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Description

Le Petit Séminaire de Saint-Pons au XIXe siècle :
établissement ecclésiastique ou collège masqué ?

Bien qu’il ait disparu en tant que tel depuis plus de 80 ans, le petit séminaire de Saint-Pons est loin d’être aujourd’hui un inconnu. Il a survécu dans la mémoire collective, entretenue longtemps à travers Saint-Benoît d’Ardouane et les pages qui lui ont été consacrées depuis ses origines, dans des ouvrages spécialisés ou au fil de livres plus récents sur le Saint-Ponais. Cette maison a d’ailleurs eu ses biographes, directement ou indirectement, avec Rouét et sa vie de Martin d’Agde (1869) et le Chanoine Granier (1908). Mais l’histoire progresse et la connaissance que l’on a des choses se modifie et se complète au gré des travaux et des publications. On dispose aujourd’hui de sources externes (Archives nationales et départementales) et on peut profiter d’une meilleure connaissance du contexte historique grâce aux études sur le diocèse de Montpellier et sur les séminaires de France. Enfin l’histoire s’est faite plus globale et, désormais, elle prend davantage en compte les réalités quotidiennes.

C’est dire que nous allons faire ici une place importante au cadre historique pour bien insérer cette histoire dans sa trame générale, et après en avoir rappelé les grandes étapes, nous efforcer de déterminer le rôle que cet établissement a joué école secondaire ou séminaire ?

Les principales étapes de cette histoire : (1824-1906) Une naissance différée

Au lendemain de la Révolution française, l’Église sort épuisée, divisée, amoindrie dans ses biens et ses lieux de culte, privée d’une bonne partie de son clergé. En octobre 1806, il ne reste plus dans le diocèse de Montpellier que 249 prêtres en activité, dont plus du quart a dépassé ou atteint la soixantaine (G. Cholvy). On a même le plus grand mal à trouver un évêque pour ce nouveau et vaste territoire qui englobe, non seulement le nouveau diocèse de Montpellier mais aussi celui d’Albi, soit 12 000 km2. Bien mieux, le prélat que l’on a fini par trouver pour Montpellier, M. Rollet, se retire, après un peu plus de trois ans de présence dans le diocèse (octobre 1802-février 1806), Napoléon ayant accepté une démission qu’il n’avait pas donnée.

Le problème du clergé est donc une des questions majeures pour la vie du diocèse. On comprend que, nouveau promu sur le siège de Montpellier, Mgr Fournier, ait fait de l’ouverture de séminaires l’une de ses priorités, comme en témoigne sa lettre du 7 mars 1807. Après avoir établi celui de Montpellier, cette année même, il songe à en ouvrir deux autres : l’un à Béziers, l’autre à Lodève. Mais la création de l’Université impériale en 1808 et le décret de novembre 1811 visant à renforcer le monopole, l’obligent à renoncer à ses projets. Il a bien assez à faire pour assurer l’autonomie de son petit séminaire de Montpellier. Il doit donc se résigner à attendre.

La Restauration venue, l’évêque reprend son projet. Le 18 juillet 1823, il reçoit l’approbation du ministre et du Conseil Royal de l’I.P. pour créer une école secondaire ecclésiastique à Saint-Pons, sur avis favorable du recteur de Bonald qui pense que le nouvel établissement ne fera pas ombrage à ceux qui existent si l’on n’y reçoit que des enfants « dont on aura examiné les intentions et celles de leurs familles touchant l’état ecclésiastique ».

Pourquoi Saint-Pons plutôt que Béziers ? Pour sa situation géographique, d’abord, au nord-ouest du département, au centre d’une région assez peuplée – l’arrondissement comptait alors 42 298 habitants et la ville 5 529. D’autre part, en l’absence d’établissement secondaire digne de ce nom – on n’y trouvait que des pensions mourantes – l’évêque pensait pouvoir drainer les vocations des hauts cantons mais aussi des élèves désireux de faire des études secondaires. Enfin, dans le pays et dans le diocèse, on se souvenait du séminaire-collège qui avait fleuri dans cette cité, avant la Révolution (80 élèves en 1789). Le local fut facile à trouver ; l’évêché racheta pour 16 000 F l’ancien couvent des Récollets. La ville de Saint-Pons s’intéressa à l’affaire en accordant une subvention de 4 000 F. Ainsi naquit l’établissement que l’on devait appeler, tout au long du siècle, le Petit Séminaire de Saint-Pons. Allait-il mériter ce titre ?

Des débuts difficiles et obscurs

Les premières années de cette maison se caractérisent par une situation confuse. Les trois premiers supérieurs, MM. Sirou, Pradal et Cusset restent assez peu de temps et ont, en général, grand peine à trouver des enseignants formés et, dit-on, à recruter des élèves. En effet, entre 1825 et 1832, sur sept années, l’effectif moyen n’atteint pas 50 élèves. En 1831, par exemple, le recteur Gergonne en signale 45 à 50, « portant lévite noire et chapeau rond, encadrés par des prêtres, dont deux s’occupent des classes supérieures, et de trois séminaristes qui donnent l’enseignement aux classes inférieures, tout en étant eux-mêmes des élèves de philosophie ». Pauvre établissement, pensera-t-on !

Mais, il faut se remettre dans le contexte scolaire de l’époque pour en juger. Le corps enseignant est souvent bien médiocre. Le recteur Gergonne parlera en 1843 de ce temps pas si lointain où l’on ne refusait les diplômes à personne et P. Gerbod a bien montré la situation des professeurs dans la France d’alors. De plus, l’habitude de nommer des élèves de philosophie professeurs dans les petits séminaires demeurera jusqu’après la deuxième guerre mondiale. Mais pour bien mettre les choses à leur place, il est nécessaire d’introduire ici une donnée qui relativise les chiffres. Le nombre des élèves peut paraître faible, mais l’on en jugerait trop vite si on ne considérait les effectifs globaux des autres établissements à la même époque. Or, vers 1823, le lycée de Montpellier, n’a que 214 élèves dont une cinquantaine d’internes (47 en 1823-4). Béziers n’accueille que 97 collégiens, Pézenas 74, Agde 37, Bédarieux 48, Lodève 35, Clermont 28. En France, le nombre total des élèves de tous les établissements secondaires ne s’élève qu’à 60 000 – il montera à 180 000 un demi-siècle plus tard, sans les petits séminaires, il est vrai. Les effectifs de Saint-Pons sont donc moins médiocres qu’il n’y paraît au premier abord. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1988

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Louis SECONDY

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf