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Description

Notes sur quelques tapisseries a Montpellier au XVe siècle

Plusieurs documents conservés aux Archives Municipales de Montpellier font état de l’existence en notre ville, à la fin du Moyen-âge, d’un certain nombre de tapisseries désignées sous le terme générique « d’Arras » ou « de Ras ». Oudot de Dainville, dans sa publication des Archives du Greffe de la Maison Consulaire, en a scrupuleusement relevé et transcrit les mentions.

Les inventaires du mobilier de la maison de ville, dressés en 1508 et 1519 affirment la présence dans cet édifice, « al canssel près ladicte sale (del consolat », d’une caisse de noyer contenant : « Premièrement un grant drap d’Arras là ont es l’ymaige Nostre Dame an son mantel estendut là ont son los seignors consolz et lo notari ambe las armes dels seignors consolz als quatre quantons » et « ung drap d’Arras là ont son les sept eaiges appellat lo drap dels enfantilhorgues ». Le texte de 1519, plus succinct, signale : « Primo ung grand drap d’Arras de Nostre Damme ont son los six consuls et lo notary » et « un autre drap de ras vieilh là ont sont les sept eages ».

Si le mot « drap », employé ici dans un contexte qui ne saurait prêter à confusion, signifie bien « tapisserie », le qualificatif « d’Arras » qui l’accompagne reste moins sûr. Pour Madame Madeleine Jarry, l’expression « drap de raz », équivalent espagnol (et, pourrait-on ajouter, languedocien) de l’« arazzo » italien, désigne simplement la tapisserie, l’art du tapissier, sans précision d’origine.

Nous verrons cependant qu’il peut aussi, exceptionnellement, éclairer cette origine mais surtout définir une technique particulière, la haute lisse, avec fils de soie et d’or mêlés aux habituels fils de laine, en un mot l’« ouvrage d’Arras ».

Un troisième document semble apporter confirmation à cette hypothèse. Le livre des recettes de la Claverie pour l’année 1455 signale le paiement, le 10 mars, d’une somme de 139 livres, 19 sols, 2 deniers au tapissier Jordy de Vaulx. En voici la transcription : Ay peyguat a Jordy de Vaulx tapesier/ so es la soma de CXXX VIIII I. XVIIII s. Il d./ e ayso tant per la fayson tant per sedas tant / en aur e lanas e granas de scarlata las/ tenchas e foradura pertrach et penheyre/ e ayso per hund drap appelle tapis/ ont son los personaiges dels senhors/consols de Moplr a par del coman/ dament e de la quitansa a X de mars.

Ce Jordy (ou Georges) de Vaulx qui, soit dit en passant, porte le nom de deux modestes communes du Pas-de-Calais, s’il n’est cependant pas connu des historiens de la tapisserie arrageoise, est mentionné à Montpellier une seconde fois. En 1458, l’acte d’union de la charité des brodeurs, tapissiers, chasubliers, peintres et veyriers cite, aux côtés de son confrère Johan Muret, (sur lequel nous ne savons rien de plus) Georgius de Vallibus.

Si l’on accorde au terme « tapissier » (tapisserius) son sens exacte de lissier, comme l’a été, nous le verrons, Georges de Vaulx, et non de simple revendeur de tapisserie, le fait que deux de ces artisans aient été désignés pour représenter (avec quatre peintres, deux brodeurs, un chasublier et un veyrier) ce corps de métier à la charité, prouve l’existence à Montpellier, au milieu du XVe siècle, de quelques ateliers de haute lisse, sans doute peu nombreux, dont la production nous est inconnue et les mentions rarissimes.

On peut s’étonner de la présence d’une catégorie d’artisans relevant des métiers d’art et de luxe, à une époque où la ville traversait une crise économique, aggravée par une importante diminution démographique et que Charles VII (dans sa charte accordant en 1450 le droit de nouvelles impositions locales) déclarait très fort apouvrie et diminuée tant de habitants que de chevances.

En fait si le déclin du commerce montpelliérain, dont le XIVe siècle avait au contraire marqué l’apogée (avec auparavant la présence de marchands de Montpellier aux foires de Champagne jusque vers 1340), date bien – avec, comme signe, le départ de Jacques Cœur – du milieu du XVe siècle, le niveau de vie des classes fortunées de la population restait peu affecté par le climat général de misère que se plaisent à décrire, en 1455 par exemple, les rédacteurs de la supplique aux États réunis à Toulouse ou, un peu plus tard (1460), les « Instructions et Mémoires » et la « Supplique pour la ville » accompagnant l’ambassade auprès du roi de Michel Teinturier. Bourgeois, changeurs, gens d’église, médecins et surtout marchands continuaient, en dépit de la récession, à demeures martres de la richesse. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1984

Nombre de pages

7

Auteur(s)

Jean NOUGARET

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf