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Description

La peste à Sérignan au XVIIe siècle

C’est dans la deuxième moitié du XVIIe siècle que se termine dans l’Europe de l’Ouest, un peu avant ou un peu après exception faite de la peste dite de Marseille – l’ère des pestes. Le Languedoc est encore atteint par la peste de Provence en 1721-22, mais seule la partie nord et orientale (Gévaudan, Vivarais, Uzège) est gagnée par l’épidémie. Deux poussées de peste bubonique avaient précédé cette ultime vague celle de 1629-31 et celle de 1651-54. Ces deux poussées n’ont pas les mêmes conséquences démographiques. C’est à partir essentiellement des données de registres paroissiaux que nous en faisons ici l’analyse, pour une paroisse du littoral méditerranéen et biterrois dont la vocation est à la fois terrienne et maritime.

I. – LA PESTE DE 1629-1631

La documentation est ici réduite car la peste, violente, créa une panique qui fit s’enfuir – quand ils ne périrent pas – bon nombre des responsables de la gestion paroissiale et communautaire : curé, chanoines du chapitre, consuls, juge seigneurial. D’où l’absence des délibérations consulaires (le 3e registre commence en 1636, et l’extrême confusion qui règne dans l’enregistrement des actes de catholicité, conséquence évidente de la catastrophe qui s’est abattue sur la paroisse.

Le registre des baptêmes n° VI (1624-1641) présente un notable mélange des actes pour les années 1628 à 1630, ce qui oblige à des recherches particulièrement pénibles. Avec cela, une rédaction à la diable parfois le nom du baptisé n’apparaît pas, ou son prénom, ou le quantième du mois. Parfois encore apparaissent de rares sépultures dans les actes de baptêmes, telle celle du vicaire Antoine Lefrère, décédé le 13 juin 1630. La grande confusion commence en mai 1628. Tout compte fait cependant, l’enregistrement des actes de baptêmes a été fait sans lacunes apparentes.

L’enregistrement des mariages est presque totalement absent. Le registre n° IV (1606-1629), porte mention de tous les mariages du 12 janvier au 1er décembre 1628 (8 au total), mais pour 1629 seulement 4 actes existent pour janvier et février. Le dernier mariage est du 5 février. Ensuite lacune totale jusqu’en 1653.

L’enregistrement des sépultures est lacunaire du 25 décembre 1625 au 13 juin 1630. Le registre n° VIII (décès de 1630 à 1665) contient des actes très sommairement rédigés de sépultures pour 1630, 1631, 1632 et 1633. Une date (quantième, mois), nom ou surnom de la personne, parfois un âge pour un enfant, parfois encore une filiation (pour une femme, un enfant). La forme et le contenu sont très nettement moins bons que pour les actes de sépultures enregistrés de 1612 à 1625 (registre n° III). Cependant, après juin 1630, on ne note plus de lacunes visibles (plusieurs jours ou plusieurs mois omis). L’enregistrement des sépultures d’enfants même âgés de quelques jours ou de quelques mois, permet de croire qu’il n’y a pas sous-évaluation notable du nombre des morts. Le contenu des actes s’étoffe en 1634 et les années suivantes.

Malgré leur imperfection, ces données permettent de cadrer chronologiquement l’épidémie. Nous avons la preuve que l’année 1628 fut une année d’appréhension comme la raréfaction des mariages le montre 8 mariages seulement cette année-là contre une moyenne de 12,2 de 1620 à 1627. De même l’extrême désordre qui règne dans l’enregistrement des actes de baptêmes pour la deuxième moitié de 1628 dit assez qu’un événement extraordinaire bouleversait de paisibles habitudes. Le danger se serait donc précisé dans l’été de 1628. Or, nous savons que la peste était à Toulouse, venue du Rouergue, en septembre 1628, à Tournon, en Vivarais, issue du Lyonnais, à la fin de cette même année. Au début de 1629, l’épidémie cerne Béziers de toutes parts et la ville ne tarde pas à y succomber. La brusque interruption de l’enregistrement des actes de mariages après le 5 février 1629 (4 mariages ont été célébrés depuis le 7 janvier) permet d’affirmer que c’est à ce moment que la peste s’est installée dans la paroisse. Le mutisme total sur l’enregistrement des actes de mariages et de sépultures, le désordre dans l’enregistrement des actes de baptêmes fixent entre février 1629 et juin 1630, l’intensité maximum des ravages épidémiques. C’est d’ailleurs la même observation que les délibérations consulaires de Béziers permettent de faire : en avril 1630 la peste commence à refluer de la ville, mais ce reflux est stoppé par un retour offensif de la maladie en 1631. La peste revient aussi à Sérignan où elle provoque la mort de nombre des 93 personnes décédées enregistrées. Dans l’hiver de 1631, elle a disparu. Elle a duré, avec des périodes de poussées et de rémissions, 34 mois. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1979

Nombre de pages

9

Auteur(s)

Alain MOLINIER

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf