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Description

L’Orb, l’eau et la ville

Urbaniser la rive droite de l’Orb c’est placer ou replacer – la rivière dans l’espace urbain ; l’utilité, ou même la nécessité, de restructurer le territoire de la ville en densifiant son flanc ouest et sud-ouest et en recentrant, ainsi, le centre ville est une évidence spatiale.

Mais dans ce mouvement la logique spatiale n’est pas seule en jeu, il faut aussi s’intéresser à la rivière à moins d’accepter, dans l’hypothèse du basculement urbain, de construire une nouvelle agglomération qui ne serait biterroise qu’administrativement ou au même titre qu’un village de banlieue. Pour que la rivière fasse partie intégrante du territoire urbain, il faut qu’elle soit aussi socialement intégrée… Il n’est pas question de tenter de bâtir « l’histoire » de l’eau à Béziers mais de se donner quelques éléments pour comprendre la situation actuelle, si l’Orb a toujours été présent dans l’histoire de la ville, cela n’a pas toujours été de la même façon ni avec la même force.

Béziers à la bonne fortune de l’Orb

Selon un professeur d’histoire « Béziers est la seule ville du Midi qui n’a pas de rivière, ce sont les allées Paul-Riquet qui en tenaient lieu ». On voit bien l’image qui illustrerait cette phrase d’une rivière bordée de quais et au long de laquelle on se promènerait, qui organiserait l’espace urbain, rôle que jouent effectivement les « Allées » à Béziers, large esplanade ombragée qui oriente l’espace urbain du Théâtre à la gare SNCF, tronc commun, il n’y a pas si longtemps, des voies qui traversaient la ville, axe qui sépare le vieux Béziers des quartiers du XIXe siècle.

En fait, sous réserve d’un inventaire plus large, à part Toulouse et la Garonne, et encore car la rive gauche du fleuve y est longtemps restée moins urbaine que la droite, les villes du Midi ne s’organisent pas autour d’une rivière : à Perpignan la Têt est à l’extérieur de la ville comme le Lez à Montpellier; dans ces deux villes il existe un ruisseau qui les traverse mais dont la fonction est essentiellement de recueillir les eaux de pluie. A Carcassonne, où passe l’Aude, et à Alès que traverse le Gardon, les deux rives sont certes urbanisées mais une seule apparaît comme réellement urbaine, l’autre la droite à Alès, comme à Carcassonne, sont plus des faubourgs que des quartiers. A Carcassonne, la cité médiévale est bien sur la rive droite mais trop loin du fleuve pour qu’on puisse considérer qu’elle est sur sa rive. Sur le Rhône la ville de la rive gauche, celle de l’Empire, Avignon dans le Vaucluse ignore superbement la ville de la rive droite, celle du Royaume, Villeneuve qui fait suivre son nom de « lés Avignon » pour se distinguer des autres villes nouvelles.

La seule ville du Languedoc où un cours d’eau est parfaitement intégré à la ville est Narbonne : prudente la ville est loin de l’Aude mais son centre est traversé par la Roubine – nom générique ici approprié – qui joint le canal du Midi au nord à la Méditerranée au sud : voie d’eau calme et tranquille elle a ses quais, ses ponts au cœur le plus dense de Narbonne.

Des rivières qui joueraient dans l’espace urbain le rôle des allées Paul-Riquet c’est dans le reste de la France qu’il faut aller les chercher : à Lyon, à Paris…

Béziers La crue de l'Orb du 7 novembre 1907, Les moulins de Bagnols
Béziers La crue de l'Orb du 7 novembre 1907, Les moulins de Bagnols

A Béziers, pourtant installée là parce qu’il y avait un point de passage de l’Orb et que les collines permettaient de se mettre à l’abri de ses débordements, « c’est un truisme de dire que la ville tourne le dos à l’Orb » a aussi affirmé l’historien cité ci-dessus. C’est évident pour les périodes récentes mais, longtemps, Béziers a vécu de sa situation sur un gué de l’Orb : « l’Orb est important pour Béziers au moins autant par l’obstacle qu’il représente dans les communications est-ouest que pour les possibilités qu’il offre aux produits pondéreux de le remonter ou de le descendre, charbon et pierre principalement ».

L’essentiel c’est le pont, attesté depuis le XIIe siècle dans les documents écrits, mais dont on pense bien qu’il remonte à l’époque romaine. « Quel que soit le trajet est-ouest préféré à telle ou telle époque » par le tracé de la voie Domitienne qui traversait l’Hérault à Saint-Thibéry ou par Pézenas, plus au nord, le passage par Béziers était indispensable pour aller à Narbonne ou en venir, à Carcassonne et Toulouse en évitant les marécages de la basse vallée de l’Aude et de Capestang.

La plupart des chemins descendant de la montagne passaient aussi par Béziers qui profitait du péage. Les moulins sur l’Orb participaient également à la richesse de la ville. Au Moyen Age il y avait quatre barrages, des « pensières », construits pour faire tourner les moulins à blé celui de Carlet en amont de la ville, celui de Bagnols, au pied même de Béziers qui appartenait au chapitre de l’église Saint-Aphrodise, celui de Gazagnatges et celui de Saint-Paul plus en aval appartenant au chapitre de la cathédrale Saint-Nazaire. Ce dernier, muni depuis quelques années d’une turbine qui produit du courant électrique et celui de Bagnols existent toujours.

Enfin, et ce n’est pas le moins important, l’Orb a fourni depuis le milieu du XIXe siècle et fournit encore à la ville son eau potable. Les romains avaient construit un aqueduc de 36 km, entièrement en béton, ce qui est rare, qui amenait à Béziers l’eau de sources du Piémont, environ 2 000 m3 d’eau par jour. Laissé à l’abandon, il est remplacé, au XIIIe siècle, par un aqueduc de moindre taille recueillant l’eau de maigres sources proches, quelques 200 m3 par jour estime-t-on. C’était trop peu ; en 1781 on envisage de pomper l’eau de l’Orb et de l’élever en ville avec une machine hydraulique mais il faudra attendre 1827 pour que les deux machines à vapeur de Cordier amènent 200 m3 d’eau par jour dans les bassins construits près de la cathédrale Saint-Nazaire. En 1846, une machine hydraulique permet d’élever 800 m3 d’eau par jour. En 1864, des machines hydrauliques plus performantes la remplacent complétées plus tard par des machines à vapeur. Depuis 1962, l’eau alimentaire est pompée dans la nappe phréatique et Béziers dispose par jour de 28 000 à 33 000 m3 d’eau. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1990

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Jean-Claude BARTHEZ

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf