Les Chantiers de la Jeunesse dans le Languedoc, 1940-1944

— Cet article a été publié pour la première fois, en anglais, dans la revue French Historical Studies, XIII, 1, printemps 1983, p. 106-126, qui a bien voulu nous autoriser à le publier à nouveau (autorisation de Diane Grosse, de juillet 2009). La traduction en français, revue par l’auteur, a été établie par M. J. Péricard et nous en devons la communication à M. Laurent Battut. A tous nos meilleurs remerciements.

L’importance des camps de jeunes obligatoires du Régime de Vichy, les Chantiers de la Jeunesse, est reconnue à la fois par les témoins et par les historiens. Certains de ceux qui ont vécu l’expérience des Chantiers ont relancé et développé l’Association des Anciens des Chantiers de la Jeunesse (A.D.A.C.) qui vise à maintenir l’esprit de camaraderie et le brassage social qui ont caractérisé certains Chantiers. L’existence même de l’A.D.A.C. présente un double intérêt pour les historiens historiographiquement, par le désir tacite qui est le sien de défendre et de justifier l’expérience des Chantiers ; méthodologiquement, par le réseau potentiel qu’elle constitue d’hommes disposés à partager leurs souvenirs d’une histoire vue « de l’aval ».

Pendant les deux dernières décennies, les historiens, d’une part, ont étudié les Chantiers comme une tentative du régime de Vichy d’assurer le brassage social de sa jeunesse 1 et son intégration à l’idéologie de la « révolution nationale », et, d’autre part, considéré l’institution sous l’angle plus large des relations de Vichy avec l’Allemagne 2. La plupart des chercheurs se sont interrogés sur les intentions des politiques au niveau national et sur la réponse donnée par les chefs des Chantiers sur l’évolution au fur et à mesure du rôle des camps. Durant les années 60, le ton du débat sur les Chantiers fut particulièrement dur en France avec des affirmations contradictoires sur la question de savoir si le Régime avait sacrifié ou défendu la jeune génération.

R .Hervet prétend que les Chantiers ont protégé les jeunes des projets allemands et finalement constitué le noyau d’une armée française secrète 3, alors que R. Gosse soutient qu’ils ont été un instrument d’endoctrinement destiné à neutraliser la jeunesse 4. Dans les années 70 et 80 les historiens américains et anglais sont entrés dans le débat. R. Paxton soutint que les Chantiers avaient fourni une main d’œuvre docile pour travailler en Allemagne et, plus récemment, W.D. Halls prétendit que la vigueur de l’intention militaire, probable à l’origine, avait considérablement varié en fonction des dirigeants des Chantiers 5.

Le présent article est, à la fois, un prolongement du débat en cours, permis par l’accès à des sources originales jusqu’ici inaccessibles, en même temps qu’une tentative de poser de nouvelles interrogations sur deux problèmes qui n’ont pas jusqu’ici retenu sérieusement l’attention. Le premier porte sur la nature des relations entre les Groupements pris un à un et le milieu rural spécifique dans lequel ils étaient implantés, à travers l’étude des camps d’une même région. Cette approche permet de soulever des questions intéressantes sur la pénétration de l’idéologie de Vichy dans les campagnes au travers de l’influence des Chantiers et, réciproquement, la capacité des Chantiers d’être marqués par le climat politique réel de la région dans laquelle ils étaient implantés. L’impact des Chantiers est analysé non seulement sous l’angle de leur propre logique mais aussi au travers de leurs contacts avec la préfecture, l’église et la population locale. Le choix du Languedoc comme région d’étude est importante : trois des huit Groupements qu’elle comprenait étaient considérés par le Commissariat Général comme étant parmi les huit Groupements les moins bons des cinquante deux que comptait la France de Vichy. Cet article explore les raisons de cet échec singulier.

Le second est complémentaire du premier : l’essentiel de ce que nous savons sur les Chantiers provient de leurs archives officielles 6 et, en particulier, des rapports bimensuels établis par chacun des cinquante deux Groupements. L’image qui s’en dégage correspond essentiellement à la perception d’hommes ayant un état d’esprit militaire que leur foi dans la « Révolution Nationale » a conduits à emprunter sa rhétorique et à adopter ses principes. Les rapports des Préfets ont permis d’en savoir davantage sur ce qui se passait dans les Chantiers mais la réalité de la vie de ceux qui y vivaient sous l’uniforme est restée pratiquement insaisissable. La partie sauvegardée des archives de la Censure Postale 7 (Commission de Contrôle Postal) qui interceptait une grande quantité de lettres fournit une source essentielle pour l’étude de la réaction populaire envers Vichy. L’analyse très détaillée des lettres parvenant aux Chantiers ou en provenant constitue un moyen inattendu de mesurer l’importance que le Régime attachait aux Chantiers et un gisement extrêmement riche de témoignages matériels sur la vie dans les camps. Ces éléments complétés par l’analyse attentive des interviews d’hommes qui ont connu la vie des Chantiers permettent de comprendre l’ampleur du fossé entre la vision du fondateur des Chantiers, le Général de la Porte du Theil, et la réalité de tous les jours qu’éprouvaient les hommes dans les camps.

L’importance des Chantiers comme moyen choisi par Vichy pour assurer la socialisation de sa jeunesse ne doit pas être sous-estimée. C’était la seule institution du Régime dans laquelle le passage était obligatoire et il y eut en permanence entre 90.000 et 100.000 hommes qui y accomplissaient leur temps de service. Dans les mouvements de Jeunesse, pourtant très fortement soutenus par le Secrétariat Général à la Jeunesse qui contrôlait leurs activités, le volontariat est toujours resté la règle du recrutement ce qui n’a jamais attiré plus de 15 % des jeunes Français 8.

La décision de faire subir à tout Français de 20 ans un stage de formation civique d’une durée initialement fixée à six mois, découlait de la situation créée par la défaite militaire française de juin 1940 en même temps que de la conviction de certains officiers que l’armée pouvait jouer un rôle important pour préserver l’ordre social en rééduquant les jeunes Français. Parmi les débris humains de la débâcle de juin 1940, il y avait 92.000 jeunes recrues appelées juste avant la signature de l’armistice. Ils n’avaient connu de la défense nationale que l’amertume d’une retraite désordonnée, des officiers incapables et l’humiliation d’une défaite. Ils ne pouvaient ni être démobilisés pour retourner à la vie civile puisque nombre d’entre eux avaient perdu maison et famille, ni rester dans l’armée en raison même des clauses de l’armistice. Certains avaient perdu ou abandonné leur uniforme, séparés qu’ils étaient de leur unité et, à la recherche de nourriture, ils s’étaient mis à piller.

La mission de donner à ces hommes une occasion plus positive de servir la Nation fut confiée au général Paul de la Porte du Theil, un ancien commissaire régional scout de 56 ans, qui avait commandé le VIIe Corps d’Armée jusqu’à l’armistice. Comme beaucoup de ses compagnons officiers qui allaient jouer un rôle important dans les politiques de la Jeunesse à Vichy 9, de la Porte du Theil croyait que les idéaux scouts de service de la communauté, de loyauté, d’initiative hardie et d’auto-discipline pouvaient être utilisés ensemble pour régénérer la Nation à travers sa jeunesse.

C’était une vision qui se mariait parfaitement avec l’idéologie du nouveau Régime telle qu’elle apparaissait au travers de ce qui s’appelait la Révolution Nationale, résumée en trois mots : Famille, Travail, Patrie.

