Revue Etudes Héraultaises n°56, La justice de paix dans le canton de Roujan (Hérault) à la fin du XVIIIe siècle, Michel-Édouard BELLET

La justice de paix dans le canton de Roujan (Hérault) à la fin du XVIIIe siècle

* Conservateur en chef du patrimoine (er)

« Il y aura dans chaque canton un juge de paix. Ce juge de paix ne pourra être choisi que parmi les citoyens éligibles aux administrations de départements, de districts, et âgés de trente ans accomplis, sans autre condition d’éligibilité.
Le juge de paix sera élu au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages par les citoyens actifs du canton, réunis en assemblée primaire » 1.

Le dossier que nous présentons ici est conservé aux Archives départementales de l’Hérault et concerne les ordonnances du juge de paix du canton de Roujan du district de Béziers, dans l’arrondissement de Lodève (aujourd’hui dans celui de Béziers) à la fin du XVIIIe siècle. Nous avons choisi de présenter ce dossier, du fait de son unité chronologique (l’an VII, années 1798-1799) de la ruralité marquée du canton de Roujan de taille plutôt modeste, toutefois non loin de Béziers (22 km) et de Pézenas (12 km), villes plus importantes. Nous avons ici l’occasion de réfléchir à la fonction d’un juge de paix de campagne, presque dix années après la création de la fonction. Que représente cette fameuse proximité de ce juge sur laquelle aussi bien sur la forme que sur le fond, le législateur révolutionnaire a bâti la fonction ? Nous sommes dans la période qui précède la réforme de la constitution de l’an VIII (15 décembre 1799) à partir de laquelle les juges de paix cessent d’être élus, sont désignés et voient leur intégration dans l’institution. C’est-à-dire que l’on s’écarte des principes revendiqués par la Révolution.

Représentation d’un Juge de Paix muni de son bâton.
Fig. 1 Représentation d’un Juge de Paix
muni de son bâton.

Une justice de paix 2

Dans les cahiers de doléances pour la convocation des Etats généraux de 1789, il est fréquemment souhaité une réforme de la justice. Durée des procédures due à de multiples instances judiciaires, coût parfois totalement déraisonnable, absence de proximité, instaurent une forme de perte de confiance entre la justice et les justiciables. Le Tiers État en particulier réclame une réforme de la « petite » justice civile. Les tentatives de transformation ont généralement échoué et l’ajout de nouvelles juridictions n’a guère modifié la situation. Les demandes d’amélioration sont rares, c’est un véritable changement qui est souhaité 3.

Un État nouveau, une justice nouvelle

L’État nouveau créé en 1789 est fondé tout à la fois sur les Droits de l’Homme et la souveraineté nationale représentée par des députés. Les Droits de l’homme sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. Le même droit pour tous appliqué par des juges exécutants, tel est l’esprit. Il faudra cependant attendre 1804 après plusieurs échecs, pour obtenir enfin un code civil. J. Derrida a parlé de « déconstruction » 4, il voit dans la Révolution « la déconstruction du souverain » et la déconstruction de la justice. L’association directe du peuple dans l’exercice de la justice n’est pas une idée neuve (démocratie athénienne, république romaine). Au Moyen Âge, une justice rapide rendue par des juges non-professionnels existe déjà et est reconnue dans des chartes municipales en particulier pour les marchands dont les nombreuses relations et les nombreux déplacements occasionnaient des conflits. Mais c’est une innovation exceptionnelle de la Révolution 5.

Les débats des révolutionnaires soulignent des conceptions différentes représentées par Bergasse, Seyes et Thouret entre 1789 et 1790. Si le consensus se fait sur l’élection du juge, les divergences portent sur l’étendue des circonscriptions et des compétences. La réforme aboutit finalement assez vite par les décrets des 26-24 août 1790. Les idées fortes sont simplicité, gratuité, rapidité, proximité, équité.

Sur l’origine de l’idée des juges de paix, il y a débat. On y reconnait l’influence des expériences de la Grèce antique, les exemples anglais, hollandais ou celle des juges du châtelet d’Ancien Régime 6. Le secteur géographique et administratif fait également l’objet de discussions et finalement c’est le canton qui est choisi. Un canton comprend 5 à 6 000/8 000 habitants pour une dizaine de villages. Rappelons que domine alors le monde rural (85 % de la population). La figure du juge est d’abord celle d’un homme d’expérience connaissant bien son milieu. « Tout homme de bien, ami de la justice et de l’ordre, ayant l’expérience des mœurs, des habitudes et du caractère des habitants, a par cela seul toutes les connaissances pour devenir à son tour juge de paix ». (Intervention du député Thouret à l’assemblée le 24 mars 1790). La compétence juridique n’apparaît pas essentielle, il suffit d’être local, avoir plus de trente ans et être éligible (avoir plus de 25 ans et payant au moins une contribution équivalente à dix journées de travail).

Ses attributions vont peu à peu s’élargir (puis se réduire !). Il va finir par se fondre à partir de 1799, dans l’ensemble de la hiérarchie judiciaire. La constituante hésite quant aux attributions de cette justice : compétence civile et conciliation puis viennent également les petites infractions. Sous le Directoire, la conciliation passe au deuxième plan 7. S’ajoutent alors l’instruction des délits et des crimes. Dans l’ancien régime, les juges seigneuriaux (70 000) réglaient les petits litiges mais sans réelle proximité avec la population, le juge de paix doit lui obligatoirement résider sur place et l’élection par ses concitoyens renforce sa légitimité.

Son originalité est de chercher à substituer, autant que faire se peut, la conciliation au jugement. Mais la pauvreté de moyens dont dispose le juge de paix aura raison de sa spécificité.

La Loi des 16-24 aout 1790 définit dans son titre III la justice de paix. Outre les caractéristiques rappelées plus haut, le juge de paix est élu (et rééligible) pour deux ans dans les assemblées primaires du canton et avec lui sont élus des assesseurs au départ au nombre de 4 par commune du canton.

La compétence à l’origine comprend pour la justice civile, les causes inférieures à 50 livres et sans appel et celles jusqu’à 100 livres avec possibilité d’appel au district. Tout (ou presque) peut être soumis : les droits patrimoniaux mais aussi les dommages des hommes, des animaux, les bornes, les limites de propriété, les baux, les salaires, etc. À la fonction conciliatrice est adjointe une fonction contentieuse comme pour assurer le pouvoir du juge 8 : si les parties ne se concilient pas, il y a alors jugement.

Le juge de paix peut toujours concilier y compris quand la cause est hors compétence selon le titre X, article premier : « Dans toutes les matières qui excéderont la compétence du juge de paix, ce juge et ses assesseurs formeront un bureau de paix et de conciliation ». Dans le cadre de ce « bureau», tout est fait pour obtenir un accord.

Des prérogatives relevant de la justice gracieuse sont de sa compétence. Par exemple, en présidant les tribunaux de famille, en rédigeant les actes de tutelle. Il est responsable des reconnaissances d’enfants, des héritages, peut poser des scellés, et traiter de divers actes familiaux, etc. À partir de juillet 1791, la justice pénale va être ajoutée à ses prérogatives. Il préside le tribunal de police correctionnelle pour les délits moyens. Officier de police, il peut mener des enquêtes, délivrer des mandats d’amener, conduire des interrogatoires toutes actions qui conduiront éventuellement devant le tribunal criminel. Les charges des juges de paix vont vite s’alourdir, en particulier, avec la gestion des délits du code rural 9.

On résumera donc ainsi l’esprit des constituants 10 : faciliter le recours à des modes non contentieux, accorder aux citoyens un contrôle effectif sur le personnel judiciaire, simplifier les procédures et avoir accès à une justice de proximité. Pour aménager la justice 11, il faut une réorganisation administrative et créer une nouvelle carte judiciaire ce qui est fait en 1790 par la création de 83 départements, 547 districts et 6 000 cantons.

Avec la constitution de l’an III 12, un nouveau code pénal et correctionnel, un code des délits et des peines est promulgué. Les juges sont encore élus au suffrage censitaire, mais il arrive qu’en cas de vacance le Directoire procède directement aux nominations. Le pouvoir judicaire n’est pas encore indépendant. Si les juges de paix traitent des affaires mineures et de la conciliation, les autres affaires civiles relèvent du tribunal civil du département.

Dans ce dossier, qui se termine en septembre 1799, nous nous situons peu avant la nouvelle constitution de l’an VIII (13 décembre 1799) qui marque la fin d’un cycle 13.

On n’a pas toujours conservé les comptes-rendus des élections et cela paraît être le cas pour ce canton 14. La première de ces élections a lieu en octobre-novembre 1790. Le taux de participation n’est pas très élevé : 31,5 % pour le Languedoc 15. La constitution de l’an III prévoit à partir de 1795 que les assemblées plénières se tiennent chaque année le 1er germinal 16, les citoyens actifs sont alors réunis, le plus souvent dans une église. L’élection suivante a lieu en l’an IV et souvent le résultat joue le jeu de la stabilité car la complexité des tâches tend à la professionnalisation en opposition avec l’esprit même de la création de cette fonction.

Les « assesseurs » ou « prud’hommes assesseurs » qui accompagnent le juge de paix, et peuvent temporairement le remplacer si nécessaire, sont élus par la même occasion. Ce sont des conseillers occasionnels qui peuvent exercer d’autres fonctions exceptées certaines d’ordre public. Il y a normalement deux assesseurs par commune car le juge peut se déplacer et doit avoir alors à disposition des collaborateurs.

C’est ainsi que l’indique le titre III la loi fondatrice des 16-24 août 1790 :

  • ART. 6. – Les mêmes électeurs (que pour l’élection des juges de paix) nommeront, parmi les citoyens actifs de chaque municipalité, au scrutin de liste et à la pluralité relative, quatre notables destinés à faire les fonctions d’assesseurs du juge de paix. Ce juge appellera ceux qui seront nommés dans la municipalité du lieu où il aura besoin d’assistance.
  • ART. 7. – Dans les villes et bourgs dont la population excédera huit mille âmes, les prud’hommes assesseurs seront nommés en commun par les sections qui concourront à l’élection du juge de paix ; elles recenseront à cet effet leurs scrutins particuliers (…).
  • ART. 8. – Le juge de paix et les prud’hommes seront élus pour deux ans et pourront être continués par réélection.
  • ART. 9. Le juge de paix, assisté de deux assesseurs, connaîtra avec eux de toutes les causes purement personnelles et mobilières (…).

Mais rien n’est dit à leur sujet dans la Constitution du 3 septembre 1791, ni dans celle du 24 juin 1793. C’est seulement dans le titre VIII « de la justice civile », de la constitution de 1795 (5 fructidor an III) qu’ils apparaissent :

  • ART. 212. – Il y a, dans chaque arrondissement déterminé par la loi, un juge de paix et ses assesseurs. – Ils sont élus tous les deux ans et peuvent être immédiatement et indéfiniment réélus.
  • ART. 213. – La loi détermine les objets dont les juges de paix et leurs assesseurs connaissent en dernier ressort. Elle leur en attribue d’autres qu’ils jugent à la charge d’appel.
  • (…) ART. 215. – Les affaires dont le jugement n’appartient ni aux juges de paix ni aux tribunaux de commerce, soit en dernier ressort, soit à la charge d’appel, sont portées immédiatement devant le juge de paix et ses assesseurs pour être conciliées. Si le juge de paix ne peut les concilier, il les renvoie devant le tribunal civil.

Si les juges sont payés entre 600 et 2 400 livres selon l’importance de leur secteur et les greffiers entre 200 à 800 livres, les assesseurs sont des bénévoles. Dans l’esprit de la justice nouvelle, plus « d’épices », les fonctions du juge sont gratuites 17. L’idée de la proximité conduit également à l’absence de costume particulier 18. La considération ne vient pas du costume mais du sens de l’équité de la capacité à concilier, le juge de paix ne dispose que du bâton de justice. Mais il pourra porter « attaché au côté gauche de l’habit, un médaillon ovale, en étoffe, bordure rouge, fond bleu, sur lesquels seront écrits en lettres blanches ces mots : La loi et la paix » 19. Sous le Directoire cet insigne est remplacé par une branche d’olivier en métal suspendu sur la poitrine. De la même façon le tribunal ne dispose pas de locaux particuliers, le juge donnera audience chez lui ou sur le terrain chez les particuliers concernés 20. La lettre d’un juge de paix 21 qui réclame des locaux au ministère de la justice et trouve sa situation indigne se verra opposer une fin de non-recevoir.

Dans la pratique, de nombreux hommes de loi sont élus. Dans les cantons auvergnats étudiés 22, c’est bien le cas. Victor Jeanvrot dans des régions diverses parvient au même constat 23. Claude et Claudine Coquard précisent que ce sont toujours des notables qui sont choisis pour leur importance politique et administrative même si les cumuls de fonctions ne sont pas admis 24. C’est la même chose à Allauch dans les Bouches-du-Rhône 25.

La justice de paix à Roujan

Roujan est une commune rurale à l’ouest de la vallée de l’Hérault qui marque la limite entre le pays des garrigues à l’est et celui des collines viticoles à l’ouest. Ces collines forment des reliefs plus doux et plus continus et s’étendent jusqu’à la plaine de l’Aude. Elles sont largement cultivées en vignes, aujourd’hui rarement remplacées par d’autres cultures. À la fin du XVIIIe siècle, comme ailleurs dans la région, oliviers, souvent complantés de vignes, céréales et jardins autour des villages, présentent un paysage assez notablement différent. La plupart des nombreux villages s’appuient sur les hauteurs et dominent leurs terroirs, selon la configuration que présente le bourg de Roujan dans l’arrière-pays et à une douzaine de kilomètres de Pézenas 26 dans une région très rurale.

L’histoire des lieux a été assez peu explorée si on excepte l’étude du prieuré de Cassan et celle du sanctuaire St Jean 27.

En 1789, le village compte 204 feux (environ 1 200 habitants) et sensiblement le même nombre à l’extrême fin du XVIIIe siècle 28.

Une ordonnance du Bureau de paix et de conciliation. Une conciliation réussie avec transport sur les lieux du litige.
Fig. 2A Une ordonnance du Bureau de paix et de conciliation. Une conciliation réussie avec transport sur les lieux du litige.
Une ordonnance du Bureau de paix et de conciliation. Une conciliation réussie avec transport sur les lieux du litige.
Fig. 2B Une ordonnance du Bureau de paix et de conciliation. Une conciliation réussie avec transport sur les lieux du litige.

Les documents étudiés sont classés aux Archives départementales de l’Hérault, sous la cote générale L8629 et concernent les ordonnances en l’an VII, du juge de paix du bureau de paix et de conciliation de Roujan alors dans l’arrondissement de Lodève, aujourd’hui dans celui de Béziers 29.

Ce sont au total 87 actes pour l’an V ; 69 pour l’an VI ; 53 pour l’an VII ; 27 pour l’an VIII soit pour quatre années un total de 236 actes qui sont conservés.

Les dossiers sont cousus de coton, de dimensions variables mais de l’ordre de 20×25 cm.

Les 53 actes de l’an VII objet de notre commentaire, couvrent la période du 12 octobre 1798 au 5 septembre 1799.Ils sont constitués de quatre cahiers numérotés de 1 à 4. L’an VII commençant le 22 septembre 1798 et se terminant le 23 septembre 1799, on peut considérer que la totalité de l’année est traitée.

Une mention manuscrite en première page est lisible : « N°18. Justice de paix canton de Roujan. Ce registre commencé le 12 vendémiaire l’an sept a fini le 19 fructidor an sept. Le registre est à la fin de ce [dossier] ». Il s’agit sans doute du 18e cahier d’enregistrement depuis la création de la fonction de juge de paix à Roujan.

De leur examen il ressort qu’il se tient 41 séances dans l’année entre le 12 vendémiaire an VII et le 19 fructidor an VII (3 octobre 1798 au 5 septembre 1799) soit onze mois. Trois séances donnent lieu à trois ordonnances, sept à deux et trente et une à une seule.

Le juge de paix siège soit en tribunal soit en bureau de paix et de conciliation. Sur les 54 ordonnances concernées, 41 ont été prononcées en bureau de paix et de conciliation et 13 sans mention car le juge de paix dresse alors procès-verbal assisté de son seul greffier. C’est le cas lors de la nomination d’un tuteur ou curateur avec la réception d’un conseil de famille ou bien la pose de scellés et un inventaire après décès.

Deux jugements portent condamnation. L’un en dernier ressort, pour paiement d’une rente foncière accompagné d’une indemnité de retard. La formation est composée du juge et de deux assesseurs. L’autre est en formation de bureau de paix ce qui est anormal mais résulte de la tenue d’une conciliation probablement antérieure le même jour, dans cette formation. Ces deux condamnations concernent par ailleurs les mêmes protagonistes et pour partie le même sujet d’une rente foncière et d’une dette liée à un héritage.

En formation dite de « Bureau de paix et de conciliation », il y a présence d’un juge de paix assisté de deux assesseurs et d’un greffier. Il siège au domicile du juge dans tous les cas sauf un – ou le juge titulaire apparemment impliqué familialement dans le différend – le tribunal se tient « à la maison curiale ». En formation de tribunal à proprement parler, le juge est également assisté de deux assesseurs.

Le bureau de paix peut se déplacer sur les lieux du litige si la situation le demande et peut, dans cette formation conciliatrice traiter d’affaires hors de sa compétence.

Lors de l’établissement d’un constat, comme un procès-verbal de scellés après décès ou un inventaire après décès, le juge agit et se déplace en compagnie uniquement de son greffier, sans assesseurs.

Un cas existe ou trois assesseurs sont notés présents ce qui résulte certainement d’une erreur du greffier. L’un des assesseurs ne pouvant siéger car partie prenante dans le conflit qui aboutit d’ailleurs à l’unique cas de conciliation directe. L’assesseur donne l’exemple !

Une analyse montre que les séances sont les plus nombreuses en octobre (7), il y en a 3 en novembre et en décembre 1798. En 1799 on en note 3 en janvier, février et 6 en mars, 5 en avril, 4 en mai, 3 en juin, 2 en juillet et 1 en septembre. Rien ne vient en fournir une explication rationnelle.

Le tribunal ou bureau de paix se réunit n’importe quel jour de la semaine excepté le mardi, à l’évidence jour de repos, rarement le samedi mais fréquemment le dimanche (17 %). Le lundi reste jour de prédilection (43 % des cas). En effet, les juges de paix peuvent juger « tous les jours, même ceux du dimanche et de fête, hors des heures de service divin, le matin et l’après-midi » 30. Nous n’avons pas ici d’indication d’heure et de jours d’audiences fixes contrairement à ce que l’on peut trouver en ville 31.

L’activité n’est pas intense, moins d’une ordonnance par semaine 32. Mais la surprise provient de l’absence d’actes de l’ordre du pénal. Ont-ils été perdus ? Rangés ailleurs ? Ou sont-ils inexistants, ce qui parait assez peu probable ? Même si le plus souvent ils sont en nombre réduit.

À titre de comparaison, dans les cantons auvergnats étudiés 33, la justice gracieuse représente 12 % des actes, le civil 80 % des actes et le pénal seulement 4 % sur 11 000 actes ! À Draguignan, la justice civile est la plus utilisée avec 36 % des actes 34. À Allauch, « l’institution a connu de fortes fluctuations » : 142 affaires en 1791 puis le déclin s’amorce pour atteindre 47 entre 1793 et 1796 puis reprendre ensuite mais peu de temps pour décliner à 33 affaires en 1799 35. Nous ne sommes pas très éloignés des données du juge de Roujan.

Le personnel du tribunal

La justice de paix de Roujan comprend un seul juge qui statue en compagnie de deux assesseurs-ceux-ci pouvant ponctuellement le remplacer et greffier. Il n’y a pas de trace d’un huissier ce qui n’est pas très étonnant en milieu rural.

Le juge de paix et ses assesseurs ont été élus aux élections du 1er germinal an VI (21 mars 1798). Ils sont élus pour deux années et rééligibles 36. Au début de la réforme, on peut exercer en même temps deux fonctions. Nous n’avons pas la preuve de l’existence concomitante de tel comportement. À partir de 1795, ce n’est plus légalement possible 37.

Le juge de paix titulaire Joseph Puel est toujours présent excepté une fois où il est familialement impliqué semble-t-il. Un Jacques Puel « secrétaire en chef de l’administration communale » est comparant face au percepteur des contributions directes. Notre juge en titre se retire au profit d’un assesseur et dans un autre cas, il est dit « empêché », peut être souffrant. Il est à chaque fois remplacé par le même (premier ?) assesseur Pierre Azéma.

Joseph Puel, né le 15 mai 1753, est le fils de Augustin Puel, alors premier consul, notaire à Roujan entre 1762 et 1800 et de Jeanne Maffre 38.Témoin à un mariage le 20 mai 1793, il est dit « secrétaire-greffier de la municipalité ».

Il va se marier, à l’âge de 40 ans 39 le 28 brumaire an II (18 novembre 1793) avec Geneviève Raynard (née le 11 mars 1761), également de la commune de Roujan comme ses parents. Il est alors « greffier de justice de paix du canton de Roujan ». Les deux fonctions de greffier du tribunal et de la municipalité ont pu se cumuler. À sa mort on le trouve marié (deuxièmes noces ?) à Marie Laurens 40. Il prend la succession de son père en 1800 et abandonne donc sa charge de juge de paix. Il restera notaire royal jusqu’à son décès le 13 février 1818 à l’âge de 65 ans 41. Issu d’une famille de notables, il commence sa carrière comme greffier du juge de paix et la termine comme notaire, alors que l’esprit de 1791 est d’éloigner les hommes de loi des fonctions de juge de paix. Ils sont suspectés de tout compliquer mais souvent nommés par sécurité 42.

On sait par les dossiers conservés, que Joseph Puel est déjà juge de paix en l’an IV. Mais il a été réélu après la constitution de l’an III (1795) puis le 1er germinal an VI (21 mars 1798). Les juges de paix doivent être renouvelés en 1800 mais la constitution de l’an VIII modifie les conditions de nomination 43. Est-ce la raison pour laquelle il devient notaire succédant à son père Augustin, et donc ne se présente pas ou bien est-il battu ? 44

À part sa modeste rémunération, le juge a peu de moyens. Il n’a pas de locaux affectés et reçoit chez lui 45 car il s’agit de favoriser la proximité avec les justiciables. Le juge n’a pas plus de tenue particulière nous l’avons vu et il ne doit pas se distinguer du simple particulier. Mais il a à la main un bâton, au moins de sa hauteur, avec une pomme en ivoire 46.

Les assesseurs

Depuis la constitution de l’an III : « Article 212. – Il y a, dans chaque arrondissement déterminé par la loi un juge de paix et ses assesseurs. – Ils sont tous élus pour deux ans, et peuvent être immédiatement et indéfiniment réélus ». L’article 209 indique qu’ils doivent avoir au moins trente ans, sont révocables et ne sont pas inamovibles. Juges et assesseurs sont élus en même temps.

La loi du 24 aout 1790 a établi la présence de quatre assesseurs par canton, auxquels le juge fait appel sachant qu’il a besoin de deux assesseurs pour être en formation de justice ou de conciliation. Ils ne sont pas rémunérés et ne sont pas toujours assidus d’où la nécessité d’en avoir plusieurs disponibles. Nous avons ici cinq assesseurs : Pierre Azéma, Majan Castan, Antoine Cellier sont très fréquemment appelés à seconder le juge. Pierre Azéma le remplace même comme juge à deux reprises. Moins fréquemment avec seulement trois présences pour chacun, on trouve Majan Laget et Pierre Laget.

Le greffier vient compléter l’équipe, depuis 1796, il est nommé par le juge de paix. On connait ici un certain Bernard Biben ou Bibent. Peut-être greffier depuis 1792 mais un acte de mariage en 1792 le mentionne « officier public » 47. Il est chargé de notifier la cédule à la partie concernée et tient le registre des actes de justice qu’il doit déposer au tribunal du département. C’est un collaborateur rémunéré. Le traitement pour les zones de plus de 30 000 habitants est de 266 francs à partir de 1799. S’y ajoutent des indemnités diverses mais qui ne permettent pas au greffier de rouler sur l’or.

La procédure

Le principe de proximité veut que l’on puisse saisir facilement et gratuitement le juge de paix. L’écriture des conclusions doit faire appel à un langage suffisamment clair pour que chaque justiciable soit à même de le comprendre. La démarche est à l’opposé de celle de l’ancien régime.

Il existe des modèles de procédure qui sont recommandés 48 et l’on peut retrouver certaines constances d’un tribunal à l’autre. Les audiences sont publiques exceptées celles de conciliation car on estime que cela nuirait au processus de conciliation 49.

La cédule de citation est sollicitée par le demandeur auprès du juge de paix. C’est une demande de comparaitre adressée au défendeur. Elle contient l’objet et le jour de comparution. Le compte-rendu du juge à l’issue du résultat de la conciliation ou du jugement, rappelle la date d’émission de la cédule, celle de l’enregistrement et celle à laquelle elle a été notifiée au défendeur.

Une décision pour une demande de conciliation

La décision commence par la date républicaine « xxx de la république française une et indivisible », puis suit « devant nous XXX juge de paix du canton de Roujan, assisté des citoyens xxxx et xxx assesseurs, assemblés en bureau de paix et de conciliation dans ma demeure au lieu-dit de Roujan, a comparu xxxxxx » … « Lequel par cédule du xxxx (date) enregistrée le xxx (date) a fait citer les citoyens xxx. Aux fins d’être conciliés si faire se peut ».

Suit l’exposé du litige exprimé par le demandeur puis la réponse du défendeur, éventuellement une réponse en retour du demandeur. Vient ensuite la décision et en cas d’échec de la conciliation, la formule : « Ayant inutilement essayé de concilier les parties les avons renvoyés par devant le tribunal civil du département de l’Hérault en conformité de l’article 215 de l’acte constitutionnel et nous sommes signés avec notre greffier ».

Il n’y a jamais d’explications quant à l’échec, aucune désignation de responsable ou de causes. L’idée est qu’il ne faut pas influencer le jugement à venir du tribunal civil.

Cette formule est ainsi transformée en cas d’arbitrage volontaire : « d’après notre médiation, les parties se sont soumises à l’arbitrage volontaire » ; elles choisiront un sur-arbitre s’il y a lieu. Ces arbitres sont dotés de pleins pouvoirs et sans appel.

Ou « d’après notre médiation, elles (les parties) ont convenu et demeuré d’accord de soumettre leur différend à la décision arbitrale » et l’un choisit le citoyen « x » comme arbitre et l’autre choisit le citoyen « y ». Pouvoir est donné aux dit-arbitres de rendre une décision motivée et en dernier ressort et de choisir un sur-arbitre si nécessaire, c’est-à-dire si les avis sont contraires.

Le procès-verbal est plus sobre encore :

« Aujourd’hui le xxx de la république une et indivisible devant moi xxxx juge de paix du canton de Roujan se sont présentés xxxx ».

Selon le cas du mariage d’un mineur, complété par « Et par xxx a dit qu’il a fait convoquer devant moi la dite assemblée de parents et amis à effet de demander leur avis et de délibérer sur le mariage… qu’il entend contracter avec xxxx ». Les voisins et amis réunis à sept en conseil de famille, disent leur accord au mariage et en conséquence nomment un curateur au mineur concerné.

Ce dernier prête serment « devant l’Être suprême » de bien remplir sa mission. La référence à « l’Être suprême » vise à conforter la légitimité de l’exercice 50. Le juge rédige ce procès-verbal et les parties signent. La forme est plus libre dans le procès-verbal de scellés ou d’inventaire après décès etc.

Une condamnation relève de la même démarche : « nous juge de paix, le citoyen « x » entendu, le citoyen « y » entendu avec exposé du demandeur puis du défendeur, condamnons… ».

Dans tous les cas ceux qui ne savent signer sont indiqués comme tels : « à l’exception de qui a déclaré ne savoir signer ». Dans les campagnes roujanaises, la majorité des justiciables ne sait pas signer.

Commentaires

Au long de ces onze mois, le tribunal prononce 27 décisions de non-conciliation, la nomination d’un tuteur et reconnait sept conseils de famille pour la nomination de sept curateurs aux fins de revendiquer une succession ou un mariage avant la majorité alors fixée à 21 ans. Deux scellés sont apposés et deux inventaires après décès effectués, de façon partielle pour l’un qui est laissé aux bons soins d’un notaire. L’accord des parties pour la nomination d’arbitres est ordonné dans 11 cas. Un accord est obtenu pour la nomination spécifique d’un arbitrage de géomètre. Deux condamnations sont prononcées et une ordonnance formalise un accord entre les parties.

Les ordonnances de non-conciliation et de renvoi à la juridiction supérieure (tribunal civil de l’Hérault) représentent 52 % des décisions. Dans 22 % des cas, cet échec est compensé par l’acceptation par les parties de la procédure d’arbitrage. Les procès-verbaux de délibération de famille et la nomination d’un curateur/tuteur représentent 15 % des décisions. Un seul cas de conciliation directe, soit moins de 2 %, donne à réfléchir sur le succès de la formule.

D’où viennent les plaideurs et quels sont leurs métiers ? Un simple pointage montre qu’ils viennent en grande majorité de Roujan (10), Neffies (13) et Gabian (8). D’autres, moins nombreux demeurent à Béziers (4) en dehors de la zone d’action du tribunal mais agissent lors de conflits dans le canton de Roujan. De chacun des villages d’Alignan et Roquessels proviennent deux justiciables mais un seul vient de Fontès, Vailhan, Puéchabon, Pouzzoles, Margon, Magalas, Abeilhan, Caux.

Les métiers ne sont pas toujours mentionnés mais fort logiquement dans ce canton rural, la profession d’agriculteur domine largement. On rencontre également un meunier, un tonnelier, un maréchal-ferrant, un garçon boucher, un cordonnier, un maréchal des forges, un propriétaire foncier, le secrétaire en chef de l’administration communale, le percepteur des contributions directes qui représentent leur administration, mais aussi un curé. Les sujets abordés restent assez limités et se répartissent principalement entre ceux liés à la terre et au monde rural et ceux concernant la famille.

Les questions rurales

Sans surprise des transactions concernant les terres sont nombreuses à être discutées.

Ainsi, on demande la restitution d’une terre vendue 5 ans auparavant. Ou bien, une dispute sur la vente d’une terre est arbitrée sans succès, un arbitre s’étant désisté ; la demande est renvoyée devant le tribunal civil de l’Hérault. Un arbitrage pour un désaccord sur la vente d’une terre n’aboutit pas davantage et l’affaire est également renvoyée devant le tribunal civil. Ailleurs, des parties sont déjà en conflit pour une affaire de servitude d’eau ; s’y ajoute une question d’usurpation de terres. Elles choisissent l’arbitrage. À Gabian, c’est la vente d’un moulin mais également d’une métairie et son domaine avec de nombreuses terres dont on demande la rescision pour lésion de la vente.

C’est la même chose pour la vente de deux vignes. Mais le motif résulte du paiement en assignat du fait de la dépréciation de la monnaie papier. La demande est formulée au nom de la loi du 19 prairial an VI sur cette dépreciation 51. Parfois les données sont plus complexes et le bureau de paix propose la voie de l’arbitrage pour régler le rachat d’une terre dont s’est emparée une personne alors que le propriétaire en titre a disparu et que la succession reste ouverte.

Le règlement de la rente foncière fait également l’objet de litiges. Le montant de la ferme d’un moulin est réclamé, mais comment obtenir une indemnité du propriétaire car selon le meunier pendant les 3/4 de l’année du fait de la sécheresse, le moulin n’a pas tourné. C’est un motif de dispense ou de réduction du fermage selon la pratique habituelle dans le pays. La conciliation échoue car le demandeur ne serait pas le réel fermier, c’est du moins, faute de mieux, l’argument juridique du propriétaire.

Cette même rente foncière vaut une des deux condamnations du tribunal, à un agriculteur qui ne l’a pas payée. Une affaire complexe autour d’un bail de métairie ne trouve pas plus son aboutissement. Plusieurs affaires réunissant les mêmes protagonistes sont d’ailleurs pendantes au tribunal civil et portent sur une redevance en nature impayée mais le mis en cause évite la question : ce n’est pas lui mais son père décédé, qui était titulaire du bail.

L’accaparement de terres sans accord ni titre se rencontre également. Il en est ainsi d’une bataille autour de la propriété d’une terre inculte, accaparée, nous dit-on, « depuis moins de 30 ans » en référence à l’action en usucapion 52. La défense argue de la configuration du terrain, un mur entre l’olivette et cette terre marque clairement la limite, il n’y a donc pas moyens d’occuper indûment. Le juge propose un expert géomètre sur le terrain et fixe une date.

Un autre cas, d’accaparement sans titre d’une vigne celui-ci, est contesté. Mais le mis en cause déclare ne pas posséder cette vigne c’est peut-être un malentendu que tranchera le tribunal civil de l’Hérault.

Enfin, des questions diverses égaient le quotidien du juge et de ses assesseurs.

Un agriculteur a entrepris de remblayer un fossé destiné à recevoir les eaux d’une pièce de terre au-dessus de la sienne et de détruire le mur de soutènement entre les deux propriétés. Le juge se rend sur le terrain et parvient à concilier les parties mais l’une de ces parties est Pierre Azéma, qui (sauf homonymie) est un assesseur du tribunal. Ceci peut expliquer la facilité du résultat.

Un homme, plâtrier de son état, meurt à Pézenas. Le juge, dans l’intérêt des héritiers, sur annonce de son collègue de Pézenas où a eu lieu le décès, se rend au domicile du défunt pour y apposer les scellés. Un premier inventaire est effectué par J. Puel accompagné de son greffier. Aux objets agricoles inventoriés, on apprend que le défunt développait également une activité de vigneron. Nous revenons plus loin sur ce dossier car la famille se retrouve à toutes les étapes de la succession devant le juge Puel.

Une citation à comparaitre pour le prix contesté de la vente de fumier se conclue provisoirement par la désignation d’arbitres.

La nomination d’arbitres avec l’accord des parties ou au contraire la non-conciliation avec renvoi au tribunal civil du département de l’Hérault sont les décisions les plus fréquentes.

On remarque qu’en formation de conciliation, c’est-à-dire par principe en dehors des questions de droit et plus orientée vers la résolution selon le sens commun, deux sujets de droit sont abordés : l’usucapion pour l’exclure, la rescision pour lésion pour agir, en liaison avec la dépréciation de l’assignat.

Les questions familiales

Les questions abordées liées à la famille concernent la désignation d’un tuteur ou d’un curateur après réunion du conseil de famille. Ou encore, on cherche à régler une succession pour un mineur ou à autoriser son mariage. Les questions de succession restent la grande cause de différends.

La désignation d’un tuteur n’a lieu que dans un seul cas où il s’agit de très jeunes enfants. Plus fréquentes sont la formation d’un conseil de famille 53 et la désignation d’un curateur.

À partir d’avril 1791 54, il n’y a plus de hiérarchie entre les enfants, tous sont au même régime successoral. L’opération devant le juge a pour ambition, soit de régler une succession, soit d’autoriser en conseil de famille le mariage d’un(e) mineur(e). Ces deux cas nécessitent la nomination d’un curateur que désigne le conseil et que ratifie le juge de paix 55.

La pose de scellés relève de la protection des droits des héritiers. À deux reprises en l’an VII, le juge Joseph Puel procède à la pose de scellés. D’abord à Roujan chez Joseph Maury puis à Neffies chez François Clergues. Nous reviendrons sur le cas de la famille Maury ou le juge établit l’inventaire complet des biens. Par contre chez Clergues, il ne procède qu’à un pré-inventaire laissant ensuite le notaire établir la succession.

Dans plusieurs cas la succession est réglée dans le contrat de mariage des parents c’est-à-dire sous l’ancien régime, avec la désignation d’un légataire.

Un fils justifie du contrat de mariage de son père en date du 3 janvier 1783, dans lequel il lui fait don de tous ses biens. Une autre succession est difficile avec un testament de mai 1784 pour trois des enfants encore vivants sur quatre. Ou bien, un époux en secondes noces représente les intérêts de sa fille mineure nommé héritière universelle par testament du 21 juin 1785 et l’enfant ne peut alors bénéficier d’aucun héritage.

Une situation étonne dans une succession réclamée selon un contrat de mariage du 8 mai 1792. Il y a accord des parties mais avec une demande de délais pour le règlement des sommes : c’est sans doute la raison pour laquelle le juge choisit de renvoyer quand même au tribunal civil du département.

Dans des successions difficiles, on choisit la voie de l’arbitrage

L’arbitrage est traité dans le titre Ier de la loi des 16-24 août 1790 : « L’arbitrage étant le moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens ». Dans cette procédure chaque partie désigne librement un arbitre et s’engage à suivre les décisions qu’ils prendront ensemble. À défaut d’accord, elles acceptent par avance la désignation d’un « sur-arbitre » qui tranchera. On « recrute » l’arbitre parmi les siens, dans son milieu. Les agriculteurs en conflit choisissent des agriculteurs, souvent de leur village, connus pour leur respectabilité. L’article 12 titre X de la loi de 1790 institue qu’en cas de litige dans une famille, les parties devront nommer des parents, ou des amis ou voisins pour arbitres. L’arbitrage concrétise l’idée que c’est aux simples citoyens que l’on doit confier la justice ou « à ceux en qui ils ont mis leur confiance » (Robespierre).

Assez rapidement perverti de son esprit original, sous l’influence en particulier des hommes de loi, celui d’une voie simple ou des particuliers règlent les problèmes des particuliers, l’arbitrage participait de la lutte contre le coût de la justice, sa lenteur et les arguties juridiques diverses. De principe premier, il devint toléré puis fut éliminé du code de procédure civile de 1806 56.

Ainsi, la succession d’un agriculteur est mise en cause car la veuve dispose d’une pièce de terre qu’un autre agriculteur lui réclame. Dans une conciliation pour partie réussie, le défendeur accepte de payer les droits dus aux demandeurs dans un partage successoral. Tous acceptent un arbitrage pour fixer le montant. Une autre fois, l’arbitrage est accepté pour régler une succession où l’un des enfants est donataire contractuel par le contrat de mariage de ses parents.

Un remariage pose fréquemment problème. Ici, des enfants réclament leur dû, mais l’un d’entre eux a disparu et n’est donc pas décédé légalement. Les mis en cause acceptent de régler partie de l’héritage mais s’appuient sur la disparition d’un des enfants pour ne pas tout verser et acceptent la perspective d’un arbitrage.

Une mineure dont le curateur vient d’être nommé par le conseil de famille, demande la succession de son père dont le frère ainé est donataire selon le contrat de mariage enregistré chez Augustin Puel, notaire à Roujan le 9 avril 1792.

Mais tout n’est pas si simple, on n’efface pas aisément les conflits et le renvoi au tribunal civil du département reste fréquent. Ici un frère dit avoir donné sa part de succession à l’autre. Il se considère comme quitte ce qui n’est pas l’avis du second. Là un homme s’est accaparé tous les biens de son frère décédé, sous prétexte d’une vente. Les successeurs demandent récession de la vente qu’ils considèrent comme fictive et le partage en trois successibles, ce que l’intéressé refuse. Une maison est disputée. Le nouveau propriétaire dit l’avoir achetée au mari de la veuve qui en revendique la propriété actée dans son contrat de mariage.

Plus étonnant est un renvoi malgré l’accord sur le fond. Une fille réclame sa dot actée par le contrat de mariage de la mère et la succession de son père. La mère est d’accord. Le juge renvoie cependant au Tribunal civil sans plus de détail au motif que la conciliation a été vaine. On reste surpris. S’agit-il d’un accord sur le principe mais pas dans les modalités ? Nous n’en savons pas plus. Dans tous ces cas, contrairement au principe même de la conciliation qui recherche « le compromis acceptable », certes dans la légalité mais indépendamment des arguments juridiques, il arrive que ceux-ci soient développés. Il y a là certainement l’indication que les juristes ne sont pas si distants des plaignants. Voyez ces cas-abordés déjà plus haut – où les références juridiques sont plus prégnantes.

Dans un premier cas, l’objectif d’une action est de faire annuler un acte de 1765, réglant une succession de la mère des demandeurs, pour lésion. La succession ayant été réglée contre une compensation financière. C’est un échec de la tentative de conciliation. Mais on remarque que le raisonnement du défendeur est fondé en droit sur la prescription de la demande.

Dans cette autre affaire, une maison est discutée lors d’une succession. La veuve la réclame, car elle lui a été donnée dans son contrat de mariage en 1777, dit-elle. Mais le propriétaire actuel affirme l’avoir achetée de feu le mari comme faisant partie « des biens totaux (sic) donnés par cette dernière (l’épouse) dans son contrat de mariage » et le mari en est devenu propriétaire. Il a pu par conséquent aliéner le bien « suivant les autorités indiquées par Ferres dans ces institutions du droit français page 190 ». La citation indique une argumentation préparée par un juriste.

Ailleurs c’est une allusion à l’usucapio – prescription trentenaire – qui est invoquée pour rejeter la possession d’une terre inculte.

Ces exemples montrent que, contrairement à l’esprit même des constituants, les hommes de loi, certains ici viennent de Béziers, s’infiltrèrent progressivement dans les nouvelles procédures pour les dévoyer peu à peu 57. Il est fait également allusion à une affaire en cours « devant le sénéchal » de Béziers (sic !) d’ancien régime. Formulation qui atteste de la lenteur du changement des habitudes.

Ainsi, à Clermont-Ferrand, des hommes de loi représentent des plaignants à de nombreuses reprises. À Montpellier sur 225 affaires traitées en bureau de paix, les hommes de loi représentent les parties dans 54 affaires, soit plus de 25 %. L’esprit même de la loi se trouve détourné par cette tolérance 58. Nous avons à Roujan un fondé de pouvoir en lieu et place des plaignants dans quatre affaires. Il s’agit de Jacques Puel. Faut-il imaginer que le lien de parenté avec le juge, a facilité cette tolérance ?

Un exemple des services de la justice de paix : la famille Maury

Un exemple illustre le rôle du juge de paix dans des affaires non contentieuses. C’est celui de la famille Maury de Roujan qui utilise ses services à cinq reprises durant cette année. À la suite du décès accidentel du père, il s’agit de valider la désignation de deux curateurs, de procéder à la pose des scellés dans l’habitation puis de les lever et de procéder à l’inventaire des biens. Enfin, le conflit entre les enfants à propos de l’héritage, est évité par la décision accepté par tous d’avoir recours à la voie de l’arbitrage. (Fig. 3)

Joseph Maury, fabricant de plâtre de son état a eu un accident à Pézenas le 13 octobre 1798 (22 vendémiaire an VII). Il est décédé le 23 « à dix heures du matin dans la maison du citoyen Rabot également fabricant de plâtre ». Il était marié à Marie VAISSIERE depuis 1766 ; il la laisse seule avec cinq enfants dont trois majeurs :

  • Pierre MAURY marié à Barbe ABBE ;
  • Alban MAURY marié à une fille ROBERT le 9 avril 1792, 31 ans ;
  • Marguerite MAURY épouse VIOLET, 21 ans ;
  • Et deux mineurs, Guillaume et Jeanne.
Extrait de l’Atlas du compoix de 1772-1779
Fig. 3 Extrait de l’Atlas du compoix de 1772-1779

Alban est « donataire contractuel » selon contrat de mariage de ses parents reçu par Augustin Puel notaire – et père du juge de paix Joseph Puel – le 9 avril 1792.

Le juge Puel intervient à la demande son collègue de Pézenas, le juge Brousse, averti du décès. Il s’agit de protéger les ayants-droits et en particulier les deux mineurs. Nous sommes le 23 vendémiaire (14 octobre 1798), le jour même de la mort de Joseph Maury. Le juge se rend dans le bourg de Roujan, assisté de son greffier, à la maison du défunt. Il y trouve la veuve Vaissière sa femme qui lui déclare les cinq héritiers et fait le serment que rien n’a été détourné de la succession. En présence de la veuve et de Barbe Abbe (ou asse) épouse de Pierre Maury, de Guillaume et Jeanne les deux mineurs, il va procéder à la mise sous scellés des biens et à leur inventaire. Les autres enfants, Pierre, Alban et son épouse ainsi que Marguerite se trouvant à Pézenas où ils soignaient leur père.

En suivant la pose des scellés et l’inventaire, nous avons l’occasion d’avoir une idée de la disposition de la maison occupée par la famille Maury. Elle comprend une « pièce ayant entrée sur la cuisine et en face de l’escalier ». Une chambre obscure donne sur la cuisine c’est celle ou couchait le défunt. Le juge ferme la chambre qui est occupée par Alban et son épouse également au rez-de-chaussée. La porte d’un grenier qui est situé au couchant, au-dessus de la chambre précédente et qui prend « jour sur la rue du côté du midy », voit l’apposition de scellés. Le grenier est occupé par un couchage. Le palier du grenier à foin est également occupé par un lit et utilisé en chambre. Au rez-de-chaussée se trouve l’écurie. Un petit cellier (perrier) existe à droite de l’écurie 59. Il s’agit donc d’une maison très simple et trop petite pour une famille de 5 enfants ou l’ainé marié reste sous le même toit. Le grenier est occupé par le couchage des deux filles et sur le palier du grenier dort un garçon. L’inventaire des biens en montre la modestie. Peu de meubles, des lits et des chaises, des coffres, un placard mural et peu de vêtements. Le juge établit un premier inventaire le 23. Le 24 vendémiaire, Alban Maury requiert le juge en qualité de donataire contractuel de tous les biens de son père car, dit-il, maintenir les scellés est très gênant pour toute la famille. Il en demande la levée et l’inventaire de tous les biens. C’est l’intérêt de tous pour la préservation des droits héréditaires.

Attardons-nous aux témoignages de l’activité économique de la famille. Le père est officiellement fabricant de plâtre mais il exerce certainement avec ses enfants et son épouse, l’activité de vigneron sans oublier celle d’agriculteur pour le blé et peut-être la nourriture des bêtes. On trouve dans cet inventaire le matériel du fabricant de plâtre, des « bassines servant à extraire le plâtre », des sacs à plâtre, « un gros marteau de fer », etc. Dans l’écurie se trouvent deux mules, « une de 12 ans et l’autre 7 ans », deux bats, deux bardes, une charrue avec son matériel, une paire de banastes, deux colliers pour les mules, etc. L’inventaire relève le produit du travail du vigneron, c’est-à-dire plusieurs tonneaux remplis de vin rouge pour plus de dix muids au total, plus « une cuve de bois pleine de vendange d’environ cinq muids », nous sommes en octobre. Faute de place le père a l’habitude de confier des tonneaux de vin à un voisin, ce que ne manque pas de noter le juge qui se rend sur place. Est conservé dans l’écurie un fouloir « de bonne valeur » nous dit l’inventaire, et aussi un cochon dont le poids est évalué à un quintal et demi.

Le compoix montre que la famille possède quelques oliviers ce qui explique certainement la petite réserve d’huile dans une jarre de terre. La maie à pétrir, le moulin à meuler, le crible à blé, les tables à porter le pain, indiquent la fabrication artisanale du pain familial à partir des céréales produites et la cuisson au four commun. L’heure tardive interdit au juge de conclure le 14, il revient le 15 brumaire pour évaluer l’héritage la somme de l’ensemble à 2 400 francs. « Sans aucune raison ni prétexte » Alban Maury, méfiant peut-être, refuse alors de signer, note le juge sur son procès-verbal. Par dépit de la faiblesse de l’héritage pour cinq enfants ? 60 C’est là sans compter la maison évaluée fiscalement à une centaine de livres, les vignes, les olivettes et autres champs que le compoix recense, le tout restant modeste 61.

Mais, le 13 ventôse (3 mars 1799), Guillaume a 19 ans, et veut bénéficier de son héritage ; il se présente devant le juge avec sept parents ou amis lesquels réunis en conseil de famille 62 ont déclaré nommer Jean Pierre Barral comme son curateur et l’assemblée autorise le mineur et son curateur à procéder à tous les actes pour bénéficier de l’héritage et à soumettre les différents à l’arbitrage volontaire. Barral « a promis et juré les mains levées devant l’Être suprême de bien et dument s’acquitter de ses fonctions ». Le lendemain, quatorze ventôse, Alban Maury « donataire contractuel » et aussi Louise marguerite Maury épouse de André Violet, Pierre Maury majeur et Guillaume Maury mineur assisté de Jean-Pierre Barral son tout nouveau curateur se présentent au juge Puel. Tous frères et sœurs qui souhaitent se faire délivrer par leur frère Alban « leurs droit légitimaires ou supplémentaires » de l’héritage de leur père commun. Ce à quoi Alban répond positivement et s’apercevant les uns et les autres que « la voie de l’arbitrage volontaire est la plus courte, la moins dispendieuse et la seule à suivre surtout entre frères et sœurs qui ne désirent rien tant que de cimenter de plus en plus leur union fraternelle et continuer de vivre en bonne amitié et bonne intelligence » ont accepté selon proposition du juge la voie de l’arbitrage. Et ils désignent chacun un arbitre soit pour Alban, Bernard Aubrespy agriculteur à Roujan et pour les autres Majan Laget également de Roujan. L’affaire serait provisoirement close s’il ne manquait les droits de l’autre mineur, Jeanne, âgée de 16 ans alors. Celle-ci se présente le 11 germinal (1er avril 1800), comme son frère, devant le juge car elle veut bénéficier des droits à l’héritage de son père et en conséquence est accompagnée de sept parents et amis réunis en conseil de famille pour désigner un curateur. C’est laurent Barral qui est nommé. Ayant pris connaissance du Procès-verbal instituant des arbitres, Jeanne veut ajouter sa participation. Laurent Barral jure devant l’Être suprême : « les mains levées à l’Être suprême de bien et dument s’acquitter du devoir de sa fonction ». Le juge dresse procès-verbal. Le lendemain (12 germinal), devant le même juge, Jeanne Maury accepte l’arbitrage et désigne le même arbitre que ses frères et sœurs face à Alban dans le même dispositif.

L’histoire s’arrête là dans les minutes du tribunal, mais elle pourrait peut-être être poursuivie. Le juge, on le voit, a été très sollicité par cette famille frappée par un drame. Il ne tranche ni n’arbitre mais constate : les biens de la famille, les demandes des conseils de famille, le recours à l’arbitrage pour finaliser les conditions de l’héritage. On se doute de sa sollicitude et capacité d’influence. Service de proximité, il peut en quelques procédures simples, dans un délai court, dans le cadre de ses fonctions gracieuses, répondre à l’urgence de la situation. C’était le souhait du législateur, inventeur du juge de paix.

Cette étude d’un ensemble d’ordonnances d’un juge de paix dans les campagnes du biterrois présente un certain intérêt mais avec des limites.

Nous avons, ainsi une meilleure connaissance de ces juges des campagnes, de leur proximité avec la population dans une grande modestie de moyens (pas de locaux, des séances à domicile, et une faible rémunération) pour une activité modeste. Presque une dizaine d’années après la création de l’institution, on en distingue déjà l’évolution. Les hommes de loi s’emparent peu à peu des fonctions, alors qu’à l’origine, seuls « les hommes de bien » devaient en assurer la charge. La conciliation, après avoir connu un développement certain, marque le pas à partir du Directoire. Environ la moitié des décisions concerne dans notre échantillon, des échecs de la conciliation. Mais cette formule originale qu’est l’arbitrage où finalement, on choisit ses juges directement parmi les siens, connait un beau succès. Est-ce à dire que la proximité revendiquée se trouve contestée par une notabilité de la fonction ? Car le juge Puel, ancien greffier, est bien un notable d’un père notaire, jouissant de biens, un temps premier consul et frère d’un fondé de pouvoir de gros propriétaires, d’un autre agriculteur et qui lui-même deviendra notaire à son tour. Nous n’en avons pas approfondi la généalogie mais elle nous conduirait certainement déjà dans cette classe de propriétaires d’une fortune pour une part issue de l’ancien régime et qui triomphera au XIXe siècle. Sommes-nous si loin du juge d’Honoré de Balzac 63 ? Les questions autour de la terre, la propriété, l’exploitation agricole sont très prégnantes avec celles autour de la famille. Tout est dit de cette France rurale ou la famille est la cellule de base, les fruits de la terre la ressource de base. Si ce n’est très ponctuellement la trace d’un métier à filer qui indique des activités complémentaires peut-être strictement domestiques, nulle trace dans notre dossier d’artisanat ou d’ateliers. Avec la propriété vient la succession et son cortège de rivalités et jalousies pressées par la nécessité de conditions de vie souvent bien rudes à nos yeux.

Ce dossier réduit porte ses limites. Comment généraliser à partir d’une cinquantaine de décisions ? Comment imaginer une année durant l’absence totale de problème pénal ? Cela reste possible toutefois. L’étude devra s’élargir depuis la création de la justice de paix jusqu’en 1804 et le code civil. Nous en avons des éléments 64. L’expérience montre tout l’intérêt des études de séries, comme à Montpellier ou Béziers 65. Que disent en 1798 et 1799 de la Révolution, ces cahiers d’un petit tribunal de province ? Que les nouvelles règles sont appliquées pour l’essentiel non sans quelques archaïsmes comme cette allusion au « sénéchal de Béziers » ou ce « serment à l’Être suprême » déjà désuet en cette fin de siècle. Les procédures paraissent appliquées pour l’essentiel si on excepte quelques bévues ou oublis 66. On y perçoit les aléas économiques liés à la sécheresse ou au rendement insuffisant, à la nécessité de multiples ressources ou aux difficultés à faire rentrer les fermages mais aussi aux conditions monétaires plus générales (assignats). Ils disent aussi la continuité du droit, de la vie des campagnes ou la propriété d’un lopin d’oliviers se dispute aussi âprement après 1789 qu’avant. La conciliation reste une originalité révolutionnaire, certes aux origines diverses, mais marquée du sceau du « jugement en équité », elle a connu des vicissitudes. On a vu dans les raisons de son demi-succès la mauvaise préparation des juges – ne concilie pas qui veut – ou l’action des juristes incitant à refuser une démarche pour eux de peu de considération. « Mal aimé des juges » 67, elle en a subi la vindicte sournoise. Enfermée au XIXe siècle dans des soucis de rendement judiciaire, elle a vu son sort peu à peu s’étriquer mais sans jamais disparaitre vraiment. La chute de la justice de paix transformée en 1958 en tribunal d’instance lui a porté un rude coup. Toujours renaissante non plus vraiment à l’aune révolutionnaire du « jugement des pairs » mais plus souvent à celle de l’économie des procédures, elle s’est maintenue dans la fonction de Conciliateur de justice qui vient de connaitre un réel regain avec la loi 2020 d’une justice pour le XXIe siècle.

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PEYRARD 2003 : PEYRARD (Christine), Justice de paix, police champêtre et confins sociopolitiques en Provence :quelques éléments d’approche dans Annales du Midi, tome 115, n°243, juillet-septembre 2003, pages 413-424.

POUMAREDE 2013 : POUMAREDE (Jacques), La conciliation, la mal-aimée des juges, dans les Cahiers de la justice, 1/2013,pages 125-139.

ROYER, DERASSE et alii 2017 : ROYER (Jean-Pierre), DERASSE (Nicolas), ALLINE (Jean-Pierre), DURAND (Bernard), JEAN (Jean-Paul), Histoire de la justice en France du XVIIIe siècle à nos jours, PUF 5e édition 2017. Paris, 1290 pages.

SELIGMAN 1901 : SELIGMAN ( Raymond), La justice en France pendant la Révolution (1789-1792), Paris, Plon-Nourrit, 1901.


Roujan : eléments de Bibliographie

CROUZAT 1859 : CROUZAT (Alfred ), Histoire de la ville de Roujan et du prieuré de Cassan : suivie d’une notice sur les diverses communes du canton, Béziers, Vve Millet, 1859, 284 p.

COLIN et alii 2007 : COLIN ( Marie-Geneviève), SCHNEIDER( Laurent), VIDAL (Laurent), SCHWALLER (Martine). Roujan-Medilianum (?) de l’Antiquité au Moyen Âge. De la fouille du quartier des sanctuaires à l’identification d’une nouvelle agglomération de la cité de Béziers, dans Revue archéologique de Narbonnaise, tome 40, 2007. pp. 117-183.

THERNOT 1999 : THERNOT ( Robert), Roujan (Hérault). 29 rue Basse. Dans Archéologie médiévale, tome 29, 1999. p. 262.

FABRE-DE ROUVILLE 1894 : FABRE (Albert) et DE ROUVILLE (Paul), Roujan et les communes du canton : Fos – Fouzilhon – Gabian – Magalas – Margon – Montesquieu – Neffiès – Pouzolles – Roquessels – Vailhan, coll. « Histoire des communes de l’Hérault » (no XXVI), 32 p., 1894, Montpellier.

TUREL-SOTOS 2013 : TURREL (Katia), SOTOS (Serge), « Premiers résultats de la fouille partielle du cimetière médiéval du prieuré de Cassan (Roujan – Hérault) », Études héraultaises, Montpellier, Association Études sur l’Hérault, n° 43, 2013, p. 5-16.

UGOLINI-OLIVE 2013 : UGOLINI (Daniela) et OLIVE (Christian), Carte archéologique de la Gaule, le Biterrois, 34/5, Paris, 2013, 634 pages. Voir Roujan pages 460-471.

NOTES

1. Loi du 24 août 1790.

2. Pour les généralités voir : CHAUVAUD et alii 2007 ; COQUARD 2001 ; LEONNET 1989 ; METAIRIE 2004 et 2014 ; PETIT 2003 ; ROYER, DERASSE et alii, 2017.

3. METAIRIE 2004, p. 97 et s. ; ROYER, DERASSE et alii, 2017 ; DONNADIEU 1789, voir pages 293, 315, 352 etc. pour la Sénéchaussée de Béziers.

4. HUMBERT 2014, note 5, page 168.

5. BIANCHI 2003.

6. Sur cette question voir le développement de HENRION de PANSEY 1835.

7. HUMBERT 2014, page 170.

8. METAIRIE 2004 page 111.

9. COQUARD 2001.

10. METAIRIE 2004 page 113.

11. CHAUVEAU et alii, 2007, p. 28 et s.

12. CHAUVEAU et alii, 2007, pages 50 et s.

13. CHAUVEAU et alii 2007, p. 54 ; Constitution du 22 frimaire an VIII et proclamation du 24.

14. Cela reste cependant à vérifier de façon plus approfondie que le simple sondage effectué dans la documentation disponible. Sur les élections, voir par exemple PEYRARD 2003, page 421.

15. Cité par BIANCHI 2003 page 42 note 2 : FOURNIER (Georges), Démocratie et vie locale en Languedoc du milieu du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle, Association des Amis des archives de Haute Garonne, Toulouse, 1994.

16. Constitution du 5 fructidor an III – 22 août 1795 titre 3, article 27.

17. EHONGO MESSINA 2014, page 93.

18. BOEDELS 1989.Le décret des 14 et 18 octobre 1790 précise que « les juges de paix n’auront point de costume particulier ».

19. Décret du 6 mars 1791.

20. EHONGO-MESSINA 2014, p. 83 et s.

21. JEANVROT cité par EHONGO MESSINA 2014 page 88.

22. EHONGO MESSINA 2014, pages 42, 43, 49.

23. JEANVROT 1883.

24. COQUARD 2001.

25. BELMONTE 2006.

26. Voir Atlas des paysages de Languedoc-Roussillon : http://paysages.languedoc-roussillon.developpement-durable.gouv.fr/Herault/default.html.

27. On pourra voir par exemple : COLIN et alii 2007, CROUZET 1859, FABRE-ROUVILLE 1894, TURREL-SOTOS 2013, THERNOT 1999, UGOLINI-OLIVE 2013. MISSION AD34 2014. Et également : https://archives-pierresvives.herault.fr/archive/catalogue/heraultcommunes/roujan/n:41 : « Les premières mentions archivistiques de Roujan remontent au milieu du XIe siècle (Castellum de Royano en 1059…). Albert Fabre dans son Histoire des communes du canton de Roujan parue en 1894, les date quant à lui de 893 (Castrum locum Rogani)… En 1709, Roujan est cité sous la forme « Ronjau ». En 1761, la communauté de Roujan a pour dépendance la maison et le chapitre de Cassan. En effet, le monastère de Cassan…, se situe sur la paroisse Saint-Laurent de Roujan ».

28. DONNADIEU 1989.

29. Sous la même côte on trouve divers cahiers :

  • L’an IV occupe un cahier dont la numérotation commence au n°34 puis ceux-ci ne sont pas numérotés et se terminent au 11 prairial an IV.
  • 17 ordonnances constituent le cahier du 25 fructidor an IV au 18 frimaire an V.
  • D’autres actes non numérotés couvrent la période du 11 frimaire an IV au 16 ventôse an IV.
  • Il en est de même pour un cahier du 1er fructidor an IV au 25 fructidor an IV. Un acte porte le numéro 27, les autres ne sont pas numérotés.
  • Un cahier couvre l’an V avec seulement trois actes dont un en date du 22 ventôse n°41 et deux autres du 5 et du 6 germinal.
  • Un cahier commence le 18 floréal an V avec l’acte qui porte le n°51 jusqu’au premier jour complémentaire de l’an V. Sans numérotation.
  • En fin de dossier se présente un répertoire couvrant l’an V du premier vendémiaire (n°1) au deuxième jour complémentaire (N°87) de l’an V.
  • Un autre registre relié du premier jour complémentaire de l’an V avec deux ordonnances puis un registre dit numéro 1 du 3 vendémiaire an VI au 11 pluviôse an VI constitué de 29 numéros d’actes.
  • Un registre comprenant un acte n°30 du 16 pluviôse an VI au 26 germinal an VI portant le numéro 42 ou 43. Puis la reliure étant désordonnée, un n°17 du 22 brumaire an VI. La désorganisation se poursuit aux numéros 19, 40 et ensuite de 60 à 67 (29 fructidor an VI).
  • Le dossier contient également un jugement du tribunal de police du 3 brumaire an VI et des ordonnances du tribunal de paix mais qui ne sont pas numérotées, et portent sur l’an VI. Un répertoire pour l’an VI donne la liste de 69 ordonnances entre le 3 vendémiaire et le premier jour complémentaire de l’an VI.
  • Un cahier « an VIII du 13 pluviôse au 2e jour complémentaire qui suit fructidor ». Il forme un registre relié, les actes portent les numéros 1 à 27.

30. Décret du 14 et 18 octobre 1790, titre 1, article 1.

31. EHONGO-MESSINA pages 131 et s.

32. DURAND- COQUARD 1999, p. 190 : dans le canton de Bellenaves sur 7 ans, le juge produit 2 609 actes ce qui équivaut si on imagine des sessions en continu sur toute l’année, environ 7 actes par semaine.

33. COQUARD 2003. p. 52 et s.

34. PEYRARD 2003 p. 417.

35. BELMONTE 2006.

36. C’est du moins ce qui a dû se passer ; il n’a pas été possible de tenter de vérifier. Mais nous savons que le juge Puel est déjà élu dès l’an IV.

37. EHONGO-MESSINA, 2014, page 70 et suivantes.

38. Acte de naissance de Joseph : AD34. 5MI 23/9. St Laurent. 1737-1760, page 177.

39. AD34. 5MI.23/10 1793-1802 pages 3-4/94.

40. Nous n’avons pas approfondi la généalogie de cette famille de notables ruraux ou un frère de Joseph, Jacques, est fondé de pouvoir, et un autre, Augustin fils, agriculteur. Le compoix de 1772-1779 donne la liste de nombreux biens, dont deux maisons mais également un jasse, des terres, vignes, olivettes, etc., appartenant à Augustin Puel. L’estimation fiscale est de l’ordre de 350 livres (AD34. 1B11055.Roujan. Matrice du compoix 1772-17779, copie 1781).

41. AD34 5MI-23/décès 1813-1822.

42. EHONGO-MESSINA2014, page 49 et 50.

43. Dans la constitution de l’an VIII, le juge est choisi par le pouvoir central sur une liste de trois noms proposés par l’assemblée locale.

44. Nous n’avons pu examiner aux AD34, l’ensemble des dossiers qui peut-être, auraient permis une plus grande précision sur cette succession.

45. À une exception près, si on excepte les présences sur le terrain, mais il est remplacé par le premier assesseur, ceci expliquant sans doute cela.

46. Loi du 3 brumaire an IV – 25 octobre 1795.

47. AD34 5MI 23/10 (318-320).

48. GUICHARD 1790 ; EHONGO-MESSINA 2014 p. 89 note 378.

49. EHONGO-MESSINA 2014, page 87.

50. Le culte de l’Être suprême est tombé avec Robespierre et le coup d’État de Thermidor. S’agit-il d’une persistance rurale ? D’une application mécanique de prescriptions déjà anciennes ?

51. En 1789, l’assignat est garanti sur la nationalisation des biens du clergé. Mais jusqu’en 1793, la planche à billets/assignats s’emballe sous la pression des besoins nouveaux. La dévaluation de l’assignat par rapport au numéraire ne fait que s’accentuer. « La mauvaise monnaie chasse la bonne » et le numéraire se dissimule. Après Thermidor c’est la débâcle, l’expérience se termine en février 1796.

52. L’usucapion en droit privé est la possibilité d’acquérir un bien par la possession publique durant un certain délai, généralement trente ans.

53. Le Conseil de famille est composé de sept membres (plus tard, quatre suffiront). Il se réunit à la demande d’un proche de l’orphelin ou du mineur, souvent un des parents. Membres de la famille, voisins, amis peuvent le constituer.

54. Pour rappel, le droit d’ainesse a été supprimé par la loi des 15 et 28 mars 1791 et s’applique pour les familles mariées après 1790 puis plus tard en en janvier 1793 le régime s’applique à toutes les familles. En 1793 on applique la rétroactivité de la loi pour prévoir le partage égal des successions à partir du 14 juillet 1789. Mais le Directoire revient en 1795 sur cette dernière disposition.

55. COQUARD 2003 remarque que pour les régions d’Auvergne étudiées, la cohésion sociale de ces conseils de famille : « il n’existe aucun contre-exemple dans lequel les catégories sociales se trouveraient mêlées » page 60. À Roujan, au moins un (plus) grand propriétaire représenté par son fondé de pouvoir met en cause un fermier pour un fermage de métairie non payé.

56. METAIRIE 2004, page 114 et ROYER 2017, page 254.

57. METAIRIE 2004, p. 122 et suivantes.

58. EHONGO-MESSINA 2014, page 127 citant CARAIL page 58.

59. Le compoix de 1772-1779 révisé en 1781 « Plan cinquième de la ville » mentionne une parcelle numéro 1 propriété de Joseph Maury. La maison est située près de « la place publique de Saint Pierre » dont les traces ne sont pas évidentes aujourd’hui.

60. EHONGO-MESSINA 2014 page 96. À titre de comparaison rappelons (voir plus haut) que le traitement fixe annuel du juge de paix est de 800 francs auxquels s’ajoutent quelques indemnités variables.

61. Roujan AD 34 1B11055, matrice du compoix copie 1781, 1772-1779, pages 117-119. L’évaluation fiscale de la maison dans le village et des parcelles de terre en vigne, oliviers, etc., se monte à environ 113 livres.

62. Le Conseil de famille est la formule édulcorée du tribunal de famille créé dans le titre X de la loi du 16 août 1790. Sans être supprimés, ces tribunaux sont peu à peu vidés de leur substance. L’arbitrage initialement obligatoire, est supprimé mais ces structures persistent jusqu’au code civil de 1804. En ces années 1798/99, le conseil de famille de 7 membres de la famille, amis, voisins est principalement concerné par les questions liées aux mineurs (tuteur, curateur, succession). Voir ROYER-DERASSE et alii 2017, pages 257 et s. JALLAMION 2007 ou COMMAILLE 1989.

63. Le Curé de village, 1841.

64. Voir note 29.

65. CARAIL 2004 ; CHOURAQUI 2012.Ou les travaux importants en Auvergne : COQUARD 2001.

66. Comme dans la forme, la configuration en « Bureau de paix et de conciliation » maintenu lors d’un jugement, l’oubli d’enregistrer deux décisions.

67. POUMAREDE 2013.