Le spirituel dans le Cartulaire de l’abbaye Sainte Marie de Valmagne, ordre de Cîteaux, diocèse d’Agde
Le spirituel dans le Cartulaire de l’abbaye Sainte Marie de Valmagne,
ordre de Cîteaux, diocèse d’Agde
p. 27 à 49
A. Argument
I Il peut sembler superflu ou inconvenant de rechercher les traces du spirituel dans un manuscrit provenant d’un monastère. En effet l’objet fondamental de la vie monastique est de parvenir au Royaume des Cieux. S. Benoit propose sa Règle Domino Christo vero regi militaturus à celui qui se dispose à combattre pour le Seigneur Christ. Le moine persévérant dans la doctrine du Christ jusqu’à la mort dans le monastère participera à la Passion du Christ par la patience et méritera d’avoir part à son royaume, in ejus doctrina usque ad mortem in monasterio perseverantes, passionibus Christiper patientiam participemur, ut et regno ejus mereamur esse consortes 1.
Les documents primitifs de Cîteaux, le Nouveau monastère, affirment le souci des moines revenant de Molesmes, de s’en tenir à la stricte observation de la Règle, refuser tout ce qu’elle ne prévoit pas. Méprisant les richesses du monde, les nouveaux soldats du Christ, les cisterciens, pauvres avec le Christ pauvre ecce hujus saeculi divitiis spretis, coeperunt novi milites Christi cum paupere Christo pauperes, se considèrent comme une milice spirituelle que la miséricorde de Dieu développera et mènera à sa perfection au profit d’un grand nombre, sed Dei misericordia, qui hanc militiam spiritualem suis inspiravit ad multorum profectum egregie eam amplificare et consummare non cessavit 2.
II Au cours de l’année 1982 nous avons commencé le dépouillement du Cartulaire de l’abbaye cistercienne sainte Marie de Valmagne, ordre de Cîteaux, diocèse d’Agde, en vue de son édition scientifique. La transcription, analyse, indexation des textes ont été achevés en avril 2002. Nous espérons, après des difficultés techniques, achever cette édition et voir enfin sa publication paraître dans un délai raisonnable.
La cession du manuscrit aux Archives du Département de l’Hérault en 2005, a ranimé l’intérêt que les chercheurs lui portaient. Le présent article a pour but de saluer le don de Mme d’Allaines, propriétaire de l’ancienne abbaye et du cartulaire, et attirer l’attention des spécialistes sur l’intérêt de sa publication, et le renouvellement des connaissances historiques attendu pour toute notre région.
Ce travail nous a révélé, dans le cartulaire de Valmagne, une masse colossale de documents inédits et inemployés dans leur quasi-totalité. Le total des actes approche le millier, leur rédaction s’étend de 1139 à 1215 avec une exception 1235. Le collationnement des chartes originales dans le cartulaire a été précoce, commencé en 1185, donc presque contemporain des actes souscrits.
III Le cartulaire est un document de gestion, il est destiné à établir les droits du monastère sur les biens donnés, vendus ou échangés. Des tables et répertoires, un système de numérotation et de classement permettent les recherches. On y constate une extrême minutie dans le souci des moines de prouver leurs droits. Les actes de cessions, ventes, échanges sont accompagnés le plus souvent d’actes antérieurs, d’enquêtes, de témoignages, de confirmations, renonciations à poursuites etc. Le sens de la justice et de l’équité est présent, mais on décèle également une âpreté certaine dans l’affirmation des droits du monastère, dans leur défense, les discussions, les procédures judiciaires et conflits éventuels.
Si bien que, à la lecture, relecture, étude et comparaison de ces textes, le chercheur éprouve l’impression assez désolante que la gestion attentive, presque affairiste, et sans concession du temporel est prépondérante. Où sont donc ces moines pauvres avec le Christ pauvre… ?
Si bien que, prononçant une communication sur ce manuscrit, nous avons posé au sujet du monastère de Valmagne la question saugrenue : Le Royaume de Dieu est-il donné par surcroît ?
C’est à cette question que tente de répondre la présente étude. Valmagne fut-elle une Maison de prières, ou seulement un centre de gestion ?
Le cartulaire lui-même et lui seul peut répondre, étant la source documentaire unique sur le monastère pour la période la plus féconde de sa vie. Pourvu que l’attention du chercheur ne s’arrêtât pas au seul aspect juridico-gestionnaire du temporel, mais sût trouver, nonobstant la destination des documents, les traces du spirituel.
Hors du cartulaire proprement dit, le spirituel à Valmagne au XIIe et au XIIIe siècles na pas laissé d’échos. Le rôle ecclésiastique de l’abbaye est assuré au moment de la prédication anti-hérétique en Narbonnaise, puisque l’abbé Pierre III fut l’un des associés – et une caution cistercienne – du légat Pierre de Castelnau 3. L’évêque de Béziers, en 1201, salue la régularité des cisterciens en général et des moines de Valmagne en particulier 4.
Pénétrons le détail des chartes et non sans une patience constante, observons la trame religieuse et le fondement spirituel qui, malgré les apparences, guident les religieux, rayonnent sur les fidèles et justifient l’existence du monastère.
B. Méthode
L’examen que nous allons faire du cartulaire livrera un nombre de vocables, termes, phrases qui renvoient aux notions spirituelles, religieuses ou ecclésiastiques. Nous classerons en six chapitres.
I La religion,
II La liturgie,
III La vie chrétienne et les sacrements,
IV Les personnes,
V Les moines,
VI Le monastère
La fondation initiale de la Maison de Valmagne a été faite pour des religieux venant de l’abbaye d’Ardorel au diocèse d’Albi, appartenant à l’Institut créé à Cadouin, diocèse de Cahors, par Géraud de Sales, transfuge de Fontevrault. L’Institut de Géraud de Sales était semi-érémétique, mais plus proche du cénobitisme que ne le fut, par exemple, la Chartreuse sa quasi-contemporaine. Dès 1145 et sous la possible influence de s. Bernard passant en Narbonnaise, la plupart des monastères Cadunienses, c.a.d. dépendant de Cadouin, passèrent à l’ordre des Cistercienses. Les tentatives de Valmagne commencent en 1149, (acte 13) et l’adhésion à Cîteaux par Bonneval en Dauphiné, dans la filiation de Pontigny, est décrétée en 1155. Le chef d’Ordre, Cadouin, avec des amodiations, adhère lui-même à Cîteaux peu après.
Dans le cartulaire 48 chartes seulement sur un total de 961 ont été écrites et conservées pour la période cadunienne (1139-1155). Nous les incluons sans différence dans notre présent travail, se réservant pour une autre recherche l’étude du passage de Cadouin à Cîteaux, de l’érémétisme mitigé au cénobitisme le plus intransigeant.
Chacun des termes que nous relevons sera étudié sous le rapport du sens, de l’étymologie, il sera mis en rapport avec la Règle de s. Benoit, avec les documents primitifs de Cîteaux : Exordium parvum, Carta Charitatis, Grand Exorde, et Ecclesiastica officia. Enfin, sil y a lieu, nous le replacerons dans le contexte général de l’Église du XIIe ou XIIe siècle.
C. Orientation bibliographique
Généralités
Cette bibliographique n’est pas exhaustive, il sen faut, mais seulement indicative.
a. Sur le monachisme en général :
Dom Jean Leclerc, L’amour des lettres et le désir de Dieu, initiation aux auteurs monastiques. Paris, Le Cerf, 1991, 268 p.
Dom Stephanus Hilpisch, Histoire du monachisme bénédictin, Lib. Tequi, Paris, 1989, 419 p.
André Vauchez et Cécile Caby dir., L’histoire des moines, chanoines et religieux au Moyen âge, guide de recherches et documents. Coll. L’atelier du médiéviste, Brepols, Tournai, 2003, 372 p.
b. Sur Cîteaux :
Jean-Berthold Mahn, L’ordre cistercien et son gouvernement des origines au milieu du XIIIe siècle. E de Boccard, Paris, 1982, 320 p.
Fr. Jean-Baptiste Auberger o.f.m. L’unanimité cistercienne primitive, mythe ou réalité ? Abbaye d’Achel, Commentarii cistercienses, 1986, 583 p.
Unanimité et diversité cisterciennes, C.E.R.C.O.R. Travaux et recherches, Université de Saint Etienne, 2000, 715 p.
c. Le Cartulaire de l’abbaye Sainte Marie de Valmagne :
Ce manuscrit, parchemin du XIIIe siècle en deux volumes, conservé jusqu’ici à l’abbaye de Valmagne est entré par don de Mme d’Allaines sa propriétaire dans les fonds publics des Archives départementales de l’Hérault en juin 2005. Il est conservé désormais sous la cote : 9H37 et 9H38.
Nous renvoyons dans les études qui lui sont consacrées au numéro d’acte de notre propre édition en cours d’achèvement, et à paraître.
Présentation générale du Cartulaire et description codicologique provisoire Le Cartulaire de l’abbaye Sainte Marie de Valmagne, par Henri Barthés, membre correspondant, séance du 24 octobre 2005 in Bulletin de l’Academie des Sciences et Lettres de Montpellier, nouvelle série tome 36, année 2005, Montpellier 2006, p. 297 et suiv.
c. Documents dépouillés et mis en rapports pour la présente étude : abréviations employées :
R.B. : Règle de s. Benoit, texte latin traduction et concordances, Philibert Schmitz, Brépols 1987, 270 p.
E.P. : Super exordium cisterciensis coenobii ou Exordium parvum, Petit exorde de Cîteaux.
CCh. : Carta caritatis, Charte de Charité, in Cîteaux, documents primitijs, texte latin traduction française, Cîteaux, commentarii cistercienses Fr. François de Place, fr. Gabriel Ghislain, fr. Jean-Christophe Christophe, 1988, 219 p.
- : Conrard d’Eberbach, Le Grand Exorde de Cîteaux, ou récit des débuts de l’ordre cistercien, traduit du latin par Anthelmette Piébourg, introduction de Brian P. Mc Guire, Brepols, Cîteaux cornmentarii cistercienses. 1998, 556 p. L’utilisation de ce texte fondamental pour notre recherche a été rendue difficile et aléatoire par la traduction française, qui ne rend pas les termes exacts latins du texte. Nous n’avons pas pu recourir à l’édition classique de dom Bruno Griesser, en cours de réédition.
- : Sœur Danielle Choisselet, frère Placide Vernet, Les Ecclesiastica officia cisterciens du XIIe siècle, Documentation cistercienne, volume 22, abbaye d’Oelenberg, Reiningue, 1989, 624 p.
Pour la liturgie de l’Office divin dans le rit cistercien nous renvoyons à notre étude du bréviaire plénier de Cîteaux ou Breviarium vetus, (B. Nle ms. Lat. 1039, fin du XIIe siècle) représentant, selon nous, l’état achevé de la réforme cistercienne, étude publiée dans la revue Oculus des Amis de Fontfroide, n° 6,7 et 8 (1993-1994)
Les essais d’étymologie ou renvois à la langue latine sont faits, sauf indication contraire, à A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, histoire des mots, Paris, Klincksieck 1979, 829 p. Les renvois à l’étymologie grecque sont faits à Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, histoire des mots, Paris, Klincksieck 1968, 1356 p. Les définitions données sont celles de Du Cange, Glossarium ad scriptores ultimae et inflmnae latinitatis, (abrév. DC.) Nous avons également recouru à Albert Blaise, Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens, Brépols, Tournai 1954, 983 p. et Lexicon latinitatis medii aevi, Tournolt, Brépols 1975, 970 p. également au Mediae latin itatis lexicon minus de J. Niermeyer, Brill Leide, 1976, 1138 p.
D. Étude
I. La religion
Le fidèle vit en un lieu et en un temps qui lui sont donnés pour l’exercice de la vertu de religion. Cet état profane en quelque sorte est désigné par le mot :
Saeculum. Saeculum est en lat. classique la génération, l’âge, l’époque, l’espace de cent années. Mais aussi la vie commune, la vie chez les païens, la vie hors de l’institution religieuse monachis praesertim dictum quidquid extra claustrum. (DC)
La misère du siècle miseriam hujus saeculi (Cart. passim) est soulignée, la vie séculière est celle du travail quotidien si quis seculariuin in dictis terminis terras excoluerit celui qui dans le siècle travaillera la terre de son terroir. (492) Il porte l’habit commun, ou séculier seculari habitu. (878).
Saeculum représente tout ce que le moine laisse au moment de sa conversio (servantes saeculo finem) RB I, 7, CCh, E.O. 98.57)
Le siècle est un état pervers qui va vers sa fin, vieux thème paulinien et ecclésiastique… videns et considerans ire saeculum ad finem. (passim)… hoc infernum seculum ire sine mora ad finem, (187) ce siècle d’enfer allant sans cesser vers la fin.
La fin du siècle c’est la fin du monde (552, 553) thème de la RB emprunté à s. Paul Qui perseveraverit us que in finem. (7,36) La fin des temps, la fin du siècle, la fin de la vie profane est loccasuin inundi :… videns… et omnia tendere ad occasum (249) occasum décrit la chute, le déclin, le coucher des astres, la mort.
L’opposé du siècle, l’opposé de l’occasum est…
Regnum caelorum. C’est le terme évangélique par excellence, le terme des paraboles : simile est regnum caelorum… La RB (prologue 50) redit une phrase du Sacramentaire : ut et regno ejus mereamur esse consortes, que nous méritions d’avoir part à son règne, et encore qui nos vocavit regnun suum videre qui nous a appelés à voir son règne.
Le règne des Cieux : volens relinquere seculum et cupiens pervenire ad regna celorum (passim. En particulier 189).
Certains actes s’en tiennent à regnum, voire au verbe fréquentatif regnare : nos et… cum Ecclesia regnare valeamus. (249)
Le royaume des cieux s’acquiert par la pratique des vertus, la vertu essentielle est la foi en Dieu :
Fides. Fides est un terme archaïque du droit et de la religion de Rome, foi, confiance, sincérité, croyance en Dieu chez les chrétiens.
Curieusement, la fïdes est seulement évoquée dans les formules de serment ou dans l’eschatocole des actes, en des phrases stéréotypées de formulaires juridiques, le plus souvent : sic Deus me adjuvet et fïdes illius (passim) mais avec des précisions éventuelles rares : fides catholica : sic Deus me adjuvet et fïdes catholica, (121,123) que Dieu et la foi (catholique) me soient en aide.
La RB exige la foi comme ceinture autour des reins succintis ergofïde lumbis nostris, la foi est inséparable de la profession monastique : processu vero conversationis et fïdei. Les E.O. exigent que le fidèle malade demandant son admission aux prières des moines soit interrogé sur sa foi : quod de fide sua infirmus interro gare praecipitur.
L’espérance, au sens de vertu théologale, n’est pas citée dans le cartulaire, reste la charité :
Charitas/ Caritas. Le grec Χάριζ est la grâce extérieure, la joie, la bienveillance, condescendance, reconnaissance.
Χάριζομαι est faire plaisir, complaire gracieusement.
La vertu de l’amour de Dieu et du prochain, amour spitrituel.
La caritas est citée souvent, c’est le moteur des actes de gratification envers les moines intuitu caritatis, nomine caritatis, (Cart. passim)
La RB expose la vertu des moines cum fervore caritatis avec l’ardeur de la charité (66,4) L’un des textes fondateurs de Cîteaux est la Carta Charitatis, la Charte de Charité.
Caritative. Charitablement, selon la définition de DC Ex caritate, ex animo humaniter, selon la charité, selon le mouvement humain.
Plusieurs dons aux moines sont faits karitative dedistis nobis (236) hujus instrumentum karitative donationis (249) concedo atque caritative in remissione peccatorum meorum (253).
La CCh donne le mot : charitative studeat corrigere qu’il sache corriger avec charité (ch. III)
Les EO connaissent aussi le terme.
Benignitas. Benignitas : bonté, bienveillance, générosité. Causa benignitatis et pacis (635) Les donations sont exprimées assez souvent comme mues par le sentiment de bénignité : pro salute animarum nostrarum, pro voto ac benigno affectu. (90)
L’affectum, inclinaison d’âme ou d’esprit, fr. affect, est cité trois fois à la RB : ostendat affectum, (2, 24) cordis credat affectum, (7,51) affèctu inspirationis, (20,4) benignum affectus se trouve aux EO (46,25)
La charité, la bénignité se manifestent par des œuvres de miséricorde :
Elemosina, Helemosyna, Eleemosyna
Grec Έλεήμοσμνή, du verbe Έλεω, misericorde, pitié, manifestation de la pitié par des dons généreux.
La litanie de l’office ou de la messe redit le verbe élèo à l’impératif aoriste. Le fr. aumône réduit le sens à un don gratuit envers les pauvres.
Eleemosina, sous des orthographes variées est très fréquent dans le cartulaire. La RB y renvoie à profusion, de même que les textes primitifs de Cîteaux.
Pietas, pias causas. Lat. Pietas, sentiment qui fait reconnaître et accomplir les devoirs envers les dieux, pietas erga deos, envers les parents, la patrie, en lat. chrét. Disposition intérieure du fidèle dans ces devoirs qui ne sont plus seulement formalistes, mais engagent l’être humain en entier.
Dans le cart. La pietas est associée aux actes de donation ou aumônes en des formules fréquentes et variées : in pias causas bona sua dederat, (356) nomine elemosine et pietatis, (350) pio animo, (424) généralement causa pietatis (passim) ou intuitu pietatis. (passim)
La RB demande au moine de pratiquer cette vertu : pietate sua demonstrat (Prolog. 20) le GE la suppose et la reconnaît chez la quasi totalité des cisterciens.
Votum. Ces dispositions se manifestent souvent sous la forme d’un vœu, d’une promesse. Le votum est fréquent et universel dans les religions antiques, promesse faite aux dieux, invocation en offrant de faire un don si la demande est exaucée. C’est l’expression du fameux do ut des, formulaire des contrats innommés du droit romain appliqué à la religion. Fait humain qui est également pratiqué dans le christianisme, mais en y adjoignant un engagement moral.
pro salute animarum nostrarum ac parentum nostrorum pro voto ac benigno affectu pour le salut de nos âmes et celles de nos parents, après un vœu et mus par la bénignité. (90)
On reconnaît au Siège Apostolique et au pape Innocent III dans Pacte 658 : solet annuere Sedes Apostolica pus votis et honeste petendum quelle a pour coutume d’être favorable aux pieux vœux et à ce qui est honnête dans les demandes.
Le vœu, votum, est aussi l’un des termes de la profession monastique, nous l’étudierons à sa place.
La RB n’évoque pas le votum mais le GE en cite plusieurs, non compris les renvois aux vœux monastiques.
L’ensemble des bonnes actions est un bien spirituel :
Bonum. L’adjectif latin bonus est substantivé, le Bien, les biens.
Bonum spiritalium, (passim) pro bono pacis. (330) La RB cite le bien en ce sens (Prolog. Passim) Dans ce bien en général est compris le :
Fructum bone actionis, le fruit des bonnes actions :
pie fructum bone actionis percipiat qu’il reçoive le fruit pieux des bonnes actions. (20)
La RB suppose l’observantia bonorum actuum l’observation des bonnes actions, nisi bonis actibus, sauf si les bonnes actions… (Prolog. 21)
Beneficium, beneficium spirituali. Le lat. beneficium exprime le bienfait, le service, la faveur ou la distinction reçus. C’est aussi dans le vocabulaire carolingien et ecclésiastique tardif la rémunération d’une fonction, puis la fonction elle-même et les revenus qui s’y attachent.
Dans le cart. il est seulement au sens du bienfait spirituel que l’exercice des vertus et la prière des moines procurent aux fidèles, c’est pour avoir part à ce bienfait spirituel que les donations sont consenties. La formule la plus usuelle est ainsi à la voix active : ut sim particeps ego et parentes mei omnis beneficii spirituali vestre domus que je sois ainsi que mes parents participant au bienfait spirituel de votre maison, (276 et passim.) ou à la voix passive si c’est l’abbé qui accorde ce bénéfice et ipsi fratres domus Vallis magne fècerunt me participem omnium beneficiorum domus les frères de la maison de Valmagne m’ont fait participant à tous les bienfaits de cette maison. (408 et passim)
Les EO emploient benefïcium en ce sens. (passim)
L’exercice des vertus chrétiennes a pour objet le pardon des péchés, un péché assimilé au Mal, dont la connaissance et l’appréciation sont nécessaires
Malum. Lat. malum, ce qui arrive de mauvais, calamité, malheur, dureté, rigueur, le lat. chrét. donne un sens moral à malum, le Mal moral, la perversité, la cause des fautes.
malum quod feci le mal que j’ai fai, (271 et passim) ista mala et alia plurima ces maux-là et beaucoup d’autres, (568), les mauvaises actions menées contre le monastère : nunquam de cetero predicta petit pro predictis vel aliter monasterio Vallis magne frcit malum il ne demandera rien d’autre de ce qui précède et ne causera pas d’autres maux au monastère de Valmagne. (583)
De ces maux, du mal, le fidèle demande le pardon et l’effacement des châtiments mérités
Venia. Lat. venia, la bienveillance, faveur, grâce, rémission, pardon, excuse ou dispense.
ut Deus omnipotens ad judicium nobis veniam concedere dignetur pour que Dieu tout-puissant daigne nous accorder le pardon lors du Jugement. (400)
La RB redit une formule liturgique veniam consequatur (24,7) Les EO citent venia au sens d’une peine imposée à la suite d’une faute, se prosterner pour demander le pardon, sens quasi-liturgique chez les moines, au moment du chapitre des coulpes.
Indulgentia. Du francique passé au lat. tardif dulgo : livrer aux représailles, l’indulgence est la dispense des châtiments du péché ou de la faute. …extimplo indulgentiam ei quesivit il lui demanda la faveur de l’indulgence (545) Indulgentia est employé une fois dans le cart. Au sens d’une faveur accordée par le pape Innocent III dans la rubrique de la charte 658 Indulgentia domni Innocencii pape faveur du seigneur Innocent pape. Il s’agit de la confirmation d’une possession.
Finem bonam. Une seule occurrence dans le cart. on ne peut distinguer si le texte vise l’heureuse fin des donateurs, ou si au sens juridique ils assurent le monastère d’une garantie de bonne fin juridique : de omnibus bonum finem eidem monasterio facio. (716)
La vertu de religion a pour objet le salut éternel, la rédemption du fidèle.
Redemptio anime Lat. Redemptio, dérivé de emptio / emptus désigne le rachat, le payement d’une rançon pour recouvrer un bien ou une liberté. Le lat. chrétien désigne le mystère de la Rédemption par la passion du Christ.
dimnitto pro redemptione anime mec et omnium parentum meorum je donne pour la rédemption de mon âme et celle de mes parents, (exemple 549, passim) pro redemnptione anime mec et parentum meorumn in perpetuum dono pour la rédemption de mon âme et celle de mes parets je donne à perpétuité. (562 exemple et passim)
La redemptio animae est visée au GE de Cîteaux.
Remedio animae. Remedium est dérivé de medeor, donner des soins, en vue de guérir, d’améliorer la santé ou un état.
C’est le terme le plus fréquent du cart. pour indiquer le salut de l’âme recherché dans la pratique des vertus, la prière des moines, les dons qui leur sont faits : exemples : relinquimus amore Dei et remedio animarum nostrarum, (280) quam dedit pro remedio anime sue. (595)
C’est le terme le plus usuel de la donatio pro anima.
Remnissione anime. Remissio c’est la guérison, le rachat parfait des châtiments qui sont la conséquence de la faute ou du péché.
Dans le cart. remissio est plus rare. Un exemple dans la donation de Roger vicomte de Béziers pour la guérison, le rachat de son âme : Ego Rogerius vicecomes Biterris pro amore Dei et remissione anime mee. (285, 20 nov. 1177)
La pratique de ces vertus et la recherche du salut se font dans l’Église catholique.
Ecclesia Dei. Ecclesia est transposé du grec, c’est l’assemblée du peuple, le lieu où il se réunit.
Nos … videntes cuncta terrena volubilitate subjacere et Ecclesiam Dei immnobilem existere… volumus ipsam Ecclesiam, scilicet sponsa Christi dotare de nostra substantia voyant toutes choses terrestres soumises au changement, et l’Église de Dieu rester stable, nous voulons doter cette Église qui est l’Épouse du Christ au moyen de nos biens. (249) Résumé d’ecclésiologie dans une charte banale.
La RB reprend à son compte une phrase de l’Apocalypse : Spiritus dicat Ecclesiis (ce que l’Esprit dit aux Églises) (prologue), et une référence aux usages liturgiques de l’Église de Rome : sicut psallit ecclesia Romana. (XIII)
Les textes cisterciens GE, E.O. CCh gardent à Ecclesia ce sens d’Assemblée des Fidèles, à côté du sens secondaire de lieu ou bâtiment où siège cette assemblée, et que nous étudierons à sa place.
En dépendance de l’Église sont cités dans nos actes divers vocables d’institutions ecclésiastiques.
Canones ecclesie. Canon est emprunté au grec : barre de bois, tige, règle, repères pour écrire l’histoire (Plutarque), règle de l’Église.
synodos et paratas aliumque ecclesiasticum canonem in offnse persolvant (270) longo tempore cessaverat in solutionis canonis. (692)
Le mot est absent de la RB par cité deux fois au GE. Au sens de règle de la consécration ou canon missae il est cité aux EO (53,78) mais absent du Cart.
Jus divinum le droit divin, par opposition au droit naturel, confitemus quod nos laice persone secundum jus divinum decimam habere non poteramus nous reconnaissons qu’étant des personnes laïques, nous ne pouvions, selon le droit divin, posséder des dîmes. (567)
Jus ecclesiasticum. decimis utcumque possidet non in laicas alias personnas sed in jura ecclesiastica transferret. (552, 553, 563, 565, 567)
Forma ecclesiastica. attendentes et secundum formam ecclesiasticam facientes illud quod in Lateranensi concilio constitutum fuit, quod laicalis personna decimis utcumque possidet non in laicas personnas sed in jura ecclesiastica transferet. (552, 553, 563, 565, 567)
Le droit ecclésiastique et la forma ecclesiastica cités dans ces actes sont à mettre en rapports avec le Concile de Latran et l’obligation faite aux laïques de restituer les dîmes usurpées.
Jus canonicum. Le droit canonique est cité dans les énumérations formalistes des formules de renonciations à contestations ou à reprises, exemple : renunciamus… jure scripto vel non scripto, legali vel canonico contra quodlibet veniain prescriptorum… nous renonçons à tout droit écrit ou non écrit, civil ou canonique… (682)
Le droit occupe une grande place dans la formation des clercs et des moines, la renaissance du droit romain est sensible dans la législation et l’administration des ordres nouveaux et de leurs maisons dès le XIIe siècle. La RB ne cite pas le Droit, le G.E. au contraire y renvoit avec une faible quoique réelle fréquence.
Anathematizatus. L’Église est une société qui a ses règles et qui dans le cas extrême prononce l’exclusion de membres. Le préalable à l’exclusion est la déclaration d’anathème.
Le grec άνάθεμα désigne l’offrande votive, ce qui est consacré au souvenir, ou frappé d’excécration. DC décrit l’anathème : Inflicta ab episcopo vel concilio excommunicatio cum excecratione maledicto.
Un seul acte du cart. cite l’anathème :… fiant excomniunicati et anathematizati de Domino nostro Jhesu Christo (624) qu’ils soient excommuniés et anathématisés d’avec notre Seigneur Jésus Christ.
L’anathème est plusieurs fois cité au GE au sujet de moines renvoyés et exclus du monastère.
Excommunicatio. C’est la sentence consécutive à l’anathème prononcé par l’autorité, qui met le fidèle ou le moine en dehors de l’Église ou de la Communauté. On espère un effet médicinal de l’excommunication :… prout per pacem et excommunicationem compelleret. (861) La sentence doit être portée publiquement et solennellement : eos quos in aliquos de fratribus ipsis violentas manus injecisse consistent tamdiu excominunicatos publice nuntietis vous annoncerez publiquement l’excommunication à ceux de vos frères qui en seraient venus aux mains avec violence. (12) Au contraire on peut être conduit à remarquer que des faits évoqués n’ont pas entrainé l’excommunication absque omni excommunicatione. (547)
La RB prévoit les cas d’excommunication des frères (ch. 23, 24, 26, 28, 30) comme une peine majeure quanta poena sit excommunicatio.
Le GE la cite aussi à l’égard des cisterciens, la CCh cite le gladium excommunicationis (ch. IX)
Apostatus. Le degré suprême du refus de la religion est stigmatisé dans la charte 12 à propos des moines qui défroqueraient, hélas il y en eut, défense est faite aux évêques de les recevoir dans leur clergé :… monachos vel conversos eorum qui post factant professionem a monasteriis suis exierint in ecclesiis vestris recipi non sinatis, nec tillant presteris apostatantibus. Vous ne laisserez pas recevoir dans vos églises les moines ou convers qui ayant fait profession quitteraient leur monastère, et n’accorderez rien a ceux qui auraient apostasié.
Le grec αποστέω signifie tenir à distance, éloigner, faire défection, apostatès est celui qui se détourne, le dissident. DC définit apostatare : a vera religione deficere.
La RB fait une citation du Siracide : vinum apostatare fecit etiam sapientes le vin fait apostasier même les sages. (ch. 40) Le GE décrit avec horreur les cas d’apostasie et dénonce les apostats.
Hors de L’Église il n’y a point de salut, et le mal règne en maître, et d’abord la
Supersticio. La lex de supersticio illicita avait été à la base des persécutions romaines contre les chrétiens, la supersticio est la pratique religieuse contraire aux usages reçus, ou au contraire une observation trop scrupuleuse et déviante.
Dans le cart. une seule mention de la superstition pour la fuir et la rejetter expressément : caducis supersticionibus (400).Le GE rejette de même toutes les superstitions (III, 27,36). Hors de l’église le fidèle est livré au diable :
Diabolum. Dérivé du grec διαβάλλω diviser, le diable est celui qui divise, qui introduit la discorde le mal, la dépravation, le péché.
L’inspiration diabolique est souvent reconnue dans nos chartes aux actes mauvais, commis suadente diabolo (le diable insinuant) ou instictu diabolico ou encore admonitus diaboli (passim) pravitate instuituque diabolico (807) La formule la plus usitée suadente diabolo est dans la RB suadentem diabolum (Prolog 28).
Les deux autres religions sont citées accessoirement dans le cart.
Sarracenorum. Du grec σαρακηνοί peuplade de l’Arabie heureuse, sarrazins désigne au XIIe siècle les musulmans, les barbaresques, les pirates qui écument la Méditerranée, le péril des sarrazins est cité à la charte 842 periculum sarracenorum. Le GE le cite aussi par deux fois.
Judeorum. Les Juifs. La Maison de Valmagne à Montpellier confronte le cimetière des Juifs cimiterium judeorum, (actes des Maisons de Montpellier, passim).
L’École des Juifs Scola judeorum de Castelmouton est citée comme confront : totum furnum nostrum quod habemus in Castro multone quod tenetur cum scola judeorum et cum muro principali.
II. La liturgie
La prière occupe un temps important, mais raisonnable dans la vie cistercienne. Son rôle transparaît, quoique faiblement dans les chartes.
Oratio. Le lat. oratio désigne le langage, le propos, requête ou plaidoyer non dépourvu d’éloquence, c’est le message de l’Empereur au Sénat, le discours d’apparat. Dans le lat. chrétien c’est le discours solennel adressé à Dieu, donc la prière publique et revêtue d’apparat. Ainsi la considère la RB (passim) et les textes de Cîteaux G.E et EO.
Une formule très fréquente des chartes est ainsi libellée, par exemple : recepio te Guidonem Guerrejatus et aniinam Guillelmi de Tortosa fratris tui in orationibus et missis et omnibus beneficiis ejusdem monasterii nous vous recevons, vous Guy Guerrejat et l’âme de Guillaume de Tortose votre frère, dans les prières, messes et tous les bénéfices (spirituels) de notre monastère. (185) Ou plus brièvement : damus vobis partem helemosynarum et orationum nostrarum nous vous donnons part à nos aumônes et nos prières. (396)
La prière monastique tant dans la RB que le GE chez les cisterciens, s’organise autour du chant des psaumes, un groupe de ces cent-cinquante psaumes est particulier, ce sont les :
Psalmi penitenliales, psaumes pénitenciaux ou de la pénitence, au nombre de sept, cités comme prières spécifiques à la charte n° 871 et une seule fois.
L’ensemble des pièces des prières monastiques est nommé par RB opus Dei, l’œuvre de Dieu, à quoi rien ne doit être préféré, le cartulaire na que de rares citations de l’opus Dei :
Divinas laudes, les louanges divines dans la bulle d’Alexandre III confirmant l’adhésion de Valmagne à Cîteaux : monasterium in quo divinas laudes jugiter exsolvunt, le monastère dans lequel ils accomplissent dignement les louanges divines.
Officium. Le lat. officium désigne la fonction, le service, le devoir d’une fonction, le lat. chrétien consacre le mot : preces quae in ecclesia fiunt, cursus. (DC)
La RB cite souvent la liturgie de l’office, amplement et scrupuleusement décrite : de officiis divinis, (8) ad horam divini officii. (43,1) Egalement offïcium au sens de fonction varus officiis deputatis, (48,22) offïcium altaris service de l’autel. (62,6)
Le GE donne 28 occurrences de offïcium désignant les Heures, Les Ecclesiastica officia consacrent dans leur titre l’emploi de officium au sens de fonction, mais passim citent loffïce, célébration des Heures. (chez les cisterciens : vigiles, matines, prime, tierce, sexte, none, vêpres, complies)
Divinas laudes. Laudo est approuver, proclamer, vanter le bonheur d’un être, DC : acclamnationes publicae quae fichant principibus cum inaugurabatur acclamations publiques faites aux princes quand ils inaugurent leur règne.
Dans la RB le GE et les EO on entend par laudes les trois derniers psaumes du psautier, 148, 149 et 150 par lesquels se termine la psalmodie de l’office des matines. Cet office a fini par prendre le nom spécifique de ces trois psaumes : laudes, tandis que l’office nocturne ou vigiliae a pris celui de matines. Les cisterciens ont conservé jusqu’à présent à leur office nocturne le nom de vigiliae.
La bulle de confirmation donnée par Alexandre III en faveur de Valmagne cite le monastère dans lequel ils (les moines) accomplissent les divines louanges… monasterium in quo divinas laudes jugiter exsolvunt. (18)
A solis ortu. Cette périphrase est donnée pour désigner le côté de lest dans la description des confronts d’une terre voisine du monastère….terram quam habemus inter abbaciam et grangiam et terram Raimundi Bidocii a solis ortu. La terre que nous avons entre l’abbaye et la grange et la terre de Raimond Bedos du côté du lever du soleil. (58)
C’est le premier vers A sous ortu cardine de l’hymne célèbre Hymnus totam vitam Christi continens de Caelius Sedulius, en vers iambiques dimètres réguliers .(FJE Raby The Oxfbrd book of latin verse, Oxford, Clarendon Press, p. 39) Cette hymne est chantée aux laudes de Noël dans le rituel romain et le bréviaire monastique. Les premiers cisterciens la supprimèrent pour introduire, partagée entre les laudes et les vêpres l’hymne ambrosienne authentique Intende qui regis Israël. Puis elle fut rétablie par moitié à tierce et à complies dans le bréviaire cistercien définitif. Cette brève et fortuite citation souligne la popularité dont elle jouissait, qui eut raison de la poussée réformatrice des premiers cisterciens.
Missa. La célébration de la messe est à peine citée dans la RB qui, au contraire, consacre de nombreux chapitres à la description de l’office des heures. La messe est citée 28 fois dans le GE de Cîteaux et passim dans les EO. Le cart. de Valmagne cite huit fois la messe, et sept fois le chant de la messe (ci-après) soit au total quinze citations sur un millier d’actes. L’office des heures n’est cité qu’une seule fois et dans une bulle pontificale et non un acte autochtone. On peut voir dans cette proportion un indice de la cléricalisation des monastères cisterciens et l’accession à la prêtrise de la plupart des moines profès.
La messe est au nombre des benefïciis du monastère : …recepimus te et animant et omnium fratrum et parentum tuorum in orationibus et missis et omnibus benefïciis ejusdem monasterii nous te recevons et l’âme de tous tes frères et tes parents dans les prières et messes et tous les bénéfices de ce monastère. (185)
Cantare missam. La célébration chantée de la messe est de règle, célébration solennelle et non privée et récitée. DC :
Cantare in ecclesia dicebatur presbyter cui ecclesia altari majori subdita regenda commissa. Les EO et le GE citent le chant de la messe et des offices. La réforme du chant cistercien est un fait célèbre de l’histoire médiévale du chant dEglise… fticiat cantare centum missas pro remedio anime mee, il fera chanter cent messes pour le salut de mon âme. (871)… omnes presbiteri monasterii debent missas cantare et diaconi et onines alii fratres dicant velut est contitutum tous les prêtres du monastère devront chanter des messes et les diacres et tous les autres frères diront ce qui est accoutumé. (839) Quelquefois même cantare est employé seul pour désigner la célébration de la messe habebit presbyter qui canta bit in predicta ecclesia, il aura un prêtre qui chantera (la messe) dans la dite église. (248)
De cette constatation nous rapprocherons le témoignage de deux pages d’antiphonaire du XIIIe siècle en notation aquitaine contenant les répons de l’office de la Dédicace des Églises, que le relieur du IIeme volume du cartulaire a conservé dans la protection intérieure du codex.
Sacratissimum corpus ac sanguine Domini. La messe, par la consécration, produit le changement de substance (ou transsubstantiation) du pain et du vin en corps et sang du Christ. C’est essentiellement dans les formules d’excécration et de répudiation insérées aux eschatocoles des actes que l’on déclare le parjure éventuel étranger au bienheureux corps et sang de Dieu et du Seigneur Jésus christ : exemple de la charte 10 :… a sacratissimo corpore ac sanguine Dei et Domini nostri Jhesu Christi alienus fiat.
Le corps et le sang du Christ sont cités dix fois aux EO cisterciens. La messe est célébrée sur l’autel :
Altare. Le lat.classique altare a remplacé l’archaïque ara pour désigner la pierre sur laquelle le sacrifice est offert. La RB cite l’autel sur lequel est posée, comme une offrande, la cédule de profession du moine super altare ponat. (58,20) Le GE cite l’autel 27 fois et les EO plus souvent encore. Dans le cart. l’autel est symboliquement le bénéficiaire de certaines donations : relinquo altari, laxo unicuique altariorum ecclesie (683, 819, 872…) A moins que ces donations particulières ne soient destinées au service étroit de l’autel ou à la liturgie. On remarque toutefois que les citations de l’autel comme bénéficiaire de dons sont toutes dans des actes concernant des monastères ou églises autres que Valmagne.
Luminarium ecclesie altaris. Deux de ces donations à l’autel, destinées expressément à Valmagne sont spécifiées pour le luminaire de l’autel (719, 819). On sait que le luminaire de l’autel au XIIe siècle était restreint chez les cisterciens. Le luminaire ne nécessitait pas de grands revenus.
L’autel se dresse sur une marche au milieu du lieu reservé aux prêtres ou presbyterium. L’office des heures se célèbre dans le chœur. Le chœur est l’ensemble des moines de chœur.
Chorus ecclesie. Du grec χορσς danse en rond, troupe de chanteur ou de danseurs dirigée par le chorège, par extention le lieu où se tient le choros dans la tragédie classique. C’est le lieu de la liturgie de l’office des Heures, qui n’est pas cité comme tel dans la RB mais à profusion dans les documents de Cîteaux GE, EO et CCh. Le chorus ecclesie chœur de l’église est cité six fois au cart.
Les jours et temps liturgiques sont spécifiés parfois en précision des dates des chartes :
Die dominica. Une seule fois : acta fut hec die dominica ceci fut fait un dimanche. La RB et les documents cisterciens citent fort souvent le dimanche, aux dimanches et fêtes s’opposent les privatis diebus, jours ordinaires ou féries. Le dimanche est parfois cité et déterminé par l’incipit de l’introit de la messe : Dominica in qua cantatur Laetare Jherusalem… ou Judica me, ou Ad te levavi. (passim) le plus cité est le dimanche de Letare, IVe de Carème.
Feria secunda, tertia, quarta, quinta, sexta. Périphrase pour éviter de citer en contexte chrétien les noms des jours de la semaine voués aux divinités de mythologie, qui ont pourtant prévalu. Dans les dates : hoc factum fuit in fèria secunda, tercia… ceci fut fait en la seconde, troisième, quatrième férie… (pasim)
Vigilia. La veille d’une fête ou d’un dimanche majeur, jour de jeûne et pénitence préparatoire à la fête. Chez les cisterciens la veille, vigilia, de certains dimanches était très solennelle, en raison du répons prolixe chanté à vêpres entre le capitule et l’hymne, qui préludait au commencement d’un livre de L’Écriture aux vigiles du dimanche. On nommait la série de répons ainsi commencée Hystoria et la vigile de ces dimanches avait priorité sur toute fête de saints.
…in vigilia Ramis palmarum… en la vigile du dimanche des Rameaux. (440)
Adventus Domini. L’Adventus latin est l’attente et l’arrivée d’un magistrat ou de l’Empereur. Ce cérémonial a été transposé dans la liturgie de l’attente de l’avènement et de la naissance du Christ, l’Avent, préparation pénitentielle de six ou quatre semaines avant la fête de Noël.
…debetis nobis dare annuatim in adventu Domini tria sextaria annone, vous devrez nous donner chaque année trois setiers de grain à l’Avent du Seigneur (432)
Incarnationis. L’incarnation est citée aux actes écrits dans le diocèse d’Agde qui suivait le calendrier du style de l’incarnation, ou vieux-style dans lequel l’année commençait le jour de l’incarnatio ou Annonciation, le 25 mars. Dans le diocèse de Béziers on suivait le style de la Nativité, l’année commençant le jour de Noël. La fête de l’Annonciation ou incarnatio n’est pas citée dans les chartes, sauf l’expression des dates. (passim)
Natalis Domini, Nativitatem Domini. Lat. Natalis, jour anniversaire de la naissance, astre qui préside à la naissance. Lat. chrétien jour du martyre ou de la mort des saints, RB nataliciis sanctorum, (ch. 14) la fête de la naissance du Christ ou Noël. Les EO ont douze citations de Noél :
…in die natalis Domini, (365) …die nativitatem Domini. (564).
Circumsicio Domini. Le jour octave ou huit jours après Noël, le 1er janvier, l’église célèbre la circoncision de Jésus, une seule occurrence de circumsicio Domini, charte 187.
Apparitio Domini. C’est la fête de l’Épiphanie ou manifestation du Seigneur célébrée le 6 janvier. Une seule citation : in festo Apparitione Domini. (843)
Quadragesima. C’est la quarantaine pénitentielle qui prépare à la fête de Pâques. Les observations monastiques sont spécifiques à ce temps, le jeûne, l’asbstinence, la lecture d’un livre confié à chaque moine sont précisés dans la RB (ch. 15, 41, 48, 49 et passim) Le GE donne les précisions des observances quadragésimales pour les cisterciens.
Dans les citations de Quadragesima données à six de nos chartes, il faut voir le dimanche de Quadragesime, c.a.d. Le premier dimanche de Carème ou Invocabit me, qui fait suite à la septuagésime, sexagésime et quinquagégime.
In Ramis palmarum. Le dimanche des Rameaux commémore l’entrée de Jésus à Jérusalem aux acclamations de la foule versatile. Le GE et les EO décrivent les particularités cisterciennes de l’office de la bénédiction et de la procession des Rameaux. Dans la réforme cistercienne furent conservées les seules processions liturgiques de la Chandeleur (2 février) et des Rameaux.
Trois chartes (88, 440, 633) donnent in Ramis palmarum comme date d’actes.
Sanctis. La RB prévoit la célébration in nataliciis sanctorum (Ch.14) et sanctorum fèstivitatibus (ibid) à l’égal des dimanches, (fêtes de douze leçons). Le liber santorum cité au ch. 73,4 est sans doute l’ancêtre du martyrologe médiéval. Mais la RB cite les saints comme de vrais personnages vivants, le moine agit coram Deo et sanctis devant Dieu et les saints (Ch. 58, 17). Les EO, citent les fêtes des saints, rares fêtes de douze leçons, et commémoraisons de trois leçons.
Le cart. cite parfois les saints, soit comme date de temps pour des chartes, (11 fois) soit comme bénéficiaires ou exceptions de donations cui vel quibuscumque vos donare volueritis, exceptis militi bus et sanctis (448).
Les fêtes des saints sont rares chez les cisterciens, elles le sont aussi dans le cartulaire :
In festo sancte Marie de augusto, ( 643) Ad festum sancte Marie medii augusti. (875). Il s’agit de la fête de l’Assomption de la vierge Marie, célébrée chez les cisterciens, avec l’oraison des bréviaires romano-francs Veneranda nobis, mais que le cart. ne cite pas sous ce vocable, bien que l’église (du moins l’église actuelle édifiée à la fin du XIIIe siècle) fût vouée à l’Assomption et que la représentation du couronnement de Ste Marie fût représenté à la clef de voûte du chœur. On remarque que le terme Ste Marie d’Août ou Notre Dame d’Août, Nostro Damo d’Agoust, non-liturgique, est usuel en Languedoc.
Infesto sancti Petri de messibus. (657) fête de s. Pierre aux Liens (sancti Petri ad vincula), le 1er août dite ici s. Pierre des moissons. On peut s’étonner car dans nos climats la moisson est bien plus précoce. Si le texte 657 visait la fête principale du 29 juin, en temps de moissons, il n’aurait pas manqué de citer s. Pierre et s. Paul insolidum. Est-ce un usage cistercien, qui conserverait le souvenir d’une moisson plus tardive dans la région des premières fondations ?
Commemoratio mortuorum. La commémoraison des fidèles défunts le 2 novembre est d’origine clunisienne, mais toute l’Église la rapidement adoptée, les cisterciens l’ont respectée. Elle est citée trois fois (452, 548, 549).
Les livres liturgiques ne sont pas cités à l’exception de l’obituaire :
Liber ecclesiae. …scribant obituin meum in libro ecclesie, que mon obit soit inscrit dans le livre de l’église. L’obituaire est lu chaque jour à l’office du chapitre après prime, il énumère les défunts pour lesquels le monastère doit prier tel et tel jour, célébrer l’office ou la messe des morts.
Le cartulaire, enfin, dans sa reliure conserve un folio entier et un fragment d’un antiphonaire donnant le chant, notation aquitaine du XIIIe siècle, des répons des vigiles de la Dédiace des Églises.
III. La vie chrétienne et les sacrements
Le baptême. Les cisterciens n’administrent pas le baptême, il n’y a pas de fons baptismaux dans leurs églises. De même ils ne célèbrent pas les mariages. Mais les conséquences de la réception de ces sacrements sont citées dans les chartes.
Baptisterium. Baptistère ou fons baptismaux, vasque servant à l’écoulement de l’eau baptismale, lieu où le baptême est administré. Le GE évoque au moment de la profession monastique cistercienne le souvenir du baptême. Le filiolus est en lat. classique l’enfant jeune, ou un enfant particulièrement aimé, le lat.chrét. lui donne le sens actuel de filleul
… dono… II sestarios filiolis pro baptisterio. (587) je donne deux setiers à mes filleuls à cause de leur baptême.
Filiolus / patruus. Le baptême crée un lien de filiation spirituelle entre le filleul qui reçoit le baptême et le parrain qui se porte garant du baptisé, avec obligations et interdictions juridiques.
L’acte 587 cité plus haut, donne, une seule fois, le filleul. Le patruus est plus souvent cité. Mais on peut hésiter sur le sens de patruus, qui est aussi l’oncle ou le grand-oncle paternel. Ainsi la charte 580 : Guillelmus (VIII) Montispessulani… viso et perfecto testamento Guidoni Guerrejati patrui meo Moi Guilhem (VIII) de Montpellier, ayant vu et lu le testament de mon oncle Gui Guerrejat.
Mais d’autres attestations de patruus semblent se référer aux liens découlant du baptême (487, 493, 494, 598, 599)
Matrimonium. Terme usuel du droit romain désignant l’union de l’homme et de la femme libres ou encore connubium. Le GE évoque deux fois l’état de mariage, un légitime et un illégitime, considéré comme une faute. (ch. IV, 17).
L’affranchissement de serves : ut sitis liberi sicut cives romani, pour être libres comme des citoyens romains, par Emes de Corneilhan en 1204, leur reconnaît expressément : habeatis licenciant disponendi et celebranda matrimonii, vous aurez le droit de tester et de vous marier. (738)
Le mariage établit la légitimité des enfants : si ipsi decedent sine legitimo liberi ex legali matrimonio genito s’ils meurent sans légitime héritier, engendré d’un mariage légal. (233).
Le tempus matrimonii le temps du mariage est la durée de la vie commune des époux que la mort sépare, pendant laquelle ils contractent des obligations communes : Gaudiosa dedit mihi Guillelmo de Mesua tempore matrimonii nostri, ce que Gaudiosa ma donné à moi, Guillaume de Mèze, pendant le temps de notre mariage. (711)
Uxorem ducere prendre femme, (386) et Uxorare, néologisme latin tardif, sont cités, chacun une fois, fuit uxorata cum D solidis, elle fut mariée avec (comme dot) cinq cent sous.
Remanere. Rester dans le siècle, rester à l’état laïc et engagé dans les liens du mariage. Remanere in hoc seculum, exemple charte 271. C’est ainsi dans une foule d’actes que le donateur fait projet de se donner au monastère ultérieurement, plus tard, en restant provisoirement dans le siècle.
Dans les chartes du monastère cistercien, la vie chrétienne des laïcs se manifeste essentiellement par le désir de s’assurer en cette vie et dans l’autre la prière et l’intercession des moines pour le salut de l’âme.
Satisfacere. Satis facere est en lat. s’acquitter de quelque chose, satisfaire à des exigences, en lat. chrétien expier des péchés, accomplir des actions pour racheter les fautes. La RB utilise satisfacere, satisfactio, pour l’expiation des manquements envers la Règle, les EO ajoutent la satisfaction pour les fautes fortuites ou bourdes dans le chant de l’office.
…ut satisfacero pro peccatis meis, je satisferai pour mes péchés. (334, et autres).
Pro anima. C’est le cas de la plupart des donations spontanées au monastère, la donatio pro anima, Hoc donum fuit factum pro Dei amore et anima Petri de Mesua, cette donation a été faite pour l’amour de Dieu et pour l’âme de Pierre de Mèze. (428, p.exemple).
Les formules varient mais le sens demeure dans une foule de chartes.
Dimitto animam. Dirnittere composé de dis et mitto est envoyer de côté et d’autre, disperser, congédier, renoncer à un droit. En lat. chrét. remettre les fautes, absoudre, pardonner.
Les innombrables chartes qui emploient dimnittere au sens de donner gratuitement au monastère précisent parfois que la dimnissio le don, s’entend aussi du donateur coprs et âme, exemple :… dimitto corpus meum pro sepultura, (381) dimitto corpus meum et animam. (557)
Offero animam. Ob fero est porter devant, présenter, exposer, offrir. En lat. chrét. offrir en sacrifice, faire l’oblation du calice à la messe. C’est un terme de la langue liturgique.
Une seule charte indique… offero animant meam, joffre mon âme. (714)
La mort est le moment du jugement individuel du fidèle, moment redouté, que plusieurs termes décrivent, et apparaît le souci de confier la dépouille mortelle à une terre consacrée et assurer à l’âme les prières des religieux :
Morire. Lat. morior mourir, trepasser. Tempore mortis, le temps de la mort, (886) précédé parfois d’une grande maladie qui cause le trépas : in magne egritudine de qua mortuus est dans une grande maladie dont il mourut. (152)
Obire. Obitus. Ob ire, ob eo aller vers un but, l’astre qui descend vers le couchant, s’en aller, mourir.
Obire est plus fréquent dans les chartes que morire… dono tibi tale donum quod si obieris in seculo je te donne la même chose que si tu mourais dans le siècle (129).
L’obitus est le moment du vrai départ, de la mort, souvent cité, c’est aussi le service célébré par les moines ou la prière faite au jour anniversaire de la mort du fidèle qui s’est confié aux prières du monastère, ces services seront évoqués plus loin.
Reversio in matre omnium. Retour à la mère de toute chose, (400) reversio in patriam retour à la Patrie, (704) périphrases aux réminiscences antiques pour désigner la mort. Lat. reversio retour en arrière ou retour de voyage.
Corpus dare. Donner son corps, faire élection de sépulture dans un lieu consacré.
… dedit corpus suum et uxorem suain et filios et filias suas sancto Salvatori Gellonensi il donna son corps et celui de sa femme et de ses fils et filles à saint Sauveur de Gellonne. (655)
Sepultura Sepelire. Du grec Εττω ensevelir, l’esprit rude sur l’epsilon correspond au s- latin de sepo sepelio, sepultum, ensevelir un mort, sépulture.
La demande de sépulture dans le cimetière des moines est très forte : exemp. Acte 552 concedentes vobis ut in fine corpora vestra in nostro cimiterio sepeliantur vous accordant qu’à la fin vos corps soient ensevelis dans notre cimetière.
La RB évoque le devoir d’ensevelir les morts mortuum sepelire (IV, 17) la demande de sépulture auprès des moines est relatée dans le GE et les EO.
A l’inverse, ce qui est privé de la sépulture est :
Insepultum. Acte 695… quod etiam precium de facili me recuperasse dicebam et insepultus mansisset. Je disais avoir repris le prix et resterais sans la sépulture.
Tumulare. lat. tumulo couvrir d’un amas de terre, ensevelir. Le lat. chrét. emploie tumulare pour désigner l’ensevelissement des martyrs après leur supplice.
C’est en ce sens que la charte 400 cite le monastère de Conques, et la conservation des reliques de ste Foi et autres :
… ubi sancta Fides et sanctus Vincentius ceterique plures tumulati consistunt.
L’ensemble des devoirs de sépulture et des prières pour les morts constitue le service des défunts :
Ministerium defunctorum. Le ministerium est l’office ou la fonction d’un serviteur, la tâche le travail, le service… in obitu meo memorentum in ministerium defunctorum. Qu’ils se souviennent de mon trepas dans le service des défunts.
Le ministerium defunctorum comporte plusieurs aspects, nous avons déjà cité l’obit.
Memoria. Mémoire, souvenir, période embrassée par la mémoire, acte ou monument consacrant le souvenir.
… rogo te Petrum capellanum ut in memoria predicte solutionis… je vous prie, Pierre, chapelain de garder mémoire de notre cession. (548)
… ut agatur memoria nostri annuatimn que l’on fasse notre mémoire annuellement. (569)
Anniversarium. Le jour anniversaire de la mort, ou des funérailles
… concedimus tibi quod nos annuatim faciamus anniversarium pro anima patris tui nous t’accordons que nous ferons chaque année l’anniversaire pour l’âme de ton père. (65)… promittimus quod nos annuatim predictum anniversarium perpetuo faciemus nous promettons que chaque année nous ferons le susdit anniversaire à perpétuité.
Omnium fidelium defunctorum. Defungor s’acquitter de quelque chose, exécuter un acte, payer une dette, mourir, defunctus est le défunt, le mort.
Le fidèle qui a quitté cette vie est l’un des fidèles défunts pour lesquels, anonymement, les moines prient… pro salute animarum nostrarum omniumque fïdelium defunctorum pour le salut de notre âme et celui de tous les fidèles défunts (187)… pro animabus omnium fidelium defunctorum pour l’âme de tous les fidèles défunts (92).
IV. Les personnes
Populus. Le peuple, la communauté civique.
…decimas quas populus dare debet, les dîmes que le peuple doit donner, (4)… sacramentum istum accepit in die dominica coramn omnni populo il reçut ce serment un dimanche devant tout le peuple (78).
Les clercs, moines et convers ne sont pas du peuple : monachi atque conversi non sunt populares (4)
Laicus. Du grec λαικσς, commun, ordinaire, opposé à καήρος, celui qui a reçu sa part d’héritage, c’est le terme usuel pour désigner les personnes non engagées dans un état ecclésiastique (clerus) ou monastique (monacus).
De autem hoc quispiam religiosorumn facere presumat homo necnon femina clericus sive laicus qu’à l’égard des religieux, personne n’ose agir ainsi, que ce soit homme ou femme, clerc ou laïque. (319)… quod quocumque laicalis personna decimas utcumque possideret non in alias laicas personnas sed in ecclesiastica transferret que tout personne laique qui posséderait des dîmes ne les cède pas à d’autres laïques mais à des ecclésiastiques, (conséquence du Concile du Latran) (527).
Les laiques peuvent former entre eux des associations, fraternités ou confréries.
Confraria. Une confrérie dite de saint Vincent est citée aux chartes 210 confraria sancti Vincentii et 819 une terre possédée par une confrérie est donnée pour confront… confrontatur a vento cum terra confrarie.
Dans le peuple qui entoure le monastère sans y pénétrer, les moines distinguent plusieurs classes :
Pauper, pauperes. pauper est celui qui produit peu, l’humble, le pauvre, terme universel du latin classique et chrétien.
La grande pauvreté justifie des actes juridiques conservatoires sed non ultra faciam nisi causa magne paupertatis je ne ferai pas davantage sauf cas d’extrême pauvreté (835).
On donne au monastère pour la nourriture des pauvres à tel ou tel jour… eodem die et insuper XV pauperibus victus necessaria errogabo a partir de ce jour et dorenavant je donnerai le nécessaire pour la nourriture de quinze pauvres. (871) Le monastère est destiné à la vie religieuse et au soutien des pauvres : quapropter habitatores Vallis magne in predicto loco debent construere domum ubi habitent fratres ad laborandas terras et suscipiendos pauperes Christi en vertu de cela les habitants de Valmagne devront construire une maison où habiteront les frères qui travailleront la terre et recevront les pauvres du Christ.
La Maison pour recevoir les pauvres est citée à la charte 389 promittimus quod Domino disponente domum pauperum construere faciemus nous promettons qu’avec laide du Seigneur nous ferons construire la maison des pauvres.
La RB fait obligation au monastère d’assister les pauvres : recreare pauperes, (4, 14) aménager une maison pour assister les pauvres hospitium pauperum que. (31, 9) Le GE évoque amplement les œuvres des moines en faveur des pauvres, et les EO décrivent avec minutie le rite du mandatum du Jeudi-Saint lorsque l’abbé et les moines lavent les pieds des pauvres et les assistent spécialement.
Peregrinus. En lat. peregrinus est celui qui vient de l’étranger en conservant un droit spécial et incomplet. En lat. chrétien c’est celui qui est éloigné, qui va ou vient au loin, le voyageur, au Moyen-Age celui qui va en pélérinage à un lieu saint, protégé par le droit ecclésiastique et civil.
… decimas dare quia si legitime dande sunt orphanis et peregrinis on donnera les dîmes car elles sont légitimement dues pour les orphelins et les pélérins (6).
La RB vise les pélerins dans l’accueil offert par le monastère (53, 16)
Orphanus une seule citation donée ci-dessus.
Vidua. Vidua est la femme non mariée ou privée de son mari par la mort. Le cart. ignore le mot usuel pour désigner la veuve relicta, conservé en langue d’oc laissado
…. Ecclesie sedis Agathensis dono… et mulieribus viduis III sestarios je donne à l’Église du siège d’Agde … et aux femmes veuves trois setiers. (testament en faveur de diverses églises, charte 587).
Le GE stipule que les secours aux veuves sont pris sur les dîmes perçues par les ecclesiastiques.
A mi-chemin, ou dans un statut composite, se trouvent les membres des ordres militaires et religieux :
Domus Hospitalis. L’Hôpital de s. Jean de Jérusalem, fondation de Gérard Tenque est cité dans des chartes variées, soit comme terres de confronts, soit dans des énumérations de legs :
… laxo et concedo mantellum hospitali je donne et cède mon manteau à l’Hôpital. (587)… concedo fratribus Hierusalem ospitalis je donne aux frères de l’Hôpital de Jérusalem. (642)
… nemo presumat ecclesiam, grangiam construere, domum hospitalis vel reclusiam hedefïcare que personne ne s’avise de construire une église, une grange, une Maison de l’Hôpital ou une maison de recluses. (sans autorisation) (319).
Militia par Militia il faut entendre Militia Templi, l’ordre du Temple, cité deux fois seulement et par incidence dans le cart.
… Hoc factum fuit in Domo Militie ante Ecclesiam beate Marie Montispessulani ceci a été fait dans la Maison de la Milice devant l’église sainte Marie de Montpellier (455)… dono et concedo pelliciam Militie je donne et concède une pelisse à la Milice (587)
Une note écrite au XVIIIe siècle en marge d’un acte souscrit par Guilhem de Tortose cite les Templiers : Guillaume de Tortose,frère de Gui Gerrejat et de Guilhem VII seigneur de Montpellier se retira dans la Maison des Templiers de Montpellier.
Les laïques sont enrôlés dans la subdivision territoriale ecclésiastique de base, la paroisse, ils se reconnaissent paroissiens de telle ou telle église.
Parrochianus. Emprunté au grec παροικία, dérivé de οικος, maison désigne une subdivision ecclesiastique. D’abord sous la direction de l’évêque, puis après la distinction entre diocèses et paroisses sous la direction du prêtre commis par lui, chapelain ou recteur ou prieur ayant la cura animarum soin des âmes, d’où le moderne curé.
Ego Bernardus capellanus ecclesia de Beceria et nos parrochiani ejusdem ecclesie moi, Bernard, chapelain de l’église de La Bessière et nous paroisiens de ladite eglise. (248)
Le GE dénonce un chapelain paresseux qui compromet le salut de son paroissien (VI, 5-7).
Ceux qui quittent l’état laïque et entrent dans l’état monastique ou la cléricature accomplissent un geste symbolique devenu un rite liturgique : la tonsure.
Tonsura. C’est en latin l’action de tondre, tailler des arbres. En lat. chrét. on attribue à s. Isidore l’application de ce mot à la tonsure des clercs, qui perdent leur chevelure et ne gardent qu’une mince couronne de cheveux autour du crâne pour marquer leur appartenance à un état consacré.
… qui Raimundus Aldeberti ante habitum susceptionem et ante tonsuram ce que Raimond Aldebert avait fait avant de recevoir l’habit et avant la tonsure. (213)
La RB engage le moine à ne pas mentir à Dieu en recevant la tonsure mentiri Dei per tonsuram, (ch. 7) les textes cisterciens consacrent le rite de la tonsure. (GE, EO, CCh)
Par la tonsure ils deviennent moines – nous étudierons l’état monastique en son lieu – ou clerc.
Clericus. Emprunté au grec κλήροζ, celui qui a reçu sa part d’héritage, qui est mis à part des co-héritiers, séparé. Le clerc est toutefois nettement distinct du moine dans les chartes :
… liceat vobis clericos vel laicos e seculo frigientes a conversionem recipere qu’il vous soit permis d’accepter à la conversion (profession monastique) les clercs ou les laiques qui fuient le siècle. (21)
…de hoc autem quispiam religiosorum facere presumat homo necnon femina, clericus sive laicus de tout cela contre les religieux que personne n’ose le faire, pas plus homme que femme, pas plus clerc que laïque. (319)
Mais les clercs comme les moines et à la différence des laïques sont exemptés de certaines charges fiscales… liberi sint penitus et immunes quidam clerici, monachi et moniales que soient libres et exemptés toute charge les clercs, moines et moniales (9).
La RB désigne expressément les clercs comme nettement distincts des moines (61, 12) De même les textes cisterciens GE et EO.
Personna ecclesiastica. Les personnes entrées dans l’état ecclésiastique, les rivalités ou confit entre ecclésiastiques sont dénoncés et combattus.
… controveria que inter religiosas personas emergunt les querelles qui se lèvent entre personnes religieuses. (10)
Les ecclésiastiques sont réputés consacrés au :
Sacrum ministerium. Le ministère sacré,… eo tenore ut anime mee parentumque meorum in sacro ministerio suo semper sint memores qu’ils se souviennent toujours dans leur sacré ministère de mon âme et de celle de mes parents (620).
La RB donne ministerium au sens de services distincts des moines dans l’administration du monastère (ch. 35, 46, passim)
Les divers degrés de la hiérarchie ecclesiastique sont présents dans les chartes de Valmagne :
Levita. La Septante forme le mot λευείτηζ de la tribu de Lévi, consacré au service du Temple dans l’Ancien Testament, parfois employé comme synonyme de clercs qui n’ont pas accédé aux ordres majeurs de sous-diacre, diacre, prêtre et évêque
… decimas a populo sacerdotibus oc levitis esse reddendos les dîmes doivent être versées par le peuple aux prêtres et aux lévites. (7)
Lévite est absent de la RB et cité rarement aux EO et au GE.
Diaconus. Du grec διάκονοζ, le serviteur, c’est le clerc engagé dans les ordres majeurs, qui, assisté du sous-diacre, aide le prêtre et l’évêque dans la célébration des rites et des offices liturgiques
… omnes prebyteri debent missas cantare et diaconi et omnes alii fratres dicant velut est constitutum tous les prêtres devront chanter des messes et les diacres et tous les autres frères diront selon ce qui est convenu. (839).
La RB cite le diacre que l’abbé peut présenter à l’évêque afin de l’ordonner pour le service du monastère (62,1). Le GE donne sept mentions des diacres, deux mentions des sous-diacres.
Sacerdos. De lat. sacer séparé, voué à une divinité, prêtre assurant le culte et le sacrifice.
Les actes du cartulaire citent rarement sacerdos (trois cas) et en relation avec une église définie :
… concedo prefate ecclesie sacerdoti istam convenientiam je concède au prêtre de la susdite église ce qui est ainsi convenu. (248) promitto et convenio quod si Petrus de Zas Bastidas sacerdos de Cocona je promets et accorde que si Pierre des Bastides, prêtre de Cocon… (854)
La RB précise, non sans méfiance, la procédure qui sera suivie si un prêtre désire entrer dans le monastère (ch. 60, 61).
Presbyter. Le grec πρεσβμτεροζ, désigne l’ancien, le dignitaire, le prêtre. La RB cite plus souvent sacerdos que presbyter de même les documents cisterciens GE et EO.
Le cartulaire, au contraire donne plus souvent presbyter. C’est le clerc qui est revêtu d’un ordre majeur et qui célèbre, chante, la messe… uno quoque anno habebit presbiter qui cantabit chaque année le prêtre qui chante la messe recevra… (248)
… omnes pesbyteri inonasterii debent missas cantare tous les prêtres du monastère devront chanter des messes. (839)
Le prêtre est aussi le desservant dune église : Bernardus de Graneriis, presbyter de ipso Magalato Bernard de Granier, prêtre dudit Magalas. (761)
Presbyteratus est la fonction du prêtre, ses moyens d’existence :
… guirpimus et absolvimus totum quantum appellabamus in presbiteratus et in decima ecclesie sancti Marcelli, nous abandonnons tout ce que nous réclamions sur le presbiteratus et les dîmes de l’église s. Marcel. (625)
Tenere ecclesiam. Le service de l’église est une seule fois ainsi nommé, par influence de la tenure féodale, assimilation de deux ordres de services
… guirpimus ad Rostagno qui ista ecclesia tenet nous abandonnons à Rostaing qui tient cette église (624)
Cura animarum. Le soin des âmes, charge particulière du prêtre de paroisse, plus tard appellé curé
… acerdos ecclesie ab episcopo curam animarum accipit le prêtre de l’église recevra de l’évêque le soin des âmes (270).
C’est également la fonction de l’évêque dans le diocèse :
… cura et amninisratione episcopatus Biterrensis le soin et administration de lévéché de Béziers. (270). Archiepiscopus gerens cura et administratione tocius Biterrensis episcopatus l’archevêque (de Narbonne) gèrera le soin et l’administration de tout lévéché de Béziers (288)
Parrochia. Subdivision de base de l’Église, très souvent citée dans les chartes pour localiser les possessions, les parrochianis paroissiens également. On constate l’emploi assez rare (4 fois seulement) de ecclesia au sens de paroisse, pour localiser un terroir :… in terminio ecclesie sancti petri de Pabirano au terroir de l’église s.Pierre de Pabiran (493).
Le prêtre qui dessert une parrochia ou une ecclesia ayant la cura aniinarum est le :
Capellanus, terme universel très fréquent, le chapelain, qui a donné en roman capelan, peu employé en languedocien. Le cartulaire ne désigne jamais le desservant des églises par rector ecclesie, qui a donné en roman rictor populaire en languedocien : ritou, ni par prior.
La chapellenie paraît distincte de la paroisse et désigne une subdivision de celle ci, toutefois la seule occurrence (771) du mot ne permet pas de déterminer le sens exact :
Capellanie. In domo capellanie sancti Severi dans la maison de la chapellenie de saint Sever (Agde) (771).
Capella donné dans une seule charte (615) paraît désigner un lieu de culte secondaire, dépendant d’une ecclesia ou paroisse :
… trado ecclesiam sancti Marcelli et capella sancti Petri de Caprillis, je cède à l’église saint Marcel et à la chapelle saint Pierre de Cabrials.
L’administration temporelle des églises, de leur construction ou entretien est confiée à l’œuvre, administrée par l’ouvrier :
Opus / Operarius… sit manifestum quos operarius ecclesie pro ecclesiastico opere possit accipere qu’il soit connu que l’ouvrier d’église puisse recevoir pour l’œuvre d’église (829).
En cas de besoin cet ouvrier peut être un administrateur n’appartenant pas au clergé, en ce cas on le nommera économe.
Yconomus du grec οικονομια, dérivé de oikos / oikeo, disposition prise pour le bien d’une maison
… ut liceat aliquemn clericumn seclarem yconomnum instituere qu’il soit permis au clerc d’instaurer un certain économe séculier. (Bulle d’Alexandre III, charte 17)
Les organes de l’Église et le personnel correspondant :
Canonica / Canonicis. Du grec κάνον, règle, le clergé qui vit selon la règle, les chanoines, qui vivent selon la règle de s. Augustin.
Sont cités au cart. les chanoines d’Agde (553, 759) de Maguelonne (229) et de ste Marie de Cassan. (569, 761) Canonica désigne l’assemblée dans la salle capitulaire. Ce mot n’est cité qu’une seule fois à la charte 218 : Acta sunt hec in canonica sancte Fidis, ceci a été fait dans le chapitre de sainte Foi.
Capitulum de lat. Capitulum extrait d’un ouvrage, chapitre d’un livre, salle capitulaire où l’on lit chaque jour un chapitre de la règle, de s. Benoit chez les moines, de s. Augustin chez les chanoines.
Dans le cart. capitulum désigne le chapitre des moines : concilio et voluntate tocius capituli monasterii sancti Guillelmi, du consentement et volonté de tout le chapitre du monastère de s. Guilhem (637) autant que des chanoines, des séculiers : Acta sunt apud Agathen in capitulo ceci a été fait en Agde au Chapitre (543 ) ou des réguliers : communi consilio tocius capituli sancte Mare de Caciano du consentement de tout le chapitre de sainte Marie de Cassan. (569)
Communia, de lat. commune ce qui est commun, le bien commun. Désigne la personne juridique morale du chapitre de chanoines, plus rarement de moines
… sigillo communie canonicorumn le seing de la communauté des chanoines (394, 398,476 Agde). Désigne aussi des biens possédés en commun avec d’autres
dono quod habeo in communia je donne ce que j’ai en commun avec… (807)
Les diverses fonctions ou dignités et leurs titulaires sont cités de manière éparse dans les chartes.
Sacrista. C’est le clerc ou le moine préposé au service du culte, des sacra, celui qui prévoit le déroulement des offices et l’ordonnance générale des cérémonies
… ego Guillemus de Pruneto, sacrista ecclesie sancti Affrodisii, …mihi et successoribus meis et sacristanie semper salvi existant que moi, Guillaume Prunet, sacriste de l’église saint Affrodise, moi-même et mes successeurs et la sacristie soient toujours saufs. (310)
Les moines sacristes de Valmagne sont également cités lorsqu’ils souscrivent l’un des actes.
Archipresbiter. L’archiprêtre exerce une fonction de surveillance hors de la ville épiscopale sur le clergé des paroisses. Le diocèse de Béziers avait trois archiprétrés : Cazouls, Boussagues et Le Pouget. L’acte 361 cite comme témoin Arnaud de saint Alban, archiprêtre d’Uzès.
Archidiaconus. L’archidiacre est le supérieur du chapitre cathédral, le second personnage du diocèse après l’évêque. Les actes du cartulaire citent les archidiacres quant ils interviennent : ex. Hoc fuit frictum in presentia archidiaconi ceci fut fait en présence de l’archidiacre. (704)
Episcopus. Du grec επίσκοπος, surveillant, inspecteur, l’évêque est le chef de l’Église. Les actes du cartulaire citent les évêques, ceux dAgde, ordinaires du lieu, et ceux qui souscrivent aux actes.
Episcopatus. L’étendue de la juridiction de l’évêque, évêché. Ego R. episcopus Agathensis confirmo in nostro episcopatu constituto hanc donationem moi, Raymond, évêque dAgde je confirme cette donation dans notre évéché. (826)
Capella. La chapelle de l’évêque est l’ensemble des ornements du pontife et des ministres pour la célébration de la liturgie pontificale.
Episcopus Agathensis exigebat unam capellam id est vestimentum episcopale l’évêque dAgde exigeait une chapelle c’est à dire les ornements épiscopaux. (398)
Reverentia episcopali jure. Le même acte 398, indique que l’évêque d’Agde exigeait le respect des préséances et des droits attachés à sa fonction hiérarchique.
Curia episcopali. La curie est une division du peuple romain, le lieu des réunions du Sénat, ou d’une assemblée. C’est le lieu où siège une autorité, et où s’assemble son conseil. Les évêques ont également une curie où s’assemblent leurs conseillers, membres de la Cour épiscopale. Les EO citent également la curie ou cour de l’abbé ou du monastère cistercien.
La curie de l’évêque ou curie épiscopale est citée dans les chartes comme lieu de rédaction de quelques actes… Hoc fuit factum in caria episcopi Agathensis ceci fut fait à la curie de l’évêque d’Agde (887), sont citées la curie épiscopale de Béziers (263,288) et abbatiale de S. Thibéry (331)
Cathedraticum. De grec καθέζρα, siège. Du Cange explique cathedraticum : redevance que l’évêque prélevait sur les églises chaque année en signe de sujétion
… unum defratribus vestris intererit qui catedraticum afferat un de vos frères sera envoyé pour apporter le cathedraticum. (615)
Synodum. Du grec σύνοδος, littéralement : chemin commun, réunion, assemblée rencontre. Le Synode est l’assemblée de tout le clergé réuni autour de l’évêque
… singulis etiam sinodis nostris unum de fratribus vestris intererit… et statuta sinodalia ad ecclesias supradicta refferat… in perpetuum antiquis sinodaticis… hoc consuevit l’un de vos frères sera envoyé et rapportera les statuts synodaux donnés aux églises et versera le droit de synode selon la coutume (615)… prefate Ecclesie sacerdos… synodos et paratas… le prêtre de cette église devra assister aux synodes et assemblées. (270)
Les évêques sont suffragants du métropolitain ou archevêque :
Suffraganeis. La suffragatio est l’action de donner son soutien, son approbation, son suffrage. La bulle de Lucius II en faveur de Valmagne cite les suffragants de l’archevêque de Narbonne, son destinataire… Lucius episcopus servus servorum Dei venerabilibus fratribus Narbonensi archepiscopus et suffraganeis ejus episcopis. (12)
Le Siège Apostolique romain délègue dans les affaires de l’Église des envoyés ou légats.
Legatus apostolice Sedis. Deux légats pontificaux sont cités au cartulaire,… ub testificatione dompni Berengarii Narbonensis archiepiscopi et apostolice Sedis legatus au témoignage de Bérenger, archevêque de Narbonne et légat du Siège Apostolique. (466) La légation d’Amaury, abbé de Cîteaux contre les hérétiques albigeois au début du XIIIe siècle est également citée. On sait que l’abbé de Valmagne Pierre III de Antunno fut associé à la légation de Pierre de Castelnau, à qui, après son assassinat, succéda Arnaud Amaury
… frater A. Cistercii abbas, apostolice Sedis legatus frère A(rnaud), abbé de Cîteaux, légat du Siège apostolique. (848) Sedes apostolica est cité cinq fois au cart.
Sedes. Le titre du chef visible de l’Église est cité sous deux variantes : Sedes romana :… ego Petrus abbas, privilegiis a Sede romana cistercium ordini indultus moi Pierre, abbé, par volonté du Siège romain et indult de l’ordre de Cîteaux, légat (543)
… Sedes apostolica :… solet annuere Sedes apostolica le Siège apostolique a pour coutume d’entendre… les vœux. (Innocent III, acte 658)
Auctoritate apostolica. Le pontife romain est titulaire de l’auctoritas des Apôtres, mais Auctoritate apostolica n’est donné qu’une seule fois, acte 658.
Summum pontificem. Le Pontife suprême, l’un des titres de l’antique Pontifex maximus, celui qui occupe légitmement le Siège apostolique ou romain. (actes 93, 393) Le français moderne Souverain Pontife ne rend pas exactement le latin antique Pontifex maximus ou Summum pontificem.
Domnus papa. Le lat. papa désigne le père nourricier, gouverneur des enfants, le pédagogue. Papa a désigné les évêques, puis les métropolitains ou primats puis enfin a été réservé au Summus Pontifex romain. Dans les chartes de Valmagne le Pape est cité quatre fois seulement et sous la titulature domnus pape… cum domnus pape Alexander in suis decretis posuerit lorsque le Seigneur pape Alexandre a posé dans ses décrets. (229)
L’appel au pape est toujours possible, la demande d’audition d’une cause peut lui être portée, une seule trace dans le cart.
Audientiam …audientiam summi pontificis appellavit il en a appellé à l’audience du souverain pontife.
Concilium. Vaste assemblée, à Rome le concilium plebis, concile de la plèbe, assemblée ecclésiastique de grande ampleur. Le Concile universel ou œcuménique est une autorité rarement mise en jeu. Le seul concile cité dans les textes est le IVe Concile de Latran tenu en 1215 sous la présidence d’Innocent III qui porta condamnation des hérétiques manichéens albigeois, contemporain de la rédaction des chartes les plus tardives du cartulaire. Il est cité cinq fois (527, 552, 553, 563, 565,)
V. Les moines
L’acte fondamental de l’entrée dans le monastère et la vie monastique est la conversio, le retournement. Toutefois le préalable de la conversio est le renoncement à la vie commune, l’abandon du siècle.
Relinquere seculum. Cette périphrase semble le préalable à l’acceptation totale ou partielle, immédiate ou à terme de la vie monastique :
… Ego Guillelmus Launardi… volens relinquere seculum et cupiens pervenire ad regna celorum moi Guillaume Launard, voulant abandonner le siècle et désirant parvenir au Royaume des Cieux. (189)
Ce préalable posé, l’abbé paraît déterminer si le candidat sera moine ou seulement convers :
… Ego Amedeus abbas recipio te… per fratrem et cumn volueris relinquere seculumn debemus te recipere in ordine quo nos decrevimus tibi expedire. Moi Amédée, abbé je te reçois pour frère et lorsque tu voudras quitter le siècle, nous te recevrons dans l’ordre que nous déciderons te convenir. (334)
Le projet d’entrée en religion est souvent à long terme, parfois au moment de la grave maladie :
… R. Johannis reliquid seculum et fecit se portare monasterio jamdicto in infirmaria monachorum R. Jean quitta le siècle et se fit porter audit monastère dans l’infirmerie des moines (78) Généralement les professions remises à plus tard, ou tardives étaient stipulées dans l’ordre des convers, c.a.d. des frères hors du chœur proprement dit et qui n’accéderaient pas aux ordres.
