Origine et histoire du BnF Latin 3881
Origine et histoire du BnF Latin 3881 :
l’évêque de Maguelone Galtier et l’érudit montpelliérain Jean de Rignac
* Historien
P. 5 à 21
Le BnF Latin 3881 est un assemblage de textes majoritairement théologiques, de provenances hétérogènes, qui ne donnent a priori aucune indication sur son origine. Entré en 1682 dans la bibliothèque de Colbert, il avait fait partie des collections de Jean de Rignac, érudit montpelliérain. On a récemment relevé qu’il aurait appartenu à l’abbaye d’Aniane, mais il s’agit sans doute d’une erreur de lecture. La version de la Divisio Wambæ qu’il contient nous a incité à regarder du côté de Maguelone. Le Polycarpus et les conciles nous ont plus particulièrement dirigé vers un évêque, porteur de la réforme grégorienne dans le premier quart du XIIe s., Galtier. Ce dernier fit montre d’une activité intense au service des papes, et fut un intellectuel notable dont la production ne subsiste malheureusement que sous forme d’épaves.
The origin and history of the BnF Latin 3881:
Galtier, bishop of Maguelone, and the Montpellier scholar Jean de Rignac
The BnF Latin 3881 is a collection of texts, mainly theological, from heterogeneous origins, that a priori give no indication of its place of production. The manuscript was introduced into Colbert’s library in 1682 by Baluze, having previously been in a collection held by Jean de Rignac, an eminent scholar from Montpellier. It has recently been supposed that the manuscript belonged to the Abbey of Aniane, but this could be an error made by Baluze or copyist. The Divisio Wambæ version that it contains encouraged us to look at the Maguelone origin. The Polycarpus and the councils directed us more specifically towards a bishop who supported the Gregorian Reform in the first quarter of the 12th c., Galtier. He was very probably a canon of Saint Ruf, had intense activities in papal services, and would have been a notable intellectual but whose work unfortunately no longer exists except as scrap.
Origina e istòria del BnF latin 3881 :
L’evesque de Magalona Galtier e l’érudit montpelhierenc Joan de Rignac
Lo BnF latin 3881 es un ajustament de tèxtes magerement teologics, de provenenças eterogenèas, que a priori balhan ges d’indicaccion sus son origina. Dintrat en 1682 dins la bibliotèca de Colbert per l’entremesa de Baluze, faguèt partida de las colleccions del erudit montpelhierenc Joan de Rignac. Recentament foguèt senhalat que auriá apertengut a l’abadiá d’Aniana, mas s’agίs d’una error de lectura saique comesa per Baluze o per un copista. La version de la Divisio Wambæ que conten mena a gaitar del costat de Magalona. Le Polycarpus e los concilis nos an menat particularament vèrs un avesque portaire de la Reforma Gregoriana dins lo primièr quart del sègle XII, a saber Galtier. Aquel, de segur un ancian canonge de Sant Ruf, faguèt mòstra d’una activitat viva al servici dels papas, e foguèt un intellectual notable que sa produccion demora, per malastre, son que coma rèstas.
Origen e historia del latín BnF 3881:
el obispo de Maguelone Galtier y el erudito Montpelliense Juan de Riñac
El manuscrito Latin 3881 de la Biblioteca nacional de Francia (BnF) es un conjunto de textos principalmente teológicos, de procedencia heterogénea, que no dan ninguna indicación a priori sobre su origen. Incorporado a la biblioteca de Colbert en 1682 gracias a Baluze, el manuscrito formaba parte de las colecciones de Juan de Rignac, un erudito de Montpellier. Hace unos años, se apuntó que podría haber pertenecido al monasterio de Aniane, pero esta hipótesis debe resultar de un error de lectura de Baluze o de un copista. La versión de la Divisio Wambæ que contiene nos incitó a mirar por el lado de Magalona. El Polycarpus y los concilios nos dirigieron hacia Galtier, obispo de Magalona, promotor de la reforma gregoriana en el primer cuarto del siglo XII. Este, muy probablemente un antiguo canónigo de San Rufo de Aviñón, mostró una intensa actividad al servicio de los papas, y fue un intelectual notable del cual se ha perdido la mayor parte de la producción.
Introduction
Le manuscrit latin 3881 de la Bibliothèque nationale de France est intéressant à plus d’un titre. La quasi-totalité des textes qu’il contient a fait l’objet d’études, parfois anciennes, parfois très fouillées : le Polycarpus, par Paul Fournier 1 ; sa version du Liber Sententiarum Magistri A., exhumée par Hermann Hüffer, qui a servi à Paule Maas pour établir l’édition de ce texte 2 ; des canons de conciles, qui furent utilisés entre autres par Baluze 3 lorsqu’il travailla à ses rééditions posthumes du De concordia sacerdotii et imperii de Pierre de Marca 4 et, plus récemment, par Robert Somerville 5 ; Roger E. Reynolds a, quant à lui, donné une analyse détaillée de l’Epistula ad Leudefredum 6.
Nous allons nous pencher ici à la fois sur l’histoire du manuscrit et son origine, ainsi que sur un de ses textes, désigné dans le sommaire donné par la BnF comme « Notitia provinciarum a Wamba, Rege Gothorum, in concilio Toletano edita 7 », aussi connu sous le nom de Divisio Wambæ ou plus anciennement de Hitación de Wamba, version qui n’a jusqu’à présent pas retenu l’attention des érudits.
Nous n’aborderons pas ici les questions que nous avons traitées ailleurs de l’authenticité et de la datation de la source de la Divisio Wambæ, mais celle, indépendante, de la place de ce manuscrit dans les familles décrites par Vázquez de Parga 8. Pour la description du manuscrit, nous renvoyons à celle de Paule Maas 9, avec les corrections suivantes : les canons de conciles d’Urbain II et Calixte II occupent les f° 181 v° à 185 r°, intercalés au Polycarpus qui s’achève au f° 186 r° ; la Divisio Wambæ se trouve aux f° 186 v° à 187 v°, suivie par l’Epistula ad Leudefredum qui commence au bas du f° 187 v° jusqu’au f° 190 v°. On complètera par ce qu’elle n’a pas su déchiffrer dans le contreplat du manuscrit : au crayon, d’une écriture moderne, on lit « (1682) aux armes de M. de Rignac, conseiller à la cour des Aides de Montpellier, voir ms. lat. 9364 f. 74-75 » ; en dessous, à la plume : « la notice de ce ms se trouve dans mon philologue, ann. 1818. – je la dois à Monsieur D’hautefort Gail. » Enfin le don du manuscrit à Colbert date de 1682 et non de 1662.
Histoire du manuscrit
Le Latin 3881 apparaît en effet sans ambigüité dans les sources en 1682, date à laquelle il fut offert par un M. de Rignac à Colbert 10. Le BnF Latin 9364, recueil de documents rédigés par ou pour Baluze et ayant trait aux manuscrits rassemblés pour la bibliothèque du ministre, indique au f° 74 r° : « Catalogue des mss donnés à Monseigneur par M. de Rignac coner en la cour des Aydes de Montpeslier, arrivés dans la bibliothèque le 6 février 1682 » et au f° 75 r° « Policarpus Gregorii Cardinalis Concilia Urbani II », identifié à l’actuel Latin 11 3881. Le manuscrit porta alors le numéro 4047 dans la collection de Colbert 12. Il est décrit dans le catalogue de sa bibliothèque comme « Polycarpus Gregorii Cardinalis / Concilia Urbani II & Calixti II » (disposé sur deux lignes 13). Avec l’essentiel de la collection du ministre, le codex rejoindra la Bibliothèque du roi en 1732 14.
Comment le Latin 3881 était-il parvenu entre les mains de ce M. de Rignac ?
En 1965, Jacqueline Rambaud-Buhot signalait, brièvement, dans un article sur Baluze, que le Latin 3881 devait provenir de Saint-Sauveur d’Aniane 15. Cette identification, comme l’explique Robert Somerville, dérive de plusieurs commentaires de Baluze, insérés au De concordia sacerdotii et imperii de Pierre de Marca et relatifs aux canons des conciles de Bénévent, de Troia, de Plaisance, de Clermont et du Latran, précisant qu’ils étaient extraits d’un manuscrit de l’abbaye d’Aniane, qui se trouvait alors dans la bibliothèque de Colbert (« … in vetero codice MS. monasterii Anianensis, qui nunc extat in bibliotheca Colbertina ») 16. Les conciles en question sont précisément ceux contenus dans le Latin 3881 17. Le rapprochement entre Aniane et le Latin 3881 est confirmée par le catalogue de la bibliothèque de Colbert précité, où, à la hauteur des deux lignes de description correspondant au Latin 3881, a été tracée par la même main une accolade suivie de « Anian. », mot ensuite barré 18.
Robert Somerville a fait ses observations sur une édition publiée en 1742 à Rovereto. Cette édition reprend celle de 1704, qui a été établie avant la disparition de Baluze en 1718 19. Il ne s’agissait pas d’une simple réimpression de celle parue en 1663, mais d’une édition revue et corrigée. Or, si l’on se reporte à celle de 1663, qui suit de peu la mort de Pierre de Marca (1662), on découvre que Baluze paraissait avoir déjà utilisé le même manuscrit, puisqu’il se réfère plusieurs fois et à des endroits similaires à ce « veteri codice MS. monasterii Anianensis in diœcesi Monspeliensi », mais qu’il ne se trouvait alors pas chez Colbert, ce qui est cohérent avec ce que nous savons sur la date d’entrée du Latin 3881 20.
En réalité Baluze n’avait pas consulté pour ses notes de l’édition de 1663 le manuscrit original. Il en avait vu des extraits chez le chancelier Séguier 21. En effet, on relève dans le volume 7 de la collection Baluze, en tête de copies des canons des conciles de Bénévent, de Troia, de Clermont et de Plaisance, l’indication suivante : « Ex veteri Codice MS. Monasterii Anianæ in Gallia Narbonensi, cujus apographum extat in Bibliotheca Illustrissimi viri Petri Seguierii Galliarum Cancellarii » 22. Cette mention a été barrée par la suite et on a ajouté alors Cod. 4047. fol. 182, ce qui doit se lire codex Colbertinus 4047, soit notre Latin 3881. On constate d’ailleurs que Baluze utilisa ces copies à la fois pour l’édition de 1663 et celle de 1704 puisqu’il corrige sur celles-ci les dates de quelques conciles, et que cette correction se retrouve de la même façon sur les volumes imprimés (Fig. 1) 23. Il le note d’ailleurs sur une des épreuves, à la page du concile de Latran : « Je l’ay corrigé sur le ms. d’Aniane dans mon exemplaire de la seconde édition to.2. pag. 436 » 24.
Fig. 1 A, B, C, D : Le début du texte du concile de Clermont publié par Baluze en 1663 correspond à celui qui est inséré dans le Latin 11 849.
On remarque que les chiffres 6 de 1096 et 4 de l’indiction du manuscrit ont été grattés et remplacés par 5 et 3.
Cette correction, présente sur les textes des conciles de Bénévent, de Toulouse et de Latran, est déjà dans le BnF Latin 8906
que Mathieu Lescuyer a identifié comme étant le brouillon du 11 849.
Baluze a rectifié et parfois complété les dates lorsqu’il a pu collationner son texte directement avec le BnF 3881.
Si rien n’indique que Pierre de Marca ait eu connaissance, directement ou indirectement, du contenu du Latin 3881 lorsqu’il rédigea le De concordia sacerdotii et imperii en 1641 25, ou le De primatu Lugdunensi et ceteris primatibus en 1644 26, il dut avoir plus tard la copie de Séguier entre les mains, puisque Philippe Labbe faisant la liste de conciles rassemblés par l’archevêque de Toulouse, signalait en 1661 la présence de ceux de Bénévent, Troia, Plaisance, Clermont, Toulouse et Latran dans un codex d’Aniane (« Ex codice ms. monasterii Anianensis in diœcesi Monspeliensi ») 27.
En 1663, lorsque Baluze republiait le De concordia, le Latin 3881 était entre les mains de Jean de Rignac, qui l’avait utilisé pour les copies insérées dans les actuels BnF Latins 8904, 8905, 8906 et 11849 28. On suppose que celles étudiées par Baluze étaient dans le Latin 11849, puisqu’il provient de la bibliothèque de Coislin 29, qui avait intégré celle de Séguier et qui passera à celle de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et de là à la Bibliothèque nationale 30. Les liens entre Jean de Rignac et Séguier sont par ailleurs confirmés par un manuscrit de la Harley Collection à la British Library, n° 4395-4396, titré Decus occitanum ex antique nobilitate gentis Seguerianæ (généalogie des Séguier), écrit par le conseiller montpelliérain 31. Quand on se penche sur les copies de Baluze, en particulier sur les dates, on constate qu’elles reprennent d’abord le Latin 11849, puis sont corrigées suivant la lecture du Latin 3881, ce qui confirme qu’il a travaillé sur le premier avant de prendre connaissance du second.
Plus tard, en 1676 ou 1677, Baluze fera chercher les sources de ce recueil de conciles par les agents de Colbert en Languedoc, l’intendant d’Aguesseau et le trésorier de France Boudon ; ils verront l’original de ce manuscrit (le Latin 8906 ?) peu après dans la bibliothèque de Rignac 32.
Puisque les Latins 8906 et 11849 ont été mis en forme par Jean de Rignac en 1646, le Latin 3881 était déjà en sa possession à ce moment-là. Sortait-il de l’abbaye d’Aniane comme le prétendait Baluze ? Nous pensons qu’il s’agit d’une confusion de sa part ou bien de celle d’un copiste : les dix premiers conciles du Latin 11849 étaient en effet extraits d’un manuscrit d’Aniane, mais Jean de Rignac n’apporte aucune précision sur l’origine de son codex (le Latin 3881), dont il n’y avait pas forcément lieu de se vanter 33. Peut-être était-il le fruit d’un des nombreux pillages qui affectèrent le Midi durant les Guerres de religion.
Il n’existe malheureusement pas de catalogue médiéval de la bibliothèque de l’abbaye d’Aniane où l’on pourrait éventuellement trouver une trace plus ancienne du Latin 3881, si tant est qu’il y ait jamais séjourné. Nous verrons néanmoins par la suite que le manuscrit a très certainement été produit dans le diocèse de Maguelone auquel elle appartenait.
Analyse du texte de la Divisio Wambæ
L’analyse de la version de la Divisio Wambæ va nous aider à déterminer l’origine et la datation du Latin 3881.
Le texte en question occupe les f° 186 v° à 187 v° du Latin 3881 (Par). En procédant à une comparaison minutieuse de toutes les versions connues de la Divisio Wambæ, il est rapidement apparu très proche de celle de la Bible de Huesca (H) 34. Comme tous ceux de la famille aragonaise (suivant la dénomination adoptée par Vázquez de Parga), le texte n’est pas intégré dans un récit plus vaste mais se présente de façon isolée.
Il faut souligner ici que les différences avec H sont mineures, lorsqu’on les compare à celles qui séparent la plupart des versions connues 35. Néanmoins, ni Par ni H ne sont la copie l’un de l’autre, mais d’un manuscrit perdu (que l’on notera π) auquel ils sont restés très fidèles. En effet, en ne considérant que les noms des sièges pour lesquels il existe d’autres références que la Divisio, H a un certain nombre de lectures correctes qui ne sont pas dans Par : Vrci (H) / Vrici (Par) ; Lotoba (H) / Lohoba (Par) ; Carcasona (H) / Carscasona (Par) ; Hyspalim (H) / Hysp- (Par). En contrepartie, H donne Asibona et Par, Asidona (seul H parmi tous les manuscrits présente cette erreur), et surtout omet la première lettre de Denia. Enfin, Par ne contient pas les interpolations insérées dans H.
À part quelques variations de détail aisément explicables soit par des confusions de lettres de forme voisine, soit par des inattentions de la part des copistes, la modification majeure réside dans l’introduction dans Par du siège de Legio, à un emplacement étonnant, c’est-à-dire à l’endroit où débute l’énumération des sièges de la Tarraconaise, juste après la mention de Tarragone (Fig. 3). Il s’agit du seul texte des familles « non pélagiennes » 36 à contenir Legio / León. Les textes de la famille « pélagienne » intercalent Legio soit à la suite de la province de Braga (N, R : avant Tarragone ; O, qui réordonne fortement les listes, avant Séville), soit entre celles de Mérida et Braga (T).
En outre, Par prolonge l’énoncé des limites de Britanica par « usque ad Ouem. ». Cette mention ne se retrouve que dans les manuscrits de la famille pélagienne O, R et T (mais pas dans N, la Crónica najerense, où les sièges de la métropole de Braga n’ont pas de limites associées).
Cette addition se trouve derrière l’« item » ou « iterum » qui clos normalement chaque énoncé 37. Cela semble indiquer qu’il s’agit d’une note insérée dans π, manuscrit source de H et Par, postérieurement à sa copie par H, ou sur une copie directe de π. De la même façon, la mention de Legio a-t-elle dû être ajoutée en marge du texte de π ou de sa copie en face d’Iria, mais aussi de Tarragone, ce qui explique l’erreur du Latin 3881 qui, au lieu d’avoir Legio comme N et R entre la fin de la Galice et le début de la Tarraconaise, l’a placé juste à la suite de Tarragone, ce qui n’a pas de sens.
Jean de Rignac, un érudit montpelliérain oublié
Faute d’étude sérieuse, il existe une confusion généralisée autour du Rignac qui a rassemblé les ouvrages offerts à Colbert et ceux acquis par d’Aubaïs : Vialles 1921, 117, et Burlats-Brun 1991, 355, prêtent à Raulin de Rignac la création de la bibliothèque et les reliures ; dans la notice du lat. 8904-8906 de la BnF, Mathieu Lescuyer se demande si les livres passés à d’Aubaïs provenaient de Jean de Rignac ou d’un autre membre de la famille ; ce qui achève de dérouter, c’est l’attribution des reliures aux armes des Rignac (voir Fig. 2) à François, procureur général à la cour des Comptes, qui provient du Catalogue… d’Ernest de Rozières, 128 (N° 728), repris par Guigard 1890, II, 37, 288 et 413, transmis ensuite à Olivier et al., 1930, pl. 1902, qui l’a largement diffusée. Il nous a paru nécessaire d’apporter quelques éclaircissements sur la vie et les relations familiales de ce grand bibliophile, érudit loué par Pierre Louvet, Pierre Gariel, le marquis d’Aubaïs et le chanoine d’Aigrefeuille.
Le fait qu’il s’agisse de Jean de Rignac, conseiller à la cour des Comptes, est confirmé par plusieurs sources, et d’abord le titre du f° 1 du lat. 8904 : « Concilia Galliae Narbonensis ab anno Christi domini tercentesimo octogesimo sexto usque ad annum millesimum sexcentesimum nonum celebrata, opera et studio clarissimi viri domini Joannis de Rignac in suprema Computorum subsidiorum fiscique regii Curia in Montepessulano jus dicente primi Senatoris, in unum corpus ex editis ac ineditis digesta » (notice du lat. 8904, Mathieu Lescuyer, BnF), ainsi que par d’Aigrefeuille 1737, Préface, qui rapporte que « tout ce que nous avons de meilleur en ce genre, est entre les mains de M. le Marquis d’Aubaïs qui l’a acquis de feu M. Jean de Rignac, conseiller en la cour des Comptes, Aides & Finances de Montpellier ». Aubaïs, né en 1686, n’avait pas acheté directement ces ouvrages à Jean de Rignac : dans une lettre rédigée entre 1713 et 1719, il rapporte au père Lelong que « Jean de Rignac, Conseiller en la Cour des Aides de Montpellier, mort dans cette Ville vers l’an 1660, avoit formé le projet de composer une fort longue Histoire de Languedoc ; il faisoit l’Histoire particulière de chaque Ville & de tous les Seigneurs de ces Villes, & la Généalogie de leurs Maisons. Il avoit ramassé une grande quantité de Manuscrits sur ce sujet ; j’en ai acheté une partie, consistant en cinquante-sept volumes in folio, ou grands in quarto, à Montpellier le 8 Juillet 1713. » (Lelong 1719, 942). Ces manuscrits ont été dispersés : quelques-uns sont aujourd’hui à Nîmes (Bibliothèque du Carré d’art, ms. 56 et ms. 283), Aix-en-Provence (Bibliothèque Méjanes, ms.252), Oxford (Bodléienne, Add. D. 14), Paris (BnF, Latin 8906, NAL 2323 et 2324 ; Sénat, ms. 3FPM0001).
Issu d’une famille de la noblesse de robe montpelliéraine et catholique, fils d’Arnaud de Rignac, conseiller ordinaire à la chambre des Comptes depuis 1572 (Aigrefeuille 1737, 603), premier consul de Montpellier en 1576 (Aigrefeuille 1737, 314), et de Gilette de Bandinel, Jean de Rignac avait été baptisé le 2 février 1590 (Arch. dép. Hérault 5Mi 1/55, f° 35 r°). Il devint conseiller en la cour des Aides de Montpellier en 1619 (Aigrefeuille 1737, 599), avant que celle-ci ne soit fusionnée avec la chambre des Comptes en juillet 1629 pour former la cour des Comptes, Aides et Finances où il garda sa charge de conseiller (Aigrefeuille 1737, 605 et 607). Demi-frère de Raulin de Rignac, reçu conseiller à la cour des Aides en 1586 (Aigrefeuille 1737, 598) et mort en 1618, il a pu reprendre sa charge. Il dit avoir été retenu par les protestants en 1621 à Montpellier avant d’être libéré (Recluz 1858, 429). Jean de Rignac fut inhumé le 16 février 1660 dans l’église des dominicains de Montpellier, Saint-Matthieu (Arch. dép. Hérault 5Mi 1/42, f° 49 r°), où il avait fondé la veille par testament une chapelle en l’honneur de saint Roch (Recluz 1858, 427-430). Sa femme, Violande de Pourtalès, née vers 1596, mourut le 17 janvier 1676 et fut mise en terre le lendemain dans la même église (Arch. dép. Hérault 5Mi 1/34, f° 86 v°).
Jean de Rignac avait pour autre frère Pierre de Rignac (9 juillet 1591 – 28 mars 1652), aussi conseiller à la cour des Comptes, office créé en 1631 et enregistré en 1636 (Recluz 1858, 428 ; Viallès 1921, 121 ; Arch. dép. Hérault 5Mi 1/54 f° 3 v° ; Arch. dép. Hérault 5Mi 1/41 f° 104 v°). De Marie de Berger, épousée le 25 janvier 1628 (Arch. dép. Hérault 5Mi 1/40 f° 86 v°), il eut, entre autres, Étienne (18 novembre 1628 – 16 novembre 1703), pourvu de la charge de son père à la cour des Comptes le 3 septembre 1652 (Viallès 1921, 126 ; Arch. dép. Hérault 5Mi 1/54 f° 50r ; Arch. dép. Hérault 5Mi 1/35 f° 34 v°). Nous n’avons pas été capable de retrouver le testament de Jean de Rignac aux Arch. dép. de l’Hérault, mais Pierre Burlats-Brun l’a vu et a noté qu’outre des legs pieux et d’autres à ses neveux et nièces, son héritage était destiné à Étienne de Rignac après la mort de Violande de Pourtalès, ce qui explique le destin de la bibliothèque (Burlats-Brun 1991, I, 354). Signalons enfin que François de Rignac, procureur général de la cour des Comptes, était le fils de Raulin et donc le neveu de Jean. Mort le 29 août 1660, six mois après Jean (Arch. dép. Hérault 5Mi 1/42, f° 69 r°), il n’y a aucune raison pour qu’il ait fait apposer ses armes sur des livres dont on sait qu’ils ont appartenu à Jean de Rignac.
On pourrait conjecturer que les versions pélagiennes de la Divisio Wambæ sont issues du texte source de Par, sur lequel elles auraient développé l’addition de Legio. Mais la famille pélagienne ne peut pas dériver de la famille aragonaise car :
- Les lectures des noms sont souvent divergentes. Il est évident que la source est commune, mais il y a parfois des écarts significatifs entre les leçons des deux familles. Sachant que la famille pélagienne remonte à un archétype commun perdu (Ⲱ) 38, il faudrait supposer que le texte source de Par a été transmis à Ⲱ de façon très fautive. Or la comparaison de H et de Par ne laisse pas supposer que ce texte source ait présenté des difficultés de lecture particulières.
- L’absence de l’initiale de Basti dans π est corroborée par H et Par. Celle-ci était probablement effacée, car on s’expliquerait mal que Par ait lu un « o » pour un « a » s’il s’était agi d’une majuscule. Cette particularité n’est présente que dans H, Par, les manuscrits 154 de la cathédrale de Tortosa (copie de H) et le ms. 193 de la Bibliothèque de Catalogne à Barcelone (Bar), mais ni dans P et M, pas plus que dans la famille pélagienne. De la même façon, on lit Italia au lieu de Italica.
- D’autres particularités sont propres à H, Par, Bar : Baleria (autres manuscrits : Valeria) ; Segobrica (Secobrica) ; Segouia (Segobia ou Secobia).
Il nous faut donc accepter que les interpolations copiées dans Par proviennent d’un des textes de la famille pélagienne, même s’il est étrange que d’autres ajouts de cette famille, comme Auriense, Numancia, ou les limites de Beatia, ou encore les modifications de celles d’Astorica ou d’Iria, n’apparaissent pas.
Il reste enfin à déterminer de quel texte de la famille pélagienne les insertions auraient pu être tirées.
Si l’on observe d’abord les ajouts à la fin de Britanica / Britonia, nous lisons :
(Par) | Britanica ten[eat] de Busa usque Torrentes de Coba usque Tobellam. It[erum] usque adouem. |
(O) | Britonia teneat de Busa usque Torrentes de Occoba usque Tobellam et usque Ouem flumen. |
(R) | Britonia teneat de Busa usque Torrentes de Occoba usque Tobellam et usque ad Ouem. |
(T) | Britonia teneat de Busa usque Torrentes, de Occoba usque Tobellam et usque Ouem. |
On constate d’une part que les lectures de Par divergent de celles de O, R et T dans la partie « classique » de la limitation de Britanica / Britonia, d’abord sur le nom du siège, puis sur celui de Coba / Occoba, la lecture des autres noms ne posant pas problème. Ces différences reflètent la césure qui sépare familles aragonaise et pélagienne. La dernière partie se rapproche plutôt de R, mais cela n’est pas conclusif (« usque adouem »).
Les insertions relatives à Legio sont les suivantes :
(Par) | Post hac dixit Bamba rex coram omnibus astantibus Legione que nunquam fuit subdita ad nullum archiepiscopum sedeant terminum eis sicut fuerunt ex antiquo tempore. De riuo sicco usque ad Pireneos montes, de Penna Rubea ad flumen Carrionem, et usque ad illas mouhon higas [ou monhonhigas]. Per illas oxas. |
(O) | Legio que nunquam ulli metropoli subdita sint. sicut illam decencius legionensis episcopus in libitano concilio cum auctoritate romana in presencia ataci regis alanorum cum omnibus eccliasticis (sic) siue [et ?] claribus yspanis uiris stabiliuit. subscriptosque terminos posuit ita eam permanere mandamus atque confirmamus. Legio teneat per pinineos montes. Per pennam rubeam. Una cum media leuana. Ceruera. Petras nigras. Auiam usque ad flumen carrionem. Per illa serna. Per riuulum sicum de orsiun usque uillam ardegam. Per ceresinos usque in castello pepi. Per uillam mamnam usque in arborem de quadros. |
(R) | Post hac dixit Bamba Rex coram omnibus adstantibus qui erant in concilio tam ecclesiasticis quam secularibus uiris. Legio teneat per Pirineos montes per Pennam Rubeam una cum media leuana Ceruera. Petras nigras a via usque ad flumen Carinonem per illa serna per Riuulum siccum usque villa Ardegam per Ceresinos usque in castro Pepi per villa Manna usque in arborem de Quadros infra fines Galletia tria Castella, Iurtures, Dauncus, Cancellata. |
(N) | Post hoc dixit et iussit Bamba coram omnibus astantibus qui erant in concilio tam ecclesiastica quam secularibus. Legio que nunquam fuit subdita ad ullum archiepiscopatum teneat per suos terminos antiquos. Per Pireneos montes. Per Pennam rubeam. Una cum media lauaci. Ceruera. Petras nigras. A uiam. Usque ad flumen Karrionem. Per illam sernam. Per riuulum siccum usque Uilla Ardecam. Per Ceresinos usque Castro Pepi. Per Uillam Mamnam. Usque in arborem de Quadros. Infra fines Egam Galletie. Tria castella Urtures. Dauncus. Cancellata et Nauiam. |
(T) | Legio, ciuitas sacerdotalis et regia, et Lucus quam Euandali edificauerunt in Asturiis, teneant per suos terminos antiquos, sicut eis diuisit Theodemirus rex Sueuorum, et nulli umquam subdantur archiepiscopo uel primati. Sedes etiam Portugalie permaneant in sua diuisione sicut eis diuisit rex Theodemirus cum his etiam que nos adiecimus. |
Il est clair que Par ne dérive pas du Chronicon Mundi de Luc de Tuy (T) dont le texte présente peu de points communs avec les autres. Il semble que Par suive un modèle plus proche de R ou N, en particulier pour la première phrase. La seconde partie de Par reprend des éléments déjà présents dans O, R et N (riuo sicco, ad Pireneos montes, Penna Rubea, flumen Carrionem), mais agencés de façon distincte, et les derniers lieux ou zones cités (mouhon higas [ou monhonhigas], oxas) étant propres à Par.
Par les similitudes dans les textes des insertions, ainsi que l’emplacement de celle de Legio, Par est apparenté à R et N, et plus lointainement à O. Il est cependant difficile de déterminer si Par a puisé la mention de Legio dans un de ces manuscrits ou leurs archétypes, plutôt que dans un autre manuscrit aujourd’hui disparu.
Datation des textes et du manuscrit
Datation des textes
Quelques-uns des textes du Latin 3881 ont fait l’objet d’analyses détaillées : on se contente de reprendre ici les propositions de datation élaborées par les auteurs qui les ont étudiés.
Commençons par le Polycarpus : sa date de rédaction est située par divers philologues entre 1104 et 1113 39. La version du Latin 3881 de Paris contient en outre les conciles de Toulouse (1119) et de Latran I (1123), tous deux présidés par Calixte II (1119-1124). Ces textes sont interpolés, avec ceux des conciles de Melfi (1089), Bénévent (v. 1091), Troia (1093), Plaisance (1095) et Clermont (1095) (Urbain II, 1088-1099), avant les trois derniers titres du VIIIe et dernier livre du Polycarpus. Ces mêmes canons se trouvent en appendice des ms. Reg. lat. 1026 et 987, mais le Latin 3881 est le seul à les inclure à l’intérieur même du texte 40.
Le Liber Sententiarum Magistri A., a été le sujet de la thèse de Paule Maas en 1995, qui a évidemment étudié de près la question de la datation du texte. Ses conclusions, appuyées sur la recherche des sources et de l’influence postérieure des Sentences, sont qu’elles auraient été rédigées entre 1115 et 1126 41.
Il y a peu d’arguments objectifs pour dater la version de la Divisio Wambæ contenue dans le Latin 3881. Tout ce que l’on peut dire est que dès le début du XIIe s. la Divisio circule en Espagne septentrionale. La première fois que l’on s’y réfère dans un document daté remonte à 1123 42, des formes relevées dans celui-ci (Belhatome et vadum Soto) allant plutôt dans la direction d’un texte de la famille aragonaise, sans que cela soit pour autant concluant. Quant à l’apparition de la version pélagienne, on en est réduit à des conjectures ; elle semble cependant ne pas être, dans sa forme initiale, postérieure à 1132 43.
Enfin l’Epistula ou Epistola ad Leudefredum pose des problèmes de datation qui vont bien au-delà de notre sujet 44. Peu importe d’ailleurs en ce qui nous concerne qu’elle soit authentique, ou, si elle n’est pas l’œuvre d’Isidore de Séville, qu’elle soit d’origine wisigothe, ou bien encore que ce soit un faux plus tardif. On la trouve déjà dans le codex Emilianense (Escurial, d.1.1) qui remonte au Xe s. ; sa diffusion, amplifiée par sa présence dans les décrets de Burchard de Worms (bien que sous une forme altérée), est déjà importante au XIe s. Contentons-nous de noter l’opinion de Roger Reynolds, selon laquelle « the compiler of the Paris manuscript had access to one of the very early forms », ce qu’il appuie sur plusieurs exemples. D’ailleurs, il traite ce manuscrit comme une version isolée.
Datation du manuscrit
La rédaction du manuscrit est postérieure à 1123, date qui est donnée par le dernier des conciles inclus (Latran I). La particularité des documents qu’il contient, si l’on excepte l’Epistula ad Leudefredum dont l’origine est obscure, est à la fois de ne pas être ordinairement associés et d’avoir été produits ou d’avoir connu une large diffusion durant une période s’étendant sur une quarantaine d’années, de 1087 à 1126, c’est-à-dire sous les pontificats d’Urbain II, Pascal II, Gélase II et Calixte II. Une partie de ce matériel contemporain de la Querelle des Investitures (1075-1122) semble avoir été rassemblé dans l’entourage de ces papes ou de grands ecclésiastiques.
Paule Maas estime que le texte du Latin 3881 constitue la plus ancienne version connue du Liber Sententiarum Magistri A. avec celle de Cambridge 45 : le personnage qui compila ou fit compiler le Latin 3881 a pu avoir un accès privilégié à l’œuvre originelle.
Il est donc probable que le manuscrit ait été rédigé peu de temps après 1123, dans l’objectif de réunir des documents épars, mais dont la plupart avait un lien avec la discipline religieuse ou l’administration épiscopale. L’homogénéité scripturale du manuscrit laisse aussi penser que sa rédaction a pris place dans un lieu unique. L’écriture est élégante et soignée, le manuscrit d’une grande qualité, sans être néanmoins luxueux dans son ornementation (il ne possède aucune lettrine historiée). Chaque incipit du Polycarpus a cependant une initiale dont l’intérieur est doré, signe d’une attention particulière du producteur de l’ouvrage. Paul Fournier estimait que la date de rédaction du Latin 3881 se situait à la fin du XIIe s., tandis que Paule Maas opte pour la première moitié du même siècle, Jacqueline Rambaud-Buhot et Robert Somerville se contentent d’un XIIe s. large 46.
Origine du manuscrit
La mention de 1182
Quelques auteurs ayant travaillé sur le Latin 3881 ont fait des hypothèses sur l’origine du manuscrit, mais elles étaient le plus souvent vagues. Entre autres, Fournier le considérait Italien 47, Paule Maas le voyait écrit par une main française 48, et Somerville a estimé qu’il pouvait provenir de la France méridionale, du nord de l’Espagne ou « même d’Italie » 49. Peut-on être plus précis ?
Une information importante pour déterminer l’origine du Latin 3881 est donnée par un rapport rédigé en 1182 par les évêques de Coïmbre, Viseo, Lamego et Idanha pour le pape Lucius III, dans le cadre d’une dispute entre les sièges de Compostelle et de Braga. À l’appui de ses prétentions, l’archevêque de Compostelle avait produit trois textes distincts de la Divisio Wambæ, dont un provenait, peut-on lire, du bullaire de Maguelone : « Produxit itaque dominus Compostellanus instrumentum quoddam bullatum de Magalonensi ecclesia, in quo continebatur, quod rex Bamba in concilio Toletano, ubi fuerunt CCCLXaVI inter episcopos et archiepiscopos, fecit diuisiones prouinciarum in Hispania et episcopatuum » 50. Or cette description correspond bien au texte du Latin 3881, qui donne effectivement le chiffre de 366 évêques et archevêques. La seconde version présentée de la Divisio Wambæ donnait le chiffre de 166 évêques, tandis que la troisième se référait à la date (ère hispanique) de 670, quand on avait 655 dans la seconde. Si la date indiquée par la version de Maguelone n’est pas mentionnée, c’est qu’il faut comprendre qu’elle est la même que celle de la seconde version, 655, ce qui correspond aussi au Latin 3881. On doit ajouter que la date (655) et le nombre de prélats (366) ne sont donnés que par les manuscrits rassemblés par Vázquez de Parga sous le nom de famille aragonaise, et que tous ceux connus dans le royaume de Castille-León sont au contraire du type pélagien.
Il fait donc peu de doute que la version de Maguelone produite vers 1182 par l’archevêque de Compostelle ne doive être apparentée étroitement à celle du Latin 3881. La relation entre le texte contenu dans le bullaire de Maguelone et celui du Latin 3881 est inconnue : copie l’un de l’autre ? Ou bien les deux seraient-ils tirés d’un même document disparu ? On peut cependant inférer que le Latin 3881 procure un texte très proche de celui qui était contenu dans le bullaire et que Vázquez de Parga considérait comme perdu 51.
Le lien entre Maguelone et Compostelle est cependant difficile à établir. Pourquoi l’archevêque de Compostelle serait-il aller chercher à Maguelone un texte que de nombreux monastères et cathédrales du nord de l’Espagne possédaient, comme le montrera l’enquête menée en 1239-1240 pour déterminer si Valence relèverait de Tolède ou Tarragone ?
Galtier, évêque de Maguelone
Revenons à la datation du Latin 3881. Nous avons postulé qu’il était de peu postérieur à 1123. Or l’évêque qui occupe le siège de Maguelone entre 1104 et 1127 est Galtier, personnage hélas mal connu, mais dont la biographie ne manque pas d’intérêt 52. Nous en donnons quelques éléments ici.
Une lettre rédigée par Galtier lui-même et mise en tête des Flores Psalmorum de Letbert, abbé de Saint-Ruf près d’Avignon, fait supposer qu’il était originaire de Lille, car cette missive est adressée à un de ses parents, Robert, chanoine de Saint-Pierre de Lille et archidiacre de Tournai, au profit de la communauté de Saint-Pierre 53.
Arnaud de Verdale reproduit dans son catalogue 54 une dizaine de vers sur Galtier qui nous laissent entrevoir une personnalité cultivée (doctus et astutus), un amateur de vers, pieux et bon administrateur. Galtier y est qualifié de fils quant au respect et aux fonctions de l’évêque Godefroy, et ce dernier de maître (magister). Galtier a pu fréquenter le milieu intellectuel des écoles de la seconde moitié du XIe s. et étudier dans ce grand centre d’enseignement que fut Saint-Pierre de Lille, dont Letbert 55, Jean de Warneton (c.1065-1130) et Lambert de Guînes ( ?-1115) avaient été chanoines.
Comment Galtier est-il parvenu à l’épiscopat ? L’hypothèse la plus plausible est qu’il aurait été membre de l’influente communauté de Saint-Ruf. Celle-ci fut en effet au début du XIIe s. une sorte de pépinière d’évêques acquis à la réforme grégorienne : l’abbé Arbert, prédécesseur de Letbert, fut nommé évêque d’Avignon 56 ; Bérenger, élu en 1107 (en présence de Letbert) évêque d’Orange 57 ; l’abbé Ollégaire, successeur de Letbert, évêque de Barcelone (1116) puis archevêque de Tarragone (1118) ; sans compter quelques années après le pape Adrien IV (abbé en 1140, pape en 1154).
Les dates de l’épiscopat de Galtier
La plupart des historiens n’ont guère remis en question les dates proposées en 1739 par le Gallia Christiana, c’est à dire de 1103/1104 à 1129 (VI, 745-747). Ses auteurs avaient remarqué bien à propos que la date de 1110 donnée par Arnaud de Verdale pour le début de l’épiscopat de Galtier était erronée (Germain 1881, 526-527), non seulement parce que Galtier apparaissait comme évêque de Maguelone dans des documents précédant 1110 (entre autres en juillet 1107 (n.s.) à Valence où se trouve Pascal II : Mabillon, Annales Ordinis Sancti Benedicti, tome V, p.640 (éd. Lucques)), mais aussi parce qu’une charte du 9 mai 1125 (Accord entre Bernard de Melgueil et Guillaume de Montpellier, HGL V, 930-935) était datée de la vingt-deuxième année de son épiscopat. Ceci est confirmé par une autre charte de juillet 1116 dont l’original est conservé aux Arch. dép. de la Haute Loire (1H174), et qui contient la donation des églises de Saint-Pierre de Poussan et de Saint-Sulpice de Thoron, ainsi que la confirmation de la donation par Godefroy de l’église de Saint-Vincent de Jonquières à l’abbaye de La Chaise-Dieu, durant la treizième année de l’épiscopat de Galtier (« Hec donatio facta est in capitulo Sancti Baudilii Nemausensis. Anno ab Incarnatione Dni MCXVI [illisible] iulii Indictione VIIII. (…) Actum anno Dominico supra scripta feria secunda, anno episcopatus nostri tertio decimo regnante Lodoico rege. »). Cette charte est reproduite dans le cartulaire de Maguelone uniquement dans sa première partie (Rouquette 1911, 83-85). Galtier a donc été consacré entre juillet 1103 et mai 1104.
Nous avons d’autre part un renseignement transmis par Arnaud de Verdale qu’il ne faut pas écarter. Celui-ci se trompe sur les dates absolues qu’il a tenté de déduire de sa lecture des archives de l’Église de Maguelone. Mais quand il écrit que l’épiscopat de Galtier a duré vingt-trois ans, huit mois et vingt-deux jours et qu’il est mort le 8 avant les ides de décembre, soit le 6 décembre (Germain 1881, 526-527 ; il ajoute l’an 1133, mais c’est parce qu’il suppose qu’il faut compter depuis 1110. Raymond est déjà évêque en 1133), c’est qu’il a copié littéralement cette information. Le jour du décès est presque confirmé par un obituaire de l’abbaye de Saint-Gilles, rédigé peu après la mort de Galtier, et en tout cas dans sa version initiale terminé en 1129 (British Library, ms. 16979, f° 19 v° et 62 r°), qui note l’obiit de Galtier aux nones de décembre. Si Galtier est mort le 5 ou 6 décembre, et que son épiscopat avait duré vingt-trois ans, huit mois et vingt-deux jours, il avait donc commencé un 14 ou 15 mars. On en déduit que l’année de sa consécration est 1104 (nouveau style). Il aurait été évêque de Maguelone du 14 ou 15 mars 1104 à sa mort le 5 ou 6 décembre 1127.
Signalons que trois documents pourraient laisser penser que Galtier était encore vivant en 1128. Un accord de juillet 1128 entre Bernard IV de Melgueil, et Guillaume VI de Montpellier mentionne Galtier sans préciser s’il est mort (HGL V, 947-949 ; Rouquette 1912, 94-96) : il peut s’agir d’un oubli ou d’une date en style pisan (i.e. 1127 n.s.). Arnaud de Verdale rapporte que l’église de Murles, construite miraculeusement, aurait été confirmée aux calendes de mai 1128 (Germain 1881, 528) : plusieurs documents de l’épiscopat de Galtier étant datés en style pisan, cela nous ramène au 1er mai 1127 n.s. D’après Gariel, Series, 1665, 139-140, Galtier aurait consacré l’église Sainte-Marie de Lèzes donnée aux Templiers au faubourg de Montpellier ad Sonariæ ; le Gallia Christiana, VI, 746 affirme qu’ils n’ont pas pénétré en Occident avant 1128 et que la donation est postérieure, mais les informations sont trop lacunaires pour en tirer des conclusions définitives.
Galtier semble avoir été proche, voire intime, de trois des abbés de Saint-Ruf. Le premier, Arbert, devenu évêque d’Avignon, confirme un acte de Galtier en 1116 58 ; surtout, il est probable que ce soit lui dont l’épitaphe, la plus ancienne encore en place, soit celle conservée dans la cathédrale de Maguelone, où il serait mort 59. Galtier a joué un rôle important dans la diffusion des Flores Psalmorum du deuxième, Letbert (mort vers 1110-1111). Enfin le troisième abbé (1111-1116), futur saint Ollégaire, qui était intervenu en 1114 avec Galtier dans un conflit entre les abbayes de Cuxa et d’Arles-sur-Tech 60, est sacré en 1116, à la demande de pape Pascal II, évêque de Barcelone par le légat Boson, non dans sa cathédrale, ni dans celle d’Avignon, mais dans celle de Maguelone 61. Galtier l’accueille à nouveau en 1119 dans son château de Villeneuve où il souscrit une charte (en compagnie d’un chanoine de Saint-Ruf) 62, puis ils arbitrent ensemble, en 1125, un différend entre Bernard, comte de Melgueil et Guillaume VI, seigneur de Montpellier 63.
Il y a enfin cette mention d’un Galterius, chanoine de Saint-Ruf en 1102, rédacteur d’une charte d’Arbert, alors évêque d’Avignon, en faveur de l’abbaye de Lérins 64. On la rapprochera encore des donations d’églises faites par Galtier à Saint-Ruf et que rapporte la Vieille Chronique de Maguelone 65. Celui-ci aurait donc été chanoine de Saint-Ruf, peut-être appelé par Letbert ou recommandé à Letbert par son réseau lillois. Celui-là, avec l’appui de son prédécesseur Arbert et de Godefroy, aurait fait en sorte que Galtier soit promu sur le siège de Maguelone à la mort de Godefroy 66.
La plupart des chartes de son épiscopat ne nous sont parvenues qu’à travers des copies 67. Elles ne montrent rien de très différent dans son administration par rapport aux évêques voisins. Mais Galtier sera mêlé assez régulièrement aux affaires de la papauté. Peut-être avait-il croisé Urbain II 68 ? On sait qu’il était à Valence (sur-Rhône) avec Pascal II en 1107 69 ; Gélase II avait débarqué à Maguelone en 1118 alors qu’il en était l’évêque ; puis en 1119 il faisait partie de la suite de Calixte II de Maguelone à Toulouse, tout comme les futurs Honorius II et Innocent II, qui n’étaient encore que cardinaux et accompagnaient le pape 70. Il avait côtoyé le cardinal-légat Boson, qui joua un rôle important en Espagne. Il se lia avec saint Bruno de Segni, peut-être lorsque celui-ci accompagnait Urbain II en 1095-96, ou qu’il fut envoyé comme légat en France par Pascal II (1104) ; ils s’entretinrent dans la maison de l’évêque de Porto sur l’île Tibérine à Rome à une date inconnue, et leurs discussions amenèrent Bruno à rédiger pour Galtier un Traité des sacrements de l’Église 71. Témoin de ses bons rapports avec le Saint-Siège, Galtier lui-même devint légat vers la fin de sa vie. La date de cette nomination a été discutée. Il le fut entre 1125 et sa mort, au nom d’Honorius II, quand celui-ci l’envoya régler un différend entre les abbayes de La Chaise-Dieu et d’Aniane 72.
Selon la Vieille Chronique de Maguelone 73, Galtier se serait aussi inscrit dans une tradition d’évêques bâtisseurs, et même plus, serait à l’origine de la reconstruction de la cathédrale de son prédécesseur Arnaud, qui donnera l’édifice que nous connaissons. Il aurait fait établir les fondations du chœur avec trois absides (Fig. 4) 74 et celles de la tour du Saint-Sépulcre (tour de Saint-Pancrace ?), édifié le cellier, le réfectoire et le dortoir des chanoines.
Enfin, si l’on en croit Arnaud de Verdale, il serait mort en Terre-Sainte, au château du Mont-Pèlerin bâti par Raymond de Saint-Gilles, comme son maître Godefroy. Le Gallia Christiana mettait cela en doute 75, mais outre que sa sépulture n’a pas été retrouvée dans la cathédrale de Maguelone, le nombre de prélats qui se rendaient en Terre-Sainte ces années-là est loin d’en faire une exception, au contraire. C’était tout aussi plausible pour Godefroy, qui avait assisté au concile de Clermont en 1095.
Galtier et les textes du Latin 3881
Le Latin 3881 est composé, nous l’avons vu, de divers textes. Ce qui tend à nous faire dire qu’ils ont été initialement rassemblés par Galtier, réside dans leur origine.
Commençons par les conciles insérés dans le Polycarpus, soit ceux de Melfi (1089), Bénévent (1091 ?), Troia (1093), Plaisance (1095) et Clermont (1095) (Urbain II, 1088-1099) ; de Toulouse (1119) et de Latran I (1123) (Calixte II, 1119-1124) 76. Galtier a assisté au concile de Toulouse célébré par Calixte II, et il est plausible qu’il se soit rendu à celui du Latran, où l’assemblée fut très nombreuse même si on ne connaît pas le nom des participants 77. Par contre, les autres sont tous antérieurs à son épiscopat et au court séjour d’Urbain II à Maguelone en 1096. D’après Robert Somerville quelques-uns de ces conciles auraient été conservés dans les registres (perdus) d’Urbain II : ont-ils été copiés lors du passage d’Urbain II à Maguelone ? Ou plutôt, n’ont-ils pas été ramenés à la suite du concile de Clermont ? Godefroy, maître et prédécesseur de Galtier, était présent puisqu’il y obtient le 29 novembre 1095 la confirmation d’une bulle d’Alexandre II portant sur ses droits sur l’abbaye d’Aniane 78. Or les canons du concile de Clermont, tels que conservés par le Latin 3881, confirment explicitement ceux de Melfi, Bénévent, Troia et Plaisance (et eux seuls). Il ne serait donc pas étonnant que la chancellerie pontificale ait mis à disposition des évêques réunis à Clermont les textes de tous ces conciles pour qu’ils en fassent copie. Galtier assistait-il alors Godefroy, comme il semble l’avoir fait un peu plus tard avec l’évêque d’Avignon Arbert ?
En outre, des représentants de l’évêque de Maguelone ou lui-même auraient-ils été présents lors des conciles italiens ? La chose est avérée seulement pour celui de Plaisance, où Augier, archidiacre, Raymond et Déodat du chapitre cathédral reçoivent le 14 mars 1095 une bulle d’Urbain II donnant des statuts aux chanoines 79. Cela n’est pas impossible pour les autres, mais peu probable et il n’en subsiste pas de trace.
Si l’on se penche à présent sur le Polycarpus lui-même, on se doit de préciser qu’il a été dédié à Diego Gelmírez (« Incipit prologus Gregorius cardinalem presbiteri tituli Sancti Crisogoni ad Didicus ecclesie San Iacobi episcopum. D[ilecto] D[omino] Sancti Iacobi ecclesiae pontificali infula digne decorato Gregorius presbiterorum humillimus salutem. »), évêque puis archevêque de Compostelle. On sait par une lettre du cardinal Boson à Diego Gelmírez, copiée dans l’Historia Compostellana, mais hélas mal datée, que Galtier a été envoyé à Saint-Jacques. Comme Diego Gelmírez y est qualifié d’archevêque, elle est postérieure à l’expédition des privilèges pontificaux les 27 et 28 février 1120. De plus Boson quitta ses fonctions de cardinal-légat pour devenir évêque de Turin à la fin de 1122. La lettre portait convocation à un concile censé se tenir à Toulouse (duquel il ne reste pas de trace) le dimanche de la Sexagésime : Boson ne peut donc se référer qu’à un de ceux de 1121, 1122 ou tout au plus 1123, si jamais sa mission a pris fin de façon impromptue. Si l’on se fie à l’invitation de Calixte II à assister au concile de Reims, envoyée le 14 juillet 1119 de Toulouse au même Diego Gelmírez, on estimait que trois mois d’anticipation étaient suffisants ; cependant, il faut aussi considérer que dans notre cas les lettres auraient été expédiées en hiver, et il fallait certainement prévoir bien plus de temps.
Le voyage de Galtier à Compostelle se situerait ainsi à l’automne 1120, 1121 ou 1122. Il fut certainement l’occasion pour Galtier de ramener avec lui une copie du Polycarpus. Deux arguments étayent la présence du Polycarpus à Maguelone par la suite.
D’abord Paul Fournier a signalé il y a plus d’un siècle que la version du Polycarpus donnée par le manuscrit Vatican lat. 1354, comme celle du Reg. lat. 1026 de la même Bibliothèque apostolique vaticane, a la particularité de contenir, interpolée, une bulle de Pascal II adressée à … Galtier 80. Cette bulle est une exhortation du pape à l’évêque de Maguelone à recouvrer le cens dû par les héritiers du comte de Melgueil à l’Église. Elle n’a pas été reproduite dans l’édition du bullaire de Maguelone 81. Pourquoi cette bulle est-elle là ? Pourquoi est-elle absente du Latin 3881 ? Il semblerait que le Latin 3881, comme le Vat. lat. 1354 soient des copies tirées de documents rassemblés et annotés par Galtier et que les scribes aient eu, comme nous l’avons déjà signalé au sujet de la Divisio Wambæ, mais aussi pour les conciles insérés dans le Polycarpus, des difficultés à distinguer ce qui était le texte original des gloses ou des intercalations. Les documents se présentaient-ils sous une forme non reliée, comme des liasses par exemple ? Cela expliquerait qu’au cours du temps divers textes aient été interpolés, et pas toujours aux mêmes endroits.
Ensuite, on apprend par Florencio Marcos Rodríguez que la première page du ms. 2348 de la Bibliothèque générale historique de Salamanque, qui est aussi l’un des quatorze étudiés par José Ramón Arrieta pour établir une édition du livre I du Polycarpus, porte la mention suivante : « Armarii [gratté : episcopi ?] Magalonensis est 82 ». Cela signifie-t-il que le manuscrit était dans les armoires de l’évêque de Maguelone, ou qu’il a été tiré de ce qui y était ? Toujours est-il que le lien avec Maguelone est indiscutable. Marcos Rodríguez date le manuscrit du XIIe siècle car il contient une liste de papes qui s’arrête avec Honorius II (1124-1130), et la durée de son pontificat. On suppose donc qu’il a été copié peu d’années après la mort de Galtier 83.
Galtier, pour aller à Compostelle, avait dû emprunter le col du Somport, passage habituel à cette époque pour se rendre du sud de la France au nord de l’Espagne. Il avait certainement fait étape à Jaca, et de là éventuellement au monastère de San Juan de la Peña. C’est dans l’un de ces deux lieux qu’il a pu prendre connaissance de la Divisio Wambæ, d’où elle aura aussi été diffusée en direction de Huesca, où le siège épiscopal de Jaca avait été déplacé en 1096 sous prétexte de restauration de l’évêché wisigoth d’Osca. Comme son chemin passait aussi par León, doit-on en déduire qu’à la suite de conversations avec des ecclésiastiques locaux il put consulter une version de la famille « pélagienne », et qu’il annota avec celle-ci sa copie aragonaise ? C’est une possibilité. Enfin, elle fut peut-être copiée à son arrivée à Compostelle et mise dans les archives de l’archevêché, d’où elle ressortira brièvement en 1182… comme provenant du bullaire de l’église de Maguelone.
Est-ce du même voyage que Galtier a ramené l’Epistula ad Leudefredum ? On est porté à le croire, puisque non seulement celle-ci devait circuler dans les monastères et cathédrales d’Espagne du Nord, mais si Galtier connaissait déjà la version de Burchard de Worms, en découvrir une plus complète ne pouvait qu’aiguiser sa curiosité.
Conclusion
Le Latin 3881 est un beau manuscrit, sobre, à l’écriture élégante et régulière. Il est riche par la diversité de ses textes ; il l’est aussi par son histoire. Son contenu porte à penser qu’il s’agit de matériel rassemblé par l’évêque de Maguelone Galtier (épiscopat de 1104 à 1127). Très lié à l’abbaye de Saint-Ruf d’Avignon par laquelle il passa, vraisemblablement, avant d’accéder à l’épiscopat, promoteur de la réforme grégorienne, proche à diverses reprises du pouvoir papal, son activité intellectuelle se devinait déjà au travers de plusieurs lettres. Celle que lui adressait saint Bruno de Segni, grand théologien, conseiller de Grégoire VII, évêque et un temps abbé du Mont-Cassin ; celle par laquelle Galtier se faisait l’initiateur de la diffusion, à travers l’Europe, des Flores Psalmorum de Letbert, abbé de Saint-Ruf ; enfin, celle aux chanoines de Chaumousey, transmise par Raoul de Tongres (Radulphus de Rivo), où Galtier s’attaquait à saint Norbert dont les Prémontrés concurrençaient directement Saint-Ruf 84. Galtier, semble-t’il à l’origine du programme de reconstruction de la cathédrale de Maguelone, se meut dans un milieu politique et intellectuel de haute volée. Le Latin 3881 est le reflet de ses préoccupations spirituelles et épiscopales, mais aussi un témoignage de ses rencontres au cours d’une carrière couronnée par le titre de légat et de ses nombreux voyages, qui se poursuivirent jusqu’à sa mort advenue, si l’on en croit la chronique d’Arnaud de Verdale, en Terre Sainte.
On ne sait pas à la demande de qui le manuscrit a été établi, ni à qui il était destiné. Galtier lui-même a pu en être le commanditaire (la lettre en tête des Flores Psalmorum nous apprend qu’à la suite de conversations il fait copier des ouvrages dont il a parlé pour ses interlocuteurs qui les lui réclament), mais on ne doit pas écarter d’autres solutions.
Le scribe qui a copié le manuscrit après 1123, a eu à cœur de reproduire les textes avec exactitude. Nous en avons la preuve avec la version de la Divisio Wambæ contenue dans le Latin 3881 qui ne présente que des différences mineures avec celle de la Bible de Huesca. Mais il a aussi eu des difficultés à interpréter un certain nombre d’annotations ou d’addenda qu’il n’a pas toujours bien su placer à l’intérieur de sa copie, les mêlant indifféremment aux textes originaux 85. Il n’a pas, à notre avis, comme d’autres à sa suite, eu à sa disposition des codex destinés à une bibliothèque, mais des documents de travail largement annotés par Galtier ou son entourage.
Nous ne savons pas où fut conservé le Latin 3881 avant 1646, date à laquelle le conseiller montpelliérain Jean de Rignac, grand bibliophile et catholique convaincu, en a extrait diverses copies de conciles, dont le Latin 11849, envoyé au chancelier Séguier. C’est à travers ce dernier que Baluze eut connaissance des conciles du Latin 3881, dont il se servit lors de sa première réédition du De concordia sacerdotii et imperii de Pierre de Marca (1663). Malheureusement, Baluze, ou celui qui avait copié les conciles du Latin 3881 chez le chancelier Séguier, à la suite d’une lecture trop rapide, commit l’erreur de le croire sorti de l’abbaye d’Aniane.
Après la mort de Jean de Rignac en 1660, le manuscrit passa à son neveu Étienne de Rignac qui, plus courtisan qu’érudit, fit de celui-ci et d’une centaine d’autres ouvrages le sacrifice peu douloureux à Colbert pour sa bibliothèque. Ce fut le même Baluze qui réceptionna le manuscrit en 1682, ce qui lui permit, lors d’une nouvelle édition du De concordia sacerdotii et imperii en 1704, de corriger quelques erreurs qui s’étaient glissées dans la copie de Séguier.
À partir de 1682, l’histoire du manuscrit se confond avec celle des collections de Colbert, qui rejoignirent la Bibliothèque du roi en 1732.
La Divisio Wambæ nous avait poussé à éclaircir l’histoire de ce manuscrit. On aurait pu croire un moment, à la lecture du rapport des évêques de Coïmbre, Viseo, Lamego et Idanha pour régler le conflit entre les sièges de Compostelle et de Braga en 1182, que l’église de Maguelone avait conservé, à travers les mille vicissitudes de son histoire, des traces de son passé wisigoth. Il n’en était rien. Tout indique que la version parvenue à Saint-Jacques était celle contenue dans le Latin 3881, et qu’elle y avait peut-être été apportée par Galtier lui-même chargé d’une mission auprès de Diego Gelmirez vers 1120-1122. On suppose aussi que Galtier en avait eu connaissance lors de ce même voyage qui dut l’amener à passer par Jaca ou par le monastère de San Juan de la Peña où pouvait être conservé le manuscrit qui avait servi à la copie aujourd’hui insérée dans la Bible de Huesca.
Au-delà du destin particulier du Latin 3881, nous nous livrerons à plusieurs réflexions. D’abord, si l’on peut déplorer une certaine forme de pillage des collections provinciales au XVIIe s., entre autres au profit de Colbert, la constitution des grandes bibliothèques parisiennes a aussi grandement contribué à leur bonne conservation. Mais elle a accéléré la perte du lien initiée par les guerres de Religion avec le lieu de composition de ces œuvres. Ce qui a eu comme conséquence de minorer l’influence de certains centres intellectuels du Moyen Âge central dans le Midi de la France. Il y aurait beaucoup à faire pour tenter d’identifier l’origine des manuscrits provenant de cette région et aujourd’hui conservés dans les collections publiques. Espérons que cette étude soit un jour entreprise.
Ensuite, deux personnages ont particulièrement retenu notre attention. Avec surprise, nous avons constaté l’indigence des travaux qui leur avaient été consacrés. Galtier a bien eu droit à quelques études, mais elles sont anciennes et ne reflètent pas l’importance de son activité intellectuelle et épiscopale. Moins de dix ans après sa mort, en 1137, le fils du comte de Sarrebruck, Adalbert, bientôt archevêque de Mayence, partait suivre des cours de « physique » à Montpellier 86 : Galtier a-t-il joué un rôle dans l’éclosion d’écoles dans son diocèse, entre autres de celle de médecine ? Jean de Rignac a lui aussi sombré dans un oubli bien immérité. Souhaitons que chacun d’eux fasse l’objet de recherches poussées qui leur rendent corps.
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NOTES
1. Fournier 1918.
2. Maas 1995, iv.
3. Étienne Baluze (Tulle, 1630 – Paris, 1718) est un des grands érudits français du XVIIe et du début du XVIIIe s. Remarqué par le prédécesseur de Pierre de Marca à l’archevêché de Toulouse, il se mit à son service dès son arrivée sur ce siège (1652). Il conserva l’ensemble de ses papiers à sa mort et prétendit qu’il l’avait chargé de la publication posthume de ses œuvres inachevées, ce que contestèrent les héritiers de Marca qui lui intentèrent un procès. Il devint en 1667 le bibliothécaire de Colbert qui constituait une magnifique collection, à la fois en rachetant des manuscrits rares dans les provinces de France et en faisant copier les actes les plus intéressants pour l’histoire du royaume. En parallèle, Baluze amassa lui-même une importante bibliothèque faite d’originaux et de copies. Les deux collections rejoindront la bibliothèque du roi dans la première moitié du XVIIIe s. En 1689, Louis XIV le nomma professeur de droit canonique au Collège royal (actuel Collège de France). Mais, déjà octogénaire, Baluze encourut en 1710 la disgrâce royale pour avoir soutenu, dans l’Histoire généalogique de la maison d’Auvergne, les prétentions du cardinal de Bouillon à une ancienneté de sa famille égale à celle des Capétiens, qui plus est sur des documents qui se révélèrent faux. Condamné à l’exil, il ne fut autorisé à rentrer à Paris qu’en 1713. Il est l’auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages, la plupart d’ordre théologique.
4. Pierre de Marca (Gan, Béarn, 1594 – Paris, 1662), président au parlement de Navarre à Pau, entra dans les ordres après son veuvage et devint successivement évêque de Couserans (1642), archevêque de Toulouse (1652) puis de Paris (1662, mort avant d’être installé). En 1660, il fut l’un des négociateurs du roi et de Mazarin à la conférence de Céret qui, à la suite du traité des Pyrénées de 1659 devait fixer la frontière entre les royaumes de France et d’Espagne. La très importante documentation réunie à cet effet fut publiée dans la Marca hispanica. Il fut un ardent défenseur du gallicanisme.
5. Nous renvoyons aux divers ouvrages de R. Somerville traitant des conciles du pape Urbain II, en particulier ceux de Clermont, Plaisance et Melfi.
6. Reynolds 1979.
7. Ces titres sont tirés du Catalogus…, 1744, pp. 524-525.
8. Vázquez de Parga 1943.
9. Maas 1995, 36-39.
10. Étienne de Rignac d’après la notice de la BnF du Latin 254 et Mirot 1941, 410, opinion que nous partageons : il s’agirait du neveu de Jean de Rignac, lui aussi conseiller à la cour des Comptes, Aides et Finances (cf. infra). Un billet de Rignac à Colbert daté du 10 janvier 1682 lui annonce son désir de lui offrir des mss. de sa bibliothèque ; dans un autre, daté du 8 mars 1682, Baluze rappelle à Colbert qu’il n’a pas encore remercié Rignac pour son envoi (Mirot 1941, 316).
11. Même liste dans BnF, Baluze 100, f° 176 r° à 177 r°.
12. 4047 est la cote indiquée au f° 1 v° du lat. 3881, comme dans le catalogue en ligne de la Bibliothèque nationale de France, qui suit Omont 1903, 68, lui-même puisant dans le ms. BnF NAF 5413, f° 31 et en outre par Baluze 9, f° 333 ; Baluze 69, f° 201 ; Bernard de Montfaucon, Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova, 2, 986. Il existe une confusion sur les cotes des actuels mss. latins 3876 et 3881 dans le catalogue de Baluze (BnF, Baluze 101, f° 73 r°) qui attribue la 4048 au lat. 3881, tandis que la cote 4047 va au ms. désigné comme « Vetus collectio canonum ; Ep[is]t[ol]a Brunonis Signini ad Gualtherum ep[isco]p[u]m Magalonensem », qui est l’actuel lat. 3876, et qui est le Colbertinus 4048 (lat. 3876, f° 1 v°). Notons qu’il était aussi issu de la bibliothèque de Rignac, et mentionné juste avant le lat. 3881 sur la liste des ouvrages offerts à Colbert.
13. BnF, Baluze 101, f° 73 r°.
14. Delisle 1868, 484-485.
15. Rambaud-Buhot 1965, 330.
16. Somerville 2004 ; Marca 1742 : 479-80, 172 (voir 169), 394, 487, 497-98.
17. L’association des canons de ces conciles n’est présente que dans trois mss. : le lat. 3881, les mss. de la bibliothèque vaticane Reg. lat. 987 et 1026 (Somerville 2004).
18. BnF, Baluze 101, 73 r.
19. Voir aussi Lelong 1719, 128-129.
20. Marca 1663 : I, 276 et 282 ; II, 190-191, 194, 332, 344-345 et 363-365.
21. Pierre Séguier (Paris, 1588 – Saint-Germain-en-Laye, 1672), magistrat et chancelier de France, protecteur de l’Académie française à la mort de Richelieu. Séguier, comme Mazarin, la reine Christine de Suède, puis à leur suite Colbert, eut à cœur de réunir une bibliothèque prestigieuse, en faisant chercher ou copier des manuscrits tant en France qu’à l’étranger. Son petit-fils, Henri-Charles du Cambout, duc de Coislin (Paris, 1665 – Paris, 1732), évêque de Metz, hérita de ses manuscrits. Il demanda au mauriste Montfaucon de rédiger un catalogue, et celui-ci fit si bien que Coislin légua sa bibliothèque à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, laquelle intégra les collections de la bibliothèque nationale à la Révolution.
22. BnF, Baluze 7, f° 260 r°.
23. Par exemple pour le concile de Bénévent, Baluze corrige à la fois sur sa copie et dans l’édition imprimée « Anno Dominicæ Incarnationis M. CXI. V. Kal. Aprilis » par « Anno Dominicæ Incarnationis M. CX. indictione XIIII. V. Kal. Aprilis » (Marca 1663, II, 332 ; Marca 1704, 1255-1256 ; Baluze 7, f° 260 r°).
24. BnF, Baluze 7, f° 118.
25. Marca 1641.
26. Il s’étend pourtant longuement sur le concile de Clermont, dont il semble avoir étudié les canons sur un ms. d’Arras (Marca 1644, 381). Il avait accès à la bibliothèque de Séguier (op. cit., 29), mais celui-ci n’avait pas encore la copie de Rignac. Peut-être Rignac a-t-il composé son ms., où il produit les canons de nombreux conciles tenus en France, après avoir lu Pierre de Marca.
27. Labbe 1661, 380 et 382.
28. Voir les notices de la BnF par Mathieu Lescuyer sur ces mss. Le lat. 11849 a été utilisé par Alexandre Germain avec l’actuel ms. 1811 de la coll. Peiresc de la bibliothèque Inguimbertine pour son édition du catalogue des évêques de Maguelone d’Arnaud de Verdale. Il attribuait le lat. 11849 à Plantavit de la Pause (Germain 1881, 472-474) car d’Aigrefeuille faisait allusion à un ms. provenant de l’évêque de Lodève dans son édition d’Arnaud de Verdale (d’Aigrefeuille 1737, II, 415). Il avait aussi connaissance des ms. de Nîmes (ms. 57 de la bibliothèque du Carré d’art) et d’Aix-en-Provence (ms. 308 de la bibliothèque Méjanes), qui faisaient partie des coll. du marquis d’Aubaïs et dont il dénonce les interpolations malheureuses. D’où Rignac tirait-il sa copie ? D’un ms. lui appartenant ? De Gariel, qui si on l’en croit, avait d’amicales relations avec Rignac (Gariel, L’Idée, 1665 : De Montpellier en particulier, 141 ; Suite des Guillaumes, 213) ? Gariel, qui a largement utilisé Arnaud de Verdale, avait établi une copie qui se trouve aujourd’hui parmi les papiers d’Henri Suares dans le BnF lat. 8970 (Notice de la BnF). D’Aubaïs a-t-il racheté le ms., ou une des copies de Rignac ? Ces questions ont leur importance car, bien que Verdale ait rédigé sa chronique vers 1339, on ne connaît pas de ms. antérieur au XVIIe s.
29. Il a le numéro 937 dans le catalogue de la bibliothèque de Séguier, dressé en 1672, BnF lat. 11878, f° 67 r°, mais on lit 935 dans son contreplat.
30. Au bas de la page où une main postérieure a décrit le contenu du ms., une étiquette est collée, attestant la provenance du volume : « Ex bibliotheca Mss. COISLINIANA, olim Segueriana… Dux DE COISLIN… Monasterio S. Germani à Pratis legavit. An. M. DCC. XXXII ».
31. Peut-être le même manuscrit que celui relevé par Lelong 1719, 858 et 1074, n° 16 768.
32. Lettre de Boudon à Baluze du 20 novembre 1677, BnF, Baluze 371, f° 17 : « Il y a plus d’un an que M. d’Aguesseau m’ayant montré une lettre que vous luy escrivies pour vous donner des nouvelles d’un recueil des conciles tenus en Languedoc ramassé par un conseiller de ceste ville, je l’accompagnai chez feu M. de Rignac qui a laissé une bibliothèque raisonnable pour un homme de province, ou nous vismes ce recueil […] ». Cf. Delisle 1868, 456.
33. Latin 11849, préface (non foliotée).
34. La notation des mss. suit celle de Vázquez de Parga 1943, 49-73. H : Bible de Huesca, n° inventaire 1962/73/1, Museo Arqueológico Nacional, f°. 3 v°-4 r° (provenant de la bibliothèque capitulaire de la cathédrale de Huesca, elle a été donnée au musée entre 1867 et 1871. Les folios qui nous intéressent (f°. 3 v° et 4 r°) sont des parchemins qui ont été réutilisés par la suite pour renforcer les couvertures.) ; M : codex R.III.10, Bibliothèque du monastère royal de l’Escurial (provient du monastère de Montearagón, situé à environ 5 km de Huesca) ; P : parchemin 6081, Archives de la cathédrale de Valence, Espagne (copie vidimée du XIVe s. sur un ms. disparu du monastère de San Juan de la Peña, situé à 10 km de Jaca).
35. En reprenant les références utilisées par Vázquez de Parga, les différences entre les deux textes sont les suivantes : 1 (c) Etiam (H) , (Par) ; 4 (e) Caracoiam (H) , Canicoram (Par) ; 5 (a) : Asti (H) , Osti (Par) (au lieu de Basti pour les deux) ; 6 (a) Vrci (H) , Vrici (Par) ; 9 (e) Iunitam (H) , Uinitam (Par) ; 10 (a) enia (H, ajout en marge i.e. H2), Denia (Par) ; 10 (b) Goza (H2) , Gotha (Par) ;10 (c) Iunita (H2) , Uinitam (Par) ; 15 (d) Moya (H) , Mora (Par) ; 16 (b) Alquint (H) , Aliquint (Par) ; 17 (a) Segoncia (H) , Segontia (Par) ; 20 (a) Palencia (H) , Palentia (Par) ; 20 (b) Manbela (H) , Mambela (Par) ; 22 (a) Asibona (H) ; Asidona (Par) ; 25 (b) Maleoca (H) , Maleocca (Par) ; 26 (d) Lueca (H) , Luca (Par) ; 28 (d) Garta (H) , Garca (Par) ; 32 (e) Turrem (H) , ad Turrem (Par) ; 33 (c) Nambam (H) , Nabam (Par) ; 34 (d) Torrente (H) , Torrete (Par) ; 35 (a) Biseon (H) , Viseon (Par) ; 37 (c) Albennam (H) , Albenna (Par) ; 40 (e) Terrero (H) , Terorem (Par) ; 42 (d) Rumeca (H) , Rumecha (Par) ; 44 (b) Losola (H) , Lasda (Par) ; 49 (d) Camneda (H) , Canneda (Par) ; 52 (e) Pinnas (H) , Punias (Par) ; 53 (c) Bercam (H) , Bercham (Par) ; 54 (b) Berca (H) , Barca (Par) ; 58 (b) Portella (H) , Potella (Par) ; 58 (e) Atenam (H) , ad Tenam (Par) ; 60 (c) Cobello (H) , Gobello (Par) ; 60 (d) Sperle (H) , Sple (Par) ; 64 (e) Millosam (H) , Nullosam (Par) ; 65 (b) Platena (H) , Planeta (Par) ; 67 (c) Ribofora (H) , Robofora (Par) ; 68 (c) Ribogar (H) , Rigobar (Par) ; 70 (a) Lotoba (H) , Lohoba (Par) ; 71 (a) Carcasona (H) , Carscasona (Par) ; 71 (c) Angeram (H) , Augeram (Par) ; 72 (a) Elena (H) , Elna (Par) ; 72 (d) Latrolam (H) , Latolam (Par). On notera à la dernière ligne de la Narbonnaise : Hyspalim (H) , Hys- (Par). Les noms suivants ont été corrigés dans Par : Tirasona > Taragona (ce qui constitue une erreur) ; Calabre > Calaforra ; Lohoba >Lut[oba].
Les prologues et épilogues ne contiennent pas de différence de texte, à l’exception de : « … ad regem Bambam » (H, ligne 5 de l’épilogue), « … ad regem » (Par, ligne 4 de l’épilogue).
36. On reprend ici la classification de Vázquez de Parga 1943 qui estime qu’un certain nombre de textes sortent de l’officine de l’évêque Pélage d’Oviedo (épiscopat de 1101 à 1130 et en 1142-43 ; mort en 1153). La notation des mss. est la suivante : O : Bibliothèque Nationale d’Espagne, ms. 1513 (dit Batriense) ; R : Bibliothèque Nationale d’Espagne, ms. 1346 ; N : Crónica najerense, ms. 9/4922 de la Real Academia de la Historia (ancien A-189) ; T : Chronicon Mundi de Luc de Tuy, in Falque 2003.
37. Un autre « item » est à un emplacement qui ne lui correspond pas. Par insère un « item » dans Iria après Somuca (point 1 d’Iria). Là non plus, l’erreur ne peut pas provenir de H où le dernier mot de la ligne commençant par Iria est Canneda (point 3). Cet « item » placé erronément est dû à la mise en page du texte copié dans Par.
38. Voir la très bonne analyse de Jerez Cabrero 2006, i.a. 127-138.
39. Arrieta Ochoa de Chinchetru 2009, 153-154. Fournier 1894, 407-408, a, le premier, proposé et étayé ces dates. Il était d’avis cependant que la rédaction avait plutôt eu lieu au début de la période (en 1104 ou peu après) qu’à la fin.
40. Fournier 1918, 59.
41. Maas 1995, 218-219.
42. Vázquez de Parga 1943, 44.
43. Sur la source de Pélage pour le Liber Itacii contenu dans le codex vetustissimo partiellement copié par Morales, et qui transmet a priori la plus ancienne version pélagienne, cf. Jerez Cabrero 2006, 58 et note 158 ; sur la date, op.cit., 90-96.
44. Pour tout ce qui suit, nous renvoyons à Reynolds 1979.
45. Maas 1995, 218-220.
46. Fournier 1918, 58 ; Maas 1995, 36 et 38 ; Rambaud-Buhot 1965, 330 ; Somerville 2011, 31.
47. Fournier 1918, 60.
48. Maas 1995, 38.
49. Somerville 2011, 31.
50. Erdmann 1927, 276 ; Vázquez de Parga 1943, 53. Il ne nous est pas possible d’identifier les deux autres versions, dont la provenance n’est pas précisée et les caractéristiques ne correspondent à aucun ms. connu.
51. Vázquez de Parga 1943, 53 ; la Divisio Wambæ est absente du bullaire publié par les abbés Rouquette et Villemagne.
52. Les notices qui lui sont consacrées sont anciennes et se résument à Gariel, Series, 1665, 135-166, au Gallia Christiana, VI, 745-748, à Dupuis 1858, 268-272 (cette dernière associée à celle de Letbert / Lietbert, abbé de Saint-Ruf) et à Fisquet 1868, 60-67. Elles ne sont pas exemptes d’erreurs mais contiennent des renseignements intéressants. Fisquet donne aussi la date du 14 mars 1104 pour le début de l’épiscopat, mais sans la justifier.
53. Chevalier 1867, 6-7.
54. Germain 1881, 526-529.
55. Chevalier 1867, 7 : extrait de la lettre de Galtier aux chanoines de Saint-Pierre de Lille.
56. Veyrenche 2010, 27.
57. Gallia Christiana, I, Instr. 131-132.
58. Arch. dép. Haute-Loire, 1H174.
59. Paya 1996, 87.
60. Marca 1688, 1241.
61. Aurell 1999, 4 et 29.
62. Donation d’une vigne à l’abbesse de Saint-Félix, original, Arch. dép. Hérault 58H11. La date portée sur l’inventaire des Arch. dép. Hérault est 1120, mais il s’agit de 1119 nouveau style (année pisane 1120) : « Actum anno uerbi diuini MCXX. indictione XII. » Le jour et le mois ne sont pas indiqués ; cependant ils se situent nécessairement entre le 25 mars et le 31 août, sans doute à l’époque du voyage de Calixte II dans le Midi. Ce qui est certain, c’est que le 15 juillet 1119 Ollégaire et Galtier étaient présents au concile de Toulouse (Robert 1891, 49).
63. HGL V, col.947-949.
64. Moris et Blanc 1883, 250, charte CCLXI.
65. HGL V, Chroniques, pr. 12, col. 58.
66. Godefroy a aussi côtoyé Letbert et Arbert : on les voit intervenir tous trois le 6 janvier 1100, avec l’abbé de Psalmodi, dans un accord entre l’évêque de Nîmes Raymond et Pons, abbé de la Chaise-Dieu, comme conseils et signataires de la charte (HGL V, charte 405 – CCCXXVII, col.762-764). Peut-être Godefroy venait-il lui aussi de Saint-Ruf.
67. Nous avons retrouvé une trentaine de chartes ou bulles qui mentionnent Galtier entre 1107 et 1128.
68. Notons d’ailleurs que cinq papes sont passés par Maguelone (Urbain II, Gélase II, Calixte II, Innocent II et Alexandre III). Cela marque l’apogée de la vie religieuse de cet évêché. Galtier a été le contemporain de tous, même si tous ne sont pas de sa génération.
69. Mabillon, Annales Ordinis Sancti Benedicti, tome V, p. 640 (éd. Lucques).
70. Galtier a certainement accompagné le pape et les cardinaux de Saint-Gilles, Montpellier ou Maguelone à Toulouse : le pape s’est arrêté à Maguelone au moins trois jours, du 28 au 30 juin 1119 ; il est à Béziers le 1er juillet, et environ du 13 au 17 juillet à Toulouse où il célèbre un concile (Robert 1891, 31-58). Ce sont des actes datés de Toulouse qui nous font connaître quelques-uns des participants au concile. Galtier avait déjà rencontré Calixte II puisqu’il avait assisté au concile de Vienne en 1112, présidé par celui qui n’était encore que Guy de Bourgogne (Martène 1733, 67).
71. Voir le début de la lettre de Bruno de Segni à Galtier, qui ouvre le Traité des sacrements de l’Église (Patrologia Latina, tome 165, 1089-1090) : « Cum Romæ quondam in Insula in domo episcopi Portuensis simul essemus […]. » Porto est un siège suburbicaire qui a été uni à cette époque à celui de Sainte-Rufine. Il est peu probable que cette rencontre ait eu lieu lors du concile de Latran I, car Bruno mourra à peine trois mois après la fin du concile.
72. Cassan 1900, 110.
73. HGL V, pr.12, col. 57.
74. D’après Paya 1996, 78 (et Frédéric Fabrège), il aurait édifié le chevet et le transept de la cathédrale actuelle. La Vieille Chronique laisse la porte ouverte aux interprétations, puisqu’elle signale que son successeur Raymond a achevé la tour du Saint-Sépulcre, mais ne dit rien du chœur, seulement que Raymond a installé l’autel de Saint-Pierre et la cathèdre.
75. Les arguments du Gallia Christiana (VI, 747) sont fondés sur une bulle datée de la cinquième année d’un pape Honorius, dont J. Rouquette et A. Villemagne (Rouquette 1914, 59-61) ont montré qu’il s’agissait non d’Honorius II, mais d’Honorius III. À la suite de Gariel (Gariel, Series, 1665, 142-144), le Gallia Christiana avait d’ailleurs fait un curieux mélange avec une charte de 1109 passée entre Galtier et Pierre, abbé d’Aniane (Rouquette 1912, 65-69), ce qui conduisait le Gallia Christiana à affirmer que Galtier était vivant et à Maguelone en juin 1129, alors que son successeur Raymond aurait été confirmé en août de la même année par l’archevêque de Narbonne. Les bénédictins concluaient qu’il n’était matériellement pas possible que Galtier soit entre temps parti en Terre Sainte, mort au Mont Pèlerin, que la nouvelle de cette mort soit parvenue à Maguelone et que le chapitre ait désigné son successeur.
76. Il ne s’agit pas d’une suite exhaustive de conciles. Sont en effet absents les conciles de la fin du pontificat d’Urbain II (Bari, octobre 1098 ; Latran, avril 1099), ceux de Pascal II (Melfi 1100 ou 1101, Latran 1102 et 1105, Guastalla 1106, Troyes 1107, Bénévent 1108, Latran 1110, 1112 et 1116), et celui tenu à Reims par Calixte II (1119).
77. Le voyage de Rome, sans être fréquent, n’était pas une expédition insurmontable pour les évêques de Maguelone : Godefroy s’y était rendu en 1099 (HGL V, 761), de même que Galtier, à une date inconnue, y avait rencontré Bruno de Segni (cf. supra).
78. Rouquette 1911, 22-23.
79. Rouquette 1911, 17-22.
80. Fournier 1894, 407 ; Fournier 1918, 61.
81. Rouquette 1911.
82. Marcos Rodríguez 1959, 47-48.
83. Signalons au passage qu’Arrieta Ochoa de Chinchetru 2009, 145, fait remonter toutes les versions connues du Polycarpus au Vat. lat 1354. Si tel était le cas, alors elles seraient toutes dérivées de l’exemplaire de Galtier. Il ajoute (op. cit., 160) « En el manuscrito 3881 de la Biblioteca Nacional de París encontramos el códice que guarda mayor semejanza con el texto base, el manuscrito 1354 del Vaticano. » Sa justification pour utiliser le Vat. lat 1354 comme texte base est malheureusement peu convaincante (op. cit., 140) : « Fundamentamos nuestra decisión en el hecho de ser éste uno de los códices más antiguos que se conservan del “Polycarpus” y, a la vez, por ser el más trabajado y en consecuencia el más citado en los estudios realizados sobre el “Polycarpus” ». On aurait attendu une analyse plus poussée des relations entre mss avant d’en arriver à cette conclusion.
Il est intéressant de noter que le ms. 169 de la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, très similaire suivant lui (op. cit.,, 142), aux Vat. lat 1354 et Reg. lat. 987 et au ms. 2348 de Salamanque, s’ouvre comme celui de Salamanque sur une liste de papes, mais celle-ci s’arrêtait initialement à Gélase II (1118-1119), puis a été continuée jusqu’à Innocent III (1198-1216). Il est envisageable que ce ms. ait été copié du vivant de Galtier. Enfin, les écritures du f° 7 du ms. 169 de l’Inguimbertine et du lat. 3881 de la BnF sont très proches.
84. Hittorpius 1591, 637-638. Le nom de l’évêque de Maguelone est abrégé (G.), mais les dates font qu’il ne peut s’agir que de Galtier (et non de Godefroy).
85. Fournier 1918, 80, faisait la même remarque sur le lat. 3882, qui contient aussi le Polycarpus. Il pensait qu’il s’agissait de la copie d’un ms. antérieur ; avons-nous là un autre témoignage du travail de Galtier ?
86. Germain 1877, 295 ; Moulinier 2003, 101.