La fosse de la fin de l’âge du Fer de l’établissement rural de Saint-Symphorien à Agel (Hérault)

La fosse de la fin de l’âge du Fer
de l’établissement rural de Saint-Symphorien à Agel (Hérault)

* Archéologue, Pôle Archéologique départemental des Pyrénées-Orientales
jerome.benezet@cg66.fr

Les recherches archéologiques menées depuis une cinquantaine d’années en Minervois, notamment sous la conduite de Guy Rancoule, on permis d’assez bien appréhender cette microrégion, en particulier au cours de la fin de l’âge du Fer et du début de l’époque romaine. Dans sa partie orientale, le site dominant est bien entendu l’oppidum du Cayla de Mailhac, tant par l’ancienneté des recherches qui y ont été menées que par le rôle – politique, économique – qu’il a certainement joué au sein de cet espace vallonné de l’arrière-pays narbonnais. En marge de ce site de hauteur et d’autres de moindre importance qui parsèment la région (Le Pech Saint-Vincent d’Aigues-Vives, le Caylar d’Agel, etc.), de nombreux sites ruraux occupés au cours des deux derniers siècles avant notre ère ont été identifiés et parfois en partie fouillés, souvent préalablement à l’exécution de travaux agricoles destructeurs 1. Parmi ces établissements d’ampleur réduite, celui de Saint-Symphorien à Agel est connu depuis assez peu de temps 2. (fig. 1)

Localisation du site.
Fig. 1 Localisation du site.

Présentation du site

Cet établissement est situé au sud du village d’Agel, sur le versant nord-ouest de la montagne du Pech, au niveau d’un léger replat dominant les terres basses de la Cesse et immédiatement bordé par le ruisseau de la Cisterne qui permettait de le pourvoir en eau. Il semble avoir été découvert au début des années 1980, lorsque les travaux de plantation d’une oliveraie par son propriétaire, M. Podrewski, entraînent la mise au jour d’une fosse contenant un mobilier assez abondant. Celle-ci, probablement le fond d’un silo fortement arasé, d’un diamètre d’environ 1,50 m pour une profondeur conservée de seulement 0,50 m, a été intégralement fouillée à cette occasion. À l’exception d’une panse d’amphore restée au domicile de l’inventeur, la quasi-totalité du mobilier avait été déposée au musée municipal de Cruzy où les pièces les plus complètes – notamment celles en campanienne A, les céramiques de tradition celtique et les amphores italiques – sont encore présentées au public 3. Le talus qui sépare les deux parcelles sur lequel s’étend ce site, ne montre pas le moindre vestige conservé, mais il témoigne du fort arasement de la parcelle basse, probablement afin de l’aplanir pour en faciliter la culture. Le site a donc été en grande partie détruit, ou tout au plus ne reste-t-il que quelques fonds de silos sur la parcelle supérieure, comme celui qui a déjà été découvert. Toutefois, afin de mieux préciser le contexte archéologique de cette découverte, une prospection pédestre fine a été réalisée en adaptant la méthode à la lisibilité des terrains.

Cet espace a dans un premier temps été occupé par un petit habitat d’environ 400 m², occupé au cours de la Préhistoire récente ou de l’âge du Bronze, sans plus de précision sur la chronologie tant la céramique non tournée était fragmentée et érodée et les quelques éclats de silex tout-à-fait atypiques. Leur présence montre simplement que ce secteur a bénéficié de conditions très favorables à l’installation humaine. Le site de la fin de l’âge du Fer s’étend sur une superficie inférieure à 1 000 m² et semble occupé, selon le mobilier récolté en surface, entre la seconde moitié ou la fin du IIe s. avant notre ère et le milieu ou le début de la seconde moitié du Ier siècle av. n. è., soit une occupation de l’ordre d’un siècle au maximum. Il semble que cet habitat se déplace ensuite un peu plus au nord, à l’emplacement actuel de la chapelle Saint-Symphorien où l’on signale la présence d’un établissement gallo-romain occupé de la seconde moitié du Ier s. av. n. è. jusqu’au IVe s. de n. è. 4. Le mobilier de l’Antiquité classique observé à l’emplacement de la ferme tardo-républicaine (amphores de Tarraconaise et africaine en particulier) matérialiserait ainsi la fumure des terres de l’espace vivrier de cette villa.

Le mobilier de la fosse

La fosse fouillée au début des années 1980 par le propriétaire de la parcelle contenait un mobilier céramique relativement important. Il réunissait, après recollage, 683 fragments pour 80 individus, vaisselle et amphores comprises (fig. 2).

Fig. 2 Inventaire du mobilier retrouvé dans la fosse.
Fig. 2 Inventaire du mobilier retrouvé dans la fosse.

La culture matérielle de ces petits habitats de la fin de l’âge du Fer est encore relativement méconnue dans le Minervois oriental, notamment à cause du manque de publications exhaustives et récentes de leur mobilier et surtout de comptages précis. Cet ensemble permet ainsi de pallier en partie ce vide en mettant en évidence certaines caractéristiques propres, que l’on peut replacer dans un contexte régional désormais mieux connu.

La vaisselle

Vaisselle importée

Les importations représentent à peu près la moitié du lot de vaisselle recueilli (52,7 %). Toutes sont d’origine italique et la plupart correspond à des vases à vernis noir. La campanienne A réunit quasiment la totalité des individus exogènes (27 sur 29). Elle présente une assez grande homogénéité par sa qualité moindre et son répertoire caractéristique des produits de la phase tardive des exportations 5. On note la présence d’un plat Lamb. 5/7 (F 2282) (fig. 3 n° 1) et surtout de plusieurs coupes de forme 8Bc (F 2942) (fig. 3 n° 3), caractéristiques de ces derniers arrivages. Les coupes Lamb. 27Bb (essentiellement F 2824 ; un exemplaire proche de F 2965b) (fig. 3 n° 4-7) présentent aussi des façonnages d’aspect tardif au niveau de la partie supérieure de la vasque et sur le bord. Les assiettes Lamb. 36 (proche de F 1312g) (fig. 3 n° 2) présentent un rebord pratiquement horizontal plutôt caractéristique du Ier siècle. D’autres éléments attestent du caractère tardif de ce lot, notamment les décors seulement composés de sillons concentriques sur le fond interne (fig. 3 n° 3 et 10). Les pieds sont le plus souvent trapézoïdaux (P221b et 221c, un seul exemplaire pouvant se rapprocher du type P211b). Quelques éléments, toutefois, semblent empêcher de dater au-delà de la première moitié du Ier s. av. n. è. cette vaisselle, comme la présence de deux coupes Lamb. 33b (fig. 3 n° 8) et de deux bols tardifs Lamb. 27b, certes assez grossiers (fig. 3 n° 9), tandis que les coupelles Morel 113 paraissent absentes.

Le mobilier de la fosse. Céramiques à vernis noir italique (1-13) et céramiques communes italiques (14)
Fig. 3 Le mobilier de la fosse. Céramiques à vernis noir italique (1-13) et céramiques communes italiques (14)

La céramique calénienne à vernis noir n’est ici représentée que par un seul vase, en l’occurrence une coupelle sur pied Lamb. 4 très fragmentée. Cette forme ne donne aucune indication chronologique, si ce n’est qu’elle est surtout présente dans les contextes du Ier s. av. n. è. et ne semble introduite en Gaule qu’à la fin du siècle précédent.

Enfin, le dernier récipient importé appartient à la vaisselle culinaire. Il s’agit d’un couvercle en céramique commune italique (fig. 3 n° 14), très fréquent sur les côtes méditerranéennes de la Gaule au Ier siècle av. n. è. et déjà présent auparavant.

Vaisselle régionale et/ou locale

Parmi la vaisselle supposée locale, on notera la présence de quelques fragments d’un bol profond à vernis noir (Lamb. 31b) présentant une pâte claire et un vernis brunâtre, rugueux et peu adhérent. Il ne semble pas qu’il s’agisse du groupe, assez homogène, au décor de palmettes radiales estampillées, connu dans la région au cours de la seconde moitié du IIe s. av. n. è. et dont l’origine pourrait être campanienne. Le présent vase se rapproche davantage des produits supposés régionaux dont quelques exemplaires sont déjà attestés dans la première moitié du Ier s. av. n. è. et qui deviennent beaucoup plus courants après -50.

Les céramiques de tradition celtique sont relativement bien représentées dans cet ensemble, avec sept individus au minimum. La pâte de la plupart des exemplaires est de couleur gris clair à jaune grisâtre, sans traitement particulier de surface et avec un dégraissant sableux relativement fin et plus ou moins abondant. Le répertoire des formes est typique du bassin audois au Ier s. av. n. è. et trouve par exemple de nombreuses concordances avec celui des ateliers de La Lagaste, dont la production est bien connue et datée 6 On retrouve ainsi l’urne CELT 1a / Ranc. 11 (fig. 4 n° 15), l’urne balustre CELT 3d / Ranc 10F (fig. 4 n° 17-18) et la coupe CELT 9a / Ranc. 30. La plupart de ces formes se retrouve couramment à La Lagaste dans les niveaux B, C et D, soit dans la période chronologique qui s’étend de 125 à 20 avant notre ère environ. L’urne carénée de type CTF-TOUL 2.1 (fig. 4 n° 16) semble être rare dans cette région du Languedoc et bien plus attestée dans le Toulousain. Elle est présente, par exemple, dans un puits funéraire de Vieille-Toulouse 7 dont le mobilier est datable du troisième quart du Ier siècle av. n. è. et de manière récurrente dans divers niveaux d’occupation de ce site datés de la seconde moitié du siècle 8 ou encore à Roquelaure dans le Gers dès la période 2b1 9. Il est toutefois déjà présent dans le « puits funéraire » VIII de Lectoure dans le Gers 10 et ferait timidement son apparition dès le dernier quart du IIe s. avant notre ère à Toulouse 11.

Le mobilier de la fosse. Céramiques celtiques (15-19), céramiques tournées de cuisine (20) et céramiques non tournées (21-28).
Fig. 4 Le mobilier de la fosse. Céramiques celtiques (15-19), céramiques tournées de cuisine (20) et céramiques non tournées (21-28).
Le mobilier de la fosse. Amphores : estampille sur épaulement (29), cols etbords isolés (30-39)
Fig. 5 Le mobilier de la fosse. Amphores : estampille sur épaulement (29), cols et bords isolés (30-39)

Un dernier exemplaire de ce groupe possède des caractéristiques nettement différentes. Il possède en effet une pâte gris sombre et une surface soigneusement lustrée. La forme de ce vase (Ranc. 22) (fig. 4 n° 19) est inspirée des assiettes à vernis noir du type Lamb. 36 et semble produite à La Lagaste entre les années 125/100 et 40 av. n. è. environ 12.

Les céramiques culinaires tournées ne sont représentées que par le biais de deux individus. Il s’agit d’urnes tournées (fig. 6 n° 20), aux parois assez fines et très fragmentées. Leur panse ne semble porter aucun décor. Les céramiques non tournées sont par contre bien plus nombreuses. Elles constituent, en nombre de fragments, la catégorie la mieux représentée (70,9 % de la vaisselle), mais elles sont largement dépassées par la céramique à vernis noir en nombre d’individus, n’atteignant alors que 29,1 %. Elles peuvent se répartir en deux groupes fonctionnels : les coupes/jattes et les urnes.

Habituellement, à la fin de l’âge du Fer, les coupes et jattes appartiennent le plus souvent au groupe des céramiques celtiques. Au contraire, dans cet ensemble, elles sont essentiellement en céramique non tournée (fig. 6 n° 21-23). Il s’agit de récipients au profil plus ou moins tendu et possédant un bord convergent généralement épaissi (CNT-LOC C2b-c). Morphologiquement, elles se rapprochent des variantes les plus récentes, attestées pour certaines sur le site voisin du Pech Saint-Vincent 13 dont l’ensemble est daté du Ier s. et probablement peu avant -50.

Les urnes non tournées (fig. 6 n° 24-28) semblent se rapporter pour l’essentiel au type CNT-LOC 7 (variantes b et d surtout). Elles possèdent pour la plupart un col nettement détaché de la panse par une carène vive au niveau de laquelle on retrouve un décor incisé ou ondé servant de limite au peignage. C’est une forme récurrente de la région, mais les plus proches parallèles se retrouvent, là encore, au Pech Saint-Vincent 14 mais aussi à Bize-Minervois, dans la fosse 6 du site des Quatre-Chemins 15.

Le mobilier de la fosse. Col d’amphore (40) et bord de petit dolium (41)
Fig. 6 Le mobilier de la fosse. Col d’amphore (40) et bord de petit dolium (41)

Les amphores et autres mobiliers

La totalité des amphores appartient aux productions républicaines d’origine italienne, certainement tyrrhéniennes (fig. 7-9). Typologiquement, 3 bords sur les 11 recensés pourraient être associés au type gréco-italique de transition mais la plupart s’inscrit dans le type Dr. 1 (rapport hauteur/largeur du bandeau supérieur à 1,4) et probablement même 1A. La hauteur moyenne des bords est d’environ 3,6 cm, pour une largeur moyenne de 2,2 cm. Les trois panses complètes, fuselées, à carène marquée mais peu ou pas anguleuse, se rapportent aussi au type Dr. 1A évolué, très fréquent au Ier s. av. n. è.

Aucun bord en bandeau très haut (supérieur à 5 cm) n’a été observé dans cet ensemble, ce qui semble exclure la présence de conteneurs de type Dr. 1B et probablement aussi de type Dr. 1C. Leur absence ou leur grande rareté avant le milieu du Ier s. est récurrente sur les sites de la région, par exemple Bram 16, Toulouse 17 ainsi qu’Ensérune où elles ne deviennent majoritaires que passé le milieu du siècle 18. À l’instar du lot dégagé dans l’aven du Pech Saint-Vincent 19, on peut situer celui-ci dans le courant de la première moitié du Ier s. av. n. è., voire la fin du siècle précédent. Notons enfin la présence d’une estampille apposée à la base d’une anse : eu égard à son état somme toute médiocre, sa lecture est difficile, mais elle doit probablement s’apparenter à un exemplaire de Lattes lu CIK précédé d’un trident : celui-ci provient d’un remblai de démolition daté des années 50-25 av. n. è. 20.

Enfin, un dernier récipient est un petit conteneur de stockage non tourné à pâte beige-jaune très sableuse et surface peignée. Il s’agit certainement d’un petit dolium (diamètre du bord : 40 cm) (fig. 6 n° 41). La rareté de ce type de conteneur sur le site renvoie aux autres habitats identifiés dans ce secteur, tel que les Quatre-Chemins à Bize-Minervois et le Pech Saint-Vincent à Aigues-Vives 21.

Une seule monnaie a été découverte dans cette fosse (fig. 7 n° 45). Il s’agit d’une monnaie à la croix à tête triangulaire 22. La datation d’une telle monnaie ne va pas sans problèmes. Son poids lourd pourrait toutefois indiquer une datation assez haute, du IIe ou du début du Ier siècle avant notre ère.

Le mobilier de la fosse. Panses d’amphores (42-44) et monnaie à la croix (45)
Fig. 7 Le mobilier de la fosse. Panses d’amphores (42-44) et monnaie à la croix (45)

Datation

Au vu du mobilier retrouvé dans cette fosse, le comblement est assurément du Ier siècle avant notre ère. En effet, la Campanienne A présente un faciès tardif, avec la présence de la plupart des formes caractéristiques du Ier siècle et en particulier de sa première moitié, à l’image des nombreux habitats et nécropoles du Languedoc oriental et de la Provence 23. La présence de quelques formes quasiment inconnues passé le premier quart de ce siècle (Lamb. 33B, Lamb. 27b) ainsi que la rareté des vernis noirs du cercle de la B empêchent d’avancer la datation du comblement trop loin dans le Ier s 24. Au Pech Saint-Vincent, au contraire, les vases du cercle de la B sont déjà très nombreux dans un ensemble qui se situerait vers le deuxième quart du siècle 25. La similarité des assemblages d’amphores avec ce dernier site ainsi que celui des Portes de Bram situé vers la fin du IIe-début du Ier s. avant notre ère, tend à situer cet ensemble dans la première moitié du siècle et probablement plutôt dans le premier quart 26.

L’ensemble d’Agel et le faciès du Minervois oriental

La vaisselle de cette fosse d’Agel présente de nombreuses similitudes avec celle des sites voisins, en particulier le Pech Saint-Vincent à Saint-Jean de Minervois et les Quatre-Chemins de Bize-Minervois où les comparaisons sont les plus nombreuses. On y retrouve une présence assez marquée de récipients locaux et/ou régionaux, telles que les céramiques de tradition celtique et surtout les céramiques non tournées. À leur côté, la vaisselle à vernis noir regroupe quasiment la moitié des individus de cet ensemble. Elle présente un répertoire complet comprenant des assiettes, des coupes (nettement dominantes) et des bols. Ce panel est ponctuellement complété par d’autres productions : une assiette en céramique celtique à pâte grise fine, peut-être aussi une partie des coupes non tournées si toutes n’ont pas une fonction exclusivement culinaire. Il faut signaler que le mobilier de ce silo ne contient aucun vase à verser les liquides (cruches), généralement conçus à cette époque avec des pâtes claires épurées, sauf à penser que les urnes-balustres aient pu jouer ce rôle. Dans les ensembles régionaux contemporains, les cruches sont souvent peu attestées, tel qu’au Pech Saint-Vincent (moins de 2 %) et c’est encore plus perceptible pour les établissements ruraux tels que celui de Bailly à Ouveillan 27 où elles sont peu courantes et ceux des Quatre-Chemins de Bize-Minervois et de Font-de-Donnes à Ventenac d’Aude 28 où elles ne semblent pas attestées.

À Agel, la vaisselle importée est uniquement italique alors que des produits ibériques sont toujours représentés dans les autres ensembles de cette région, en particulier des gobelets monoansés en céramique grise de la côte catalane et des kalathos en céramique ibérique peinte. Il est difficile de savoir s’il s’agit d’un particularisme du site ou bien d’un biais de la documentation disponible. On notera toutefois, en faveur de la première hypothèse, qu’aucun fragment de cette provenance n’a été répertorié lors des collectes de surface effectuées par nos propres soins sur ce site.

En outre, la consommation du vin y est bien attestée puisque les amphores, exclusivement italiques, atteignent environ 30 % des individus du mobilier céramique. Ce taux est tout à fait comparable à celui observé au Pech Saint-Vincent voisin (30,8 %) ainsi que dans l’enclos fossoyé des Portes de Bram, plus à l’ouest 29. Dans le dernier cas, cela a été mis en relation avec la proximité de l’important axe Aude-Garonne et donc avec la facilité que ses habitants avaient de s’approvisionner en produits exogènes. Dans le cas du Pech Saint-Vincent, le besoin éventuel d’un poste de contrôle dans le cadre de l’exploitation minière des contreforts de la Montagne noire (Villeneuve-l’Argentière, Lastours) a été évoqué 30. Cela ne vaut toutefois pas pour l’établissement d’Agel, sans aucun doute à vocation agricole, mais l’on peut aussi ajouter que ce secteur, situé à seulement une vingtaine de kilomètres de Narbonne, est aussi parcouru par une route reliant directement le Biterrois (et Agde ?) à la région de Carcassonne 31, axe qui semble déjà bien en place au début du deuxième âge du Fer 32. Il ne devait donc pas être difficile, dans cette petite région, de se pourvoir en produits importés, en particulier ceux d’Italie.

L’analyse du mobilier céramique de cette petite fosse, quoique modeste, est une nouvelle contribution à l’étude des faciès de consommation de l’arrière-pays narbonnais, à un moment où la culture indigène tend à s’imprégner progressivement des habitudes italiques. Le Minervois oriental de la toute fin de l’âge du Fer, depuis longtemps étudié, bénéficie d’ensembles de mobiliers variés répartis entre habitats ruraux (Bize-Minervois, Ventenac d’Aude, etc.) et sites de hauteur (Mailhac en particulier) pour lesquels il serait important de reprendre des études quantitatives et qualitatives au regard des travaux les plus récents, en particulier le Pech Saint-Vincent mentionné à de multiples reprises dans cette étude et, désormais, cette fosse de l’établissement tardo-républicain de Saint-Symphorien à Agel.

NOTES

1. Rancoule, Guy, « Habitat rural des IIe et Ier siècles en Minervois oriental et en Narbonnais », Bulletin de la Société d’Études Scientifiques de l’Aude, XCII, 1992, p. 71-79 ; Passelac, Michel, « L’habitat rural dispersé à la période gallo-romaine », dans Ournac, Perrine, Passelac, Michel et Rancoule, Guy, Carte Archéologique de la Gaule. 11/2. L’Aude, Paris, p. 96-105.

2. Rancoule, Guy, « Observations sur la diffusion des importations italiques dans l’Aude aux IIe et Ier siècles avant J.-C. », Revue Archéologique de Narbonnaise, 18, 1985, p. 263-275 ; Rancoule, Guy, art. cit, 1992 ; Giry, J., Le Biterrois Narbonnais de la Préhistoire à nos jours, Esméralda éd., 2001 ; Ugolini, Daniela, Olive, Christian, Carte Archéologique de la Gaule. 34/5. Le Biterrois, Paris, 2014, p. 98. Cette étude avait été intégrée, en 2004, au PCR « Les habitats protohistoriques du Languedoc occidental et du Roussillon », sous la coordination de Christian Olive, ingénieur au S.R.A. Languedoc-Roussillon.

3. L’existence de ce mobilier m’a été indiquée par Laurent Savarese (Centre Archéologique de Ruscino). Son accès m’a été grandement facilité par Francis Fages, infatigable animateur du musée de Cruzy ainsi que par Mme Podrewsky, d’Agel. Je les en remercie tous bien vivement.

4. Ugolini, Daniela, Olive, Christian, 2014, op. cit., p. 98.

5. Lamboglia, Nino, « Per una classificazione preliminare della ceramica campana », Actes du Ier congrès international d’études ligures, Monaco-Bordighera-Gênes 10-17 avril 1950, Bordighera, 1952, p. 139-206 ; Morel, Jean-Paul, Céramique campanienne, les formes, Paris, Bibliothèques des Écoles Françaises d’Athènes et de Rome, 2 vol., 1981.

6. Rancoule, Guy, « Ateliers de potiers et céramique indigène au Ier siècle avant J.-C. », Revue Archéologique de Narbonnaise, 3, 1970, p. 33-70.

7. Fouet, Georges, « Puits funéraires d’Aquitaine : Vieille-Toulouse, Montmaurin », Gallia, XVI-fasc. 1, p. 115-196 et notamment p. 131 fig. 13 n° 242.

8. Benquet, Laurence, Gardes, Philippe, « Les dernières phases d’occupation de l’oppidum de Vieille-Toulouse (Haute-Garonne) », SFECAG. Actes du Congrès de l’Escala-Empúries, 2008, p. 535-552.

9. Soit à partir de 60/50-40/30 av. n. è. : Gardes, Philippe, Lemaire Alexandre, Le Dreff Thomas, « L’oppidum de « La Sioutat » à Roquelaure (Gers). Citadelle des Ausques », dans Colin, Anne, Verdin, Florence dir., L’âge du Fer en Aquitaine et sur ses marges, XXXVe Colloque International de l’AFEAF, Bordeaux, 2 au 5 juin 2011, Bordeaux, 2013, p. 219-246 (Aquitania, suppl. 30) et notamment p. 209-210.

10. Benquet, Laurence, Gardes, Philippe, « La culture matérielle des Gaulois de Toulouse (IIe-Ier siècles avant notre ère) : le mobilier céramique », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, 71, 2011, p. 21.

11. Larrieu-Düler, Mary, « Les puits funéraires de Lectoure », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, 38, 1973, p. 47 et fig. 18.

12. Rancoule, Guy, op. cit., 1970, p. 53 et 69.

13. Guy, Max, Forest, Vianney, Girard, Benjamin, Olmer, Fabienne, Sanchez, Corinne, « Le Pech Saint-Vincent (commune d’Aigues-Vives, Hérault) : un site de hauteur du Ier s. av. n. è. en bordure du territoire rutène », Time of changes : in the beginning of the romanization. Acts of the 5th Jornades de Banyoles, Museo arqueològic comarcal de Banyoles, Gerone, 2010, p. 229 fig. 11 n° 2-11.

14. Guy, Max, Forest, Vianney, Girard, Benjamin, Olmer, Fabienne, Sanchez, Corinne, op. cit., 2010.

15. Rancoule, Guy, « Quelques découvertes archéologiques récentes dans le Minervois », Bulletin de la Commission Archéologique de Narbonne, 32, 1970, p. 75 et 78 pl. 4 n° 33.

16. Passelac, Michel, « Sur la voie d’Aquitaine : les amphores d’époque républicaine d’Eburomagus », dans Olmer, Fabienne éd., Itinéraires des vins romains en Gaule. IIIe-Ier siècles avant J.-C. Confrontation de faciès, Lattes, 2013, p. 75-124 (Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, hors série 5).

17. Benquet, Laurence, « Les importations d’amphores au Ier siècle av. J.-C. : le faciès toulousain », dans Olmer, Fabienne éd., Itinéraires des vins romains en Gaule. IIIe-Ier siècles avant J.-C. Confrontation de faciès, Lattes, 2013, p. 139-158 (Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, hors série 5).

18. Étude, par l’auteur, de quelques ensembles, notamment issus du « château d’eau ». Je remercie à cette occasion M.-E. Bellet de m’avoir si volontiers autorisé l’accès aux collections céramiques de l’habitat de cet oppidum déposées au musée d’Ensérune lorsqu’il en était le conservateur.

19. Guy, Max, Forest, Vianney, Girard, Benjamin, Olmer, Fabienne, Sanchez, Corinne, op. cit., 2010, p. 230.

20. Py, Michel, Adroher Auroux, Andrès Maria, Sanchez Corinne, Lattara 14. Dicocer2 Corpus des céramiques de l’Âge du Fer de Lattes (fouilles 1963-1999), Lattes, 2001, tome 1, p. 127 n° 566.

21. Guy, Max, Forest, Vianney, Girard, Benjamin, Olmer, Fabienne, Sanchez, Corinne, op. cit., 2010, p. 229. Les auteurs signalent à ce propos que les pots modelés ont pu aussi faire office de vase de stockage. Il en est probablement de même pour ceux d’Agel, notamment ceux qui présentent le plus grand diamètre d’ouverture (280 mm).

22. Métrologie : Ø : 15 mm ; poids : 3,2 g. Elle appartient au groupe III série III (n° 134-136) de Savès, Georges, Les monnaies gauloises « à la croix » et assimilées du sud-ouest de la Gaule, Toulouse, 1976, p. 144-145. Ce type est connu à Montlaurès et Vieille-Toulouse d’après Py, Michel, Les monnaies préaugustéennes de Lattes et la circulation monétaire protohistorique en Gaule méridionale, Lattara 19, Lattes, 2006, tome 1, p. 518, qui nomme ce type DCR-105, reprenant la classification établie dans Depeyrot, Georges, Le Numéraire Celtique. Volume II, la Gaule des monnaies a la croix, collection Moneta, Wetteren, 2002, p. 104.

23. Arcelin, Patrice, « Les importations de vaisselle italique à vernis noir au Ier siècle avant J.-C. sur la façade méditerranéenne de la Gaule. Nouveaux regards économiques et culturels », La ceràmica de vernís negre dels segles II i I a C : centres productors mediterranis i comercialització a la Península Ibèrica, Table Ronde, Ampurias, 4-5 juin 1998, Mataró, 2000, p. 293-332.

24. Sanchez, Corinne, Narbonne à l’époque tardo-républicaine, chronologie, commerce et artisanat céramique, Montpellier, 2009 (Revue Archéologique de Narbonnaise, suppl. 38), p. 323-327.

25. Guy, Max, Forest, Vianney, Girard, Benjamin, Olmer, Fabienne, Sanchez, Corinne, op. cit., p. 225.

26. La datation du comblement de cette fosse indiquée dans Ugolini, Daniela, Olive, Christian, op. cit., p. 98 et que j’avais dans un premier temps retenue était basée, malgré sa relative incohérence avec d’autres mobiliers – notamment la vaisselle à vernis noir –, sur la présence de l’urne de type CTF-TOUL 2.1 que l’on ne retrouvait alors que dans des contextes tardifs.

27. Lieu-dit « Bailly ». Il s’agit de mobilier retrouvé en surface suite à un défonçage : Bouisset, Paule, « Vestiges protohistoriques de la fin du deuxième âge du Fer à Ouveillan (Aude) », Bulletin de la Société d’Études Scientifiques de l’Aude, t. LXXI, 1971, p. 105-108.

28. Rancoule, Guy, « Vestiges d’habitat et fosse à amphores en Narbonnais », Ogam Tradition Celtique, t. XVI fasc. 4-6, 1964, p. 347-354.

29. Petitot, Hervé, Sanchez, Corinne, avec les contributions de Chardenon, Nathalie, Forest, Vianney, Guerre, Josselyne, Py, Michel, « Contribution à l’étude des habitats ruraux tardo-républicains en Narbonnaise occidentale : un enclos fossoyé à la périphérie d’Eburomagus (Bram, Aude) », Time of changes : in the beginning of the romanization. Acts of the 5th Jornades de Banyoles, Museo arqueològic comarcal de Banyoles, Gerone, 2010, p. 193-194.

30. Guy, Max, Forest, Vianney, Girard, Benjamin, Olmer, Fabienne, Sanchez, Corinne, op. cit., p. 241.

31. Guy, Max, Passelac, Michel, « Les routes », dans Ournac, Perrine, Passelac, Michel et Rancoule, Guy, Carte Archéologique de la Gaule. 11/2. L’Aude, Paris, 2009, p. 54-65.

32. Rancoule, Guy, 2009, op. cit., p. 54-55.