Ego Stephanus de Cerviano… quando seculum relinquere voluero et venire ad conversionem et me habitum religionis ex rnonasterio predictum suscepturum promitto atque convenio Moi Estève de Servian quand je voudrai quitter le siècle et devenir convers (ou faire ma conversio) et recevoir l’habit religieux au monastère, je promets et je conviens… (582)
La réception dans l’ordre des moines ou des convers ou frères laïcs se fait moyennant la rupture des liens du mariage par veuvage ou séparation religieuse respective et amiable si l’épouse entre elle aussi en religion :… Ego Amedeus abbas… dono tibi Bernardo Teisseire quandocumque volueris relinquere seculum ut nos te recipiamus in ordine conversorum, si tamen absolutus fueris ab uxore tua Moi Amédée, abbé, je t’accorde à toi Bernard Teissèire que quand tu voudras quitter le siècle, nous te recevrons dans l’ordre des convers, pourvu que tu sois sans ta femme. (65)
Abrenunciare seculum. Une formule plus rare est équivalente de relinquere seculuin : abrenuntiare refuser le siècle, renoncer au siècle
… Aimerica commodavit fratribus Vallis magne M. solidos quos dimisit Berengario Guillelmi de Claromonte quando seculo abrenuntiavit Amerigue donna aux frères de Vamagne mille sous quelle laissa à Bérenger Guilhem de Clermont quand il renonça au siècle. (847) Quisquis abrenuntians est dans la RB (prolog. 3)
Conversio. Action de tourner, de se retourner par un mouvement circulaire, changement, mutation, changement d’opinion. C’est le terme du changement religieux, la conversion. C’est le vocable usuel de l’engagement dans la vie monastique. La RB : expectat nos converti (7,30) ut convertuntur ita sint. (63,7) Les EO cisterciens stipulent que les moines se placeront toujours secundum ordinem conversionis sue selon l’ordre de leur conversio, (77,3) qui prior est ordine conversionis. (90,55)
Dans les chartes de Valmagne conversio ne vient que douze fois. C’est l’un des termes de l’engagement monastique… quando seculim relinquere voluero et venire ad conversionem quand je voudrai quitter le siècle et venir à conversion (825)… quam dormis Valus magne habuit ex conversione Bernardi Guerra, ce que la maison de Valmagne a reçu lors de la conversion de Bernard Guerre (698)… terram alodii liberi quas… olim pro mea conversione et mecum dedimnus ejusdem monasterio la terre en franc alleu que jadis nous avons donné pour ma conversio. (705)
Professio. En lat. professio est une déclaration, manifestation ou expression de la pensée ou de la volonté, une déclaration publique. La RB donne le terme : propter servitium sanctum quod professi sunt à cause du saint service qu’ils ont professé. (5,3) Les documents cisterciens citent à profusion la professio, les moines professi, en français profès.
Dans les textes de Valmagne professio ne se trouve que dans les textes d’origine ecclésiastique non dans les chartes de donation ou de cession des tiers. Ainsi la bulle d’Alexandre III quod quidam parrochianorum vestrorum postquam eorum sunt religionem professi, iterum seculum redierunt. Certains de vos paroissiens (diocésains) après avoir fait profession religieuse sont revenus au siècle (19) ou encore du même… fratribus regularem vitamprofessis in perpetuum, les frères qui ont fait profession perpétuelle selon la règle (20).
Recipere / accipere pro fratre. L’un des termes employés dans les actes où est notée une entrée au monastère : recipio te pro fratre, recipimus te (passim) nous te recevons comme frère, comme moine. Accipio te pro fratre est plus rare.
Suscipimus / Suscipere pro fratre. Lat. suscipio / suscipere de subs et capio prendre par dessous, soutenir, soulever en l’air. Geste du paterfamilias soulevant l’enfant qui vient de naître et qu’on a posé à terre pour témoigner qu’il le reconnaît. Reconnaître, accueillir, adopter, assurer.
La RB (58,21) prévoit l’engagement ou la profession monastique par la récitation répétée trois fois du verset 116 du psaume 118 :… Suscipe me, secundum eloquium tuum et vivam, et non confundas me ab expectatione mea accueillez moi selon votre parole et je vivrai et je ne serai pas déçu dans mon attente. Le lat. suscipe de la Vulgate traduit le grec αυτιλαβον, de la Septante qui a un sens assez différent : antilambano prendre, se saisir, avoir une emprise sur quelque chose, aller au secours.
Dans les EO cisterciens, la profession monastique des moines ou moniales de chœur comprend diverses prosternations, prières, tonsure, mais essentiellement la récitation solennelle et triple du même verset qui, comme dans la règle, précède la signature de la cédule de profession et son dépôt sur l’autel. (EO, 102, n° 20-49)
On remarque que le verset suscipe me n’est pas récité par le postulant dans la profession des convers. C’est donc un indice de la profession du moine ou de la moniale de chœur.
On remarque que dans le rit. cistercien moderne la profession des moines de chœur, dont le verset suscipe me est l’élément essentiel, est nommée de ritu suscipiendi fratres (Collectaneum cisterciense, Rome. Tournai 1900, p. 168 et suiv.)
Dans le cart. les choses sont moins simples. Les actes de profession monastique souscrits du moine qui laisse ses biens ou la part de ses biens au monastère sont au nombre de quatre-vingt environ. Les citations ou évocations de professions monastiques, parfois anciennes, évoquées dans les chartes émanant de membres de la famille des moines sont relativement nombreuses, mais plus imprécises encore.
Le terme le plus général de l’engagement est dono et reddo meipum perfratrem (exem. 720) dono et trado meipsum pro fratre et monacho. Ou encore (212) reddens et tradens me pro fratre.
En règle générale le postulant déclare se donner pour frère. Quelques fois il précise profratre et monacho, frère et moine, quelques fois pro fratre et converso, frère et convers. Parfois dono me pro monacho je me donne pour moine (745) quelques fois dono et reddo meipso per conversum je me donne et me livre pour convers. (386)
Dans la plupart des chartes où est énoncée une profession monastique, de moine ou de convers, l’abbé s’adresse au frère en une phrase, qui paraît différente – sans que l’on puisse être catégorique – selon que le frère est devenu moine de chœur ou convers. Aux moines l’abbé répond en règle générale suscipio (exemp. Acte 871) : ea propter ego Petrus Valus magne abbas, banc donationem accipiens cum concilio et assensu fratrum meorum suscipio te Ugonem pro monacho et moi, Pierre, abbé de Valmagne, jaccepte cette donation avec le conseil et consentement de mes frères, je te reçois, Ugue comme moine. On peut présumer que le suscipio te pro monacho répond au verset Suscipe me Domine prononcé par le postulant.
Pour les convers il semble que l’abbé acceptant les donations exprimées dans une charte utilise un autre vocable tel que recipio : exemple charte 569 : recipio te per fratrem et conversum je te reçois pour frère et convers. Il y a dans le cartulaire une assez forte proportion d’engagements à terme, à la discrétion du postulant : quando voluero relinquere seculum, quand je voudrai quitter le siècle.
Il est difficile dans le cartulaire de reconnaître les professions monastiques proprement dites, pour moine ou pour convers, des simples associations de frères laïcs restant dans le siècle, qui, moyennant une donation s’assurent une part aux prières des moines et la sépulture post mortem.
On peut reconnaître ces engagements partiels dans les cérémoniaux qui prennent la forme de l’hommage féodal. Exemples : acte 647 : Ut autem hec omnia predicta de cetero fïrma et inconcussa maneant, flecto genua mea et manus meas propter illam sanctam conjunctionem quam habuit Dominus cum discipulis suis inter tuas mitto et me ipsum pro fratre domus predicte dono et reddo afin que tout ceci (l’engagement à devenir frère et les donations qui précèdent) restent fermes et stables, je fléchis mes genoux et je mets mes mains dans les tiennes (l’abbé) en signe de l’union qui était entre le Seigneur et les disciples, et je me rends et me donne pour frère dudit monastère. La réponse de l’abbé est une simple association du donateur aux bénéfices spirituels de la maison, et les prières post mortem : Et ego Petrus jamdictus abbas domus predicte voluntate et assensu omnium fratrum Valus magne, recipio te Guillelmum de Mesua pro fratre in vita et in morte, et te associo in omni benefïcio domus predicte et tocius ordinis nostri, et in fine tuo debemus reddere debitum sicut nobismetipsis et moi, Pierre, susdit abbé de la dite Maison de la volonté et consentement de tous les frères de Valmagne, je te reçois, Guillaume de Mèze, pour frère dans la vie et la mort, et je t’associe à tout le bienfait de cette maison et de notre ordre, et à ta mort nous accomplirons les devoirs comme pour nos-mêmes.
Votum. La profession monastique s’accompagne de promesses, lat. votum. DC définit le vœu en latin chrétien et médiéval : quo sese obligat monachus, ce à quoi le moine s’oblige lui-même.
Le GE cite souvent les vœux monastiques…
Les actes du cartulaire ne donnent pas souvent le votum, acte 749 :… recognosco quod ego promiseram et votum feceram je reconnais avoir promis et fait le vœu.
Habitus. Le lat. donne deux sens à habitus la manière d’être, l’allure générale, et le costume, les vêtements usuels. On dit que l’habit ne fut pas le moine, mais c’est un élément central de la profession monastique : prendre l’habit. Le GE évoque s. Bernard bénissant l’habit dont il revêt les novices. L’habit monastique est cité une trentaine de fois dans les chartes de Valmagne. La profession monastique est donnée comme habitumn susceptionem prise d’habits (213) Cet habit est dit seulement religieux : suscipere habitum religionis prendre l’habit de la religion (656) on ne distingue pas l’habit des convers de celui des moines de chœur, et l’acte 339 consacre même cette confusion habitus conversorum vel monachorum (il prit) l’habit de convers ou de moine.
Monachus est le terme usuel et général pour désigner celui qui entre au monastère et y demeure. Du grec μοναχός, celui qui est seul. Certaines chartes évoquent curieusement l’entrée au monastère, ainsi on trouve :
Collocare pro monacho… si fratres Valus magne predictam Raimundam in aliquo monasterio collocaverint vel sepelierint si les frères de Valmagne veulent placer ou ensevelir la dite Raimonde dans un autre monastère (321)
Monachare / Monachatio néologisme latin tardif, on peut y voir l’étymologie de la célèbre critique de Rabelais : tout moine moinant de momerie
… dono me pro monacho et debent (fratres Valus magne) accipere patrem nostrum Guillelmum de Portale quando monachare se voluerit pro monacho vel fratre je me donne pour moine, et les frères de Valmagne devront recevoir notre père Guillaume de Portal quand il voudra devenir moine comme moine ou comme frère (323)
Plusieurs actes donnent même le pléonasme monachare pro monacho (213, 323) que l’on peut interpréter comme entrer au monastère comme moine et non comme convers.
Conversus. Etymologiquemet celui qui a opéré sa conversio. Chez les cisterciens un moine qui fait une profession monastique partielle, il ne sait point lire, ne chante point l’office choral mais une série de cent cinquante Pater, nombre égal à celui des psaumes, répartis aux heures de l’office du chœur, qui est à l’origine du moderne Rosaire, lorsqu’on a substitué les Ave Maria aux Pater. Nous n’évoquerons pas ici le statut des convers cisterciens.
Les convers de Valmagne interviennent aux actes comme parties au nom de l’abbé, ou comme témoins. On voit assez bien (passim) le rôle des grangerii les convers qui administrent les granges, mais leur étude est étrangère à la recherches des traces du spirtuel, ce sont les hommes d’affaires du monastère.
Conversorum ordinem. Les convers sont considérés comme un ordre différent des moines, leur formule de profession est différente, et simplifiée, ils ne scandent pas le triple verset Suscipe me
… quando volueris seculum relinquere debemus te recipere in ordine conversorum, quand tu voudras quitter le siècle nous devrons te recevoir dans l’ordre des convers (386)… ut nos te recipiamus in ordine conversorum, pour que nous te recevions dans l’ordre des convers. (65)
Autour des moines de chœur proprement dits et des convers, on distingue des fidèles qui, sans avoir formulé de profession religieuse ou émis des vœux ni pris l’habit, vivent au monastère ou dans ses dépendances. Ce sont les donnés, les familiers, les serviteurs, des catégories fuyantes et difficiles à déterminer.
Novicium. De lat. novus nouveau, le novice s’exerce à devenir moine ou à discerner si la vie monastique est faite pour lui.
La RB désigne la cella noviciorum monastère des novices (58, 5, 11) les EO citent souvent la demeure des novices… Le cartulaire donne deux mentions de la domus noviciorum maison des novices (76,383)
Donatus/ Datus. Donatus est le participe de dono, résultat d’un don, c’est l’état de celui a été donné ou s’est donné au monastère.
L’état du donné est simplement constaté : testes sunt… et ego Petrus de Cocon donatus, sont témoins… et moi Pierre de Cocon, donné (170) ou celui-ci qui était médecin : testes… Arvevus medicus donatus sancte Marie Valus magne témoin Arvevus, médecin, donné de sainte Marie de Valmagne (479).
La réception du donné volontaire est connue :… et ego Petrus abbas… recipio te Guillemum Bernardum per donatum et facio te participem de bonis Valus magne et moi, Pierre, abbé, je te reçois, Guillaume Bernard comme donné et je te fais participer aux biens de Valmagne (523)
On connait aussi un donné enfant… dono et offero filium meum je donne et offre mon fils (714)
Datus est cité deux fois au cartulaire mais concerne des donnés d’autres monastères : Petrus capellanus sancti Petri de Fonte marcio, datus Sancti Guillelmi Pierre, chapelain de Fontmars, donné de Saint Guilhem. (657) Un autre, témoin, datus ecclesie sancti Stephani donné à l’église de s. Etienne (548)
On peut voir dans ces donnés des laïques ou des clercs continuant à vivre dans le siècle et participant dans une certaine mesure aux prières et bonnes œuvres du monastère, une forme de tiers-ordre, comme les mendiants la développeront plus tard.
Nous renvoyons pour l’étude des donnés à l’ouvrage de Charles de Miramon Les donnés au Moyen âge, une forme de vie religieuse laïque v. 1180-1500, Le Cerf, Paris, 1999, 486 p.
Familiarius. Le familiarius est celui qui fait partie de la famille au sens large, de la Maison, l’ensemble des habitants. Les EO cisterciens citent les familiares du monastère, les prières à faire pour eux, les services funèbres
… familiarius ipsius domus… familier de lad, maison (776)
… propterea absolvo vos in perpetuum et vestros omnes familiares et servientes ab omni exactione cause de cela, je vous exempte à perpétuité, vous et vos familiers et serviteurs de toute charge (842).
L’acte 685 énumère tous les degrés de la vie monastique présents à Valmagne… nullam injuriant faciam… ipsius monasterio, monachis, fratribus, vel conversis vel familie ejusdem je ne ferai rien contre le droit audit monastère les moines, les frères, les convers, les familiers du dit monastère. Ailleurs familiarius est équivalent à conversus :… dono et reddo meipsum domino Deo et monasterio per familiarem sive per conversum je me donne et m’abandonne moi-même au Seigneur Dieu et au monastère comme familier ou comme convers, même chose, ou option ? (163
La familia monasterii est citée aux chartes 685, 842.
Servus. Le lat. classique servus désigne l’esclave, le lat. chrétien l’adorateur de Dieu, le fidèle. La RB donne les deux sens : sive servus sive liber omnes in Christo unum sumus (2,20, citation de s. Paul, et au sens de serviteur de Dieu servitutis militiam (2,20) nostrae servitutis officia. (16,20)
Le servage médiéval est bien différent de l’esclavage antique, et continue mutatis mutandis le colonat. Le cart. contient un acte, étudié au XIXe siècle, l’un des rares textes relativement connu, portant émancipation de trois sœurs attachées à la grange d’Ortes que leur seigneur Emes de Corneilhan affranchit et libère afin quelles fussent libres comme les citoyens romains. (738) Mais cette charte ne leur donne pas la qualité de servae.
Au contraire deux actes donnent la qualité de servus. Il faut y voir, semble-t-il, une métaphore : Raymundus servus sancte Marie scripsit, Raymond serviteur de sainte Marie a écrit. (174)
… ego Armandus de Brusca volens et cupiens habitum religionis assumere dono et trado meipso pro servo et fratre domino Deo et monasterio sancte Marie Vallis magne moi, Armand de Brusque, voulant et désirant revêtir l’habit religieux je me donne et me remets moi-même comme serviteur et frère au seigneur Dieu et au monastère de sainte Marie de Valmagne. (317)
Associare. Les moines accordent souvent, à l’occasion de dons, même mineurs, d’associer les donateurs et leurs familles aux biens spirituels du monastère. Cette association va au-delà de tout lien, même lointain avec la familia du monastère au sens le plus large.
La formule est généralement (acte 344 par exemple)… associamus vos in omni beneficio nostre domus, nous vous donnons part aux bienfaits de notre Maison.
Autour du monastère gravitent des familiers, mais aussi des femmes, certaines sont des moniales, probablement réunies dans le minuscule monastère de Netlieu Nitido loco proche de Valmagne, ou dans une éphémère maison, à Ferletum. Elles paraissent faire profession religieuse, citées comme :
moniales une seule fois, (9) et plus souvent : (7 fois) monacharum, sanctimoniales.
On pressent également les sœurs laïques, restant avec leurs maris mais associés aux prières :
Soror…. Et ego Amedeus abbas… accipio te Adalaiciam pro sorore et pro sepulturam, et post tuum obitum habeas in monasterio hoc quod habet in monasterio unus frater et tuus maritus Et moi, Amédée, abbé, je te reçois, Adalaicie, comme sœur et pour ta sépulture, et après ta mort tu auras au monastère comme pour un frère, ainsi que ton mari. (503)… dono meipsam per sororem et omnem honorem meum, je me donne moi-même pour sœur et tout mon bien (835)
Infirmus/ Infirmi. Les malades infirmi, disposent d’une maison, d’une demeure pour s’y reposer et y être soignés. Deux actes citent domus infïrmorum, maison des malades, (74,396)
On remarquera que les hôtes hospes, qui passent et sont hébergés au monastère, selon les prescriptions de la RB et des documents cisterciens primitifs, ne sont pas cités dans le cartulaire. L’hospitium visé aux actes 450 et suivants est la maison des cisterciens à Montpellier, fondée par la famille des Atbrand, commune sous certaines conditions avec l’abbaye de Sylvanès, destinée au logement des moines et convers cisterciens qui iraient aux études à Montpellier.
Bonis hominibus. C’est ainsi que l’on désignait les religieux, mais aussi le collège informel qui délibérait ou préparait les décisions collectives des habitants d’un village ou d’un lieu-dit, avant instauration d’une municipalité formelle ou d’un consulat. On désignait aussi en pays d’albigeois, de ce terme très usuel les prédicants hérétiques… nullus homo… contra donationem istam quant ego facio bonis hominibus Valus magne audeat contraire, que personne ne vienne contredire la donation que je fais aux bons-hommes de Valmagne. (92)… noturn sit vobis quod ego (Raimundus cornes Tolosani) donavi et concessi bonis hominibus Valus magne, que soit connu que moi, Raymond comte de Toulouse ai donné et concédé aux bons-hommes de Valmagne. (471)
Confratres. Les moines se disent frères, la profession monastique stipule toujours sous des formes diverses dono me pro fratre. L’ensemble des moines est nommé également huit fois confratres.
ex. 306… vendimus… tibi Amedeo abbati… et omnibus confratribus ibidem morantibus nous vendons à vous Amédée, abbé et à tous les confrères qui vivent au même lieu. Confratres désignant les moines est donné une seule fois dans la CCh.
Fraternitas. Etat de liens entre des frères, par le sang mais aussi par le sentiment, la religion etc…
L’association aux prières a été désignée aussi par fraternitas
… ego Raimundus dedi predicto monasterio in manu Amedei abbatis qui concessit michi fraternitatem domus, moi Raimond j’ai donné au susdit monastère dans les mains dAmédée abbé, qui m’a accordé la fraternité de cette maison. (606)
Dominis. Les seigneurs, dominus est le maître de la maison, le propriétaire, le chef, l’empereur. Appliqué aux moines, dominis n’est donné que deux fois au cartulaire :… dimittimus… cunctis fratribus et dominis ejusdem loci nous cédons à tous les frères et aux habitants dudit lieu (447)… lis et controversia erat inter dominos domus Vallis magne et… il y avait litige et contestation entre les habitants de la Maison de Valmagne et… (568)
Nous rapportons l’hypothèse reçue de dominis au sens de maître, ou seigneur, et nous voyons avec la plupart des étymologistes dans ce dominus l’origine du titre français dom reconnu aux membres de certaines congréations religieuses. On peut également, avec plus de vraisemblances pour la forme, considérer le français dom dérivant du terme liturgique domne… employé dans la demande du lecteur avant les leçons des vigiles, de prime ou de complies : jube domne benedicere, daignez, ô Maître bénir. Remarquons que cette formule a été assez populaire pour donner le français jubé désignant la clôture du chœur des églises vers la nef, pourvue d’une tribune d’où le lecteur, avant de chanter les leçons demandait (jube) la bénédiction à l’officiant, domnus.
Nous émettons aussi l’hypothèse que dans ces dominis cités à Valmagne il ne faut pas voir les seigneurs, mais les habitants du monastère dont le nom le plus usuel était domus, maison.
Le titre moderne dom pourrait reconnaître l’appartenance précise à une domus, c.a.d. la trace populaire du vœu de stabilité dans telle ou telle Maison. De fait, dom n’est donné usuellement qu’aux religieux qui font ce vœu de stabilité : chez les moines : bénédictins, cisterciens, chartreux, chez les chanoines les prémontrés.
Religio. Parmi tous les sens classiques ou tardifs de religio, on soulignera ici celui d’engagement sacré, de consécration. Par religio, fr. religion, on entend l’ensemble des observances particulières à tel ordre religieux, quelles soient d’ordre moral, pratique, liturgique, vestimentaire… La religion est aussi la constitution spécifique de tel ou tel ordre ou maison, ou congrégation. Entrer en religion devenir religieux, revêtir l’habit religieux est appartenir à telle congrégation ou tel ordre
La charte 615, conservée aussi sous le n° 339 du Cartulaire du Chapitre de Béziers (édition J. Rouquette) est émise par l’évêque de Béziers en faveur de Valmagne en 1205, elle cite : cum inter mundi fluctivaga… sola fère cisterciensi ordinis religio firma stabilisque permaneat au milieu des fluctuations du monde seule la religion de l’ordre de Cîteaux reste ferme et stable.
Religiosis. Les religieux, les membres d’une congrégation ou d’un ordre… laudavimus propter nostrum profïcium ad intentionem religiosorum Vallis magne nous confirmons ce que nous avons donné pour notre profit et laissé aux volontés des religieux de Valmagne. (120)
Monasteria. Les monastères, est donné une fois au sens de moines en général :… Consuetudo generalis est ne in clericos vel monasteria seu milites honores in feudum habetur dominis invitis transferentur la coutume générale est de ne pas réduire aux clercs, ni aux moines, ni aux milites (Templiers ou Hospitaliers) les honneurs en fiefs. (688)
Universitas. Terme de droit romain désignant les personnes morales, l’État, les Villes, les Associations, repris à profusion dans le renaissance du droit romain au XIIe siècle pour désigner la personnalité juridique des villes. (c.f. Paul Frédéric Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Rousseau 1929, Dalloz 2003 p.256-259)
… tradimus tibi Amedeo abbati monasterii Vallis magne et ejusdem loci universitati nous abandonnons à vous Amédée, abbé de Valmagne et à l’université dudit lieu (289) c.a.d. Au monastère à qui est reconnu une personnalité juridique.
Instituta. En lat. c’est le plan d’un ouvrage, la manière d’être ou à établir, (c.f. L’Institution oratoire de Quintillien) la disposition ou l’organisation particulière. La RB désigne par… Intituta les prescriptions des anciens pères instituta et vitae eorum, (73,5) et celles du monastère : in qua institutione… (prolog. 46) Dans le cart. instituta désigne les usages particuliers de l’ordre :
… in cimiterio sepeliantur si tamen secundum instituta nostri ordinis veneritis ut recipi possitis, vous pourrez être ensevelis dans le cimetière si toutefois vous venez dans notre ordre selon ses institutions et pouvez y être reçus (552) donamus vobis… ad construendam ecclesiam secundum instituta vestra, nous vous donnons de quoi contruire une église selon vos institutions. (82)
Ordo. Lat. ordo désigne la rangée, la file, classe sociale, rang de présentation. La RB cite ordo congregationis, le rang à observer dans la communauté. (63) Le GE donne fréquemment l’ordre monastique, les EO ordo noster, notre ordre, également (passim) la CCh.
Le cartulaire donne tour à tour :
Ordo. …desiderans vivere et mori in ordinem désirant vivre et mourir dans l’ordre (745)… recipio te monacho secundum formam ordinis je te reçois moine, selon les formes de l’ordre (782)
Par ordo, on désigne aussi les moines profès et les moines convers :… quando volueris accipere abitum religionis debemus te recipere in ordine quo judicaverimus tibi magis expedire quand tu voudras prendre l’habit religieux nous te recevrons dans l’ordre que nous jugerons le plus convenable pour toi. (129)
Ordo noster :… donamus tibi Fulconi… ad construendam ecclesiam secundum ordinem vestrum nous vous donnons à vous, Foulques, de quoi contruire une maison (ecclesiam) selon votre ordre (81) secundum instituta vestra et ordinem vestrum selon vos institutions et votre ordre. A l’égard de l’abbé Foulques, il s’agit de l’ordre, non spécifié des Cadunienses. (82)
Ordo monasticus. La bulle d’Alexandre III est explicite sur le passage de Valmagne à l’ordre monastique selon les normes de Cîteaux :… statuentes ut ordo monasticus qui secundum Domini et beati Benedicti regulam et norma fratrum Cisterciensium in vestro monasterio noscitur institutus Nous ordonnons que soit institué dans votre monastère l’ordre monastique selon le Seigneur et la Règle du bienheureux Benoit et la norme des frères de Cîteaux. (20)
Ordo Ardurellensi. L’ordre dArdorel, institut bénéficiaire de la fondation initiale
… pro eodem ordine Ardurelli substituendo ad cistercienses scripsisse pour substituer à l’ordre d’Ardorel celui des cisterciens ils ont écrit. Lettre de Rigaud, évêque d’Albi à Jean Abbé dArdorel, vers 1150, acte 14. acte 81, l’ordo n’est pas spécifié.
(Ordo) Cadunensis. Ordre ou Église de Cadouin, chef d’ordre de l’Institut de Géraud de Sales. Le cartulaire ne donne pas expressément Ordo cadunienses, mais cite plusieurs fois l’Abbé de Cadouin, Cadunensis.
… Hanc autem transactionem Ardurellensis abbas et ejusdem loci capitulum de mandato Cadunesis abbas voluntate proprio concesserunt l’abbé dArdorel et le chapitre de ce monastère, du mandement de l’abbé de Cadouin concédèrent… (10) A Pacte 81 l’ordo auquel appartenait l’abbé Foulque n’est pas précisé.
Ordo Cisterciensis. Les fort nombreuses citations de l’ordre de Cîteaux revêtent des formes variées : en latin généralement Cisterciensis, Cisterciensium, mais aussi Cistellensi, et la forme française latinisée ou translittérée simplemen : Ordo de Sistello. (455) Ordo sancte Marie de Cistels (802
Ordo Vallis magne. Une seule attestation : recipere… pro fratre secundum formarn ordinis Valus magne me recevoir pour frère selon la norme de l’ordre de Valmagne. (413) On n’a pourtant aucune trace d’un régime particulier de Valmagne dans l’ordre cistercien.
L’abbaye mère et chef d’ordre, Cîteaux, Cistercii, auquel elle a donné le nom est identifée à tous les moines qui suivent la règle réformée, divers vocables sont attestées :
Fratres cistercienses… fratres cistercienses ipsius ordinis ut nemini umquam darent sen solverent decimas aucun des frères de Cîteaux dudit ordre ne payeront ni n’acquitteront des dimes (229)
Conventu cisterciensium Sanctissimo Patri ac domino abbati et sancto conventui cisterciensium… le très saint Père et seigneur abbé et le saint couvent de Cîteaux. (2)
Capitulum Cisterciensi / Cistellensi. Le rôle législatif du Chapitre Général de Cîteaux, stipulé dans la Carta Charitatis et souligné dans les autres documents cisterciens (EO, GE etc.) est cité deux fois dans le cartulaire : terminatur semper mandato et voluntate capituli Cistellensis que ce soit fait selon le commandement et volonté du Chapitre de Cîteaux. (450, 451)
Abbas. Du sémitique abba passé au grec puis au latin qui désigne le père, le chef du monastère dont le rôle est longuement décrit dans la RB puis dans les documents cisterciens. Les abbés de Valmagne sont abondamment cités dans leur rôle juridique, recevant, donnant, échangeant etc.
Dans leur rôle monastique ils déclarent recevoir les frères dans le monastère. On n’a qu’une seule trace de leur rôle liturgique dans la bénédiction de l’abbé Bernard en 1211 : Acta sunt… die dominico quo prefatus B. abbas fuit benedictus ceci fut fait un jour de dimanche, où fut béni le susdit B(ernard) abbé. (825)
Ni la RB ni les EO ne décrivent la bénédiction de l’abbé. Nous constatons ici quelle est célébrée un dimanche, ce qui dénote le glissement vers une bénédiction solennelle, rapprochée du rite des sacres épiscopaux, que le collectaneum cisterciense de 1900 (p. 292) prescrit, en effet, de célébrer un dimanche.
Les celleriers et prieurs sont cités sous leurs noms lorsqu’ils interviennent dans des actes et transactions, le sous-prieur subprior au titre de sa fonction et sans son nom est cité trois fois (169, 170, 345), le sous-chantre succentor une seule fois (759), le vestiaire vestiarius chargé des vêtements, une fois, (602) le portier janitor une fois, (653) l’infirmier sous le nom de custos infirmorum une seule fois. (331)
Le cartulaire porte trace de la crainte de sortie du monastère au moment de la profession définitive et revendique le maintien à son bénéfice des donations consenties pour l’entrée du moine :
Retrahere retro… si ego meipsum aut res meas aliquando pro aliqua causa voluero retrahere retro sicut canis qui ad vomitum sum revertitur si je voulais reprendre ces choses et revenir en arrière comme le chien qui revient manger ce qu’il a vomi. (385)
Egredere. Concedo preftito monasterio… nec etiam mutari si etiam quod Deus avertat contigerit me egredi a monasterio. Que rien ne soit changé (à ces dispositions) même si, à Dieu ne plaise, je venais à quitter le monastère (410)
On connaît une sortie du monastère avant la réception de l’habit et la tonsure, donc un novice :
Recessere. Raimundus Aldeberti ante habitum susceptio et ante tonsurant a predicta domo Vallis magne respuens ordinem recesserat Raymond Aldebert, avant d’avoir reçu l’habit et avant la tonsure, rejettant l’ordre, quitta la Maison de Valmagne (213)
Contradico et auferro. Une charte très curieuse, n° 749 de notre édition, est un acte de renonciation expresse à la profession monastique accomplie, avec expression d’une volonté de rupture violente. Acte dans lequel la famille du moine défroqué, de l’aristocratie biterroise, intervient aussi. Nous citons cet acte par larges extraits, à cause de la rareté de ces dispositions, à notre humble avis :
Août 1200, Arnaud de Corneilhan, fils de Gérard de Corneilhan et Ermessende sa femme reconnaît qu’il a prononcé ou promis de prononcer ses vœux de moine et frère à Valmagne et donné aud. Monastère sa part d’héritage :… confiteor et recognosco quod ego promiseram et votum feceram domino Deo et beate Marie monasterii Valus magne me ibi in presenti daturum pro monacho et fratre ejusdern monasterii, ibique Deo servire in vita mea sicut bonus monachus et frater cum tota parte mea bonorum qui mihi eveniebat expaterna et materna hereditate. Quod donum et promissionem mei ipsius cum hac publica scripta admonitione diaboli commonitus con tradico dicti monasterio et cohabitatoribus ejsudem loci et in perpetuum auferro mu par un commandement du diable, je contredis ce que j’ai fait et je reprends à perpétuité le don et la promesse que j’ai fait audit monastère et à ceux qui l’habitent…et votum quod Deo et monasterio faceram cum hac carta deleo et detruo et irritum facio par cette charte je détruis et efface avec colère le vœu que j’avais fait à Dieu et audit monastère
… et solvo ipsi monasterio et Petro abbati et tibi Raimundo cellarario ejusdem domus… omnes promissiones et conveniencias quascumque mei et fratribus meis et amicis feceratis in dicto monasterio et je libère le monastère et Pierre abbé et Raimond cellérier de toutes les promesses et conventions qui avaient été faites à moi, à mes frères et à mes amis.
La famille donne quitus au monastère de la restitution des biens qui avaient été donnés : Ego Guillemus dictus mandato matris mee et fratrum et amicorum meorum omni tempore servaturum, et confitemur nos omnes recuperasse bene et integre totum quicquid vobis per Arnaudo donaveram. Et moi, Guillaume, du mandement de ma mère, de mes frères et amis, nous reconnaissons avoir récupéré la totalité de ce que nous avons donné pour ledit Arnaud.
Situation cocasse : Arnaud de Corneilhan reconnaît en jurant sur les évangiles qu’il agit par commandement du diable en annulant ses vœux monastiques…
VI. Le monastère
Locum sacrum. Le lieu sacré, consacré, trace de la liturgie de la Dédicace : Locus iste sanctus est ce lieu est saint, Terribilis est locus iste ce lieu est terrible. La CCh cite monachi loci ecclesie (ch. 9)
… dono ad illum sacrum locum cujus vocabulum est Concas je donne à ce lieu sacré nommé Conques, (donation à Ste Foi de Pallas, relevant de l’abbaye de Conques au diocèse de Rodez) (acte 400) On relève locum pour désigner le monastère cistercien dans les litanies des saints cisterciennes : Ut loca nostra et omnes habitantes in eis, visitare et consolari digneris, te rogamus, audi nos. (Brév. cisterciense)
Divers termes sont employés pour décrire la création du monastère :
Plantare, nutrire, prospicere, mots importés par métaphore de l’agriculture, le monastère est considéré comme une plante, un arbre :
… e pastorali tenemur officio monasteria plantare, plantata nutrire, et eorurn quieti prospicere, Il est de notre charge pastorale de planter des monastères, les ayant plantés les nourrir, et les observer en paix. Charte de l’évêque d’Agde en faveur de Valmagne 1182, acte 394)
Fundare. Affermir sur une base solide, bâtir solidement, le français fondation appliqué à une maison ou institut religieux rend bien le latin
… ad fundandam et construendam piam domum pour fonder et construire une pieuse maison. (450)
Construere. La faculté de bâtir le monastère est accordée par les premiers donateurs Guillaume Frédol et Ermessende le 1er mars 1139 :… donamus domino Deo et beate Marie de Ardorel et tibi Fulconi abbati… ad construendam ecclesiam in loco qui vocatur Vallis magne nous donnons à Dieu et à ste Marie dArdorel et Foulques abbé de quoi construire une église au lieu dit Valmagne. (81)
Edificare, édifier, synonyme de construire,… nulli alii religiosi… audeant se introducere ad hedificandum sive ad habitandum infra terminos tocius penitus territorii quod vocatur Tortoria qu’aucun autre ordre religieux ne s’introduise pour édifier ou habiter dans le terroir nommé Tourtourière (acte 424 du vicomte de Béziers désirant protéger les moines de Valmagne d’autres fondations concurrentes au même lieu).
Opus, Operarius. L’acte de créer un monastère, construire, édifier, est une œuvre à la fois matérielle et spirituelle. L’œuvre matérielle necessite des fonds, des finances, des artisans, des ouvriers. L’entretien des bâtiments, de même que leur agrandissement ou remplacement nécessite des fonds, des finances, des travaux. Tout cet aspect des choses est désigné par le terme Opus, le travail, l’œuvre, l’action
… dono petraria ubi fratres Valus magne excidebant lapides ad opus monasterii sui je donne la carrière d’où les frères de Valmagne tirent les pierres pour l’œuvre de leur monastère. (175)… confirmo et volo ut semper inde accipiatis ligna ad opera vestra je confirme et veux que vous preniez de là le bois nécessaire à votre oeuvre (843)… dono operi ecclesie sancte Marie Valus magne C solidos je donne à l’œuvre de l’église de Valmagne cent sous. (503)
Le moine chargé de l’opus, de l’œuvre est l’operarius, ouvrier, qui supervise ou dirige la construction ou l’entretien du monastère… sit manifestum quod operarius ecclesie pro ecclesiastico opere quecum que voluerit de riparia possit accipere que l’on sache que l’ouvrier de l’église, pour l’œuvre d’église puisse prendre ce qu’il voudra des rives. (de l’Hérault) (839) L’acte 875 de 1184 livre même le nom de loperarius :… facimus de rebus nostris elemosina Deo et operi ecclesie sancte Marie et tibi Bernardo Saturnini cui predictum opus specialius est commissum nous faisons aumône de nos biens à Dieu et à l’œuvre de l’église sainte Marie de Valmagne et à toi Bernard Saturnin spécialement commis à cette œuvre.
Dotare. Le lat. dos, dotis est ce que la femme apporte ou ce que la famille de la femme apporte au mari pour elle au moment du mariage, ce sont aussi des biens affectés à l’entretien des légionnaires vétérans. Également des biens remis aux églises, aux monastères :… ut ecclesiam Dei dotare pour doter l’église de Dieu. (249)
Habitare / habitatores. Habitare exprime une demeure durable, une occupation longue au même lieu, la RB souhaite que ceux qui habitent le monastère bénissent Dieu, benedicant Deum qui ibi habitant. (40,2) La CCh suppose que le moine vient pour rester durablement ad habitandum venerit (ch. 9) La citation précédente donne bien ad edificandum les actes citant les moines comme habitatores Valus magne, ou bien qui ibi habitant ceux qui habitent là, sont très nombreux. On peut voir dans ce terme l’écho du vœu de stabilité. Les litanies cisterciennes désignent les moines par habitantes : Ut loca nostra et omnes habitantes in eis visitare et consolari digneris. (Brév. cisterc.)
Le monastère fondé est désigné par plusieurs termes :
Ecclesia. L église est une assemblée de fidèles et le lieu où cette assemblée se réunit. En désignant le monastère comme une église, les donateurs peuvent évoquer, soit l’assemblée ou communauté des moines, soit le bâtiment où ils demeurent, le monastère.
Donamus ad construendam ecclesiam nous donnons pour construire une église, dans la charte de fondation de Frédol et Ermessende. (81) L’équivalence entre ecclesia et monasterium est très fréquente. Toutefois le monastère est plus largement cité domus, maison.
Domus. Lat. domus est la maison, mais une demeure durable où la famille vit longtemps, c’est presque l’équivalent de patria. En lat. chrétien une maison où l’on prie, la Vulgate cite le Temple de Jérusalem Domus orationis la Maison de Prières. La RB cite le monastère comme Maison de Dieu nemo perturbetur neque contristetur un domo Dei (31,19) que personne ne soit troublé ni contristé dans la Maison de Dieu. Les documents cisterciens CCh et EO donnent l’équivalence domus / monasterium. Plusieurs monastères cisterciens ont été nommés la Maison-Dieu.
Le cart. désigne Valmagne par domus. domus id est monasterium la maison, c’est à dire le monastère (233) dono domui et fratribus Valle magne je donne à la maison et aux frères de Valmagne (323) domus Valus magne la maison de Valmagne (565,568 etc…) pia domus (450) domus ordinis cisterciensi la maison de l’ordre de Cîteaux (649)
Abbacia. Dérivé de abbas, père, DC définit ainsi monasterium cui praeest abbas vel abbatissa, monastère que gouverne un abbé ou une abbesse.
La RB ne désigne pas le monastère par abbacia les EO ont quatre occurrences et la CCh une seule.
Le cartulaire désigne sept fois seulement le monastère par abbatia.
Acte 450… si forte contigerit quod abbatia Valus magne Capitulo Cistellensis non esset subdita, sil arrivait que l’abbaye de Valmagne ne fut plus soumise au Chapitre de Cîteaux… Et sciendum quod tota ordinatio predictae domus in dispositione… quod si abbatia Valus magne Qu’on sache que toute l’ordonnance susdite règle la Maison, que l’abbaye de Valmagne… (451)… terram quam habemus intra abbaciam et grangiam la terre que nous avons entre l’abbaye et la grange… (58)
Conventus. Participe de convenio assemblée, réunion, communauté de citoyens romains établis dans une ville de province. Par conventus les EO désignent la vie de communauté des moines. Le cart. désigne l’ensemble des moines délibérant au chapitre. Désignation très fréquente dans la disposition dont voici l’exemple :… Et ego Amedus dictus abbas et conventus noster recepimus… Et moi (Amédée) susdit abbé et notre couvent nous recevons… (600) Par couvent on désigne généralement en français la maison religieuse des frères mendiants (prêcheurs, mineurs, capucins, augustins etc.)
Coenobium. Du grec κοινοβίον, composé de κοινή et de βίω, ensemble de ceux qui vivent ensemble, en commun. Le cénobite est le moine vivant en communauté, à la différence de l’anachorète ou ermite, moine qui vit seul. La RB règle la vie des cénobites : genus coenobitarum (1,2) in cenobiis degentes. (5,12) Les EO donnent une mention, ainsi que la CCh (prolog.)
Cenobium est très fréquent dans le cart. c’est un terme usuel pour désigner le monastère.
Foris / fores. Foris / fores est la porte à double battant, la grande porte. Un acte du cart. a été passé hec carta laudata atque jurata fuit ante fbres monasterii cette charte a été approuvée et jurée devant les portes du monastère. (170)
Porta est le terme usuel et universel. La RB donne une place certaine à la porte du monastère devant laquelle on fait patienter le novice avant le premier accueil, le GE a dix mentions de la porte, du portier ainsi que les EO. C’est le lieu de l’entrée en religion, revêtu à ce titre d’un sens symbolique.
Janua. C’est la porte d’entrée, le chemin, la voie d’entrée. Les EO n’ont que deux occurrences, Le cart. cite plusieurs fois janua monasterii, mais également sous ce terme les portes des granges : Janua grangie Mercurine la porte de la grange de Marcouine (176, 373)
Aditum. Emprunté au grec άδύτον, le lieu où l’on ne peut pénétrer, la partie secrète du sanctuaire. La collecte de la messe, matines, tierce et vêpres de Pâques eternitatis nobis aditum devicta morte reserasti, en vainquant la mort, vous nous avez ouvert le sanctuaire éternel
… Une seule mention dans le cart. terram que est ante predicti monasterii aditum la terre qui est devant le sanctuaire dudit monastère (54)
Claustrum. La cloture, la séparation, l’enclos. La RB donne claustrum au sens de la clôture du monastère qui presumpserit claustra monasterii egredi (67,7)
… Le cartulaire ne cite pas le cloître des moines, mais trois fois claustrum conversorum, le cloître des convers. (339, 347, 885)
Capitulum. Le lieu où s’assemblent les moines en chapitre, la salle capitulaire, Capitulum Vallis magne, lieu où sont souscrits les actes les plus solennels de donations ou entrée en religion (386, 426, 451, 491, etc.)
Parlatorium. Latin tardif parabolo employé pour loquor, d’où le roman parlar, le parlatorium est le lieu où les moines peuvent s’entretenir avec les visiteurs, leurs familles etc. Deux citatons seulement dans les chartes du parlatorium parloir (279,825)
Refectorium. La refectio est le repas, la nourriture, le refectorium le lieu où l’on prend la nourriture
… Le GE, EO et CCh citent le refectorium. Deux actes de Valmagne citent le réfectoire des convers refectorium conversorum (353, 608) et un la porte du réfectoire des convers janua refèctorii conversorum. (130)
Dormitorium. Dormio, dormire, dormir, le cubiculum dormitorium de Pline est la chambre à coucher. La RB précise quomodo dormiant monachi comment dorment les moines (22) ils ont chacun un lit, mais pas de cellules ni de chambres particulières. Le GE et les EO citent le dormitorium. Aucun acte du cartulaire ne cite le dortoir des moines, mais seulement dormitorium conversorum. (380)
Peut-on exciper des citations des claustra des convers (cloître, réfectoire, dortoir) que la clôture monastique était stricte pour les profès, et que même les donateurs n’y entraient pas pour souscrire les actes, les lieux réservés aux convers étant relativement plus accessibles ? C’est peut-être l’indice d’une vie monastique stricte sur l’observance de la clôture.
Cimiterium. Du grec κοιμήθήριον, de κοιμάω : étendre, reposer, se coucher, dormir, passé au latin coemeterium, ou cimiterium, lieu des sépultures. Le GE. donne 130 occurrences du cimetière, le cartulaire de Valmagne cite très souvent le cimetière des moines, et la faveur d’y être enseveli. Un acte (801) curieusement cite le cimiterium mortuorum, le cimetière des morts.
E. Conclusion
Les textes du cartulaire ne nous font pas pénétrer dans l’intérieur du monastère. Par incidence, ils révèlent quelque chose de la vie spirituelle, de la liturgie, de la prière des moines, et de l’écho rencontré à l’extérieur. On pressent que la vie était régulière, austère, conforme à la Règle des moines et aux Institutions cisterciennes.
Le monastère de Valmagne n’était pas dans un désert. Les soucis spirituels, les besoins des fidèles sont transmis, les personnes vivant dans le siècle, laïques clercs, hiérarques y sont cités. Le désir affirmé d’avoir part aux prières et aux bienfaits du monastère, la recherche de la sépulture près des moines, des prières post mortem sont constants et accueillis par les moines.
Les innombrables donations, le désir d’avoir part aux bénéfices spirituels, témoignent d’une adhésion populaire réelle, profonde, et d’un rayonnement certain du monastère. Les entrées en religion, comme moines profès, convers, les affiliations partielles, moines laïques, donnés, familiers associés, attestent de l’attrait exercé par les cisterciens sur leurs voisins et contemporains. Cet attrait redouble au moment où l’abbé Pierre de Autumno est associé au légat Pierre de Castelnau dans la prédication et l’action contre les hérétiques albigeois. Il décèle l’adhésion massive au catholicisme dans nos contrées. Il atteste le soutien des puissants, des féodaux et des humbles à une Maison religieuse dont l’orthodoxie est sûre et active dans la prédication du negocium fidei et pacis, l’affaire de la foi et de la paix, à la veille et pendant la Croisade.
Nous concluerons en citant l’éloge adressé à Valmagne par Guillaume de Roquessels, évêque de Béziers le 13 décembre1201 :
Cum inter mundi fluctivaga sola fere Cisterciensis ordinisreligio firma stabilisque permaneat, tanto premio et honoredignior habetur, quanto virtutum integritate ceteris collegiispreradiare conspicitur.
Tandis qu’au milieu des fluctuations du monde, l’ordre de Cîteaux demeure ferme et stable, il jouit d’un prix et d’un honneur tels qu’on le voit, par l’intégrité des vertus, briller au-dessus des autres collèges. (Cart. Valmagne, acte 615 et Livre noir ou Cartulaire du Chapitre saint Nazaire et saint Celse de Béziers, édition de l’abbé Julien Rouquette, Paris-Béziers 1923, acte 339, l’évêque de Béziers donne quelques églises à l’abbé et au monastère de Valmagne.
Notes
1. S. Benoit Règle, prologue.
2. Exordium parvum Petit exorde de Cîteaux, in Cîteaux, documents primitifs, Achel, 1988, p. 24 et suiv.
3. A. Villemagne Bullaire du Bienheureux Pierre de Castelnau, martyr de la foi, Montpellier, 1917, 425 p. passim.
4. Livre Noir ou Cartulaire du Chapitre saint Nazaire et s. Celse de Béziers, édition J. Rouquette, acte 339, 13 décembre 1201.