Catégorie : Étiquette :

Description

Molière en purgatoire

C’est un phénomène bien connu en histoire littéraire. Les grands écrivains, ceux qui ont tenu le devant de la scène durant leur vie, entrent après leur mort dans une zone d’ombre, un véritable purgatoire, avant de refaire surface et de devenir des sujets d’étude, de discussions, et l’objet de jugements les plus divers. Certains auteurs, dont la notoriété fut excessive durant leur vie, ne sortent jamais de ce purgatoire de l’oubli ; pour rester dans l’époque de Molière, un romancier comme l’abbé de Pure, un poète galant comme Cotin qui eurent leur temps de notoriété, sont aujourd’hui des inconnus, de simples noms qu’on n’évoque plus qu’avec un sourire moqueur.

Notre grand Molière n’a pas échappé à la règle, et il l’a subie plus durement que d’autres. Cela tient à diverses raisons. Tout d’abord, les contemporains de Louis XIV ne considéraient nullement Molière comme un grand écrivain, au même titre que Racine ou Corneille, ainsi que nous le faisons tous aujourd’hui, et dans le monde entier, où ses comédies sont représentées dans toutes les langues. Au XVIIe siècle, il était, pour le roi comme pour les spectateurs de son théâtre du Palais-Royal, un comédien, avec tout ce que ce titre comportait alors de préjugés défavorables ; on sait l’attitude hostile d’une grande partie du clergé envers les comédiens, qui ne pouvaient recevoir la sépulture chrétienne qu’au prix d’une renonciation formelle à leur profession.

Mais Molière, acteur comique essentiellement, était le plus généralement qualifié par ses adversaires, ses ennemis et ses rivaux de « bouffon » et ravalé sous ce qualificatif au rang d’un Tabarin ou d’un Gaultier-Garguille.

Plus encore, Molière avait eu l’audace de dénoncer les travers, les défauts et les vices de ses contemporains ; attaquant notamment, après les médecins et les pédants, les faux dévots dans Tartuffe et dans Dom Juan, il avait dressé contre lui la fameuse « cabale des dévots », les jansénistes et tous les catholiques rigoristes, fort nombreux à l’époque. Traité de libertin, d’impie, accusé d’athéisme, il avait été mis au ban de toute une partie de la société chrétienne de l’époque.

Lorsque Molière mourut, le 27 février 1673, à la sortie de la quatrième représentation du Malade imaginaire, le prêtre appelé à son chevet refuse de venir l’assister et, sans l’intervention personnelle du roi, l’Église lui aurait refusé l’inhumation en terre sainte. Elle ne lui fut d’ailleurs accordée qu’avec d’humiliantes conditions : enterrement de nuit, sans flambeaux, avec deux prêtres seulement. On lui faisait payer cher ses hardiesses, qui allaient peser longtemps sur sa mémoire. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1973

Nombre de pages

3

Auteur(s)

Georges MONGREDIEN

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf