Mémoire d'Oc n° 077
Mémoire d'Oc n° 077

Mémoire d'Oc n° 77 (janvier 2000)
Des banhs vieilhs aux modernes bains douches (1)

30 pages – (2000)

Introduction

La Révolution souhaitait fortifier la Nation en purifiant tout à la fois les idées et les corps : des établissements de bains furent donc installés prés des rivières, notamment à Paris. Après la tourmente, un peu partout en Europe, les médecins se mirent à vanter les bienfaits de l’hydrothérapie… sans parvenir à s’entendre. Vitalistes et empiriques disputaient entre eux sur l’opportunité de son utilisation : préventive ou curative ?

Si le XIXe est le siècle d’une hygiène qui s’affirme lentement, il est aussi celui de l’expansion de l’urbanisme qui génère la concentration d’individus de classes sociales différentes. Cette promiscuité, jointe à de nouveaux modes de vie et de pensée, pousse les gens à envisager d’un œil différent la notion de propreté. Mais la rigide vertu bourgeoise freine ce qui, de nécessité, pourrait devenir l’apanage des courtisanes. Les femmes respectables se lavent « par petits morceaux »… soigneusement sélectionnés ; et des gravures d’époque montrent le paterfamilias prenant son bain de pieds hebdomadaire sous l’œil admiratif de toute la famille ! Malgré quelques sursauts pudibonds, le concept d’hygiène se développe et l’idée qu’hygiène et santé vont de pair commence à s’affirmer. On pense même que bains et ablutions peuvent concourir à la beauté des femmes ! Et nous verrons comment à Montpellier ces notions furent mises en pratique.

Fin XIXème, l’hygiène s’installe en même temps que se produit une timide et très sélective notion des loisirs : Hortense de Beauharnais, l’Impératrice Eugénie mettent à la mode les stations balnéaires. Arrive la défait de 1870 ; elle remet au goût du jour le concept révolutionnaire… mais bien ancien : « mens sana in corpore sano« . La question devient alors politique et sociale ; et le dandysme, venu d’Outre-Manche, influence alors fortement les couches aisées de la société.

Ainsi firent leur apparition les premières salles de bains privées. Mais si le « Manuel de la maîtresse de maison » paru en 1821 ou le « Manuel des Dames ou l’art de l’élégance » de 1883 donnent à 60 ans de distance des conseils sur le débarbouillage ou l’emploi des cosmétiques, ils s’étendent peu, en revanche, sur l’usage des bains. Peut-être les poses lascives de certaines baigneuses du « Bain Turc » d’Ingres dissuadaient-elles les prudents maris d’autoriser leurs sages épouses soumises à se livrer à des pratiques dont l’utilité n’excluait pas le charme. De sorte que le bain resta longtemps privé et exceptionnel.

Mais à la fin du siècle, l’eau courante commença à faire une timide apparition dans les grandes villes et les ablutions se développèrent. Par souci d’économie, on créa des bains-douches dont l’idée était venue d’Allemagne. D’abord privés, ils ne tardèrent pas à devenir publics sous l’influence de municipalités progressistes.

Le Professeur J .B. FONSSAGRIVES qui enseignait l’hygiène à la Faculté de Médecine de Montpellier, regrettant la mollesse de l’éducation des femmes qu’il rendait responsable de leur frilosité, écrivit en 1869 un « Avis aux mères sur l’art de diriger leur santé et leur développement » où il conseillait l’eau froide. C’était un homme sans nuance, pour qui paresse découlait de saleté, et vices de manque d’hygiène. Discours et conseils médicaux se développèrent jusqu’à la fin du siècle…, amenant la création des établissements de bains. La loi du 5 avril 1884, reproduction de celle du 24 août 1790 déclarant l’hygiène d’intérêt public demandait aux autorités d’y veiller à la fois à la sécurité des personnes et au respect des convenances.

Des mesures sanitaires – arrosage sous jet d’eau – furent prises pour les soldats sous l’impulsion de médecins militaires horrifiés par la saleté des casernes : il y eut ainsi une nette régression des maladies de peau.

NAPOLEON III, formé à l’école anglaise, eut une part importante dans la progression de l’hygiène sociale avec l’installation de lavoirs et bains publics pour les populations les moins favorisées. Le 3 février 1851, sur proposition de DUMAS, ministre de l’Agriculture et du Commerce, un crédit de 600 000 F est voté pour inciter les municipalités à construire bains et lavoirs publics gratuits ou à prix réduit ; il eut peu de succès, mais Montpellier peut se targuer d’avoir été à l’avant-garde en acceptant cette offre avec les autres villes de Rouen, Reims et Romorantin.

La notion de propreté avait encore bien du mal à s’affirmer. On travailla aussi en direction des scolaires : Victor DURUY se préoccupa de l’éducation physique des enfants et de leur propreté.

La montée de l’hygiène fut chaotique et disparate selon les classes sociales. Les habitudes de propreté ne progressèrent que sous l’impulsion des sociétés sportives et du tourisme de masse pour se banaliser vers 1950 !

Peut-être la notion de propreté éveille-t-elle en chacun de nous des résonances singulières. Qui, en effet, accepte avec plaisir de « prendre un bon savon ?« 

Voilà en gros comment a évolué la notion d’hygiène en France. Revenons maintenant à notre Montpellier où bains et lavoirs ont resurgi au XIXe siècle, renouant avec une fort ancienne tradition.

Contenu du numéro :

Banhs vieilhs (I)

Bains publics : nécessité, confort, idéal politique et social.

Mémoire d’Oc

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34 000 Montpellier

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