Le paléolithique supérieur du bassin de l'Hérault

L’Hérault, petit fleuve côtier du Languedoc, traverse, dans la partie moyenne de son cours, les plateaux calcaires des hautes et moyennes garrigues du département de l’Hérault. De Ganges à Aniane, sur près de 30 km de long, la rivière s’inscrit dans les calcaires massifs du Jurassique supérieur, longeant au nord-ouest la retombée des Causses, avant de déboucher au Pont du Diable sur la moyenne vallée de l’Hérault.

Contrairement aux gorges voisines du Gardon, le Paléolithique de la vallée de l’Hérault, et pas seulement des gorges, reste mal connu malgré quelques mentions déjà anciennes comme celle de la grotte de Laroque (Gimon 1905). Cependant la vallée de l’Hérault et ses principales vallées affluentes, la Lergue, la Buèges et la Vis, représentent une voie de pénétration importante, assurant la liaison entre les Causses et les régions plus spécifiquement méditerranéennes.

Au début des années 1980, dans le cadre de la R.C.P. 576 du C.N.R.S. « Le milieu naturel au Quaternaire dans les causses du Massif Central et les vallées périphériques » nous avons entrepris d’étudier le Paléolithique supérieur de cette petite région. Les travaux sur le terrain, l’étude de séries lithiques inédites, et la révision des documents déjà connus apportent des éléments nouveaux pour la connaissance du Paléolithique supérieur Languedocien et font apparaître, en particulier, l’importance du Magdalénien (Bazile 1980 et 1981).

Si peu d’éléments nouveaux sont intervenus depuis la fin des années 1980, un renouvellement des connaissances, des études plus approfondis et une révision des données disponibles, autorisent la présentation d’un bilan sur le Paléolithique supérieur du bassin de l’Hérault et même de dégager quelque pistes de recherches (Bazile 1999, Philippe et Bazile 2000). 1

1 - Le Paléolithique supérieur ancien (Aurignacien, Gravettien)

Les indications concernant le Paléolithique supérieur ancien sont encore rares dans le bassin de l’Hérault. Dans la basse vallée de la Vis, en 1947, R. Octobon a fouillé la grotte des Camisards (St Laurent-le-Minier, Gard) qui lui a livré "une industrie de l’Aurignacien supérieur très complète (silex et os)" (in litteris) dans une couche unique : ce matériel a été récemment déposé au Musée Languedocien et une partie conservée par la famille. Un rapide examen de la série montre un Gravettien à micro-pointes à dos qui pourrait traduire un stade très tardif du Gravettien, voire un Epigravettien.

Plus récemment, P. Ambert a recueilli (Ambert 1994), malheureusement dans de mauvaises conditions stratigraphiques (remaniement), une industrie aurignacienne dans l’abri Rothschild creusé dans les tufs de l’Estabel à Cabrières (Hérault) la série comprend entre autres d’assez nombreuses lamelles à retouches marginales qui laissent envisager un rapprochement avec l’Aurignacien « O » des Gorges du Gardon (l’Esquicho Grapaou, la Laouza). La parure en coquillage accentue encore ce rapprochement (Barge 1983).

Il est, par contre, délicat d’attribuer avec certitude à l’Aurignacien les quelques pièces recueillies par M. Bernard Pauze, à Saint Bauzille-de-la-Sylve au lieu dit "Les Ponteils". L’industrie, liée à des nappes caillouteuses solifluées, est assez pauvre et en mauvais état. La série comprend, certes, des grattoirs épais d’allure aurignacienne, mais également plusieurs pièces à retouches abruptes évoquant la retouche raclette. L’hypothèse d’un Magdalénien ancien n’est pas à écarter (fig. 2, 1 à 8).

L’industrie du niveau 3 du Bois des Brousses (Aniane, Hérault), reconnue seulement sur quelques m², avec l’association gravettes, micro gravettes, pointes à cran, burins sur troncature et multiples mixtes, représentait les premiers indices certains de l’existence d’un Gravettien dans la région considérée. 2 Cette pauvre association pose quelques problèmes, en particulier par la présence d’une micropointe à cran qui évoque plus la Provence et l’Italie que les rares sites gravettiens du Languedoc (fig. 1). Une série de datations absolues, en cours, devrait permettre rapidement de préciser l’âge de cette industrie originale.

2 - La question du Solutréen

L’existence du Solutréen dans le bassin de l’Hérault est très vraisemblable, mais demande encore à être étayée par des documents plus nombreux et plus précis.

La carrière de Tréviols, près de Lodève, aurait livré des pièces foliacées bifaces de grande taille malheureusement perdues, associées à de la faune quaternaire, et surtout à des ossements humains dont l’âge paléolithique supérieur ne semble pas faire de doute (Charles, 1965).

Plus récemment, le Groupe archéologique lodévois a recueilli dans le porche de la grotte de Laroque II, dans les gorges de l’Hérault, une feuille de laurier sublosangique du type k (fig. 4, 7) dans la couche II dont l’industrie appartient indubitablement au Magdalénien supérieur. Cette pièce isolée ne constitue pas une preuve irréfutable du Solutréen dans les gorges de l’Hérault, mais seulement une simple présomption, compte tenu de son contexte stratigraphique, un simple ramassage des Magdaléniens…

Le niveau 2B du Bois des Brousses nous a livré en 1980 une feuille de laurier fragmentée du type A, apparemment solutréenne, associée à une industrie d’obédience magdalénienne sur laquelle nous reviendrons.

Nous devons, enfin, mentionner une découverte un peu fortuite dans la grotte du Cayla de Frouzet à St Martin-de-Londres dans les gorges du Lamalou, petit affluent de l’Hérault.

C’est à l’occasion d’une visite du gisement, réputé pour avoir livré du Paléolithique moyen et supérieur, que nous avons pu récupérer dans un placage de sables jaunes dégagé par une fouille clandestine, quelques restes de faune et d’industrie du Paléolithique supérieur.

L’industrie n’est pas assez abondante pour être caractérisée avec précision ; elle comprend une raclette atypique, un grattoir sur lame courte retouchée, un grattoir burin, un fragment de sagaie et une feuille de laurier type K

La faune est composée du cheval, d’un lagomorphe et de carnivores : Félix (Lynx) spelea et Panthera (Panthera) pardus (détermination J.-P. Brugal).

Mais la pièce maîtresse de cette découverte fortuite est une hémi-mandibule gauche humaine, malheureusement fragmentée et privée de sa branche montante. M. G. Périnet a bien voulu à l’époque comparer, par la méthode de diffraction aux rayons X, les restes de faune, indubitablement quaternaires, et la mandibule. Deux tests pratiqués dans le périoste et dans la zone médullaire ont montré une meilleure fossilisation pour la mandibule que pour le reste de la faune, confirmant ainsi l’ancienneté de cette pièce. La question du Solutréen dans l’Hérault demeure donc pendante, le seul élément un peu consistant restant le Col de Gigean près de Frontignan.

Un fragment de feuille de laurier trouvé par A. Munier à la fin du XIXème siècle, un autre récolté par A. Clot, deux pointes à face plane associées à une faune pléistocène et quelques outils du Paléolithique supérieur (dont du Magdalénien) signent ici une occupation des Solutréens, sans doute moyens. Ce petit gisement, qui mériterait de nouvelles recherches, est un jalon précieux pour d’éventuelles relations entre la région Gard-Ardèche et les Pyrénées, voire l’Espagne.

Le Bois de Brousses, Aniane, Hérault. Industrie lithique du niveau 3, Epigravettien ? (Dessin : Sophie Guégan, projet Tardmed)
Fig. 1 - Le Bois de Brousses, Aniane, Hérault. Industrie lithique du niveau 3, Epigravettien ? (Dessin : Sophie Guégan, projet Tardmed)
Gisements de plein air de ST. Bauzile-de-la-Sylve, Hérault. 1 à 8 : Le Ponteil (Aurignacien ?) ; 9 à 12 : Le Valadas (Magdalénien Ancien ?).
Fig. 2 - Gisements de plein air de ST. Bauzile-de-la-Sylve, Hérault. 1 à 8 : Le Ponteil (Aurignacien ?) ; 9 à 12 : Le Valadas (Magdalénien Ancien ?).

3 - Le Magdalénien

Un des acquis principaux des recherches est la mise en évidence d’un Magdalénien précoce dans le bassin de l’Hérault. On sait que cette industrie n’était connue jusqu’à présent qu’à son stade supérieur (V et VI) en Languedoc oriental, principalement dans les gorges du Gardon (Bazile, 1999). Selon le schéma traditionnel, le Magdalénien arriverait en Languedoc Oriental à son stade supérieur, remplaçant alors les industries locales (Salpêtrien), puis, diffuserait en Ardèche et en Provence rhodanienne.

La station de Camparnaud, à Vers Pont du Gard (Bazile 1987), est venue depuis perturber ce modèle avec son Magdalénien ancien à raclette déjà, semble-t-il fortement engagée vers un Magdalénien classique Camparnaud représente vraisemblablement une première incursion des Magdaléniens vers la région du Bas-Rhône à partir d’un foyer relativement proche ; nous pensions alors au bassin de l’Aude (Sacchi 1976), la vallée de l’Hérault pourrait participer à cette diffusion et en représenter un jalon logique.

Nous pressentions l’existence d’un Magdalénien précoce dans les garrigues héraultaises depuis 1975, à la suite de travaux réalisés dans le porche de la grotte de Laroque II, connue pour son Magdalénien supérieur (Ravoux, 1966) et ses gravures pariétales (Lorblanchet, 1967b).

Un sondage profond nous a révélé trois niveaux d’une industrie vraisemblablement magdalénienne l’outillage comprend des lamelles à dos, des burins dièdres, un triangle scalène et quelques éléments d’outillage osseux (aiguilles à chas et tronçon de sagaie). La position stratigraphique de cette industrie bien au dessous des niveaux caillouteux du Magdalénien supérieur dont des témoins concrétionnés subsistent dans le gisement, ainsi qu’une datation absolue 16 200 ± 400 BP (MC 1210), permettrait d’envisager l’hypothèse d’une attribution au Magdalénien moyen.

Le Bois des Brousses, Aniane, Hérault. Industrie lithique du niveau 2 B (Magdalénien).
Fig. 3 - Le Bois des Brousses, Aniane, Hérault. Industrie lithique du niveau 2 B (Magdalénien).

En ce qui concerne le Magdalénien ancien, sa présence est très probable dans la région de Gignac pour laquelle nous avons déjà évoqué la station de Ponteils à St Bauzille-de-la-Sylve comme un gisement possible toujours sur la même commune, au lieu-dit le Valadas, B. Pauze a récolté une industrie assez pauvre où la présence de raclettes, très proches de celles de Camparnaud, confirmerait l’existence d’un Magdalénien ancien ; le reste du matériel comprend principalement quelques grattoirs, un perçoir, une lame retouchée, un tronçon de pièce à dos et une chute de burin (fig. 2, 9 à 12).

Pour la phase moyenne du Magdalénien, les travaux engagés de 1979 à 1984 dans l’abri du Bois des Brousses, ainsi qu’une fouille de sauvetage dans le couloir de la grotte Laroque, nous fournissent des données plus précises.

Au Bois des Brousses, le niveau 1A a livré une industrie, pour l’instant exclusivement lithique, dominée par les lamelles à dos, parfois doubles, tronquées ou non ; les burins de types divers sont également bien représentés (Fig. 5, 1 à 7).

Une datation absolue, MC 2247 : 15 800 ± 300 BP, permet de situer le niveau 1A entre le Magdalénien ancien de Lassac (Gif 2981 : 16 750 ± 250 BP) et le Magdalénien moyen de Gazel (Gif 2655 : 15 070 ± 270 BP), gisements situés tous deux dans le bassin de l’Aude (Sacchi 1976). L’industrie est « banale » et pourrait se rapporter aussi bien à un magdalénien supérieur, en l’absence d’industrie en matière dure animale.

Le niveau 2B, sous jacents n’est pas daté (en cours) et montre une industrie originale, peu caractéristique, à base de micro-lamelles à retouches marginales principalement (Philippe et Bazile 2000) (fig. 3 et 4). L’analyse approfondie de la composition du matériel relevé sur ce niveau permet d’émettre une hypothèse quant aux causes de sa faiblesse numérique. Cette hypothèse postule que le niveau a été préservé de tout bouleversement taphonomique d’envergure, ce qui semble être attesté, au regard des données de fouille. A cette condition, on peut classiquement rapporter certains déficits à une importation différentielle des matériaux et à une utilisation des outils non limitée au secteur fouillé, mais aussi – et c’est plus rare – à une pratique systématisée d’évacuation des déchets (uniquement lithiques ?) par les occupants de l’abri.

L’originalité du niveau réside surtout dans la structuration de l’habitat et dans la richesse en reste de poissons autour d’une structure pierreuse complexe. L’hypothèse d’un site spécialisée dans le traitement des produits de la pêche reste très séduisante (Bazile 1986). Une étude préliminaire de G. Duché montre tout l’intérêt de la faune ichtyologique pour l’interprétation du niveau 2B (Duché 1987). Sans rentrer dans les détails, G. Duché souligne les caractères très particuliers des restes de poissons identifiés, impliquant vraisemblablement une sélection des espèces et la pratique d’une technique de pêche déjà élaborée 81 % des restes de poissons (vertèbres) sont localisés dans les carrés K14-K15-J15-J16-J17, en étroite coïncidence avec la structure pierreuse déjà évoquée. La liste des espèces est relativement limitée avec la truite dominante (56,8 %), l’anguille (21,6 %), l’ombre commun (18,6 %) et peut être la lotte d’eau douce (3 %), dont la présence demande à être confirmée.

L’hypothèse d’un traitement du poisson dans l’abri en vue d’une consommation différée peut, à notre point de vue, être très sérieusement envisagée, même si la preuve absolue manque encore. Les probabilités sont fortes, voire très fortes, et nous pensons avoir démontré la faisabilité d’un procédé de conservation, proche du fumage à froid, tout à fait concevable avec le degré de technicité des Magdaléniens et les conditions climatiques du Tardiglaciaire. Une expérimentions grandeur nature, d’après les données de la fouille, confirme ce point de vue (Bazile et Monnet ce volume).

Une préparation préalable des poissons à l’extérieur de l’abri (étêtage, équeutage…), sur les lieux de pêche, au bord de la rivière est tout aussi vraisemblable ; elle pourrait trouver confirmation dans l’analyse de l’industrie lithique qui laisse entrevoir l’existence d’un poste de travail en dehors de l’abri (Philippe et Bazile 2000) rien ne permet cependant d’établir une liaison entre l’outillage (lamelles en particulier) et une technique d’acquisition ou de préparation des poissons.

Les implications dune telle conclusion, malgré quelques incertitudes, sont importantes pour notre perception du genre de vie des populations du Paléolithique supérieur. Elles induisent des conceptions nouvelles, basées en partie sur une consommation différée des ressources nutritionnelles et sous entendant, du moins à court terme, des techniques d’acquisitions de conservation et de stockage de la nourriture à un stade encore ancien du Magdalénien.

Mais revenons à la grotte de Laroque II ; en avril 1979 nous y avons pratiqué une fouille de sauvetage visant l’exploitation d’un petit témoin concrétionné des dépôts ayant livré le Magdalénien supérieur. La stratigraphie établie à cette occasion dans le couloir de la cavité a montré la succession suivante :

— P, Plancher stalagmitique ;

— a 1, Limon peu caillouteux concrétionné, Magdalénien supérieur ;

— a 2, Cailloutis cryoclastique, Magdalénien supérieur ( ?) ;

— b, Niveau anthropique, cailloutis hétérométrique altéré, ocre rouge, industrie lithique, faune ;

— c 1, Limon jaunâtre peu caillouteux, pseudo-mycélium ;

— c 2, Limon brunâtre à jaunâtre, gros cailloutis polyédrique ;

— d, Limon argileux verdâtre entrecoupé par une ligne de grosses plaquettes de gel (d2).

Le niveau b est antérieur au cailloutis ayant livré le Magdalénien supérieur et plus récent, d’après la planigraphie, que les niveaux du porche déjà signalés. L’industrie (fig. 5, 8 à 16) est très fortement dominée par les lamelles à dos, souvent tronquées, telles que nous les connaissons au Bois des Brousses. L’industrie osseuse, relativement abondante comprend des fragments de sagaies, à biseau simple strié, une extrémité distale de sagaie à section subtriangulaire, un tronçon de forte sagaie en ivoire, éléments qui évoquent plutôt un «  Magdalénien moyen  » (cf. IV) que final (fig. 8 à 16). Certain objets de la collection Gimon vont dans le même sens.

Une datation absolue, MC 2448 : 13 100 ± 300 BP, permet de situer cette industrie à la fin du Dryas ancien, soit l’équivalent chronologique du « Salpêtrien supérieur » de la couche 3 de la Salpêtrière (MC 919 : 13 100 ± 200 BP) ; nous aurions là un premier synchronisme assez précis entre Magdalénien et « Salpêtrien supérieur » en Languedoc oriental. Rappelons que le « Salpêtrien supérieur », qu’il serait sans doute judicieux de dénommer autrement, apparaît de plus en plus comme un véritable Epigravettien (Bazile et Boccacio 2007).

Les travaux récents n’ont malheureusement pas apporté les éléments espérés pour une meilleure compréhension du stade final du Magdalénien.

Au Bois des Brousses les dépôts correspondants ont été déblayés lors de l’aménagement de l’abri en bergerie ; ils ne subsistent que sous la forme de petits témoins concrétionnés en paroi, précieux pour la stratigraphie, mais trop limités pour fournir du matériel archéologique. Il en est de même à Laroque II où les quelques lambeaux échappés à la fougue de Gimon (1905) disparaissaient peu à peu sous la pioche des clandestins.

Le petit témoin fouillé en 1979 (niveau a 1) nous a donné une industrie trop limitée, avec surtout quelques lamelles à dos et un grattoir sur lame courte ; une datation absolue, MC 1209 : 10 200 ± 600 BP, conférerait un âge assez tardif à ce pauvre assemblage.

Nous avons également étudié les séries recueillies par le Groupe Archéologique Lodévois dans le porche ; l’industrie, surtout lithique, montre des lamelles à dos très nombreuses, des grattoirs de petite taille sur éclat et lame courte, des burins abondants de types divers, des perçoirs et au moins une pointe azilienne (fig. 6, 1 à 16). On remarquera l’absence de géométriques (triangles scalènes, rectangles), présents dans la série GIMON conservée au Musée de Nîmes ; on peut légitimement mettre en doute l’homogénéité de l’industrie récoltée par GIMON en « 7 jours de fouilles » dans le couloir ; l’existence d’au moins deux niveaux d’habitat, dont l’un pourrait procéder d’un Magdalénien moyen, est maintenant certaine dans cette partie du gisement.

Le Bois des Brousses, Aniane, Hérault. - Niveau 2B : 1 à 2 outillage lamellaire ; - 3 à 6 Outillage en matière dure animale. - Laroque II, Laroque Hérault : feuille de laurier type K.
Fig. 4 - Le Bois des Brousses, Aniane, Hérault. - Niveau 2B : 1 à 2 outillage lamellaire ; - 3 à 6 Outillage en matière dure animale. - Laroque II, Laroque Hérault : feuille de laurier type K.

Toujours dans ce secteur géographique nous avons pu examiner une petite série lithique provenant de la grotte du Poteau dans les gorges de la Vis (sondage Groupe Archéologique Lodèvois). L’industrie n’est pas très abondante (une quarantaine de pièces) ; elle comprend des lamelles à dos, des burins dièdres et sur troncature, des grattoirs avec une dominance de formes de petite taille dont des grattoirs unguiformes, et surtout sept à dos courbes (pointes aziliennes) ; il s’agit là d’un petit ensemble homogène que l’on doit pouvoir rapporter au Magdalénien final ou à l’Epipaléolithique (fig. 6, 17 à 27).

D’autres cavités, signalées par M. LORBLANCHET (1967a), auraient également livré du Magdalénien sans qu’il soit pour autant possible de déterminer leur appartenance à un stade précis ; ce sont principalement dans les gorges de l’Hérault, l’Aven du Laurier et la grotte de Metge à Laroque, et dans les gorges de la Vis, la grotte de la Salpêtrière ou grotte des Ours. On pourrait également signaler la grotte de Laroque (Laroque I) « fouillée » par E. Boutin dans les années 1860. Laroque I ou baume du Lion est situé à une trentaine de mètre en contrebas. Nous ne savons rien du devenir des objets recueillis par Boutin (Boutin 1864).

1 à 7 : Le Bois des Brousses, Aniane, Hérault. - Niveau l A. - 8 à 16, Laroque II, Laroque Hérault, niveau B (13100 ± 200 BP).
Fig. 5 - 1 à 7 : Le Bois des Brousses, Aniane, Hérault. - Niveau l A. - 8 à 16, Laroque II, Laroque Hérault, niveau B (13100 ± 200 BP).
Laroque II, Laroque Hérault : - 1, harpon à un rang de barbelures anguleuses, collection Gimon, Musée de Nîmes. - 2 à 16 : industrie lithique, Magdalénien supérieur, fouilles G.A.L. - 17 à 27 : Grotte du poteau, St. Laurent le Minier, Gard, Magdalénien terminal ou Epipaléolithique.
Fig. 6 - Laroque II, Laroque Hérault : - 1, harpon à un rang de barbelures anguleuses, collection Gimon, Musée de Nîmes. - 2 à 16 : industrie lithique, Magdalénien supérieur, fouilles G.A.L. - 17 à 27 : Grotte du poteau, St. Laurent le Minier, Gard, Magdalénien terminal ou Epipaléolithique.

Nous évoquerons, en premier, la puissance relative du peuplement magdalénien dans cette petite région et une certaine précocité relative par rapport aux vallées du Gardon et de l’Ardèche. Dans l’Hérault, le Magdalénien apparaît dès son stade moyen sous une forme relativement classique, et peut-être avant, alors que les autres vallées du Languedoc oriental sont occupées par des groupes industriels locaux comme le « Salpêtrien supérieur », vraisemblablement un Epigravettien sans rapports évident avec l’Épisolutréen Salpêtrien (Bazile et Boccaccio 2008) et des faciès originaux d’obédience sans doute magdalénienne (Fontgrasse et les Piles Loins). Des synchronismes assez précis seront sans doute réalisables à l’échelle de la région sur la base des datations absolues et des études sédimentologiques et paléobotaniques (Bazile-Robert 1980) : cela sera sans doute délicat avec les régions plus éloignées.

On peut s’attendre à des éléments nouveaux dans la paléogéographie du Magdalénien mais également dans les modalités de sa diffusion à partir, pour la région qui nous occupe, du sud-ouest de la France. Nous avons déjà envisagé une diffusion progressive ménageant des zones de contact avec les industries locales comme le Salpêtrien (BAZILE, 1980a). La voie littorale est la plus vraisemblable, des Pyrénées au bassin de l’Aude puis jusqu’au Languedoc oriental.

Les travaux récents (Fontgrasse, Les Piles Loins) soulignent la complexité des temps post solutréens dans la partie orientale du Languedoc (Bazile et Boccaccio 2007) ; à ce titre, la vallée de l’Hérault joue sans doute un rôle important pour la compréhension de la diffusion de Magdalénien dans la région du bas Rhône (Gard, Ardèche et au-delà, Provence. La grotte de Laroque, seule grotte ornée connue dans les gorges, était et reste sans doute encore un gisement essentiel. La reprise de fouilles dans la cavité se heurte cependant à une forte fréquentation touristique et des difficultés de protection elle demanderait en outre de très important travaux de terrassement.

L’hypothèse d’une autre voie de pénétration, par les vallées caussenardes et périphériques, Vis par exemple, est également à prendre en considération. On pressent surtout une voie pour l’acquisition de nouveaux territoires, les grands causses, en fait la « montagne méditerranéenne »…

En ce qui concerne les autres civilisations du Paléolithique supérieur, le fait le plus important est l’existence d’un Gravettien tardif, voire un Epigravettien (le Bois des Brousses, grotte des Camisards). Le caractère tardif de ce Gravettien reste à confirmer (datations AMS en cours). Mais là encore, on peut s’attendre à des données très importantes pour la compréhension du développement et de la diffusion des complexes industriels en Languedoc oriental, à la charnière de deux mondes. C’est la problématique principale d’un projet de recherche en cours, « Le bassin méditerranéen du Rhône : Un carrefour de traditions culturelles ».

La question du Solutréen reste irritante faute de données probantes ; on soulignera cependant ces rares occurrences d’un « Solutréen moyen » à véritables feuilles de laurier, le seul lien entre la Salpêtrière et les Pyrénées et, au-delà, l’Espagne.

Manifestement le bassin supérieur de l’Hérault souffre de certaines lacunes de la recherche ; les travaux, souvent anciens, se sont focalisés sur les grottes, relativement peu nombreuses en regard des vallées du Gardon et de l’Ardèche. De nouvelles recherches devront prendre en compte les abris sous roche, nombreux dans les gorges mais souvent masqués par les éboulis de pente. Assez curieusement, on notera une absence de site de plein air alors que le secteur à récemment fait l’objet de grands travaux, de type autoroutier en particulier (A 75). Il conviendra également de focaliser les recherches sur les grottes ornées la grotte de Laroque II (fig. 7) n’est sans doute pas isolée dans le canyon et mériterait de nouvelles investigations. Nous en voulons pour preuve les traits gravés, manifestement ancien (fossilisation par un voile de calcite) découvert par Michel Vidal dans un abri peu profond, en rive droite d l’Hérault sur la commune de St. Guillem-le-Désert, à proximité du Bois des Brousses. Les gravures sont très dégradées (desquamation du calcaire) et partiellement masquées par la calcite. L’ensemble est difficilement interprétable mais les traits rappellent fortement les gravures de Laroque II.

On doit voir dans cette découverte, certes encore ténue, un encouragement à de nouvelles prospections.

Laroque II, Laroque Hérault : panneau gravé, relevé M. Lorblanchet.
Fig. 7 - Laroque II, Laroque Hérault : panneau gravé, relevé M. Lorblanchet.

Notes

 1.  Cette étude sur le Paléolithique du bassin supérieur de l’Hérault s’inscrit, pour Saint-Guilhem-le-Désert, dans le cadre de publications systématiques concernant l’histoire de cette commune, sous l’impulsion de Jean-Claude Richard, Directeur de recherche honoraire au CNRS.

 2.  L’abri du Bois des Brousses a été découvert par Michel Vidal du Groupe Archéologique du Lodévois. Gaston-Bernard Amal, président du G.A.L., nous a signalé ce gisement.

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— Gimon E., 1905. – Une grotte magdalénienne à Laroque (Hérault). – Bull. Soc. Préhist. franc., 2 : 224-229, 1 fig.

— Lorblanchet M., 1967a. – Géographie préhistorique, proto-historique et gallo-romaine des Cévennes méridionales et de leurs abords. – D.E.S. de Géographie, Montpellier III, 194 p.

— Lorblanchet M., 1967b. – Découvertes de gravures pariétales paléolithiques dans la grotte de Laroque (Hérault). – Bull. Soc. Préhist. franc., 64(1) : 144-154, 8 fig.

— Philippe M. et Bazile F. (2000) – Dynamique interne et aspects technologiques d’une petite série lithique :le niveau 2b du Bois des Brousses (Hérault) Préhistoire, Anthropologie Méditerranéennes, 2000, Tome 9, p. 5-14 ,6 fig.,l tbl.

— Ravoux G. 1966. – La grotte magdalénienne de Laroque (Hérault), fouilles Gimon. – Bull. Soc. Préhist. franc., 63 (2) : 239-250,7 fig.

— Sacchi D., 1976. – Les civilisations du Paléolithique supérieur en Languedoc occidental (Bassin de l’Aude) et en Roussillon. – La Préhistoire Française, 1 (2) : 1174-1188, 8 fig., C.N.R.S., Paris.

— Sacchi D. (1986) – Le Paléolithique Supérieur du Languedoc occidental et du Roussillon. Gallia Préhistoire, XXIe supplément, p. 284, 204 fig, 36 tabl, 16 pl., C.N.R.S Paris.

Annexe I

La gravure rupestre dite du « Petit cheval » à Saint-Guilhem-le-Désert

A la fin des années 1970, nous avons entrepris dans le cadre de nos activités au Groupe Archéologique Lodévois (GAL), de mener une vaste campagne de prospection visant à répertorier les nombreux habitats préhistoriques en grotte, sous abri rocheux ou en plein air des monts de Saint- Guilhem-le-Désert et des communes voisines.

Cela nous a permis de compléter l’inventaire archéologique du secteur et de révéler la particulière ancienneté de quelques sites dont on ne faisait jusqu’alors que supposer l’existence.

Ce fut notamment le cas, avec la découverte d’habitats Moustériens dans la vallée de La Buèges et celle de la station du Paléolithique supérieur du Bois des Brousses à l’entrée des gorges de l’Hérault.

La zone comprise entre le Pont du Diable et les moulins de Planchameil, attira très tôt notre attention, puisqu’elle est un lieu de transition entre plaine et monts garrigues et que la profonde saignée du fleuve à travers les petits causses fut naturellement une voie de pénétration de la mer vers la montagne. A cet endroit donc, les berges du fleuve et le tombant des reliefs furent assidûment prospectés.

La découverte de la station du Bois des Brousses, l’exis-tence plus en amont de celle du Frouzet, les figurations gra-vées de Laroque comme plusieurs témoignages mentionnant une petite grotte ornée dans le secteur des gorges nous firent inspecter les parois des cavernes et auvents rocheux de façon plus attentionnée

En rive droite du fleuve, non loin de la Grotte de Clamouse, le regard sur des habitats protohistoriques, reconnus quelques années auparavant par le GAL, nous permit alors de découvrir la gravure rupestre dite du « Petit cheval ».

L’extrême vulnérabilité de cette œuvre nous impose de ne pas communiquer sa situation précise.1

La paroi :

Il est probable que l’abri du petit cheval se prolonge bien au-delà de ce que nous pouvons en observer aujourd’hui et que les éboulis de bas de pentes obstruent le reste de cet auvent ou l’entrée d’une cavité plus conséquente.

La paroi de l’abri sous roche où se trouve la dite gravure s’avère stérile de toute autre ornementation. Seul un point bien précis a été le cadre d’un petit travail de gravure. Il est situé sur une rupture d’angle, le long d’une petite coulée de calcite.

Au premier coup d’œil, il apparaît nettement, que sur une surface de 0,40 m de hauteur et une largeur de 0,35 m, la zone a été apprêtée par polissage (peut-être à l’aide d’un galet du fleuve Hérault) afin de recevoir un motif gravé d’environ 0 m, 25 sur 0 m, 20.

Section A -E. Entre A et B -A gauche. La tête de l'animal est délimitée par des traits légers, en grande partie effacés et au-dessus desquels apparaît ce qui semble être la représentation de cornes ou d'oreilles (?). Au centre un petit défaut de la roche sans doute réalésé figurerait lui le globe oculaire de l'animal. © Cliché : M. Vidal, 2005.
Fig. 1 Annexe - Section A -E. Entre A et B -A gauche. La tête de l'animal est délimitée par des traits légers, en grande partie effacés et au-dessus desquels apparaît ce qui semble être la représentation de cornes ou d'oreilles (?). Au centre un petit défaut de la roche sans doute réalésé figurerait lui le globe oculaire de l'animal. © Cliché : M. Vidal, 2005.
Section B - C. Entre B et C - Au centre du motif sont d'autres traits de factures peut-être plus récentes bien que plus diffus. Représentation stellaire ou figuration multiple d'armes de jais et de blessures infligées au flanc de l'animal ? Traces d'une dégradation volontaire ancienne ou plus récente causée a la gravure ? © cliché : M. Vidal, 2005.
Fig. 2 Annexe - Section B - C. Entre B et C - Au centre du motif sont d'autres traits de factures peut-être plus récentes bien que plus diffus. Représentation stellaire ou figuration multiple d'armes de jais et de blessures infligées au flanc de l'animal ? Traces d'une dégradation volontaire ancienne ou plus récente causée a la gravure ? © cliché : M. Vidal, 2005.

La gravure :

Au regard des incisions, il apparaît au moins deux tracés différents :

— Le tracé de la gravure proprement dite (peut-être faite elle-même en deux périodes). Ces traits ont été pratiqués par la pointe d’un outil fin et particulièrement aigu.

— Un tracé plus diffus s’organisant en rainures parallèles, droites ou courbées résultat probable de l’abrasion du support de calcite par un polissoir minéral plus dur afin de préparer la surface à graver.

Il ne fait aucun doute que l’ensemble du tracé est très ancien. L’érosion de la roche, comme les fins dépôts de calcite accumulés postérieurement sur la coulée support a fait disparaître une partie de la figuration. Les traits s’imbriquent les uns dans les autres, en lignes souvent discontinues, pouvant porter à confusion et dérouter toute analyse du sujet. Si ces traits occupent l’intégralité de la zone apprêtée, nous pouvons également en observer au dessus comme au dessous de la figure centrale. Ce qui donne à penser que d’autres motifs aujourd’hui disparus ont pu exister, ou que la gravure actuelle s’étendait au-delà de ce que l’on peut voir à présent.

Nos relevés n’ont pris en compte que les incisions sûres du motif central. D’autres, moins évidentes, plus sujettes à caution car ne pouvant être que de fines aspérités naturelles ou des accidents occasionnés antérieurement à l’œuvre ne sont pas relevés, car ils nous dirigent vers des interprétations aussi aléatoires que subjectives.

Section D - Au dessus à gauche comme à droite du motif central apparaissent des éléments peut-être tectiforrnes. © Cliché : M. Vidal, 2005.
Fig. 3 Annexe - Section D - Au dessus à gauche comme à droite du motif central apparaissent des éléments peut-être tectiforrnes. © Cliché : M. Vidal, 2005.
Section E. Pourrait désigner le train avant de l'animal. Le sabot d'une des pattes avant étant nettement figuré. © cliché : M. Vidal, 2005.
Fig. 4 Annexe - Section E. Pourrait désigner le train avant de l'animal. Le sabot d'une des pattes avant étant nettement figuré. © cliché : M. Vidal, 2005.

Une première interprétation pourrait démontrer comme nous le pensions depuis longtemps, la figuration d’un grand animal (équidé ou bovidé). D’où le nom que nous lui avons donné au moment de sa découverte.

Les grosses aspérités naturelles du support (entre A et C) ont pu également jouer un rôle figuratif, soulignant l’encolure ou la crinière retombante de l’animal.

Il est possible que deux gravures soit ici superposées.

Il reste donc bien hasardeux de donner une orientation chronologique à cette œuvre, l’occupation du site au Bronze récent puis à la période du Fer a pu être à l’origine d’une telle réalisation. Toutefois la proximité de la station du Bois des Brousses et la présence au paléolithique supérieur d’autres foyers en amont du fleuve, une certaine similitude entre les traits de cette gravure et celle de Laroque laissent entrevoir une facture bien plus ancienne.

Le « petit cheval » de Saint-Guilhem-le-Désert mériterait une étude plus poussée car il offrirait peut-être une nouvelle approche des influences culturelles qui ont pu transiter par notre région.

Michel VIDAL

Plusieurs préhistoriens ont fait le déplacement à « l’abri du petit cheval » et nous tenons à les remercier. En premier lieu Gaston Bernard Arnal avec qui nous avons toujours étroitement travaillé. Celui-ci fit part de la découverte à Michel Lorblanchet, l’inventeur de la gravure rupestre de Laroque. En 1982 celui-ci constata l’ancienneté du trait sans pouvoir toutefois avancer une date précise. Il observa toutefois une similitude de trait avec la gravure de Laroque. Michel Lorblanchet revint une nouvelle fois sur les lieux en 2008 à la demande de Jean Claude Richard. S’il souligna l’intérêt du site il n’apporta d’autre commentaire que ceux fait lors de sa précédente visite.

Section F. Vue schématique des tracés principaux. © Cliché : M. Vidal, 2005.
Fig. 5 Annexe - Section F. Vue schématique des tracés principaux. © Cliché : M. Vidal, 2005.

Dominique Sacchi vint également faire une brève visite à la demande de G.B Arnal en 1987 mais ne reconnut lui rien de paléolithique. A son avis, les traits pourraient s’organiser en une forme stellaire. La figuration d’un pentacle pourrait être envisagé ce qui rapprocherait ce motif avec l’art schématique linéaire comme celui de la « grotte aux oiseaux » à Pardailhan et à la « Peyro escrit » à Olargues.

Enfin Frédéric Bazille qui fouilla à l’abri voisin du Bois des Brousses, vint également à la demande de Jean Claude Richard observer la gravure du « Petit cheval » en 2009. Son analyse fut conforme à celle de Michel Lorblanchet puisqu’il reconnut lui aussi une certaine analogie entre les traits figurant sur la paroi de ce site et ceux de Laroque sans toutefois en tirer de conclusions.

Annexe 2

L’entrée des Gorges que l’Hérault a profondément creusées, au contact de la plaine du cœur d’Hérault est, une zone qui a livré de nombreux témoignages d’une occupation humaine ancienne.

L’étude précédente donne les résultats des recherches pour le Paléolithique Supérieur, mais jusqu’au Haut Moyen Age des vestiges ont été reconnus.

Sur la rive droite de l’Hérault, la sortie d’eau de la grotte de Clamouse a donné des vestiges d’époques différentes Néolithique moyen et final, Bronze ancien, moyen et final et Hallstatt ancien De plus, lors des travaux du chemin d’accès aux visiteurs, des vestiges dispersés de l’Age du Fer ont été rencontrés sans qu’une fouille ait pu être réalisée.1

Sur la rive gauche de l’Hérault, au début des années 60, au nord de la bergerie communale, une station a été reconnue et a fait l’objet d’une fouille rapide qui a établi la présence d’un groupe humain à la fin de l’âge du Bronze et durant le Premier Âge du Fer. Des occupations postérieures ont été observées sous la forme de tessons qui pouvaient aussi bien provenir du massif dominant. 2

La présence d’une voie qui, sur la rive gauche permet, comme sur la rive droite, de s’enfoncer dans les gorges, a été reconnue depuis longtemps même si le Canal de Gignac, construit à la fin du 19ème siècle, en a occupé l’assise. L’existence à quelques centaines de mètres, entre la voie et l’Hérault, de la chapelle de Saint Hilaire de Montcalmès 3, attestée dès le 9ème siècle, avait posé la question du positionnement du castrum qui figure dans les actes anciens de l’abbaye d’Aniane « sous » lequel se trouvaient l’abbaye et cette chapelle. Une avancée s’est produite au début des années 90 lorsqu’ a été reconnue une salle, qualifiée au 17e siècle, de « salle de Charlemagne » qui se trouvait à mi-distance entre la chapelle et l’entrée des gorges sur une large terrasse. L’exploration archéologique par des sondages a permis de préciser la datation de cet édifice sous lequel quelques vestiges du Bronze Final III ont été aussi reconnus. Ce sont les 5e et 6e siècles que les archéologues ont proposé pour la construction et un premier usage du bâtiment avant une réutilisation, comme bergerie, aux 17e et 18e siècles. 4 De plus la localisation du castrum de Montcalmès a connu des solutions diverses : en dernier lieu, L. Schneider a proposé de le placer sur le premier massif qui se présente sur la rive gauche en se fondant essentiellement sur des céramiques sans que, à ce jour, des vestiges architecturaux aient pu être reconnus. 5 Enfin, sur la rive droite, l’ensemble des moulins de Clamouse mériterait une étude détaillée et que soit précisée leur datation 6 comme celle des moulins dits de Vissec en aval.

Compte tenu de la richesse de cette zone, il serait bienvenu de pouvoir en reprendre les fouilles sur un certain nombre de points afin d’élucider la chronologie générale et les relations entre eux.

Il ne faut pas oublier qu’à ce même endroit, les rives gauche et droite du fleuve sont les plus rapprochées et facilitent donc la réalisation d’un pont. A ce jour, il n’y a pas de preuves sur l’existence d’un pont romain ou préromain, en maçonnerie le seul, bien connu, est celui qui a été bâti à partir des années 1028-1029, dates d’un contrat à cet effet conclu entre les abbayes bénédictines d’Aniane et de Gellone-Saint-Guilhem-le-Désert. Cet édifice, caractéristique de l’art roman du 11ème siècle, a été doublé, sur la face Nord, pour le conforter contre les inondations qui, en certain cas, atteignent son tablier. Il a été classé au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO en 1998 au titre des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Jean-Claude RICHARD RALITE

Notes

 1.  Groupe Archéologique Lodévois, La grotte de Clamouse (commune de St. Jean-de-Fos, Hérault), Cahiers Ligures de Préhistoire et d’Archéologie, 6, 1957, p 174-184 G.-B.Arnal, L’archéologie de la grotte de Clamouse, Clamouse, cinquante ans de recherches, Saint-Jean-de-Fos, 1997, p. 14-20.

 2.  J. Boudou, J. Arnal, A. Soutou, La céramique incisée à méandres symétriques du Pont du Diable (Aniane, Hérault), Gallia, 19, 1961, p. 201-218. B. Dedet, directeur de recherche au CNRS, nous précise que la céramique incisée est exactement du Bronze Final III A.

 3.  Au début des années 60, Michel Chalon et J.-Cl. Richard ont réalisé, à l’intérieur de la chapelle un dégagement qui a permis de mettre au jour les murs Nord, Ouest, Sud, avec la porte. Vers l’Est la présence des remblais du Canal de Gignac a empêché de dégager le chœur de cet édifice de petites dimensions dont on sait, par l’abbé L. Cassan, que son chevet était droit et qu’un certain nombre de tombes avaient été détruites lors de la construction du Canal. Cet édifice s’inscrit dans une longue série de petits édifices comparables qui doivent se situer entre la fin de l’Antiquité et le premier Moyen Age avec des possibilités de voir ce même type se poursuivre.

 4.  L. Schneider et G. Durand, Le bâtiment du Bois des Brousses à Aniane, Bilan Scientifique Régional, DRAC/SRA Montpellier, Montpellier, l 993,p. 96-97.

 5.  L. Schneider, Sites sacrés, sites profanes, recherches récentes sur le paysage bâti des périphéries monastiques d’Aniane et de Gellone à la fin de l’Antiquité et dans le Haut Moyen Age (Ve-XIe s.), Saint-Guilhem-le-Désert dans l’Europe du Moyen Age, Table ronde août 1998, Montpellier, 2000, p. 47-64, ici, p. 52-64 avec p. 55, figure 5 une carte des lieux.

 6.  J.-CI. Richard et P. David, Les moulins et la seigneurie de Clamouse, Clamouse, cinquante ans de recherches, Saint-Jean-de-Fos, 1997, p. 21-28.