Description
L’art selon la Troisième République à l’École des Beaux-Arts de Montpellier
Monuments commémoratifs et statues ornementales, érigés sous la Troisième République (1870-1940), aujourd’hui inventoriés, analysés, mettent à l’honneur le travail de nombreux sculpteurs oubliés. L’Ecole des Beaux-Arts de Montpellier, l’une des meilleures de France, a vu passer un certain nombre de ces artistes : Auguste Baussan, Paul Belmondo, Joachim Costa, Paul Dardé, Paul Guéry, Louis Guigues, Pierre Nocca, Germaine Richier, Jacques Villeneuve… Leur formation dans la capitale héraultaise a fait l’objet d’une étude dont nous extrayons le chapitre suivant, sur les grandes idées qui accompagnèrent la création artistique, entre tradition et modernité. Relire les discours prononcés lors des Palmarès de fin d’année, c’est voir quelles idées étayaient la conception des œuvres, et comprendre comment celles-ci demeuraient l’expression de la société qui les commanditait.
I. L’École des Beaux-Arts et la République
La jeune République
A partir de 1870, l’École des Beaux-Arts évolue dans l’ambiance du retour à la République. Installé au rez-de- chaussée du Musée Fabre, cet établissement municipal devient régional en 1882. Le cabinet de son directeur arbore comme il se doit le drapeau tricolore, fixé sur hampe avec lance. (Inventaire de 1894).
L’instruction pour tous est alors l’une des priorités de la politique gouvernementale : « Élever le niveau des intelligences, en même temps que celui des salaires, est-il un plus beau programme, en est-il de plus pratique et de plus digne de notre jeune République ? » s’interroge l’inspecteur Jules Comte, en 1883.
La Ville de Montpellier, exprimant le même souci, charge l’École des Beaux-Arts d’une mission grandiose : « La République sait que c’est par les arts comme par les sciences qu’une nation devient glorieuse et prospère », déclare le maire Alexandre Laissac. (Palmarès, 1885).
Autié, professeur d’histoire de l’art, confirme : « La France démocratique conservera son rang dans les arts à la tête des nations […]. Paris montrera aux peuples que la capitale de la jeune démocratie française est en même temps la vraie capitale de l’art. » (Palmarès, 1887).
F.-G. Michel, qui enseigne la géométrie, n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de définir, à l’adresse des élèves, les objectifs de l’éducation artistique : « Le gouvernement de la République répand partout, comme une semence féconde, l’instruction à pleines mains. Les arts sont encouragés, protégés, honorés. Nous, vos aînés, nous avons vu des temps moins propices. Nous avons ressenti avec tristesse les douleurs de la patrie foulée par l’étranger. Nous avons suivi avec une patriotique anxiété les efforts qu’elle a faits pour guérir ses blessures et reprendre sa place au milieu des nations. Aujourd’hui, nous avons la joie de la voir debout, digne, fière, ayant conscience de sa force et de son droit. Son armée nombreuse, disciplinée, vaillante, est commandée par des chefs instruits, braves et animés du plus pur patriotisme. Son Exposition Universelle a montré à l’Europe étonnée, éblouie, peut-être aussi quelque peu déconcertée, toutes les richesses de son agriculture, tous les prodiges de son industrie, toutes les ressources de son esprit artistique, littéraire et scientifique, enfin toute la puissance, toute la vitalité de son génie […]. Nous croyons, nous, les Français, que nous sommes faits pour être entendus, écoutés du monde entier; que nous avons la mission de propager et de défendre les grandes idées de la civilisation et du progrès, les grands principes de justice et de liberté Notre sang, notre vie, notre or s’y sont plus d’une fois prodigués, et les autres peuples en ont profité plus que nous. » (Palmarès, 1889).
« Servir l’art est aussi une des formes du patriotisme », rappelle encore l’inspecteur Paul Colin. (Palmarès, 1901).
La concurrence étrangère
A l’idéal républicain, au patriotisme pur, s’ajoute la nécessité de rivaliser sur le terrain économique avec les nations étrangères.
Optimiste, le préfet Pointu-Norès songe à l’exemple d’Athènes, et cite l’ouvrage d’Aymeric David, De l’influence du dessin sur la richesse des nations : « Chaque nation devrait s’appliquer à produire suivant ses ressources naturelles et son génie particulier. Celui de la France, c’est le goût artistique et nul ne le lui conteste. Quiconque a visité les expositions universelles a pu se convaincre de la supériorité des artistes français […]. Les peintres étrangers de talent sont naturalisés parisiens […]. C’est dans cet ordre d’idées que le gouvernement de la République a créé et cherche à développer l’enseignement du dessin, et en même temps le goût de la notion exacte des choses artistiques. » (Palmarès, 1886). […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2001 |
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Nombre de pages | 7 |
Auteur(s) | Bernard DERRIEU |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |