Le « Grand Béziers » (1961-1984) : une épopée sportive

Doctorant en Histoire contemporaine

[ Texte intégral ]

Le sport a toujours occupé une grande place dans l’Hérault, à tel point que la ville de Montpellier a même été élue plusieurs fois, « ville la plus sportive de France 1 » grâce à ses 8 clubs évoluant au plus haut niveau national et à une importante dynamique universitaire. L’Hérault a obtenu de nombreux titres nationaux et internationaux dans de nombreuses disciplines. Mais deux clubs se détachent largement des autres par leur rayonnement international : le club de handball de Montpellier avec ses deux titres européens et ses quatorze titres de champion de France et le club de rugby biterrois. La fameuse épopée du « Grand Béziers » est l’objet d’étude de cet article.

La saga biterroise

Dans les années 1970-1980, le club de rugby biterrois est considéré par de nombreux de spécialistes comme la meilleure équipe de club du monde. De 1971 à 1984, le club a été sacré dix fois champion de France 2, a glané trois challenges « Yves du Manoir » 3 et d’autres trophées dont une coupe d’Europe. Durant ces treize années, le club biterrois a « écrasé » la concurrence mais, à son apogée, il était quasiment invincible, c’était même son surnom. Durant la période 1971-1978, le club a joué 94,08 % de matchs sans défaite, avec un score moyen de 30 à 7, a formé 17 internationaux. Il est resté invaincu durant quatre 4 saisons, et cette domination a été encore plus forte à domicile puisqu’elle s’est étalée sur 11 ans et 9 mois ! À cette époque pour de nombreux spécialistes 5, l’ASB 6 était plus forte que l’équipe de France et ce n’est pas le match amical de l’été 1971 qui va contredire cette opinion. En effet, l’équipe de Béziers a écrasé l’équipe de France 50 à 14 7… Béziers était donc invincible et a « contribué » au plus grand exploit du quinze de France. En 1977, l’équipe de France réussit le « Grand Chelem » lors du tournoi des cinq nations, avec les 15 mêmes joueurs sans encaisser un seul essai. Ceci en adoptant la manière de jouer de Béziers sous l’égide Richard Astre à partir de la tournée de 1975 en Afrique du Sud. Le modèle de jeu de Béziers a été adopté par l’équipe de France, mais également d’autres équipes internationales 8… La BBC est même venue « enquêter » sur « the Béziers Phénomène ». L’ancien numéro 9 de l’équipe d’Angleterre, alors commentateur, avait alors conseillé aux Anglais de s’inspirer de cette manière de jouer. Dans les années 1970-1980, on pouvait adapter la fameuse phrase de Gary Liniker en disant : « Le rugby a été créé en Angleterre, mais à la fin c’est toujours Béziers qui gagne ! » 9

Cette introduction pourrait s’apparenter à une l’hagiographie tellement cela a l’air « un peu trop gros pour être vrai ». Comment une équipe de rugby de ville moyenne plongée dans la crise avec la crise viticole des années 1950 a-t-elle pu s’épanouir dans un contexte défavorable pour devenir une référence sportive internationale ? D’habitude ce genre d’exploit sportif s’inscrit plus dans les grandes métropoles comme les Yankees de New York ou le Real à Madrid…

Comment ce club de Béziers a-t-il construit sa domination ? C’est loin d’être, comme vous vous en doutez, le fruit du hasard mais bien celui d’un travail de recherche et d’innovation.

1961, La première équipe biterroise championne de France
Fig. 1 - 1961, La première équipe biterroise championne de France.
Debout de gauche à droite : R. Barthez, le président Lautrec, E. Bolzan, R. Barrière, F. Mas, J. Arnal, F. Rondi, L. Angeli, J. Salas, A. Gayraud, Le soigneur B. Vidal, A. Bousquet.
Devant de gauche à droite : Docteur Boulet, R. Spagnolo, J. Frantagelle, R. Bousquet, P. Danos, P. Dedieu, R. Raynal, L. Rogé, Georges Mas.
(Collection personnelle du club)

La conception novatrice d’un style de jeu

Tout commence en 1955 avec l’arrivée de Raymond Barthes en tant qu’entraineur 10. Il a apporté de la rigueur et de la discipline dans les séances d’entrainement et au cours du jeu. C’était un grand pédagogue qui avait la faculté d’allier autorité naturelle et sens de l’écoute, tout en responsabilisant ses joueurs dans le but de développer une meilleure cohésion de l’équipe. Une fois les bases techniques acquises, les joueurs ont expérimenté un nouveau système de jeu qui a rapidement donné les résultats cités plus haut dans ce texte. Pierre Danos, illustre capitaine de l’ASB de cette époque, en explique le principe :

« Raymond Barthes est partisan d’un rugby de mouvement. Entendons bien, rugby de mouvement ne voulant pas dire, rugby des lignes arrières ; nous pensons qu’étant possesseurs de la balle, il nous appartient de la faire circuler : soit devant, soit derrière, de façon à provoquer le trou, le surnombre des attaquants, soit à grouper le maximum de défenseurs dans un point déterminé du terrain, pour alerter alors nos lignes arrières.

Gagner le maximum de balles, ne donner immédiatement que de bonnes balles, travailler les autres pour les rendre utilisables ou pour mettre en position d’attaque favorable, soit dans les lignes arrières, soit la troisième ligne. Nous obéissions ainsi à deux règles :

  1. Essayer de grouper le maximum de joueurs adverses dans une action de jeu, pour pouvoir lancer une véritable attaque ;
  2. Utiliser au maximum la contre-attaque qui n’est dans le fond qu’une mise en application spontanée et fortuite du principe de base précédent ». 11.

Il faut dire que Raymond Barthes était plus qu’un entraîneur. C’était un véritable chercheur, à l’affut de toute innovation stratégique. À ce propos, « Raymond la science », de son surnom, avait inventé deux principes :

  1. Le Dribbling : désaxement de mêlée avec un enchaînement de jeu au pied pour les 3ème lignes.
  2. Le demi-tour contact : ce dernier principe fut adopté par Lucien Mias avec l’équipe de France lors de la tournée de 1958.

Barthez a donc construit les bases du futur « Grand Béziers » qui seront parachevées par un de ses anciens joueurs, Raoul Barrière, alias « le sorcier de Sauclières ». Ce surnom pour autant ne retranscrit pas fidèlement la réalité car il indique un côté mystique, et met en avant une domination inexplicable alors que l’outrageuse domination biterroise s’explique tout à fait rationnellement. C’est pour cela qu’il serait plus convenable de remplacer le vocable « sorcier » par celui de « professeur ». Premièrement parce que c’est son métier, Raoul Barrière était « Professeur adjoint d’EPS » et deuxièmement par la méthode qu’il a mise en place à Béziers 12. Dans un premier temps, l’élève Barrière s’est inspiré de ce qui se faisait de mieux dans le rugby de l’époque, notamment par Lucien Mias 13. Au cours de la fameuse tournée en Afrique du Sud en 1958, il apprit beaucoup de l’équipe de France qui a été la première à avoir battu les Springboks à domicile depuis 1896. Résultat obtenu grâce à une domination en mêlée, qui était le point fort de l’adversaire, mais aussi en adoptant des principes du jeu Sud-Africain basé sur la rudesse, la force physique et le jeu d’avant. Pragmatique, Barrière s’est inspiré de ce qui se faisait de mieux dans le monde du rugby. C’est-à-dire le jeu des All Blacks et des Gallois, très éloigné du jeu à la française et son fameux panache ou « french flair ». À ce propos, quand la doxa rugbystique française lui reprochait ce choix, l’éducateur répondait : « Le panache… Qu’est-ce que c’est le panache ? Si c’est vaincre dans les règles alors nous avons du panache. Si ce n’est pas cela, il faut des règles de telle sorte qu’il soit obligatoire. Alors-là nous nous imposerons avec panache » 14.

Nous pouvons ajouter que Raoul Barrière s’est appuyé également sur les théoriciens du rugby Julien Saby et surtout Pierre Conquet, avec lequel il discutait régulièrement. Ces échanges aboutissent à la publication en 1978 du livre « Les fondamentaux du rugby », véritable bible du rugby, pour ceux qui le définissent comme un sport de combat collectif. Pour beaucoup de spécialistes, la théorisation de Pierre Conquet et la mise en application de l’A.S.B. sont les deux faces d’une même pièce.

Midi Olympique du 29 Mai 1978
Fig. 2 - Midi Olympique du 29 Mai 1978

Raoul Barrière, digne successeur de Raymond Barthès

C’est 1964 que Raoul Barrière met le pied à l’étrier en devenant l’entraîneur de l’équipe juniors. Il expérimente donc la fonction de « coach » et forme, en même temps, le groupe « parfait » qui deviendra champion en 1968 et dont neuf membres seront des joueurs internationaux séniors. Suite à ce succès, il est sollicité pour s’occuper de l’équipe première. L’organisation gagnante du « Grand Béziers » est complétée par la présence d’un président de club remarquable, Jojo Mas. Cet entrepreneur biterrois aux « reins solides », humainement proche des joueurs, a eu le génie de laisser les pleins pouvoirs à Raoul Barrière. Tout en intervenant pour rapatrier trois futurs « cracks » internationaux : Richard Astre, Jack Cantoni et Alain Estève. Ainsi, un grand président et un grand entraîneur avec Raoul Barrière. Didier Baume décrit ce dernier ainsi : « L’homme possède la foudre et s’en sert. Ce Jupiter moderne du royaume de l’ovalie s’appelle Raoul Barrière. Un profil tout en bosses, l’archétype de l’ancien pilier, taillé dans un bloc de granit, mais un regard très clair, très droit, la parole aisée, franche, l’esprit toujours en éveil, sans cesse à l’affût du neuf. Un personnage modeste qui ne se met pas en avant, mais dont le rôle et l’influence sont filigrane sur le fanion du club. Un pédagogue avisé et un gendarme obéi, un technicien têtu » 15. Il ne manquait plus qu’une personne pour compléter le triumvirat de l’A.S.B… le capitaine ! Ce dernier avait à l’époque une importance encore plus capitale. En effet, l’entraîneur était dans les tribunes et à la mi-temps les joueurs restaient sur le terrain. L’entraîneur était beaucoup moins interventionniste qu’aujourd’hui (dans le sens où il ne pouvait ni expliquer, ni rectifier, ni motiver ses troupes). Raoul Barrière devait donc trouver un capitaine qui serait son relais sur le terrain. Plusieurs joueurs de l’époque avaient cette capacité mais le choix s’est arrêté sur Richard Astre 16. Celui-ci, « qui a toujours été capitaine depuis l’enfance » 17/18 avait une autorité naturelle, non pas l’autorité d’un capitaine « fort en gueule » mais une autorité fine, intelligente, ouverte au dialogue, décuplée par le fait qu’il était un leader de jeu incontestable. De plus « Le Roi Richard » avait d’autres qualités, en plus d’avoir une vie rangée sans excès, il discutait avec Raoul Barrière et était initié à la recherche. Très rapidement, il proposa de nouvelles réflexions et prit des initiatives avec l’aval de Raoul Barrière et des autres joueurs. En effet, à l’A.S.B, tout se décidait par la concertation.

Cette concertation est un élément central de la méthode biterroise. En effet, en 1968, le club n’échappa pas au refus d’une société autoritariste et une grève sera même décrétée au sein du club. Raoul Barrière retourna la situation en créant un nouveau modèle relationnel. Mais, il se souvient encore de moments difficiles : « J’étais sans doute plus émotif qu’aujourd’hui. Si bien que, de son ton tranquille, il m’a été dit quelquefois dans le vestiaire : « Allez tu sors, Raoul. Laisse-nous. Cette équipe de jeunes devait donc se débrouiller sur le terrain, seule. Alors, il valait mieux qu’elle fasse ses comptes, ses prévisions, juste avant le match. Puis, il y avait une continuité sur le terrain. Tout en sachant que depuis le banc de touche, je pouvais encore les aider… Nous étions en pleine contestation sociale. Il était normal que, pôle du groupe, je leur lâche un peu la bride. Ce fut toujours ma règle : laisser les gars s’exprimer, même s’ils disent des âneries. En s’exprimant, ils s’intègrent ». 19

Une démocratie sportive

Raoul Barrière laissait ses troupes s’exprimer mais, il alla encore plus loin, en inventant« la démocratie biterroise » qui permettait à l’entraîneur et aux joueurs de se concerter et décider de tout ce qui concerne l’équipe, même si cette démocratie était habilement contrôlée. Par exemple en 1969, à sa prise de fonction de l’équipe première, le choix du capitanat devant être votée, et souhaitant désigner Richard Astre, il demanda à chaque joueur de composer l‘équipe titulaire. Il savait que Richard Astre, en raison de ses qualités de joueur, serait choisi par l’ensemble de l’équipe, puis expliquant les critères de choix du capitanat dans la stratégie du jeu, cela permettait de désigner celui qu’il avait déjà choisi. Toutes les décisions étaient prises par le vote à bulletin secret. L’équipe votait à chaque match pour la composition d’équipe mais aussi pour toutes décisions importantes. Ce concept fut une vraie force puisque les joueurs sont passés de leur rôle classique de simples exécutants à une place de décisionnaires. Ce dépassement de fonction les valorisait, les responsabilisait, leur donnait un amour sincère pour le club et les amenait à participer d’eux-mêmes à des commissions de réflexions afin de faire progresser sans cesse le club dans tous les domaines.

À ce propos, Richard Astre disait ceci : « Qui introduit la concertation entre l’entraîneur et les joueurs ? l’AS Béziers. Qui systématise les recherches pour rationaliser l’entraînement ? l’AS Béziers. Qui fait entrer tous les joueurs qui le désirent dans tous les rouages du club ? Béziers encore. Tout a commencé par la remise en question d’une notion acceptée par presque tout le rugby français : que le club tient à une personnalité, une seule, en général un mécène, tout au moins un homme qui assume beaucoup de responsabilités et conditionne la vie du groupe à cent pour cent, ou presque. Contrairement à ce qu’on croit, tous nos dirigeants ont su favoriser le partage des responsabilités. Nous avons toujours bénéficié d’une liberté totale sur le plan technique. Le club a su évoluer progressivement vers une diversification sans cesse accrue des responsabilités. Il a ainsi progressé, hors du terrain, au même train que l’équipe sur le terrain. La création de nombreuses commissions, l’intéressement de tous, jeunes, joueurs ou dirigeants, à leur fonctionnement n’étaient en effet que la réplique au plan de la gestion des tâches et des idées entre tous. On me demande souvent d’où vient le pouvoir à Béziers. Je réponds : Il n’y a pas de pouvoir. Il y a une connaissance du rugby que les autres n’ont pas au même degré ». 20

Une fois l’organisation posée, Barrière s’est consacré au contenu technique et tactique en innovant sur la question du jeu. Nombreux sont ceux qui pensent que le jeu de l’A.S B. est né en même temps que l’équipe junior championne en 1968, mais cela n’est pas tout à fait exact. En effet, si les principes de Raymond Barthes et Lucien Mias avaient déjà été intégrés, le style biterrois est né un peu après. En effet, lors des deux premières saisons en première division, la jeune équipe biterroise a découvert le haut niveau et devant les difficultés rencontrées, « […] les joueurs ont ressenti le souci commun de réfléchir sur leurs succès et leurs revers » 21. Raoul Barrière a ensuite encouragé cette volonté en organisant des séances d’autocritique qui permettaient d’améliorer et de créer petit à petit son propre jeu. En effet, lors du premier entrainement de la semaine, ¾ d’heure étaient consacrés à l’analyse de la rencontre précédente et chaque joueur faisait son autocritique, ainsi que celle de ses partenaires. Même si quelquefois l’échange était vif, le groupe ressortait toujours soudé après cet exercice. Cela permettait à chaque joueur de mieux connaître les représentations de ses partenaires, leur envie de gagner et plus précisément leur envie de gagner collectivement. Ces séances de réflexion et de partage débouchaient sur des pratiques d’entrainement individuels et collectifs pour conforter l’esprit du jeu ainsi défini.

La construction d’un style de jeu

Il est judicieux de parler du contexte de l’époque et du changement de règles qui a bouleversé la pratique rugbystique. Avant les années 70, lors des mêlées, on pouvait taper directement en touche en dehors de ses vingt-deux mètres et répéter cette opération pour gagner petit à petit du terrain. Une nouvelle règle vient abroger l’ancienne et change la manière d’appréhender le rugby qui se transforme en « un jeu de passes » d’une autre dimension. En France, l’adaptation à cette règle se réalisa ainsi : les avants devaient gagner le ballon et les trois-quarts devaient aller marquer eu usant d’un jeu de passes. Il y avait donc deux types de joueurs dans la même équipe : les attaquants et les défenseurs. Raoul Barrière a réfléchi et a renversé ce paradigme rugbystique en décidant que les avants seraient les premiers attaquants et les trois quarts seraient, comme le reste de l’équipe, des conservateurs qui attaqueraient dans un second temps. Le but étant de surprendre les équipes qui utilisaient le système traditionnel par un jeu atypique, mais aussi faire des deux lignes une seule équipe, ce qui appelait une meilleure cohérence 22. Ces dernières lignes expliquent la conception globale du jeu biterrois qui se marie étroitement à des principes de jeu que nous pouvons résumer comme ceci :

« Le rugby biterrois est un sport de combat collectif 23 dont le but est de franchir le plus rapidement la ligne d’avantage 24 en utilisant la verticalité puis l’horizontalité 25 afin de scorer. Pour arriver à cet objectif, les biterrois attaquaient sans cesse et occupaient le terrain de l’adversaire 26 en possédant le ballon 27 grâce à un soutien permanent 28 et en l’attaquant sur ses points faibles 29/30/31 ».

En dehors de la stratégie globale de l’A.S.B que nous avons explicitée, il est intéressant de citer quelques innovations tactiques qui ont permis à cette conception du jeu de se magnifier. En effet la stratégie atypique de l’A.S.B. déstabilisait déjà l’adversaire mais quand elle était agrémentée d’inventions tactiques, le jeu de Béziers devenait illisible pour les adversaires.

Quelles stratégies et tactiques novatrices ?

Nous avons choisi 3 cas pour les illustrer :

Le renvoi en 4/4

Traditionnellement les équipes, lors du renvoi aux 50 m ou aux 22 m, se disposaient de la manière suivante : les équipes se positionnaient en mettant tous leurs avants d’un côté et tous les arrières de l’autre, ça donnait ceci.

L’A.S.B. avaient choisi de se positionner en 4/4 c’est-à-dire quatre avants de chaque côté. Cette nouvelle disposition permettait de surprendre les adversaires surtout quand les biterrois alternaient avec le positionnement traditionnel. Aujourd’hui le monde du rugby s’est aligné selon le schéma créé par Béziers.

ASB : Positionnement traditionnel
Fig. 3 - ASB : Positionnement traditionnel
ASB : Positionnement en 4/4
Fig. 4 - ASB : Positionnement en 4/4

Les commandements du basketteur :

Lors d’un match au Parc des Princes 32 Richard Astre 33 avait remarqué qu’on n’entendait presque rien dans le brouhaha des tribunes. Il eut l’idée de copier les leaders 34 au Basket qui commandaient avec les doigts. Il en parla avec Raoul Barrière, qui fut réticent dans un premier temps, par peur d’une mauvaise communication entre son capitaine et les autres joueurs, mais il finit par céder. Cette technique eut l’avantage de perturber les adversaires qui l’observaient en créant un retard de leur réaction. Mais cette nouveauté apportait bien plus que cela.

Lors d’un match de l’année 1974 qui opposait Béziers à Narbonne, cette innovation eut un impact direct sur la rencontre. Il reste une minute avant la fin et Narbonne mène 14 à 13, touche pour Narbonne, cela s’annonce donc très mal car depuis le début du match, Béziers a été dominé dans ce secteur de jeu a fortiori dans les touches à trois. Richard Astre qui se sait très observé, tente un dernier coup de poker. Il va en touche pour commander l’alignement 35 comme si la touche était pour Béziers et demande une touche à cinq en montrant ces cinq doigts pour commander la phase de jeu. Les joueurs narbonnais, tellement habitués à l’observer, viennent instinctivement à cinq et quand le lanceur narbonnais arrive pour commander la touche, il est trop tard car une règle interdit de sortir de l’alignement. La suite, beaucoup la connaissent, le ballon est gagné par Michel Palmié qui le dévie à Richard Astre qui offre un drop assassin à Henri Cabrol pour gagner le match sur le gong ! Ce derby languedocien était de plus la finale du championnat de France de 1974 ! Certains diront que Béziers a gagné sur un coup de vice de son capitaine mais c’est bien plus subtil que cela. En effet, avant le match, Richard Astre avait longuement réfléchi à une des clefs du match, la touche. Il savait que Narbonne avait dans ses rangs un des plus grands spécialistes de l’exercice en la personne de Claude Spanghero et que ce secteur serait donc probablement en faveur des narbonnais. Sachant que Béziers était la seule équipe du championnat à posséder cinq « grands », il demanda à Raoul Barrière de titulariser Michel Palmié pour perturber Narbonne sur des touches à cinq, quitte à excentrer Alain Estève dans un poste qui n’est pas le sien. Dans un premier temps, Raoul Barrière n’était pas très en phase avec l’idée de son capitaine mais il finit par accepter avec la confiance qu’il lui accordait 36/37. Quand la tactique et la concertation sont au service de la stratégie, celle-ci devient redoutable…

Les mêlées à trois

C’est encore une innovation biterroise de l’époque. Elle consistait à former des mêlées à trois au lieu de huit lorsque l’introduction était biterroise. À l’époque les mêlées se formaient directement avec la possibilité de talonner rapidement. La forte domination de la mêlée biterroise ainsi que le désir de trouver toujours de nouvelles adaptations rugbystiques ont amené cette innovation. En plus d’avoir l’avantage de dérouter complètement l’équipe adverse, elle permettait d’avoir cinq joueurs de plus disponibles dans le lancement de la situation de jeu qui suivait. Cet exemple est intéressant, mais les biterrois ne l’ont pas utilisé longtemps. Il témoigne cependant d’une interprétation pertinente du règlement de jeu par l’équipe biterroise et de sa recherche de toutes les évolutions comportementales possibles.

ASB : Saison 1976/1977
Fig. 5 - ASB : Saison 1976/1977.
Debout : R. Fabre (Vice-Pdt), E. Caruso (Pdt), H. Mioch, F. Lugans, C. Pesteil, A. Paco, J.-L. Martin, A. Vaquerin,
R. Barrière, J.-L.Meiser, O. Saisset, G. Sénal, M. Palmié, A. Estève, J. Gualano (dir).
Accroupis : C. Casatmitjana, M. Fabre, J.-L. Rivallo, J. Cantoni, H. Cabrol, R. Astre, J.-P. Pesteil, Séguier.
(Collection personnelle du club)

Organisation de l’entraînement de l’ASB

À l’époque, le rugby accusait, dans son ensemble, un retard significatif dans la préparation des joueurs au regard des pratiques observées dans d’autres sports collectifs, en particulier dans le domaine de la répétition des entrainements À Béziers, l’entraînement était divisé en deux, puis trois séances par semaine, jusqu’à quatre séances au cours des phases finales. Cette fréquence était inédite à une époque où les clubs se contentaient souvent d’un seul entraînement par semaine. C’est une des raisons pour lesquelles, certains commentateurs ont considéré que c’était un club professionnel avant l’heure 38/39. Mais on comprend mieux, aujourd’hui, que cela a exigé une difficile négociation avec leurs employeurs pour favoriser la disponibilité des joueurs 40.

Ces trois entraînements se déroulaient comme ci-après :

Le premier entraînement était programmé le lundi, c’est à dire le lendemain de la rencontre 41. C’était une séance de récupération d’environ une heure trente. Au programme de ce décrassage musculaire, essentiellement de la course 42 et des soins, plus quelques jeux à caractère dérivatif.

Le mercredi était consacré au deuxième entraînement de la semaine 43. C’était le plus long, il durait en moyenne deux à trois heures et incluait préparation physique et travail technique. C’est durant cet entraînement long et rude, mais très adapté au calendrier du championnat 44 que l’A.S.B. répétait inlassablement ses gammes. Les éléments tactiques étaient répétés, améliorés et toute la « gestuelle » (passes, réceptions, percussions, plaquages, jeu au pied) était analysée depuis le bord du terrain par Raoul Barrière, qui n’hésitait pas à relancer, si c’était nécessaire, l’exercice depuis le début. Pour faire accepter cette exigence, il variait les entrainements, bricolait de nouvelles machines 45, et inventait sans cesse de nouveaux jeux dérivatifs très appréciés des joueurs, le tout dans la bonne humeur caractéristique de cette équipe. Cette séance était aussi le moment de « débriefer » le match précédent et d’en tirer les enseignements nécessaires. Cela permettait d’améliorer le jeu en corrigeant les erreurs, leurs causes et en adoptant la réponse tactique et technique la plus adaptée. Il est à noter que cet exercice d’autocritique permettait de « forger les caractères » 46.

Le dernier entraînement se déroulait le vendredi et durait une heure à une heure et demie selon le match à venir 47. Au programme, la dernière répétition avant la rencontre où toutes les composantes du travail tactique du mercredi sont reprises en situation de match 48. Au cours de cette séance, un vote des joueurs à bulletins secrets, désignait la composition de l’équipe pour la rencontre du (des) jour(s) suivant(s). En dehors de ces entraînements collectifs, certains joueurs travaillaient individuellement, comme Richard Astre qui imaginait toutes les situations possibles du prochain match pour mieux s’y adapter.

Béziers, pionnier dans les sciences appliquées

Au-delà du jeu, Raoul Barrière a aussi innové en se référant à divers savoirs « scientifiques ». Béziers a, par exemple, été la première équipe à utiliser la sophrologie dans la préparation physique et mentale des joueurs. L’entraîneur avait compris que certains facteurs, telle l’incertitude du résultat, la peur d’une mauvaise prestation sportive, la critique des médias ou bien encore l’hostilité d’un public, pouvaient perturber les joueurs. Quand la peur intervient, la performance sportive est diminuée. Apparaît alors un manque de réussite et le refus de la prise de risque. Ce choc émotionnel, paralysant, peut même entraîner un changement de comportement 49 qui se traduit par de l’irritabilité ou de l’instabilité, voire un découragement prononcé chez le joueur. Dans ce contexte, le moindre détail prend une importance démesurée, un vent tournoyant pour les buteurs ou le « poids total» annoncé de la mêlée adverse. Même si les symptômes psychiques disparaissent au début de la rencontre, la trace laissée diminue la valeur sportive du joueur.

ASB : Les Stratèges : (Raoul Barrière et Richard Astre)
Fig. 6 - ASB : Les Stratèges : (Raoul Barrière et Richard Astre)

La méthode analytique de Jacobson 50, la méthode Schultz 51, et surtout la sophrologie ont été utilisées. Ces pratiques, qui visent l’équilibre personnel et la confiance en soi, sont donc très utile pour les sportifs. Par exemple, pour réduire le stress, les joueurs sont installés dans un état de conscience « entre veille et sommeil », appelé « état sophro-liminal» 52.C’est un sophrologue bien connu, Luis Fernandez 53, qui est intervenu régulièrement auprès de l’équipe. Le joueur ainsi libéré et détendu recevait alors les consignes de l’entraîneur dans un état réceptif optimal, sans contrainte ni inhibition, et devenait plus performant.

La préparation médicale

Le rugby est un sport exigeant au plan physique et nécessite une excellente santé. Durant la saison, la durée et l’intensité des efforts varient et chaque joueur doit adapter les modalités de son entraînement. Pour résoudre ce problème de l’adaptation physique, Raoul Barrière a fait appel à un groupe de médecins pour en assurer la maîtrise. Plusieurs fois par an les joueurs biterrois ont effectué des tests médicaux « révolutionnaires pour l’époque » 54. Comme l’utilisation du test d’effort de « Ruffier-Dixon », celui de « Flack » qui combine l’adaptation aux efforts statiques, ou bien encore des examens cardiaques… Toutes ces données étaient consignées sur des fiches, puis croisées avec les performances athlétiques des joueurs pour suivre l’évolution de leurs progrès ou d’éventuelles régressions. Cela permettait d’adapter les entraînements, ou de faire « tourner l’effectif », afin d’aborder les phases finales avec une équipe dans un état de forme optimal.

Cet entraineur bouleversait les usages et les représentations ! A ce suivi médical, il a ajouté la diététique. Ainsi, après avoir écarté le « jeu à la française », il s’est attaqué à des traditions rugbystiques bien ancrées, comme les repas « gargantuesques » et les célèbres « troisième mi-temps ». Mais la résistance à ces derniers changements a été plus difficile à vaincre et de nombreux joueurs s’en sont écartés lorsque l’œil de l’entraineur était absent ! 55

Un Centre National de Recherches Rugbystiques ?

Voici quelques innovations introduites par l’A.S.B. dans l’espace du rugby français :

La vidéo

Dés 1971, Richard Astre apprit que les footballeurs utilisaient le magnétoscope à l’occasion de leurs entraînements. Il demanda à Raoul Barrière de s’en procurer un afin de mieux construire les séances d’autocritiques et d’études du jeu de l’adversaire. Un opérateur fut même envoyé aux quatre coins de France pour filmer les rencontres des futurs adversaires ! Mais ce n’était pas suffisant, et Raoul Barrière enregistra également les entraînements pour en retirer des éléments d’analyse objectifs sur le comportement des joueurs 56.

Le Joug

C’est « une machine » qui permet l’entraînement des avants en vue de leurs efforts en « mêlée ». Cet appareil n’est pas né à Béziers, comme le pensent beaucoup de biterrois, mais il a été modernisé par son entraineur :

« … notre dernière trouvaille : un joug mobile, monté sur rouleaux, et qui comporte deux têtes articulées dans le sens transversal et longitudinal permettant l’opposition de deux packs. Ce sont les jambes qui travaillent très durement. Moins facilement irriguées que d’autres parties du corps, elles souffrent vite d’une intoxication musculaire. C’est pourquoi il fallait les entraîner avec grand soin. En somme, à leur tonicité dans ce domaine les avants biterrois ont ajouté de la ténacité 57 ».

Les portes de« saloon »

L’entraîneur biterrois avait demandé de fabriquer une autre machine qu’il avait remarquée lors de la tournée de 1958 en Afrique du Sud. Il s’agissait de pneus de voiture fixés sur deux poteaux, tels une porte de saloon que les joueurs de Béziers passaient un par un à hauteur de poitrine 58. Ce système, utilisé par les fameux Springboks, fut adopté par l’entraîneur de Béziers pour les raisons suivantes : « Ce dérivatif me permet de leur faire travailler les appuis au sol, la tenue du ballon dans les circonstances identiques en jeu, l’avancée des épaules, la droite ou bien la gauche, le changement de rythme de course, celle-ci se trouvant brusquement ralentie par les pneus, etc. 59 »

Le jeu sans ballon

Le jeu avec un ballon imaginaire est un principe pédagogique pour aider les joueurs à se focaliser sur la concentration collective. Cet exercice se faisait en fin de séance parce qu’en plus d’être ludique, il permettait aussi de vérifier la compréhension des mouvements travaillés. Cette méthode a l’avantage d’écarter toute contrainte de la maîtrise du ballon pour s’attarder sur la concentration optimale et le déplacement du corps, c’est donc un outil intermédiaire permettant une meilleure maîtrise comportementale 60.

Les chutes de judo

Au rugby on se retrouve souvent à terre donc il faut savoir bien chuter. Raoul Barrière entraînait son équipe à chuter comme des judokas pour les protéger des blessures, mais aussi de poursuivre la phase de jeu sans la ralentir dans l’impact et en maintenant l’efficacité de la passe.

Et...l’entraînement musical

L’entraîneur biterrois a aussi utilisé la musique classique et la musique militaire lors des entraînements, afin de cadencer les entraînements et conditionner les joueurs dans « le bus » avant d’arriver au stade pour en « découdre » avec l’adversaire.

Les innovations après l’ère Raoul Barrière

Après cette période et le départ de cet entraineur, les innovations n’ont pas totalement cessé, mais ont largement diminué. Il faut relever, au début des années 1980, l’amélioration du suivi médical avec l’élection du docteur Bringer à la présidence du club. Toujours dans ce domaine, à la demande de Pierre Lacans, l’ancien joueur Claude Casitmajana, kinésithérapeute de formation, intégra le club afin d’améliorer la préparation physique des joueurs.

En décembre 1983, le club innove encore en organisant un stage d’oxygénation en altitude à la station de Rizoul dans les Alpes 61. Et la même année le club adopte une nouvelle méthode de musculation : la musculation naturelle 62.

Cette méthode et cet esprit de recherche permanent ont permis à l’A.S.B. de dominer la « planète rugby » et, c’est tout simplement l’abandon de ces principes qui a précipité le club dans l’anonymat jusqu’à descendre en Fédérale 1 soit l’équivalent de la 3ème division, avant de remonter en pro D2 en 2011. Bien sûr, beaucoup d’éléments décrits ci-dessus sont aujourd’hui dépassés, mais l’identité du jeu biterrois et son état d’esprit demeurent intemporels.

NOTES

1. https://www.montpellier3m.fr › capitale-sport.

2. 1971, 1972, 1974, 1975, 1977, 1978, 1980, 1981, 1983, 1984. Béziers avait gagné son premier titre en 1961.

3. 1964, 1972, 1975, 1977.

4. 1971, 1972, 1975, 1978. L’équipe de 1961 avait aussi cet exploit.

5. Henri Garcia « Le phénomène Béziers », L’Équipe, 10 Juin 1982.

6. L’Association sportive Biterroise.

7. Alain Casteran, « Armand Vaquerin, une légende biterroise », Nouvelles Presses du Languedoc, Sète, 2013. P 41.

8. Interview de Rives Jean Pierre réalisée par Wozniak David le 22/04/2018. « Lors du Grand Chelem 1977, nous avons été champions avec les principes biterrois et il y a fort à penser, de par la qualité de son effectif, que si l’équipe de Béziers avait joué à notre place elle aurait gagné aussi… et nous aurait certainement battus aussi car ce jeu, ce sont eux qui l’ont inventé…

9. https://dicocitations.lemonde.fr/citations-auteur-gary_lineker-0.php.

10. Wozniak David : « Le Grand Béziers 1961-1984 », Mémoire Master d’histoire (2017), Université Paul Valéry, Montpellier 3.Barthes Raymond (L’Entraîneur) : né le 24 Novembre 1919 à Toulouse, mort le 3 juillet 2005. Diplômé du CREPS de Montpellier, Cet athlète de haut niveau qui était un des sprinteurs les plus rapides de sa génération fut entraîneur à Béziers de 1955 à 1965 avant de partir chez le voisin narbonnais. C’était l’entraineur bâtisseur de cette équipe de Béziers. Premier entraîneur champion de France de l’A.S.B., il intégra des principes de jeu qui ont construit les trois décennies victorieuses (60, 70, 80). Tous les joueurs sont unanimes pour dire que le travail de Raymond Barthes a été fondamental dans la construction du mythe biterrois. On connait la suite, Pierre Danos reprit la suite jusqu’en 1969 puis arriva un certain Raoul Barrière qui reprendra et améliorera la méthode Barthes pour mettre Béziers au panthéon du rugby international.

11. Mairie de Béziers, « Association sportive biterroise, le livre du soixantenaire » Auto-Édition, Béziers, 1971. p. 27.

12. Wozniak David, op. cit, p. 11. Barrière Raoul : né le 3 Mars 1928 à Béziers. Pilier (1,71 m pour 90 kg) et mort le 8 mars 2019. D’origine catalane, cet ancien boxeur et professeur d’éducation physique est une légende à Béziers et dans la France de l’ovalie. Champion en 1961 et international à deux reprises, ce stratège hors pair prit en charge l’équipe juniors à Béziers avec laquelle il a été champion de France en 1968, puis il devint entraineur de l’équipe première pour remporter le Brennus à six reprises (1971, 1972, 1974, 1975, 1977, 1978). Celui qu’on appelait « le sorcier de Sauclière » fut à l’origine de la création d’un pôle espoir rugby au lycée Jean Moulin de Béziers en 1975 ; il est aussi l’auteur du livre « Lerugby et sa valeur éducative ». En 2006, Raoul Barrière est fait Chevalier de la Légion d’honneur. Trois mois après sa mort, le stade de la Méditerranée est rebaptisé stade Raoul Barrière.

13. Ibid. Lucien Mias est né le 29 septembre 1930 à Saint Germain de Calberte. Deuxième ligne (1,89 m 95kg). Il a joué à Narbonne et à Mazamet. Il était capitaine de l’équipe de France (29 sélections) avec laquelle il a remporté deux tournois des cinq nations (1954 ,1959). Il fut Oscar Midi Olympique en 1954 et en 1959, élu champion des champions français par le journal l’Équipe en 1959 et introduit au temple de la renommée IRB en 2011. Dans la vie, il était aussi Docteur spécialiste en Gériatrie d’où son surnom « Docteur Pack ».

14. Didier Beaume, « Les Invincibles », Éditions Calmann-Lévy, Paris, 1972. p. 101.

15. Raoul Barrière, « Le rugby et sa valeur éducative ». Édition J. Vrin, Paris, 1980. p. 83.

16. Wozniak David, op. cit, p. 18. Astre Richard : né le 28 Août 1948 à Toulouse. Demi de mêlée (1,71m, 68 kg). Le « Roi Richard » de son surnom est le capitaine des invincibles biterrois des années 70. C’était le stratège et le relais de Raoul Barrière sur le terrain. Le toulousain est recruté à Béziers en 1967 où il fut Champion de France juniors en 1968 puis champion de France senior 1971, 1972, 1974, 1975, 1977, 1978. Curieusement il ne fut international qu’à 12 reprises, élu Oscar Midi Olympique 1975, soit meilleur joueur de l’hexagone. Il arrêta sa carrière de joueur à 30 ans au sommet de son art pour se consacrer à une brillante carrière professionnelle où il sera notamment directeur des ventes chez Adidas, manager de l’équipe de France de rugby, entraineur à Béziers, consultant rugby à France Info et Directeur général de l’office du tourisme de la ville de Béziers. En 2006 il fut décoré de la légion d’honneur.

17. Jean Pierre Lacour : « Astre, le Rugby de Lumières » Préface de Denis Lalanne, Paris, Éditions Alta, 1977. p. 71.

18. Wozniak David : « Le Grand Béziers 1961-1984 », Mémoire Master d’histoire (2017), Université Paul Valéry, Montpellier 3, 87p. Astre Richard : né le 28 Août 1948 à Toulouse. Demi de mêlée (1,71m, 68 kg). Le « Roi Richard » de son surnom est le capitaine des invincibles biterrois des années 70. C’était le stratège et le relais de Raoul Barrière sur le terrain. Le toulousain est recruté à Béziers en 1967 où il fut Champion de France juniors en 1968 puis champion de France senior 1971, 1972, 1974, 1975, 1977, 1978. Curieusement il ne fut international qu’à 12 reprises, élu Oscar Midi Olympique 1975, soit meilleur joueur de l’hexagone. Il arrêta sa carrière de joueur à 30 ans au sommet de son art pour se consacrer à une brillante carrière professionnelle où il sera notamment directeur des ventes chez Adidas, manager de l’équipe de France de rugby, entraineur à Béziers, consultant rugby à France Info et Directeur général de l’office du tourisme de la ville de Béziers. En 2006 il fut décoré de la légion d’honneur.

19. Ibid.

20. Jean Pierre Lacour, op. cit., p. 58 à 59.

21. Ibid.

22. Interview d’Astre Richard réalisée par Wozniak David le 07/02/2017.

23. Didier Beaume, op. cit, p. 99. « Un des rares qui considèrent le rugby comme un sport de combat collectif avec, au départ, une sorte d’agressivité d’où naît la vérité. »

24. Document de la revue Sciences et Techniques des Activités physiques et sportives : http://stapscrew.free.fr/texte/reglement.htm. « La ligne d’avantage est la ligne fictive parallèle à l’en-but passant par le ballon avant son utilisation lors des phases statiques et des phases de fixation (= regroupement). La ligne de front est la ligne fictive parallèle à l’en-but passant par le ballon lors de son utilisation en jeu de mouvement après les phases de conquête. L’objectif va être de déplacer la ligne de front au-delà de la ligne d’avantage et si possible jusqu’à la ligne d’en-but. Mais on peut marquer sans dépasser la ligne d’avantage (on porte alors le ballon). »

25. Pierre Conquet « Les fondamentaux du rugby moderne » Auto Édité, Aurillac, 1994 p. 142. « À Béziers, dans les années soixante-dix, le premier mouvement se faisait immédiatement vers l’avant, sur l’axe frontal. La ligne d’avantage était franchie au plus tôt. Quand les adversaires avaient suffisamment dégarni la largeur pour faire face à la progression, on envoyait le ballon vers l’aile pour exploiter le surnombre crée sur l’axe frontal. »

26. Richard Astre, loc. cit., « Le but étant de passer le plus vite possible d’une attaque verticale à une attaque horizontale avec la notion du soutien. »

27. Didier Beaume, op. cit., p. 103 à 104. « Barrière aime d’ailleurs à dire qu’il n’a rien inventé, qu’il s’est inspiré du principe évident de Deleplace et Saby : « Il faut aller de l’avant et toujours porter le jeu chez l’adversaire. C’est pour cela que les attaquants choisis à Béziers sont d’abord les avants. Et c’est effectivement une méthode comportant moins de risques, car il n’y a pas de secret : il faut forcément commettre moins de fautes que l’adversaire. Et les passes entre avants, plus courtes, donc moins hasardeuses, risquent moins d’être défectueuses ou interceptées. En fait, le danger est plus minime que si l’on prend le risque d’élargir tout de suite le jeu aux trois quarts. Pourtant d’autres équipes ont déjà essayé de s’aligner sur ce système qui n’est exclusif. Cela ne leur a apporté que des échecs. »

28. Richard Astre, loc. cit., « Nous partions d’un objectif utopique, c’est de garder le ballon tout le match, en faisant cela il ne pourrait rien nous arriver, pour cela une de nos armes était le jeu en losange qui est le jeu des All black. »

29. Jean Pierre Lacour, op. cit., p. 61. Richard Astre : « Nous avions atteint notre objectif de base : le respect intégral de la notion de soutien, le fondement de toutes nos tactiques. Pour aboutir à cela, nous avions travaillé comme des Romains. Nous étions sortis de notre technique individuelle, de notre égoïsme naturel pour apprendre à nous reconnaître et nous retrouver sur le terrain dans n’importe quelle situation, en compétition. Notre placement était pensé, calculé, et non dispersé, à l’emporte-pièce. Maîtres de nos réactions, au fait de celles de tous nos partenaires, nous avions l’esprit libre pour observer le seul imprévu du rugby, c’est-à-dire le comportement de l’adversaire. »

30. Didier Beaume, op. cit., p. 99. « Mais il est aussi fidèle aux bases de Lucien Mias, principe pour les barrières boys. L’équipe possédant le ballon doit attaquer, avec son point fort, l’adversaire sur son point faible. »

31. Georges Pastre, « Rugby Capitale Béziers ». Édition Solar, Paris, 1972. p. 56.« Individuellement, en opposant le fort au faible, en mettant des joueurs au physique atypique pour surprendre et détruire les adversaires. Ex : Henri Mioch et ses 109 kg jouait au centre et Alain Estève jouait parfois Troisième ligne Aile (2,02 m 117 kg). »

32. Le Parc des Princes situé à Paris est le stade où se jouait la finale du championnat de Rugby.

33. Jean Pierre Lacour, op. cit., p. 41. « Dans n’importe quel sport de balle, j’observe les détails qui peuvent me servir. Je n’irai pas systématiquement voir un match de rugby si je sais n’y rien découvrir de nouveau. Mais je n’ai pas hésité l’an dernier à parcourir près de mille kilomètres en voiture, jusqu’à Saint-Etienne., pour voir les verts contre Eindhoven, en match de football de coupe d’Europe. Pour apprendre une fois de plus. Par imprégnation. Je suis un mimétique. J’ai eu dès mon plus jeune âge, en observant Benausse, la révélation de l’importance de la technique. »

34. Celui qui mène le jeu.

35. L’alignement est le nombre de joueurs qui doivent s’aligner en touche.

36. Jean Pierre Lacour, op. cit, p. 88. Raoul Barrière : « Or, par la suite, ne vous trompez pas, bien des décisions extrêmement importantes pour le club sont venues de Richard. Cette finale contre Narbonne, où le Grand, Estève, a joué troisième ligne aile, c’est Richard qui m’en a persuadé. « C’est le seul moyen de faire Palmié, affirmait-il. Oui, disais-je, mais nom d’un chien, il faut le mettre n° 8. Et pourquoi ? Il y a Buonomo. Et le grand a été bien comme Fankler contre Brive, non ? » J’ai fait confiance à Richard. Bien que je ne sois convaincu, mais je me disais : si Richard le pense, c’est que cela tient debout. C’est Richard aussi qui m’a souvent fait sortir de mon extrême prudence, qui a insisté pour que notre jeu s’élargisse. Moi, je réfléchis comme un pilier. Lui, il voit le jeu. Comme un demi. En somme, je me suis trompé, il s’est trompé aussi. Mais, à force de discuter, on est souvent tombé juste. En composant. »

37. Geoffroy Henri : « Passion d’une vie, le Rugby comme fil conducteur » Préface de Raoul Barrière. Auto-Édition, 2014. p. 32. Raoul Barrière : « Les Narbonnais avaient une superbe équipe…Ils méritaient de gagner. Je suis de nature pessimiste et je pensais que le match était plié. Il a fallu le coup de vice ou de génie de Richard, car la touche était narbonnaise et le lancer fut biterrois ! Vous connaissez la suite et ce drop légendaire. »

38. Le rugby est professionnel depuis 1995.

39. Henri Mouysset : « Henri Cabrol, On m’appelait Monsieur Finale » Préface de Raoul Barrière, Montpellier, 2004. p. 127. Pierre Villepreux : « Il me semble que les biterrois, bien avant les autres, ont été les premiers à accéder à une forme de professionnalisme, due essentiellement à la rigueur de Raoul Barrière. »

40. C’est pour cela que beaucoup de joueurs étaient soit entrepreneurs, soit employés par la mairie de Béziers ou dans l’entreprise de Georges Mas.

41. À l’époque les matchs se jouaient le dimanche.

42. Georges Pastre, op. cit., p. 161. Raoul Barrière : « Ces courses sont coupées d’exercices physiques, d’assouplissement, de détente, de décontraction. »

43. Ibid. « L’entrainement du mercredi est essentiellement foncier. Il se compose de courses, de sauts, de musculation, d’exercices aux appareils, d’études techniques contre des opposants. »

44. Raoul Barrière, op. cit, p. 37. « Le judicieux dosage de l’entraînement tiendra compte de la compétition elle-même. En règle générale trois paramètres nous guident dans cette recherche. Le volume reste toujours sensiblement le même, seuls varient temps et intensité. Les temps de récupération aussi sont variables. C’est ainsi qu’en début de saison on observera de nombreux temps de repos pour un temps de travail très long et de moyenne intensité. Au fur et à mesure qu’on avancera dans la saison, les temps de récupérations diminueront pour disparaître complètement. On notera une grande diminution du temps global et l’intensité sera alors presque maximale. »

45. Ibid.

46. Jean Pierre Lacour, op. cit., p. 41-63. Richard Astre : « Que se passe-t-il durant nos séances d’autocritique ? Nous avons décidé de nous parler librement, de nous dire nos vérités en face. La plupart du temps, si le ton est vif, il n’est jamais agressif. Au début, il ne l’a pas été parce que nous vivions sur la lancée de notre entente en équipe junior. Ensuite, il ne l’est pas devenu car chacun a des raisons de croire en sa valeur dans un groupe où presque tout le monde est international. Personne n’est à l’abri des critiques, mais chacun sait qu’elles cherchent à être constructives. Bien sûr, comme tout le monde, nous avons connu bouderies et engueulades. Elles se réparent toutes seules, parce que nous vivions les uns sur les autres. Il s’ensuit des rencontres inévitables, qui rendent le détachement d’un individu du groupe difficile. Personne n’est spécialement chargé de réparer quelques pots cassés, pas même Raoul Barrière. Tel joueur peut avoir plus d’influence sur un autre que lui. Il y a un élément émotif qui joue entre les membres d’un groupe. Malgré des caractères et des opinions inévitablement différents, le groupe a toujours le dernier mot. Il rassemble toujours. Comme sur le terrain. »

47. Georges Pastre, op. cit., p. 161.

48. Jean Pierre Lacour, op. cit., p. 162. Richard Astre : « La séance du vendredi est consacrée davantage au travail de technique et de tactique collective, toujours avec opposants. Il convient de tenir compte de la proximité du dimanche, nous commençons seulement à partir de dix-huit heures et demie, les gestes sont mieux retenus, les idées émises mieux mises en pratique dans le vrai jeu. C’est, en quelque sorte, l’entraînement que l’on demande aux internationaux, la veille d’un match du Tournoi des Cinq Nations. En règle générale, chaque séance est précédée de trente minutes d’éducation physique générale. »

49. Raoul Barrière, op. cit., p. 50. « On notera ainsi des différences sensibles du rythme cardiaque des vaso-contractions ou vaso-dilatations centrales ou périphériques (pâleur ou chaleur), une accélération de la respiration, des troubles intestinaux, urinaires, salivaires, gastriques ; par voie de conséquence des modifications de la musculature (frissons, tremblement, jambes de plomb) et une apathie générale (sommeil). »

50. Idem, p. 55. « La technique travaille sur l’éducation du sens musculaire avec prise de conscience des modalités de fonctionnement des muscles dans leur contraction-relâchement. La rééducation volontaire du tonus de repos entraîne la maitrise de la mise au repos du cortex. L’objectif est de créer des habitudes de détente mentale par le jeu de la détente et de la maîtrise musculaire. »

51. Ibid. « Le sujet est amené à exécuter par lui-même et d’une manière systématique un certain nombre d’exercices qui le placeront dans un état pré-hypnotique par auto-hypnose, qui le déconnecteront du milieu ambiant. »

52. Idem, p. 56. « Le comportement du sujet se trouve modifié ; on constate une assimilation beaucoup plus facile des explications techniques ou tactiques cependant que renaît la confiance en soi et en ses partenaires. La méthode se veut non directive ; le sujet se prenant en charge lui-même pour une recherche harmonieuse et équilibrée. Le sophrologue emploie pour diriger la séance le Ternops-Logos qui est la façon persuasive mais au ton doux et monocorde induisant ainsi un état de calme où toute tension perturbatrice tend à disparaître ; le joueur installé dans la position de son choix modifie très sensiblement son état de conscience. »

53. Site internet Emetron (Site d’émetrologie) Emetron : http://www.emetrologie.com Luis Fernandez est né le 7 mai 1953.Ce professeur d’éducation physique et ancien rugbyman de Mazamet est Diplômé en psychologie (Licence), spécialisé en sophrologie (Master), il est aussi titulaire du Brevet d’État 2edegré au rugby. Professeur à l’Institut National du Sport et de l’Éducation Physique (INSEP) de 1982 à 1992, il est aussi l’inventeur de l’Emetrologie. Coach mental de renom, celui qui a coaché 30 champions du monde et 10 champions olympiques aime à rappeler sa gratitude envers Raoul Barrière qui lui a, selon ses dires, tout appris.

54. Henri Mouysset, op. cit., p. 66. Raoul Barrière, en quête d’informations complémentaires, nous avait demandé de prendre la pulsation cardiaque des joueurs. Aussi, lors des entrainements, avais-je très souvent ma montre sur moi. Cela a beaucoup déplu à Desclaux qui a exigé mes mesures et mes observations ! Ce qui traduit bien l’état d’esprit du staff français qui se moquait des avancées biterroises en termes de suivi et de soutien médical des rugbymen. Il est clair que nous étions d’avant-garde, même à ce niveau ! Le rugby français prendra au sérieux la médecine du sport, l’année suivante, après que les médias eurent largement évoqué le travail de pionnier de Raoul et d’une équipe de médecins dont faisait partie le professeur Pujol.

55. Didier Beaume, op. cit., p. 17. « Et puis, Raoul Barrière, depuis son arrivée aux commandes de l’ASB, a instauré une règle qui n’a, de tous temps, jamais eu la faveur des milieux de l’Ovale : la diététique. L’alimentation a un rôle qui, sans être capital, est quand même d’une grande importance. À Béziers, les repas sont élaborés très soigneusement, rationnellement, et commandés quarante-huit heures avant les matches, avec conseils aux joueurs pour les autres jours de la semaine. Encore un lambeau du folklore qui s’envole : le rugbyman rougeaud, fort en gueule et fort en ventre, bouffant trop et buvant sec, casse-croûte charcutier et foudre à portée de main à longueur de déplacements. […] Un menu d’ultra-sportif commandé depuis déjà plusieurs jours par Raoul Barrière, comme le seront tous les repas jusqu’à l’heure de la finale. […] Adepte rigoureux de la diététique, l’entraîneur a soigneusement dosé le nombre de calories. Jambon, crudités, entrecôte et riz au piment, salade, une impressionnante quantité de gruyère et de fruits. Riz à volonté, une deuxième entrecôte pour les affamés, mais Barrière est intransigeant sur le vin. Et comme il connait bien les garçons, il arrive à déjouer toutes leurs ruses. »

56. Idem ., p. 68. « Jack Cantoni tente de saisir, lui qui ne va pas s’entraîner, toutes les finesses du magnétoscope que lui inculque l’entraîneur. Émule de Claude Lelouch, c’est lui qui va avoir la lourde charge de filmer l’entraînement. Un film qui sera repassé le lendemain, à tête reposée. »

57. Jean Pierre Lacour, op. cit., p. 65.

58. Didier Beaume, op. cit., p. 162.

59. Didier Beaume, op. cit., p. 162.

60. Richard Astre, loc. cit

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61. Laurent Galy, op. cit., p. 100.

62. « Le secret de Béziers, la musculation naturelle », Midi Libre, 26 Avril 1984.