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Description

Les cuisines de l’Hérault Pratiques alimentaires et culinaires
dans le Languedoc oriental

La notion d’étagement semble évidente lorsqu’on évoque la géographie de l’Hérault. Ce département présente en effet de ce point de vue une originalité certaine qui réside dans la présence de trois unités distinctes – mer/étangs, garrigues, montagne – qui se déploient sur une échelle relativement restreinte.

Pour autant, cette particularité géographique trouve-t-elle une correspondance en matière de pratiques alimentaires et culinaires ? Mange-t-on différemment sur le littoral et le pourtour des étangs, dans la garrigue et en montagne ? Chacune de ces zones possède-t-elle une ou des spécificités dans son registre alimentaire et culinaire ? Telles sont les interrogations qui ont guidé cette étude.

Cuisine littorale et cuisine lagunaire

Dans sa partie maritime, l’Hérault est méditerranéen. Dans cette zone où les populations italiennes sont venues s’établir à la fin du siècle dernier, l’écrivain sétois Jacques Rouré distingue deux types de cuisine : celle de la mer et celle des étangs. Considérée comme « spécifiquement sétoise », c’est-à-dire « italienne car importée par les pêcheurs de Sète originaires de la région de Naples », la première est essentiellement basée sur l’utilisation de poissons et de mollusques. Le plat emblématique de la cuisine sétoise, la bourride, est du reste un plat de poissons autour duquel s’est cristallisée une certaine revendication identitaire. La bouillabaisse, autre plat méditerranéen dont les Marseillais revendiquent volontiers la paternité, engendre elle aussi des querelles.

Dans les deux cas, la texture de la sauce accompagnant les mets est présentée comme un facteur déterminant qui garantit la spécificité régionale de ces deux plats. Albin Marty, auteur d’un ouvrage à caractère ethnologique amplement consacré à l’Hérault, note à propos de la bourride : « (…) chaque morceau doit emporter sa sauce » (A. Marty 1978). Le même type de remarque prévaut en ce qui concerne la bouillabaisse : « Il faut une sauce liée, assez épaisse, qui suive le morceau, ça c’est la bouillabaisse agathoise qui se fait sur toute la côte de l’Hérault », affirme un ostréiculteur en retraite résidant à Mèze.

A. Marty relève d’autres caractéristiques dans la « bouillabaisse languedocienne » : l’absence d’eau et de pommes de terre. Le vin blanc constitue en effet de façon quasi immuable la base du liquide de cuisson des ingrédients et d’élaboration de la sauce. Cependant, il ne se substitue pas totalement à l’eau mais s’y associe. Cette pratique qui semble assez généralisée dans l’Hérault possède toutefois ses détracteurs.

L’absence ou l’adjonction de pommes de terre dans la bouillabaisse relèvent quant à elles d’une polémique alimentée généralement par les restaurateurs, tant du reste dans le Languedoc que sur une partie du littoral provençal. En effet, les controverses qui naissent autour de la nature des ingrédients utilisés dans la confection de plats emblématiques tels la bourride et la bouillabaisse participent de ces processus de codification qui ont pour effet de figer et de fixer certains usages et d’imposer un modèle. Cependant, dans le cas des recettes précédemment citées, cette codification procède probablement moins d’une volonté de revendiquer et d’affirmer une identité que du désir de répondre à la forte demande de la population estivale via la promotion d’un produit connotant fortement l’« authenticité ».

Le caractère polémique de certaines pratiques afférentes à la confection des plats évoqués ci-dessus est beaucoup moins marqué vis-à-vis de préparations pourtant tout aussi ancrées que les deux premières dans la cuisine locale. En effet, « le court-bouillon du pêcheur », « l’eau-sel » ou « la bouillarde », recette à base de poissons, sont perçues par les acteurs comme étant « traditionnelles » mais ne suscitent pas de controverses. Et curieusement, la querelle née autour de la pomme de terre censée « atténuer le goût du poisson » dans la bouillabaisse n’a plus cours lorsqu’on évoque le « court-bouillon du pêcheur » ou « l’eau-sel », deux composantes de la cuisine quotidienne. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1998

Nombre de pages

11

Auteur(s)

Brigitte POLI

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf