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Description

Les papeteries de Brissac (Hérault)
et Saint-Laurent-le-Minier (Gard) en Languedoc

L’industrie des papeteries se développe dans la Province du Languedoc à partir du XVIIe siècle. Léon Dutil souligne l’existence de quatre moulins notables en 1674 : Saissac, Mazamet, Annonay et Bédarieux. Deux papeteries s’implantent en bordure des Cévennes, l’une à Saint-Laurent-le-Minier, petite commune du Gard à cinq kilomètres à l’ouest de Ganges, l’autre à Brissac, à sept kilomètres au sud de la même ville, la première sur les rives de la Vis, la seconde au bord de l’Avèze.

Les documents d’archives attestent l’existence de la papeterie de Saint-Laurent au cours des années 1670, mais sa construction est probablement un peu antérieure. Elle fait partie des possessions de Pierre de Sarret, conseiller du roi en la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier, premier seigneur de la branche des Sarret de Saint-Laurent, qui hérite en 1657 de son beau-père, Jean de Bonnail, de la terre et juridiction de Saint-Laurent. Dès 1676, après avoir obtenu l’accord du roi, Pierre de Sarret fait entreprendre d’importants travaux à la papeterie il lui adjoint une cartonnerie, fait construire un canal et un chemin marchand ?

En 1678, le moulin à deux cuves et quatre roues occupe avec ses logements et sa cour une surface de 216 cannes carrées (environ 900 m2). Dès lors, la papeterie de Saint-Laurent ne cesse de prendre de l’importance tout au long du XVIIIe siècle : à la veille de la Révolution, les bâtiments seuls totalisent une superficie de 346 cannes carrées (environ 1 400 m2) et six cuves fonctionnent au moulin. Les diverses qualités de papier fabriqué (une quinzaine), destinées à tous les usages (écriture, imprimerie, pliage, cartes à jouer…) se vendent dans toute la Province et surtout à Marseille d’où certaines marchandises sont exportées au Levant.

Jusqu’à la Révolution, une soixantaine de personnes travaillent à la fabrique : hommes, femmes, apprentis, mais également conducteurs de charrettes, chargés du transport des matières premières et du produit fini, et artisans qui effectuent les réparations.

Le moulin à papier de Brissac, un peu plus récent comme en témoigne le prix-fait daté de 1699, est l’œuvre du maître-maçon gangeois Claude Étienne, le commanditaire se nomme Jean-Baptiste de Roquefeuil, baron de Brissac. Plus modeste que la manufacture de Saint-Laurent, le moulin de Brissac emploie une dizaine d’ouvriers pour une seule cuve. Comme à Saint-Laurent, le papier fabriqué (8 sortes) est consommé en Languedoc, à Marseille et dans le Levant. Les enquêtes menées par l’intendance de Languedoc au sujet de la fabrication et du commerce du papier fournissent périodiquement des « états de situation » des papeteries. Depuis le début du siècle, l’obstacle majeur au plein rendement des manufactures demeure la difficulté d’approvisionnement en chiffons. En 1740, l’intendant publie une ordonnance défendant de faire sortir du Languedoc les vieux linges, les colles et autres matières nécessaires à la fabrication du papier, mais dès 1746, un arrêt rétablit le libre commerce des matières premières. Leurs papeteries manquant de la matière la plus essentielle, les propriétaires de Saint- Laurent et de Brissac, Messieurs de Sarret et de Villevieille s’associent afin de protester contre le privilège exclusif de l’Hôpital général de Montpellier de faire ramasser les chiffons du diocèse par ses pauvres : au lieu de fournir d’abord les papetiers voisins, les fermiers de l’hôpital exportent les pattes à l’étranger, causant ainsi un grave préjudice aux deux fabriques. Ces difficultés persistent jusqu’à la fin du siècle.

Dès leur construction, les moulins à papier sont loués à un fermier qui en assure le bon fonctionnement, la direction, et qui y loge avec sa famille (ainsi qu’avec certains ouvriers). Les conditions de location ne varient guère au fil des contrats : le fermier prend en charge la papeterie (et à Saint-Laurent le moulin à cuivre voisin) ainsi que les terres environnantes qu’il cultivera « en bon père de famille » pour plusieurs années (dans la plupart des cas, 6 ou 9 ans). La rente est payée tous les six mois, les dépenses occasionnées par la réparation du matériel, l’achat de nouveaux outils ; l’entretien des bâtiments est à la charge du fermier, seuls les dégâts importants causés par des catastrophes naturelles sont payés par le seigneur. Les fermiers sont, sauf exception, des gens du métier; à Saint-Laurent et à Brissac, certains ont commencé leur carrière au moulin et ont dirigé des papeteries jusqu’à la fin de leur vie (J.-B. Philis à Saint-Laurent, Guillaume Gout à Brissac,…).

Jusqu’en 1739, les papeteries ne sont soumises à aucun règlement ; à partir de cette année-là, la fabrication du papier doit obéir à des normes très strictes, les rames non conformes seront aussitôt détruites. Les maîtres-papetiers connaissent de grandes difficultés pour faire appliquer la loi par les ouvriers. Ces derniers sont regroupés en une Association qui maintient les anciens usages ou « modes », assez puissante pour imposer sa volonté aux maîtres contraints de s’y plier s’ils ne veulent pas voir leurs ateliers désertés. A partir des années 1770, la situation de l’industrie papetière se dégrade à cause de l’insubordination des ouvriers et en 1789 les troubles gagnent les papeteries de Brissac et de Saint-Laurent. Ballainvilliers ordonne l’ouverture d’une enquête sur les deux papeteries où les ouvriers « ont fait beaucoup de rumeur et de contrevenue d’une manière éclatante aux règlements, au point qu’ils se sont portés à condamner le sieur Gout, leur maître, à une amende de 300 francs qui a été modérée à 100 francs par les ouvriers de Saint-Laurent. Le fabricant craignant de voir déserter son atelier a payé cette amende qui a été employée par les ouvriers de l’une et l’autre fabrique à une espèce de fête… ». Les deux papeteries sont citées par les autorités comme les sièges de l’insurrection ouvrière. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1988

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Catherine FERRAS

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf