Description
Divine surprise, iconoclasme et vandalisme symbolique :
L’Hérault dans la vague blanche (1940-1942)
* Professeur agrégé d’histoire.
Doctorant en histoire contemporaine – CRISES, UPV Montpellier III
La toponymie urbaine en tant qu’objet d’histoire est un outil particulièrement pertinent pour comprendre les mentalités, les représentations et les comportements passés. L’objet de ce travail est de souligner les répercussions des affrontements politiques et symboliques sur le corpus des dénominations urbaines et des monuments républicains dans le département de l’Hérault sous le régime de Vichy.
Stunning surprise, iconoclasm and symbolic vandalism:
Herault during white tide 1940-1942
Urban toponymy as a subject of history is a tool, particualary relevant in the understanding of the former way of thinking, representations and behaviours. The purpose of this study is to highlight the consequences of the political and symbolic confrontations around the corpus of urban naming and republicans monuments within Hérault département under the Vichy regime.
Suspresa divina, iconoclasme e vandalisme simbolic :
Erau dins l’èrsa blanca (1940-1942)
La toponimia urbana coma objècte d’istòria es un esplech particularament pertinent per comprene las mentalitats, las representacions e los compòrtaments passats. La tòca d’aquela recèrca es de soslinhar las repercussions dels afrontaments politics e simbolics sus lo còrpus de las denominacions urbanas e dels monuments republicans dins lo departament d’Erau jos lo regim de Vichy.
La scène se déroule dans un village du Biterrois en 1940-1941. La préfecture de l’Hérault demande l’enlèvement des plaques de la rue Jean Laurès. Incompréhension et stupéfaction de la municipalité : pourquoi enlever le nom de ce natif du cru, félibre de surcroît ? En réalité la cible était le socialiste Jean Jaurès. La quasi homophonie des deux noms avait failli coûter au poète sa place au sein du panthéon municipal. Au-delà de l’aspect savoureux de cette tragi-comédie onomastique, cette anecdote révèle l’ambiance délétère qui accompagne l’installation du régime de Vichy, qui, sous le couvert d’injonctions à l’union nationale, profite de la « divine surprise » pour régler ses comptes avec la France républicaine et son avatar le plus récent, le Front populaire, à travers la suppression des symboles les plus quotidiens qui rappellent leur mémoire mais qui sont également un enjeu de pouvoir à différentes échelles.
Quelques mois à peine après que la France a subi la plus grande défaite militaire de son histoire, Vichy entreprend ainsi de s’occuper d’un sujet majeur : changer le nom des rues et évincer les symboles républicains. Cela apparaît tout de même assez trivial vu la gravité des circonstances et les souffrances endurées par les Français. Pas pour les maîtres de l’heure qui y voient une question politique primordiale à régler rapidement. Dans l’Hérault cette volonté réveille le vieil affrontement entre le Midi rouge et le Midi blanc. Or, l’opportunité est belle pour ce dernier de prendre enfin sa revanche après avoir été tenu à l’écart des affaires publiques pendant des décennies. Car, changer les noms de rues, détruire des symboles tels que les statues, supprimer les bustes de Marianne des bâtiments publics, c’est vouloir marquer une rupture, vouloir faire table rase du passé ou tout au moins effacer une partie de celui-ci. Il s’agit de réécrire le roman national dans un sens différent par l’attribution de noms de substitution ou par la création d’un corpus totalement nouveau. C’est aussi créer une nouvelle tradition à la fois festive et discursive. Changer le décor civique c’est proposer incidemment aux citoyens qui le pratiquent quotidiennement un projet politique. Pour autant, un tel changement, qui bouscule les habitudes quotidiennes et s’attaque à l’incarnation d’une culture politique, ne semble pas évident. Le département de l’Hérault, contrôlé jusqu’alors par les gauches radicales et socialistes, fait partie de ce royaume du maréchal dans lequel se met en place cette politique de revanche à la faveur du trauma de la défaite. Néanmoins dans un espace apriori rétif à l’idéologie d’extrême droite, se pose la question de savoir comment s’est déroulée l’offensive de Vichy et quelle a été sa réception. Bien davantage que sur le contenu de la réforme toponymique, c’est sous l’angle des modalités de la revanche qu’il faut envisager l’offensive symbolique pour mettre en évidence ses ressorts. L’épuration que souhaite Vichy s’appuie en effet sur la conjugaison d’une campagne menée par les cercles les plus actifs de la Révolution nationale relayée par l’État, provoquant une diversité de réactions chez les édiles et dans l’opinion.
Campagne de presse et agitation
Le traumatisme moral vécu dans les semaines de mai et juin 1940, ajouté au désarroi matériel de milliers de réfugiés disséminés dans le département, est un terreau fertile à la culture d’un sentiment de contrition. C’est pourquoi, saisissant cette occasion, au cours de l’été et de l’automne 1940, la presse d’extrême-droite incarnée par L’Action Française, Gringoire ou Candide, n’a pas le triomphe modeste. Leur anticommunisme viscéral peut désormais se doubler d’une exécration publique de la démocratie et du parlementarisme. Chantres du pacifisme avant septembre 1939, ils peuvent vouer aux gémonies les « bellicistes » qui ont déclaré la guerre, et le Front populaire qui ne l’a selon eux pas préparée et a sapé les fondements moraux de la Nation. C’est pourquoi très rapidement, ces journaux entrent dans une campagne sur le thème de la prescience. Pour ne les pas avoir écoutés, voilà dans quelle situation la France se trouve. Cette idée est exprimée par Maurras qui cite un courrier envoyé « par un vieil ami » d’un village de l’Hérault qui traduit selon lui […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2016 |
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Nombre de pages | 11 |
Auteur(s) | Richard VASSAKOS |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |