Description
La Crise de 1750 : Fiscalité et Privilège
La crise de 1750 n’a pas échappé à l’analyse historique ; le récit le plus complet se trouve dans l’Histoire de France, publiée sous la direction de Lavisse. Faute d’ouvrage d’égale valeur édité depuis, c’est à cet ouvrage du début du XXe siècle qu’il faut se référer. La crise des années 50 du XVIIIe siècle concerne le Languedoc, comme beaucoup d’autres provinces du Royaume, mais elle y a plus d’importance qu’ailleurs car ce sont les États de Languedoc qui, les premiers, se jettent dans l’opposition à la monarchie au nom de la défense des privilèges, franchises et immunités de la province, menacés par l’initiative fiscale de la monarchie : la création d’un impôt universel de quotité fixé au vingtième du revenu, ce dernier étant connu grâce à une déclaration du contribuable. Voilà donc de quoi justifier la place de cette communication parmi les autres présentées à la journée d’histoire moderne de l’université de Montpellier III consacrée à l’impôt. Cette crise de 1750 dépasse cependant très largement les horizons languedociens et apparaît comme une crise complexe d’ampleur nationale qui crée des conditions politiques nouvelles, fondées sur des alliances souvent étonnantes entre des corps qui, malgré leurs oppositions foncières, s’unissent pour résister au Roi.
Ce que je souhaiterai présenter aujourd’hui est d’abord une approche globale de cette période médiane du XVIIIe siècle, afin de pouvoir ensuite mesurer la gravité de cette crise et en évaluer la portée dans son extension politique dans les espaces géographiques, économiques, sociaux, voire culturels. Ensuite, je souhaite examiner la notion de privilège dans sa définition, dans son extension et dans le lien qui se noue avec la fiscalité. Il me restera à préciser les liens multiples créés entre les notions et concepts de privilèges, privilégiés, fiscalité royale et politique des corps, pour conclure sur le refus de l’impôt comme marque d’identité des privilégiés.
Le 29 Janvier 1743 mourait te cardinal Fleury qui, comme principal ministre pendant presque vingt ans, avait donné à l’enfant-Roi le temps de devenir un homme. Au même titre que Richelieu, que Mazarin, Fleury a assuré les transitions indispensables. La poussée de fièvre de la régence avait été surtout parisienne, elle s’était limitée à quelques milieux de Cour, spécialement celui des Ducs et pairs et au monde spécial de la finance et de l’agiotage pas si étranger au précédent qu’on pourrait le croire. Dans l’ensemble, le royaume, grâce au troisième cardinal ministre avait pu sortir de cinquante ans de règne de Louis XIV sans trop de difficultés. Fleury avait su apaiser les agitations superficielles de l’aristocratie et régularisé les pratiques de la monarchie absolue. Avec le premier ministre anglais Walpole il avait réussi à maintenir la paix en Europe tout en permettant à la maison de Bourbon d’accroître son influence en Italie au détriment de la maison d’Autriche. Le royaume connaît paix et prospérité et d’Argenson, aussi lucide que partial, a raison de souligner à propos de la crise de 1750 que l’on avait « rien vu de tel en France depuis quarante ans ».
Fleury pourtant n’avait pas pu éviter de s’engager dans la guerre de succession d’Autriche ; l’enjeu était de taille en effet : éliminer les Habsbourg et laisser le champ libre pour l’hégémonie de la maison de Bourbon. Commencée par l’invasion de la Silésie par les troupes prussiennes de Frédéric II sans déclaration de guerre, la guerre s’étend peu à peu à toute l’Europe : le territoire français est épargné et la guerre se passe loin des frontières. Après une alternance de victoires et de défaites, la guerre s’achève par le traité d’Aix-la-Chapelle (28 Octobre 1748). Les Habsbourg ne gardent plus en Italie que Milanais et Toscane ; les Bourbons d’Espagne reçoivent Parme et Plaisance et conservent Naples et la Sicile, de quoi assurer un trône à tous les enfants de Philippe V et d’Élisabeth Farnèse. Le Roi de Prusse garde la Silésie. Français et Anglais se rendent réciproquement leurs conquêtes coloniales. La France ne gagne rien, ne perd rien une clause pourtant choque l’opinion : Louis XV reconnaît Georges II comme souverain légitime du royaume d’Angleterre et retire son appui au prince Charles de la maison des Stuarts, descendant de Jacques II, chassé par la révolution de 1688. Le prince Charles, Bonnie, avait, soutenu par le Roi de France, mené une campagne militaire contre Georges II en Écosse et avait été défait à Culloden ; il avait entraîné dans sa chute presque tous les clans des Highlands, massacrés par les Anglais, pendant et après la bataille. Bonnie était réfugié à Paris et l’opinion supporte mal qu’il soit arrêté, saisi, garrotté, mené à la frontière par les soldats du Roi ; on y voit un manquement à l’honneur. Les Parisiens finalement se rendent compte que « l’on s’est battu pour le Roi de Prusse » et que la paix ne règle rien. « Tu es bête comme la paix » lance une dame des Halles à une autre dame des Halles. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1983 |
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Nombre de pages | 6 |
Auteur(s) | Michel PERONNET |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |