désert au XIXe siècle : Maîtrise UPV, 1994.

82. Quelquefois aussi, elle fut exigée par de véritables mouvements sociaux, par exemple par l’association des usagers du grand site de St Guilhem, pour la conception de la maison du site et des parkings.