Dans le climat de « mea culpa » qui régnait après la défaite, ces mots conservaient pieusement des concepts qui n’étaient pas seulement chers à la Droite mais qui semblaient offrir à une Nation en deuil un plus grand réconfort que la trilogie républicaine discréditée de Liberté, Egalité, Fraternité. Au cœur du projet de la Porte du Theil, il faut voir une conception du travail organisé de telle façon que les hommes appelés dans les Chantiers serviraient la Communauté et développeraient en eux-mêmes un sentiment de fierté natio-nale. Mais lorsque de la Porte du Theil rappela cet objectif en fondant les camps où le service national devait être accompli, il dit que puisque la conscription avait été abolie les « jeunes Français n’auraient pas l’occasion d’être élevés ensemble et soumis à une discipline collective et que ce sérieux recul ne manquerait pas d’accroître le désordre » 10. Ce mélange d’espoir et de crainte caractérise le souci de Vichy d’assurer l’intégration idéologique et la socialisation des jeunes.

Fin juillet 1940, des lois furent adoptées qui rendirent obligatoire le service dans les Chantiers de la Jeunesse. Pour beaucoup de jeunes qui espéraient leur démobilisation et le retour à la vie qui était la leur avant la débâcle, ce fut une cruelle désillusion. Au lieu d’un retour « chez eux », ils découvraient qu’on les dirigeait vers des lieux écartés loin des villes de la France non occupée où on leur ordonnait d’installer un camp.

En Languedoc, il y eut à l’origine six Groupements : le n° 6 à Marvejols (Lozère), le n° 19 à Meyrueis (Lozère), le n° 18 au Vigan (Gard), et les n° 23, 24 et 25 dans l’Hérault, respectivement à Saint-Pons-de-Thomières, Lodève et le Bousquet d’Orb. Ils constituaient ensemble l’une des six Provinces se partageant le territoire de la France de Vichy quand les Chantiers devinrent permanents à partir de janvier 1941 avec une durée de service portée de six à huit mois. En juillet 1941 furent créés deux nouveaux Groupements : le n° 35 à Labruguière (Tarn) et le n° 45 à Anduze (Gard).

Au tout début des Chantiers, les chefs sur le terrain trouvèrent que les idéaux du fondateur devaient être tempérés par des expédients provisoires pour répondre aux réactions des hommes et venir à bout de la méfiance des habitants. A plusieurs reprises, le sentiment d’injustice que ressentait la troupe se transforma en révolte ouverte devant l’insuffisance des approvisionnements en nourriture et la dureté de la discipline militaire. Au Groupement 25, dans la région minière du Bousquet-d’Orb, dans le nord de l’Hérault, vingt appelés refusèrent d’obéir à leurs chefs et les insultèrent, prétextant l’insuffisance des rations 11. Ils pillèrent le magasin de vivres, tentèrent de fomenter une révolte et dix d’entre eux abandonnèrent le camp. La pénurie de vêtements, des conditions météorologiques épouvantables et des « chefs d’équipe » sans envergure continuèrent à faire baisser le moral dans ce camp et aussi bien dans d’autres du même secteur pendant l’automne et l’hiver 1940.

De Saint-Pons-de-Thomières, dans la région boisée de l’Hérault, des rapports faisaient état d’absences illégales et de plaintes déposées à la Gendarmerie. Des rumeurs parvinrent à Montpellier selon lesquelles 80 % des jeunes étaient malades à cause de la piètre qualité de la nourriture 12. Le Chef de Groupement, cependant, mettait ses difficultés sur le compte de deux autres facteurs connexes : la latitude donnée aux hommes de quitter le camp pour aider aux travaux agricoles et l’attitude hostile des habitants.

De nombreux jeunes demandèrent à partir pour travailler sur les exploitations familiales où la main d’œuvre manquait car les agriculteurs prisonniers de guerre n’avaient pas encore été libérés. Ces permissions étaient généralement accordées car l’encadrement voulait soigner l’image de marque des Chantiers dans la région.

Cependant, à Saint-Pons-de-Thomières, des rapports officiels prétendaient que ces arrangements non seulement retardaient la restauration du moral de ceux qui en bénéficiaient, mais les rendaient plus critiques encore à l’égard de la vie menée au camp. Chez eux, ils étaient en contact avec des idées qui « n’étaient pas toujours très saines » et avec des gens « désireux de leur montrer que tout ce qu’on leur apprenait au camp était stupide ou inutile » 13. La référence à « des idées malsaines » était une allusion directe au fait que Saint-Pons-de-Thomières était une place forte traditionnelle de la Franc-maçonnerie, bannie par le Régime de Vichy comme étant à la fois républicaine et anticléricale. En effet, à quelque temps de là, après une inspection officielle du Groupement, il fut noté que « Saint-Pons constituait un milieu particulièrement hostile, dont la population avait conservé son ancienne mentalité et mettait tout en œuvre pour discréditer le Groupement » 14. La réussite pour un Groupement ne dépendait pas seulement de la valeur de l’organisation, de l’aptitude, de l’encadrement, de la qualité de la nourriture et du caractère utile des travaux mais aussi du contexte spécifique dans lequel il se trouvait. Là où les traditions politiques rendaient les paysans et les ouvriers hostiles à l’autoritarisme de droite de Vichy, les Chantiers étaient souvent accueillis très froidement

Au Groupement 25 au Bousquet-d’Orb, un rapport d’octobre 1940, peu après la révolte du pain, faisait état de l’existence d’une « propagande communiste émanant probablement de la cellule communiste de Camplong » et, ultérieurement, le Chef de Groupement signala au Commissariat Général « l’attitude antinationale de certains civils plus ou moins liés à l’Administration » 15 faisant sans aucun doute allusion aux autorités locales qui, dans cette région industrielle étaient « Front Populaire ». Il y avait toutefois dans cette ville entre les différentes catégories de ceux qui étaient hostiles aux Chantiers une sorte d’alliance d’intérêts inhabituelle. Des propriétaires terriens, pourtant foncièrement anti-communistes, se plaignaient des Chantiers comme cet homme qui, refusant de louer sa terre au Groupement et menacé de réquisition, organisa une pétition pour demander la suppression du camp, disant, entre autres choses, « qu’on n’aurait jamais dû installer un Chantier de Jeunes dans une zone industrielle ». Dans de tels lieux, et le Bousquet-d’Orb ne fait pas exception, les Jeunes ont été corrompus par des idées subversives et atteints par le « virus communiste » 16. En fait les raisons de cet homme pour ne pas aimer les Chantiers ne sont qu’une partie d’un ensemble beaucoup plus étendu de motifs animant ceux qui détenaient ou travaillaient la terre.

Bien que les paysans aient été d’accord avec Vichy pour la promotion des vertus de la France rurale, leur attitude était fortement influencée par l’intérêt qu’ils pouvaient en retirer. De nombreux exemples dans l’Hérault l’attestent. Ce qui s’était passé près du Bousquet-d’Orb n’était pas exceptionnel. Dans les deux hameaux de Gours et de Pascals, les habitants se plaignirent à la Préfecture de Montpellier parce que les jeunes avaient fait leur toilette dans les « bassins » traditionnellement réservés au lavage de linge. Ils étaient accusés de voler des fruits, de laisser les sites des camps dans un état lamentable et d’avoir refusé d’évacuer une boutique et une étable louées. Dans une lettre de protestation au Préfet de Montpellier, les villageois disaient qu’ils étaient écartés de lieux où leurs ancêtres avaient vécu pendant de longs siècles. Mais le Chef de Groupement dans sa réponse à la Préfecture avança une autre explication à cette opposition : « sous le prétexte que les Chantiers de Jeunesse sont une institution d’État, bien des gens demandent des indemnités pour des raisons peu fondées. J’affirme que personne, que ce soit à Gours ou à Pascals, n’envisage vraiment de quitter son petit « hameau natal » car les propriétaires s’arrangent toujours pour tirer profit de notre présence (les Jeunes vont souvent les aider). Ces conflits mineurs pourraient être réglés à l’amiable si les villageois n’étaient pas aussi grippe-sous : en fin de journée, leurs plaintes sont toujours suivies d’une demande de compensation en liquide » 17.

En Lozère, des preuves existent que de petites exploitants agricoles locaux surent, d’une façon ou d’une autre, tirer partie des Chantiers de Jeunesse. Lorsque le Chef de Groupement 6 à Marvejols proposa le transfert de ses camps sur un autre site, au motif qu’il n’y avait pas sur place assez de travail qui soit à la fois « éducatif pour les Jeunes et utile pour le Pays », un propriétaire local écrivit au Ministre de la Jeunesse à Vichy, en ces termes : « au nom de toute la population, je vous supplie de nous laisser notre camp de Jeunes. Dans cette région nous avons besoin d’une main d’œuvre vigoureuse pour cultiver et travailler les terres laissées à l’abandon. Si vous nous enlevez nos jeunes hommes, vous donnerez son sens plein à l’adage local : Lozère, pays de misère ». En cherchant à se faire indemniser pour de prétendus dommages ou en utilisant l’abondante réserve de main-d’œuvre bon marché et docile que représentaient les Chantiers, les paysans languedociens essayèrent de préserver les avantages matériels et tangibles que leur apportaient les camps de jeunes de Vichy. Comme nous le verrons, cette attitude caractérise la manière dont la population considérait la Révolution Nationale.

En face de telles attitudes, les Chefs de camps réagissaient de deux manières. Certains commencèrent à percevoir que leur mission était plus qu’un souci de formation des hommes placés directement sous leur responsabilité. Ils croyaient qu’ils devaient essayer de faire passer aux gens du pays avec lesquels ils entraient en contact le message du Régime sur l’abolition des classes. A Marvejols, après qu’une inspection officielle eut enjoint aux cadres de « remonter leurs chaussettes » 19, un week-end de ski fut organisé pour les Chefs d’équipe dans un autre lieu pour leur remonter le moral. Les paysans qu’ils rencontrèrent se montrèrent amicaux et l’expérience fut clairement ressentie comme positive non seulement pour les Chefs d’équipe mais aussi comme moyen de faire passer la propagande de Vichy. Le Chef de Groupement dans son rapport au Commissariat des Chantiers déclara : « En plus des avantages spécifiques attendus dans la formation de nos Chefs d’équipe, nous pensons que nous pouvons aussi propager la doctrine de la Révolution Nationale dans les régions isolées et inaccessibles. Nous avons déjà œuvré en ce sens et croyons que le résultat a été positif » 20.

D’autres Chefs de Groupement réagirent en consacrant tous leurs efforts à l’organisation du travail, « facteur essentiel du soutien du moral » 21, d’après l’un d’eux. Pour une part, ce souci découlait des idées de Vichy car, d’un côté, le concept « travail » était privilégié dans la Révolution Nationale et coincidait de surcroît avec la mission qu’avaient les Chantiers de donner aux jeunes des tâches d’intérêt général. En outre des Commissaires de haut grade avaient dans les Chantiers la charge de tirer partie de la valeur éducative du travail ; même de simples corvées manuelles étaient considérées comme pouvant procurer un enrichissement spirituel. Un visiteur du Groupement 24 à Lodève résuma cette idée en ces termes : « La valeur éducative de certaines activités est frappante. Pour libérer la nouvelle génération d’idées fausses (l’argent crée le travail, on ne peut rien entreprendre sans subvention de l’État), il n’y a rien de mieux que de leur montrer qu’en prenant la peine de se baisser pour ramasser et entasser des pierres ou du petit bois comme un simple manœuvre, on obtient une véritable richesse que l’argent ne peut jamais apporter » 22. Ces principes conduisirent à proclamer que le travail physique contribuait à développer l’esprit d’équipe chez des hommes d’origines sociales différentes tout en améliorant leur forme 23. Mais les Chefs de camps avaient des raisons un peu moins élevées d’insister sur la dureté du travail. Face à des recrues peu motivées, dans un contexte inamical avec l’équivoque sur la différence entre les Chantiers et le Service militaire, ils s’en remettaient à leur intuition qui les poussait à croire qu’il valait mieux agir que penser 24, qu’il était nécessaire de maintenir les hommes occupés et que la méfiance de la population locale pouvait être dissipée par le constat que les hommes travaillaient durement. La nature des travaux variait avec la topographie, le climat et le type local de culture. Contrastant avec la Lozère où les chantiers de forestage étaient très nombreux, le département de l’Hérault était une région de grands vignobles. En 1939, on y produisait 14,6 millions d’hectolitres de vin, le quart de la production totale française 25. La cueillette du raisin avait une importance vitale pour l’économie locale et certains Chefs de camp virent là une occasion favorable pour nouer de bonnes relations publiques. Des jeunes du Chantier du Bousquet d’Orb furent envoyés pour aider aux vendanges dans ce que leur Chef appelait « les villages rouges autour de Béziers et de Pézenas ». Il rapporta que leur travail acharné avait eu « un impact appréciable sur les éléments sains de la population qui avaient maintenant le sentiment qu’il y avait quelque chose de rassurant dans les activités des Chantiers 26.

Cependant cette tentative d’amélioration du climat n’a pas été perçue sans méfiance par les viticulteurs les plus proches du Bousquet-d’Orb qui ne pouvaient comprendre pourquoi ils ne recevaient pas le même soutien que leurs voisins plus au sud. Le Chef de Groupement déclara dans son rapport que le sentiment qu’ils avaient d’une injustice risquait de créer de « nouveaux problèmes ». Tant que les Chantiers lui procuraient des avantages financiers directs, la population locale les acceptait et cela resta vrai tout au long des années 1940, 1941 et 1942. Un rapport de février 1942 émanant d’un camp nouvellement installé à Anduze dans le Gard, formula ce constat ainsi : « Il n’y a pas lieu d’avoir la moindre illusion ; pour certains paysans la Révolution Nationale n’a de valeur que pour autant qu’elle leur procure des avantages » 28. Si les Chefs des Chantiers avaient été les seuls à se plaindre de l’attitude égoiste et de l’obstruction des paysans, on pourrait penser qu’ils cherchaient des excuses à leurs propres échecs, mais,en fait, cette vue s’appuie sur une masse de preuves tirées de lettres interceptées et de rapports des services de renseignements rassemblés par les autorités de Vichy 29. Ces sources montrent ainsi qu’un autre facteur intervenait dans les rapports entre les nouvelles institutions du Régime comme les Chantiers de Jeunesse et les populations des départements de la Lozère, de l’Hérault et du Gard 30.

De nombreux fermiers, particulièrement dans le nord de l’Hérault et dans la Lozère, avaient une tradition d’indépendance qui se caractérisait parfois par un rejet du Gouvernement et des intrusions de ses représentants. La suspicion locale à l’égard des intrus se renforçait par le fait que ceux qui assuraient l’encadrement des Chantiers étaient considérés comme des agents de l’État relativement bien payés pour un travail dont la valeur n’était pas évidente. Employer le produit des impôts pour financer la formation morale de jeunes de vingt ans en un moment où l’absence des ouvriers agricoles prisonniers de guerre se faisait sentir n’avait aucun sens pour des paysans réalistes vivant dans les départements pauvres du Midi.

C’était une aide concrète qu’ils demandaient sous forme d’un ou deux ouvriers pour quelques jours à la suite, mais c’était précisément ce que leur refusaient les Chantiers, disposés seulement à mettre à leur disposition sur le terrain des équipes qui pourraient être plus efficacement organisées par leur encadrement des Chefs de Chantiers et qui seraient ainsi mieux protégées de ce que de la Porte du Theil appelait « l’influence néfaste de certains milieux » 31. L’abîme séparant la conception qu’avaient les Chantiers du travail comme un élément fondamental de la doctrine nouvelle et les besoins pratiques des paysans du Languedoc est un exemple des raisons de l’échec du Régime dans ses relations avec ses partisans potentiels.

En même temps, il est tout à fait clair, à l’image de ce qui s’est produit au Groupement 19 en Lozère, que la conception qu’avait l’encadrement du travail et de la manière de l’organiser n’avait aucun rapport avec la notion de rééducation par le travail que de la Porte du Theil avait envisagée. En effet, l’intention première qui avait été de ne consacrer au travail qu’une demi-journée, le reste du temps étant réservé à l’éducation physique, la formation technique et le développement intellectuel 32 ne fut jamais appliquée dans le Languedoc. Le forestage, souvent neuf heures par jour en 1942, domina entièrement l’emploi du temps de la journée dans les camps, interdisant tout autre activité. De nombreux étudiants appelés aux Chantiers furent déçus, ce que l’un d’eux exprima en signalant « l’énorme différence qui persiste entre la conception des Chantiers décrites dans le livre du Général de la Porte du Theil et la réalité où la place laissée à l’éducation morale et à l’instruction est réduite à rien » 33. Le courrier intercepté fournit de multiples preuves que les longues heures de forestage, la température de 15° au-dessous de zéro dans les baraques en hiver et l’insuffisance de nourriture ont développé parmi les jeunes un mauvais esprit qui provoquait une rigoureuse réplique disciplinaire de l’encadrement. Face au mécontentement né chez des hommes décrits (pourtant) par un responsable comme de « dociles méridionaux » de nombreux chefs eurent recours à des solutions qui avaient été efficaces à l’époque du Service militaire 34. A la première manifestation d’indiscipline, les hommes étaient tondus publiquement et enfermés en prison dans le camp ou astreints à un travail supplémentaire. Pendant l’année 1941 la dureté d’un stage rendu obligatoire par le Régime commença à politiser les jeunes conscrits. L’expression amèrement ironique de « Belle Révolution Nationale » employée par un homme du rang représente exactement les points de vue exprimés dans le courrier adressé aux amis et à la famille. Aux plaintes concernant la nourriture et à l’irritation croissante suscitée par les corvées de la vie du camp s’ajoutaient maintenant des critiques de nature plus nettement politique. En prévision de la visite de Commissaires des Chantiers, les Chefs du Groupement de Meyrueis entraînèrent leurs hommes à chanter l’hymne national de Vichy, opération qui conduit un appelé à écrire : « je vais devoir chanter l’hymne du Maréchal quand ces Messieurs arriveront. Dire que j’en suis réduit à çà » 35.

S’appuyant sur l’analyse bimensuelle de la correspondance des hommes interceptée par la censure postale, le Préfet écrivit au Commissaire Général des Chantiers que de nombreux jeunes du Groupement étaient « enco-re imprégnés des idées du Front Populaire » 36. En fait, ce que les lettres des hommes montrent c’est que l’intérêt qu’ils avaient éprouvé au départ à l’égard d’un Service National avait fait place à une cruelle déception en raison de l’inutilité du travail et du sévère autoritarisme de nombreux Chefs. C’était cela qui avait détruit la motivation des hommes et donné un caractère politique à leurs récriminations.

L’importance donnée au travail dans les Chantiers eut un autre effet quant à la politisation des hommes du Groupement. Les dépenses physiques du travail en plein air provoquaientt un besoin de nourriture et de sommeil qui tuait souvent tout intérêt pour ce qui était étranger aux Chantiers. Cette dissuasion recherchée, particulièrement à l’égard des questions politiques, était tout à fait dans la note du « neutralisme » politique insipide qui caractérisait l’idéologie des Chantiers du Languedoc.

Ce que révèlent les lettres des cadres et des hommes c’est que, dans les Chantiers du Languedoc, il y avait relativement peu d’endoctrinement politique déclaré. Il est clair, par ce que l’on sait des différents Groupements du secteur et du Commissariat Régional à Montpellier, que l’encadrement souhaitait promouvoir un attachement viscéral à la personne de Pétain et aux principes généraux de la Révolution Nationale 37.

Parfois, comme au Groupement 18 au Vigan (Gard), cela permettait de montrer sans équivoque aux Jeunes l’opposition aux Anglo-Gaullistes 38. Bien plus significative encore fut la tentative délibérée d’empêcher toute discussion politique. Pour une part, il s’agissait là d’une réaction qui n’a rien de surprenant venant d’hommes dont la vision du monde faisait peu de place à la politique et encore moins à la politique liée au Front Populaire. Le Bulletin du Groupement 23 : Malgré est un exemple typique de la pression faite sur les Jeunes pour qu’ils ne spéculent pas sur les développements de la politique extérieure parce que « en aucun cas les opinions personnelles ne sont susceptibles de changer quoi que ce soit » 39. Quant aux mesures du Régime contre les Juifs, les Francs-maçons et autres, le mieux était de « laisser à d’autres, mieux qualifiés, le soin d’épurer et de punir Ces efforts pour décourager la responsabilité personnelle et la manifestation d’un intérêt à l’égard des affaires gouvernementales étaient renforcées par l’emploi du temps journalier dans les Camps. L’analyse mensuelle de la Commission de Contrôle Postal en 1942 et 1943 est extrêmement éloquente sur ce point.

Tandis que les lettres des « Chefs » montrent l’importance qu’ils attachent à l’obéissance, à la Révolution Nationale et à la nécessité pour les hommes de « servir » leur Pays, la préoccupation dominante des hommes a pour objet la nourriture, le travail et la discipline. L’analyse des lettres était faite de manière à présenter ce qui dans le texte était hostile ou favorable. Une analyse distincte était effectuée pour les hommes et pour les « chefs ». Le courrier des « chefs » évoquait plus souvent la Révolution Nationale mais leurs commentaires sur tous les aspects de la vie du camp étaient généralement positifs. A l’opposé, l’obsession des hommes à l’égard de la nourriture – décrite par l’un des conscrits ainsi : « il n’y a ici qu’un seul but : manger » 41, les conduisaient souvent à critiquer les portions inégales que les Chefs s’attribuaient ou les prélèvements injustifiés de nourriture qu’ils opéraient sur la part destinée aux hommes. Il y a un très fort degré de concordance entre ce constat de l’époque et les souvenirs récemment recueillis auprès de quelques anciens des Chantiers. Ceux qui occupaient des postes de commandement évoquent l’exercice des responsabilités, l’utilité du travail bien fait et le brassage social que permettait « la dure mais généreuse vie des Camps » 42. Ceux qui n’avaient pas choisi cette vie rappellent, de leur côté, la rigueur et la dureté qui faisaient de la vie aux Chantiers une expérience que l’on cherchait à accomplir en évitant les souffrances autant qu’on le pouvait et à terminer le plus vite possible 43.

Bien que les Groupements 18, 19 et 23 fussent considérés par l’État-Major des Chantiers comme les plus mauvais de France, dans deux des Chantiers du Languedoc, des Chefs doués réussirent à convaincre, à la fois, les jeunes et la population locale que les Chantiers pouvaient cependant constituer une utile expérience de Service National. Les Groupements 45 à Anduze dans le Gard et 24 à Lodève dans l’Hérault étaient relativement bien intégrés dans leurs lieux respectifs d’implantation et continuèrent jusqu’en 1943 à noter dans leurs rapports le sentiment qu’ils avaient intérêt à leur existence. Le cas d ‘Anduze est particulièrement intéressant : sa proximité de la zone minière d’Alès et sa tradition de vote à gauche ne semblaient pas constituer un cadre favorable aux institutions de Vichy. En fait, trois raisons expliquent la réussite du Chantier local : d’abord, le Groupement, implanté en mai 1941, fit l’économie des désastres que connurent tous les autres Groupements durant ce dur premier hiver au cours duquel des appelés qui n’avaient pas le feu sacré servirent de cobayes à un encadrement sans expérience et firent souvent une fâcheuse impression sur la population locale. Deuxièmement, les bonnes relations entre le Groupement et cette population locale devaient beaucoup aux services rendus par les Chantiers à la communauté des habitants, depuis la lutte contre le feu en août 1942, mois exceptionnellement sec, jusqu’à l’aide aux vendanges cet automne-là 44. Enfin, un témoignage supplémentaire peut être tiré des archives locales des Compagnons de France, mouvement de Jeunesse qui partageait l’idéologie des Chantiers, témoignage selon lequel les organisations de Jeunesse étaient vigoureusement patronnées par la Légion par le truchement des responsables municipaux nommés par Vichy, ceci étant un moyen de contenir l’influence communiste dans cette partie gauchisante du Gard 45.

Au Groupement 24, l’environnement politique était différent mais tout aussi sympathisant. Lodève était située dans une région de l’Hérault où l’Église avait une influence et où les paroissiens considéraient le prêtre comme l’assistant social du « parti blanc » et la religion comme le monopole d’un parti où les républicains n’avaient pas leur place 46. L’approbation qu’accordait l’Église aux efforts de Vichy pour rééduquer des jeunes dans les Chantiers contribua très fortement à la réussite du Groupement 24. Mais à son soutien l’Église mettait deux conditions : la première était que Vichy autorise les mouvements confessionnels à poursuivre leur activité et la seconde que les aumôniers disposent de postes permanents dans le personnel des Chantiers. Cette alliance d’intérêts se maintint fermement jusqu’au milieu de 1942 lorsque l’antisémitisme de Vichy et ses projets d’un mouvement national unique de Jeunesse, les Équipes Nationales, commencèrent à conduire l’Église catholique à prendre ses distances vis-à-vis du Régime 47. Un des signes de cette évolution fut le retrait du soutien de l’Église aux Chantiers, phénomène qui, comme nous le verrons, fut particulièrement perceptible en 1943.

Malgré la réussite relative des groupements 45 et 24, la conclusion des inspecteurs du Commissariat Général des Chantiers fut que les Groupements du Languedoc n’avaient pas, et de loin, rempli leur mission de régénération nationale. En fait trois de ces Groupements furent l’objet de critiques particulièrement sévères : Saint-Pons-de-Thomières, Le Bousquet-d’Orb et Meyrueis étaient considérés comme les pires dans l’ensemble de la France de Vichy 48. Ce qu’on sait jusqu’à maintenant laisse entendre qu’à Saint-Pons-de-Thomières et au Bousquet-d’Orb ce sont le milieu politique hostile et l’obstruction calculée des paysans qui sapèrent avec succès le moral des camps. Au Groupement 19 à Meyrueis dans la Lozère, les effets cruels d’un climat rude et l’obsession stupide du travail manuel contribuèrent à politiser des jeunes hommes venus de l’Hérault et du Gard qui étaient peu enthousiastes pour ce que l’un d’eux décrit comme « un mélange de prison et de camp de travail » 49.

Entre l’installation des Chantiers du Languedoc en septembre 1940 et leur inspection par le Commissariat Général en mars 1942, il est évident que leur succès inégal démontrait, d’une part, le degré différent de réceptivité politique des campagnes à la Révolution Nationale et, d’autre part, la manière dont la vision de la Porte du Theil avait été déformée par les facteurs locaux et l’inexpérience des Chefs de camp. L’échec de presque la moitié des Groupements de la région avait pour causes, en partie, la résistance locale aux institutions du régime et, en partie, l’obsession des Chefs pour « une soumission hébétée au travail et à la discipline » 50. La nature de l’opposition venant de la population locale et des jeunes du camp variait selon le lieu et se modifia au fil du temps. Entre avril 1942 et le début de 1944, les problèmes qui affectèrent la vie dans les Groupements furent autrement plus dramatiques.

Il avait toujours été dans les intentions de la Porte du Theil de voir les Chantiers contribuer à restaurer la fierté et l’amour propre nationaux après la défaite de juin 1940. L’importance donnée à l’ordre et à l’hygiène dans les camps fut assortie d’instructions détaillées sur la manière dont les jeunes devraient défiler en public. L’une des dernières occasions qu’eurent les Chantiers du Languedoc de jouer un rôle pour apporter de l’espoir à une population locale qui devenait de plus en plus fatiguée et déprimée par le manque de nourriture et les restrictions, se présenta en septembre 1942. En présence des représentants locaux de l’État de Vichy et une foule de plusieurs milliers de personnes, les Chantiers de la région défilèrent à Mende, siège de la Préfecture et de l’Évêché. La manière dont les services d’interception postaux surveillèrent la réaction du public à ce rassemblement ne laisse aucun doute sur le fait que le Régime retira un bénéfice considérable de ces deux jours là. Un rapport spécial du Président du Contrôle Postal au Préfet de la Lozère souligna combien les populations locales avaient été frappées par « la présentation de ces jeunes hommes, leur entraînement sans faille et par la Musique Nationale ».

Il cita un extrait d’une lettre, présentée comme typique de celles qui furent interceptées et qui disait : « Cela m’a redonné courage et confiance… quand une nation peut entraîner ainsi des jeunes en si peu de temps, elle peut être fière » 51. Cette déclaration de foi dans la vision pétainiste de la Rénovation Nationale grâce aux Chantiers doit être vue dans le contexte de l’impopularité grandissante du Régime due à son incapacité à éradiquer le marché noir ou à fournir des denrées alimentaires en quantité convenable. Au moment même où la loyauté publique envers Vichy commençait à vaciller, les Chantiers furent utilisés avec succès pour la renforcer. Ce mouvement fut de courte durée et lorsque le Régime, à partir de novembre 1942, commença à faire un plus grand usage de la coercition pour assurer sa survie, les Chantiers emboîtèrent le pas et perdirent ce qui leur restait de bienveillance populaire.

En novembre 1942, l’occupation par les Allemands de la France de Vichy et la dissolution de l’armée d’armistice provoqua une réaction générale d’hostilité à l’égard des Allemands et entraînèrent une crise majeure au sein des Chantiers. Les lettres interceptées faisaient état de chefs prônant « la haine du Reich et les espoirs de revanche » et « l’expulsion des Boches hors de France » 52. En Afrique du Nord, les Chantiers se rallièrent au drapeau du général Giraud et des forces alliées, mais de La Porte du Theil, qui était précisément en Afrique du Nord en novembre 1942, revint en métropole pour s’assurer que les Chantiers y restaient loyaux à Pétain. La réaction des chefs de camp du Languedoc fut influencée et par ces développements sur le plan national et par ce qui se passait au plan local. A l’exemple d’autres officiers de l’armée dans la région de Montpellier, le Commissaire Régional des Chantiers de Saint-Remy prit conscience de l’attitude du général de Lattre de Tassigny qui refusa d’exécuter l’ordre de désarmer la 4ème division de l’armée d’armistice basée à Montpellier qu’il commandait. Bien que sa tentative isolée de résistance armée l’ait mené en prison 53, le Préfet Régional fit remarquer que l’incident avait résolument dressé cadres et hommes contre Vichy 54. Ce sentiment semble avoir été de courte durée et, sur place, toute interrogation sur le point de savoir où se tenait le chemin de l’honneur fut rapidement effacée par les fermes directives données par de La Porte du Theil qui déclara aux responsables des camps que la France était confrontée « à un problème d’ordre interne » 55. Le Préfet local dit que ces mots « avaient contribué à calmer les doutes de certains chefs et à renforcer la loyauté à l’égard du maréchal et de son gouvernement » 56. La crainte d’une guerre civile était une question extrêmement sensible non seulement pour les militaires mais aussi pour l’ensemble du public et elle constitua, tout au long de 1943, un lien entre la majorité silencieuse et les Chantiers.

Cependant, lorsque le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) fut institué en février 1943 et qu’il devint clair qu’un bon nombre des appelés dans les Chantiers seraient des candidats possibles, il y eut une différence de réaction très nette entre de La Porte du Theil et les jeunes, leur famille et la population locale. Son message publié à l’intention des membres de l’Association des Anciens des Chantiers de Jeunesse le 27 février 1943, dissipa toute équivoque sur le point de savoir où était le devoir. Utilisant des mots lourds de sens, il ordonna aux membres de l’A.D.A.C. de s’en aller en Allemagne pour défendre la France contre le bolchevisme international. Il les mettait spécialement en garde contre la propagande alliée tout en argumentant sur un registre passionnel que le travail en Allemagne était une ligne essentielle de défense contre une explosion interne du Communisme et un moyen de protéger leurs maisons et leurs familles. Afin d’éviter de tomber « sous le joug bolchevique » 57, les Français devaient accepter d’aider l’Allemagne pour sauver la civilisation occidentale. Ils ne devraient pas obéir à cet appel du devoir en nourrissant un vif ressentiment mais bien « en tant qu’hommes conscients du danger et cependant convaincus d’accomplir leur devoir envers leur pays » 58.

Quand un chef des Chantiers recevait l’ordre de partir pour le S.T.O., il était essentiel qu’il conserve « une attitude calme et digne » et reconnaisse qu’il partait pour défendre sa propre maison familiale. Le message se terminait comme suit : « vous avez un devoir national à remplir, une part de notre vie et de notre honneur vous est confiée » 59. A ce moment critique, le Commissaire Général des Chantiers montra sans ambages que, pour lui, le Communisme était une menace bien plus grave pour la France que l’occupation allemande. Les dés étaient jetés mais, pour pallier le risque de voir cet appel à l’honneur tomber dans des oreilles de sourds, on dressa des plans pour s’assurer qu’une pression maximale serait faite sur ceux qui étaient sur les listes de départ au S.T.O.

En mai 1943, peu de temps avant que le premier groupe de jeunes soit désigné pour quitter les Chantiers à destination de l’Allemagne, de La Porte du Theil informa les Préfets locaux que des représentants de l’A.D.A.C. iraient dans les Camps pour apporter aux jeunes désignés pour le S.T.O. leur soutien moral 60. Le cinquième contingent qui était arrivé en novembre 1942 et devait rester jusqu’en juin 1943, n’allait se voir offrir aucune chance d’échapper à son devoir patriotique. Au Groupement 6 qui avait été ramené à son lieu d’implantation primitif à Marvejols (Lozère), un rapport du 1er juin 1943 rendait compte de ce que les ordres avaient été exécutés avec une précision toute militaire. Le Chef de Groupement avait prévu une marge de sécurité dans la liste des 140 noms qu’il avait inscrits comme candidats au S.T.O. quand 30 d’entre eux tentèrent de fuir et que 9 y parvinrent effectivement, il lui fut encore possible de fournir le nombre requis. L’A.D.A.C. et l’aumônier du camp avaient incité les jeunes à y aller et bien que le rapport ait déclaré que la gendarmerie de Clermont-l’Hérault « ne s’était pas montrée aussi ferme que d’autres brigades de police » 61, le Chef du Groupement concluait : « J’aimerais souligner combien mon équipe et mes Chefs de Groupe ont travaillé en bonne coopération avec la police et les autres autorités. Le départ en douceur des jeunes prouve l’esprit d’équipe des chefs et le sens du devoir et de la discipline qui anime les hommes » 62.

Des lettres interceptées, cependant, montrent que beaucoup de jeunes furent choqués par ce qu’ils considéraient comme une trahison de la part des Chefs. On leur refusa l’autorisation de retourner chez eux pour faire leurs adieux à leurs familles et des lettres évoquèrent « la brutalité de l’opération, la fureur aveugle de ceux qui devaient partir » et le refus de saluer des Chefs ou d’obéir à leurs ordres 63. Chaque départ pour le S.T.O. aggrava le fossé entre les hommes et leurs Chefs. Que les Chantiers soient alors devenus des camps de réserve pour de futurs départs au S.T.O. fut rendu encore plus évident quand les Préfets régionaux reçurent l’ordre de Laval de rattraper les réfractaires au S.T.O. et de les envoyer au Chantier le plus proche d’où ils seraient expédiés « sous conditions spéciales ». Et il est vrai que, dans de nombreux cas, les jeunes furent emmenés en uniforme par leurs Chefs jusqu’à leurs destinations en Allemagne.

Quand les Chantiers furent déplacés de la côte vers de nouveaux sites à l’intérieur des terres dans le Cantal, l’Aveyron et la Lozère en avril 1943 65 ils durent faire face à une réserve glaciale de la part de la population locale. Même le Groupement 24, de loin le plus réussi de la région, eut des problèmes lorsqu’il quitta Lodève dans l’Hérault pour Saint-Affrique (Aveyron). Le chef de Groupement raconta au Commissariat général que les gens du coin désapprouvaient les départs pour le S.T.O. et que, partant, « il semble que les Chantiers soient devenus un de ces organismes que la France respectueuse des lois et bien pensante, se fasse un devoir de saper en douceur et [que] chacun sait que la plupart des gens des régions agricoles environnantes, de médecins à maires tout particulièrement, vont régulièrement à l’église » 66. Le groupement 6, maintenant revenu à Marvejols en Lozère, rencontra « la ferme opposition du maire, de la colonie juive active (40 familles) et de groupes gaullistes organisés » 67. La situation fut même plus mauvaise au groupement 25 qui, venant du Bousquet-d’Orb, s’était installé à Mauriac dans le Cantal. Des rapports provenant de ce Groupement faisaient état de relations locales glaciales, d’un nombre croissant de désertions, et même d’attaque du camp par des réfractaires au S.T.O. 68. Seuls les Chefs et les hommes du groupement 23 qui devaient connaître une fin tragique et qui s’était déplacé de Saint-Pons jusqu’à Laissac en Aveyron, rapportèrent qu’ils avaient été bien reçus dans leur nouveau site 69. Mais, bientôt, il devint évident que cet accueil n’était, en réalité, que le fait des autorités locales vichyssoises et, en particulier, du Préfet qui exprima sa satisfaction à propos des Chantiers dans son département en septembre 1943, parce que presque tous les jeunes qui désertèrent effectivement le Groupement pour être envoyés en Allemagne furent rapidement repris par la gendarmerie et le Commissariat Spécial de Rodez 70.

La promptitude des Chefs des Chantiers à coopérer avec la police afin de renforcer des départs au S.T.O. à une période où le Préfet régional du secteur rapportait à ses supérieurs que « la population soutient de plus en plus ceux qui évitent leurs obligations S.T.O. » 71, marquait la fin du soutien de la population aux Chantiers. C’était une évolution qui amena un des hommes responsables de la coordination des activités de l’A.D.A.C. en Lozère à faire ce commentaire à un ami : « l’appréhension du public envers une chose liée à Vichy nous paralyse complètement » 72. L’Église en particulier, qui était très influente en Lozère, s’était, dès octobre 1942, montrée très réservée sur la politique du Régime vis-à-vis de la jeunesse. Dès 1943, elle boycotta effectivement toute activité organisée par l’A.D.A.C. L’érosion du soutien rural pour les Chantiers de la part de l’Église et de la population pratiquante, indiquait combien les Chantiers se trouvaient identifiés à un Régime qui avait toutes les caractéristiques d’un état policier.

Dans la phase finale de leur existence, le milieu dans lequel existaient les Chantiers voyait augmenter la présence des groupes de « maquisards ». Tous les deux partageaient le même terrain inaccessible mais pour des raisons totalement différentes : pour les Chantiers, le milieu rural s’identifiait à l’idée de « patrie » qui se trouvait enfermée dans le Weltanschauung du Vichy de 1940-1941 ; pour la Résistance, il offrait un refuge dans la lutte pour la libération de la patrie dans la conception qu’elle en avait. Les Chantiers étaient considérés comme des cibles légitimes par la résistance non seulement en tant que symboles manifestes du Régime de Vichy, mais aussi parce que leurs réserves de nourriture, couvertures, tentes et outils étaient particulièrement nécessaires au « maquis ». Des courriers interceptés en provenance des Chantiers, durant cette période, laissent entendre que, bien que les Chefs de Chantiers aient été violemment opposés au « maquis », les hommes ne partageaient pas leur point de vue. Lorsque le Groupement 19 à Meyrueis en Lozère fut attaqué par des « maquisards » en novembre 1943, par exemple, le Chef de Groupement accusa ses hommes de lâcheté pour avoir refusé de défendre le camp. « Etrange idée du patriotisme » 73 commenta un des conscrits le lendemain. Le mois suivant, le camp fut dorénavant gardé « afin que les gaullistes, c’est-à-dire les vrais Français, ne nous attaquent pas » 74 écrivit un autre. Les mises en garde répétées des Chefs à propos des dangers de la guerre civile, de la révolution et de l’anarchie 75 neutralisèrent, à n’en pas douter, certains hommes mais il est parfaitement évident qu’une minorité d’hommes de ce Groupement furent à ce point déçus par l’expérience des Chantiers qu’ils rejoignirent le « maquis ». D’autres quittèrent les Chantiers pour échapper au S.T.O. et, de manière plus exceptionnelle, comme ce fut le cas au groupement 35 dans le Tarn, les hommes furent amenés par leur chef de camp à rejoindre un groupe de résistance typiquement militaire 76.

La transformation du rôle des Chantiers, de centres moraux de réentraînement de 1940-1942, en camps de réserves pour les S.T.O. en 1943, atteignit un stade ultime en 1944. Comme de La porte du Theil se montra de plus en plus réservé ou en opposition vis-à-vis du S.T.O., les soupçons allemands touchant les Chantiers allèrent en augmentant. En janvier 1944, ils l’arrêtèrent et, en quelques jours, les Chantiers passèrent sous la juridiction du Ministère du Travail de Marcel Déat. Le départ des hommes des Chantiers vers le travail dans les usines amenèrent un maître d’école primaire à Marvejols à écrire que les Chantiers étaient dorénavant devenus « une forme d’esclavage » 77. Ce commentaire est intéressant de deux manières d’abord, il fournit quelque renseignement sur la persistance de l’hostilité populaire vis-à-vis des Chantiers en 1944 et, en même temps, il exprime un sentiment largement répandu parmi les recrues mais parfaitement étranger aux chefs. En bref, la perception des « Chefs » quant à ce qui était important dans les Chantiers ne correspondait pas non seulement avec les sentiments de la population locale mais aussi avec les sentiments de beaucoup des hommes aux Chantiers.

Il n’y a virtuellement aucun fondement au fait qu’en Languedoc les Chantiers auraient été une sorte d’armée secrète, pas plus qu’ils auraient pu servir un quelconque but spécifiquement militaire 78. Ce fut l’importance primordiale que les Chefs des Chantiers accordèrent au travail et à des manifestations extérieures de conformité aux rites militaires qui fut beaucoup plus caractéristique des Chantiers du Languedoc. Lorsque les Chantiers furent confrontés à de graves dilemmes moraux en 1943, les Chefs de Groupement continuèrent à prescrire comme remède le travail bien ardu et la discipline. L’effet cumulatif de ceci, malgré les sentiments indéniablement anti-allemands exprimés par certains Chefs, fut, pour les Chantiers de se retrouver associés à l’obéissance servile aux ordres supérieurs en une période où ce concept même était remis en question à cause du S.T.O. Même la notion pétainiste de « patrie » pour laquelle tenaient les Chefs des Chantiers se trouvait dépassée par la conception de « patrie » personnifiée dans la lutte armée de la Résistance. C’est une illustration intéressante de la manière dont les Chantiers ont évolué dans une direction qui les coupait de plus en plus de leur environnement. Tandis que les Chantiers continuaient à symboliser la promptitude à coopérer avec les autorités de Vichy, la population locale devenait plus réservée vis-à-vis du Régime ou en accord manifeste avec la Résistance.

Les témoignages présentés dans cet article montrent que les Chefs de Chantiers furent singulièrement incapables de promouvoir la Révolution Nationale pétainiste en Languedoc sauf pendant quelques mois brefs à la mi-1941. Cela apparaît en termes d’impact à la fois sur la population locale et sur les jeunes eux-mêmes. L’influence de l’opinion publique rurale dans l’évolution de ce qui s’est passé dans les Chantiers revêt une importance qui n’a pas, jusqu’ici, encore été reconnue. Ces découvertes découlent d’une étude traitant de l’évolution de l’opinion publique dans le secteur, laquelle souligne la rapidité avec laquelle le Régime perdit une bonne part de ses appuis potentiels 79. Le rôle joué par les Chantiers en 1943, en particulier la manière dont les Chefs organisèrent le départ de leurs hommes vers le S.T.O., montre non seulement jusqu’où ils avaient intégré le message de Vichy, de devoir, de service et d’obéissance, mais encore le peu qui demeurait de la vision initiale de La Porte du Theil qui voulait promouvoir une réforme spirituelle et morale chez les jeunes Français.

Ce qui est arrivé dans les Chantiers du Languedoc fut le résultat d’une interaction complexe entre Chefs, recrues et milieu local, dans le contexte de la tactique nationale et de l’évolution de la guerre. Les différences qui existaient même entre les Groupements d’une seule région, soulignent l’importance du lieu d’implantation et laissent entendre que seule une recherche plus poussée, au niveau local, montrera dans quelle mesure les Chantiers du Languedoc peuvent être considérés comme représentatifs de ceux existant dans le reste de la France de Vichy ? Une telle recherche pourrait éclairer la question de savoir si l’évolution des Chantiers vers la collaboration avec les Allemands correspondait pour une grande part avec la vie institutionnelle du Régime, et dans quelle mesure ce fut cet élément de contrainte dans le service des Chantiers qui déclencha l’érosion de l’aide populaire à la Révolution Nationale.

Notes

 1.  W.D. Halls, The youth of Vichy France, Oxford, 1981.

 2.  R. Paxton, Vichy France, Old guard and New order 1940-1944, London, 1972.

 3.  R. Hervet, Les Chantiers de Jeunesse, Paris, 1962.

 4.  R. Josse, Les chantiers de la jeunesse, Revue d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, n° 56, octobre 1964, p. 5-42.

 5.  W. D. Halls, p. 303-304.

 6.  AN, AJ 39 120. Les archives du Commissariat Général des Chantiers de la jeunesse sont classées dans les séries AJ 39. D’autres documents relatifs aux Chantiers, particulièrement pour la période 1940-41, peuvent être trouvés dans les archives du Secrétariat Général à la Jeunesse qui sont classées dans les séries E 11.

 7.  Dans les Archives Départementales, elles sont habituelle-ment classées parmi les documents du cabinet du Préfet.

 8.  R. S.P. Austin, The Educational and Youth Policies of the Vichy’government in the department of Herault, 1940-1944, Thèse de doctorat, Manchester University, 1981, chapitre VI.

 9.  Spécialement le capitaine Dunoyer de Segonzac à l’École de Formation des Cadres de la Jeunesse à Uriage et le capitaine Guillaume de Tournemire, chef des Compagnons de France depuis mai 1941.

10. J. de la Porte du Theil, Les Chantiers de la Jeunesse, Vichy, Ministère de l’Information, non daté.

11. AN, AJ39 120, rapport pour septembre 1940

12. AN, AJ39 119, rapport pour novembre 1940

13. AN, AJ39 119, idem.

14. AN, AJ39 119, rapport pour janvier 1942.

15. AN, AJ39 120, rapport pour avril 1941, et AN, F44 3.

16. Archives départementales de l’Hérault (soit ADH), T 124 (classement provisoire) Correspondance adressée au Préfet de mars àjuin 1941.

17. Idem

18. [Appel Absent] AN, F44 3, lettre de Marvejols à Lamirand, Secrétaire Général à la Jeunesse, 22 février 1941.

19. AN, F 44 3, rapport d’inspection, 3 octobre 1940

20. AN, AJ39 115

21. AN, AJ39 118

22. AN, AJ39 149

23. Général A. Niessel, Les Chantiers de la Jeunesse, Revue des Deux Mondes, novembre-décembre 1941

24. R. Hervet, p. 120

25. La 2ème guerre mondiale en Languedoc-Roussillon, 1939-1945, Montpellier, 1975, Centre Régional de Documentation Pédagogique, document n° 38

26. AN, AJ39 120, rapport pour septembre-octobre 1941

27. [Appel Absent] Idem, des remarques semblables furent faites pour le Groupement 23 à Saint-Pons-de-Thomières en février 1941

28. AN, AJ39 124

29. Les rapports de la Police et le Contrôle postal fournissaient la base des rapports des Préfets établis mensuellement dans chaque département. Les copies des rapports des Préfets peuvent être trouvées dans AN FIC III

30. AN, FIC 1165, rapports pour mars et octobre 1941

31. J. de la Porte du Theil, p. 10

32. Idem

33. Archives Départementales de la Lozère (= ADL), analyse du courrier des Chantiers intercepté, VI M2 23

34. Idem

35. Idem, lettre interceptée datée du 15 janvier 1942

36. Préfet de la Lozère à de la Porte du Theil, 28 février 1942

37. Voir, par exemple, AN, AJ39 115, et 120

38. AN, AJ39 118, rapport pour Juin 1941

39. ADH, Malgré, Revue mensuelle des Chantiers de la Jeunesse à Saint-Pons, mai 1941

40. [Appel Absent] Idem

41. ADL, VI M2 23, lettre interceptée datée du 14 juillet 1942

42. ADL, VI M2 19 et 23 et entretien avec le Commandant jean Dupont, juin 1976

43. Entretien avec Denis Rouquette, mai 1976

44. AN, AJ39 124

45. R. S. P. Austin, chapitre 7.

46. G. Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional, 1974, Thèse de doctorat d’État, Université de Montpellier, vol. 1, p.

47. R.S.P.Austin, p. 458

48. AN, AG II 440. Ce rapport était envoyé au Cabinet de Pétain et une copie peut être trouvée dans les archives du « Chef de l’État ».

49. ADL, VI M2 23, lettre interceptée le 6 juillet 1942

50. ADL, VI M2 23, lettre interceptée le 11 février 1942

51. Idem, lettre interceptée le 6 septembre 1942

52. Idem, lettres interceptées le 17 novembre 1942 et le 12 décembre 1942

53. R. O. Paxton, Parades and Politics at Vichy : the French Officer Corps under Marshal Petain, Princeton, 1966, p. 378 et suivantes.

54. AN, FIC III 1201, rapport du 3 décembre 1942

55. R. Paxton, Vichy France, p. 287-288, citant de la Porte du Theil, Sources, éléments de travail pour les Chefs des Chantiers de la Jeunesse.

56. AN, FIC III 1156, décembre 1942

57. J. de la Porte du Theil, Message aux Anciens des Chantiers de la Jeunesse, 1943, p. 2

58. Idem, p. 3

59. Idem, p. 4

60. ADH, T 123, lettre datée du 22 mai 1943

61. I. AN, AJ39 115

62. Idem

63. ADL, VI M2 23, lettres interceptées le 25 mai, le 26 mai, le 6 juin et le 27 juillet 1943

64. [Appel Absent] ADH, STO 10, correspondance en juillet 1943

65. Et non en janvier 1944 comme Halls le déclare, p. 303.

66. Rapport pour juin/juillet 1943.

67. Rapport daté du 13 avril 1943.

68. Rapport pour mai 1943.

69. AJ 119

70. Ibidem

71. Rapport pour août 1943

72. Lettre interceptée le 14 novembre 1943.

73. Lettre interceptée le 2 novembre 1943.

74. Lettre interceptée le 3 novembre 1943.

75. Nombreuses lettres interceptées en septembre 1943.

76. Les Chantiers de la Jeunesse, p. 249 et 260.

77. Lettre interceptée le 9 février 1944.

78. R.Hervet, p. 183, déclare que le Q.G. régional des Chantiers à Montpellier fut impliqué dans la dissimulation de matériel militaire en juillet 1940 et que celui-ci fut distribué aux Chantiers au printemps 1943.

79. H. R. Kedward, Patriote et Patriotisme dans la France de Vichy, Transactions of the Royal Historical Society, 32, 1982 R.S.P. Austin, Propaganda and Public opinion in Vichy France : the department of Hérault 1940-1944, European Studies Review, 13, 1983, p. 455-482.