Le castrum de Montoulieu et le peuplement dans la vallée de l’Alzon au Moyen Âge
Le castrum de Montoulieu
et le peuplement dans la vallée de l’Alzon au Moyen Âge
Le peuplement rural de la basse plaine Languedocienne et des garrigues a fait l’objet ces deux dernières décennies d’études sérieuses éclairant sous un autre aspect le phénomène de l’incastellamento et nous permettant de mieux saisir les mutations de l’habitat au cours du Moyen Âge 1. Or, pour l’arrière-pays et en particulier pour le piémont Cévenol, les recherches restent à faire. Les processus de concentrations et de dispersions ne dépendant pas exclusivement de l’apparition apparemment spontané du castrum, il ne faut pas omettre le poids de l’habitat intercalaire. Les observations et réflexions qui suivent ne sont qu’un des jalons qui pourront peut-être permettre de nuancer certaines conclusions et d’affiner les connaissances sur la genèse et l’évolution des peuplements des contreforts montagneux.
1.1 Situation du château
La commune de Montoulieu (canton de Ganges) est limitrophe avec Moulés-et-Baucels, Laroque, Saint-Bauzille-de-Putois, Notre-Dame-de-Londres, Ferrières-les-Verreries, dans l’Hérault, Pompignan, Saint-Hippolyte-du-Fort et la Cadière dans le Gard. Cette zone peut être géographiquement considérée comme faisant partie du piémont Cévenol (Fig. 1).
Le château de Montoulieu n’est plus aujourd’hui qu’un vaste amas de ruines, perdu au milieu d’un univers minéral, duquel se détachent quelques pans de murs et une tour accrochés à une colline culminant à 311 m d’altitude. Sa position lui fait dominer vers le sud et le sud-ouest le village actuel, composé de plusieurs hameaux et maisons isolés se développant dans la vallée, à une hauteur moyenne de 180 m. Si le relief est nettement marqué entre village et château, c’est parce que ce dernier se trouve sur la terminaison orientale du massif du Thaurac, atteignant 488 m dans sa partie ouest, avant d’être coupé par le cours de l’Hérault. A son contact, le fleuve a creusé au fil du temps une profonde gorge, en témoignent encore aujourd’hui les abruptes falaises qui bordent les rives du fleuve entre Saint-Bauzille-de-Putois et Laroque. Son action érosive a séparé le Thaurac primitif en deux parties : la plus importante s’étend vers l’est sur près de 4 km, l’autre vers l’ouest (Mont-Micisse) a accueilli à l’époque carolingienne le siège d’une viguerie (Agonés). Le massif s’abaisse vers l’est jusqu’au niveau de la colline appelée Autignac (commune de Montoulieu). C’est sur le versant sud-est de la Serre d’Autignac, au sommet d’une petite éminence isolée, que se trouvent les vestiges du castrum de Montoulieu.
Au pied du Thaurac, sur les versants sud sud-est, se développe la vallée de l’Alzon. Ce petit affluent de l’Hérault, situé sur sa rive gauche, est protégé au sud par un réseau collinaire (350 m d’altitude moyenne) sur lequel s’est accrochée la garrigue (Bois de Sauzet, Bois de Triadou, Bois de Monnier).Ces bois forment une ligne axée ouest nord-est, plus ou moins parallèle au Thaurac. L’Alzon court dans une petite dépression 2, confinée entre ces deux reliefs et prend sa source à moins de 500 m à l’est du castrum de Montoulieu 3. Le terroir communal se développe ainsi entre l’extrémité orientale de la vallée de l’Alzon, dans la plaine, et les premiers contreforts de garrigues, en forme d’entonnoir. Le château quant à lui barre le passage de la vallée en direction de la Cadière Saint-Hippolyte-du-Fort, c’est-à-dire vers l’ancienne voie de communication appelée chemin des Ruthènes. Sa position de hauteur en fait un véritable poste d’observation sur une grande partie de la vallée de l’Alzon. On peut penser que celle-ci était utilisée comme un itinéraire permettant de rejoindre, en partant de la Cadière (voie des Ruthènes), la route Ganges-Montpellier au niveau de Saint-Bauzille-de-Putois, sans être obligé de passer par Ganges, donc comme un raccourci. Dans ce schéma le château de Montoulieu occupe une situation stratégique idéale sur cet itinéraire. Il joue le rôle de poste de surveillance : les voyageurs empruntant la vallée de l’Alzonne peuvent échapper aux guetteurs du château. Cette idée de château / poste de surveillance est renforcée par le contexte frontalier que la commune occupe encore aujourd’hui.
1.2 Un castrum frontière ?
Le castrum de Montoulieu aurait pu être un château frontière comme il en existe entre Biterrois et Lodévois (Malavieille, commune de Mérifons), entre Biterrois et seigneurie de Montpellier (Aumelas) ou entre Lodévois et seigneurie de Sauve (Pégairolles-de-Buèges). Cependant la seule frontière que l’on puisse attribuer avec certitude dans le secteur de Montoulieu est une frontière spirituelle, entre le diocèse de Nîmes et le diocèse de Maguelone (Fig. 2). Il est toutefois probable qu’aux temps carolingiens (IXe-Xe siècle) Montoulieu ait servi de zone tampon entre la viguerie de Sauve 4 dans le Pagus Nemausensis et celle d’Agonès 5 dans le Pagus Substantionensis.
D’autre part les diocèses de Maguelone et de Nîmes se confondent au Moyen Âge, au point de vue de leurs limites géographiques, avec le comté de Melgueil (les possessions de celui-ci débordent légèrement le cadre épiscopal) et avec la vicomté de Nîmes.
La lignée vicomtale nîmoise conjuguée à la présence prépondérante de la maison d’Anduze-Sauve a dans un premier temps limité les dévolutions du ban. Les châteaux mentionnés aux IXe, Xe et XIe siècles sont pour la plupart d’origine publique. La crise féodale engendre la multiplication de seigneurs subalternes, qui s’octroient par la force leur légitimité ou qui s’émancipent de leurs suzerains par jeu politique. Cet émiettement du pouvoir s’accompagne de la naissance de châtellenies indépendantes, comme on peut en voir en Biterrois 6. Dès le XIe siècle, on voit apparaître dans l’entourage des seigneurs d’Anduze-Sauve, de petits vassaux. La multiplication des lignages devient probante au début du XIIe siècle.
De toute évidence Montoulieu faisait partie du réseau castral établi par les Bermond de Sauve dans le courant du XIIe siècle (castra de Laroque, Tournemire, Corconne, Mirabel), mais peut-être aussi dès le XIe (castrum de Pégairolles). A la fin du XIIIe siècle, lorsque l’évêque de Maguelone, Bérenger Frédol, échange avec le roi de France la partie épiscopale de la ville de Montpellier contre la baronnie de Sauve, Montoulieu est mentionné dans la liste des châteaux dépendants du bailliage royal de Sauve 7.
2. Etude du site : tentative de reconstitution
Les vestiges encore visibles en élévation, peu nombreux, sont assez bien identifiables. Nous avons affaire à un site castral de hauteur, composé d’un habitat seigneurial et d’un habitat villageois abandonnés. Le bourg castral s’est développé au contact de l’enceinte noble, à flancs de colline, suivant une courbe ouest / sud-est. Il s’agit d’un plan bien connu dit « en éventail » (plan type du castrum implanté en zone de forts reliefs, exemple : Rougiers dans le Var).
Le village s’étend à partir de la roca que domine le château et utilise le versant le plus propice à son épanouissement 8. Trois éléments constitutifs se détachent assez nettement de ce plan (Fig. 3) :
Le château, composé pour l’essentiel d’une tour maîtresse relativement bien conservée et d’une série de salles, disposées au nord et à l’ouest formant le logis seigneurial et adossées à l’intérieur d’une enceinte délimitant l’espace aristocratique.
Le village proprement dit est ceint d’une enceinte collective, visible en élévation dans la partie ouest du site, mais plus difficile à cerner vers le sud-est (Fig.4).On distingue très clairement dans ce mini réseau urbain une chapelle (au sud-est de la tour maîtresse). Dans ce secteur, le nombre de maisons identifiables comme telles, est très limité.
Des constructions informes aux fonctions indéterminées, venues se greffer à la fortification du village suivant la même organisation (le long d’une courbe ouest / sud-est) et ne disposant pas de son propre système de défense.
La désertion ancienne, ajoutée à l’absence d’investigation archéologique sont des facteurs limitant l’entreprise de datation, notamment en ce qui concerne la première occupation du site.
2.1 L'habitat seigneurial
2.1.1 La tour maîtresse (Fig. 5)
C’est une tour de plan rectangle (8,80 m x 6,90 m), orientée nord-est / sud-est, édifiée sur le point culminant dela colline (311 m). L’épaisseur des murs est conséquente : 1,45 à 1,50 m. La base de l’édifice est irrégulière, elle prendappui sur un rocher non arasé (Fig. 6). Les constructeurs ont utilisé de la pierre de taille (grand appareil en calcaire froid gélif, de couleur grise). Les pans dressés montrent une belle régularité dans les assises. Une régularité renforcée par le jointement assez fin et plein. Les parements sont lisses, sans bosses, ni trous de boulins. On pénètre dans la tour par une porte ménagée dans les deux tiers de la face sud-ouest, près de l’angle nord-ouest. Elle est située à environ 1,30 m du socle rocheux (angle nord-ouest), et devait donc nécessiter l’emploi d’un petit escalier (en bois). Le passage est placé sous un arc d’entrée en plein cintre et à grands claveaux, d’aspect roman 9. Cet arc à été plus fortement altéré par l’érosion, par rapport aux autres parties de la tour. On a dû utiliser une pierre de qualité différente afin de faciliter la taille des claveaux (Fig.7). L’ouverture est de seulement 80 cm de large. Les piédroits mesurent entre 32 et 33 cm d’épaisseur. A cet arc d’entrée succède une voussure (arc segmentaire), plus large (94 cm) et plus profonde (110 cm). Les montants du premier arc, au contact de ceux de la voussure, forment un arrêt pour les battants de la porte proprement dite. On aperçoit encore deux paires de gonds encastrés dans les parois.
Dans le montant droit de la voussure a été aménagée une profonde cavité dans laquelle pouvait coulisser une poutre (épar), dont la fonction était de barrer l’ouverture de la porte (système de fermeture largement utilisé au Moyen Âge). L’intérieur est parementé de la même manière qu’à l’extérieur, les joints, mieux conservés, sont beaucoup plus fins. En élévation intérieure, on distingue le départ d’une voûte en plein cintre, axée nord-ouest / sud-est, encore matérialisée par la présence de quelques rangées de claveaux de tuf (6 au maximum), ainsi que par les traces d’arrachements ayant laissé une forme semi circulaire, visibles sur les parois nord-ouest et sud-est. Deux bandeaux moulurés en quart-de-rond marquent de chaque côté la naissance de cette voûte. Le rez-de-chaussée était donc voûté. Seule une baie axiale percée dans le mur sud-est éclairait cette première pièce (la porte ne joue qu’occasionnellement le rôle de jour, c’est une ouverture fonctionnelle qui est la plupart du temps fermée). Cette baie se caractérise par son double ébrasement. L’ébrasement intérieur est le plus prononcé (1,30 m de largeur pour 1,20 m de profondeur : (Fig. 8). L’ouverture est considérablement rétrécie par la terminaison de l’ébrasement, rattrapé par le couvrement de la baie (petite voûte plein-cintre formée de claveaux en panache) proche de ce que l’on peut observer dans les édifices religieux de type romans.
L’étage superposé au rez-de-chaussée prenait appui sur la voûte et s’ouvrait lui aussi par une seule ouverture, placée au sud-ouest, de forme barlongue, sans caractère particulier ni recherche esthétique (linteau monolithe sur montants droits). Cette baie, de dimensions comparables à la porte d’entrée, est située exactement à la verticale de celle-ci. Il est difficile de ne pas soupçonner, dans cette position stratégique, un élément de défense sommital de la porte, qui, s’ouvrant presque de plain-pied, reste le point vulnérable par excellence. Cependant, mise à part l’ouverture, on ne distingue dans son environnement immédiat, aucun trou de boulins, aucune trace d’un système permettant l’accroche d’une bretèche.
A l’intérieur de la face sud-ouest, au dessus du linteau de l’ouverture, on distingue 4 trous carrés parfaitement alignés et à intervalles réguliers. Ces éléments prouvent qu’un deuxième étage a existé. Le premier étage, quant à lui, était couvert d’un plafond sur solives. Au-delà, la tour n’étant plus conservée en élévation, il est impossible de reconnaître la hauteur originelle de l’édifice.
L’analyse architecturale montre que cette tour n’a pas été conçue comme une tour de résidence, de par son exiguïté (24 m² habitables), son faible éclairage, par l’absence de cheminée ou même de simples commodités. Sa non habitabilité la fait rentrer dans la catégorie des tours beffrois qui, comme le souligne Jean Mesqui, se trouvent âtre l’antithèse de la tour résidence 10. La tour beffroi a pour vocation d’être un lieu de surveillance, elle allie un caractère défensif, à la charge symbolique, à une valeur plus ostentatoire elle matérialise l’affirmation du pouvoir féodal, la suprématie du seigneur sur le territoire qu’elle domine géographiquement. Cet aspect psychologique a joué un rôle important dans les premiers regroupements spontanés autour du château, dans diverses régions.
Les éléments architecturaux mis en évidences permettent de dater la tour de Montoulieu des années 1150-1200. L’emploi de cette large fourchette temporelle est induit par les formes et les techniques archaïques que l’architecture dite militaire véhicule plus longtemps à partir de la date de leur première application, à la différence des édifices religieux qui intègrent plus rapidement les nouveautés architecturales (tout dépend évidemment du contexte géographique, économique et culturel dans lequel se situe le monument. Ce caractère archaïsant est encore plus flagrant en Languedoc, qui n’est pas reconnu comme un foyer d’innovation en la matière, mais plutôt comme une région où les solutions premières se perpétuent. Pour certains éléments de la défense, pour les tours de flanquements ou les archères par exemple, il offre une résistance aux modèles venus du Nord 11.
Du point de vue de la datation, la tour beffroi de Montoulieu pourrait parfaitement entrer dans le corpus des tours situées dans la région de Ganges-Sauve : les tours de Durfort, Mirabel, Tournemire, Laroque, Brissac. En revanche du point de vue décor architectural elle est exclue du groupe, parce qu’à l’inverse des exemples cités, elle ne possède pas de pierres à bossages rustiques dans son parement. Si l’on élargissait la zone géographique à tout le piémont Cévenol, on pourrait retrouver des similitudes 12.
2.1.2 La résidence castrale
L’ensemble résidentiel est le résultat d’une accumulation de plusieurs bâtiments, juxtaposés et adossés à l’enceinte seigneuriale. Cette enceinte prend appui sur l’angle nord et en léger retrait (50 cm) de la tour maîtresse. Elle se prolonge vers le nord, sur 12,60 m de long et presque perpendiculairement à la face nord-ouest, avant d’effectuer un retour d’équerre vers l’ouest. Cette portion d’enceinte encore bien conservée en élévation, (sur presque toute sa hauteur), fait 18,62 m de long.
A l’extrémité ouest de ce mur, le tracé effectue un autre retour d’équerre vers le sud, l’ensemble délimité par les trois côtés ainsi formés dessine un quadrilatère presque régulier non fermé, à l’intérieur duquel les bâtiments se sont construits formants un plan en L.
Contre le mur nord-ouest, le plus long de l’enceinte (18,62 m), est venu s’accoler un bâtiment de plan barlong occupant toute la largeur. A l’intérieur de ce logis on distingue très nettement deux salles, de dimensions très proches et séparées par un mur de refend (salle 1 : 8,50 x 4,32 m, salle 2 : 8 x 4,36 m) (Fig. 3). Ces deux salles possédaient un étage planchéié. C’est ce que suggère la présence de trous carrés ménagés dans la paroi intérieure, conçus pour accueillir les poutres du plafond et repérables sur une ligne horizontale et sur toute la longueur du mur. Le rez-de-chaussée de la salle 2 possédait au moins une ouverture, en forme d’archère (ébrasement triangulaire et fente courte), qui donne l’impression d’avoir plus servi dans un but défensif que dans le rôle d’éclairage. La salle 1 en avait deux identiques à son étage. Au rez-de-chaussée de cette pièce devait se trouver un lavabo (présence d’un système d’évacuation des eaux). Dans son état de conservation il est impossible de savoir comment ce corps de logis communiquait avec la cour intérieure du château le bordant au sud. Le mur de refend entre les deux pièces ne semble pas avoir été construit au-delà du plafond du premier étage. Il ne semble pas qu’un deuxième étage ait existé : la multiplication des trous de chevrons dans la partie haute du mur d’enceinte indique vraisemblablement le niveau de la toiture commune aux salles 1 et 2. Cependant le problème de la communication entre les étages et entre les pièces reste sans réponse. De plus, deux rangées de trous carrés présents dans la partie haute du mur faussent la lecture de cet ensemble. La rangée située en bas est constituée de petits trous peu espacés, traversant l’intégralité de l’épaisseur du mur. Ces petites ouvertures carrées peuvent être interprétées comme étant les vestiges du système d’évacuation des eaux de la toiture, ce qui est confirme par la présence d’une série de lauzes encastrées horizontalement sous les trous (larmier). Les lauzes doivent âtre envisagées comme le prolongement de la couverture du bâtiment vers l’extérieur.
Pour la rangée située au-dessus les trous sont plus gros et plus espacés (Fig. 9). Vue de l’extérieur, il semble que l’on ait affaire aux vestiges d’un hourdage (Fig. 10). Les gros trous accueillaient les poutres de la terrasse de circulation externe 13.
On peut penser que, soit les hourds sont antérieurs à l’aménagement interne de l’enceinte en logis, soit ils sont contemporains. Si le mur a été conçu dès le départ pour accueillir des bâtiments les hourds pourraient également âtre postérieurs à l’ensemble. II y aurait eu une reprise de la partie sommitale au dessus de l’égout du toit. Cependant il semble bien que tout ait été construit dans une même campagne.
Le mur ouest (retour d’équerre : troisième côté) était percé d’une poterne située à 6,20 m de l’angle nord-est de l’enceinte seigneuriale. Les seuls éléments qu’ait laissés cette entrée sont les départs de ses montants gauches (45 cm d’épaisseur pour le montant de l’ébrasement extérieur et 48 cm d’épaisseur pour le montant de l’ébrasement intérieur). La largeur de l’ouverture devait âtre égale ou inférieure à 1 mètre. L’épaisseur de l’embrasure extérieure suggère une volonté de solidité pour cette porte, d’autant qu’elle donne directement accès à une petite pièce (4,75 x 4 m) accolée au sud de la salle 2. Il pourrait s’agir d’une salle de passage donnant sur la cour intérieure. Dans son prolongement sud, se trouve une autre petite pièce de dimensions comparables (4,90 x 4 m). En fait, il semble que l’on ait utilisé le même procédé que pour le logis nord-ouest : un mur de refend sépare un corps de logis barlong, et le divise en deux pièces, de dimensions très proches.
On doit probablement voir dans cette construction la volonté de créer des logis bipartites, mais dont la fonction n’est plus aujourd’hui compréhensible. Jusqu’ici nous avons pu identifier deux corps de logis formant un plan en L : le logis nord (le plus grand), auquel est accolé sur son extrémité sud-ouest ; le logis ouest (Fig. 3).
Après cette dernière salle, l’enceinte s’oriente vers le sud-est, rompant ainsi la régularité du quadrilatère. Cette zone est très lacunaire, elle ne nous permet pas de distinguer d’éventuelles divisions. Cependant parmi les éboulis se détachent les vestiges d’une voûte. Il y a un net décalage de niveau entre cette partie et le logis ouest, composé de ses deux petites pièces. La salle qui se trouvait là possédait donc un soubassement voûté lui permettant d’avoir un rez-de-chaussée de plain-pied avec la cour intérieure.
La partie la plus méridionale de l’enceinte seigneuriale forme une sorte d’éperon. Son tracé, à partir de l’angle sud de la pièce voûtée, se dirige vers le nord-est, puis oblique au nord pour rejoindre l’angle sud-ouest de la tour, par un simple mur de clôture. Aucun logis n’est apparemment venu s’accolé à ce mur. La résidence seigneuriale se développe sur une surface de près de 530 m², vers le nord, l’ouest et le sud-ouest à partir de la tour et s’organise autour d’une cour intérieure, en deux corps de logis adossés contre une enceinte au nord et à l’ouest, formant un plan en L. Ces constructions ne sont pas venues directement s’accoler à la tour maîtresse qui garde ainsi son caractère prépondérant. On pouvait accéder à l’intérieur de l’ensemble résidentiel par la poterne du logis ouest, mais aussi par une autre porte percée dans l’enceinte à l’est, à 1,75 m de l’angle nord de la tour. De dimensions similaires à celles de la porte d’entrée de la tour (ébrasement extérieur : 80 cm de large pour 20 à 21 cm d’épaisseur, couvert d’un arc plein-cintre, aux claveaux moins grand que ceux de la porte de la tour, ébrasement intérieur 90 cm de large pour 71 cm d’épaisseur, couvert d’un arc segmentaire), elle permettait de pénétrer directement par l’est dans la cour intérieure. Donnant sur l’abrupt situé au nord du site, côté campagne, elle ne devait servir qu’occasionnellement 14.
L’épaisseur moyenne de l’enceinte est de 90 cm tandis que celle des murs de divisions des logis est située entre 70 et 80 cm. L’enceinte a été construite avec des blocs de pierre (moyen appareil) dont les moellons grossièrement équarris, voire ébauchés, rendent la régularité du parement moins évidente (appareil irrégulier mais à litages marqués). Les assises moins réguilères que celles de la tour, la présence de quelques décrochements, et la multiplication des trous de poutres, solives, boulins accentuent cette impression. Les nombreux arrachements de la maçonnerie montrent l’emploi systématique de la technique du double parement fourré avec blocage de tout-venant (déchets de tailles noyés dans le mortier). Cette technique est également visible sur les arrachements de la partie supérieure de la tour maîtresse à l’est.
Du point de vue architectural et dans son état de conservation, le logis seigneurial se compose assez simplement, cependant les différents vestiges encore en place ne permettent pas de saisir leur fonction précise. Le rez-de-chaussée de la salle 1 était peut être utilisé comme cuisine ou salle commune. La simplicité du modèle (logis bipartite) induit peut-être un usage multiple. La construction de l’enceinte seigneuriale succède de peu celle de la tour.
2.2 Le village
2.2.1 L'enceinte commune
Il s’agit d’une enceinte continue, non flanquée, et au tracé général courbe. Elle est formée de plusieurs pans de courtines rectilignes successifs. Les changements de direction sont marqués par des angles brisés convexes, laissés nus, sans renforcement défensif externe ou interne. Les fondations de ce mur homogène ont été trouvées sur le rocher, du moins pour la portion d’enceinte encore visible en élévation et dont la base n’est pas engloutie sous les décombres. Le socle rocheux n’a pas ou peu été préparé, il n’y a pas de traces apparentes d’arasements. Les assises du mur n’en sont pas moins régulières, elles s’adaptent au dénivellement sans décrochements.
L’enceinte est construite avec de gros moellons équarris, non dressés, posés de niveau. Le fait que ces moellons aient subi un simple équarrissement leur donne l’apparence de bossages rustiques continus sans liserés. Cet aspect est renforcé par le jeu d’ombre et de lumière. Seules deux ou trois pierres visibles ont été pourvues d’un véritable liseré (remploi ?). L’ensemble est relativement imposant (Fig. 11).
Comme les parties sommitales ont disparu, on ne dispose d’aucun élément permettant de connaître le mode de circulation le long de cette enceinte. Le chemin de ronde, s’il a existé, utilisait-il l’épaisseur de la courtine, sa protection se faisait-elle derrière un parapet crénelé ? A-t-on utilisé des poutres et un plancher pour faciliter la circulation (encorbellement intérieur du chemin de ronde) ? Il est possible que les deux solutions aient été combinées, l’épaisseur du mur seule (85 à 90 cm) ne permettant qu’une circulation limitée 15.
De même, aucun élément de défense externe ou sommitale ne peut être décelé. Seule une archère courte à ébrasement triangulaire (même type que celles du logis seigneurial), ménagée dans la portion sud-ouest de l’enceinte, a pu servir de poste de tir, cependant elle donne à l’intérieur sur les restes d’un habitat et d’autre part elle est l’unique exemple encore conservé (Fig. 12). Il semble qu’elle ait primitivement joué le rôle d’éclairage pour cette habitation, mais elle pu éventuellement être utilisé comme archère.
Si le tracé de l’enceinte villageois est parfaitement lisible, à partir de son point de départ, au niveau de l’angle nord-ouest de la résidence castrale, jusque dans son développement sud, la partie englobant le secteur sud-est est en revanche beaucoup plus difficile à appréhender, à cause des débris qui y sont accumulés, de la pente qui devient plus raide et de la végétation plus dense.
Le mur collectif s’ouvrait au sud-ouest par une porte simple, ménagée dans l’épaisseur de la courtine. Seul le vestige du trou du système de fermeture, présent dans un arrachement, atteste son existence. Elle ouvrait sur une rue montant vers le château, puis obliquant vers l’est (chapelle). De l’extérieur on arrive à cette porte par une rampe d’accès longeant le mur d’enceinte sur le côté gauche de l’ouverture. On y aperçoit quelques marches rampantes grossièrement taillées dans le rocher, très basses et espacées, destinées à adoucir la pente.
S’agissait-il d’une porte fortifiée ou s’appuyait-elle uniquement sur des éléments de défense passive ? Y avait-il d’autres ouvertures dans cette enceinte ? La réponse à ces questions ne pourrait être éclairée que si l’on effectuait des fouilles extrêmement lourdes, au vu de la quantité de matériaux qui encombrent les couches archéologiques.
Les vestiges de l’enceinte collective du castrum de Montoulieu sont, de peu, postérieurs à la construction du pôle castraI, sur lequel ils viennent s’appuyer en partie. L’emploi sporadique du bossage rustique à liseré et l’aspect général : rusticité, régularité, absence de flanquement, font penser à une construction de la charnière XIIe-XIIIe siècles (Fig. 13). La forme des archères ne permet pas une datation fiable, car leur utilisation se prolonge durant tout le XIIIe siècle.
2.2.2 Le village les habitations et l'urbanisation de l'espace
Directement après la porte d’entrée du castrum au sud-ouest, sur le côté gauche de la rue, se trouvent les vestiges d’une maison, de plan rectangulaire (7,20 x 4 m dans œuvre) conservée en partie en élévation sur trois de ses côtés (Fig. 14 et Fig. 15). Construite avec un appareil soigné, proche de celui employé pour la tour pierre de taille, assises régulières), elle possédait un étage planchéié, matérialisé par les décrochements (10 cm) visibles sur les parements internes et permettant d’accueillir le bord du plancher. Le rez-de-chaussée était séparé en deux par un mur de refend transversal. On note la présence de deux petites niches ménagées dans l’intérieur du mur nord-est. Le bâtiment s’ouvrait à l’étage, sur la face sud-ouest, par une petite baie dont l’allége et les montants ont été conservé (manque le couvrement linteau ou arc ?). Sur cette même façade, quatre gros trous disposés horizontalement au niveau de l’allége de la baie, suggèrent l’utilisation de poutres pour une terrasse à encorbellement extérieur.
Aucune autre trace n’étant visible sur les trois côtés conservés, l’entrée principale devait être percée soit dans la face sud-est disparue et donnait directement sur la rue, soit elle se situait à l’étage dans le petit côté nord-est. Cette habitation ressemble un peu au solarium, la maison à étage apparaissant dans le cas trum au début du XIIe siècle, mais en beaucoup plus modeste 16. Elle n’était pas accolée directement à la muraille. Les constructeurs ont laissé un petit passage (entre 1,80 m et 2,30 m de large) entre le parement intérieur de l’enceinte collective et le façade sud-ouest de la maison. La ruelle ainsi délimitée permettait d’accéder à un petit regroupement de deux, voire trois maisons. L’une d’elle déjà mentionnée accolée à l’enceinte s’ouvrait vers l’extérieur par une archère. Une autre de plan barlong avait un de ses petits côtés accolé au logis seigneurial et l’angle de l’autre attenant à la muraille. Nous voyons dans ce regroupement, le mieux conservé de tout le site, une sorte de quartier aéré le quartier ouest du village.
Sur le côté droit de la porte sud-ouest, l’enceinte ne se devine que sur quelques mètres, puis son tracé se brouille en raison des nombreux éboulis. La partie centrale du village, celle située au sud de l’ensemble castral et qui se développe à droite de la rue principale, n’a conservé que des vestiges de soutènements, des murs de mise en terrasses, formant une superposition anarchique de terre-pleins parallèles à la pente. En suivant la courbe de niveau partant de l’angle sud du château et en se dirigeant vers l’est (tracé présumé de la rue principale), on aboutit à la chapelle castrale, seul vestige parfaitement identifiable du réseau urbain dans cette partie du village.
Au-delà, vers l’est, la pente abrupte ne permet pas d’identifier avec certitude quelques habitations (deux ou trois maisons). La clôture de l’enceinte devait se faire à l’extrémité est du site (vestige d’une tour ?).
Quant à la partie rectiligne (ligne de crête) comprise entre la tour maîtresse et la tour est, elle n’a rien conservé de visible. Cette apparente nudité peut s’expliquer par la présence d’un abrupt très important sur le versant nord-est du site. Cependant la difficulté que représente ce handicap morphologique, seul, ne dissuaderait pas un éventuel assaillant. On imagine mal comment cette portion ait pu rester sans protection 17.
Le village se composait donc d’au moins 5 à 6 maisons, mais aux vues de l’espace intérieur et des aménagements effectués (terre-pleins) leur nombre peut âtre multiplié par trois (une quinzaine d’habitations). Ce chiffre assez faible peut s’expliquer par la nature du sol et sa dénivellation. Le système le plus simple est de construire les maisons parallèlement à la pente, d’où les nombreux vestiges de terre-pleins, qui sont probablement le résultat d’une mise à niveau du terrain afin d’y installer l’habitat. Si l’on se réfère à la maison située près de la porte du castrum, on est encore dans une datation se rapprochant des autres éléments mis en évidence : seconde moitié du XIIe siècle ou début du XIIIe siècle. D’autre part, l’aspect aéré du réseau d’habitats montre quel’on n’a pas manqué d’espace ou que la pression démographique n’a jamais été importante. Ce qui renforce l’idée d’une certaine spontanéité dans l’éclosion du castrum et un abandon rapide (aucun aménagement postérieur au XIVe siècle n’a été observé).
2.2.3 La chapelle castrale Notre-Dame
La chapelle est un petit édifice orienté, au plan simple (Fig. 16) : nef unique (7,05 m de long sur 5,17 m de large) prolongée par un court rappel de chœur (40 cm d’épaisseur pour 4,73 m de largeur) et par une abside semi-circulaire (4,32 m de diamètre). A l’extérieur le départ de l’abside est marqué par un petit décrochement de 21 cm sur les deux côtés (Fig. 17).
Les murs parementés et assisés font 80 cm d’épaisseur. Cette faible épaisseur et l’absence de contreforts suggèrent un couvrement par charpente. Dans son état actuel, aucune ouverture n’a été conservée. Cette chapelle était précédée à l’ouest par un petit bâtiment (5,50 x 5,10 m dans œuvre) légèrement postérieur à la construction de la chapelle. Il se greffe à elle sans liaison (sans chaînage), ses murs sont plus épais et créent ainsi un petit décalage dans l’alignement avec la chapelle, il pourrait s’agir d’un narthex ou d’une petite maison claustrale. Ouvert sur sa face ouest par une porte (vestige des montants : ébrasement extérieur : 25 cm d’épaisseur, ébrasement intérieur : 65 cm d’épaisseur), l’ensemble (chapelle + narthex) reste très modeste (18 x 7 m hors oeuvre), il semble bien que l’on ait affaire au type des chapelles castrales du XIIe siècle : simplicité du plan, dimensions réduites, pas ou peu de décor 18.
Dans un premier temps son usage a dû âtre réservé aux seigneurs seuls 19, puis elle fut progressivement ouverte aux habitants du castrum seigneurs et villageois y sont réunis en 1292). Il semble qu’elle soit devenue une sorte de symbole de l’unité du village. La dédicace à la Vierge Marie est assez fréquente pour les chapelles castrales du Bas-Languedoc : Aumelas, dans le Biterrois, Fozières, dans le Lodévois, Castelnau-le-Lez, Montarnaud, Pignan, Pégairolles-de-Buèges, ou Puéchabon pour le diocèse de Maguelone. Notre Dame de Montoulieu reçut un entretien jusqu’à la fin du XVe siècle. Au-delà de la période médiévale elle doit être abandonnée.
2.3 L'extension du village à l'ouest et au sud
Cette partie du village ne semble pas avoir été comprise dans une deuxième enceinte. C’est la plus importante du point de vue de la superficie, mais aussi la moins bien conservée. Ici encore, les difficultés pour identifier d’éventuelles habitations proviennent de la déclivité du sol et surtout de l’état et de la qualité des vestiges, pour la plupart réduits sous forme de tas de cailloux. De plus, l’opération de déboisement, récemment commandée par la mairie de Montoulieu, n’a pas permis un dégagement complet du site. La végétation encore présente complique la lecture des différents éléments. Toute cette zone sud, sud-ouest, semble avoir été aménagée en un réseau de terrasses, duquel il est malaisé de dégager les murs de soutènements des murs d’habitats 20. Un inventaire complet de toutes les formes et structures encore repérables serait trop fastidieux. Si l’on prenait en compte toutes les structures, de la plus simple et la plus petite (4×4 m) jusqu’à l’enchevêtrement de différentes pièces, leur nombre devrait largement dépasser la trentaine.
En l’absence de mentions textuelles, il est difficile d’attribuer systématiquement à toutes les structures constituant cet agrandissement du village la fonction d’habitat. Il semble bien que l’on soit face à des constructions diverses, dominées par les celliers, les greniers, et autres petits bâtiments ruraux à fonction agricole, et simples casals paysans 21.
Cependant, il devait également y avoir parmi ces constructions des bâtiments à fonction d’habitat. Une maison encore assez bien conservée en élévation se trouve à droite de la porte sud-ouest, à l’extérieur de l’enceinte collective. Non accolée à la muraille, elle a laissé un petit passage entre elle et l’enceinte (1,24 m de large). Son plan, ses dimensions et la présence de deux petites niches font que sa conception est presque identique à la maison située à l’intérieur du castrum (Fig. 18).
Une petite archère appartenant au même type déjà observé (ébrasement triangulaire, fente (courte) est percée dans un petit pan de mur encore debout, situé au sud. Elle ouvrait sur une petite pièce, elle même accolée à au moins deux autres bâtiments. Rien ne permet de dire s’il s’agit d’un élément de défense d’une éventuelle deuxième enceinte. Une majorité de ces constructions possédait un toit en dur, dont les fragments de tuiles, visibles un peu partout sur le site, sont les seuls vestiges, il semble que les bâtiments encore observables se sont établis dans un même mouvement constructif, sans rupture apparente avec l’habitat situé intra-muros, entre 1150 et 1250.
3. Contexte historique
3.1 Apparition du castrum dans les textes : première mention du château et du lieu de Montoulieu
Le château de Montoulieu entre dans l’Histoire en 1218. Il est cité dans le testament de Pons Pierre, seigneur de Ganges 22. Ce demier possède des biens qui sont situés in castro de Monteolivo. Il est difficile de savoir avec cette première occurrence s’il s’agit du château seul ou du village castral établi au pied de la tour et dont on n’a conservé que des ruines.
Le seigneur de Ganges peut avoir possédé une part de la seigneurie de Montoulieu, matérialisée par la détention de biens dans l’aire noble entourant directement la tour, ou bien par une portion des fortifications. Ce cas se retrouve par exemple à Gigean, Brissac ou Pignan, dans un contexte de co-seigneurie 23.
Cependant la formule employée est plus précise : « quod cumque habeo et habere debeo de everso de Gassilliaco usque in castrum de Monte Olyvo et quicquid habeo in ipso castro et inpertinentiis ejusdem castri ». Les biens possédés par Pons Pierre de Ganges ne se limitent donc pas au seul château. Et il ajoute : « et quicquid quod habeo et habere debeo in parochia Sancti Stephani de Monteolivo » : ses possessions débordent donc de l’espace castraI, relativement étroit, et sont éparpillées dans tout le territoire placé sous la juridiction dudit château. Si à travers ces indications on ne distingue pas clairement l’existence matérielle du village, on sait que le mot castrum désigne le plus souvent, au XIIIe siècle, le village fortifié issu de l’incastellamento, plus que le château lui -même 24.
Les biens que Pons Pierre possède au château / village de Montoulieu sont légués à sa femme Aigline. On ne trouvera plus jamais trace de la présence des seigneurs de Ganges après 1218 au castrum de Montoulieu, malgré tous les actes que ceux-ci ont laissés, notamment dans le Cartulaire de Maguelone. Ces possessions éphémères renvoient à l’idée d’un probable déclin du castrum dans le courant du XIIIe siècle. Cette intuition est renforcée par le silence de la documentation, car il faut attendre 1292 pour le voir réapparaître. Certains indices contenus dans l’accord passé entre les habitants et les seigneurs du lieu apportent les premiers éléments topographiques identifiables, situés in castro. La chapelle castrale y est ainsi mentionnée pour la première fois : « ad castrum de Monteolivo, ad requisitionem Hugone de Monteolivo predicti et congregata universitate hominum dicte parochia de Monteolivo … et presentibus dicto Hugone de Monteolivo et Bernardi Petri de Monteolivo, in ecclesia Beate Marie de Monteolivo… A ctum in castro de Monteolivo, in capella dicti castri de Monteolivo… » 25.
C’est cette chapelle dédiée à la Vierge Marie que l’on repère aisément aujourd’hui sur le site, par la forme de son abside semi-circulaire. Cette mention tardive ne doit pas oblitérer la possibilité d’une construction antérieure l’étude architecturale va dans ce sens (XIIe siècle). D’autre part il est spécifié que les seigneurs de Montoulieu sont des seigneurs pariers. Cette fonction renforce l’idée du château en tant que poste de surveillance et de commandement. Si le castrum est mentionné aux XIVe et XVe siècles, c’est uniquement comme lieu où sont apportés et probablement conservés les cens dus au seigneur du lieu. Aucune référence n’est faite au village, ni à un habitat connexe. Le château ne semble plus jouer qu’un rôle de grenier.
Au début du XIIIe siècle, le château existe et a probablement servi de point d’ancrage à un village, antérieur ou contemporain à la première mention du castrum. Son importance, sa taille sont inconnues, mais il est suffisamment attractif pour que le puissant seigneur de Ganges y ait un certain nombre de biens. De plus, il bénéficie d’un équipement religieux mentionné en 1292 (mais sans aucun doute antérieur à cette date) ce qui a pu lui permettre dans un premier temps de faciliter le regroupement des hommes à proximité du château. Grâce à l’analyse des vestiges, on constate que la polarisation de l’habitat est sans aucun doute contemporaine ou légèrement postérieure à l’aménagement du site fortifié.
Montoulieu, son château et sa paroisse surgissent brutalement dans la documentation sans lien apparent avec un peuplement antérieur. Comme nous ne possédons aucune mention d’une villa, d’une paroisse ou de toute autre appellation désignant une forme de peuplement, avant 1218, le castrum apparaît comme un site neuf, spontané. Cependant cette spontanéité est à nuancer, car on retrouve durant le XIIe siècle un certain nombre de personnages portant Montoulieu comme nom de famille. Cela peut laisser entrevoir une origine plus ancienne du site ou, plus prudemment, l’origine de la lignée châtelaine fondatrice du castrum.
3.2 La famille des Montoulieu :
Première approche et tentative de reconstitution d'une aire de sociabilité au XIIe siècle
Après le dépouillement des principaux cartulaires 26, ainsi que des pièces inédites 27, représentant une cinquantaine d’actes, se sont dégagés 8 représentants de la famille ou du moins 8 personnages associé au lignage des Montoulieu, pour l’ensemble du XIIe siècle, et presque autant pour les XIIIe-XIVe siècles 28.
Le premier personnage portant le patronyme de Montoulieu apparaît en 1119, soit un siècle avant la mention explicite du site castral de Montoulieu dans la documentation. Son origine sociale n’est pas précisée. Cependant le lien avec le terroir de Montoulieu est tout à fait envisageable 29.
Bérenger de Montoulieu est témoin dans un acte où Guilhem Assalit, sa femme et ses enfants restituent des biens à l’abbé d’Aniane 30. Pour réunir tous les membres de la famille Assalit, afin de ratifier cet acte, il est passé en quatre lieux différents : à Aniane, à Gignac, à Brissac et au Pouget. C’est dans cette dernière localité que se trouve Bérenger de Montoulieu. Le Pouget est relativement éloigné de la zone géographique directement en contact avec le site (à 45 km au sud-ouest de Montoulieu).
Bérenger, s’il s’agit bien du même, réapparaît en 1133 comme témoin lors de la donation du mas de Bougette (mansi de Bogeta) par Raymnondl d’Ancluze, chevalier, au monastère de Gellone 31. Le manse en question est identifié avec le mas actuel de Bougette situé au confluent de la Buèges et de l’Hérault, soit à environ 14 km au sud ouest de Montoulieu. Non seulement on se rapproche d’une probable zone d’influence de la famille de Montoulieu mais, de plus, Bérenger est accompagné, entres autres, d’un certain Bermond de Sauve, de même que de Bernard de Montdardier. Si l’on admet que Montoulieu faisait parti de la baronnie de Sauve au XIIIe siècle, des liens de vassalités entre les seigneurs de Sauve et les Montoulieu devaient exister bien avant. Cette présence commune pourrait faire remonter ces liens au début du XIIe siècle.
En 1124, Raymondl de Montoulieu assiste au serment de fidélité fait au seigneur de Montpellier, Guilhem VI, par Bérenger et Raymond Airra, par lequel ils s’engagent notamment à restituer leur château de la Roquette (castel de Rocheta) 32.
Parmi les témoins se trouve en premier lieu Bernard d’Anduze de la famille des Sauve – Anduze, accompagné entre autre par Raymnond de Montoulieu (un de ses vassaux ?). Le 13 novembre 1138, deux frères, Raymond, déjà cité, et Hugues de Montoulieu participent à la donation faite à l’abbé d’Aniane de trois manses, dont deux sont situés dans la paroisse de Saint-Martin-de-Londres et un dans la paroisse de Sumène 33.
Ils sont en compagnie de Bertrand de Sauve, probable représentant de la lignée seigneuriale de Sauve. Parmi les manses donnés, il y a celui des Plans (mansi de Planis), aujourd’hui disparu, mais identifié avec le lieu-dit les Plans, situé à proximité de l’église paroissiale de Saint-Martin-de-Londres en direction du château de Londres. Vers 1140, on apprend qu’un Guilhem de Montoulieu perçoit 10 sous melgoriens sur ce même manse 34. Ce Guillemn est un moine du monastère de Gellone bien qu’il ne soit pas explicitement mentionné comme tel ; il apparaît avec d’autres frères de sa communauté, avec qui il partage les revenus du dit manse. C’est jusqu’à présent le seul membre présumé de la lignée des Montoulieu dont l’origine sociale soit connue.
Pour le début du XIIe siècle, qu’apporte l’identification des personnages portant Montoulieu comme patronyme ? S’il y a de fortes probabilités pour qu’ils soient issus du terroir dont ils portent le nom, on ne peut pas écarter le fait qu’un de ces Montoulieu ait donné son nom au site castral postérieurement à son implantation et à sa sédentarisation définitive sur le terroir. Or voit bien que les Montoulieu n’apparaissent pas à proximité de la localité prétendue éponyme. Leurs interventions se développent dans un secteur assez vaste et relativement éloigné de leur zone d’influence potentielle, principalement sur le cours moyen de l’Hérault (Le Pouget, mas de Bougette) et dans la plaine de Londres. Curieusement ils n’apparaissent ni dans la région placée sous l’autorité des Anduze-Sauve, leurs présupposés seigneurs, bien qu’ils soient souvent en leur présence en tant que témoins, ni dans le diocèse de Nîmes 35.
3.2. 1. Les Montoulieu à Montpellier, une petite aristocratie qui recherche la protection
Au milieu du XIIe siècle des liens sociaux entre les Montoulieu et les Guilhem de Montpellier se font jour et permettent ainsi d’établir une première aire de sociabilité. Un autre Guilhem de Montoulieu est mentionné à la même époque. En 1139, il assiste avec, entres autres, Bernard d’Anduze, représentant de la lignée seigneuriale des Anduze-Sauve et Bernard Guilhem premier viguier historique de Montpellier, aux gages de soumission donnés par Hugues de Gignac au seigneur de Montpellier, Guilhem VI 36. Ce qui incite à penser que ce Guillem n’est pas le moine du manse des Plans est dicté par le fait que l’on va régulièrement le voir réapparaître dans la documentation, en tant que témoin dans des actes importants concernant les seigneurs de Montpellier.
Lors du serment de fidélité et reconnaissance fait par Guilhem Pierre et Bertrand Guilhem à Guillem d’Aumelas pour le château de Montarnaud en 1148-1149 37, puis en 1156-1157, il fait partie de la masse des témoins amenés par Guilhem VI pour ratifier le contrat de mariage de son fils Guilhem VII avec Mathilde de Bourgogne 38. Le lien, jusqu’ici à peine esquissé, astreignant les Montoulieu aux Guilhem, est clairement explicite par la présence de Guillem de Montoulieu en troisième position dans la liste des feudataires du seigneur de Montpellier (milieu du XIIe siècle) 39.
Au mois de juin 1171, Guillem de Montoulieu est témoin lorsque Bernard Pelet inféode à Gui Guerréjat, fils de Guilhem VI, le territoire de Substantion. C’est un acte politique important qui se place dans une querelle pour la succession du comté de Melgueil entre ledit Bernard, fils de Bernard Pelet, seigneur d’Alès, et sa mère la comtesse Béatrice de Melgueil 40.
Tous ces actes sont passes à Montpellier. Cela suggère soit une grande mobilité de la part de Guillem de Montoulieu, soit une présence plus ou moins prolongée dans la périphérie de Montpellier. En 1178, une controverse éclate entre Raymond Aimoin et Ricarde et Guilhem de Montoulieu son mari, au sujet de l’héritage de Plagos, petit fils du premier viguier de Montpellier, Bernard Guilhem 41. Dans ce même acte il est stipulé que la fille de Raymond Aimoin, nommée Aimoine, devra épouser Guillem de Montoulieu, fils de Ricarde et de Guilhem de Montoulieu, chacun des partis possédant apparemment une moitié des biens qui furent à Plagos. Aimoine apporte en dot à Guilhem de Montoulieu fils : l’honneur de Maurin, les tables du marché, les champs de Soriech et de Montaubrou 42. La mention de cette dot a son importance pour la suite. Si Raymond Aimoin est facilement identifiable comme étant le frère de Plagos, en revanche l’origine de Ricarde demeure inconnue, malgré le fait que ce soit elle qui soit mise en avant tout au long de l’acte. Le représentant de la famille de Montoulieu quant à lui est en retrait, il n’est là que parce qu’il est le mari de Ricarde. Toujours est-il que, par ce contrat de mariage, les problèmes liés à l’héritage de Plagos doivent être résolus (réunion des deux parties en une seule et succession à la tête de la viguerie).
En 1182 et 1190 Guilhem de Montoulieu fils, bien que présent, garde, en apparence, un rôle secondaire dans les actes concernant la viguerie de Montpellier 43. Or en 1197, c’est bien Guilhem de Montoulieu, qui vend une partie de ladite viguerie à Guilhem VIII, seigneur de Montpellier 44.
Par quelle circonstance exacte Guillemn de Montoulieu s’est-il retrouvé viguier de Montpellier ? Aucun texte ne nous le laisse comprendre. Il est envisageable que ce soit par le jeu des alliances et à la suite de fortuites successions patrimoniales. Mais, peut-être que les héritages contractés par les Montoulieu ne sont pas aussi imprévus que cela. En effet est-ce le fruit du hasard si le frère de Guilhem de Montoulieu, Bernard Pierre de Montoulieu, vend lui aussi sa part de la viguerie de Montpellier à Guillaume d’Autignac, évêque de Maguelone, le 31 janvier 1205 ? 45 Probablement pas. Bernard Pierre est déjà mentionné en 1197, comme frère de Guillemn de Montoulieu dans la première vente. La somme apportée par le seigneur de Montpellier n’était que de 1.500 sous melgoriens, ce qui semble peu en comparaison de ce que les derniers héritiers de Raymond Aimoin reçoivent, soit plus de 11.000 sous melgoriens. Si le prix de la vente de 1205 n’est pas mentionné, en revanche, on constate que la partition de la ville de Montpellier en deux juridictions distinctes se retrouve aussi pour la viguerie, scindée selon le même découpage, l’une, laïque, est dévolue entièrement aux Guilhem, l’autre, épiscopale, se cantonne dans la partie appelée Montpellièret, le petit Montpellier, juridiction pour laquelle le seigneur de Montpellier sera toujours tenu de rendre hommage à l’évêque de Maguelonne.
Ces actes de la deuxième moitié du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle nous renseignent sur deux points. En premier lieu, les Montoulieu, après avoir gravité dans l’aire des Guilhem 46, se sont hissés socialement jusqu’à la plus haute dignité montpelliéraine : la fonction de viguier 47. Parvenus par le jeu des alliances à un degré de puissance qu’ils n’auront plus jamais, les Montoulieu de Montpellier semblent disparaître. Leur apogée se situe dans les années 1180-1200. Pour cette période, trois membres sont parfaitement identifiés Guilhem de Montoulieu père et ses deux fils Guilhem et Bernard Pierre. Si une branche des Montoulieu est facilement repérable à Montpellier à cette époque, leur lien avec le site castral n’est jamais mis en évidence. D’autre part aucun de ces personnages n’est appelé domini castri. Leur appartenance à l’aristocratie locale n’est induite que par leur présence en tant que témoins pour des actes relativement importants, en compagnie d’autres nobles avérés et par leur statut de viguier.
3.2.2 Les Montoulieu de Londres
Parallèlement au Guilhem de Montoulieu, témoin d’actes en faveur des seigneurs de Montpellier dans les années 1140-1150, on trouve un Guilhem Rostang de Montoulieu, en 1156, présent aux côtés d’un certain nombre de personnages nobles, issus de la proche région du château de Montoulieu : G. de Moules(Moulés-et-Baucels, canton de Ganges à 5 km au nord-ouest de Montoulieu), G. de Londres, chevalier (miles), Guilhem de Brissac (castrum situe à 10 km au sud-ouest de Montoulieu), Bérenger de Cézas, Guilhem de Cézas (localité située à 4 km au nord de Montoulieu), Foulque de Laroque (castrum de Roca, situe à 5 km à l’ouest de Montoulieu) et Emon de Megens (mas de la commune de Sumène, à 8 km au nord-ouest de Montoulieu). Ils sont réunis en tant que signataires pour la permutation du mas des Plans (paroisse de Saint-Martin-de-Londres), déjà cité en 1138 et 1140, faite entre la femme de Raymond de Laroque et l’abbé de Gellone. En échange du mas l’abbé de Gellone reçoit de la part de Guillelme et Raymond de Laroque 48 tout l’honneur qu’ils ont sur le terroir du château de Laroque en contrepartie de 40 sous melgoriens. La juridiction du château de Laroque est limitrophe de celle du château de Montoulieu.
Nous sommes pour la première fois dans un cadre géographique restreint qui incite à penser que ce Guillem Rostang est issu du terroir de Montoulieu. Cependant ici encore rien ne permet d’affirmer que l’on ait affaire à une lignée castrale, même si la multiplication de personnes utilisant le toponyme castral se fait ressentir dans la périphérie de Montoulieu. On pourrait également placer cet acte parmi tous ceux concernant le mas des Plans auquel les Montoulieu semblent attachés au milieu du XIIe siècle. La présence de Guilhem Rostang s’expliquerait alors par un attachement patrimonial audit mas et non par une proximité avec la famille de Laroque. Toutefois les deux possibilités peuvent se combiner : Guilhem Rostang habite le terroir de Montoulieu, près du château et de la famille de Laroque, avec qui il entretient des relations, notamment à cause de leurs possessions communes dans le terroir de Londres.
Guilhem Rostang est mentionné deux ans plus tard, toujours dans l’environnement de Raymond de Laroque. Les mêmes personnages à quelques détails près se retrouvent pour se mettre d’accord avec l’abbé d’Aniane au sujet d’une rente perçue par ce dernier sur le manse de Capraricia (tènemnent de la commune d’Aniane) 49. Guilhem Rostang est témoin ; c’est la dernière fois qu’il apparaîtra dans la documentation.
Au XIIe siècle, les Montoulieu sont présents dans la plaine de Londres. Par trois fois ils sont, soit témoins, soit bénéficiaires du manse des Plans entre 1138 et 1156. Cette présence peut remonter plus loin : en 1124 lorsque Raymond de Montoulieu assiste au serment de fidélité des frères Airra, il se trouve témoin avec entre autres Bérard de Londres. En 1197, une sentence est prononcée par Rostand d’Assas et Guilhem VIII de Montpellier en faveur de Raymond de Melgueil et Raymond Airra au sujet du château de la Roquette : Guilhem de Montoulieu, père et fils (viguier de Montpellier), sont présents 50. Cette présence est-elle due au statut des Montoulieu à Montpellier et à leur relation avec le seigneur de ladite ville ou bien y a-t-il un attachement particulier qui les lie aux Airra et à leur château de la Roquette ? Seuls ces deux textes, éloignés dans le temps ne nous permettent pas de répondre. Un éclairage sur la supposée lignée des Montoulieu de Londres est apporté par la documentation au début du XIIIe siècle. Le 28 août 1225, Jean de Montlaur, prévôt de Maguelonne, reconnaît à l’évêque Bernard de Mèze toutes ses possessions situées dans les paroisses Saint-André de Maurin et Saint-Jean de Cocon. Dans le même acte le prévôt rend hommage à l’évêque pour la quatrième partie du château de Londres (actuellement commune du Mas-de-Londres). On apprend alors que Jean de Montlaur a acquis ces biens de Bernard Pierre de Montoulieu 51.
Ce Bernard Pierre est sans aucun doute le frère de Guilhem de Montoulieu, puisque parmi les biens reconnus par le prévôt se trouvent ceux qu’Aimoine, fille de Raymond Aimoin, avait apportés en dot à Guilhem de Montoulieu en 1178. Déjà en 1205, lors de la vente de la viguerie de Montpellièret à l’évêque de Maguelone, Bernard Pierre est dit chevalier. En 1211, il est témoin d’un accord passé entre ledit évêque de Maguelone, Guillaume d’Autignac, avec qui il a déjà eu affaire, et Pons Pierre de Ganges, puissant seigneur de la ville de Ganges (tout près de Montoulieu). Il est également dit chevalier 52. En 1227, Bernard Pierre de Montoulieu est associé au seigneur de Puéchabon avec lequel il fait reconnaissance de biens, tenus de l’abbé de Gellone et sis dans la paroisse de Saint-Jean-de-Fos 53.
Bernard Pierre est le premier Montoulieu à avoir un titre nobiliaire qui permet d’identifier sa condition sociale : il est chevalier (depuis au moins 1205). De plus il est coseigneur du château de Londres. Même s’il semble qu’en 1225 la possession de la quatrième partie dudit château ne soit plus entre les mains des Montoulieu, il s’agit de la première mention d’un fief clairement attaché à la famille. Cette présence, apparemment tardive dans la plaine de Londres, éclaire peut-être un peu mieux les documents du XIIe siècle et les liens que les Montoulieu ont pu entretenir avec les châtelains de la Roquette 54, sans toutefois apporter de renseignements sur l’origine géographique des Montoulieu. Il faut attendre 1289 pour revoir un autre Bernard Pierre de Montoulieu, lui aussi coseigneur du château de Londres 55. Cependant cette mention est des plus douteuses, puisque en 1225 il semble bien que la part de seigneurie dévolue aux Montoulieu dans le castrum de Londres soit en possession du prévôt de Maguelonne.
Cette disparition d’une soixantaine d’années que laisse apparaître une documentation lacunaire n’est pas un cas unique. En effet, vers 1435-1438, un autre représentant de la lignée des Montoulieu apparaît dans la région de Londres et lui aussi porte le même nom que ses ancêtres Bernard Pierre. Il est dit coseigneur des châteaux de Londres, de Notre-Dame-de-Londres et de Viols-le-Fort 56. Il semble que la branche des Montoulieu de Londres se transmette le patronyme de Bernard Pierre depuis le XIIIe siècle. On peut suivre cette lignée durant tout le XVe siècle et jusqu’au début du XVIe siècle, grâce à un grand nombre de reconnaissances qui leur sont dues en tant que coseigneur des lieux précités. Leurs biens se concentrent dans la vaste plaine de Londres entre Notre-Damne-de-Londres au nord, le château de Londres au sud et jusque sur le causse de Viols à l’ouest. En 1469, c’est Bertrand de Montoulieu, héritier de Bernard Pierre, qui est coseigneur du château de Londres 57 et, en 1500, c’est Jacques Pierre de Montoulieu son fils.
Vers la fin du XVe siècle, les Montoulieu habitent le château de Pous, et ajoutent à leur titre celui de seigneur du Pous. En fait il s’agit d’une vaste maison noble située en la paroisse Notre-Dame-de-Londres, près de la rivière Tourguille, et non loin du col de la Cardonille, donnant au nord sur Saint-Bauzille-de-Putois. Entre le XIIIe siècle et le XVe siècle, une branche des Montoulieu s’est donc développée dans la plaine de Londres.
Nous l’avons librement appelée les Montoulieu de Londres, bien qu’issue des derniers viguiers de Montpellier. L’origine et les droits qu’ils détenaient au château de Londres demeurent inconnus, mais doivent probablement remonter à une date antérieure, dans le courant du XIIe siècle. Si cette branche est parfaitement identifiable d’un point de vue social et géographique, elle n’est pas très éloignée des détenteurs du château de Montoulieu.
3.2.3 Les Montoulieu de Montoulieu
Les premiers seigneurs du château de Montoulieu identifiés comme tels n’apparaissent que dans les années 1259-1261, soit près de 40 ans après la mention du château. Il s’agit de Bérenger de Montoulieu et de ses fils, Raymond et Atbert 58. Le testament de Bérenger est passé en 1261 à Montoulieu même (premier acte connu passe dans la paroisse). Parmi les legs pieux on note des dons aux églises Saint Etienne de Montoulieu et Saint-Saturnin de Pompignan, à l’église Notre-Dame de Nîmes et à l’église d’Alès. Il en ressort que les Montoulieu de Montoulieu sont plus orientés d’un point de vue religieux (et donc politique) vers le diocèse de Nîmes que la branche montpelliéraine 59.
Ce n’est qu’en 1292, lors de l’accord passé entre les habitants et les seigneurs de Montoulieu au sujet du ban, que l’on prend connaissance de deux nouveaux noms : Hugues et Bernard Pierre de Montoulieu 60. Ils sont mentionnés parmi les cinq coseigneurs du château de Montoulieu, les autres étant : Bérenger de Sauzet, du mas de Sauzet, damoiseau de Saint-Bauzille-de-Putois, Frédol de Laroque, coseigneur du château de Laroque et Guilhem de Teulet, du manse de Teulet, paroisse de Montoulieu. Ces seigneurs ont une fonction particulière ils sont seigneurs pariers. Cette division de l’autorité seigneuriale semble remonter dans le temps, avant cette première mention. Dans un petit texte de reconnaissance 61, daté du 18 mai 1247, un Pons de Montoulieu est aussi qualifié de parier. Il est cité comme possesseur de terres dans la paroisse de Saint-Hippolyte en compagnie de deux autres nobles : Hugues et Tiburge de Rocheforcade 62. L’exemple le plus connu d’une coseigneurie détenue par des pariers est sans doute celui de La Garde-Guérin en Lozère, dont la fondation est entérinée par un acte date de 1207 63. Le partage consiste comme son nom l’indique en un partage de la seigneurie, entre laïques ou bien entre clercs et laïques. L’essentiel du contrat repose sur l’administration et les revenus des péages. En effet ce type de coseigneurie se retrouve à proximité des voies de communication importantes, les fonctions des chevaliers-pariers étant d’assurer la sécurité sur les routes traversant leurs domaines. De ce rôle de police ils perçoivent des taxes et des droits de péages.
En 1292, les Montoulieu partagent le pouvoir avec un autre seigneur châtelain, leur voisin Frédol de Laroque, mais également avec deux petits seigneurs issus de l’aristocratie locale, qui habitent des manses.
On retrouve Hugues de Montoulieu en novembre 1299 64. Il possède de vastes terres sises dans la paroisse de Montoulieu. Elles sont mentionnées comme confronts de manière régulière entre 1299 et 1316 65. Bernard Pierre de Montoulieu rend hommage à l’évêque de Maguelone le 6 décembre 1299 pour son mas de Bvieures, paroisse de Brissac 66.
Le 27 novembre 1500, Jacques Pierre de Montoulieu, coseigneur du château de Londres, vend à Barthélemy Geoffroi, seigneur de Bouzigues, la justice haute, moyenne et basse du lieu de Notre-Dame du Suc alias de Benvieures, avec la seigneurie et tous les autres droits appartenant audit mas 67. Cette incroyable continuité entre les biens détenus par Bernard Pierre de Montoulieu à la fin du XIIIe siècle et ceux vendus par le représentant des Montoulieu de Londres au début du XVIe siècle montre que des liens étroits ente les deux branches ont existé durant cette longue période.
En juillet 1302, l’évêque de Maguelone somme Bernard Pierre de Montoulieu de le suivre avec hommes et chevaux armes 68. L’évêque fait ici valoir ses droits en tant que baron de Sauve sur un de ses vassaux. Le rang et surtout les revenus financiers de Bernard Pierre devaient être suffisamment élevés pour lui permettre de s’armer et de disposer d’un équipement digne de son statut de chevalier.
Hugues de Montoulieu réapparaît le 14 février 1304, parmi les nobles de Sauve lors de l’hommage rendu à l’évêque de Maguelone par les habitants de cette ville 69. Hugues est un grand propriétaire foncier à Montoulieu, il perçoit cens et taxes sur ce terroir mais habite à Sauve. On perd la trace des deux frères au début du XIVe siècle. Le dernier représentant des Montoulieu, présent dans la paroisse Saint-Etienne, est Arnaud, mentionné pour la première fois le 9 octobre 1324 70. On le retrouve en 1325 dans la liste des nobles de la Baronnie de Sauve 71 : il est dit damoiseau. Il a visiblement hérité des biens qu’Hugues de Montoulieu possédait dans la paroisse. En 1326, il reçoit les cens annuels qui lui sont dûs au château de Montoulieu 72.
Vers 1336, il épouse Marie de Ginestoux, fille de Frédol de Ginestoux, coseigneur des châteaux de Montdardier et de Madières 73. Entre 1325 et 1355, Arnaud de Montoulieu recevra un certain nombre de reconnaissances de la part des tenanciers de divers manses situes essentiellement sur le territoire de Montoulieu. Parallèlement au représentant des Montoulieu, un membre de la famille de Sauzet reçoit régulièrement, de la fin du XIIIe siècle jusqu’au milieu du XIVe siècle, des cens sur les terres dépendant du mas de la Devèze, paroisse de Saint-Etienne. Le système de coseigneurie semble perdurer, même s’il n’est pas clairement mentionné. Les Teulet et leur manse disparaissent de la documentation. Quant aux Laroque leurs possessions semblent minimes à Montoulieu même 74.
Arnaud de Montoulieu meurt entre 1355 et 1365. Son héritage passe alors à son beau-frère, Raymond de Ginestoux, coseigneur de Montdardier. Ce dernier donne à son frère Bérard de Ginestoux tous les biens qu’il avait reçus d’Arnaud de Montoulieu, pour des services qu’il lui avait rendus 75. Depuis lors, les Ginestoux resteront seigneurs de Montoulieu jusqu’à la Révolution 76.
L’origine des Montoulieu se situe dans le temps probablement à la charnière des XIe-XIIe siècles, sans que le lieu matriciel dont ils sont issus soit explicite. Il peut, dés cette époque, s’agir du site castral de Montoulieu, mais une origine extérieure n’est pas à exclure. Les liens que les membres de la famille entretiennent avec d’autres nobles de la région, les Guilhem de Montpellier, les Airra de Londres, pourraient inciter à le penser. Les rapports de vassalité supposés entre les Montoulieu et leurs suzerains, les Bermond de Sauve, ne sont que sous-entendus 77. L’apogée du lignage se situe dans les années 1180-1225 (viguier de Montpellier, coseigneur de Londres). Par la suite, la famille se maintient jusqu’au milieu du XIVe siècle. La branche aînée disparaît au moment où meurt Arnaud de Montoulieu, celle des Montoulieu de Londres se perpétuera jusqu’au début du XVIe siècle.
4. Habitat et dispersion dans la vallée de l'Alzon
Outre le castrum dont on peut situer la création dans le courant du XIIe siècle, le paysage bâti dans la vallée de l’Alzon reste très rural. II se compose de manses 78 isolés les uns des autres, créant ainsi un réseau d’habitat assez aéré et favorisant une certaine souplesse pour le peuplement. Il a pu exister sur le territoire de Montoulieu et de Saint-Bauzille-de-Putois d’autres formes tenures (appendaria) ayant échappé à la documentation. Hameau, écart, manse : ce vocabulaire renvoie quoi qu’il en soit à la dispersion.
4.1. Origine de la dispersion
Aujourd’hui, l’habitat dispersé domine tout le territoire communal de Montoulieu (Fig. 19).
Au Moyen Âge (XIe-XVe siècles), on compte 12 manses, attestés comme tels dans les textes, répartis le long de la vallée de l’Alzon et sur les flancs des premières collines, entre Saint-Bauzille-de-Putois et Montoulieu. En fait ce chiffre est largement inférieur à la réalité. Rien que sur la commune de Montoulieu, 8 des mas existants encore aujourd’hui sont d’origine médiévale :
— La Vieille : Guilelmo et Petrus de Villa habitatores parrochia de Monteolivo, 17 janvier 1263, (Archives de Doscares, vol. 38 pièce n° 9), Petrus heredes Raymundus de Villa, 1345, (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°33).
— La Dévéze : Guilielmus de Devesa, 1er juin 1292 (c. Mag. t. III, p. 479, n° DCCCXLI), Guillaume de la Devéze, 1er mars 1316, (Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82), Stephani de Deveza filius Guillelmus de Deveza, 1341 (Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82).
— La Bruyère : Petrus de Brugueriis, 12 mai 1344 (A-DG, 2 E 64/122, f° 10v°).
— Mas Dominique : Bernardus Dominici, 1er juin 1292 (c. Mag. t. III, p. 479, n° DCCCXLI), Molendinum Domonici, 1326, (Archives de Doscares, vol. 38 ; pièce n° 45), Guillelmi Dominici, 1355, (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°32).
— Pradines : Petrus de Pradinis, 1er juin 1292 (c. Mag. t. III, p. 479, n° DCCCXLI), 1345, (ADG, 2 E 64/122, f° XXXIII), Bernardi de Pradinis, 1462 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°31).
— Escallières : Poncia de Escalleris, 2 décembre 1279 (c. Mag. t. III, p. 271, n° DCCLX), Joannes Azalberti de Escaileris, parrochia Sancti Stephani de Monte Olivo, 28 mai 1289, (ADH, G 1642).
— La Perche : Stephani de la Peiga, 1355 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce 11°32), Stephani de Pergia, 1394, (ADH, 71 EDT ii 143).
— Valgrand : Valloto de Vallegran, 1355 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°32), Valgrand, 1497, (Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82).
D’autres ont disparu :
— Bernis : Casal de Bernis, Raymondus de Bernisio, 1326 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°45), Ponti de Ulmo alias de Bernicio, Pontii de Bernicio alias de Ulmo, 1344, 1345, 1355 (ADG : 2 E 64/122, f° 2v° et 3r°, 2 E 64/122, f° XXIX, 2 E 64/122, f° XXXIX, Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°32), Petri de Bernicio, via qua itur de Mont de la Moja versus mansum de Bernicio, 1410 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°32).
— Sigalas : Bernardo de Sigalas, 17 janvier 1263 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°9), novembre 1299 (Archives de Doscares, vol. 74, pièce n°48), Petrus de Segalassio, 1355 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°32), 1424, 1497,1498 et 1500 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n° 9).
— Bastide : Stephano de Bastidis, 17 janvier 1263 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°9), Petrus de Bastidis, 1344, 1345, 1355 (AD G, 2 E 64/122, f° 10v°, 2 E 64/122, f° XXXIX, Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°32).
— Teulet : Manso de Teuleto, octobre 1261 (ADH, G 1126, f°47, n°1119), Alazacie de Teuleto uxor Guillelmi de Teuleto et Guillemus filius ejus habitatores de Monteolivo, 17 janvier 1263, (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°9), Guillelmi de Teuleto, Guilhelmus de Teuleto, 1323, 1326 (ADG, 2 E 64/200, f° LIX, Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°45).
— Solier : Guillelmus de Solerio, 1355 (Archives de Doscares, vol. 38, pièce n° 33), 1497 (Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82).
— Rey : Mas del Rey, 1336 (Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82),1 424 (Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82), 1er janvier 1497 (Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82).
Ces mentions portent à 16 le nombre de manses ou habitats isolés sur le seul territoire de Montoulieu. En 1292, sur les 21 chefs de familles représentant l’ensemble de la communauté de Montoulieu, 13 sont originaires d’un manse. Si dans cette localité la présence de manses n’est textuellement pas antérieure au milieu du XIIIe siècle, en revanche, dans la paroisse voisine de Saint-Bauzille la dispersion de l’habitat semble remonter à l’époque carolingienne. La villa de Vulpillaco est mentionnée vers 1070 79. Elle est située à la limite de la viguerie d’Agonès avec le territoire de Montoulieu, aux bords de l’Alzon 80. Au XIIIe siècle ce n’est plus qu’un manse 81. Saint-Bauzille-de-Putois est une villa en 999 82. On trouve, à la même époque, outre ces deux villae, une villa située entre Brissac et Saint-B auzille 83.
D’autre part, un réseau de villae plus ou moins dense couvre la quasi totalité du diocèse de Nîmes 84. Aux Xe-XIe siècles la viguerie de Sauve est constituée d’un habitat en villae et en manses 85.
On imagine mal comment et pourquoi l’émergence des premiers manses aurait pu se limiter à un point précis de la vallée de l’Alzon ou au seul territoire de Saint-Bauzille. Si l’importance du semi carolingien et les mises en valeur des Xe-XIe siècles restent délicates à aborder par le seul angle des mentions textuelles, le territoire de Montoulieu n’en est pas pour autant reste vierge de peuplement : un réseau d’habitat. pré-castral s’y est mis en place avant le XIIe siècle, c’est-à-dire bien avant l’apparition du castrum.
Il convient à présent de tempérer l’apparente suprématie de l’habitat dispersé dans la vallée de l’Alzon. La mention villa est déjà le signe d’une première tendance au groupement humain. Cependant il semble bien que l’habitat dans la vallée de l’Alzon soit plus situé in terminium villae, que in ipsa villa, ce qui induit une certaine dispersion 86. Excepté dans la commune de Saint-Bauzille-de-Putois, qui, elle, a connu, parallèlement à cette forme, un regroupement villageois organisé autour de son église paroissiale. On parle communément de village ecclésial pour qualifier ce type d’habitat concentré 87.
Cet exemple montre que l’habitat multicellulaire n’est pas un mode de peuplement totalement immuable, et qu’il peut s’adapter à la création d’un centre de peuplement attractif. Si une nouvelle distribution s’est faite autour du pôle ecclésial, cela n’a pas pour autant modifié l’ancienne. Comme à Montoulieu, les manses présents avant le processus de polarisation n’ont pas tous périclité. La différence majeure entre les deux communes c’est qu’une seule d’entre elle a connu une forme d’habitat regroupé durable.
C’est pour cette raison, que l’opposition entre dispersion et regroupement n’apparaît pas comme évidente dans la vallée de l’Alzon. La notion de dispersion est tout à fait relative, elle ne se distingue en premier lieu du village, habitat groupé autour d’un pôle structurant, que parce qu’elle semble être son contraire absolu. La dispersion se mesure à échelles différentes, selon le contexte de peuplement. Elle apparaît comme une anomalie dans un réseau castral dense, et là où elle domine, c’est le castrum qui rompt la normalité 88. Dans quel schéma se situe Montoulieu ?
Aux confins de la partie occidentale du Salavès, il semble que ce soit l’habitat dispersé qui ait prévalu (Moulés-et-Baucels, Conqueyrac, la Cadière, Cambo, Saint-Hippolyte). Si une polarisation de l’habitat autour de l’église a existé, elle a été de faible ampleur ou s’est effectuée de manière tardive, après un désenchâtellement (Pompignan, Saint-Hippolyte). Dans le contexte de la frange nord-est du comté de Melgueil, le constat est presque identique, même si des castra ont réussi à maintenir leur cohésion et à polariser durablement l’habitat au delà du XIIe siècle (Ganges, Brissac, Laroque). Si l’on se place à l’échelle du comté, plaine et relief confondus, il n’y a pas une villa, pas une paroisse qui ne connaissent la dispersion. Dans la zone de relief du piémont cévenol, la transformation progressive de l’habitat dispersé en structures regroupées ne se fait pas dans la continuité, il y a des ruptures et la concentration de la population en village (ecclésial ou castral) n’est nulle part absolue 89. Si à peu de distance, une zone composée d’un semi mixte (habitat groupé et habitat dispersé) a cohabité avec une zone où seul l’habitat dispersé s’est perpétué, c’est donc que l’échec du modèle villageois castral, ou plutôt sa non adoption, résulte d’une volonté, d’un choix, d’une tradition, d’une résistance 90. Ces choix et les circonstances du désenchâtellement sont indissociables de facteurs économiques difficiles à cerner.
Aline Durand a mis en évidence les relations et le rôle que jouent le contexte géographique et la forme du peuplement, dans la culture de l’avoine. Elle est produite dans les zones de reliefs compartimentés (Larzac), ou dans la zone tabulaire des Garrigues, comme dans la plaine sédimentaire de Saint-Martin-de-Londres, dans les vallées encaissées de la Buèges, de la Virenque, et de l’Hérault. L’avoine est quasiment absente des plaines biterroise et montpelliéraine. De manière générale il se trouve en liaison avec le manse, et toutes les zones qui ont vu cette forme d’habitat perdurer au-delà du XIIe siècle et où la tentative de polarisation autour du castrum a échoué 91.
A Montoulieu, toutes les redevances (cens annuel) sont dues exclusivement en setiers d’avoine. Cela n’implique pas forcément une monoculture extensive, car la vigne et l’olivier sont également cultivés. L’élevage doit prendre une grande part dans la vie agricole. Au XIVe siècle, le patus commun est mentionné comme confront. D’autre part en 1292, une des raisons qui poussent les seigneurs de Montoulieu à réunir la population est visiblement induite par le problème de droit de pâturage 92.
Les villageois disposaient d’au moins deux outils de transformation : deux moulins. Un, banal, était en la possession du seigneur de Montoulieu 93, l’autre, le moulin Dominique, était privé 94.
La seigneurie banale locale se montre relativement faible face au groupe des paysans, bien structurés et jouissant d’une certaine autonomie 95. Cette impression d’indépendance vis-à-vis du pouvoir seigneurial trouve son explication aux origines du peuplement. Il est plus difficile d’imposer l’ordre féodal, dans un pays où les manses dominent tout depuis longtemps et où ils sont, en fin de compte, les seuls à pouvoir gérer durablement l’espace qui les entoure. La petite aristocratie locale ne parvient pas à dessiner et à imposer de nouvelles structures qui, ailleurs, en plaine, dominent la vie sociale et économique. Même si un rapport d’autorité a existé, les seigneurs ont pu tout aussi favoriser le maintien de la forme d’habitat multicellulaire, à partir du moment où ils gardent le contrôle sur les biens et les produits fournis par les exploitations agricoles. Le maintien d’une économie basée sur l’exploitation des tenures par des paysans habitants des manses leur a sans doute paru plus avantageux ou juste nécessaire pour maintenir un niveau de croissance suffisant à leurs revenus, sans que leur soit venue l’idée de lotir de force leurs tenanciers dans une structure neuve : le castrum. D’autre part, les sursauts démographiques sont plus facilement absorbés dans un espace ouvert, fractionné et sécable que dans une structure fermée et rigide. Dans ce cas de figure ils n’ont donc pas eu besoin de favoriser le regroupement de l’habitat.
Les seigneurs pariers de Montoulieu ont dû combiner les deux attitudes : issus de la petite aristocratie, les privilèges qu’ils ont sur le terroir et les manses de la vallée leur suffisent pour subvenir à leurs besoins, d’autre part ils ont d’autres revenus sous la forme de taxes de péages 96. L’avantage qu’ils pourraient tirer du regroupement villageois ne leur apparaît pas comme une priorité, au vue des investissements qu’il faut accomplir en amont. Cependant, ils ont pu tenter l’expérience. A ce moment là, ils se sont peut être heurtés à la résistance du semi paysan. Pour la vallée de l’Alzon, il ne semble pas que l’Eglise ou les ordres religieux aient joué un rôle dans l’organisation de l’espace et la mise en place de la trame villageoise, comme cela a pu être observé par Laurent Schneider dans la moyenne vallée de l’Hérault et parmi les possessions des abbayes d’Aniane et de Saint-Guilhem 97. L’implantation ecclésiastique aurait pu influencer un ralentissement de la multiplication des fortifications, cependant ni l’abbaye de Sauve, ni le chapitre de Nîmes n’ont laissé les témoignages d’une présence à Montoulieu.
Dans cette tentative de reconstitution du processus d’encellulement avorté, la présence du réseau d’habitat dispersé pré-castral n’est qu’un facteur aggravant. Les causes sont multiples et il est difficile de toutes les appréhender.
4.2. L'église et la paroisse Saint-Etienne
4.2.1 Toponymie, hagiotoponymie et Histoire
La paroisse et l’église Saint-Etienne n’apparaissent dans les textes qu’au début du XIIIe siècle. L’identification de la paroisse se fait par l’hagiotoponyme Saint Etienne, patron de l’église du lieu et par l’adjonction du nom du site castral : Montoulieu 98. L’édifice cultuel proprement dit n’est cité pour la première fois qu’en 1261 sous le vocable de Saint-Etienne de Robiac 99.
L’hagiotoponyme Saint-Etienne fait référence à un saint martyr lapidé à Jérusalem vers l’an 32 de notre ère. Historiquement, Etienne est le premier martyr chrétien, d’où l’ancienneté de son culte. Cependant il ne faut pas voir en cette dédicace de l’église de Montoulieu une précocité qui la ferait remonter aux époques de la christianisation des campagnes gauloises et à l’apparition des premiers édifices paléochrétiens. Comme le souligne Monique Bourin, pour les plaines de l’Orb et de l’Hérault « à quelques exceptions près, d’une précocité anormales, l’apparition des hagiotoponymes se fait lentement, entre la fin du XIe siècle et le XIIIe siècle 100 ».Cela vaut pour les macro hagiotoponymes ; pour les micro-hagiotoponymes et les dédicaces comme ici saint Etienne, il semble bien que les textes retardent leur introduction, alors qu’ils sont probablement employés dès avant le XIe siècle. Ont pourrait donc avoir affaire à une église antérieure à l’an Mil, qui n’aurait pas laissé de traces textuelles.
L’hagiotoponymie nous laisse dans l’expectative et montre ici ses limites. Toutefois, le vocable de Saint-Etienne n’apparaît pas seul, il est associé à un autre toponyme Robiac Nous avons donc affaire à une église dédiée à Saint Etienne, éponyme de la paroisse, mais de Robiac. Ce type d’association se retrouve assez fréquemment dans la région de Ganges-Sauve, de même que la dédicace à saint Etienne : Saint-Etienne de Gabriac, d’Issensac (canton de Saint-Martin-de-Londres), de Corconne, de Bragassargues (canton de Quissac), de Domessargues, de Tornac, …
Rohiac est sans aucun doute le nom primitif du lieu sur lequel est venue s’implanter l’église et désigne soit un lieudit non habité, soit un lieu habité 101. Il a été conservé dans la mémoire collective, puisqu’il apparaît ultérieurement au nom de la paroisse, à laquelle il est associé assez couramment durant les XIVe et XVe siècles. On le retrouve à cette période en alternance avec Montoulieu (parochia Sancti Stephani de Robiaco, rive / alias de Monteolivo). Il est à noter que lorsque Robiac est cité, il n’est que très rarement employé seul avec l’hagionyme, il est presque systématiquement suivi par le toponyme castraL En revanche lorsque la paroisse est désignée par -de Montoulieu, elle ne s’encombre pas de la précision alias de Robiaco. Cela marque sans doute l’ancienneté du nom de Robiac, le nom ancien n’est connu que localement, alors on précise qu’il s’agit de Montoulieu. Mais Robiac n’a pas été supplanté, ni par le nom de la famille seigneuriale et leur château, ni par le vocable de l’église.
Le mode d’adjonction du vocable de l’église paroissiale au nom primitif du lieu est courant dès le XIIe siècle pour désigner un village 102. Alors que doit-on voir à travers le toponyme Robiac ? Le seul vestige d’un hypothétique lieu habité antérieur aux premières mentions ? Tous les spécialistes de la toponymie s’accordent à voir dans le suffixe –acus une origine gallo-romaine, dont la valeur reste un peu vague 103. En langue vulgaire, la terminaison –acus précédée d’un i (le cas le plus fréquent) donne –ac, ce qui est bien le cas ici. Nous voyons dans le préfixe Robi– un dérivé de l’occitan rove, issu du latin robur, désignant en Languedoc le chêne blanc ou chênepubescent 104. Parmi les nombreux dérivés, on citera notamment Roveira (bois de chênes), utilisé aussi bien dans les textes en occitan qu’en latin. Par exemple, on trouve régulièrement, pour les XIIIe-XIVe siècles au sujet du terroir de Montoulieu, un loco vocato Roveira Montolivesa 105. La création d’un toponyme directement influencé par un élément du paysage, un élément du relief, de la faune ou de la flore est fréquente au Moyen Âge. Le Robiac de Montoulieu n’est pas un cas isolé. Dans le Gard, deux villages ont une construction toponymique assez proche : Robiac, dans le canton de Saint-Ambroix à 14 km au nord d’Alès, possède une église dédiée à Saint-Andéol, associé au nom du lieu primitif : ecclesia Sancti Andeoli de Robiaco. Le nom de la localité est même mentionné seul pour désigner la paroisse parochia de Robiaco, ce qui n’est jamais fait pour Montoulieu. L’exemple du hameau de Robiac, commune de Saint-Mamert, est encore plus intéressant. Son ancien prieuré dédié à Saint-Pierre se trouve à la lisière est du vaste Bois de Lens (Ouest de Nîmes) 106.
Si l’on admet que –acus est la terminaison d’un adjectif associé à un nom commun (rove ou robur) Robiac pourrait être un lieu où l’on exploitait le bois de chêne, témoin d’une implantation en bordure de forêt (le bois de Monnier, s’étendant sur 4 km par 2 km, protège au sud et à l’est la commune de Montoulieu), ou le vestige des défrichements postérieurs à l’an Mil, ou, plus simplement, le toponyme désignait un lieu où il y avait des chênes.
Il semble pourtant qu’il s’agisse de la transcription dans la toponymie d’un phénomène de déforestation. Outre l’indice peu explicite donné par Robiac, le terroir de Montoulieu possède un tènement nommé Artigue, proche du Bois de Monnier et mentionné plusieurs fois au XIVe siècle 107. Or, le terme fait directement référence à une ouverture forestière. Le seuil du XIIIe siècle est considéré comme l’ultime période de déforestation. L’Artigue de Montoulieu serait un nouvel indice indirect prouvant l’anthropisation du terroir antérieurement au XIIIe siècle. Un problème subsiste, car artigue désigne le plus souvent un défrichement individuel, à mettre en opposition avec les grandes entreprises dirigées 108. D’autre part artigue peut correspondre à un lieu défriché depuis longtemps, à l’époque des pionniers (Xe-XIIe siècles) ou bien à une coupe récente. Une artigue attestée au XIVe siècle peut entériner un défrichement antérieur. Dans ce cas, il est impossible de savoir à quelle époque s’est établi ce front d’attaque.
La seule certitude qu’apporte l’analyse toponymique (à manier avec beaucoup de précautions) réside dans la mise en évidence de l’antériorité du lieu de Robiac par rapport à la date de création de la paroisse et à l’implantation de son église 109.
4.2.2. Architecture et environnement
L’église est située à 1,5 km au sud-ouest du castrum, au centre du réseau d’habitat éclaté de Montoulieu (Fig. 19). Parfaitement orientée, elle est implantée sur le flanc est d’une très légère hutte (massif calcaire) 110. Pour faciliter la construction, les murs ont été bâtis sur une faible préparation, l’assise rocheuse a été à peine entamée : on s’est appuyé contre elle, ce qui a pour conséquence une surélévation de la maçonnerie des parties orientales (chevet surélevé). Son plan simple et relativement modeste (nef unique, abside semi-circulaire, pas de contreforts, peu d’ouvertures) a été fortement remanié au cours des siècles, si bien qu’il ne semble rien rester de l’édifice originel (Fig. 20). En 1611, il n’en reste que les quatre murs 111. Sa couverture est totalement refaite entre l’an XI et l’an XII de la République, de même que celle des bâtiments annexes, maison claustrale et écuries. Son intérieur est enduit par deux couches de chaux. Entre 1823 et 1827, de multiples réparations sont commandées par la municipalité aussi bien pour l’église que pour le presbytère.
Enfin en 1869, un projet d’agrandissement et de restauration 112 va achever sa transformation. Il est prévu d’y adjoindre une façade avec clocher-porche de même qu’une chapelle de fonds baptismaux, de l’agrandir d’une demi-travée supplémentaire et de surélever et remanier la toiture. Le projet est approuvé en 1874 et les travaux ne s’achèvent qu’en 1899 par la pose d’une cloche. L’église Saint-Etienne est aujourd’hui englobée, sur son côté sud, par des constructions modernes (XVIIe-XIXe siècles : presbytère, écurie, logements, mairie,…). Les murs gouttereaux septentrionaux de même que la chapelle sont intégralement recouverts d’enduit. La façade occidentale montre tout le talent des architectes du XIXe siècle et leur goût pour le néo-gothique, style si propice à s’adapter à l’architecture locale.
Seule l’abside, protégée par le cimetière qui s’étend vers l’est, semble avoir été épargnée par tous ces remaniements, du moins dans sa partie inférieure, le dernier tiers de l’élévation étant remonté grossièrement avec des blocs équarris noyés dans le mortier. Le chevet s’ouvre dans cette même portion haute par un grand oculus de facture moderne apparemment décalé vers le sud-est. Tout le flanc méridional est occupé par une construction qui s’y est accolée.
De la partie visible, infime portion de l’édifice primitif, se dégage l’utilisation d’un appareil moyen en pierre de taille, donnant au parement extérieur une certaine homogénéité, que ne viennent pas contredire la régularité des assises et la finesse des joints. La base du chevet s’élève sur environ 70 cm et forme un léger empattement, marqué par un chanfrein droit. Plus haut, on retrouve la même retraite talutée, matérialisée par deux rangs de boutisses superposées avec léger chanfrein. La première retraite doit correspondre à la marque extérieure du niveau du sol intérieur (montre la dénivellation sur l’axe ouest-est), la deuxième devait correspondre au niveau de l’allège de la baie axiale, disparue au cours des multiples remaniements.
Ces maigres détails architecturaux sont, à eux seuls, insuffisants pour permettre une datation. Toutefois, ils se rapprochent du style de quelques églises romanes locales datables du XIIe siècle. Les dimensions modestes de l’église Saint-Etienne (11 x 6,50 m dans œuvre) peuvent la faire rentrer dans un corpus d’églises romanes comme : Notre-Dame-de-Pégairolles située à la limite des évêchés de Lodève et de Maguelone, ou bien, Saint-Michel de Montignargues dans le diocèse de Nîmes, Saint-Pierre de la Tour (Salles-du-gardon) aux confins des évêchés d’Uzès et de Nîmes… Mais ces indices sont trop ténus et les hypothèses ne peuvent pas être étayées avec suffisamment de fiabilité. En effet, il est également envisageable, en l’absence de recherches archéologiques plus poussées, que les vestiges retenus ici soient postérieurs à un autre édifice n’ayant laissé aucune trace textuelle. Enfin, tout porte à croire qu’une église Saint Etienne a existé avant le début du XIIIe siècle. C’est encore dans ce XIIe siècle mystérieux, voire antérieurement, qu’il faut rechercher son origine, il ne semble pas qu’elle ait jamais été le centre d’un regroupement de l’habitat, qu’il fut temporaire ou non. On observe, sur le plan cadastral napoléonien, un parcellaire particulier qui se développe à l’est de l’église vers la route de la Cadière. C’est le seul endroit de la commune où l’on trouve des petites parcelles, à taille humaine, régulières et allongées. Cela suggère une mise en valeur agricole différente du reste du terroir (vestiges de jardins), mais n’apporte aucun élément sur une éventuelle concentration autour de l’église. Aujourd’hui encore, elle n’est le point d’ancrage que d’un faible regroupement (vieilles maisons agglomérées en « U » au sud de Saint-Etienne. Au terme de cette courte analyse, il apparaît que le cadre monumental de Montoulieu, avant la création du castrum, était assez pauvre. L’église paroissiale Saint-Etienne a été fondée sur un territoire probablement déjà occupé vers les XIe-XIIe siècles.
L’église isolée peut correspondre au résultat de deux types d’évolution :
— L’église appartenait à une ancienne villa, vidée de sa population par l’incastellamento : contexte de polarisation de l’habitat.
— L’église est isolée dès sa fondation. Elle desservait plusieurs lieux : contexte d’habitat dispersé.
Il est très tentant de voir en Robiac une ancienne villa et en Saint-Etienne son église. Son isolement s’expliquerait par la translation de la population de la villa vers le castrum. Une fois le processus échoué, les habitants du bourg castral reviennent dans la plaine, mais l’église reste isolée. Cependant, il est très difficile de dégager son rôle dans la structuration de l’habitat. Apparemment elle n’en a eu aucun, c’est même l’habitat préexistant qui semble déterminer sa position.
4.3 Les voies de communications
Le réseau viaire identifié dans le territoire de Montoulieu reste très local et relie essentiellement le château aux principaux manses (la Vieille, la Devèze, Moulin de Dominique), le château à l’église et les manses entre eux. Ces voies sont mentionnées indifféremment par les termes d’itinerare, carreira ou via. Les deux voies publiques (via publica) le plus souvent citées sont : la voie reliant Saint-Bauzille à Saint-Hippolyte, via la Cadière et celle qui va de la Vieille à Sauve (en passant par Pompignan).
Le château se trouve exclu de ces destinations principales, mais reste à proximité, son rôle majeur étant de les surveiller. A la fin du XIIIe siècle, le chemin qui relie le Mas de la Vieille au château de Montoulieu est désigné par : via qua itur de manso de Villa versus capellam castri de Monteolivo 113. Le château aurait-il perdu son prestige au point de ne plus être utilisé comme repère topographique, au profit de sa chapelle qui, elle, est toujours en activité à cette époque ? Deux voies de moyenne importance menaient à l’église : une venant du mas de Villa, une autre descendant du château. Le point vers lequel converge le plus grand nombre de destinations n’est pas le castrum mais le mas de la Vieille.
Même l’église semble isolée. Cet apparent isolement des pôles castral et ecclésial peut s’expliquer par le maintien d’un réseau de communication ancien, antérieur à l’implantation du castrum. L’apparition de ce dernier dans la topographie est si spontanée et éphémère qu’elle n’a laissé que peu de traces du maillage de chemins qui le desservaient.
En revanche le mas de Villa, plus ancien, a conservé son réseau, et joue toujours un rôle de carrefour dans la partie orientale de la vallée de l’Alzon, malgré l’implantation d’un nouveau centre de pouvoir.
4.4 Les données démographiques
Les données démographiques confortent le schéma d’une puissante dispersion on compte environ 100 à 150 habitants à la fin du XIIIe siècle pour l’ensemble de la paroisse de Montoulieu. Cette époque semble être le point culminant du développement quantitatif de la population. Avec les seules mentions éparses de manses, et avec une documentation qui occulte la part de l’habitat castral, il est difficile de se faire une idée du nombre d’habitants pour la période antérieure. La dépression économique du XIVe siècle (Guerre de Cent Ans, peste endémique) a dû avoir une influence néfaste sur le faible et vacillant peuplement de la vallée de l’Alzon et a dû porter un coup fatal au castrum de Montoulieu.
Lors de la visite pastorale de 1611, il n’y a plus que 9 familles, soit une trentaine d’habitants. Cette chute rend compte de la désertion castrale, mais aussi d’un recul global de l’anthropisation du terroir de Montoulieu.
4.5. L'abandon du village castral de Montoulieu
4.5.1 Les grandes lignes du peuplement
Le croisement des données issues de la lecture architecturale des monuments et des vestiges d’habitats, avec les textes s’effectue difficilement en raison de leurs caractères lacunaires. Toutefois on peut dégager les grands traits de la mise en place du peuplement (sans marqueurs chronologiques sûrs) la vallée de l’Alzon connaît, aux Xe-XIe siècles, une occupation humaine matérialisée par les mentions de plusieurs villae et de différents écarts. Un habitat dispersé (en manses), témoin d’une vie encore très rurale, tend à s’affirmer et se développe tout au long du XIIe siècle. Si la rive gauche de l’Hérault, au confluent de l’Alzon, a possédé un équipement religieux (XIe-XIIe siècles ?) qui sera à l’origine d’une première concentration de l’habitat, en revanche il semble qu’au même moment la partie orientale du bassin reste marquée par la dispersion. Dans le courant du XIIe siècle, un castrum va s’implanter sur le relief de la frange est du Thaurac et va, apparemment, assez rapidement polariser l’habitat 114. Le phénomène attractif induit par la présence nouvelle du site fortifié ne fait pas disparaître l’habitat traditionnel. Puis, une fois que les conditions sociales qui ont déclenché le processus de concentration de la population sont terminées, la tendance s’inverse.
Si au XIIIe siècle la paroisse est désignée par le nom du château, cela montre que, territorialement, le château domine et a probablement réussi à cristalliser une petite communauté qui, avec les habitants des écarts, se reconnaît sous une même juridiction spirituelle la parochia de Monteolivo (sous entendue parochia castri de Monteolivo). Mais à terme l’absence d’intégration de l’église paroissiale dans le castrum va provoquer son échec, et ce malgré la présence d’une chapelle dont l’usage a d’ailleurs pu être limité aux nobles seulement. Vivre au château, alors que le culte se déroule dans la plaine, devient difficile. Le castrum a pu végéter un certain temps, puis s’est vidé assez rapidement (entre 1250 et 1350). La désertion du site fortifié coïncide avec la réapparition massive des manses dans la documentation 115. En devenant le siège d’une seigneurie châtelaine et le point de départ du développement d’un village, le château de Montoulieu désigne par son nom le territoire paroissial (début du XIIIe siècle) mais l’église Saint-Etienne se maintient de même que le toponyme du lieu primitif qui lui est associé, Robiac. L’isolement de l’édifice cultuel montre que sa fondation est antérieure à celle du castrum 116. L’habitat dispersé pré-castral garde sa place dans le paysage après l’abandon définitif du castrum (fin du XIIIe siècle, début du XIVe siècle).
4.5.2 Pouvoir et peuplement dans la vallée de l'Alzoll : l'incastellamento en question
Est-ce que les seigneurs de Montoulieu ont été tentés de mener à bien un projet maîtrisé, d’insuffler un nouveau mode de peuplement et d’imposer une manoeuvre coercitive de regroupement ou bien n’ont-ils prit aucune part dans l’éphémère cohésion villageoise autour de leur château ? Il n’y a aucun indice prouvant que le regroupement de l’habitat à proximité immédiate du château ait été le fait d’une volonté politique. Sinon, comment expliquer que les habitats antérieurs n’aient pas été effacés, voire amoindris par le nouveau centre de population. Le seul indice qui tendrait vers un regroupement forcé est matériel l’enceinte collective semble avoir été réalisée dans un temps très court, après la première vague d’habitats, elle-même succédant de peu à l’établissement du premier habitat seigneurial.
Cependant on ne sait pas qui en est le commanditaire : le seigneur seul, le seigneur et les villageois, ou bien la congragtio homini de Monteolivo dont il est question en 1292 ? 117 D’autre part les vestiges de maisons observés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de cette enceinte semble répondre au mêmes impératifs techniques (même plan, même surface, même aménagement intérieur,…).
Comme en Lodevois le site fortifié agit comme un pôle d’attraction et donne naissance a un village lui aussi fortifié assez rapidement, d’où l’impression d’un processus spontané, sans intervention seigneuriale autoritaire 118. La pesanteur de l’habitat rural pré-castral, caractérisé par la dispersion, est sans doute un héritage carolingien. Pour Montoulieu, les indices du semi carolingien sont bien maigres en l’absence de fouilles, cependant la vallée de l’Alzon n’est pas véritablement isolée, bien au contraire, elle a dû bénéficier assez tôt d’une mise en valeur des terres alluviales et d’une exploitation des abords de forêt. Nous sommes, qui plus est, aux confins de deux juridictions administratives carolingiennes attestées (vigueries de Sauve et d’Agonès).
Le castrum de Montoulieu apparaît comme un site neuf dans ce paysage, de par sa position perché, en marge de l’habitat préexistant. Toute la difficulté pour le seigneur du château va se situer dans l’entreprise de récupération et de réorganisation du terroir. Sa survie en tant que centre économique dépend de sa capacité à regrouper les hommes qui vivaient traditionnellement en habitat dispersé. La grande majorité des sites de hauteurs n’ont pas intégré cette donnée, le poids du réseau de l’habitat dispersé dans la vallée, le conservatisme agraire et l’inadaptation au relief n’en feront jamais le lieu d’habitation durable d’une communauté. Ils ne garderont qu’une fonction militaire, de commandement.
A l’instar de l’exemple Lodévois, (Deux-Vierges, Malavieille 119) et des autres castra du Salavès, le castrum de Montoulieu n’a jamais su regrouper l’habitat de manière durable. La région de Ganges-Sauve est un espace frontalier de la zone des garrigues montpelliéraines, dans laquelle le castrum n’est jamais Jusqu’au début du XIIIe siècle, un foyer de peuplement 120. Il y a comme une continuité entre cette zone et le piémont Cévenol où la distribution ancienne du peuplement favorise l’habitat in parrochia.
On peut observer dans la partie occidentale de la baronnie de Sauve le même phénomène que dans le bassin médian de l’Hérault ; l’éclosion et la multiplication des châteaux aux XIe-XIIe siècles ne bouleversent pas la forme traditionnelle de l’habitat ou, s’ils le font, c’est de manière imperceptible. Il y une véritable résistance, beaucoup plus nette qu’en plaine, à la tentative de redistribution du peuplement qu’induit la présence nouvelle du castrum. La région reste figée dans un vieux système basé sur un habitat rural dispersé à fonction agraire, dans lequel vit une population essentiellement pastorale 121. L’aspect actuel de l’habitat dans le territoire communal de Montoulieu rentre dans un schéma local où le processus de désertion castrale n’est pas un fait unique et isolé. On retrouve des cas similaires à proximité, principalement pour des sites se trouvant sur la frange occidentale de la seigneurie des Sauve-Anduze (Corconne, Tournemire, Mirabel, Saint-Hippolyte). Ces sites perchés et abandonnés, caractéristiques d’un encellulement inachevé, ont vu leur désertion favorisée par la présence d’un regroupement en villages ecclésiaux situés dans la plaine. Pompignan s’est largement développé grâce à l’abandon du castrum de Mirabel vers la fin du XIVe siècle et au glissement de ses habitants vers le pôle ecclésial préexistant. Il en est de même pour Saint-Hippolyte : le castrum de Rochefourcade accueille des maisons dans son enceinte jusqu’au XIVe siècle, puis se vide progressivement de sa population au profit de l’habitat regroupé dans la plaine.
A Corconne, château et village fonctionnent comme deux entités séparées. Le château construit à flanc de falaise ne semble pas avoir connu un fort regroupement villageois, le site se prêtant mieux à une fonction de défense et de surveillance.
L’habitat s’est aggloméré au pied du relief, sous la protection du château et pas à son contact direct. Les difficultés engendrées par la conquête royale en pays d’Oc au XIIIe siècle scellent le sort du château de Corconne. A ses pieds, le village ouvert existant déjà, continue son développement sans subir de contre coup. Tous ces sites, il faut le noter, sont des sites de hauteur, ne proposant pas une habitabilité extensive.
Le castrum n’a joué le rôle d’habitat que durant une courte période mais a pu ultérieurement, à la faveur de certaines circonstances, redevenir un lieu de refuge, donc temporaire 122.
L’exemple de Tournemire est celui qui se rapproche le plus du cas de figure de Montoulieu. Le castrum de Tournemire s’implante au cœur d’un semi d’habitats dispersés, dans un cadre paroissial ancien (paroisse de Saint Jean-Baptiste-de-Baucels). Si son perchement est moins prononcé qu’à Montoulieu, son rôle de surveillance est identique. Placé sur le versant du Thaurac, opposé à celui qu’occupe le château de Montoulieu, et à seulement 2,5 km à l’ouest de celui-ci, Tournemire contrôle la vallée du Merdanson et domine l’ancienne voie des Ruthènes entre Laroque et la Caclière 123. Les éléments architecturaux qui le composent permettent d’établir une assez bonne datation de sa période de fonctionnement (milieu XIIe siècle – début XVIIe siècle). Il semble que Tournemire, contrairement à Montoulieu, n’ait pas connu de tentative de regroupement villageois.
Dans l’ensemble, les castra situés dans la frange nord-est de l’évêché de Maguelone résistent mieux à la dépression économique et démographique du XIVe siècle, parce qu’ils sont de vieilles fondations, parce qu’ils se sont mieux adaptés aux exigences de la population, ou parce que la coercition seigneuriale a fonctionné. En revanche dans la zone limitrophe de la baronnie de Sauve, le processus de désenchâtellement, entamé au XIIIe siècle, ne fait que s’amplifier au XIVe siècle 124. Au-delà de cette période, l’histoire de la tentative d’adaptation du modèle du castrum de la plaine aux zones des garrigues du piémont cévenol est définitivement terminée. C’est un échec.
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ADG : Archives départementales du Gard.
ADH : Archives départementales de l’Hérault.
An. : Cartulaire d’Aniane (éd. Cassan et Meynial)
Gell : Cartulaire de Gellone (éd. Alaus, Cassan et Meynial)
Mag. : Cartulaire de Maguelone (éd. Rouquette et Villemagne)
LT24 : Liber Instrumentorum Memorialium (éd. Germain et Chabanneau).
Notes
1. BOURIN, Monique, Villages médiévaux en Bas Languedoc genèse d’une sociabilité, Paris, 1987. DURAND, Aline, Les paysages médiévaux du Languedoc, Xe-XIIe siècles, Toulouse, 1998.
2. La zone cultivée se développe sur moins de 750 m de large essentiellement sur la rive droite de l’Alzon.
3. Carte IGN, Top 25 : Saint-Hippolyte-du-Fort, 1/25000e, n° 2741 ET.
4. in pagus Nemausenses, in vicaria Salavense vers 998-1031. (c. GelI., p. 322 n° CCCLXXXVI) et vers 1031-1061 (c. GelI. p.106 n° CXXIII), en 898 elle n’est pas mentionnée en tant que viguerie mais l’appellation suburbio castri Salavense fait référence à une forteresse d’origine publique.
5. Joseph BERTHELÉ, « Les vigueries du Pagus Magalonensis et le suburbium castri Substantionensis au Xe siècle », pp. 482-501, dans Archives de la ville de Montpellier, t. III, 1902.
6. Monique BOURIN, Villages médiévaux en Bas Languedoc : genèse d’une sociabilité, Paris, 1987, t. I, pp. 121-127.
7. c. Mag. t. III, pp. 489-649 (1293-1294), dont : Délimitation de la baylie de Sauve, 21 janvier 1293, pp. 624-631, n° CMLXXXII.
8. Benoît CURSENTE, « Le castrum dans les pays d’Oc aux XIIe et XIIIe siècles» dans Heresis, n° 11, 1998, pp. 19-25.
9. Portail d’églises et de tours dites romanes : tour de Bermond à Sommières, Durfort, Tournemire, Moussac, Boucoiran, la tour des Salles-du-Gardon.
10. Jean MESQUI, Châteaux forts et fortifications en France, Paris, 1997, pp. 384-385. Châteaux et enceintes de la France médiévale, Paris, 1991, t. I, pp. 100-102. Bruno Phalip, pour les tours de plans carrés situées en Haute Auvergne, préfère employer le qualificatif de tours seigneuriales toujours par opposition aux tours résidentielles se développant dans l’aire septentrionale de la France : Bruno, PHALIP, Seigneurs et bâtisseurs le château et l’habitat seigneurial en Haute Auvergne et Brivadois entre le XIe et le XVe siècle, Clermont-Ferrand, 1993, pp. 89-98. D’autre part l’emploi du terme « tour maîtresse » peut être discuté pour un ensemble castral où la fonction du bâtiment a pu évoluer dans le temps. Lui attribuer un rôle, univoque symbolique serait réducteur, bien que l’aspect résidentiel soit bel et bien absent de cette construction. II ne semble pas non plus, pour aller dans le sens de la définition donnée par Jean Mesqui, que la tour de Montoulieu ait été conçue comme ultime, refuge puisqu’à l’origine elle était le seul élément constitutif du château.
11. Il faut tout de, même tempérer cette apparente résistance, car il peut aussi bien s’agir d’un conservatisme régional, ou de manière plus générale, d’une pratique architecturale liée à l’aire culturelle, du grand Midi médiéval. Il faut noter à propos de l’édification des tours à bossages du Languedoc Oriental, qu’il s’agit probablement d’une mode constructive des années 1200. Elle débute probablement vers 1170-1180 et se prolonge durant les premières décennies du XIIIe siècle et au-delà grâce aux constructeurs royaux qui reprenant la technique locale du parement à bossages, la perfectionneront et l’emploieront de manière presque systématique dans les fleurons de l’architecture de défenses que sont Carcassonne et Aigues-Mortes. Ces considérations permettent de ne pas donner une datation postérieure à 1200 pour la tour de Montoulieu.
12. A ce sujet, la constitution d’un inventaire détaillé serait d’une grande utilité, afin d’établir une typologie, de définir des aires d’influences, etc.
13. Le problème dans ce prétendu dispositif de hourds, c’est qu’il aurait nécessité une série d’étais, en principe utilisés pour ce type de structure. L’absence de jambes de force fragilise alors l’ensemble. Le château comtal de Carcassonne possède à la tour Pinte et sur le Petit Donjon (1125-1140) un système d’évacuation des eaux comparable à celui de Montoulieu, la différence se situe dans le couronnement primitif des murs. A Carcassonne il se faisait par un parapet crénelé, à Montoulieu la partie sommitale et difficilement interprétable. Voir Joseph DOVETTO, « Essai de datation du château comtal de la cité de Carcassonne » dans Bulletin de la Société d’Études Scientifiques de l’Aude, t. XCIC, 1994, pp. 49-57.
14. Sur le caractère secondaire des potemes, voir Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale, t. I, p. 361.
15. Ce procédé s’observe sur l’enceinte du château de Montlaur, commune de Montaud, canton de Castries. D’autre part une courte portion de l’enceinte collective de Montoulieu, au nord-ouest, montre trois trous carrés ménagés à intervalles réguliers dans le parement intérieur. Mais cela ne constitue pas un indice suffisant pour affirmer que l’on a utilisé un chemin de ronde intérieur, car il pourrait s’agir des vestiges d’une construction venue s’adosser à l’enceinte.
16. « Le rez-de-chaussée est presque toujours aveugle. Les maisons ont presque toutes deux niveaux dont un étage planchéié. » Marie Geneviève COLIN, Isabelle DARNAS, Nelly POUSTHOMIS, Laurent SCHNEIDER, La maison du castrum de la bordure méridionale du massif central, Archéologie du Midi Médiéval, supplément n° 1, Carcassonne, 1996. Aline DURAND, Les paysages médiévaux du Languedoc, Xe-XIIe siècles, Toulouse, 1998, p. 125. L’auteur note que le solarium devait être d’une facture supérieure au stare du roturier ou à la casa du paysan. Le solarium de la ville, apparu dès le XIe siècle, occupait une surface au sol plus importante. Il pouvait se développer sur plusieurs étages et était doté d’un certain raffinement (galeries, baies géminées, portiques). En comparaison, le solarium du castrum devait être plus rudimentaire.
17. Une arase de mur rectiligne partant du milieu de la face est de la tour se prolonge sur une trentaine de mètres en direction de la tour est, le long de la crête. Il pourrait s’agir du mur d’enceinte de la partie nord du village.
18. Pour se faire une idée de l’aspect originel de la chapelle Notre-Dame, voir la chapelle Saint-Jean sur le site du castrum de Mirabel.
19. La mention capella castri va dans le sens d’un usage strictement privé.
20. A Essertines (Loire), des aménagements consécutifs à l’abandon du castrum (entre le XVIe siècle pour le castrum et le XIXe siècle Pour les pentes) ont eu pour but de créer des terrasses à l’emplacement des ruines des maisons du village castral (utilisation des murs comme murs de soutènements). Seule la fouille a permis de saisir les différentes phases de transformations (apports de terres, comblements). Françoise PIPONNIER « Iconographie et sources écrites à l’épreuve de l’archéologie recherches sur le castrum d’Essertines » dans Villages et villageois au Moyen Âge, Paris, 1992, pp. 193-206.
21. En 1275, Gaucelm de Rouchefourcade, damoiseau et seigneur du castrum de Rochefourcade, situé à moins de 4 km du castrum de Montoulieu, concède à Guillaume Baudoin, baille royal de Sauve, deux casals situés dans l’enceinte du village (duabus casalibus que habet in castro de Ruppeforcata: c. Mag., registre A, f° 64 non édité, ADH, G 1123)
22. c. Mag. t. II, pp. 181-191, n° CCCLXIII.
23. c. Mag. t. I, pp. 249-250, n° CXXIX, 1166 : … terciam partem turris de Gijano, terciam partem castellanie, terciam partem dominia…
24. Aline DURAND, Paysages médiévaux… op. cit. p. 109, Monique BOURIN, Villages Médiévaux… op. cit. t. I. pp. 67-74.
25. c. Mag. t. III, pp. 478-484, n° DCCCXLI.
26. Cartulaires d’Aniane, de Gellone, de Maguelone et le Liber Instrumentorum Memorialium.
27. Archives de Doscares, G 1126 : registre D du cartulaire de Maguelone.
28. Deux membres de la famille seigneuriale de Montoulieu sont à cheval sur le XIIIe et le XIVe siècle, un seul représentant occupe le XIVe siècle.
29. Il est généralement admis de lier l’apparition de nouveaux anthroponymnes avec celle d’un castrum, notamment pour les XIe-XIIe siècles, période de multiplication de sites castraux neufs. Cependant le lien entre le lignage et le site castral n’est pas ici une évidence. La famille a pu détenir un lieu non fortifié pendant un certain temps. L’apparition dans les textes d’un personnage dont le nom est associé à celui d’un château apparu antérieurement ne fait pas automatiquement remonter la lignée castrale, de même que la construction du château, à la date d’apparition de ce personnage. Cette prudence est accentuée par l’existence d’un cas exactement inverse aux Montoulieu : les Vailhauquès (localité situé à environ 12 km au nord-ouest de Montpellier). Leur château n’est mentionné que 2 fois au XIe siècle, parallèlement à des personnages portant le nom de Vailhauquès. Une lignée castrale existe jusqu’au XIIIe siècle, mais le château non localisé jusqu’à aujourd’hui, disparaît de la documentation après l’an 1100 (C. An. pp. 251-252, mf CIX). Les Vailhauquès sont les représentants d’une famille châtelaine sans château. On pourrait voir dans la construction d’une tour sur le Puech de Montredon (commune de Grabels près de Vailhauquès) par Bertrand de Vailhauquès en 1222 (C. Mag. t. II, pp. 227-228, n° CCCLXXXIX) une tentative de retrouver une légitimité ou une autorité seigneuriale par l’intermnédiaire de l’expression architecturale. Non conçue comme un habitat cette tour isolée sur une hauteur est purement symbolique, elle constitue un exemple de réaffirmation du lignage, la volonté de rappeler son ancienneté, elle joue le rôle de substitue du château primitif disparu.
30. c. An. pp. 389-390, n° CCLXIII.
31. c. Gell. pp. 452-453, n° DXXXI.
32. LIM, pp. 258-259, n° CXXV. Château situé sur l’éperon que forme l’extrémité ouest du massif de l’Hortus, sur la commune de Valflaunés, aujourd’hui plus couramment appelé château de Bévieures ou de Viviourés du nom d’une ferme située à proximité. Il appartient durant tout le XIIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle à la famille Airra qui le tient en fief du comte de Melgeuil. Vers 1240-1250, Guillaume de Pian, sénéchal de Carcassonne épouse Béatrix Airra, héritière du château. Ce dernier ou un de ses fils, entreprend des travaux sur la forteresse nouvellement acquise et la transforme en véritable nid d’aigle à la mode des châteaux des Corbières dont il est contemporain. Ce sont les ruines de cette construction que l’on peut encore voir aujourd’hui. Thierry RIBALDONE, « Le château de la Roquette ou de Viviourés à Valflaunès et le Rouet, approche historique et architecturale », dans Etudes Héraultaises, n°26-27, 1995-1996, pp. 65-72. FABRE de MORLHON, « Le sénéchal Guillaume de Pean à Narbonne et sa famille », dans Narbonne, archéologie et histoire, Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, XLVe congrès, Narbonne, 1972, Montpellier, 1973, pp. 61-68.
33. c. An. p. 203, n° LXIII.
34. c. Gell. p. 456, n° DXXXV.
35. Cela étant probablement dû aux lacunes de la documentation concemant ce secteur. On ne trouve aucune trace des Montoulieu dans le Cartulaire du chapitre cathédral Notre-Dame de Nîmes édité par Germer-Druand ni dans les chartes anciennes de l’Histoire Générale de Languedoc.
36. LIM, p. 707, n° DXXVIII.
37. LIM, pp. 637-639, n° CCCCLVIII et CCCCLIX.
38. LIM, pp. 263-265, n° CXXIX.
39. LIM, pp. 410-413, n° CCXLVII.
40. LIM, pp. 158-160, n° LXXXVI. Bernard PeIet cherche un appui auprès du seigneur de Montpellier contre sa mère, en cédant une partie, de son prétendu héritage, le territoire de. Substantion, autrefois siège du comté, à un représentant de la famille des Guilhem. Cependant, Béatrice de Melgueil avait déshérité son fils Bernard qu’elle avait eu d’un deuxième mariage avec Bernard Pelet, au profit de sa fille Ermessens. Cette dernière se maria et transmit le comté de Melgueil à son mari le futur Raymond VI, comte de Toulouse, en 1172.
41. Déjà mentionné : LIM, p. 707, n° DXXVIII.
42. Localités situées dans la périphérie sud / sud-est de Montpellier.
43. LIM, pp. 240-244, n° CXVI et CXVII.
44. LIM, pp. 253-256, n° CXXUI.
45. c. Mag. t. II, pp. 32-34, n° CCCXCI, Alexandre-Charles GERMAIN « Arnaud de Verdale», pp. 210-211, pièce n° XIII.
46. On peut faire remonter leur présence dans l’entourage des seigneurs de Montpellier en 1124 avec le serment de fidélité des frères Airra sur le château de la Roquette.
47. Sur la viguerie de Montpellier voir Pierre LABORDERIE-BOULOU « La viguerie de Montpellier au XIIe siècle dans Archives municipales de Montpellier, t. IV, Montpellier, 1920, pp. V-XIX.
48. in terminio castri de Roca… c. Gell. pp. 453-454, n° DXXXII.
49. c. An. P. 282, n° CXLI.
50. c. Mag. t. I, p. 434, n° CCXIV.
51. … dominum pro quarte partis castri de Lundris, dominium cujus quarte partis cum laudimio vestro adquivimus a Bernardi Petri de Monteolivo, milite supradicto… c. Mag. t. II, pp. 276-277 n° CCCCXV.
52. c. Mag. t. II, pp. 89-93, n° CCCIII.
53. c. Gell. P. 509, n° DLXXXVIII. Les auteurs de l’index du c. Gell. font probablement une erreur en attribuant le titre de seigneur de Puéchabon à Bernard Pierre de Montoulieu car dans le texte le nom et la fonction sont séparés par un “et” : …Bernardus Petri de Monteolivo et dominus de Podiabone.
54. castrum situé à seulement 4 km à l’est du castri de Lundris.
55. Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82.
56. ADH, 8F 14, f° 318 r°.
57. ADH, G3447, f°141 v°.
58. Il faut noter que Bérenger est aussi le nom du premier des Montoulieu, a être apparu dans la documentation. Il est probable que la mémoire de l’ancêtre fondateur de la dynastie se soit conservée dans la famille et que son nom soit attribué au détenteur de la seigneurie de Montoulieu : c. An. pp. 389-390, n° CCLXIII.
59. Il est fort dommage que la documentation soit si lacunaire pour cette période et dans cette partie du département.
60. c. Mag. t. III, pp. 478-484, n° DCCCXLI. Hugues est déjà cité en 1263 et Bernard Pierre en 1289, Archives de Doscares, vol. 38, pièce n° 102 et vol. 79, pièce n°82. Nous émettons des réserves sur l’authenticité de ces mentions.
61. ADG, G 350, prieuré de Saint-Hippolyte.
62. Hugo des Rocaforcata et domina Titburga de Rocaforcata et Pontio de Monteolivo pariarus… Il semble que ce Pons de Montoulieu soit associé aux Rochefourcade seigneurs du castrum de Rochefourcade, paroisse de Saint-Hippolyte-du-Fort à 4 km à l’est de Montoulieu. Le pariage paraît être placé ici sous l’autorité du prévôt de l’église cathédrale Notre-Dame de Nîmes pour qui cette courte reconnaissance est faite.
63. Sophie ASPORD, Montalet, un château, une famille, une histoire, Mémoire de maîtrise en Histoire de l’art médiéval, s. dir. Françoise ROBIN, université Paul Valéry, Montpellier, 1997, p. 18. Charles POREE, Les statuts de la communauté des seigneurs pariers de la Garde-Guérin, 1238-1313, extrait de la Bibliothèque de l’École des Chartes, Paris, 1907.
64. Archives de Doscares, vol. 74, pièce n°48.
65. Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82.
66. c. Mag. t. III, pp. 851-853, n° MLXXXVII.
67. ADH, G 3446, p. 88 r°. Le mas de Bévieures, paroisse de Brissac et le mas de Benvieures de 1500, sont évidemment les mêmes avec une orthographe différente
68. c. Mag. t. III, pp. 934-935, n° MCXXXVI.
69. c. Mag. t. III, p. 1027, n° MCLXXXVI.
70. Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82.
71. ADG, 2E 641201 P8 r°, Jean DIEU, notaire épiscopal de Sauve.
72. …apud castrum de Monteolivo … : Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°45.
73. Testament de Frédol de Ginestoux, 3 avril 1336, ADG, Chartrier de Montdardier, vol. 55, n°475, original et copie. Frédol de Ginestoux, comme un grand nombre de nobles à cette époque, n’habite pas les lieux où il est sensé exercer son pouvoir, il s’est retiré dans son mas de Ginestoux, paroisse de Sumène, Arnaud de Montoulieu a choisi de s’allier à une famille seigneuriale locale.
74. Dans les années 1344-1345, le seigneur de la Roque, Guilhem de Laroque fils de Raymond de Laroque, reçoit quelques reconnaissances pour des terres situées dans la paroisse de Saint-Etienne de Robiac : ADG, 2 E 641122, notaire de Laroque.
75. 8 juillet 1365, ADG, Chartrier de Montdardier vol. 33, n°315 e.
76. Cette famille possédait un mas dans la paroisse de Saint-Jean-de-Baucels, appelé de Laroque. C’est dans ce mas que vivaient les seigneurs de Montoulieu au XVe siècle. Plus tard les Ginestoux construiront une demeure plus confortable sise dans la même paroisse et nommée encore aujourd’hui « Ginestous ».
77. La présence commune à certains actes ne prouve rien. D’autre art, on serait tenter de voir dans le rapprochement des Montoulieu avec les Guilhem de Montpellier, une volonté d’échapper à la pression suzeraine empêchant toute émancipation, or les seigneurs de Montpellier n’étaient pas plus ouverts à l’idée du partage du pouvoir que ne l’étaient les Anduze-Sauve.
78. Le manse tel qu’il apparaît dans les sources de la deuxième moitié du XIIIe siècle et jusqu’au début du XVe siècle désigne le plus souvent une, unité d’exploitation agricole, en milieu rural. Plus que l’aspect territorial, qu’il pouvait avoir dans les chartes des IXe-XIIe siècles, c’est l’habitat et l’exploitation que les documents du bas Moyen Âge semblent désigner par manse. La preuve que acception géographique des origines s’est peu à peu estompée, est que l’on assiste à une fragmentation de l’espace économique qui était subordonné au manse, sous la pression de la multiplication d’autres habitats se développant au sein du même territoire agricole.
Certains de ces manses (habitations) sont dits « disrupto» au XVe siècle. Il s’agit bien là de constructions. On peut y voir le contrecoup de l’expansion démographique du XIIIe siècle : parmi les formes émergentes de peuplement, des manses ont peut-être déjà pris la forme de hameau (comme la Vieille ?) d’autres ce sont affranchis d’un autre manse, traduisant à la fois la fragmentation de l’espace et la dispersion de l’habitat, favorisés par une population grandissante. Puis, lorsque le phénomène se ralenti (crises du XIVe siècle) certains des manses sont abandonnés. D’autres part, les manses de la vallée de l’Alzon sont tous attachés fidèlement à une famille (ou plutôt l’inverse). On rencontre avec une certaine longévité les membres de la famille de la Vieille au de la Dévéze de la fin du XIIIe siècle à la fin du XIVe siècle par exemple (les liens filiaux et paternels sont très souvent mis en évidence).
Sur ce sujet voir : Charles HIGOUNET, « Observations sur la seigneurie rurale et l’habitat en Rouergue du IXe au XIVe siècles », dans Annales du Midi, t. 62, n°10, 1950, pp. 121-134. Jean-Claude HÉLAS, « Le manse en Gévaudan au milieu du XVe siècle », dans Annales du Midi, t. 102, n°189-190, 1990, pp. 173-178 ; « La terre et les pouvoirs en Gévaudan au XVe siècle », dans La terre et les pouvoirs en Languedoc et en Roussillon du Moyen âge à nos jours, Actes du LXIIIIe Congrès de la Fédération Historique du Languedoc Méditerranéen et du Roussillon, Montpellier, 24-25 mai 1991, Montpellier, 1992, pp. 103-122.
79. Villa quam vocant Volpilaco v. 1070 : c. Gell., p. 63, n° LXIX.
80. Voir également : Joseph BERTHELÉ, « Les vigueries du Pagus Magalonensis et le suburbium castri Substantionensis au Xe siècle», pp. 482-501, dans Archives de la ville de Montpellier, tome 3, Montpellier, 1902.
81. Territorio de Volpillaco, manso de Volpiaco, 1279, 1288, c. Mag. t. III, p. 271, n° DCCLX, c. Mag. t. III, p. 386, n° DCCCV.
82. villa que vocatur Pedoxinis, c. Gell., p. 16, n° XIII.
83. villam quans vocant Avenza, 899, c. Mag. t. I, p. 5, vers 922, HGL, t. V, c. 146.
84. Anne PARODI, Claude RAYNAUD, J.M. ROGER, « La Vannage du IIIe siècle au milieu du XIIe siècle » dans Archéologie du Midi Médiéval, t. 5, 1987, p. 26. Les mêmes auteurs constatent qu’excepté quelques cas, tout habitat est intégré dans une villa. Le terme perd son sens territorial est désigne, à partir du XIe siècle, l’habitat.
85. in vicaria Salavense, in villa que vocant Clapeds, unum mansum… et in villa que vocant Clarensiaco, dono alium mansum… vers 1031-1060, c. Gell., p. 106, n° CXXIII, …in vicaria Salavense, in terminio de villa que vocant Valle Espinosa… vers 996-1031, c. Gell .,p. 322, n° CCCLXXXVI.
86. Sur la notion et le sens de villa, voir Aime DURAND, Paysages médiévaux en Languedoc (Xe-XIIe siècles), Toulouse, 1998, pp. 85-95.
87. Dominique BAUDREU, Une forme de villages médiévaux concentrés, le cas du Bas-Razés dans « Archéologie du Midi Médiéval», t. 4, 1986, pp. 49-73. Pierre BONNASSIE, « Aux origines des villages ecclésiaux circulaires : les sagreres catalanes du XIe siècle , dans Morphogenèse du village médiéval (IXe-XIIe siècles), Actes de la table ronde tenue à Montpellier, les 19 et 20 février 1993, Montpellier, 1996, pp. 113-121.
88. Benoît CURSENTE, L’habitat dispersé dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des XVIIIes journées internationales d’Histoire de l’abbaye de Flaran, 15-16-17 septembre 1996, Toulouse, 1999, pp. 7-16.
89. Jean-Marie PESEZ, « L’habitat dispersé : un problème historique pour l’archéologue dans « L’habitat dispersé dans l’Europe médiévale et moderne», Actes des XVIIIes journées internationales d’Histoire de l’abbaye de Flaran, 15-16-17 septembre 1996, Toulouse, 1999, p. 31.
90. Pierre BONNASSIE a bien montré pour la Catalogne, au XIe siècle, comment l’instauration du régime féodal ne s’est pas faite sans heurts, et d’autre part le, rôle joué par une paysannerie alleutière, résistante au phénomène et attachée aux coutumes, dans le processus. Pierre BONNASSIE, « Du Rhône à la Galice. Genèse et modalité du régime féodal », dans Structuresféodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (Xe-XIIIe siècles), École Française de Rome n °44, colloque international organisé par le CNRS et l’École française de Rome, Rome, 10-13 octobre 1978, Rome, 1980, pp. 17-55. Cette inertie de la société paysanne enracinée dans le passé se fait encore plus particulièrement ressentir dans les zones pionnières. D’autre part combien de révoltes paysannes les sources religieuses et seigneuriales taisent ?
91. Aline DURAND, Les paysages médiévaux (Xe-XIIe siècles), Toulouse, 1998, pp. 316-317.
92. c. Mag. t. III, pp. 478-484, n° DCCCXLI.
93. Actum fuerunt hec in parrochia de Monteolivo, prope molendinum dicti Hugonis de Monteolivo… c. Mag. t. III, pp. 478-484, n° DCCCXLI.
94. Molendinum Dominici, 1326, Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°45.
95. Cette faiblesse est mise en évidence dans l’acte de 1292. L’accord montre que les habitants de Montoulieu jouissaient d’une certaine liberté.
96. Ces taxes ne sont jamais explicitement mentionnées, mais la fonction de seigneur parier implique leur existence. A moins que le pariage ne consiste ici, comme ce fut le cas dans la création des villeneuves dans une zone beaucoup plus septentrionale, en une mise en commun d’intérêts seigneuriaux dont le but aurait été le regroupement volontaire de l’habitat ?
97. Laurent SCHNEIDER, Didier PAYA, Véronique FABRE, « Le site de Saint-Sébastien-de-Maroiol et l’histoire de la proche campagne du monastère d’Aniane (Ve-XIIIe siècle) » dans Archéologie Médiévale, t. 25, 1995, pp. 133-181. Laurent SCHNEIDER, « Le rôle des dépendances monastiques dans la morphologie du village languedocien » dans Morphogenèse du village médiéval (IXe-XIIe siècles), Actes de la table ronde tenue à Montpellier, les 19 et 20 février 1993, Montpellier, 1996, pp. 227-241. Laurent SCHNEIDER, Monastères et peuplement en Languedoc central : les exemples d’Aniane et de Gellone (VIIIe-XIIe siècles). Thèse d’archéologie sous la direction de M. Fixot, Université d’Aix-Marseille I, 1996.
98. …parrochia Sancti Stephani de Monteolivo…, 1218 : c. Mag. t. II, pp. 183-191,n° CCCLXIII.
99. ADH, G 1126, P47.
100. Monique BOURIN, « Hagiotoponymie et concentration de l’habitat : l’exemple des plaines de l’Orb et de l’Hérault », dans Annales du Midi, t. 102, n° 189-190,1990, pp. 35-41.
101. Dom Jacques DUBOIS, Jean-Loup LEMAITRE, Sources et méthodes de l’hagiographie médiévale, Paris, 1993, pp. 189-209.
102. Monique BOURIN, « Hagiotoponymie et concentration de l’habitat : … », op. cit. p. 38. La désignation d’une église par l’adjonction du toponyme de la villa ne se fait qu’au XIIe siècle.
103. Longnon pense qu’il s’agit d’un équivalent du français –ier ou –ière au féminin, Auguste LONGNON, Les noms de lieu de la France, leur origine, leur signification, leur transformation, Paris, 1920-1929, pp. 78-85.
104. Franck R. HAMLIN, Toponymie de l’Hérault, Dictionnaire topographique et étymologique, Millau-Montpellier, 2000, p. 340.
105. ADH, 2 E 36/30, Guillaume du Puy, notaire de Ganges (1367), n°249, p. 34 r°, Roveria Montilineza, en 1292 : c. Mag, t. III, p. 481, n° DCCCXLI.
106. Eugène GERMER-DURAND, Dictionnaire topographique du département du Gard, comprenant les noms de lieux anciens et modernes, Paris, 1868, pp. 184-185.
107. En 1316, 1324 et 1341, Archives de Doscares, vol. 79, pièce n°82. Le cadastre napoléonien le mentionne également et corrobore les confronts médiévaux.
108. Charles HIGOUNET, « Les artigues du midi de la France » dans Toponymie et défrichements médiévaux et modernes en Europe occidentale et centrale, Flaran 8, 1986, Toulouse 1988, pp. 11-23. Aline DUR AND, Les paysages médiévaux du Languedoc (Xe-XIIe siècles), Toulouse, 1998, pp. 189-198.
109. On trouve mention dans le Liber Instrumentorum Memorialium (acte n°CCCCXLVII, pp. 627-628), de deux personnages portant le toponyme de Robiaco (Petro de Robiaco et Bernardus de Robbiaco), au sujet du castello de Leuco (château de Vailhauquès ?). Rien ne permet de dire qu’il s’agit du Robiac de Montoulieu, cependant la présence d’un Bernard Gaucelm de Sauve à leur côté pourrait le faire penser. Daté du XIe siècle par Germain, cet acte unique demeure mystérieux. Outre la mention du castello de Leuco (toujours introuvable), on ne retrouvera par la suite plus aucune trace des de Robiaco dans tout le cartulaire. A notre connaissance se sont d’ailleurs les seuls personnages portant le toponyme que nous ayons pu rencontrer dans l’ensemble des cartulaires locaux précités.
110. Rapport de l’architecte départemental en 1874, ADH, 2 O 171/4 : « les fondations du clocher ont pris plus d’importance que dans le projet, par suite de la nature du sous-sol, partie Composée de, roc résistant et partie d’argile très compressible ».
111. ADG, G 1297 : visite pastorale du diocèse de Nîmes.
112. ADH, 2 O 171/4, plans de M. Henri Béziné, architecte départemental.
113. Archives de Doscares, vol. 38, pièce n°97. Le toponyme médiéval du mas de la Vieille (de Villa) pourrait renvoyer à la trace mémorielle d’un habitat ancestral, celui de la villa de Robiaco. La Vieille est aujourd’hui encore, le hameau le plus densément peuplé de Montoulieu, devant le pôle ecclésial.
114. Il ne faut pas écarter la possibilité d’un élément fortifié présent sur le site dès le XIe siècle : la turris, par exemple, souvent liée à la décomposition du ban.
115. Les nombreuses mentions de manses, entre 1250 et 1300, dans le cartulaire de Maguelone, ne doivent pas oblitérer le fait que ces manses existaient peut-être déjà avant la fondation du castrum. Ils ont probablement joué un rôle moindre pendant la période de l’incastellamento, sans disparaître totalement.
116. Le processus est assez comparable à ce qu’a pu observer Florence Journot sur les contreforts de la haute vallée de l’Orb. Florence JOOURNOT, « Villages groupés, villages éclatés en montagne languedocienne » dans Morphogenèse du village médiéval IXe-XIIIe siècles, Actes de la table ronde tenue à Montpellier, les 19 et 20 février 1993, Montpellier, 1996, pp. 205-213.
117. Laurent Schneider a montré comment les seigneurs de la villa de Maroiol près d’Aniane, ont cherché, avec l’accord de la population, à munir la petite agglomération de fortifications. Chose empêchée par le monastère d’Aniane. Laurent SCHNEIDER, Didier PAYA, Véronique FABRE, « Le site de Saint-Sébastien-de-Maroiol et l’histoire de la proche campagne du monastère d’Aniane Ve-XIIIe siècle) » dans Archéologie Médiévale, t. 25, 1995, pp. 133-181.
118. Laurent SCHNEIDER, « Habitat et genèse villageoise au Haut Moyen Age, l’exemple d’un terroir du biterrois nord-oriental » dans Archéologie du Midi Médiéval, t. 10, 1992, pp. 3-38.
119. Jean-Loup ABBÉ, Malavieille (commune de Mérifons, canton de Lunas, un castrum stratégique déserté : l’impossible regroupement de hauteur, octobre 2000, à paraître dans le cadre du PCR Lodévois.
120. Aline, DURAND, « Regroupement des hommes et création du maillage paroissial dans la Garrigue nord-montpelliéraine aux Xe-XIIe siècles, d’après le cartulaire d’Aniane », dans Actes du 110e Congrès national des Sociétés savantes tenu à Montpellier, 1985, pp. 271-286.
121. Il y a là quelques similitudes avec l’organisation spatiale observée par Charles Higounet dans le Rouergue. Charles HIGOUNET, « Observations sur la seigneurie rurale et l’habitat en Rouergue du IXe au XIVe siècles », dans Annales du Midi, t. 62, n°10, 1950, pp. 121-134.
122. Jean-Marie PESEZ, « L’habitat dispersé : un problème historique pour l’archéologue » dans L’habitat dispersé dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des XVIIIes journées Internationales d’Histoire de l’abbaye de Flaran, 15-16-17 septembre 1996, Toulouse, 1999, p. 20.
123. Thierry RIBALDONE, « Le Castellas de Tournemire » dans Études Héraultaises, n° 30-31-32, 1999-2000-2001, pp. 31-33.
124. On pourrait imputer comme motif, au massif désenchâtellement des sites compris dans le Salavès, la condition particulière réservé par le roi Louis IX au seigneur de Sauve. Au milieu du XIIIe siècle, ce dernier était l’ultime rebelle d’une ligue fomentée contre la reine Blanche de Castille. Battu par les troupes royales, Pierre Bermond VII, seigneur de Sauve, se verra infliger de lourdes sanctions dont notamment l’interdiction de faire de nouvelles fortifications ou de réparer les anciennes dans tout le pays d’Hierle, la défense pour lui et ses héritiers de pénétrer dans ses châteaux et villes d’Alès, Anduze, Sauve et Sommières, etc. A ce sujet voir Jean GERMAIN, Sauve, antique et curieuse cité, Montpellier, 1952, pp. 123-141, et Léon MENARD, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nismes, avec des notes et les preuves, suivie de dissertations historiques et critiques sur ses antiquités, etc…. Paris, 1750-1758, t. I, preuve n° LIV.
