L’École de Santé Navale et Coloniale à Montpellier (1940–1943)

Le vendredi 28 Juin 1940 arrive en gare de Montpellier, après un long arrêt en gare de Sète pour passer de la traction électrique à la traction vapeur, un train spécial en provenance de Bordeaux avec à son bord 120 élèves de l’École de Santé Navale et Coloniale.

Bordeaux se trouvant en « zone occupée », l’École de Santé Navale, comme les autres Écoles Militaires, ne pouvait rester sous la coupe de l’occupant.

Historique

Jusqu’à la Révolution les Médecins et les Chirurgiens de la Marine étaient formés dans 3 Écoles avec Hôpital Rochefort, Toulon et Brest, datant du XVIIème siècle, dont la qualité leur avait valu le titre de « Collège Royal de Médecine ».

En 1802 quand Bonaparte réforme l’Université (les Écoles de Médecine avaient été, rappelons-le, fermées par la Révolution – tout le monde pouvait être médecin ! – qui « n’avait pas besoin de savants » et Lavoisier guillotiné) la nouvelle Loi prévoit que les médecins militaires « peuvent en raison des services rendus à la Nation et de leur acquis antérieur » soutenir une Thèse après un stage raccourci et sans paiement de droits.

Ceux-ci vont largement en profiter puisque de 1802 à 1893 ce sont 1 145 « marins », dont 149 déjà décorés de la Légion d’Honneur, sans compter les médecins de l’Armée de Terre, qui soutiendront une thèse à Montpellier, soit 13 % des thèses soutenues.

Il faut préciser que depuis très longtemps les médecins, d’ailleurs plus souvent des chirurgiens, embarqués sur les bateaux ne faisaient pas que de la Médecine mais aussi de la Botanique, de la Zoologie, de la Minéralogie, de l’Ethnologie etc. Ils ont approvisionné le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris et de nombreux jardins botaniques en plantes, en minéraux, animaux nouveaux (terrestres ou marins) qu’ils découvraient. D’ailleurs beaucoup portent leur nom et je n’en citerai qu’un « l’anophelès Coustani » du nom d’un médecin de Marine né à Montpellier, donné par Alphonse Laveran lui-même.

Amédée Lefevre (thèse 1827) identifiera le Saturnisme et Gélineau (thèse 1858) découvrira la Narcolepsie. D’autres aussi seront célèbres.

Avec l’évolution de la législation concernant les études médicales, les médecins militaires ont dû suivre le mouvement, une École de Santé Militaire fut créée à Lyon en 1888 et en 1890 l’École Principale du Service de Santé de la Marine et des Colonies à Bordeaux. Montpellier était également sur les rangs pour l’accueillir et Bordeaux l’emportât car elle accordait plus de bourses et fit valoir qu’elle était à mi-chemin de Brest et de Toulon ( !) et qu’elle avait un port. Celui de Palavas ne pouvait rivaliser avec le port de la Lune alors dans sa période faste.

Pour présenter le concours d’entrée à l’École de Bordeaux les candidats suivaient une année d’étude (la première année de Médecine) dans l’une des 3 anciennes Écoles et ceux de Toulon étaient donc inscrits à la Faculté de Montpellier. Les Professeurs se déplaçaient à Toulon pour les examens. Cela a duré jusqu’en 1963 date de leur fermeture.

Mais l’implication des Médecins de la Marine dans la Faculté de Médecine de Montpellier remonte loin puisqu’en 1826 le Doyen Dubrueil était un ancien marin.

Il y eut plusieurs Professeurs célèbres (Fonssagrives J. B., Saurel L., Chrestien A., Pourché Fr., Maurel E.) et le dernier est Maurice Dejean (Promotion 1909) qui était Chef du Service d’Ophtalmologie il y a un demi-siècle et son fils Chef du Service O.R.L. aux Cliniques Saint Charles.

Les Années 40

Les « Navalais », nom familièrement employé pour désigner les élèves de l’École de Santé Navale, de la dernière promotion de médecins et de pharmaciens entrée en 1939 (tous les autres étaient partis sur le front dans des régiments coloniaux ou affectés sur des bateaux – ils rejoindront Montpellier durant l’été sauf ceux qui auront été tués ou faits prisonniers -) arrivent donc dans une complète désorganisation et les autorités préfectorales, militaires et universitaires vont rapidement trouver des solutions.

Les élèves seront logés, en attendant de rejoindre le Pavillon Colonial de LA Cité Universitaire, au Lycée de Jeunes Filles, à l’Enclos Saint François, à la Caserne de Lauwe et au Sanatorium Bon Accueil (pour femmes) qui deviendra la Clinique Lavalette où ils recevront en guise de verres, les crachoirs paraffinés destinés aux tuberculeux

Fin Décembre 1942 ils sont « priés » par l’occupant de quitter rapidement la Cité U pour l’Asile d’Aliénés de Font d’Aurelle. Remarques amusantes en ces temps tristounets à Bordeaux l’École occupait un ancien Asile d’Aliénés. Elle a quitté la ville où se trouvent les Trois Grâces sur la Place de la Bourse, (bronze de Visconti – 1865) par la Gare Saint Jean pour arriver à la Gare (Saint Roch) et retrouver les Trois Grâces (marbre de Carrare de d’Antoine – 1767) Place de la Comédie et l’Hôpital Saint Charles a remplacé l’Hôpital Saint André. Les locaux de Bordeaux avaient été un ancien Séminaire en 1821, comme la caserne de Lauwe le fût lors de sa construction en 1870. Étranges coïncidences !

En Septembre 1943, la France étant « unifiée », l’École n’avait plus de raison de rester à Montpellier que déplore le chroniqueur du « Petit Méridional » du 9 Septembre : « L’École de Santé Navale quitte Montpellier : A la suite des évènements de Juin 1940, l’École de Santé de la Marine de Bordeaux avait trouvé refuge à Montpellier. La présence de cette école de très haute tenue et dont les élèves se distinguaient à tous les concours scolaires, avait grandement contribué dans ces années de détresse à conserver à notre Faculté son lustre passé. Aussi est-ce avec regret que nous apprenons le retour de Santé Navale à Bordeaux. Cet événement nous peine doublement. En lui-même d’abord. Les « Navalais » apportaient à notre université un élément de quantité et de qualité qui lui fera désormais défaut. La présence de ces étudiants avait donné naissance à un esprit d’émulation, qui, aux dires des professeurs, était pour tous des plus profitables. D’autre part, ces élèves, sélectionnés après un concours difficile et représentant une véritable élite, venaient de tous les points du territoire et étaient destinés à servir dans tous les coins de l’Empire. Il était particulièrement précieux pour notre antique Faculté de Médecine d’être appelée à leur dispenser notre enseignement… ».

La vie des Navalais à Montpellier

C’est, quantitativement, la valeur d’une Faculté de Médecine qui est arrivée en Juin 1940 avec ses Externes et Internes des Hôpitaux, les problèmes de locaux, de stages hospitaliers, d’examens, de soutenances de thèses qui ont été résolus avec célérité et efficacité.

Les Navalais se sont rapidement adaptés – qualité indispensable pour la suite de leur carrière – et ont su trouver leur place tant à la Faculté que dans la Cité, cité à taille humaine.

Le matin c’est le réveil musculaire pour tous, que venait souvent refroidir en hiver, mistral ou tramontane. À midi, tous se retrouvaient au restaurant de la Cité U pour un repas peu calorique.

Dans les villes où existent des Écoles d’Officiers ceux-ci sont l’objet de toutes les attentions des demoiselles, le « prestige de l’uniforme » ! La Faculté a dû instaurer un contrôle des cartes des étudiantes pour vérifier qu’elles étaient bien en Médecine Quelques idylles se sont terminées par un mariage.

On peut rappeler une particularité montpelliéraine : les élèves-infirmières qui, dans les Hôpitaux, portaient un uniforme étaient appelées « mercuzotes ». Ce n’était pas un sobriquet mais l’appellation dérivait du nom de la fondatrice de l’École d’Infirmières en 1925 : Marie Mercuzot.

Le Sport : L’adage de Juvénal « mens sana in corpore sano » était parfaitement appliqué à l’École où le Rugby était le sport-roi. L’équipe engagée dans plusieurs Championnats (Marine, Universitaire, Grandes Écoles) a remporté de nombreux titres et rencontré toutes les grandes et moins grandes équipes de Carcassonne à Nice.

Elle appréciait tout particulièrement les rencontres dans les villages autour de Montpellier où la chère était bonne et la boisson abondante à tel point qu’elle a failli « sombrer dans le rosé » à Cazouls lez Béziers.

Un sport plus dangereux fut également pratiqué : la résistance à l’occupant.

Dés le mois de Décembre 1942 plusieurs élèves sont entrés dans le Réseau R3 de l’Armée Secrète. Il sera démantelé fin 1943 mais les Navalais passeront au travers car partis pour Bordeaux, l’Afrique du Nord ou l’Allemagne.

En effet ils participeront à la Relève Médicale en Allemagne qu’il ne faut pas confondre avec la relève des prisonniers. Il s’agissait daller relever nominativement un médecin civil fait prisonnier en 1940. Et curieusement les Médecins releveurs partiront en uniforme, képi amarante à fond noir (de la Coloniale) avec pour certains des décorations récemment gagnées au combat !

Comme tous les jeunes français de la classe 22 ils seront soumis au S.T.O., Service du Travail Obligatoire en Allemagne.

Montpellier, Cité Universitaire, 1941. École de Santé Navale, Lever des couleurs
Fig. 1 - Montpellier, Cité Universitaire, 1941. École de Santé Navale, Lever des couleurs (le mat est visible à droite) © ASNOM - Droits réservés
Montpellier, Cité Universitaire, Année 1941-42. Inspection des Navalais
Fig. 2 - Montpellier, Cité Universitaire, Année 1941-42. Inspection des Navalais © ASNOM - Droits Réservés
Montpellier, Hiver 1941-42. Les Navalais défilent sous l'Arc de Triomphe
Fig. 3 - Montpellier, Hiver 1941-42. Les Navalais défilent sous l'Arc de Triomphe. Tramway Ligne Champ de Manœuvre - Saint Éloi - Plaques Bleues © ASNOM - Droits Réservés

Trois élèves sont décédés durant ces 3 années : l’un dans un accident de Tramway (ligne bleue) fréquents si l’on en croit la presse, et un autre très vraisemblablement de mort naturelle sur la commune de Vailhauquès.

Le passage de l’E.S.N. à Montpellier aura laissé des traces :

à la Cité Universitaire le mât des couleurs réhabilité sur lequel sera apposé en Septembre 2008 une plaque rappelant la présence de 1′ École de 1940 à 1943

à la Faculté de Médecine où sont inscrits, sur la plaque des « Morts pour la France » les noms de 9 Navalais ayant étudié à Montpellier.

Nombre de diplômés de Montpellier mériteraient d’être cités et au milieu d’une foule d’anonymes retenons R. Labusquière, dont l’Institut de Médecine Tropicale de Bordeaux porte le nom, pour sa lutte contre la Lèpre, Brygoo, Professeur au Muséum d’Histoire Naturelle à Paris, collaborateur du Professeur Harant et surtout Henri Laborit, Chirurgien de la Marine, qui, par ses découvertes a eu un impact mondial en Chirurgie, en médecine de l’avant et en médecine d’urgence. C’est lui en effet qui est l’inventeur de l’Hibernation artificielle, de l’anesthésie-réanimation moderne, du traitement du « choc » et de l’utilisation du Largactil.

D’autres ont travaillé sur les sous-marins, les mélanges gazeux pour la plongée (moins 500 m ont été physiquement atteints), les cabines d’avions sub et supersoniques civils et militaires et les fusées habitées.

Élargissons notre propos à l’ensemble des médecins et pharmaciens issus de l’École.

Un quidam qui s’est cru très drôle a dit : « la médecine militaire est à la médecine ce que la musique militaire est à la musique ! ». C’est vraisemblablement la raison qui fait que l’Hôpital Militaire du Val de Grâce est l’Hôpital des V.I.P. français et étrangers.

Difficile de se « planter » plus magistralement ! Le cliché est à revoir. Non seulement les études sont strictement les mêmes mais en plus les militaires « bénéficient » ou « subissent » régulièrement des interrogations classantes et sont donc obligés de fournir un travail supplémentaire aidés par les Professeurs de l’encadrement.

Les médecins militaires ont été à l’origine de progrès très importants en Médecine et, nous l’avons vu, dans bien d’autres domaines.

Remontons dans le temps. Les progrès de la Chirurgie, jusqu’au milieu du XXème siècle, viennent des Chirurgiens militaires et ce depuis Desgenettes, Chirurgien de la Grande Armée. Ce sont les médecins coloniaux qui ont proposé un traitement chirurgical simple des lésions nerveuses de la Lèpre.

Les Chirurgiens militaires étaient polyvalents et traitaient les lésions internes ou externes des pieds à la tête. Maintenant il en faut bien une dizaine pour le même résultat.

En Médecine aussi : le premier Médecin français ayant eu un Prix Nobel en 1907 n’est-il pas un Médecin Militaire, le Docteur Alphonse Laveran, pour sa découverte de l’hématozoaire du Paludisme en 1880 à Constantine ?

Mais c’est surtout en Médecine Tropicale qu’ils ont fait progresser les connaissances des maladies mortelles ou invalidantes que sont la Fièvre Jaune, la Variole, la Peste, la Trypanosomiase ou maladie du Sommeil, le Paludisme, l’Onchocercose, le Pian etc., et leur traitement. La Peste en est le symbole : Yersin en 1884 découvre le bacille responsable qui porte son nom, P.L. Simond en montre la transmission par la puce du rat en 1898 et en 1932 Girard et Robic, à l’Institut Pasteur de Tananarive, mettent au point le vaccin anti pesteux qui maîtrisera cette terrible maladie dans la Grande Île.

H. Vincent (celui de l’angine) produit avant 1914 un vaccin anti-typhoïdique qui fera merveille dans l’Armée française et la population civile en Afrique du Nord.

Mais c’est surtout en Médecine Tropicale qu’ils ont fait progresser les connaissances des maladies mortelles ou invalidantes que sont la Fièvre Jaune, la Variole, la Peste, la Trypanosomiase ou maladie du Sommeil, le Paludisme, l’Onchocercose, le Pian etc., et leur traitement. La Peste en est le symbole : Yersin en 1884 découvre le bacille responsable qui porte son nom, P.L. Simond en montre la transmission par la puce du rat en 1898 et en 1932 Girard et Robic, à l’Institut Pasteur de Tananarive, mettent au point le vaccin anti pesteux qui maîtrisera cette terrible maladie dans la Grande Île.

H. Vincent (celui de l’angine) produit avant 1914 un vaccin anti-typhoïdique qui fera merveille dans l’Armée française et la population civile en Afrique du Nord.

J. Laigret en 1934 à l’Institut Pasteur de Dakar réalise le premier vaccin efficace contre la Fièvre Jaune. Par la suite lyophilisé et associé au vaccin anti-variolique il fera disparaître ces affections des anciennes colonies françaises.

La lutte contre la Maladie du Sommeil qui décimait des tribus entières menacées de disparition doit beaucoup au Docteur Eugène Jamot, Médecin Colonial, diplômé de la Faculté de Montpellier en 1908.

Le Docteur L. Lapeyssonnie, de Montpellier, Médecin Colonial, était LE spécialiste mondial de la lutte contre la Méningite et le Choléra.

Ils ont été précédés par tous les médecins de la Marine qui ont décrit les maladies nouvelles qu’ils découvraient (28 sont morts au Sénégal dans une seule épidémie de Fièvre Jaune, celle de 1878 dont Bourgarel, diplômé de Montpellier).

Montpellier, Cité des Arceaux, 2008. Le mat rénové et la plaque souvenir
Fig. 4 & 5 - Montpellier, Cité des Arceaux, 2008. Le mat rénové et la plaque souvenir
© André Borgomano Droits réservés

Voilà exposée en quelques lignes l’Histoire dune École qui a formé plus de 9 000 Médecins et Pharmaciens qui ont œuvré principalement en Afrique, et combien y sont morts, sauvant dune disparition certaine des tribus et peuples entiers.

Ce sont les mêmes à qui le Professeur François Jacob, Prix Nobel de Médecine en 1965 rendait hommage en écrivant : « Beaucoup d’hommes leur doivent beaucoup » et le Président Félix Houphouët-Boigny, Médecin de l’École de Dakar et premier Président de la Côte d’Ivoire disait en 1978 : « Je garde une indéfectible reconnaissance envers les professeurs de l’École de Dakar qui étaient, comme vous, des Officiers du Service de Santé d’Outre-Me, et qui ont œuvré avec tant de courage et de dévouement au service des populations d’Afrique noire ».

Ainsi va se terminer une belle saga puisque l’École de Bordeaux, dans le plan de restructuration de l’Armée, doit fermer en 2011.

Annexes

1) Les Chirurgiens et les Médecins de la marine
et la Faculté de Médecine de Montpellier
aux XIXème et XXème Siècles

Conférence donnée devant la Société Montpelliéraine d’Histoire de la Médecine-Juin 2008

Lors de recherches d’informations sur la présence à Montpellier de l’École Principale du Service de Santé de la Marine et des Colonies j’ai lu dans un des nombreux volumes consacrés à la Faculté de Médecine (1180-1985) par le Médecin – Général Louis Dulieu (Ly 36†) que « de 1802 à 1873 ce sont 875 Médecins de la Marine qui ont soutenu une thèse de Doctorat à la Faculté de Médecine ».

Désirant en savoir plus et après avoir manipulé 510 volumes de près de 2 kg chacun (plusieurs fois), « épluché » 8 663 thèses j’en ai recensé 1 145 soutenues de 1802 à 1893 et fait une surprenante découverte que j’exposerai in fine.

Des remarques d’ordre général concernant toutes les thèses consultées s’imposent. Ce qui frappe c’est le français parfait de leur écriture qui ferait rougir les Agrégés de Lettres actuels et donnerait des idées suicidaires aux nouveaux Bacheliers.

Même les thèses des étrangers sont sans reproche. On peut se poser la question : « possédaient-ils parfaitement la langue française et ses subtilités ou utilisaient-ils les services « d’un nègre » ? D’autant que le latin n’était plus la langue obligée même s’il le restait pour les épreuves de pathologie interne et externe.

Dès 1802 les thèses en latin deviendront exceptionnelles et Quoy – Chirurgus Nauticus – en soutiendra une intitulée « Epistola Dominae G. … de nonnulis pavons effectibus » (1816).

Les thèses en français seront très longtemps encore émaillées de longues citations en latin et / ou en grec, sans traduction, la thèse de Quoy bénéficiant, elle, de citations en français ! La dernière d’un français sera en 1826 et en 1836 pour un polonais.

C’est l’occasion d’évoquer les thèses des étrangers qui, durant cette période de 90 ans, seront 413 de 31 nationalités à prendre leur Doctorat.

Les médecins polonais qui s’exileront en France en 1832 offriront à la Faculté, en 1852, un buste d’Hippocrate en marbre de Carrare qui orne la Salle du Conseil.

Les Polonais furent les plus nombreux avec 168 thèses suivis des Espagnols (92), des Grecs (27) et des Portugais (27), des Italiens (14) et des Roumains (14), des Brésiliens (11). Ils venaient également du Surinam, de Cuba, du Pérou, d’Irlande, de Russie.

Parmi les polonais plusieurs se présentaient comme « anciens des Lanciers Polonais », « de la Garde Impériale », l’un était même Chevalier de la Légion d’Honneur.

En 1816 c’est un « Chirurgien-Major des Armées Navales de Sa Majesté Britannique », un autre se prévalait « d’ancien Officier de Cavalerie de l’Armée Américaine », un égyptien était « Commandeur de l’Ordre d’Isabelle la Catholique ».

Nombreux étaient ceux qui avaient déjà un titre de Docteur en Médecine de leur pays mais ils venaient se faire consacrer dans la plus vieille Faculté du Monde.

Les dédicaces sont sources de curiosité.

Elles vont évoluer avec les changements de régime mais aucune ne sera dédiée à l’Empereur. À ses Maréchaux, Généraux, Chefs de Corps, Évêques, Prêtres : oui ; un audacieux l’a dédiée « Au Christianisme » ; un autre, assuré qu’on ne pourrait mieux faire l’a tout simplement dédiée « A Dieu » !

Chose peut-être unique un autre y fait une véritable déclaration d’amour à un professeur de Collège.

Concernant les prénoms, certains sont totalement inconnus de nos jours : Adéon, Alfrène, Almire, Amant, Amynthe, Euryale, Hermodon, Indative, Nalcourt, Osmin, Palasne, Parville, Pompée, Pomponius, Porphyre, Scévola, Sucrion, Upsion. Il n’y a pas que les prénoms qui étonnent car on relève de nombreux termes incompréhensibles sans la traduction, tels que :

— l’Alagmunie ou … absence de coït ;

— l’Esquinancie ou … Angine inflammatoire ;

— l’Hémacélinose ou … Érysipèle des nouveaux-nés ;

— la Lipémanie proprement dite que l’on connaît mieux sous son autre nom de Mélancolie ;

— la Plique Polonaise en qui chacun a aussitôt reconnu « des douleurs nervoso arthritiques des parties charnues de la tête ».

Certains sujets de thèse sont courts, expressifs ou curieux :

— Sur les Ongles ;

— Les Sourcils ;

— La Merde – Engrais à Toulon ;

— L’Abus de l’eau ;

— Maladies qu’il est dangereux de guérir ;

— Les rapports morbides de l’Oeil et de l’Utérus.

— Doit-on guérir les Fièvres Intermittentes dans tous les cas ?

Une thèse occupe à elle seule la totalité d’un volume soit 385 pages écrites serrées sur « Le Froid » ; une autre a été présentée par deux frères ; à certaines périodes les thèses portaient sur des « sujets multiples tirés au sort auxquels le candidat répondra oralement ».

Quelques uns postulaient pour un Doctorat en Chirurgie ou pour Docteur Oculiste.

Une même personne pouvait soutenir à quelques jours d’intervalle une thèse pour le Doctorat en Médecine et une autre pour le Doctorat en Chirurgie.

Cette évocation des remarques générales ne peut se clore sans proposer à la méditation quelques sentences, affirmations ou alexandrins qui émaillent les thèses et montrent que l’humour était toujours présent.

— 1802 : De mes ébats aussi j’ai tiré l’usufruit mais, grâces au vif argent, le virus est détruit.

Il est aisé d’y reconnaître les ébats sexuels, le mercure et la syphilis.

— 1807 : On ne lave plus les Hôpitaux qui sont toujours d’une extrême propreté ( !).

— 1845 : « Et monté jusqu’au faîte, il aspire à descendre ».

Les souvenirs scolaires arrivent en foule et c’est la Scène 1 de l’Acte II de Cinna qui l’emporte. Mais à quoi est-il fait allusion ? Tout simplement au thermomètre qui, au Sénégal, après être « monté à 50° et plus » ne peut que descendre.

— 1850 : « Le mercure guérit la syphilis, voilà qui est établi comme un axiome ».

— 1852 : Plus curieuse est cette phrase : « Nous comprenons maintenant que l’odeur d’une bougie éteinte ou d’un lis puisse faire avorter ».

— 1872 : Une nouvelle réminiscence littéraire : « L’eau potable doit être comme la femme de César : à l’abri de tout soupçon ». Fait-on de telles trouvailles dans nos thèses modernes ?

Évoquer les traitements va nous amener à une curieuse découverte.

Très peu de moyens vraiment efficaces étaient à la disposition de nos anciens et, comme recommandé, le traitement doit être appliqué au plus près de la lésion.

C’est ainsi qu’en 1885 « la fumée de cigare dans l’anus » est prescrite pour les troubles menstruels !

Mais la thérapeutique omniprésente quel que soit le sexe ou la maladie, c’est la Saignée (« la saignée etoit un remède divin »). On saigne du côté malade, les arabes du côté opposé. Tous les Médecins ne sont pas favorables à la saignée généralisée même si « On a toujours assez de sang pour la vie » ! On saigne veines et artères, à la lancette, avec un matériel non stérile, plus ou moins copieusement et de façon plus ou moins répétée, même sans maladie, on saigne partout les veines des mains et des pieds, les hémorroïdes, la vulve, le pénis… en érection ! 90 saignées ont été pratiquées pendant une grossesse normale et 10 199 en dix-neuf mois !

Quand on imagine l’état physique d’un patient atteint par un virus ou quelque autre microbe et qu’on y ajoute des saignées répétées on se dit que nos ancêtres étaient d’une résistance peu commune.

Vous savez certainement tous qui a découvert le « Principe d’Archimède » ?

C’est beaucoup moins sûr concernant le « Principe de Précaution ».

Je pense avoir trouvé celui qui l’a inventé. C’est quelqu’un qui a expérimenté dans sa chair, à de nombreuses reprises, les effets particulièrement nocifs de la saignée (il y a 50 ans il n’y avait plus comme indications que l’œdème aigu du poumon et, actuellement encore, l’hémochromatose).

C’est de Louis XIV qu’il s’agit, qui, par une Ordonnance du 8 Mars 1712 a obligé les Médecins à demander à leurs patients de fournir lors de la visite suivante un certificat de confession. Il faisait ainsi preuve d’une grande clairvoyance et prenait soin de ses sujets.

Au troisième manquement les Médecins étaient tout simplement rayés des listes du Doctorat et en conséquence définitivement interdits d’exercer dans tout le Royaume.

Revenons à nos marins. Avant la Révolution, outre les Facultés classiques, il existait trois Écoles de Médecine Navale accolées à des Hôpitaux : Rochefort, Toulon, Brest, créées aux XVIIe et XVIIIèmes siècles. Elles formaient des Chirurgiens et des Médecins pour la Marine.

On trouvait réunis : un hôpital propice à l’instruction, un enseignement fondé sur la pratique, l’amphithéâtre et le lit du malade avec regroupement des médecins et des chirurgiens. Conception novatrice.

Leur qualité était telle qu’elles eurent le droit de porter le titre de « Collège Royal de Médecine ».

La Révolution abolit tous les Doctorats : TOUS Médecins ! Malheureusement les armées, sans cesse au combat, avaient besoin de vrais praticiens.

Bonaparte rétablit les Écoles (Paris, Montpellier, Strasbourg) et par plusieurs arrêtés dont celui du 20 Prairial An XI (9 Juin 1802) réorganise l’enseignement médical.

Les Officiers de Santé feront 3 ans d’études et ne pourront exercer qu’à la campagne.

Ce sera 4 ans pour le Doctorat et exercice en ville. Les Médecins militaires pourront soutenir « en raison de services rendus à la Nation et de leur acquis antérieur », une thèse après un stage raccourci et sans paiement de droits. Il apparaîtra qu’ils en profiteront.

L’obligation de la possession des deux baccalauréats, Lettres et Sciences, évoluera au fil des ans jusqu’en 1878 où ils seront définitivement obligatoires.

Le nombre de marins ayant soutenu une thèse à Montpellier est plus élevé que celui de marins l’ayant soutenue à Paris. Or Paris délivrait environ quatre fois plus de Diplômes que Montpellier. Ce sont donc, proportionnellement, cinq fois plus de thèses qui ont été soutenues à Montpellier qu’à Paris.

Remarquons qu’autant sinon plus de « militaires » ont fait la même démarche.

Il y eut plusieurs années où les marins représentaient le tiers des diplômés et en 1870 ils furent 43 sur 82 thèses soutenues.

Comment se répartissent-ils ?

Entre 1802 et 1865 il y aura 604 chirurgiens pour seulement 9 médecins et 65 Officiers de Santé. Le dernier chirurgien sera en 1872. Les chirurgiens ne seront plus que 25 de 1866 à 1892 et les médecins 424. Le dernier médecin sera Étienne Lafaurie en février 1892 ; après lui il y aura 39 « Élèves de l’École de Santé de la Marine » (Toulon) jusqu’en Avril 1893.

Pourquoi un tel engouement ?

Les Chirurgiens, assimilés aux Officiers de Santé, pourtant indispensables lors des combats vivaient avec les matelots dans des conditions plutôt misérables ce qui leur a permis d’exposer dans leurs thèses des problèmes très importants d’Hygiène Navale ou générale.

Seul le Diplôme de Docteur en Médecine pouvait leur donner accès au carré des Officiers.

Il faut savoir que jusqu’en 1882, les Médecins, même titulaires du Doctorat, étaient sous la coupe des Commissaires (Intendants) et n’avaient pas droit au port de l’épaulette d’Officier ni aux soldes afférentes, ce qui ne les incitaient pas à faire une longue carrière militaire.

Comment ont été recensés ces « marins » ?

Tous ceux qui se présentaient avec le vocable « marine » : Médecins ou Chirurgiens, quel que soit le grade (Aide, 3e, 2e, ou 1ère classe, Principal ou en Chef ou Ex), les Officiers de Santé, les « anciens Élèves de l’École de Médecine Navale de… Toulon, Rochefort, Brest. » J’y ai joint 10 (dix) « Pharmaciens de la Marine », 3 « candidats » dont la situation est incertaine et je ne pouvais éliminer un « Ex Mécanicien de la Marine Impériale ».

Évoquons quelques unes de ces figures

La plus ancienne est J. P. Repey qui, dans sa thèse de 1807, fera une remarquable description de la Fièvre Jaune et en précisera la non contagiosité ; J. R. C. Quoy, qui sera Inspecteur Général du Service de Santé, a fait deux circumnavigations, l’une avec Dumont d’Urville, l’autre avec Freycinet; Béranger-Féraud (thèse 1860) réorganisera le Service de Santé ; Amédée Lefevre (thèse 1827) identifiera le saturnisme à l’origine de la plupart des « coliques sèches ». Les marins soutiendront 17 thèses sur ce sujet et ils ne seront pas les seuls. Gélineau (thèse 1858) découvrira la narcolepsie ; Toye (thèse 1864) présentera l’art médico-chirurgical chez les Chinois.

Les sujets des thèses reflètent les principales préoccupations des ces praticiens embarqués les maladies auxquelles ils étaient confrontés en permanence et les maladies nouvelles qu’ils découvraient lors de leurs voyages.

Ils sont d’une grande diversité, on y relève « les morts subites », la Chirurgie de guerre, le Typhus, la Typhoïde, l’Hépatite, les Coliques sèches, le Choléra-morbus (21), les Dysenteries (39), la Fièvre Jaune (34), les Fièvres Intermittentes (Paludisme) (50), (la Quinine préventive est proposée dès 1851), le Scorbut (26). C’est dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle que le Médecin écossais Lind fait une démonstration très rigoureuse de la prévention du scorbut (mot danois, scorbeck, signifiant « ulcère de la bouche ») par l’absorption de jus de citron. La Marine anglaise l’a aussitôt adoptée, en faisant quasiment un secret d’État, aussi n’a-t-elle plus eu de scorbut à bord. Cela na pas été le cas de la Marine française dont les équipages pouvaient être atteints jusqu’ à 75 %, ce qui était loin de faciliter les manœuvres. On le comprend aisément à la lecture des descriptions de la symptomatologie, presque cauchemardesque. Pourtant, dans plusieurs thèses il était fait allusion « aux fruits, aux légumes frais », les citrons étaient également cités mais aucune expérimentation semblable à celle de Lind ne fut réalisée apportant une éclatante démonstration de l’efficacité protectrice du jus de citron. Le scorbut pouvait même être « contagieux et héréditaire » !

Ils réalisaient également ce qu’ils appelaient des « Topographies physique et médicale de… » ville ou région qui recensaient populations, plantes alimentaires, médicinales et autres faunes, sols, minéraux, hydrologie, météorologie (pluie, vents), maladies etc. C’était une photographie générale à un moment précis.

Ils avaient tous une grande et longue expérience de leur métier et la formule classique « Inaugurale », si elle était employée, n’en avait que le nom.

Comme l’écrit le Médecin Général Dulieu : « Elles sont une source d’information d’une richesse insoupçonnée, contribuant à l’histoire de la Pathologie Exotique d’autant plus qu’il s’agit d’observations vécues, prises sur le vif ».

Preuve de leur ancienneté, nombreux étaient les « 1ère Classe » et 149 décorés de la Légion d’Honneur dont 5 Officiers montrent qu’ils n’avaient pas qu’une valeur médicale.

Nous nous intéresserons plus longuement aux thèses concernant l’Hygiène Navale, l’Hygiène des Cantonnements et l’Hygiène tout court qui ont fait l’objet de 59 thèses.

Le fond des navires appelé « le marais nautique » contenait de l’eau stagnante qui créait de l’humidité laquelle faisait rapidement fermenter et pourrir tous les vivres qui y étaient entreposés ainsi voués à la destruction.

De plus l’air de ces cales était toxique en raison de l’absence de ventilation. On y trouvait du gaz carbonique, de l’anhydride sulfureux, des vapeurs toxiques dues à la cuisson au bois ou au charbon ou à la combustion de la poudre à canon lors des combats, de l’ammoniaque dû à la fermentation ainsi que de l’acide muriatique.

Les dortoirs étaient très humides par l’air venu du marais nautique et par l’apport d’humidité par les marins eux-mêmes, porteurs de linge mouillé d’eau salée, de transpiration et de crasse.

Ils proposaient de mettre les cuisines à l’avant pour que la chaleur émise contribue à l’assèchement des locaux et d’utiliser des ventilateurs.

Ils demandaient aussi que l’hôpital, dans les gros vaisseaux, soit près de la batterie de 18, que les malades ne reçoivent que 2 repas par jour au lieu de 3 et évoqueront des solutions pratiques pour les W.C. à bord.

Ils constatent que la ration d’eau quotidienne est insuffisante pour compenser les pertes, ce qui sera encore plus sensible dans les chaufferies des bateaux à vapeur et en métal surtout dans les régions chaudes.

Les médecins ont longuement insisté sur la désinfection des navires et la dératisation.

Ils s’élèveront également contre certaines punitions qui vont probablement au-delà du but recherché par le Comman-dement puisqu’elles peuvent entraîner la mort des punis.

La tonsure était réservée aux voleurs, le retranchement de vin fréquent.

Pour la prison et le cachot c’était la cale, dont nous avons évoqué l’atmosphère hautement toxique, où les punis pouvaient à peine se tenir à genoux. Les gaz sus-cités, l’humidité, le froid entraînaient des affections pulmonaires, des intoxications quelques fois mortelles.

Les punitions dans les haubans et les enfléchures n’étaient pas moins redoutables en raison du vent, du froid et des chutes sur le pont dues au sommeil avec les conséquences prévisibles ; les affections O.R.L., ophtalmiques ou pulmonaires étant un moindre mal.

Les punis des fers, sur la plage avant, étaient soumis au froid, au vent, aux embruns avec les mêmes conséquences.

Les coups de corde au cabestan entraînaient des hémorragies pulmonaires.

Qu’elle peut être l’utilité de « la cale » dont les rescapés devaient être rares ?

En effet le puni était hissé en haut d’une vergue et, lesté de 50 kg, lâché brutalement en mer d’une hauteur pouvant largement dépasser 10 mètres. Il descendait rapidement et profondément, traîné par le bateau. Sorti de l’eau la punition se répétait plusieurs fois, quant à la noyade elle ne semblait pas émouvoir le Commandement.

Une affection qui n’a rien à voir avec les punitions, imprévisible, mortelle, la « calenture » dans les régions tropicales, sous l’influence des fortes chaleurs, le marin pris d’une impulsion irrépressible se précipitait à la mer, sans aucun prodrome.

Des médecins se sont élevés contre le « Torpilleur », à vapeur et en métal, dénonçant une dégradation des conditions de vie du matelot en raison de l’augmentation de la température due à la coque en fer et à l’absence de ventilation ainsi que des trépidations et du bruit permanents causés par le mo-teur, ce qui n’existait pas dans les bateaux en bois et à voile.

Ils ont aussi relevé des anomalies flagrantes dans certains cantonnements : proximité des écuries, des abattoirs ou de cimetière, absence d’égouts, emplacements en position basse quelque fois près de marécages, parc à bestiaux. Ils démontrent que le volume d’air par personne, comme sur les bateaux, est inférieur à la réglementation. Ils proposent que les draps soient changés tous les 15 jours et non tous les 20 jours.

Ils suggèrent des améliorations vestimentaires dans le sens de l’allègement.

Leur contribution à l’amélioration de la vie à bord ou à terre a été très importante même si les effets n’en sont apparus qu’avec beaucoup de retard.

Le silence et l’immobilité de leur hiérarchie les a entraîné à manifester publiquement leur humeur, non sans humour, signe d’une belle indépendance d’esprit qui se perpétuera.

Finalement il fallait beaucoup de courage à ces Chirur-giens et Médecins embarqués pour vivre dans de telles condi-tions et, semble-t-il, en l’absence de quelque considération.

Outre les soutenances de thèses les liens des Médecins de la Marine et de la Faculté se sont matérialisés par la présence d’anciens marins comme Professeurs. De nombreux professeurs de l’École de Médecine de Bordeaux venaient de Montpellier.

Le plus ancien fut Dubreuil Joseph, Marie (son nom d’origine est Dubruel) qui, après avoir été Professeur aux Écoles de Médecine Navale de Rochefort et de Toulon, fut désigné comme Professeur à Montpellier où il occupa la première Chaire d’Anatomie en 1824.

En 1832 il est élu Doyen mais démissionne en 1836. Il soutient la démarche de Lannec, vivement combattu, qui vient de découvrir l’auscultation et lui-même décrit le bruit de soufflet de l’anévrysme de l’aorte descendante. Il est habile chirurgien et spécialisé en chirurgie abdominale et nerveuse. Il s’intéresse à la paléontologie.

Mais c’est Fonssagrives Jean-Baptiste, marin pendant plus de 20 ans, Professeur à l’École de Brest qui obtiendra sans concours la Chaire d’Hygiène en raison de ses compétences. Il occupera ensuite la Chaire de Matière Médicale et de Thérapeutique.

Ses Traités, monumentaux, de Matière Médicale, d’Hygiène Navale, d’Hygiène Générale, d’Hygiène des Enfants, l’assainissement des Villes, font autorité.

Il est pédiatre, pharmacologue, étudie l’action des médicaments sur l’organisme, la tuberculose, les intoxications, la diététique, la pathologie exotique.

Il invente, avec Du Moncel et Ruhmkorf, un « organos-cope photo-électrique par induction » pour « l’éclairage des cavités organiques » qui n’est autre qu’un endoscope.

Il identifiera le « râle caverneux » dans la pneumonie. Il préconise la vaccination antivariolique des enfants ; il a une grande activité journalistique et sera le co-fondateur de l’importante revue médicale « Les Archives de Médecine Navale ».

Son œuvre est immense et a fait l’objet de centaines de publications.

Il est aussi fabuliste sous un nom d’emprunt : Victor Müller.

Avec eux il faut citer, comme Agrégés, Saurel Louis (Thèse 1851) qui sera marin de 1843 à 1853. À Montpellier il exercera : Chirurgie, Urologie, Obstétrique, Dermato-Vénérologie et Ophtalmologie Il écrira un Traité de Chirurgie Navale de guerre.

Chrestien André, autre Agrégé, marin de 1829 à 1835, esprit exalté, de caractère difficile ; Pourché François et Maurel Émile.

En 1893 il n’y a plus de thèses de marins. Pourquoi ? Les besoins importants de Médecins pour les Colonies vont entraî-ner la création en 1890 à Bordeaux, érigée en Faculté en 1874, de l’École Principale du Service de Santé de la Marine et des Colonies.

Montpellier était candidate mais surenchère financière et décision politique ont fait désigner Bordeaux.

Les trois Écoles de Brest, Rochefort et Toulon deviennent « Écoles Annexes » et préparent au concours d’entrée à l’École de Bordeaux désormais connue sous le nom « d’École de Santé Navale ». L’entrée se fait en deuxième année et les élèves de Toulon prendront leurs quatre premières inscriptions à Montpellier (Marseille n’était pas encore Faculté).

Les Professeurs se rendent à Toulon pour faire passer les examens.

Outre ce lien qui durera jusqu’en 1963, date de fermeture des Écoles Annexes, Joseph, Maurice Dejean (Promotion 1909) sera Professeur d’Ophtalmologie (son fils aura la Chaire d’O.R.L.).

Le Docteur Michel Sardet, ancien de Bordeaux, vient de faire paraître à L’Harmattan : « Les Naturalistes et Explorateurs du Service de Santé de la Marine au XIXème siècle » où, parmi la centaine qu’il évoque, on trouve une quinzaine de « montpelliérains ».

Bayol qui sera Gouverneur des Colonies, Coustan (natif de Montpellier) dont une anophèle porte le nom, Griffon du Bellay qui explorera le Gabon, Hyades, Jossand Sidney, Joubert, Lallemand, Le Scour, Lesson P. A., Quéau, Quoy déjà cité, Touchard, Triaud, Chaleix qui, interné, décédera avant sa soutenance de thèse.

Ces Médecins ou Chirurgiens étaient « missionnés » par le Muséum d’Histoire Naturelle auquel ils envoyaient au fur et à mesure, durant leurs longs périples, les résultats de leurs recherches et de leurs découvertes dans les domaines les plus variés.

C’est ainsi que de nombreux végétaux, minéraux, animaux terrestres et aquatiques porteront leur nom.

Outre la Botanique, la Minéralogie et la Zoologie ils faisaient de l’Ethnologie, de la Paléontologie, de l’Hydrologie, de la Météorologie.

Ils exploreront des pays inconnus (l’Amazonie, l’Afrique Centrale.) et certains y seront assassinés.

Le danger ne venait pas seulement des tribus puisque 22 Médecins et Pharmaciens mourront, dans le seul Sénégal, lors de l’épidémie de Fièvre Jaune de 1878. Bourgarel (Thèse 1858 et 1866 !) est inscrit sur la stèle de Gorée.

Ils amasseront et adresseront au Muséum un nombre considérable d’informations de grande valeur et enrichiront les Jardins des Plantes en espèces nouvelles.

Petite digression : avez-vous remarqué que, sur les tableaux représentants des blessés visités, sur les champs de bataille, par les Empereurs, certains personnages n’ont pas de moustaches ? Et pourtant la moustache a été, jusqu’à une date récente l’attribut masculin obligatoire. Il s’agit de Chirurgiens qui n’avaient pas droit au port de la moustache.

2) Historique de la Caserne de Lauwe - Montpellier

En 1867 Monseigneur Le Courtier, Évêque de Montpellier, envisage la construction d’un nouveau séminaire diocésain plus adapté aux besoins, plus fonctionnel et plus salubre.

Le choix de l’emplacement se porte sur l’enclos Farel sur lequel existe déjà une très jolie « folie » qui est l’actuel bâtiment où sont logés les Officiers.

L’Île Farel (on appelait 3île ou îlot3 au Moyen Âge un terrain, bâti ou non, bordé de rues ou de chemins) était un vaste triangle délimité par la rue Saint Vincent de Paul, l’ancien chemin de Castelnau et le chemin de Nazareth.

Il comprend actuellement la Caserne de Lauwe, l’Imprimerie de la Charité, des maisons et immeubles dont le Jean-Sébastien Bach construit en 1985 à la place d’une Église et d’un couvent de Capucins (Saint Antoine de Padoue).

Au Moyen Âge il était occupé en partie par un cimetière israélite. On y découvrit, lors de la construction, des restes de sépultures juives.

Son nom lui vient, avant la Révolution, de son propriétaire, grand négociant, de religion réformée. Le 25 Mars 1788 il fut inhumé publiquement grâce à l’Édit de tolérance rendu par Louis XVI. Ce fut la première fois qu’un enterrement de protestant parcourait la voie publique.

Ce Petit Séminaire s’appellera Saint Firmin (n’oublions pas que les Petits Séminaires sont des Collèges – ou des Lycées – qui reçoivent des élèves de la 6ème au Baccalauréat et que seuls les Grands Séminaires accueillent les futurs prêtres après le Bac) ; son entrée sera 4 Rue Saint Vincent de Paul jusqu’au 18 Mai 1961 date où la rue sera rebaptisée: Rue du 81ème Régiment d’Infanterie.

Le devis estimatif des travaux établi le 15 Mai 1867 s’élève à 492 217,16 Francs (OR, de l’époque) y compris les honoraires (5 %) de l’architecte.

Les pierres de taille utilisées pour les différents éléments de la construction proviendront de Vendargues pour les marches et les escaliers, de Saint Géniès-de-Mourgues, de Saint Jean-de-Védas et de la carrière de Maravale pour le reste. Le cubage employé avoisine les 4 000 mètres cubes à un prix variant entre 35 et 49 francs le m3 selon la provenance.

Dès 1867 commence dans tout le Diocèse une souscription pour la construction. Toutes les paroisses donneront, y compris les plus pauvres, ainsi que de nombreux particuliers. Il sera toutefois fait appel au Crédit Foncier de France pour un prêt de 170 000 F. remboursables sur 60 ans pour compléter les dons des catholiques du Diocèse.

Le Petit Séminaire Saint Firmin sera inauguré en 1880 par Monseigneur François Marie Anatole de Rovérié de Cabrières et fonctionnera comme tel jusqu’en 1907.

À l’angle de la rue Saint Vincent de Paul et de la Rue de Nazareth existait un Octroi de la Ville.

En vertu de la Loi de séparation de l’Église et de l’État il est désaffecté en Décembre 1907 et immédiatement utilisé par l’Armée pour y loger une partie du 81ème Régiment d’Infanterie.

Il est attribué, sur sa demande, à la Ville de Montpellier par un décret du 18Août 1911 signé du Président Fallières et maintenu dans son affectation.

L’Université souhaitait récupérer le Grand Séminaire pour, après aménagements, en faire une Bibliothèque Universitaire. Toutes les Facultés : Médecine, Pharmacie, Droit, Lettres et Sciences n’étaient-elles pas alors à moins de 300 mètres ?

Les militaires, de leur côté, semblaient n’avoir plus besoin de cette Caserne ainsi que l’écrit le Général Altmayer Commandant le 16ème Corps d’Armée.

D’ailleurs après la guerre de 14/18 le Maréchal Foch, de passage à Montpellier où il avait tenu garnison et logé Place de la Canourgue, promit à Monseigneur Mignien de lui rendre la Caserne de Lauwe.

Le Général de Lattre de Tassigny successeur du Général Altmayer n’y semble pas opposé dans une lettre du 24 Juillet 1942 : « … mon vif désir est de voir aboutir la question du Petit Séminaire Saint Firmin… ».

Le Conseil Régional de Montpellier dans sa séance du 18 Octobre 1941 se déclare favorable à la restitution de la Caserne de Lauwe en échange du Grand Séminaire. Le Préfet Régional était d’accord et le Recteur d’Académie M. Pariselle exposait par lettre du 9 Juillet 1943 les raisons de cette récupération.

Les échanges de lettres vont se poursuivre jusqu’à l’été 1943 en raison de points litigieux au regard de la Loi de Juillet 1941 et ce malgré l’accord de toutes les parties sur le plan local.

C’est le général Bridoux, Secrétaire d’État à la Guerre qui rejette la requête.

Des démarches sont alors entreprises auprès du Maréchal Pétain, Chef de l’État. Celles-ci n’auront pas le temps d’aboutir.

Entre 1914 et 1918 la Caserne de Lauwe est Hôpital Complémentaire.

En Juin et Juillet 1940 elle accueille des Élèves de l’École Principale du Service de Santé de la Marine et des Colonies repliée de Bordeaux, en zone occupée, avant qu’ils ne rejoignent la Cité Universitaire des Arceaux où ils resteront jusqu’en fin 1942.

Après le départ des Navalais elle redeviendra Hôpital Complémentaire avec une Maternité ! Ceci pour caser de manière officielle un maximum de personnel du Service de Santé. Devenu inutile il est dissous fin 1943 et en 1944 la Milice s’y installera avec les familles, l’enceinte les mettant à l’abri de représailles. Des résistants y seront interrogés, torturés ou assassinés. Elle redevient alors et jusqu’à la fin de 1945 un Hôpital Complémentaire où seront accueillis les prisonniers rapatriés d’Allemagne.

L'ancien Petit Séminaire Saint-Firmin devenu caserne Chombart de Lauwe
Fig. 8 - L'ancien Petit Séminaire Saint-Firmin devenu caserne Chombart de Lauwe. En bas à gauche, le stade Lieutenant-Normand († en Indochine).
En bas à droite, le Petit Lycée devenu caserne Aspirant-Tastavin. Dans l'angle droit la chapelle Saint-Antoine-de-Padoue et le couvent des Capucins
démolis pour laisser la place à l'immeuble « Jean-Sébastien Bach ».

Tous les prisonniers rapatriés et les Unités dissoutes, la plupart des Casernes et bâtiments militaires de Montpellier, les Casernes du Cours Gambetta très rapidement, la Caserne Joffre actuellement Lycée – de 1948 à 1954 -, l’immense Polygone, le Génie, les Subsistances, les Chais, la Caserne Grossetti enfin, vont être transférés à la Ville de Montpellier.

Seuls subsisteront le Quartier Lepic qui deviendra l’École d’Application de l’Infanterie et la Caserne de Lauwe qui accueillera en Juin 1946 les « exilés de Vincennes », l’École Militaire d’Administration (E.M.A.) qui depuis 1941 aura connu l’Avenue Védrines à Marseille, le Thermal Hôtel de Néris les Bains et le Château des Bergeries à Draveil (Seine et Oise). Le monument aux Morts y prendra place en 1949 dans les jardins.

Les salles de tortures de la Milice seront conservées sans aucune affectation et la nef de la Chapelle sera partagée dans le sens de la hauteur.

Pendant plus de deux ans 3 prisonniers allemands y resteront, en semi-liberté, assurant des travaux d’entretien, avant d’être rapatriés.

Le stade, plus tard « Lieutenant Normand » (tué en Indochine), sera installé sur un ancien cimetière de religieuses.

Les locaux du bâtiment principal recevront au cours des années des affectations différentes mais la Direction et l’Infirmerie ne bougeront pas, l’une s’agrandissant, l’autre rapetissant.

Très tôt les différents couloirs intérieurs, des salles et les allées extérieures recevront des noms rappelant des personnages remarquables ou des noms de lieux ayant un rapport avec l’École.

La Caserne de Lauwe logera de 1947 à 1958 des Élèves Médecins de l’École du Service de Santé Militaire de Lyon détachés à Montpellier pour poursuivre leurs études à la Faculté de Médecine suite à la destruction par la R.A.F. (Royal Air Force ), l’été 1944, de leur École où se trouvait le siège de la Gestapo.