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Les impôts du roi et une famille de tanneurs en Languedoc au XVIIe siècle

Tous les historiens de la France de Louis XIV, et notamment du Languedoc, tels Emmanuel Le Roy Ladurie ou Georges Frêche, ont montré tour à tour, dans de nombreux ouvrages, chacun à leur manière, le poids considérable que la fiscalité royale, en très forte croissance au fil des années, faisait peser sur les populations de cette époque.

Même les historiens les plus admiratifs du règne, tel François Bluche, ou plus nuancés, tel Pierre Goubert, en conviennent aujourd’hui. Malgré l’augmentation de la pression fiscale au fil des dernières décennies du règne, et l’extension des assiettes imposables à des personnes ou à des biens non touchés aux époques anciennes (droit de timbre et autres expédients en 1675, capitation en 1695, etc.), la faillite de l’État sera totale en 1715.

Plusieurs années de budget avaient alors été déjà consommées par anticipation, principalement en raison des énormes dépenses militaires du royaume dont l’inflation ne cessait de croître depuis les années 1670. L’impasse financière était totale, trouvant son paroxysme avec la banqueroute du système fiduciaire mis en place par le financier Law dans les premières décennies du XVIIIe siècle.

Or, dès 1676, le déficit budgétaire des finances royales était de 24 millions de livres, soit à peu près les 27 millions de livres correspondant au montant estimé du produit intérieur brut (P.I.B.) de l’immense Languedoc d’Ancien Régime dont les 22 diocèses s’étiraient de Toulouse au Puy.

Gabelous et autres percepteurs, quelles que soient les époques, n’ont donc jamais eu bonne presse, tant hier, aux XVIIe ou XVIIIe siècles, qu’aujourd’hui. Et comment en aurait-il pu en être autrement dans la France de Louis XIV, à une époque où l’imposition royale n’avait de cesse de croître démesurément au fil des années, au gré des succès ou des désastres militaires comme des fastes, parfois pharaoniques, du royaume ?

Le don du roi (lire le don fait au roi), fut-il consenti par les États de Languedoc, était en effet impopulaire dans toute la province, et il ne pouvait bien évidemment que l’être, surtout en période de crise économique et sociale, puisque le principal impôt du roi, la taille, était alors fixé et réparti de manière fort inégalitaire, sans nullement tenir compte des réelles capacités contributives de chacun. Cette impopularité croissante, accrue par les difficultés de paiement rencontrées lors d’années particulièrement calamiteuses sur le plan agricole, sera à l’origine, en 1661-1665, dans la localité héraultaise de St-Guilhem-le-Désert, d’un vif incident local, inédit, qui opposera deux familles de notables du village, les Alibert et les Gilhet.

I – Le système fiscal au XVIIe siècle en Languedoc et à St-Guilhem

L’impôt direct du roi est au XVIIe siècle la taille, principale source de revenus de la monarchie. D’autres impôts directs, tels la capitation et le dixième viendront ensuite. La première dès 1695, aux lendemains de la grande famine de 1693-1694, de surcroît survenue en période de guerre. L’autre en 1710, quand la situation financière du royaume devint désespérée, une fois le pays ruiné par le terrible hiver 1709 et désormais empêtré dans la catastrophique guerre dite de Succession d’Espagne.

La taille, le seul impôt auquel nous nous intéresserons ici, est jusqu’à la Révolution un impôt qui porte en Languedoc, et dans quelques autres régions du sud de la France, sur les seuls biens fonciers roturiers, hors biens nobles et hors biens d’Église.

Créée en 1439, la taille est assise principalement sur les terres agricoles, les maisons et les installations de production les plus diverses (manufactures, moulins, etc.). Cet impôt, qui ne touche alors que les seuls propriétaires de biens roturiers, est proche par ses méthodes de calcul (ou plutôt de répartition), mais en schématisant à l’extrême, de nos actuelles taxes foncières perçues désormais par les collectivités locales.

Le « Code rural » de 1774, d’Antoine Gaspard Boucher d’Argis, en donne la présentation suivante : « En Languedoc, en Provence, en Dauphiné et en quelques autres lieux, la taille est réelle, c’est-à-dire qu’on impose tous ceux qui possèdent des terres dans la paroisse, à proportion seulement de la quantité des terres qu’ils y possèdent, et non pas eu égard à leurs facultés en général. Mais ces tailles réelles ne s’imposent que sur les héritages roturiers, de sorte que les nobles y sont imposés pour les héritages roturiers qu’ils possèdent, et les roturiers ne doivent rien pour leurs héritages nobles ». […]

Informations complémentaires

Année de publication

2006

Nombre de pages

30

Auteur(s)

Christian PIOCH

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf