Description
La nécropole abbatiale à Saint-Guilhem-le-Désert État des questions
Les origines des nécropoles abbatiales et la chronologie de leur constitution dans les monastères médiévaux ne sont pas suffisamment étudiées jusqu’à présent. On connaît plusieurs descriptions de quelques « cimetières des abbés » incluses dans les monographies de certaines abbayes, mais il nous manque une vue générale de la question. Les textes historiques et hagiographiques restent aussi plutôt muets à ce sujet.
Ces textes, et spécialement les coutumiers monastiques, nous démontrent seulement que la mort dans ces communautés était, aussi bien pour des frères que pour des abbés, rigoureusement égalitaire. Les distinctions réapparaissent seulement pour l’inhumation la vêture, le choix du lieu de la sépulture, la construction d’une tombe et la liturgie post mortem qui est plus fastueuse pour les abbés que pour les simples moines.
Dans les premiers siècles du Moyen Age, en continuation de la tradition antique, les abbés penchent plutôt pour l’inhumation ad sanctos, c’est-à-dire à l’intérieur d’un édifice sacré, à la proximité de la tombe d’un martyr ou d’un saint vénéré.
Dès les Ve– VIIe siècles, les interdictions juridiques d’ensevelir dans les églises, constamment répétées à l’époque carolingienne visaient à installer les tombes au-dehors de ces sanctuaires. Ces interdictions favorisent en même temps l’inhumation aux alentours d’un édifice sacré et spécialement dans le portique ou dans l’atrium, considérés comme lieux de passage propres à ménager la transition entre l’environnement et le lieu sacré.
C’est en prenant à la lettre les interdictions des Canons de l’Église, que Richard Bavoillot-Laussade, dans son étude sur la basilique carolingienne de Saint-Guilhem-le-Désert, voudrait attribuer une fonction funéraire à la salle située au rez-de-chaussée du massif occidental. Il considère cette salle comme le « panthéon » des Wilhemides et comme site de la sépulture primitive de Guilhem. Malheureusement, on ne trouve aucune preuve exacte pour soutenir cette thèse. Et aussi bien, aucun membre de la communauté monastique ne se trouve enterré dans ce lieu.
Les exceptions aux règlements interdisant d’ensevelir dans l’église, faites dans les communautés monastiques et spécialement dans celle des vierges cloîtrées, concernent en un premier temps la construction d’un deuxième édifice pour l’usage strictement funéraire (Arles, Saint-Paul à Paris). Toutefois, la juridiction du VIIIe-IXe siècle distingue les personnages privilégiés ayant le droit d’être ensevelis dans l’église. En 797, Théodulfe évêque d’Orléans déplore dans ses capitula ad presbyteros que les édifices sacrés soient transformés en cimetières, et interdit l’enterrement dans les églises, exception faite pour les prêtres et les gens justes. Ainsi, le chapitre 20 du Capitulaire pour la réforme des Gaules en 813 précise, que sauf pour des évêques, des abbés et des prêtres fidèles et bons, nul ne saurait être enterré dans une église.>
Ces canons ont été insérés dans plusieurs Capitulaires postérieurs. En 827, on les retrouve dans les Capitularia d’Anségise, abbé de Fontenelle (Saint-Wandrille), décédé en 833. Les Gesta abbatum Fontanellensium A.823-833 mentionnent à deux reprises l’emplacement de la tombe d’Anségise.
Dans la première, il est question de domus conventus sine curia (c’est-à-dire de la salle capitulaire), située au nord de l’abside de la basilique Saint-Pierre, dans la seconde on parle d’un porticus. S’agit-il ici du même lieu ? On pourrait songer à une galerie du cloître sur laquelle aurait donné la salle capitulaire, mais, ce n’est qu’une supposition. En 1671, lors de la destruction du chapitre, on retrouva une tombe anonyme, attribuée alors sans preuves exactes à l’abbé Anségise.
Les témoignages des Gesta Abbatum Fontanellensium apportent une des premières mentions de l’inhumation d’un abbé en dehors de son église. La cause du renoncement à un privilège acquis de la part d’Anségise (peut-être un geste d’humilité), nous reste inconnue. Toutefois, dans les siècles suivants, il trouva de nombreux imitateurs et continuateurs.
La pénurie de textes ainsi que de données archéologiques pour le Xe et le début du XIe, siècle nous interdit de démontrer une continuation directe de cette disposition funéraire. L’existence d’une nécropole abbatiale aménagée dans la salle capitulaire ou dans le cloître est bien attestée dès la deuxième moitié du XIe siècle.
Nous retrouvons dès la fin du XIe, siècle, les tombes des abbés de Saint-Guilhem-le-Désert, « en avant du chapitre », comme l’on interpréterait le complément du lieu in parte capituli – « dans l’aire en avant du chapitre », c’est-à-dire dans l’aile orientale du cloître. Le premier à être mentionné par les Annales de Gellone (fig. 1) est l’abbé Béranger, décédé le 6 novembre 1099 et enterré in claustro in parte capituli, dans le cloître en avant du chapitre. Son « tombeau de pierre » reposait sur quatre colonnettes et portait l’inscription suivante : « Le 8 des ides de novembre [25 octobre E. D.] mourut ce père, l’abbé Béranger, homme bon et pieux ».
Une question se pose immédiatement. Dans l’intérieur de quel bâtiment l’abbé Béranger fut-il enterré en 1099, puisque l’aile orientale du cloître, construite à la fin du XIIe siècle, n’existait pas encore ? La localisation d’une tombe abbatiale implique nécessairement l’existence, à la fin du XIe siècle, d’un cloître primitif remontant peut-être à l’époque carolingienne ou plutôt d’un portique élevé au-devant du chapitre. L’inhumation d’un évêque ou d’un abbé dans l’espace découvert est très rare, elle est dans la plupart des cas une sanction des péchés commis par l’individu défunt. Ce lieu « maudit » ne servira donc jamais par la suite de nécropole abbatiale.
Informations complémentaires
Année de publication | 1998 |
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Nombre de pages | 6 |
Auteur(s) | Elzbieta DABROWSKA |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |