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Description

Les rivalités à l’intérieur des communautés rurales en Languedoc
à la fin du XVIIe siècle

En Languedoc…, précisons d’emblée qu’il ne sera traité ici que du monde rural ; à la rigueur, on peut lui prêter des traits assez généraux, trop schématiques sans doute, mais qu’il serait trop osé par contre d’étendre au champ urbain. Chaque ville ne présente-t-elle pas d’évidence une stratification sociale propre et un faciès particulier en contraste avec l’univers plus homogène du village, ne serait-ce que par la prédominance presque exclusive du secteur agricole ? Cela étant, partout et y compris dans la plus rurale des 2 000 communautés attribuées par Tocqueville à la province, il y a différenciation. Trois, quatre familles, parfois un peu plus, tiennent le haut du pavé. Au sommet, le seigneur ou le noble en place. En dessous, mais toujours dans le peloton de tête, quelques nantis ou notables, d’origine et de talents variés. A part, le curé. Tous ont en commun de dominer par la propriété foncière ou seigneuriale, par le savoir, (frottés de droit plus que de culture humaniste, en général) et par la fonction : c’est le cas du curé ou de l’homme de loi ; l’équilibre entre eux ne va pas forcément de soi tant s’en faut et d’âpres rivalités pour le pouvoir local ont déchiré la communauté tout au long du siècle.

A partir des années 1750, on perçoit, à travers les abondantes sources judiciaires, un renouvellement des luttes intestines. Car le contexte économique et social change ; des aspirations à une nouvelle gestion locale se font jour. Et la question passionne dans un pays d’État, marqué d’une forte tradition d’autonomie municipale et doté d’éléments représentatifs, les puissants États de Languedoc dont Tocqueville louait l’efficace administration. Voilà pour le cadre local ; il serait irréel de le considérer seul et de faire fi de la tutelle administrative, bien ancrée désormais, et d’une emprise de l’État qui se fait plus insistante. Or le contexte change, avons-nous dit ; on peut le déduire d’écarts sociaux accrus, d’une démographie en expansion et d’un certain renouvellement des élites. Simultanément, l’idéologie des Lumières gagne et pénètre en profondeur elle conforte les vœux des notables de prendre en main la gestion locale projet de réformation bientôt repris par la Monarchie elle-même (réforme municipale puis assemblées provinciales à la veille de la Révolution). La décentralisation est à l’honneur. C’en est fait d’un immobilisme apparent et les luttes pour le pouvoir vont reflamber avec une âpreté accrue. A l’historien d’en comprendre les enjeux et d’en interpréter les manifestations.

D’entrée, il importe de dégager les acteurs ou plus exactement les meneurs de jeu ; tant il est vrai que même à ce niveau de médiocre différenciation sociale, la lutte des factions s’alimente de possibilités de pression et du support éventuel d’une campagne d’opinion. Rien de plus facile apparemment que de compter les puissants ; voire !, car rien aussi ne serait plus faux que d’en restreindre le nombre aux seuls personnages revêtus d’une charge ou consacrés par l’institution ; sans plus tarder il convient d’y ajouter les nouveaux venus, – de l’argent, de la propriété, du savoir – ambitieux et d’autant plus avides de pouvoir que l’enrichissement du XVIIIe s. a intensifié la mobilité sociale.

En dépit de la variété des situations rencontrées, un tripartisme se repère avec assez de constance pour être retenu. Trois pôles d’influence se retrouvent donc sur le terrain ; autour se coagulent tout naturellement coteries et clientèles. Chacun, s’il veut dominer, se doit, en fonction d’équilibres toujours précaires, d’élaborer sa propre stratégie et de la faire triompher, avec l’aide de ses « affidés ». […]

Informations complémentaires

Année de publication

1982

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Nicole CASTAN

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf