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Description

Les notes du Voyage sentimental en France et en Italie de Sterne,
par Paulin Crassous, censeur, traducteur, professeur éclairé

[Les attaches héraultaises de Jean François Paulin Crassous sont bien connues non seulement parce qu’il est né à Montpellier mais aussi parce qu’il appartient à une famille qui compte parmi ses membres Aaron Crassous (1746-1801) qui fut député et Président des Cinq Cents, et Marie Crassous (1780-1844), mère de Jules et Charles Renouvier. Paulin Crassous est moins connu par sa carrière de magistrat à la Cour des Comptes que par des œuvres diverses : un éloge de Michel Lepelletier et de Marat (1809), une étude sur le Rétablissement de l’ordre dans les finances (1800) et une Apologie des femmes (1806). Mais c’est sa traduction des œuvres de Sterne (1801) qui lui donne un intérêt bien au-delà des frontières de l’Hérault. J.-C. R.]

Jean-François-Paulin Crassous (1768-1829), qui naquit l’année de la mort de Laurence Sterne (1713-1768), a « accompagné » sa traduction du deuxième roman de celui-ci, A Sentimental Joumey through France and Italy (1768) de « notes historiques et critiques ». Ces notes occupent une partie du troisième tome de son ouvrage (p. 5-273). Une traduction des « Lettre dYorick à Eliza » occupe la fin du deuxième tome (189-239) et fait l’objet de notes (274-312). Le premier tome commence sur un avertissement (5-18) touchant en partie à l’art de traduire, suivi d’une « Notice historique sur la vie et les écrits de Sterne » (19-74) – qui fut l’un des romanciers les plus distingués, les plus originaux, et les plus imités de l’Angleterre du XVIIIe siècle, l’un des meilleurs illustrateurs littéraires de la mode « sentimentale ».

Les notes de Crassous, qui méritent amplement un examen attentif, brillent à la fois par la qualité technique des éclaircissements en matière de traduction de l’anglais en français, par leur mordant critique (à l’encontre des traductions existantes), par leur intérêt pédagogique et par une hauteur de vue de très bon aloi.

Crassous annonce dans son Avertissement du début que son entreprise est dictée par le désir qu’il a de donner au public une version du Voyage de Sterne plus fidèle et plus précise que celle de Joseph-Pierre Frénais (1769), premier traducteur du texte, et que celle de deux successeurs : il s’agit là d’un traducteur anonyme qui a légèrement modifié et amélioré le travail de Frénais (en 1799, voir 1.7-8), et d’un autre anonyme (dont il est beaucoup question dans les notes) qui n’a traduit que des extraits du voyage (voir 1.8-9).

Selon Crassous, Frénais « a retranché une infinité de détails qui lui ont paru minutieux ; intercalé des passages entiers qu’il a jugés nécessaires ; imaginé des transitions ; interverti jusqu’aux lieux où se passent les scènes » (1.6). Tout cela est vrai, et l’on peut aussi reprocher à Frénais, comme fait Crassous, d’avoir changé le nom de certains personnages en traduisant, et d’avoir par exemple fait passer Yorick par la Nouvelle Bretagne pour aller en Italie – alors que chez Sterne il traverse le Bourbonnais.

Crassous n’accuse pas sans preuves. C’est un homme précis dans sa critique des autres traducteurs, parfois agacé par le manque d’honnêteté de ceux-ci, notamment dans les cas d’omission. Il explique qu’il a dû faire une périphrase pour rendre le mot anglais « disqualifyng » (1.174), et ironise sur celui qu’il persiste à nommer l’« anonyme » qui, lui, « ne l’a pas rendu, selon sa louable coutume de sauter tout ce qui l’embarrasse » (3.119) – voir aussi 3.45-46 : « L’anonyme, pour ne pas être dans l’embarras du choix, a sauté cette phrase c’est effectivement plus simple. » Cette propension à la raillerie se retrouve lorsque Crassous se moque des contresens de son concurrent anonyme sur le mot « unreproaching » (1.197) : « Croira-t-on que l’anonyme a rendu ce mot par irréprochable ? C’est seulement le rebours » (3.133).

On remarque cependant un brin de discrétion dans la note de Crassous sur le mot sentimental : il fait à la vérité passer le mot en français sans le traduire, « je ne me suis fait aucun scrupule de l’adopter, parce qu’il [sic] est reçu depuis longtemps dans notre langue, surtout pour désigner l’ouvrage qu’on lit en ce moment » (3.30) ; et il oublie, ironiquement, de reconnaître sa dette envers Frénais qui avait annoncé dans la préface de sa traduction : « Le mot Anglois Sentimental n’a pu se rendre en François par aucune expression qui pût y répondre, et on l’a laissé subsister. Peut-être trouvera-t-on qu’il mériteroit de passer dans notre langue. » […]

Informations complémentaires

Année de publication

2001

Nombre de pages

3

Auteur(s)

Serge SOUPEL

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf